Thérèse EJ Carnet Jaune 722

22 juillet


1
Sr Marie du Sacré Coeur lui disait: « Allez! vous êtes soignée avec beaucoup d'amour... »

Oui, je le vois bien... C'est une image de l'amour que le bon Dieu a pour moi. Je ne lui ai jamais donné que de l'amour, alors il me rend de l'amour, et ce n'est pas fini, il m'en rendra davantage bientôt... Je suis bien touchée, c'est comme un rayon au plutôt un éclair au milieu de mes ténèbres...mais seulement comme un éclair


2

Elle me répéta en souriant cette parole que M. Youf lui avaitdite après sa confession:

Si les anges balayaient le Ciel, la poussière serait faite de diamants.

23 juillet


1
On lui parlait d'associations: 71

Je suis si près du Ciel que tout cela me semble triste.


2

L'une de nous lui avait dit et lu quelque chose et pensait l'avoir beaucoup consolée et réjouie dans sa grande épreuve.
N'est-ce pas que votre épreuve a cessé pour un moment?

Non! C'est comme si vous chantiez!


3

Je lui disais toujours cette crainte qui ne me quittait pas de la voir souffrir davantage encore.

Nous qui courons dans la voie de l'Amour, je trouve que nous ne devons pas penser à ce qui peut nous arriver de douloureux dans l'avenir, car alors c'est manquer de confiance et c'est comme se mêler de créer.


4

... Au moment des épreuves de papa, j'avais un désir violent de la souffrance... Un soir que je le savais plus malade, 72 Sr M. des Anges 73 me voyant bien triste, me consolait de son mieux; mais je lui dis: « O ma Sr M. des Anges, je sens que je puis encore souffrir davantage et elle me regarda tout étonnée et me le rappelait souvent depuis.

Sr M. des Anges, en effet, n'a jamais oublié cette soirée. Notre petite sainte encore postulante était près de se coucher, assise sur sa paillasse en chemise de nuit avec ses beaux cheveux sur les épaules. « Son regard, dit-elle, et toute sa personne avaient quelque chose de si noble, de si beau, que je crus voir une vierge du Ciel. »


5

Je me souviens qu'un jour au plus fort de nos épreuves, je rencontrai Sr Marie du S.C. après avoir balayé l'escalier du dortoir ( du côté de la lingerie ). Nous avions la permission de parler et elle m'arrêta. Alors je lui dis que j'avais beaucoup de force et qu'à ce moment je pensais à cette parole de Mme Swetchine qui me pénétrait tellement que j'en étais comme embrasée: « La résignation est encore distincte de la volonté du bon Dieu; il y a la même différence qu'entre l'union et l'unité. Dans l'union, on est encore deux, dans l'unité, on n'est plus qu'un. 74

( Je ne sais si c'est tout à fait textuel )


6

On m'avait obligée de demander la guérison de papa le jour de ma profession 75 mais il me fut impossible de dire autre chose que cela: Mon Dieu, je vous en supplie, que ce soit votre volonté que papa guérisse!


7

... « In te Domine speravi! » 76 Ps 31,2 Au moment de nos grandes peines, que j'étais heureuse de dire ce verset au Choeur!


24 juillet


1
On lui avait envoyé de beaux fruits, mais elle n'en pouvait manger. Elle les prit les uns après les autres comme pour les offrir à quelqu'un et dit:

La Sainte Famille a été bien servie. St Joseph et le petit Jésus ont eu chacun une pêche et deux prunes.

A demi voix, m'interrogeant:

Ce n'est pas bien peut-être, mais je les ai touchés avec satisfaction cela me fait beaucoup de plaisir de toucher aux fruits, surtout aux pêches, 77 et de les voir de près.

Je la rassurai et elle continua:

La Sainte Vierge a eu sa part aussi. Quand on me donne du lait avec du rhum, je l'offre à St. Joseph; je me dis: Oh! que cela va faire de bien au pauvre St Joseph! Au réfectoire, je voyais toujours à qui il fallait donner. Le doux c'était pour le petit Jésus, le fort pour St Joseph, Ia Sainte Vierge n'était pas oubliée non plus. Mais quand je manquais de quelque chose, par exemple quand on oubliait de me passer de la sauce, de la salade, j'étais bien plus contente parce qu'il me semblait donner pour de bon à la Ste Famille, étant privée réellement de ce que j'offrais.


2

... Quand le bon Dieu veut qu'on soit privé de quelque chose, il n'y a pas moyen, il faut en passer par là. Quelquefois Sr Marie du Sacré Coeur posait mon plat de salade si près de Sr Marie de l'Incarnation que je ne pouvais plus le considérer comme à moi, et je n'y touchais pas. Ah! ma petite Mère, et quelle « savate » d'omelette on m'a servie dans ma vie! On croyait que je l'aimais ainsi toute desséchée. Il faudra faire bien attention après ma mort à ne pas donner cette saleté aux pauvres soeurs. 78


25 juillet


1
Je lui disais que je finissais par désirer sa mort pour ne plus la voir tant souffrir.

... Oui mais, il ne faut pas dire cela, ma petite Mère car souffrir c'est justement ce qui me plaît de la vie. 79


2

Est-ce que c'est la saison des pêches tout à fait? Est-ce qu'on crie les pommes dans la rue? Je ne sais plus ce qui se passe. Quand on arrive à son déclin, « On perd la mémoire et la tête. »


3

Mon Oncle lui avait envoyé du raisin. Elle en mangea un peu et dit:

Qu'il est bon ce raisin là! Mais je n'aime pas ce qui me vient de ma famille... Autrefois, quand on m'apportait de sa part des bouquets pour mon petit Jésus, 80 je ne voulais jamais les prendre sans être bien sûre que Notre Mère l'avait dit.


4

Sur sa demande, je lui faisais baiser son Crucifix et le lui présentais comme on le fait d'habitude.

... Ah! mais, moi, c'est la figure que j'embrasse! 81

Regardant ensuite l'image de l'Enfant Jésus ( que Sr M. de la Trinité a rapportée du Carmel de Messine ) 82

Ce petit Jésus là, il semble me dire: « Tu viendras au Ciel, c'est moi qui te le dis! »


5

Où donc est le Voleur maintenant? On n'en parle plus.
Elle répondit en mettant la main sur son coeur:

Il est là! Il est dans mon coeur.


6

Je lui disais que la mort était bien triste en apparence et que j'aurais tant de peine de la voir morte. Elle me répondit d'une voix attendrie:

La Sainte Vierge a bien tenu son Jésus mort sur ses genoux, défiguré, sanglant! C'était autre chose que ce que vous verrez! Ah! je ne sais pas comment elle a fait!... Je suppose qu'on me rapporte à vous en cet état, que deviendriez-vous? Responde mihi?... Mi 6,3 83

7

Après m'avoir confié plusieurs petites choses qu'elle se reprochait, elle me demanda si elle avait offensé le bon Dieu. Je lui répondis simplement que tous ces petits péchés là n'en étaient pas et qu'elle m'avait fait du bien en me les racontant; alors elle parut très touchée et me dit un peu plus tard:

En vous entendant je me suis rappelée le Père Alexis: vos paroles ont pénétré aussi avant dans mon coeur.


8

Et elle se mit à pleurer; j'ai recueilli ses larmes en les essuyant avec un linge fin.
( Sr Geneviève garde cette relique.)
Sr Geneviève lui présentait une petite fleur de géranium qui était depuis longtemps sur la table, afin qu'elle la jette à ses images épinglées au rideau du lit:

... Jamais lancer de petites fleurs fanées... rien que des petites fleurs « fraîches écloses ».


9

On lui proposait une distraction mais trop bruyante.
Elle répondit en souriant:

... Pas de jeux de garçons!... Pas de jeux de petites filles non plus; seulement des jeux de petits anges.


10

... Je regarde le raisin et je me dis: C'est joli ça, et ça a l'air bon. Puis j'en mange un grain, celui-là je ne le donne pas au petit Jésus, c'est lui qui me le donne.


11

Je suis comme un vrai petit enfant pendant ma maladie: je ne pense rien; je suis contente d'aller au Ciel, voilà tout!


12

... La première fois qu'on m'a donné du raisin à l'infirmerie j'ai dit au petit Jésus: Que c'est bon le raisin! Je ne comprends pas que vous attendiez si longtemps pour me prendre, puisque je suis une petite grappe de raisin et qu'on dit que je suis si mûre! 84


13

A propos des directions spirituelles:

... Je pense qu'il faut bien faire attention à ne pas se rechercher car on aurait le coeur blessé ensuite et l'on pourrait dire avec vérité: « Les gardes m'ont enlevé mon manteau, ils m'ont blessé... ce n'est qu'après les avoir dépassés un peu que j'ai trouvé mon Bien-Aimé ». Je pense que, si l'âme avait humblement demandé aux gardes où était son Bien-aimé ils lui auraient indiqué où il se trouvait, mais pour avoir voulu se faire admirer, elle est tombée dans le trouble, elle a perdu la simplicité du coeur. Ct 3,3-4 Ct 5,7


14

...Vous, vous êtes ma lumière.


15

Ecoutez une petite histoire bien risible: Un jour, après ma prise d'habit 85 Sr St Vincent de Paul me voit chez Notre Mère et s'écrie: « Oh! Quelle figure de prospérité! Est-elle forte cette grande fille! Est-elle grosse! » Je m'en allais tout humiliée du compliment quand Sr Madeleine m'arrête devant la cuisine et me dit: « Mais qu'est-ce que vous devenez donc, ma pauvre petite Sr Thérèse de l'Enfant Jésus!I Vous maigrissez à vue d'oeil! Si vous y allez de ce train-là, avec cette mine qui fait trembler, vous ne suivrez pas longtemps la règle! » Je n'en pouvais revenir d'entendre l'une après l'autre des appréciations si opposées. Depuis ce moment je n'ai plus du tout attaché d'importance à l'opinion des créatures et cette impression s'est tellement développée en moi qu'à présent les blâmes, les compliments, tout glisse sur moi sans laisser la plus légère empreinte.


26 juillet


1 J'ai rêvé cette nuit que j'étais dans un bazar avec papa, et là je voyais de jolies petites pelotes blanches qui me tentaient pour mettre mes épingles; mais à la fin je me suis dit qu'on en faisait de pareilles au Carmel et j'ai demandé une petite musique.


2

Elle me dit que vers le 8 Déc. 1892 elle s'était occupée de Sr Marthe; qu'en 1893 elle avait aidé Mère Marie de Gonzague au noviciat et qu'à la dernière élection en 1896 elle s'était vue pour ainsi dire chargée complètement des novices! 86


3

...La vertu brille naturellement, aussitôt qu'elle n'est plus là, je le vois.


27 juillet


1
Elle ne voulait pas que j'oublie les gouttes d'un médicament qui m'avait été ordonné.

...Oh! il faut vous fortifier; 30 gouttes ce soir, n'oubliez pas!


2

Nous vous fatiguons?

Non, parce que vous êtes du monde très gentil.


3

Elle nous raconta en riant qu'elle avait rêvé qu'on la portait au chauffoir 87 entre deux flambeaux pour ta fête de Notre Père. 88


4

La communauté était à la lessive.

...Vers une heure je me suis dit: elles sont bien fatiguées à la lessive! Et j'ai prié le bon Dieu pour qu'il vous soulage toutes, pour que l'ouvrage se fasse dans la paix, dans la charité. Quand je me suis vue si malade, j'ai éprouvé de la joie d'avoir à souffrir comme vous.


5

Le soir elle me rappela la parole de St Jean de la Croix:
« Rompez la toile de cette douce rencontre. » 89 J'ai toujours appliqué cette parole à la mort d'amour que je désire. L'amour n'usera pas la toile de ma vie, il la rompra tout à coup.
Avec quel désir et quelle consolation je me suis répété dès le commencement de ma vie religieuse ces autres paroles de N. P. S. Jean de la Croix: « Il est de la plus haute importance que l'âme s'exerce beaucoup à l'Amour afin que, se consommant rapidement, elle ne s'arrête guère ici-bas mais arrive promptement à voir son Dieu face à face. » 90

En répétant ces dernières paroles elle leva son doigt et prit un air céleste.


6

A propos des difficultés que je prévoyais pour la publication de sa vie.

... Eh bien, je dis comme Jeanne d'Arc: «...Et la volonté de Dieu s'accomplira malgré la jalousie des hommes. » 91


7

Je ne verrai bientôt plus notre petite soeur aimée! Je ne verrai plus que votre petite âme.

Elle est bien
plus belle!

8

- Quand on pense que nous allons vous perdre!

Mais vous ne me perdrez pas... « point fines »!... 92


9

A Sr Geneviève qui pleurait:

« E'voit bien qu'c'est ça » qui lui pend au bout du nez ( la mort « la v'la saisie d'peur » maintenant!


10

Après avoir offert une grappe de raisin à l'Enfanl Jésus:

Je lui ai offert cette grappe là pour lui donner envie de me prendre, parce que je crois que je suis de cette espèce là.

La peau n'était pas dure et il était très doré - Goûtant un grain:

Oui, je suis de cette espèce là...


11

La petite Mère c'est mon téléphone; je n'ai qu'à tendre ma petite oreille quand « é » vient, et « j'sais » tout!


12

... Je ne suis pas égoïste, c'est le bon Dieu que j'aime, c'est pas moi.


13

... Pour la nature, j'aime mieux mourir, mais je ne me réjouis de la mort que parce qu'elle est la volonté du bon Dieu pour moi.


14

Je n'ai jamais demandé au bon Dieu de mourir jeune, je suis donc sûre qu'il n'accomplit en ce moment que sa volonté. 93


15

Elle étouffait 94 et je lui manifestais ma compassion et ma tristesse.

N'ayez pas de peine, allez! Si j'étouffe, le bon Dieu me donnera la force. Je l'aime! Il ne m'abandonnera jamais.


16

Elle me raconta comment elle avait porté longtemps sa petite croix de fer et qu'elle en avait été malade. Elle me dit que ce n'était pas la volonté du bon Dieu sur elle ni sur nous qu'on se jette à de grandes mortifications, que cela lui en avait donné la preuve. 95


17

A propos des frictions qui avaient été ordonnées par le médecin:

Ah! d'être « étrillée » comme je l'ai été, c'est bien pire que n'importe quoi! 96


18

... A partir du 9 juin, j'ai été sûre de mourir bientôt. 97


29 juillet


1 ... Je voudrais m'en aller!

- Où?

« Là-haut, dans le Ciel bleu! » 98


2

Une soeur lui avait rapporté cette réflexion faite en récréation:
« Pourquoi donc parle-t-on de ma Sr Thérèse de l'Enfant Jésus comme d'une sainte?! Elle a pratiqué la vertu, c'est vrai, mais ce n'était pas une vertu acquise par les humiliations, et surtout par les souffrances. » Elle me dit ensuite:

... Et moi qui ai tant souffert dès ma plus tendre enfance! 99 Ah! que cela me fait de bien de voir l'opinion des créatures, au moment de la mort!


3

On avait cru lui faire plaisir en lui apportant un objet 100 et c'est le contraire qui arriva. Elle manifesta du mécontentement, devinant qu'on avait privé quelqu'un de l'objet en question, mais se repenti bientôt et demanda pardon avec larmes.

Oh! je vous demande bien pardon, j'ai agi par nature, priez pour moi!

Et un peu plus tard:

Oh! que je suis heureuse de me voir imparfaite et d'avoir tant besoin de la miséricorde du bon Dieu au moment de la mort!


4

Elle avait craché le sang le matin et à 3 heures de l'après midi.


5

Nous lui exprimions la crainte qu'elle ne meure la nuit.

Je ne mourrai pas la nuit, croyez-le; j'ai eu le désir de ne pas mourir la nuit.


6

Deux jours après l'entrée de Sr M. de la Trinité, 101 on m'a soigné la gorge... Le bon Dieu a permis que les novices m'épuisent. Sr M. de l'Eucharistie m'a dit que cela m'arrivait comme aux prédicateurs.


7

... Pour être m
on historien, il faut vous ménager.

8

Eh bien! « bébé » va donc mourir! Depuis 3 jours, c'est vrai que je souffre beaucoup; ce soir je suis comme en purgatoire.


9

Bien souvent quand je le puis je répète mon offrande à l'Amour. 102


10

Je lui confiais un trouble.

... C'est vous qui avez jeté dans ma petite âme la semence de la confiance, vous ne vous le rappelez donc pas?


11

Je la soutenais pendant qu'on arrangeait ses oreillers.

J'appuie ma tête sur le coeur de ma petite Mère. 103


12

Elle n'avait pas demandé un soulagement, on croyait que c'était par vertu, mais elle n'avait pas songé à se mortifier en cela.
Comme nous admirions son acte:

Je suis lasse de la terre! On fait des compliments quand on n'en mérite pas et des reproches quand on n'en mérite pas non plus. Tout ça!.. tout ça!...


13

Ce qui fait notre humiliation au moment fait ensuite notre gloire même dès cette vie.


14

Je n'ai point de capacité pour jouir, j'ai toujours été comme cela; mais j'en ai une très grande pour souffrir. Autrefois, quand j'avais beaucoup de peine, je ressentais de l'appétit au réfectoire, mais quand j'avais de la joie, c'était le contraire; impossible de manger.


30 juillet


1 Toujours mon corps m'a gênée, je ne me trouvais pas à l'aise dedans... toute petite même, j'en avais honte.


2

Pour lui avoir rendu un petit service.

Merci, « maman! » 104


3

Je n'aurais pas voulu ramasser une épingle pour éviter le purgatoire. Tout ce que j'ai fait c'était pour faire plaisir au bon Dieu, pour lui sauver des âmes.


4

En regardant la photographie des PP. Bellière et Roulland:

Je suis plus gentille qu'eux!


5

On lui promettait de lui acheter des petits chinois.

« C'est pas » des chinois que « j'veux, » « c'est » des nègres! 104


6

Ca m'est amer quand vous ne me regardez pas.


7

Les mouches la tourmentaient beaucoup mais elle ne voulait pas les tuer.

Je leur fais toujours grâce. Elles seules pourtant m'ont fait de la misère pendant ma maladie. Je n'ai qu'elles d'ennemies et comme le bon Dieu a recommandé de pardonner à ses ennemis, je suis contente de trouver cette petite occasion de le faire! Mt 5,43-44


8

C'est bien dur de tant souffrir, cela doit vous empêcher toute pensée?

Non, cela me laisse encore dire au bon Dieu que je l`aime, je trouve que c'est suffisant.


9

Montrant un verre qui contenait un remède très mauvais sous l'aspect d'une délicieuse liqueur de groseilles.

Ce petit verre là c'est l'image de ma vie. Hier Sr Thérèse de St Augustin me disait: « J'espère que vous buvez de la bonne liqueur! » Je lui ai répondu: « O ma Sr Thérèse de St Aug. c'est tout ce que je bois de plus mauvais! » Eh bien ma petite Mère voilà ce qui a paru aux yeux des créatures. Il leur a toujours semblé que je buvais des liqueurs exquises et c'était de l'amertume. Je dis, de l'amertume, mais non! car ma vie n'a pas été amère, parce que j'ai su faire ma joie et ma douceur de toute amertume.


10

Si vous voulez donner un souvenir de moi à Mr de Cornière, faites-lui une image avec ces paroles: « Ce que vous avez fait au plus petit des miens, c'est à moi que vous l'avez fait. » Mt 25,40


11

On lui avait donné un écran, venu du Carmel de Saïgon; elle s'en servait pour chasser les mouches. 106
Comme il faisait très chaud, elle se tourna vers les images épinglées au rideau du lit et se mit à les éventer, et nous ensuite, avec l'écran.

J'évente les saints en place de moi; je vous évente pour vous faire du bien et parce que vous êtes des saintes aussi


12

M. de Cornière avait dit de lui donner 5 ou 6 cuillerées d'eau de Tisserand. Elle demanda à ma Sr Geneviève de ne lui en donner que 5 puis se tournant vers moi:

Toujours le moins, est-ce pas, maman?


13

Ne dites pas à M. Ducellier 107 que je n'en ai plus que pour quelques jours; je ne suis pas encore faible à mourir, et après cela, quand on vit on est bien « capot ». 108


14

( 4 heures ) Elle me souriait après le départ d'une soeur. Je lui dis: Reposez-vous maintenant, fermez les yeux.

... Non, j'aime tant à vous regarder!


15

Je voulais prendre une mouche qui l'importunait.

Qu'est-ce que vous allez lui faire?

Je vais la tuer.

Oh! non, je vous en prie.



16

Voulez-vous me préparer à l'Extrême-Onction.

Avec un sourire en me regardant.

Je pense à rien! Priez le bon Dieu pour que je la reçoive aussi bien qu'on peut la recevoir.


17

Elle me raconta ce que Notre Père lui avait dit avant la cérémonie:

... « Vous allez être comme un petit enfant qui vient de recevoir le baptême. » Puis, il ne m'a parlé que d'amour. Oh! que j'étais touchée!


18

Elle nous montrait ses mains avec respect après l'Extrême Onction.

Je recueillais d'habitude les petites peaux de ses lèvres desséchées; mais ce jour là elle me dit:

J'avale aujourd'hui mes petites peaux parce que j'ai reçu l'Extrême Onction et le saint Viatique.

C'était dans l'après-midi. A peine avait-elle fait une courte action de grâces que plusieurs soeurs vinrent lui parler. Elle me dit le soir:

Comme on est venu me déranger après la Communion! On m'a regardée sous le nez... mais pour ne pas m'agacer j'ai pensé à Notre-Seigneur qui se retirait dans la solitude sans pouvoir empêcher le peuple de l'y suivre. Et il ne le renvoyait pas. J'ai voulu l'imiter en recevant bien les soeurs. Mc 6,32-34


31 juillet


1
On supposait encore un jour de fête pour sa mort. Comme le 6 août la Transfiguration, ou l'Assomption le 15.

Ne parlez pas d'une date, ce sera toujours une fête!


2

Après nous avoir raconté la fable de La Fontaine (1):
«Le meunier et ses trois fils. »

... J'ai deux bottes, mais « j'nai pas cor de sac! » Ça veut dire que « je n'suis » pas près de mourir.

(1) C'est l'histoire du « Chat Botté » non une fable de La Fontaine.


3

On avait descendu sa paillasse pour l'exposer après sa mort.
Elle l'aperçut lorsqu'on ouvrit la porte qui donne dans la cellule à côté de l'infirmerie et s'écria avec joie:

Ah! voilà notre paillasse! Elle va se trouver toute prête pour mettre mon « cadovre ». (sic)

... Mon petit nez a toujours eu de la chance!


4

Comment que bébé fera pour mourir? Mais, de quoi « que je mourrai? »


5

... Oui je volerai... « Y » disparaîtra bien des choses du Ciel que je vous apporterai... Je serai une petite voleuse, je prendrai tout ce qui me plaira...


6

Regardant la statue de la Sainte Vierge et lui désignant du doigt son petit plat: 109

Quand c'est venu cette nuit ( un grand crachement de sang ) je croyais que vous alliez m'emmener!


7

Nous nous étions endormies en la gardant:

... Pierre, Jacques et Jean! Mc 14,33-37


8

... Je vous dis que j'en ai pour longtemps si la Sainte Vierge n'y met pas la main!


9

Aimablement:

... Ne nous « entre-causons » pas, c'est bien assez de « s'entreguigner »! 110


10

« L'Voleur » viendra Et m' « emport'ra » Alleluia!


11

On discutait sur le peu de jours qui lui restaient à vivre.

C'est encore la malade qui sait le mieux! et je sens que j'en ai encore pour longtemps.


12

J'ai pensé qu'il fallait que je sois bien mignonne et que j'attende le Voleur bien gentiment.


13

J'ai trouvé le bonheur et la joie sur la terre, mais uniquement dans la souffrance, car j'ai beaucoup souffert ici-bas; il faudra le faire savoir aux âmes... Depuis ma première - Communion, depuis que j'avais demandé à Jésus de changer pour moi en amertume toutes les consolations de la terre, 111 j'avais un perpétuel désir de souffrir. Je ne pensais pas cependant à en faire ma joie; c'est une grâce qui ne m'a été accordée que plus tard. Jusque là c'était comme une étincelle cachée sous la cendre, et comme les fleurs d'un arbre qui doivent devenir des fruits en leur temps. Mais voyant toujours tomber mes fleurs, c'est-à-dire me laissant aller aux larmes quand je souffrais, je me disais avec étonnement et tristesse: Mais ce ne sera donc jamais que des désirs!


14

Ce soir, quand vous m'avez dit que M. de Cornière croyait que j'en avais encore pour un mois et plus, je n'en revenais pas; c'était une si grande différence avec hier où il disait qu'il fallait m'administrer le jour même! Mais cela m'a laissée dans un calme profond. Qu'est-ce que cela me fait de rester encore longtemps sur la terre! Si je souffre beaucoup et toujours davantage, je n'ai point peur, le bon Dieu me donnera la force, il ne m'abandonnera pas.


15

Si vous vivez encore longtemps, personne n'y comprendra rien.

Qu'est-ce que ça fait! Tout le monde peut bien me mépriser, c'est toujours ce que j'ai désiré; 112 je l'aurai à la fin de ma vie!


16

... Maintenant que le bon Dieu a fait ce qu'il voulait faire, qu'il a trompé tout le monde... Il viendra comme un voleur à l'heure où l'on n'y pensera plus; voilà ma petite idée. Mt 24,43



Août

1er août


1
A propos de la grande grâce qu'elle avait reçue autrefois 1 lorsque son live de messe s'étant fermé sur l'image de Notre Seigneur sur la Croix, ne laissant dépasser qu'une main. Elle me répéta ce qu'elle s'était dit alors:

Oh! je ne veux pas laisser perdre ce sang précieux. Je passerai ma vie à le recueillir pour les âmes.


2

Pendant Matines, à propos du manuscrit de sa vie:

Après ma mort, il ne faudra parler à personne de mon manuscrit avant qu'il soit publié; il ne faudra en parler qu'à Notre Mère. Si vous faîtes autrement, le démon vous tendra plus d'un piège pour gâter l'oeuvre du bon Dieu... une oeuvre bien importante!

NOTE ADJOINTE:
Les Novissima Verba ajoutent ( l'authenticité de ce texte fait question ).

Quelques jours plus tard, lui ayant demandé de relire un passage de son manuscrit qui me semblait incomplet, je la trouvai les yeux pleins de larmes: Comme je lui demandais pourquoi, elle me répondit avec une angélique simplicité:

« Ce que je relis dans ce cahier, c'est si bien mon âme!... Ma Mère, ces pages feront beaucoup de bien. On connaîtra mieux ensuite la douceur du bon Dieu... »

Elle ajouta d'un ton inspiré:

« Ah! je le sais bien, tout le monde m'aimera...»


3

... Je n'écrirai plus maintenant! 2


4

Oh! comme je suis malade!... Car vous savez... avec vous!

Parce qu'elle ne pouvait plus me parler.


5

... Je suis bien abandonnée, j'attendrai tant qu'Il voudra.


6

... Comme le bon Dieu a bien fait de dire: « Il y a plusieurs demeures dans la Maison de mon Père. »


(A propos d'un prêtre très mortifié qui se privait même de soulager d'insupportables démangeaisons)

... Moi, j'aime mieux pratiquer la mortification autrement et pas dans des choses aussi agaçantes; je n'aurais pas pu me retenir ainsi.


7

Il y avait eu un ennui à propos de la glace 3 et j'avais pleuré.
Je lui demandais si j'avais eu tort, elle me répondit pour me consoler:

Vous êtes toujours gracieuse!


8

Pensez-vous à vos frères missionnaires?

Je pensais à eux bien souvent; mais depuis que je suis malade je ne pense pas à grand'chose.


9

Un de ces missionnaires 4 lui avait promis une messe pour elle le jour de Noël 1896. Elle me racontait sa déception lors qu'elle apprit qu'il n'avait pu la dire ce jour là.

... Moi qui m'y étais unie avec tant de bonheur à l'heure même! Ah! tout est incertain sur la terre!


2 août


1
J'ai bien envie de faire garder votre coeur comme celui de Mère Geneviève.

Faites comme vous voudrez!

J'avais changé d'avis parce que la chose me répugnait trop et je le lui disais. Elle en parut plutôt triste. Je devinais sa pensée: Nous nous priverions d'une consolation qu'elle ne nous donnerait pas par miracle, sachant bien qu'elle ne serait pas conservée. Enfin elle me dit:

Vous tergiversez bien trop, ma petite mère, je l'ai remarqué bien des fois dans ma vie...


2

On avait parlé ensemble intimement du peu de cas que l'on fait souvent de la vertu cachée.

... Cela m'a frappée dans la Vie de N. P. St Jean de la Croix dont on disait: « Le frère Jean de la Croix! mais c'est un religieux moins qu'ordinaire! » 5


3

Je n'ai pas de grands désirs du Ciel; je serai bien contente d'y aller, voilà tout!


4

On ne pourra pas dire de moi: « Elle se meurt de ne point mourir. 6 Je vous l'ai déjà dit: pour ma nature, oui, le Ciel! mais la grâce en mon âme a pris beaucoup d'empire sur la nature, et maintenant je ne puis que répéter au bon Dieu:

Longtemps encore, je veux bien vivre, Seigneur, si c'est là ton désir. Dans le Ciel, je voudrais te suivre, Si cela te faisait plaisir. L'Amour, ce feu de la Patrie, Ne cesse de me consumer Que me fait la mort ou la vie? Mon seul bonheur, c'est de t'aimer. 7


5

A Sr Geneviève:

Tout passe en ce monde mortel, 8 même « bébé » mais il reviendra...

Sr Geneviève baisait les pieds du Crucifix.

Vous ne suivez pas la doctrine de « bébé »! Baisez-le bien vite sur les deux joues et faites-vous embrasser.


6

J'éprouve une joie très vive non seulement lorsqu'on me trouve imparfaite, mais surtout de m'y sentir moi-même. Cela surpasse tous les compliments qui m'ennuient.


3 août


1
Comment avez-vous fait pour arriver à cette paix inaltérable qui est votre partage?

Je me suis oubliée et j'ai tâché de ne me rechercher en rien.


2

Je lui disais qu'elle avant dû beaucoup lutter pour arriver à être parfaite.

Oh! ce n'est pas cela!... ( a )

NOTE ADJOINTE
a) Les Novissima Verba ajoutent ( l'authenticité de ce texte fait question ):

Et un peu plus tard:

«La sainteté n'est pas dans telle ou telle pratique, elle consiste en une disposition du coeur qui nous rend humbles et petits entre les bras de Dieu, conscients de notre faiblesse, et confiants jusqu'à l'audace en sa bonté de Père. »


3

Elle avait eu de la peine avec une soeur et me dit d'un air grave et tendre:

Je vous le dis franchement: j'ai besoin de vous voir près de moi dans les derniers jours de ma vie.


4

Mes petites soeurs, priez pour les pauvres malades à la mort. Si vous saviez ce qui se passe! Comme il faudrait peu de chose pour perdre patience! Il faut être charitable pour n'importe lesquelles... Je n'aurais pas cru cela autrefois.


5

Je lui parlais de la mortification sous forme d'instruments de pénitence.

...Il faut être très modéré sur ce point, car il s'y mêle souvent plus de nature qu'autre chose. ( b )

NOTE ADJOINTE
b) Les Novissima Verba ajoutent:
Elle m'avait dit une autre fois à ce propos:

« Dans la vie du B. Henri Suso, un passage m'a frappée relative ment aux pénitences corporelles. Il en avait fait d'effroyables qui avaient ruiné sa santé, quand un ange lui apparut et lui dit de cesser en ajoutant. « Tu n'as encore combattu que comme simple soldat, à présent je vais t'armer chevalier." Et il fit comprendre au saint la supériorité du combat spirituel sur les mortifications de la chair. «Eh bien! ma petite Mère, le bon Dieu n'a pas voulu de moi comme simple soldat, j'ai été tout de suite armée chevalier et je suis partie en guerre contre moi-même dans le domaine spirituel, par l'abnégation, les petits sacrifices cachés; j'ai trouvé la paix et l'humilité dans ce combat obscur où la nature n'a aucune prise. »


6

A nous trois:

Il faut faire bien attention à la régularité. Après un parloir, ne vous arrêtez pas pour parler entre vous, car alors c'est comme chez soi, on ne se prive de rien.

Se tournant vers moi:

Ca ma Mère, c'est le plus utile de tout.


7

Oh! que ma petite épaule est meurtrie, si vous saviez!

On va y mettre de la ouate.

Non, il ne faut pas m'ôter ma petite croix.


8

Il y a longtemps que je souffre, mais de petites souffrances. Depuis le 28 juillet; ce sont de grandes souffrances.


9

On ne comprenait plus rien à la marche de sa maladie et l'une de nous lui dit:
De quoi donc mourrez-vous?

Mais, je mourrai de mort! Le bon Dieu n'a-t-il pas dit à Adam de quoi il mourrait, par ces paroles: « Vous mourrez de mort. » C'est cela tout simplement. Gn 2,17



Thérèse EJ Carnet Jaune 722