Thérèse EJ, Lettres 222

222

LT 222 A Mère Agnès de Jésus.

19 mars 1897

J.M.J.T.


Merci ma petite Mère. Oh! oui Jésus vous aime et moi aussi!... Il vous en donne tous les jours des preuves et pas moi... oui mais quand je serai là-haut, mon petit bras sera tout comme s'il était long et ma petite Mère en saura des nouvelles.

LETTRE 222 bis Décalé hors début de ligne pour la continuité des recherches.

3 avril 1897

CETTE LETTRE RESTE JOINTE A 222.


A Mr Guérin. 1


Thérèse de l'Enfant Jésus qui est la plus petite mais qui n'a pas le moins d'amour!!!
Ce n'est pas vrai, c'est la fièvre que j'ai, tous les jours à 3h, heure militaire.
La petite Thérèse


Notre-Père désire que Thérèse Pougheol entre ici à titre d'essai.



223

LT 223 A Mère Agnès de Jésus.

4-5 avril 1897


J'ai peur d'avoir fait de la peine à ma petite Mère, 1 je l'aime pourtant! oh oui! mais je ne puis lui dire tout ce que je pense, il faut qu'elle le devine.



224

LT 224 A l'Abbé Bellière.

J.M.J.T.

25 Avril 1897


Alleluia.
Mon cher petit frère, 1


Ma plume ou plutôt mon coeur se refuse à vous appeler désormais " monsieur l'Abbé " et notre bonne Mère m'a dit que je pouvais me servir en vous écrivant du nom que j'emploie toujours lorsque je parle de vous à Jésus. Il me semble que ce Divin Sauveur a daigné unir nos âmes pour travailler au salut des pécheurs, comme Il unit autrefois celles du Vble P. de la Colombière et de la Bse Marguerite Marie. Je lisais dernièrement dans la vie de cette sainte: 2 " Un jour que je m'approchais de Notre Seigneur pour le recevoir par la Ste communion, il me montra son Sacré Coeur comme une fournaise ardente et deux autres coeurs (le sien et celui du P. de la Cbière) qui s'y allaient unir et abîmer en me disant: C'est ainsi que mon pur amour unit ces trois coeurs pour toujours. Il me fit entendre encore que cette union était toute pour sa gloire et que pour cela, il voulait que nous fussions comme frère et soeur, également partagés de biens spirituels. Là-dessus, représentant à Notre Seigneur ma pauvreté et l'inégalité qu'il y avait entre un prêtre de si grande vertu et une pauvre pécheresse comme moi, il me dit: (1 v) Les richesses infinies de mon Coeur suppléeront à tout et égaleront tout. "
Peut-être mon Frère, la comparaison ne vous paraît pas juste? Il est vrai que vous n'êtes point encore un P. de la Colombière, mais je ne doute pas qu'un jour vous serez comme lui un véritable apôtre du Christ. Pour moi la pensée ne me vient nullement à l'esprit de me comparer à la Bse Marg. Marie; je constate simplement que Jésus m'a choisie pour être la soeur d'un de ses apôtres et les paroles que la sainte Amante de son Coeur lui adressait par humilité, je les lui répète, moi, en toute vérité; aussi j'espère que ses richesses infinies suppléeront à tout ce qui me manque pour accomplir l'oeuvre qu'Il me confie.
Je suis vraiment heureuse que le bon Dieu se soit servi de mes pauvres vers pour vous faire un peu de bien, j'aurais été confuse de vous les envoyer si je ne m'étais souvenue qu'une soeur ne doit avoir rien de caché pour son frère. C'est bien avec un coeur fraternel que vous les avez accueillis et jugés... Vous avez sans doute été surpris de retrouver: " Vivre d'Amour ", mon intention n'était pas de vous l'envoyer deux fois; j'en avais commencé la copie quand j'ai pensé que vous l'aviez déjà, il était trop tard pour m'arrêter.
Mon cher petit Frère, je dois vous avouer que dans votre lettre il est une chose qui m'a causé de la peine, c'est que vous ne me connaissez pas telle que je suis en réalité. Il est vrai que pour trouver de grandes âmes il faut venir au Carmel; ainsi que dans les forêts vierges, il y germe des fleurs d'un parfum et d'un éclat inconnus au monde. Jésus dans sa miséricorde a voulu que parmi ces fleurs, il en croisse de plus petites, jamais je ne pourrai l'en remercier assez car (2r ) c'est grâce à cette condescendance que moi, pauvre fleur sans éclat, je me trouve dans le même parterre que les roses mes soeurs. O mon Frère! je vous en prie croyez-moi, le bon Dieu ne vous a pas donné pour soeur une grande âme, mais une toute petite et très imparfaite.
Ne croyez pas que ce soit l'humilité qui m'empêche de reconnaître les dons du bon Dieu, je sais qu'Il a fait en moi de grandes choses 3 et je le chante chaque jour avec bonheur Lc 1,49. Je me souviens que celui-là doit aimer davantage à qui l'on a plus remis, Lc 7,47 aussi je tâche de faire que ma vie soit un acte d'amour et je ne m'inquiète plus d'être une petite âme, au contraire je m'en réjouis; Voilà pourquoi j'ose espérer que "mon exil sera court " 4 mais ce n'est pas parce que je suis prête; je sens que je ne le serai jamais si le Seigneur ne daigne me transformer Lui-Même; Il peut le faire en un instant; après toutes les grâces dont Il m'a comblée j'attends encore celle-là de sa miséricorde infinie.
Vous me dites, mon frère, de demander pour vous la grâce du martyre; cette grâce, je l'ai bien souvent sollicitée pour moi, mais je n'en suis pas digne et vraiment on peut dire avec St Paul: Ce n'est pas l'ouvrage de celui qui veut ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde. 5 Rm 9,16 Puisque le Seigneur semble ne vouloir m'accorder que le martyre de l'amour, j'espère qu'Il me permettra par vous de cueillir l'autre palme que nous ambitionnons. Je vois avec plaisir que le bon Dieu nous a donné les mêmes attraits, les mêmes désirs. Je vous ai fait sourire, mon cher petit Frère, en chantant " mes Armes ", eh bien! je vais vous faire sourire encore en vous disant que j'ai, (2v ) dans mon enfance, rêvé de combattre sur les champs de bataille... Lorsque je commençais à apprendre l'histoire de France, le récit des exploits de Jeanne d'Arc me ravissait; je sentais en mon coeur le désir et le courage de l'imiter, il me semblait que le Seigneur me destinait aussi à de grandes choses. 6 Je ne me trompais pas, mais au lieu de voix du Ciel m'invitant au combat, j'entendis au fond de mon âme une voix plus douce, plus forte encore, celle de l'époux des vierges qui m'appelait à d'autres exploits, à des conquêtes plus glorieuses et dans la solitude du Carmel j'ai compris que ma mission n'était pas de faire couronner un roi mortel mais de faire aimer le Roi du Ciel, de lui soumettre le royaume des coeurs.
Il est temps que je m'arrête, et cependant je dois encore vous remercier des dates que vous m'envoyez, je voudrais bien que vous joigniez aussi les années car je ne sais pas votre âge. Afin que vous excusiez ma simplicité, je vous envoie les dates mémorables de ma vie et c'est aussi dans l'intention que nous soyons particulièrement unis par la prière et la reconnaissance en ces jours bénis.
Si le bon Dieu me donne une petite filleule, je serai très heureuse de répondre à votre désir en lui donnant pour protecteurs la Ste Vierge, St Joseph et ma Ste Patronne.
Enfin, mon cher petit Frère, je termine en vous priant d'excuser mon long griffonnage et le décousu de ma lettre.
Dans le Sacré Coeur de Jésus je suis pour l'éternité

Votre indigne petite soeur

Thérèse de l'Enfant Jésus de la Ste Face

rel. carm. ind.

(2r tv) (Il est bien entendu, n'est-ce pas, que nos rapports resteront secrets? Personne excepté votre Directeur ne doit connaître l'union que Jésus a formée entre nos âmes.)



225

LT 225 A soeur Anne du Sacré-Coeur.

J.M.J.T.

2 Mai. Fête du Bon Pasteur 1897

Jésus +


Ma bien chère soeur,


Vous allez sans doute être bien surprise de recevoir une lettre de moi. Afin que vous me pardonniez de venir troubler le silence de votre solitude, je vais vous dire comment il se fait que j'ai le plaisir de vous écrire. La dernière fois que je suis allée en direction avec notre bonne Mère, nous avons parlé de vous et du cher carmel de Saïgon. Notre-Mère m'a dit qu'elle me permettait de vous écrire si cela me faisait plaisir. C'est avec joie que j'ai accepté cette proposition et je profite de la licence 1 du Bon Pasteur pour venir m'entretenir quelques instants avec vous.
J'espère, ma chère Soeur, que vous ne m'aurez pas oubliée; pour moi je pense bien souvent à vous, je me rappelle avec bonheur les années que j'ai passées en votre compagnie, et vous le savez, pour une carmélite, penser à une personne que l'on aime c'est prier pour elle. Je demande au Bon Dieu de vous combler de ses grâces et d'augmenter chaque jour en votre coeur son saint amour, je ne doute pas cependant que vous possédiez cet amour à un degré éminent. L'ardent soleil de Saïgon n'est rien en comparaison du feu qui brûle dans votre âme. O ma soeur! je vous en prie, demandez à Jésus que moi aussi je l'aime et que je le fasse aimer; je voudrais l'aimer non d'un amour ordinaire mais comme les Saints qui faisaient pour Lui des folies. Hélas! que je suis loin de leur ressembler!...
Demandez encore à Jésus que je fasse toujours sa volonté, pour cela je suis prête à traverser le monde... 2 et je suis prête aussi à mourir!
Le silence 3 va finir tout à l'heure, il faut que je termine ma lettre et je vois que je (2r ) ne vous ai encore rien dit d'intéressant, heureusement que les lettres de nos Mères sont là pour vous donner toutes les nouvelles de notre carmel. Notre licence a été bien courte, mais si cela ne vous ennuie pas, je viendrai m'entretenir plus longtemps avec vous une autre fois.
Veuillez, ma bien chère Soeur, offrir mon respectueux et filial respect à votre Révérende Mère, 4 elle ne me connaît pas, mais moi j'entends souvent parler d'elle à notre bonne Mère, je l'aime et je prie Jésus de la consoler dans ses épreuves.
Je vous quitte, ma chère Soeur, en vous restant bien unie dans le Coeur de Jésus, là je suis heureuse de me dire pour toujours:

Votre toute petite soeur

Thérèse de l'Enfant Jésus de la Ste Face

rel. carm. ind.




226

LT 226 Au Père Roulland.

J.M.J.T.

Carmel de Lisieux

9 Mai 1897


Mon Frère


J'ai reçu avec joie ou plutôt avec émotion les reliques que vous avez bien voulu m'envoyer, 1 votre lettre est presque une lettre d'au revoir pour le Ciel, il me semblait en la lisant entendre le récit des épreuves de vos ancêtres dans l'apostolat.
Sur cette terre où tout change, une seule chose reste stable, c'est la conduite du Roi des cieux à l'égard de ses amis; depuis qu'Il a levé l'étendard de la Croix, c'est à son ombre que tous doivent combattre et remporter la victoire: " Toute vie de Missionnaire est féconde en Croix " disait Th. Vénard, et encore: " Le vrai bonheur est de souffrir. Et pour vivre il nous faut mourir. "
Mon Frère, les débuts de votre apostolat sont marqués du sceau de la croix, le Seigneur vous traite en privilégié; c'est bien plus par la persécution et par la souffrance que par de brillantes prédications qu'il veut affermir son règne dans les âmes. - Vous dites: " Je suis encore un petit enfant qui ne sait pas parler. " 2 Le P. Mazel qui fut ordonné prêtre le même jour que vous, ne savait pas parler non plus cependant il a déjà cueilli la palme... 3 Oh! que les pensées divines sont au dessus des nôtres!..
Is 55,8-9 En apprenant la mort de ce jeune missionnaire que j'entendais nommer pour la première fois, je me suis sentie portée à l'invoquer, il me semblait le voir au Ciel dans le glorieux choeur des Martyrs. Je le sais, aux yeux des hommes son martyre ne porte pas ce nom, mais au regard du bon Dieu ce sacrifice sans gloire n'est pas moins fécond que ceux des premiers chrétiens qui confessèrent leur foi devant les tribunaux. La persécution a changé de forme, les apôtres du Christ n'ont pas changé de sentiments, aussi leur Divin Maître ne saurait changer ses récompenses à moins que ce ne soit pour les augmenter en comparaison de la gloire qui leur est refusée ici-bas. Je ne comprends pas, mon frère, que vous paraissiez douter de votre entrée immédiate au Ciel si les infidèles vous ôtaient la vie. ( je sais qu'il faut être bien pur pour paraître devant le Dieu de toute Sainteté, mais je sais aussi que le Seigneur est infiniment Juste et c'est cette justice qui effraye tant d'âmes qui fait le sujet de ma joie et de ma confiance. Etre juste, ce n'est pas seulement exercer la sévérité pour punir les coupables, c'est encore reconnaître les intentions droites et récompenser la vertu. J'espère autant de la justice du Bon Dieu que de sa miséricorde. C'est parce qu'il est juste qu'il est compatissant et rempli de douceur, lent à punir et abondant en miséricorde. Ps 102,8 Car il connaît notre fragilité, Ps 102,14 Il se souvient que nous ne sommes que poussière. Ps 103,13 Comme un Père a de la tendresse pour ses enfants ainsi le Seigneur a compassion de nous "... 4 O mon Frère, en entendant ces belles et consolantes paroles du Prophète-Roi, comment douter que le Bon Dieu ne puisse ouvrir les portes de son royaume à ses enfants qui l'ont aimé jusqu'à tout sacrifier pour Lui, qui non seulement ont quitté leur famille et leur patrie pour le faire connaître et aimer, mais encore désirent donner leur vie pour Celui qu'ils aiment... Jésus avait bien raison de dire qu'il n'y a pas de plus grand amour que celui-la! Jn 15,13 Comment donc se laisserait-Il vaincre en générosité? Comment purifierait-Il dans les flammes du purgatoire des âmes consumées des feux de l'amour divin? Il est vrai que nulle vie humaine n'est exempte de fautes, seule la Vierge Immaculée se présente absolument pure devant la Majesté-Divine.. Quelle joie de penser que cette Vierge est notre mère! Puisqu'elle nous aime et qu'elle connaît notre faiblesse, qu'avons nous à craindre.
Voici bien des phrases pour exprimer ma pensée ou plutôt pour ne pas arriver à le faire, je voulais simplement dire qu'il me semble que tous les missionnaires sont "martyrs" par le désir et la volonté, et que par conséquent pas un ne devrait aller en purgatoire. S'il. reste dans leur âme au moment de paraître devant Dieu quelque trace de la faiblesse humaine, là Ste Vierge leur obtient la grâce de faire an acte d'amour parfait et puis leur donne la palme et la couronne qu'ils ont si bien méritées.
- Voilà mon Frère, ce que je pense de la justice du bon Dieu ma voie est toute de confiance et d'amour, je ne comprends pas les âmes qui ont peur d'un si tendre Ami. Parfois lorsque (2r ) je lis certains traités spirituels où la perfection est montrée à travers mille entraves, environnée d'une foule d'illusions, mon pauvre petit esprit se fatigue bien vite, je ferme le savant livre qui me casse la tête et me dessèche le coeur et je prends l'Ecriture Sainte. Alors tout me semble lumineux une seule parole découvre à mon âme des horizons infinis, la perfection me semble facile, je vois qu'il suffit de reconnaître son néant et de s'abandonner comme un enfant dans les bras du Bon Dieu. Laissant aux grandes âmes, aux grands esprits les beaux livres que je ne puis comprendre, encore moins mettre en pratique, je me réjouis d'être petite puisque les enfants seuls et ceux qui leur ressemblent seront admis au banquet céleste. Mc 10,14 Je suis bien heureuse qu'il y ait plusieurs demeures dans le royaume de Dieu, Jn 14,2 car s'il n'y avait que celle dont la description et le chemin me semblent incompréhensibles, je ne pourrais y entrer. Je voudrais bien cependant n'être pas trop éloignée de votre demeure; en considération de vos mérites, j'espère que le bon Dieu me fera la grâce de participer à votre gloire, de même que sur la terre la soeur d'un conquérant, serait-elle dépourvue des dons de la nature, participe malgré sa pauvreté aux honneurs rendus à son frère.
Le premier acte de votre ministère en Chine m'a semblé ravissant. La petite fille dont vous avez béni la dépouille mortelle devait en effet vous sourire et vous promettre sa protection ainsi qu'aux vôtres. Combien je vous remercie de me compter parmi eux! Je suis aussi profondément touchée et reconnaissante du souvenir que vous avez à la Sainte messe pour mes parents chéris. J'espère qu'ils sont maintenant en possession du Ciel vers lequel tendaient toutes leurs actions et leurs désirs, cela ne m'empêche pas de prier pour eux, car il me semble que les âmes bienheureuses reçoivent une grande gloire des prières qui sont faites à leur intention et dont elles peuvent disposer pour d'autres âmes souffrantes.
Si, comme je le crois, mon père et ma mère sont au Ciel, ils doivent regarder et bénir le frère que Jésus m'a donné. Ils avaient tant désirée un fils missionnaire!... On m'a raconté qu'avant ma naissance, mes parents espéraient que leur voeu allait enfin se réaliser. S'ils avaient pu pénétrer le voile de l'avenir, ils auraient vu que c'était en effet par moi que leur désir serait accompli; puisqu'un missionnaire est devenu mon frère, il est aussi leur fils, et dans leurs prières ils ne peuvent séparer le frère de son indigne soeur.
(2v ) Vous priez, mon Frère, pour mes parents qui sont au ciel, moi je prie souvent pour les vôtres qui sont encore sur la terre, c'est pour moi une bien douce obligation et je vous promets d'être toujours fidèle à la remplir, même si je quitte l'exil et plus encore peut-être puisque je connaîtrai mieux les grâces qui leur seront nécessaires; et puis, lorsque leur course ici-bas sera finie, je viendrai les chercher en votre nom et les introduirai au Ciel. Qu'elle sera douce la vie de famille dont nous jouirons pendant toute l'éternité!
En attendant cette bienheureuse éternité, qui dans peu de temps s'ouvrira pour nous, puisque la vie n'est qu'un jour, travaillons ensemble au salut des âmes; moi je puis faire bien peu de chose, ou plutôt absolument rien si j'étais seule, ce qui me console c'est de penser qu'à vos cotés je puis servir à quelque chose; en effet le zéro par lui-même n'a pas de valeur, mais placé prés de l'unité il devient puissant, pourvu toutefois qu'il se mette du bon côté, après et non pas avant!... C'est bien là que Jésus m'a placée et j'espère y rester toujours, en vous suivant de loin, par la prière et le sacrifice.
Si j'écoutais mon coeur je ne terminerais pas ma lettre aujourd'hui mais la fin du silence va sonner, 5 il faut que je porte ma lettre à notre bonne Mère qui l'attend.
Je vous prie donc, mon Frère, de bien vouloir envoyer votre bénédiction au petit zéro que le Bon Dieu a placé près de vous.

Sr Thérèse de l'Enfant Jésus de la Ste F.

rel. carm. ind.




227

LT 227 A Sr Geneviève.

13 mai 1897


Jésus est content de la petite Céline à laquelle Il s'est donné pour la 1re fois il y a 13 ans; 1 il est plus fier de ce qu'Il a fait dans son âme, (v ) de sa petitesse, de sa pauvreté, qu'Il n'est fier d'avoir créé les millions de soleils et l'étendue des Cieux!...



228

LT 228 A Sr Geneviève.

Avril-mai 1897 (?)


J.M.J.T.


J'ai peur que Notre Mère ne soit pas contente, elle tient beaucoup aux frictions, 1 surtout dans le dos Si Mr Clodion 2 vient dimanche agiter sa longue chevelure dans mon dos, il se demandera pourquoi l'on n'a point fait ce qu'il avait dit... Peut-être vaudrait-il mieux attendre à lundi; enfin Pauvre, Pauvre, 3 faites comme vous voudrez, tout sera prêt demain. Surtout ne parlez pas à ce Pauvre Mr, 4 opérez comme bon vous semblera et souvenez-vous que nous devons être " riches, trais (orth. sic) riches " tous les deux!... 5



229

LT 229 A Mère Agnès de Jésus.

23 mai 1897


J.M.J.T.


J'ai bien peur d'avoir fait de la peine à ma petite Mère... 1 Ah! moi qui voudrais être sa petite joie, je sens bien que je suis au contraire sa petite peine...
Oui, mais! quand je serai loin de cette triste terre où les fleurs se flétrissent, où les oiseaux s'envolent, je serai tout près de ma Mère chérie, de l'Ange que Jésus a envoyé devant moi pour me préparer le chemin, la voie qui conduit au ciel, Ex 23,20 l'ascenseur 2 qui devait m'élever sans fatigue vers les régions infinies de l'amour... Oui je serai tout près d'elle et sans quitter la Patrie, car ce n'est pas moi qui descendrai, c'est ma petite Mère qui montera là où je serai... Oh! si je savais comme elle exprimer ce que je pense, si je savais lui dire combien mon coeur déborde de reconnaissance et d'amour pour elle, je crois que je serais déjà sa petite joie même avant d'être loin de la triste terre.
Petite Mère chérie, le bien que vous avez fait à mon âme c'est à Jésus que vous l'avez fait car Il a dit: Ce que vous ferez au plus petit d'entre les miens c'est à moi que vous l'aurez fait... Mt 25,40 Et c'est moi qui suis le plus petit... 3




230

LT 230 A Mère Agnès de Jésus.

28 mai l897

J.M.J.T.


Petite Mère chérie, votre petite fille a encore versé de douces larmes tout à l'heure, des larmes de repentir mais encore plus de reconnaissance et d'amour... Ah! ce soir, je vous ai montré ma vertu, mes TRÉSORS de patience!... Et moi qui prêche si bien les autres!!! Je suis contente que vous ayez vu mon imperfection. 1 Ah! que cela me fait de bien d'avoir été méchante!... Vous n'avez pas grondé votre petite fille, cependant elle le méritait, mais à cela la petite fille est habitué et votre douceur lui en dit plus long que des paroles sévères, vous êtes pour elle l'image de la miséricorde du bon Dieu. Oui mais... Sr St J. Baptiste au contraire est ordinairement l'image de la sévérité du bon Dieu, eh bien! je viens de la rencontrer, au lieu de passer froidement à côte de moi, elle m'a embrassée en me disant (absolument comme si j'avais été la plus mignonne petite fille du monde): " Pauvre petite soeur, vous m'avez fait pitié, je ne veux pas vous fatiguer, j'ai eu tort, etc., etc. " Moi qui sentais en mon coeur la contrition parfaite, je n'en revenais pas qu'elle ne me fasse aucun reproche. Je sais bien que dans le fond elle doit me trouver imparfaite, c'est parce qu'elle croit que je vais mourir qu'elle m'a ainsi parlé mais n'importe, je n'ai entendu que des paroles douces et tendres sortir de sa bouche, alors je l'ai trouvée bien bonne et moi bien méchante... En rentrant dans notre cellule, je me demandais ce que Jésus pensait de moi; je me suis rappelé ces paroles qu'il adressa un jour à la femme adultère: " Quelqu'un t'a-t-il condamnée?..." Jn 8,10-11 Et moi, les larmes aux yeux, je lui ai répondu:" Personne, Seigneur... ni ma petite Mère image de votre tendresse, ni ma Sr St Jean B. image de votre justice, et je sens bien que je puis aller en paix, car vous ne me condamneriez pas non plus!..."
Petite Mère, pourquoi donc le Bon Jésus est-il si doux envers moi? Pourquoi ne me gronde-t-il jamais?... Ah! vraiment il y a de quoi mourir de reconnaissance et d'amour!...
(v ) Je suis bien plus heureuse d'avoir été imparfaite que si soutenue par la grâce, j'avais été un modèle de douceur... Cela me fait tant de bien de voir que Jésus est toujours aussi doux, aussi tendre envers moi!... Ah! dès à présent je le reconnais; oui toutes mes espérances seront comblées... oui le Seigneur fera pour nous des merveilles qui surpasseront infiniment nos immenses désirs!...
Petite Mère, Jésus fait bien de se cacher, de ne me parler que de temps en temps et encore " à travers les barreaux " (cant. des cant.) Ct 2,9 car je sens bien que je ne pourrais en supporter davantage, mon coeur se briserait étant impuissant à contenir tant de bonheur... Ah! vous le doux Echo de mon âme, vous comprendrez que ce soir le vase de la miséricorde Divine a débordé pour moi!... vous comprendrez que vous avez été et que vous seres toujours l'Ange chargé de me conduire et de m'annoncer les miséricordes du Seigneur!...

Votre toute petite fille


Thérèse de l'Enfant Jésus de la Ste Face

rel. carm. ind.





231

LT 231 A Mère Agnès de Jésus.

30 Mai 97


J.M.J.T.


N'ayez pas de peine, ma petite Mère chérie, que votre petite fille ait semblé vous cacher quelque chose, je dis semblé car vous le savez bien, si elle a caché un petit coin de l'enveloppe, 1 elle ne vous a jamais caché une seule ligne de la lettre, et qui donc la connaît mieux que vous, cette petite lettre que vous aimez tant? Aux autres on peut bien montrer l'enveloppe de tous les côtés puisqu'elles ne peuvent voir que cela mais à vous!!!... Oh! petite Mère vous savez maintenant que c'est le Vendredi Saint 2 que Jésus a commencé à déchirer un peu l'enveloppe de votre petite lettre, n'êtes-vous pas contente qu'Il s'apprête à la lire, cette lettre que vous écrivez depuis 24 ans?! Ah?! Si vous saviez comme elle saura bien lui dire votre amour pendant toute l'Eternité. 3



232

LT 232 A Mère Agnès de Jésus.

30 mai 1897

(2e petit mot)

J.M.J.T.


J'ai mis mon 1er petit mot dans la main de Sr Geneviève 1 comme elle me donnait le vôtre, gai raigrette (orth. sic) 2 maintenant d'avoir mis ma missive à la poste, mais je vais payer un double port pour vous dire que je comprends bien votre chagrin. Je désirais plus que vous peut-être ne rien vous cacher, mais il me semblait qu'il fallait attendre, si j'ai mal fait pardonnez-moi et croyez que "jamais" je n'ai manqué de confiance en vous!... Ah! je vous aime trop pour cela!... Je suis bien contente que vous ayez deviné avec moi - Je ne me rappelle pas avoir caché autre chose de l'enveloppe à ma petite Mère et je la supplie après ma mort de ne point croire ce qu'on pourra lui dire. Oh! ma petite Mère, la lettre est à vous, je vous en prie, continuez de l'écrire jusqu'au jour où Jésus déchirera complètement la petite enveloppe qui vous fait tant de chagrin depuis qu'elle est faite!... 3



233

LT 233 A Mère Agnès de Jésus.

1er juin 1897

J.M.J.T.


C'est par trop touchant, par trop mélodieux!.. J'aime mieux me taire que d'essayer à chanter ce qui se passe dans ma petite âme!.
. Merci petite Mère!... 1


234

LT 234 A Soeur Marie de l'Eucharistie.

2 juin 1897,


A ma petite Soeur chérie, 1 souvenir du beau jour où l'époux de son âme daigne poser son signe sur le front 2 qu'Il s'apprête à coroner un jour devant tous les Elus...
Autrefois le Ciel entier se réunit le 2 Juin, afin de contempler ce mystère d'amour: Jésus, le doux Jésus de l'Eucharistie se donnant pour la première fois à Marie. 3 Il est là encore aujourd'hui ce beau Ciel composé des Anges et des Saints, il est là, contemplant avec ravissement: Marie se donnant à Jésus devant le monde étonné d'un sacrifice qu'il ne comprend pas. Ah! s'il avait compris le regard que Jésus abaissa sur Marie au jour de sa première visite; il comprendrait aussi le signe mystérieux qu'elle veut recevoir aujourd'hui de Celui qui l'a blessée d'amour... Ce n'est plus le gracieux voile aux longs plis neigeux qui doit envelopper Marie de l'Eucharistie, c'est un sombre voile qui rappelle à l'Epouse de Jésus qu'elle est exilée, que son Epoux n'est point un Epoux qui doit la conduire dans les fêtes, mais sur la montagne du Calvaire. Désormais, Marie ne doit plus rien regarder ici-bas, rien que le Dieu Miséricordieux, le Jésus de l'Eucharistie!...

La petite Sr Thérèse de l'Enfant Jésus de la Ste Face

rel.carm ind.




235

LT 235 A Sr Marie de l'Eucharistie.

1
2 juin 1897


Souvenir du beau jour de la prise de voile de ma petite Soeur chérie.
Que le Petit Jésus de Thérèse caresse toujours Marie de l'Eucharistie.



236

LT 236 A Sr Marie de la Trinité.

2 juin 1897


Le bon Dieu veut que vous supportiez seule votre épreuve, 1 Il le prouve de bien des manières... Mais ma chère petite p. 2 je souffre avec vous!!!... et je vous aime beaucoup...

(v ) N'ayez pas de peine, j'irai vous trouver qq minutes demain matin, et le lendemain du lavage j'irai avec vous aux pains. 3



237

LT 237 A Mère Agnès de Jésus.

2 juin 1897


Non, la petite colombe ne veut pas quitter sa petite Mère, 1 elle veut toujours voler et se reposer dans le ravissant petit monde (v ) de son coeur - Ps 54,7 Demain je dirai merci à ma petite Mère, je ne dis rien ce soir pour ne pas lui crever le coeur et parce qu'il est trop tard. Bébé va faire dodo. 2



238

LT 238 A Léonie.

1
3 juin 1897


Chère petite soeur, qu'il m'est doux de penser qu'un jour nous suivrons ensemble l'Agneau Ap 14,4 pendant toute l'éternité!
..
Souvenir du 3 Juin 1897

Sr Thérèse de l'Enfant Jésus de la Ste Face

rel. carm. ind.




239

LT 239 A Mère Agnès de Jésus.

1
3 juin (?) 1897


Il faut que je marche jusqu'à mon dernier instant. c'est lui qui finira mon tourment - Comme le pauvre Juif errant. 2



240

LT 240 A soeur Marie de la Trinité.

3 (?) juin 1897


J.M. J.T.


Petite fleur chérie de Jésus, j'ai très bien compris tout, sachez qu'il n'est pas nécessaire que vous m'en disiez long, le petit oeil qui se trouve dans votre calice m'indique ce que je dois penser de toute la petite fleur!... 1 Je suis bien contente, bien consolée, mais il ne faut plus avoir envie de manger de la terre, il faut que le myosotis entrouvre ou plutôt élève sa corolle afin que le Pain des Anges vienne comme une Rosée Divine la fortifier et lui donner tout ce qui lui manque. 2 Bonsoir, pauvre fleurette, croyez que je vous aime plus que vous ne le supposez!...




241

LT 241 A soeur Marthe de Jésus.

Juin 1897 (?)

J.M.J.T.


Petite Soeur chérie, oui j'ai tout compris... Je prie Jésus de faire luire sur votre âme le soleil de sa grâce, ah! ne craignez pas de lui dire que vous l'aimez, même sans le sentir, c'est le moyen de forcer Jésus à vous secourir, à vous porter comme un petit enfant trop faible pour marcher.
C'est une grande épreuve de voir tout en noir, mais cela ne dépend pas de vous complètement, faites ce que vous pourrez, détachez votre coeur des soucis de la terre et surtout des créatures, puis soyez sûre que Jésus fera le reste, il ne pourra permettre que vous tombiez dans le bourbier redouté... Consolez-vous, petite soeur chérie, au Ciel vous ne verrez plus tout en noir mais tout en blanc... Oui, tout sera revêtu de la blancheur Divine de notre Epoux, le Lys des vallées. Ct 2,1 Ensemble nous le suivrons partout où il ira... Ap 14,4 Ah! profitons du court instant de la vie... ensemble faisons plaisir à Jésus, sauvons-lui des âmes, par nos sacrifices... Surtout, soyons petites, si petites que tout le monde puisse nous fouler aux pieds, 1 sans même que nous ayons l'air de le sentir et d'en souffrir... A bientôt, petite soeur chérie, je me réjouis de vous voir...



242

LT 242 A soeur Marie de la Trinité.

J.M.J.T.

6 Juin 1897

Jésus +


Ma chère petite soeur, votre jolie petite lettre me réjouit l'âme, je vois bien que je ne me suis pas trompée en pensant que le Bon Dieu vous appelle à être une grande sainte tout en étant petite et le devenant chaque jour davantage. - Je comprends très bien votre peine de ne plus pouvoir me parler mais soyez sûre que je souffre aussi de mon impuissance et que jamais je n'ai si bien senti que vous tenez une place immense dans mon cour!...
Une chose qui me fait plaisir c'est de constater que la tristesse ne vous rend pas mélancolique, je n'ai pas pu (v ) m'empêcher de rire en lisant la fin de votre lettre, ah! c'est comme cela que vous vous moquez de moi? et qui donc vous a parlé de mes écritures, 1 à quels in-folio faites-vous allusion? Je vois bien que vous plaidez le faux pour savoir le vrai, eh bien vous le saurez un jour, si ce n'est pas sur; la terre ce sera au Ciel, mais bien sûr que cela ne vous inquiétera guère, nous aurons autre chose à penser alors.
.. Vous voulez savoir si j'ai de la joie d'aller au Paradis? J'en aurais beaucoup si j'y allais, mais... je ne compte pas sur la maladie, c'est une trop lente conductrice. Je ne compte plus que sur l'amour, demandez au Bon Jésus que toutes les prières qui sont faites pour moi servent à augmenter le Feu qui doit me consumer... (v tv) Je crois que vous n'allez pas pouvoir lire, gai raigrette, (orth. sic) 2 mais je n'avais que quelques minutes.




Thérèse EJ, Lettres 222