Sales, Controverses 266


ARTICLE VII

DE QUELQUES AUTRES MARQUES QUI SONT SEMEES ES ESCRITURES DE LA PRIMAUTE DE SAINT PIERRE

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Si je voulois apporter icy tout ce qui s’en trouve, je ferois aussi ceste grande preuve que je veux faire toute ceste Partie ; et ne me cousteroit guere, car cest excellent theologien Robert Belarmin me mettroit beaucoup de choses en main, mays sur tout le docteur Nicolas Sander a traité ce sujet si solidement et amplement, qu’il est malaysé d’en dire rien quil n’ayt dict et escrit en ses Livres De la Visible Monarchie (Lib 6, c2) : j’en praesenteray quelques pieces.

Si l’Eglise est comparee a un bastiment (Matt 16, 18), comm’elle l’est, son rocher et son fondement ministerial en est sainct Pierre.

Si vous la dites semblable a une famille (1 ad Tim 3, 15), il ny a que Nostre Seigneur qui paie tribut, comme chef de mayson, et apres luy saint Pierre, comme son Lieutenant (Mat 17, 26).

Si a une nasselle, saint Pierre en est le patron, et en celle la Nostre Seigneur enseigne (Luc 5, 3).

Si a une pesche, saint Pierrey est le premier, les vrays disciples de Nostre Seigneur ne peschent qu’avec luy (Luc 5, 10 ; Jo 21, 11).

Si aux retz et aux filetz (Mat 13, 47), c’est saint Pierre qui les jette en mer, c’est saint Pierre qui les tire (Luc 5, 5-7), les autres disciples y sont coadjuteurs ; c’est saint Pierre qui les met a port, et presente les poissons a Nostre Seigneur (Jo 21, 11).

Dites-vous qu’ell’est semblable a une legation ? saint Pierre y est le premier (Matt 10, 2. 5).

Dites vous que c’est une fraternité ? saint Pierre y est le premier, le gouverneur et le confirmateur des autres (Luc 22, 32). Aimes vous mieux que ce soit un royaume ? saint Pierre en porte les clefz (Matt 16, 19).

Voules vous que ce soit un parc ou un bercail de brebis et d’aigneaux ? et saint Pierre en est le pasteur et berger general (Jo 21, 17).

Dites maintenant, en conscience, comme pouvoit Nostre Seigneur tesmoigner plus vivement son intention ? l’opiniastreté ne voit goutte parmi tant de lumieres ? Saint André vint le premier a la suite de Nostre Seigneur, ce fut luy qui y amena son frere saint Pierre (Jo 1, 41), et saint Pierre praecede par tout ; que veut dire cela, sinon que l’avantage que l’un avoit en tems, l’autre l’avoit en dignité ?

Mays passons outre. Nostre Seigneur est il monté au ciel, toute la sainte brigade Apostolique se retire chez saint Pierre, comme chez le commun pere de famille (Act 1, 15) ; saint Pierre se leve entr’eux et parle le premier (vers 16), enseigne l’interpretation d’une grave prophetie, a le premier soin de la restauration et creüe du nombre Apostolique, comme chef et colomnel (vers 21). C’est luy qui le premier proposa de faire un Apostre ; qui n’estoit pas un trait de petite authorité, car les Apostres n’ont pas tous eu des successeurs, et par la mort n’ont pas perdu leur dignité, mays saint Pierre, enseignant l’Eglise, monstre, et que Judas avoit perdu son apostolat et quil en failloit un autre en sa place, contre l’ordinaire de cest’authorité, qui continue es autres apres la mort, et delaquelle ilz feront encor exercice au jour du jugment, lhors quilz seront assis autour du Juge, jugeans les douze tribus d’Israel (Mat 19, 28).

Les Apostres et Disciples n’ont pas plus tost receu le Saint Esprit, que saint Pierre, comme chef de l’embassade Evangelique, estant avec ses onse compagnons, commence a proposer, selon sa charge, la sainte nouvelle de salut aux Juifz en Hierusalem (Act 2 , 14) : c’est le premier catechiste de l’Eglise, et qui preche la poenitence (vers 38) ; les autres sont avec luy, et on les interroge tous, mays saint Pierre seul respond pour tous, comme chef de tous.

Sil faut mettre la main au tresor des miracles concedé a l’Eglise, quoy que saint Jan y soit et soit invoqué, saint Pierre seul y met la main (Act 3, 6).

Faut il donner commencement a l’usage du glaive spirituel de l’Eglise, pour chastier le mensonge ? c’est saint Pierre qui assigne le premier coup, sur Ananie et Saphire (Act 5, 3) : de la vient la haine que tous les menteurs portent a son Saint Siege, par ce que, comme dict saint Gregoire (L II in Ezech. Hom. XVIII al 6, § 9), Petrus mentientes verbo occidit.

C’est le premier qui reconnoit l’erreur et refute l’heresie, en Simon Magus (Act 8, 20) ; de la vient la hayne irreconciliable de tous heretiques a son Siege.

C’est le premier qui resuscita les morts, quand il prie pour la devote Tabite (Act 9, 40).

Est il tems de mettre la main a la moyson du paganisme ? c’est saint Pierre a qui s’en addresse la revelation, comm’au chef de tous les ouvriers et l’oeconome de la metairie (Act 10, 9). Le bon cappitaine italien Cornelius est il prest a recevoir la grace de l’Evangile ? on le revoÿe a saint Pierre, affin que par ses mains fust dedié et beny le Gentilisme (vers. 5). C’est le premier qui commande qu’on baptise les payens (vers. 48).

Se trouve t’on en un Concile general ? saint Pierre, comme praesident, y ouvre la porte au jugement et a la definition, et sa sentence est suyvie des autres, sa particuliere revelation y sert de loy (Act 15, 7).

Saint Paul confesse quil est venu expres en Hierusalem voir saint Pierre, et demeura quinze jours pres de luy (ad Gal 1, 18) ; il y vit saint Jaques, mays il n’estoit pas venu pour le voir, ains seulement saint Pierre. Qu’est ce a dire cecy ? que n’alloit il aussi bien pour voir le grand apostre et si signalé saint Jaques, que saint Pierre ? par ce qu’on regarde les gens en teste et en face, et saint Pierre estoit le chef de tous les Apostres.

Estant en prison, toute l’Eglise faict prieres continuelles pour luy (Act 12, 5).

Si cecy n’est pas estre le premier et chef des Apostres, je confesse que les Apostres ne sont pas Apostres, les pasteurs, pasteurs, ni les docteurs, docteurs ; car, en quelles autres plus expresses paroles et marques pourroit on faire connoistre un pasteur, un docteur, un Apostre, que celles que le Saint Esprit a mis es Escritures pour faire reconnoistre saint Pierre pour chef de l’Eglise ?

ARTICLE VIII

LE TESMOIGNAGE DE L’EGLISE SUR CE FAICT

268 Pour vray, l’Escriture suffit, mays considerons qui la force et viole. Si nous commencions a la tirer en consequence pour la primauté de saint Pierre, on pourroit croire que nous la forçons ; mays quoy ? ell’est tres claire en ce faict, et a esté entendue de toute l’Eglise premiere en ce sens. Ceux la donques la forcent, qui y apportent un sens nouveau, qui la tirent contre la nature de ses paroles et contre le sens de l’antiquité ; ce que sil est loysible a chacun, l’Escriture ne servira plus que de jouët aux cerveaux fantasques et opiniastres. Que veut dire que l’Eglise ancienne n’a jamais tenu pour sieges patriarchaux sinon ceux de Rome, d’Alexandrie et d’Anticohe ? on peut faire mille fantasies, mays il ni a point d’autre rayson que celle que produit saint Leon (Ep LIII (hodie CVI) ad Anatolium cap II), par ce que saint Pierre a fondé ces trois sieges ilz ont estés appelllés et tenus pour patriarchaux ; comme tesmoignent le Concile de Nicëe (can 6) et celuy de Calcedoyne (Act 16), ou on faict grande difference entre ces trois sieges et les autres. Que quand a celuy de Constantinople et de Hierusalem, qui lira ces Conciles verra la difference en laquelle on les tient d’avec ces trois autres, fondés par saint Pierre ; non que le Concile de Nicëe parle du siege de Constantinople, car Constantinople n’estoit encores rien en ce tems la, n’ayant esté eslevëe que par le grand Constantin, qui la dedia et nomma l’an 25 de son Empire, mays le Concile de Nicëe traitte du siege de Hierusalem, et celuy de Calcedoine, de celuy de Constantinople. Par la preseance et la preeminence de ces trois sieges, l’Eglise ancienne a asses tesmoigné qu’elle tenoit saint Pierre pour son chef, qui les avoit fondés ; autrement, quen e mettoit elle encor en semblable rang le siege d’Ephese, fondé par saint Pol, confirmé et affermi par saint Jan, ou le siege de Hierusalem, auquel saint Jaques avoit conversé et praesidé ?

Que tesmoignoit elle autre, quand, es lettres publiques et patentes quilz appelloyent anciennement formëes, apres la premiere lettre du Pere, Filz, et Saint Esprit, on y mettoit la premiere lettre de Petrus (Atticus In fine Concilii Calced.), sinon qu’apres Dieu tout puyssant, qui est le Roy absolu, l’authorité du lieutenant est en grand pris vers ceux qui sont bons Chrestiens ?

Quand au consentement des peres sur ce faict, Sanderus a levé tout’occasion a la posterité d’en douter ; je produiray seulement les noms avec lesquelz les Peres l’ont appellé, qui monstrent asses leur creance.

Ilz l’ont appellé Chef de l’Eglise, comme saint Hierosme (l I ad adversus Jovin § 26), et saint Chrysostome, Hom. 56 (al 55), in Matheum.

Optatus Milevitanus appellat Caput , l. 2 contra Parmen.

Foelix Ecclesiae fundamentum, comme Saint Hilaire (in c 16 Math § 7), et Caeli janitorem.

Primum Apostolorum, comme saint Augustin (tract LVI in Joannem § 1 et Tract 124 § 7) apres saint mathieu ( c 10, 2).

Apostolorum os et verticem, comme Origene (in divers Hom II) et saint Chrysostome (Homil 54 al 54 in math § 1).

Os et principem Apostolrum, comme le mesme saint Chrysostome, Hom 88 in Joann.

Curatorem fratrum et orbis terrarum, Idem ibid. Ecclesiae pastorem et caput adamante firmius, Id, Hom. 55 in Math.

Basis Ecclesiae, Chrysost Hom 4. in c 6 Isaiae.

Petram indelebilem, crepidinem immobilem, Apostolum magnum, primum discipulorum, primum vocatum et primum obedientem, idem, Hom 9 de Poenitentia (Hodie Hom 3, §4).

Ecclesiaefirmamentum, Christianorum ducem et magistrum, spiritalis Israelis columnam, fluctuantium gubernatorem, caelorum magistrum, Christi os, summum Apostolorum verticem, Idem, Sermone in adoratione venerabilium catenarum et gladii sancti et Apostolorum principis Petri.

Ecclesiae principem, Idem, Homil, in Sstos Pet. Et Paul et Heliam, portum fidei, orbis terrarum magistrum.

Primum in Apostolatus culmine, Greg, Hom 18, in Ezech.

Christianorum primum Pontificem, Euseb, in Chronico anni 44..

Magister militiae Dei, Idem, l 2. Hist c. 14.

Caeteris praelatum discipulis, Bas., Serm de judicio Dei (Hodie inter Ascetica.)

Orbis terrarum praepositus, Hom 56 (al 55) in Math, Chrysost.

Dominum domus Domini et principem omnis possessionis ejus, Bernard, ep. 237 (al 238), ad Eugenium.

Qui osera s’opposer a ceste societé ? ilz parlent ainsy, ilz entendent ainsy l’Escriture.


ARTICLE IX

QUE SAINT PIERRE A EU DES SUCCESSEURS AU VICARIAT GENERAL DE NOSTRE SEIGNEUR

269 J’ay fermement prouvé cy dessus (pars Ia, c 3, a 1) que l’Eglise Catholique estoit une monarchie, en laquelle un chef ministerial gouvernoit tout le reste : ce n’a donq pas esté saint Pierre seulement qui en a esté le chef, mais faut que comme l’Eglise n’a pas manqué par la mort de saint Pierre, ainsy l’authorité d’un chef n’y ait pas manqué ; autrement elle ne seroit pas une, ni au train auquel son fondateur l’avoit mise.

Et de vray, toutes les raysons pour lesquelles Nostre Seigneur mit un chef en ce cors, ne demandent pas tant quil y fust en ce commencement, ou les Apostres qui gouvernoyent l’Eglise estoyent saints, humbles, charitables, amateurs d’unité et de concorde, qu’au progres et suite d’icelle, quand la charité rafredie chacun s’ayme soymesme, personne ne veut se tenir au dire d’autruy ni subir la discipline. Je vous prie, si les Apostres, a l’entendement desquelz le Saint Esprit esclairoit de si pres, si fermes et puyssans, avoient besoin de confirmateur et de pasteur pour la forme de leur union, combien plus maintenant l’eglise en a necessité, quand il y a tant d’infirmités et foiblesses es membres de l’Eglise ? la rayson de saint Hierosme (Vide supra art 2) a bien autrement lieu maintenant qu’au tems des Apostres, Inter omnes unus ilegitur, ut capite constituto schismatis tollatur occasio. La bergerie de Nostre Seigneur doit durer jusqu'à la consummation du monde (Matt 28, 20) en unité, l’unité donques d’un pasteur y doit encores durer, tout cecy a esté bien preuvé cy dessus : dont il s’ensuit manifestement que saint Pierre a eu des successeurs, en a encores, et aura jusqu'à la consummation du siecle.

ARTICLE X

DES CONDITIONS REQUISES POUR SUCCEDER

2610 Je ne fais pas ici profession de traitter les difficultés a fons de cuve, il me suffit d’avancer quelques principales raysons, et mettre au net nostre creance ; que si je voulois m’amuser aux objections qu’on faict sur ce point, j’aurois plus d’ennuy que de peyne, et la pluspart sont si legeres qu’elles ne meritent pas qu’on y perde le tems. Voyons quelles conditions sont requises pour succeder a une charge.

On ne succede qu’a celuy qui cede et quitte sa place, soit par deposition ou par la mort ; qui faict que Nostre Seigneur est tousjours Chef et sauverain Pontife de l’Eglise, et auquel personne ne succede, par ce quil est tousjours vivant, et n’a cedé ou quitté ce sacerdoce ou pontificat, quoy quil l’exerce en partie par ses ministres et serviteurs icy bas en l’Eglise militante : mays ces minsitres et lieutenantz, tout tant quil y a de pasteurs, peuvent ceder et cedent, soit par deposition ou par la mort, leurs offices et dignités.

Or nous avons monstré (art 3) que saint Pierre a esté supreme chef ministeriel de l’Eglise, et que cest office ou dignité ne luy a pas esté baillé pour luy seulement, mays pour le bien et prouffit de toute l’Eglise, si que ce doit estre un office perpetuel en l’Eglise militante, ni mesme homme visible, qui est une condition requise pour administrer en l’Eglise visible. Reste a sçavoir comm’il a facit ceste cession, comm’il a quitté ce sien pontificat, si c’est ou par deposition faicte entre vivantz, ou par la mort naturelle ; puys on verra qui luy a succedé et par quel droit.

Et d’un costé, personne ne doute que saint Pierre n’ait continué en sa charge toute sa vie ; car ceste parole de Nostre Seigneur, Pasce oves meas (Joan 21, 17), luy fut non seulement une institution en ceste supreme charge pastorale, mais un commandement absolu, qui n’avoit point d’autre limitation que par le terme de sa vie, non plus que cest autre, Praedicate Evangelium omni creaturae (Marc 16, 15), a quoy les Apostres vacquerent jusques a la mort. Pendant donques que saint Pierre vesquit ceste vie mortelle, il n’eut point de successeur, et ne deposa point sa charge, ni n’en fut point deposé ; car il ne le pouvoit estre sinon par l’heresie, qui n’eut jamais acces chez les Apostres beaucoup moins chez leur chef, sinon que le Maistre de la bergerie l’en eust levé, ce que non.

Ce fut donques la mort qui le leva de ceste sentinelle et de ce guet general quil faisoit, comme pasteur ordinaire, sur toute la bergerie de son Maistre : mays qui succeda en sa place ? Et quand a ce point, toute l’antiquité est d’accord que c’est l’Evesque de Rome, avec ceste rayson : saint Pierre mourut Evesque de Rome, donques l’evesché de Rome fut le dernier siege du chef de l’Eglise, donques l’Evesque de Rome, qui fut apres la mort de saint Pierre, succeda au chef de l’Eglise, et, par consequent, fut chef de l’Eglise. Quel qu’un pourroit dire quil succeda au chef de l’Eglise quand a l’evesché de Rome, mays non quand a la monarchie du monde ; mays celuy la devroit monstrer que saint Pierre eut deux sieges, dont l’un fut pour Rome, l’autre pour l’univers, ce qui n’est point. Il eut bien, a la verité, en Antioche, mays celuy qui l’eut apres luy n’eut pas le vicariat general, par ce que saint Pierre vesquit long tems apres, et n’avoit pas deposé ceste charge ; mays ayant choisi Rome pour son siege, il en mourut Evesque, et celuy qui luy succeda, luy succeda simplement, et s’assit en son siege qui estoit siege general de tout le monde et de l’evesché de Rome en particulier, si que l’Evesque de Rome demeura general lieutenant en l’Eglise et successeur de saint Pierre : ce que je vais prouver maintenant si solidement qu’autre que les opiniastres n’en pourra douter.


ARTICLE XI

QUE L’EVESQUE DE ROME EST VRAY SUCCESSEUR DE SAINT PIERRE ET CHEF DE L’EGLISE MILITANTE

2611 J’ay praesupposé que saint Pierre ayt esté Evesque de Rome et soit mort tel ; ce que tous les adversaires nient, mesme que plusieurs d’entr’eux nient quil ayt jamais esté a Rome, les autres, que sil y a esté, quil y soit mort. Mays je n’ay que faire de combattre toutes ces negatives par le menu, puysque, quand j’auray bien preuvé que saint Pierre a esté et est mort Evesque de Rome, j’auray suffisamment prouvé que l’Evesque de Rome est successeur de saint pierre ; outre ce que tous mes raysons et mes tesmoins portent en termes expres que l’Evesque de Rome a succedé a saint Pierre, qui est mon intention, delaquele neantmoins reussira une claire certitude que saint Pierre a esté a Rome et y est mort.

Et voici mon premier tesmoin : saint Clement, disciple de saint Pierre, en l’epistre premiere quil a escrit ad Jacobum fratrem Domini (Concilia, anno 91), laquelle est si authentique que Ruffin en a esté traducteur il y a environ douze cens ans ; or il dict ces paroles : Simon Petrus, Apostolus primus, Regem seculorum usque ad Romanoe urbis notitiam, ut etiam ipsa salvaretur, invexit ; hic pro petate pati volens, apprehensa manu mea in conventu fratrum, dixit : Clementem hunc Episcopum vobis ordino, cui soli meae praedicationis et doctrinae Cathedram trado ;(et peu apres) Ipsi trado a Domino mihi traditam potestatem ligandi et solvendi. Et quand a l’authorité de cest’epistre, Damasus, in Pontificali, en la vie de Clement (Concilia, anno 91), en parle ainsy : In epistola quae ad Jacobum scripta est, qualiter Clementi commissa est a beato Petro Ecclesia reperies ;et Rufin, en la praeface sur les Livres Des Reconnoissances de saint Clement, en parle fort honorablement, et dict quil l’avoit mise en latin, et que saint Clement y tesmoignoit de son institution, et quod eum reliquerit successorem Cathedrae. Ce tesmoignage faict voir, et que saint Pierre a preché a Rome, et quil y a esté Evesque ; car sil n’y eust esté Evesque, comme eust il baillé la chaire a saint Clement quil n’y eust pas eüe ?

Le 2. saint Irenëe (Contra Haeres.), l 3 c 3 : Maximae et antiquissimae et omnibus cognitae, a duobus gloriosissimis Apostolis Petro et Paulo Romae fundatae Ecclesiae, etc. ; et peu apres : Fundantes igitur et instruentes beati Apostoli Ecclesiam, ejus administrandae episcopatum Lino tradiderunt ; succedit et Anacletus, post eum, tertio ab Apostolis loco episcopatum sortitur clemens.

Le 3. Tertullien, de Praescript (c 32) : Romanorum Ecclesia Clementem a Petro ordinatum edit, id est, per instrumenta et rationes publicas demonstrat ; et au mesme livre ( c 36) : foelix Ecclesia, cui totam doctrinam Apostoli cum sanguine suo profuderunt, et parle de l’Eglise Romayne, ubi Passioni Dominicae Petrus adaequatur : ou vous voÿes que saint Pierre est mort a Rome, et y a constitué saint Clement, si que, joignant ce tesmoignage aux autres, on voit quil y a esté Evesque et y est mort enseignant.

Le 4. saint Cyprien, ep 55 § 14, ad Cornelium : Navigare audent ad Petri Cathedram, atque ad Ecclesiam principalem, unde unitas sacerdotalis exorta est, et parle de l’Eglise Romaine.

Eusebe, in Chronico anni 44 : Petrus,natione Galilaeus, Christianorum Pontifex primus, cum primum Antiochenam Ecclesiam fundasset, Romam profiscitur; ubi Evangelium praedicans 25 annis, ejusdem urbis Episcopus perseverat.

Epiphanius, Haer. 27 § 6 : Episcoporum in Roma successio hanc habuit consequentiam: Petrus et paulus, Linus, Cletus, Clemens, etc.

Dorotheus, in Sinopsi § 39: Linus, post choripheum Petrum, Romae Episcopus fuit.

Optatus Milevitanus : Negare non potes scire te, in urbe Roma Petro primo Cathedram episcopalem esse collatam, in qua sederit omnium Apostolorum caput Petrus ; et peu apres : Sedit prior petrus, cui succedit Linus, Lino successit Clemens.

Hieronymus, ad Damasum (Epist 15, § 2): Cum successore piscatoris et discipuli Crucis loquor; ego Beatitudini tuae, id est, Cathedrae Petri, communione consocior.

Sanctus Augustinus, ep. 165 (al Ep. 53, §2), ad Generosum: Petro successit Linus, Lino, Clemens.

Au 4. Concile general de Calcedoine, Act 3., quand les legatz du Saint Siege veulent porter sentence contre Dioscorus, ilz disent en ceste façon : Unde sanctissimus et beatissimus magnae et senioris Romae Leo, per nos et praesentem sanctam Sinodum, una cum ter beatissimo et omni laude digno beato Petro Apostolo, qui est petra et crepido Ecclesiae Catholicae, nudavit eum tam episcopatus dignitate quam etiam a b sacerdotali alienavit ministerio. Notes un peu ces traitz : que le seul Evesque de Rome le prive par ses legatz et par le Concile, que ilz joignent l’Evesque de Rome avec saint Pierre ; car ilz monstrent que l’Evesque de Rome tient le lieu de saint Pierre.

Le Sinode d’Alexandrie, ou estoit Athanase, en sa lettre a Foelix 2d (Concil an 366 ; Corpus juris can., Decr Ia Pars, Dist. 16, c 12), dict merveilles a ce propos, et entr’autres choses raconte, qu’au Concile de Nicëe on avoit determiné quil n’estoit loisible de celebrer aucun Concile sans l’authorité du Saint Siege de Rome, mays que les canons qui avoyent estés faictz a ce propos avoyent estés bruslés par les haeretiques arriens. Et de faict, Jules I., in Rescripto contra Orientales pro Athanasio, c 2 et c 3, recite deux canons du Concile de Nicëe qui tirent sur ce propos ; lequel escrit de Jules I. a esté cité par Gratien il y a 400 ans, et par Isidore il y en a 900 (Corp. Juris Can.Decr. Ia pars Dist 17, c 2) et le grand pere Vincent Lirinois en faict mention il y a environ mill’ans (Commonit II § 30) : ce que je dis par ce que tous les canons du Concile de Nicëe ne sont pas en estre, n’en estant demeuré que vingt ; mays tant de graves autheurs en citent tant d’autres outre les vingt que nous avons, que nous avons a croire ce que disnet ces bons Peres Alexandrins cy dessus, que les Arriens en ont faict perdre la pluspart.

Pour Dieu, jettons l’œil sur ceste tresancienne et trespure Eglise des six premieres centeynes, et la regardons de toutes pars ; que si nous la voyons croire fermement que le Pape fut successeur de saint Pierre, quelle temerité sera ce de le nier ? Voicy, ce me semble, une rayson qui ne demande plus auncun credit, mays consiste en beau content : saint Pierre a eu des successeurs en son vicariat ; et qui a jamais esté en reputation en l’Eglise ancienne, d’estre successeur de saint Pierre et chef de l’Eglise, que l’evesque de Rome ? Certes, tout tant quil y a d’autheurs anciens donnent tous ce tiltre au Pape, et jamais aux autres, et comme donques dirons nous quil ne le soit pas ? certes, c’est nier la verité conneüe. Ou quilz nous dient quel autre Evesque est chef de l’Eglise et successeur de saint Pierre : au Concile de Nicëe, en celuy de Constantinople et de Calcedoyne, on ne voit pas qu’aucun Evesque s’usurpe la primauté ; ell’est deferëe selon l’ancienne coustume au Pape, autre quelconque ny est nommé en pareil grade. Bref, jamays il ne fut dict ni douté d’aucun Evesque, es premiers cinq cens ans, quil fut chef ou superieur aux autres, que de celuy de Rome, duquel on ne douta voirement jamais, mays a on tenu pour tout resolu quil estoit tel : a quel propos donques, apres quinze cens ans passés, veut on mettre cest’ancienne tradition en compromis ? je n’aurois jamais faict si je voulois apporter sur table toutes les asseurances et recharges que nous avons de ceste verité es escritz des Anciens ; cecy cependant suffira, de ce costé, pour prouver que l’Evesque de Rome est successeur de saint Pierre, et que saint Pierre a esté et est mort Evesque a Rome.


ARTICLE XII

BRIEFVE DESCRIPTION DE LA VIE DE SAINT PIERRE ET DE L’INSTITUTION DE SES PREMIERS SUCCESSSEURS

2612
Il ny a point de question ou les ministres s’exercent si fort pour combattre l’antiquité qu’en cellecy, car ilz taschent, a force de conjectures, praesomptions, dilemmes, explications et par tous moyens, de monstrer que saint Pierre ne fut onques a Rome ; sauf Calvin (inst. L 4 c 6 § 15), qui voyant que c’estoit dementir toute l’antiquité, et que cela n’estoit pas requis pour son opinion, se contente de dire qu’au moins saint Pierre ne fut pas longtems Evesque a Rome : Propter scriptorum consensum, non pugno quin illic mortuus fuerit, sed Episcopum fuisse, praesertim longo tempore, persuaderi nequeo. Mays a la verité, quoy quil n’eust esté que fort peu de tems Evesque de Rome, sil y est mort Evesque, il y a laissé son siege et sa successsion : de façon que quand a Calvin, nous n’aurions pas grand cas a debattre, pourveu quil fut resolu de confesser fermement que saint Pierre est mort a Rome, et quil y estoit Evesque quand il mourut ; et quand aux autres, nous avons asses prouvé cy dessus que saint Pierre est mort Evesque a Rome.

Les discours que l’on faict au contraire sont plus ennuyeux que difficiles, et par ce que qui aura le vray discours de la vie de saint Pierre devant les yeux, aura asses dequoy respondre a toutes ces objections, j’en diray briefvement ce que j’en crois estre plus probable ; en quoy je suyvray l’opinion de ces excellents theologiens, Gilbert Genebrard, Archevesque d’Aix, en sa Chronologie (Lib III, ann 32-70), et Robert Belarmin, Jesuite, en ses Controverses (De Rom. Pont., l 2), qui suivent de pres saint Hierosme et Eusebe, in Chronico (S. Hieronymi interpret. Chronici Eusebii, anno 70).

Nostre Seigneur donques monta au ciel l’annëe 18 de Tibere, et commanda a ses Apostres quilz arrestassent en Hierusalem douze ans, selon l’ancienne tradition de Thraseas martir (Euseb. L 5 c 18), nom pas certes tous mais quelques uns, pour verifier la parole ditte par Isaïe (65, 1) et comme semble vouloir inferer saint Pol, et saint Barnabas (Act 13, 46-47), car saint Pierre fut en Lydde et Joppé avant que les douze ans fussent escoulés (Act 9, 32 et 10, 5), si que il suffisoit que quelques Apostres demeurassent en Hierusalem pour tesmoignage aux Juifz. Saint Pierre dionques demeura en Judëe environ cinq ans apres l’Ascension, praechant et annonçant l’Evangile, et sur la fin de la premiere annëe, ou bien tost apres, saint Pol fut converti (Act 9), lequel , trois ans apres, vint en Hierusalem voir saint Pierre, avec lequel il demeura quinze jours (ad Gal 1, 18), saint Pierre donques, ayant preché cinq ans environ en Judee, sur la fin de la cinquieme annëe il vint en Antioche, ou il demeura Evesque environ sept ans, c’est a dire, jusqu'à l’annëe 2de de Claudius, ne laissant pour cela de faire des courses evangeliques en Galatie, en Asie, en Cappadoce et ailleurs pour la conversion des peuples ; de la, l’annëe 7e de son pontificat en Antioche, ayant remis sa charge episcopale au bon Evodius, il revint en Hierusalem, ou estant arrivé, il fut emprisonné de la part d’Herodes en faveur des Juifz, environ le jour de Pasque (Act 12, 4). Mays sortant de prison bien tost apres par la conduitte de l’Ange, il vint ceste mesme annëe la, qui estoit la 2de de Claudius, a Rome, ou il posa son siege quil tint environ 25 ans, pendant lesquelz il ne layssa de visiter plusieurs provinces selon le besoin de la chose publicque Chrestienne, mays entr’autres, environ l’an 18 de la Passion et Ascension du Sauveur, qui fut le 9. de Claudius (Orosius, l 7 Hist. C 6 ; Suetonius in Claudio § 25), il fut chassé, avec le reste des hebreux, de Rome (Act 18, 2), et s’en vint en Hierusalem, ou le Concile Hieroslimitain fut celebré (Act 15), auquel saint Pierre praesida. Puys, Claudius estant mort, saint Pierre s’en revint a Rome, recommençant son premier train d’enseigner et visiter par fois diverses provinces, la ou , en fin, Neron le poursuivant am ort avec son compaignon saint Pol (Amb, contra Auxent ), pour s’eschapper, selon les saintes importunations des fideles, il voulut sortir de nuict de la ville, et rencontrant pres la porte Nostre Seigneur, il luy dict : Domine, quo vadis ? Seigneur, ou alles vous ? Jesus Christ respondit : Je viens a Rome, pour y estre derechef crucifié ; responce laquelle saint Pierre conneut bien viser a sa croix (orig, l 3 in Genesim ; Athan, pro fuga sua § 18) : de façon qu’apres avoir esté cinq ans environ en Judëe, 7 ans en Antioche, 25 ans a Rome, l’annëe 14 de l’empire de Neron il fut crucifié les pieds contremont (Hieron. De Vir Illus c 1, Euseb., in Chronico anno 70, Ado in martyrol. Libel. De fest. Apostol., in capite Martyrologii; Tertul. De praescript. C 36), et au mesme jour saint Pol eut la teste tranchee.

Mays avant que mourir, empoignant par la main son disciple saint Clement, il le constitua son successeur ; charge a laquelle saint Clement ne voulut pas entendre ni en faire exercice qu’apres la mort de linus et de Cletus, qui avoyent estés coadjuteurs de saint Pierre en l’administration de l’evesché Romaine ; si que, qui voudra sçavoir pourquoy quelques autheurs anciens mettent le premier au rang, apres saint Pierre, saint Clement, et quelques autres, saint Linus, je luy feray respondre par saint Epiphane, autheur digne de foy, et voicy ses paroles (Haer 27 § 6) : Nemo miretur quod ante Clementem Linus et Cletus episcopatum assumpserunt, cum sub Apostolis hic fuerit contemporaneus Petro et Paulo, nam et illi contemporanei Apostolorum fuerunt ; sive igitur adhuc ipsis superstitibus a Petro accepit impositionem manuum episcopatus, et eo recusato remoratus est, sive post Apostolrum successionem a Cleto Episcopo hic constituitur, non ita clare scimus. Parce donques que saint Clement avoit esté choisy par saint Pierre, comme luy mesme tesmoigne, et que neanmoins il ne voulut pas accepter la charge avant la mort de Linus et de Cletus, les uns, en consideration de l’election faite par saint Pierre, le mettent le premier en rang, les autres, eu esgard au refus quil en fit et a l’exercice quil en laissa a Linus et a Cletus, le mettent le 4e. Au reste, saint Epiphane peut avoir eu occasion de douter de l’election de saint Clement faite par saint Pierre, faute d’en avoir eu des preuves suffisantes, et se peut faire encores que Tertullien, plus ancien, que, Romanorum Ecclesia Clementem a petro ordinatum edit, id est, per instrumenta et rationes publicas demonstrat. Mays quand a moy, je me range volontiers, et avec rayson ce me semble, au parti de ceux qui asseurent : par ce que douter de ce qu’un homme de bien et d’entendement asseure resolument, c’est dementir le diseur ; au contrayre, asseurer ce dont un autre doute, n’’est que confesser que le douteux ne sçait pas tout, ce quil a confessé premierement luy mesme doutant, car douter n’est autre que ne sçavoir pas fermement la verité d’une chose.

Maintenant, ja que par ce petit discours de la vie de saint Pierre, qui est tres probable, vous aves veu que saint Pierre n’a pas tousjours esté pied coy a Rome, mays y ayant son siege n’a pas layssé de visiter plusieurs provinces, revenir en Hierusalem et faire l’office Apostolique, toutes ces frivoles raysons qu’on deduict de l’authorité negative des Epistres de saint Pol n’auront plus acces en vos jugemens ; car, si on dict que saint Pol ait escrit a Rome et dés Rome, et quil n’ait point faict de mention de saint Pierre, on ne le trouvera pas estrange, par ce qu’a l’adventure saint Pierre ny estoit pas alhors. Ainsy est il tout certain que la premiere Epistre de saint Pierre a esté escritte a Rome, comme atteste saint Hierosme (In Marco de Vir Illust c 8) : Petrus, dict il, in prima Epistola , sub nomine Babilonis figuraliter Romam significans, Salutat vos, inquit, Ecclesia quae est in Babilone coelecta (I Petri 5, 13) ; ce qu’au paravant avoit declaré le tres ancien Papias, disciple des Apostres, au recit d’Eusebe (l 2 c 15). Mays la consequence seroit elle bonne : saint Pierre en ceste Epistre la ne donne point de signe que saint Pol fut avec luy, donques il n’a jamais esté a Rome ? Ceste Epistre ne dict pas du tout, et si elle ne dict pas quil y fut, aussi ne dict elle pas quil n’y fut pas ; il est probable quil n’y estoit pas lhors, ou que sil y estoit, quil ne fut pas expedient de l’y nommer pour quelque rayson : autant en dis je de celles de saint Pol.

En fin ,pour adjuster le tems de la vie de saint Pierre aux empires de Tiberius, Caius Caligula, Claudius et Nero, on pourra les desduire a peu pres de ce qui en est, en ceste façon : au dixhuictiesme de Tibere, Nostre Seigneur monta au ciel ; cinq ans apres, qui fut en la derniere annëe de l’empire de Tibere, saint Pierre vint en Antioche, ou ayant demeuré environ sept ans, c’est a sçavoir, ce qui resta du tems de Tibere, 4 ans de Caius Caligula et 2 de Claudius, auquel les Juifz furent chassés de Rome, qui fit retirer saint pierre en Judëe ; environ cinq ans apres, Claudius estant mort, l’an 14 de son empire, Neron luy estant succedé, saint Pierre revint a Rome, ou il demeura jusqu’au martire, lequel il subit l’an 14 et dernier de Neron. Sont environ 37 ans que saint pierre vesquit apres la mort de son Maistre, desquelz il demeura environ douze, qu’en judëe qu’en Antioche, et 25 quil demeura Evesque de Rome.


Sales, Controverses 266