Augustin, 83 questions - 57. - Des cent cinquante-trois poissons.

58. - De Jean-Baptiste.

1. D'après ce que l'Écriture enseigne de Jean-Baptiste dans l'Évangile, on peut avec beaucoup de raison croire qu'il a personnifié la prophétie, surtout d'après ce que le Seigneur dit de lui: «Plus qu'un prophète (2).» En effet il représente toutes les prophéties relatives au Seigneur, qui ont eu lieu depuis le commencement du genre humain jusqu'à l'avènement du Seigneur lui-même. Or l'Évangile est personnifié dans le Seigneur, but des prophéties, et s'étend, par la prédication, au monde entier, depuis l'arrivée même du Seigneur; mais, ce qu'annonçaient les prophéties étant arrivé, celles-ci diminuent. Aussi le Seigneur dit-il: «La loi, et les prophètes ont duré jusqu'à Jean-Baptiste; depuis, c'est le royaume de Dieu qui est annoncé (3).» Et Jean lui-même: «Il faut qu'il croisse et que je diminue (4).» C'est ce qui a été figuré par les jours où ils sont nés et par la manière dont ils sont morts. En effet Jean naît à l'époque de l'année où les jours commencent à diminuer, et le Christ dans le moment où ils commencent à croître. L'un meurt décapité, c'est-à-dire diminué de la tête; l'autre est élevé sur une croix. Aussitôt donc que la prophétie, personnifiée dans Jean a montré du doigt comme présent celui qu'elle avait annoncé dès le commencement du monde, elle commence à diminuer, et la prédication du royaume de Dieu augmente. Voilà pourquoi Jean a donné le baptême de la pénitence (5); car c'est par la pénitence que finit la vie ancienne et que la nouvelle commence.
2. Or ce n'est pas seulement dans les prophètes proprement dits, mais dans l'histoire même de l'ancien Testament que la prophétie élève la voix pour ceux qui la cherchent avec piété et dont le secours divin facilite les recherches. Cependant elle éclate surtout dans les

1 Gn 2,2 - 2 Mt 11,9 - 3 Lc 16,10 - 4 Jn 3,3 - 5 Mt 3,11

449

passages figuratifs qui nous montrent: Abel le juste mis à mort par son frère (1), et le Seigneur par les Juifs; l'arche de Noé sur les eaux, comme l'Église dirigée à travers le déluge de ce monde (2); Isaac conduit pour être immolé au Seigneur, puis remplacé par un bélier arrêté dans les épines et comme crucifié (3); les deux Testaments rappelés par les deux fils d'Abraham, nés l'un de la servante, l'autre de la femme libre (4); deux peuples représentés dans deux jumeaux, Esaü et Jacob (5); Joseph persécuté par ses frères et honoré par des étrangers (6), comme le Seigneur, persécuté par les Juifs, est glorifié parmi les nations. Il serait long de tout rapporter en détail; aussi l'Apôtre conclut-il en disant: «Or toutes ces choses leur arrivaient en figure, et elles ont été écrites pour nous, nous qui sommes à la fin des temps (7).»
Or, en comparant le genre humain à un homme, la fin des temps, semblable à la vieillesse, est marquée par le sixième âge où le Seigneur est venu. Il y a en effet six âges dans l'homme celui du berceau, l'enfance, l'adolescence, la jeunesse, l'âge mûr et la vieillesse. Or le premier âge du genre humain s'étend d'Adam à Noé; le second de Noé à Abraham, deux époques bien distinctes et bien connues; le troisième d'Abraham à David, suivant la division de l'Évangéliste Matthieu (8). Le quatrième, de David à la transmigration de Babylone; le cinquième, de la transmigration de Babylone à l'avènement du Seigneur; le sixième doit s'étendre de l'arrivée du Seigneur à la fin des temps; c'est dans sa durée que l'homme extérieur, appelé aussi le vieil homme, s'use de vieillesse, et que l'homme intérieur se renouvelle de jour en jour (9). Puis suivra le repos éternel, figuré parle sabbat. C'est parla même disposition que l'homme a été créé le sixième jour à l'image et à la ressemblance de Dieu (10).
De plus personne. n'ignore que la vie de l'homme, devenu maître de lui-même, s'appuie sur la connaissance et sur l'action. En effet toute action faite sans connaissance n'à pas de but, et toute connaissance quelle suit pas l'action est stérile. Mais le premier âge, que l'on a raison de, croire incapable de se diriger, est livré aux cinq sens du corps, qui sont la vue, l'ouïe, l'odorat, le goût, le toucher. Et voilà pourquoi les deux premiers âges du genre humain, son berceau en

1 Gn 4,8 - 2 Gn 6,1 - 3 Gn 22,3-13 - 4 Ga 4,22-24 - 5 Gn 25,23 - 6 Gn 37,42 - 7 1Co 10,11 - 8 Mt 2,17 - 9 2Co 4,16 - 10. Gn 1,27

quelque sorte et son enfance, sont limités à dix générations: car on double le nombre cinq, puisque la génération exige le concours des deux sexes. Aussi y a-t-il dix générations d'Adam à No é et autant de Noé à Abraham; et ces deux époques forment, comme nous l'avons dit, le premier âge et l'enfance de l'humanité. Puis l'adolescence, la jeunesse et l'âge mûr; c'est-à-dire à partir d'Abraham jusqu'à David, depuis David jusqu'à la transmigration de Babylone et depuis la transmigration de Babylone jusqu'à l'avènement du Seigneur, sont représentés par quatorze générations: c'est le nombre sept, formé de la connaissance et de l'action ajoutées au nombre cinq, celui des sens du corps, et qui se trouve doublé, toujours à raison des deux sexes. Or la vieillesse comprend d'ordinaire autant de temps que les autres âges. En effet, comme elle est censée commencer à soixante ans et que la vie humaine peut se prolonger jusqu'à cent vingt ans, il est clair que la vieillesse peut durer autant que tous les âges qui l'ont précédée. On ne peut donc dire combien de générations comptera le dernier âge du genre humain, qui a commencé à l'arrivée du Seigneur et durera jusqu'à la fin des temps. Et c'est pour de bonnes raisons que Dieu a voulu nous en cacher le terme, comme il est écrit dans l'Évangile (1), et comme l'atteste l'Apôtre, quand il nous dit que le jour du Seigneur viendra comme un voleur dans la nuit (2).
3. Toutefois les générations énumérées plus haut nous apprennent elles-mêmes que le genre humain a été visité, au sixième âge, par l'humble avènement du Seigneur. C'est cette visite .qui a commencé à rendre sensible la prophétie qui était obscure pendant les cinq âges précédents: et parce que Jean personnifiait en lui cette prophétie, comme nous l'avons remarqué déjà, il est né de parents avancés en âge, figure de la vieillesse du siècle où la prophétie commençait à se manifester, et sa mère s'est tenue cachée pendant cinq, mois, car l'Écriture dit expressément: «Elisabeth se tenait cachée pendant cinq mois (3).» Or, le sixième mois, elle est visitée par Marie, mère du Seigneur; et l'enfant tressaille dans son sein, comme si la prophétie commençait à se manifester dès le premier instant où le Seigneur apparaît dans son humilité; mais à se manifester dans le sein maternel, c'est-à-dire non encore avec assez d'évidence pour que tous la confessent

1 Mt 24,36 - 2 1Th 5,2 - 3 Lc 1,24

450

comme éclatant au grand jour: ce qui, d'après notre foi, ne doit arriver qu'au second avènement du Seigneur, quand il viendra dans sa gloire; avènement dont Elie sera le précurseur, comme Jean le fut du premier. Voilà pourquoi le Seigneur dit: «Elie est déjà venu et les hommes lui ont r fait bien des choses, et si vois voulez le comprendre, il est lui-même Elie qui doit venir (1).» En effet c'est dans le même esprit et dans la même vertu que l'un est déjà venu remplir l'office de précurseur, et que l'autre viendra le remplir à son tour. C'est pour cela que l'Esprit qui remplit Zacharie et le fait prophétiser, annonce que Jean sera le précurseur du Seigneur dans l'esprit et dans la vertu d'Elie. Marie se retire, après avoir passé trois mois avec Elisabeth (2). Ce nombre me semble indiquer le dogme de la Trinité, et le baptême donné au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, pour purifier le genre humain par la grâce de l'humble avènement du Seigneur, et l'élever au sein de la gloire du second avènement (3).

1 Mt 17,12 Mt 11,14 - 2 Lc 1 - 3 Voir Genèse cont. les Manich. t. 4,ch. 23,35-41.


59. - Des dix Vierges.

1. Entre les paraboles du Seigneur, celle des dix vierges embarrasse ordinairement beaucoup ceux qui cherchent à la pénétrer. On a émis, là dessus, des opinions qui ne sont pas contre la foi; mais comment faut-il l'expliquer dans toutes ses parties, voilà à quoi nous devons nous attacher. J'en ai lu une exposition dans un de ces écrits qu'on nomme apocryphes, et qui cependant n'avait rien de contraire à la foi catholique; mais, en étudiant toutes les parties de cette parabole, l'explication dont je parle m'a paru inexacte. Je n'ose cependant la juger témérairement; peut-être était-ce moins son inexactitude que mon défaut d'intelligence qui causait mes embarras. J'exposerai donc le plus brièvement et le plus exactement possible, ce que je crois de plus raisonnable sur ce point.
2. Donc le Seigneur interrogé en secret par ses disciples sur la fin des temps, leur répondit ceci, parmi beaucoup d'autres choses: «Alors le royaume des cieux sera semblable à dix vierges qui, ayant pris leurs lampes, allèrent au devant de l'époux. Cinq d'entre elles étaient folles, et cinq étaient sages. Les cinq folles, en prenant leurs lampes, n'emportèrent point d'huile avec elles. mais les sages prirent de l'huile dans leurs vases avec leurs lampes. Or l'époux tardant à venir, elles s'assoupirent toutes et s'endormirent. Mais au milieu de la nuit, un cri s'éleva: Voici l'époux qui vient; sortez au devant de lui. Aussitôt toutes ces vierges se levèrent et préparèrent leurs lampes. Mais les folles dirent aux sages: Donnez-nous de votre huile, parce que nos lampes s'éteignent. Les sages répondirent, disant: De peur qu'il n'y en ait pas assez pour nous et pour vous, allez plutôt à ceux qui en vendent, et achetez-en pour vous. Or pendant qu'elles allaient en acheter, l'époux arriva; et celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces et la porte fut fermée. Enfin les autres vierges arrivent aussi, disant: Seigneur, Seigneur, ouvrez-nous. Mais l'époux répondant, dit: En vérité je vous assure que je ne vous connais point. Veillez donc parce que vous ne savez ni le jour ni l'heure (Mt 25,1-13).»
Evidemment l'admission de cinq de ces vierges, l'exclusion des cinq autres, indique la distinction des bons et des méchants. Mais si la virginité est honorable, pourquoi est-elle commune à celles qui sont admises et à celles qui sont exclues? Ensuite que signifie ce nombre cinq de part et d'autre? Autre difficulté: que signifie l'huile? Et encore: pourquoi les vierges sages refusent-elles l'huile qu'on leur demande, quand la jalousie est interdite à des âmes assez parfaites pour être reçues par l'époux, en qui personne n'hésite à reconnaître Notre-Seigneur Jésus-Christ; et cela quand elles doivent être miséricordieuses et disposées à donner de ce qu'elles ont, suivant l'ordre même du Seigneur Donne à quiconque te demande (Lc 6,30)?» Et pourquoi, en donnant de leur huile, auraient-elles à craindre qu'il n'y en ait pas assez pour toutes? Voilà des questions qui augmentent singulièrement la difficulté. Du reste le sujet considéré dans son ensemble exige qu'on prenne les plus grandes précautions, pour que tout y concoure au même but, et que ce qu'on dit sur un point ne soit pas en contradiction avec ce qui se dit sur un autre.
3. Les cinq vierges me semblent donc représenter l'abstention des cinq sortes de plaisirs charnels. Il faut en effet s'abstenir du plaisir déréglé de la vue, de celui de l'oreille, de l'odorat, du goût et du toucher. Mais cette continence n'a tantôt pour témoin que Dieu, à qui l'on cherche à plaire dans la joie intime de la conscience, (451) et tantôt se montre aux regards des hommes, dans le but de recueillir leurs suffrages; voilà pourquoi cinq des vierges sont proclamées sages, et les cinq autres folles: toutes sont vierges, cependant, parce que des deux côtés il y a continence, bien que parlant de principes différents. Or les lampes qu'elles ont à la main ce sont les oeuvres qu'elles produisent en harmonie avec cette continence. Il est dit d'ailleurs: «Que vos oeuvres brillent aux yeux des hommes (1). - Toutes prirent leurs lampes et allèrent au devant de l'époux.» Il faut donc entendre tout ceci des chrétiens; car ceux qui ne sont pas chrétiens ne vont pas au devant du Christ, de l'époux. «Mais les cinq folles, en prenant leurs lampes, n'emportèrent pas d'huile avec elles.» En effet beaucoup d'hommes, quoique pleins de confiance dans la bonté du Christ, ne cherchent cependant pas d'autre;joie dans la continence que les louanges humaines; ils n'ont donc pas d'huile avec eux; car j'imagine que l'huile désigne ici la joie. Il est écrit: «C'est pour cela que Dieu, que votre Dieu a versé sur vous l'huile de la joie (2).» Or quiconque cherche une autre satisfaction que celle de plaire intérieurement à Dieu, n'a point d'huile avec lui. «Mais les sages prirent de l'huile dans leurs vases avec leurs lampes,» c'est-à-dire placèrent dans leur coeur et dans leur conscience la joie de leurs bonnes oeuvres, suivant le conseil de l'Apôtre: «Que l'homme s'éprouve lui-même, et alors il trouvera sa gloire en lui et non dans lin autre (3). - Or l'époux tardant à venir, elles s'assoupirent toutes;» parce que tous ceux qui pratiquent la continence, soit qu'ils ne cherchent leur bonheur qu'en Dieu, soit qu'ils se laissent séduire aux louanges des hommes, doivent tous mourir dans le temps, jusqu'à ce que la résurrection des morts ait lieu à l'arrivée du Seigneur.
«Mais au milieu de la nuit,» c'est-à-dire au moment où personne ne le sait ni ne s'y attend car le Seigneur lui-même a dit: «Pour ce jour et cette heure, personne ne les connaît (4),» et l'Apôtre: «Le jour du Seigneur viendra comme un voleur, dans la nuit (5);» ce qui signifie, que le moment de son arrivée est absolument inconnu. «Un cri s'éleva: Voici l'époux qui vient, sortez a devant de lui.» En un clin d'oeil, au son de la dernière trompette, nous ressusciterons tous (6). «Aussitôt toutes ces vierges se levèrent

1 Mt 5,16 - 2 Ps 44,8 - 3 Ga 6,4 - 4 Mt 24,36 - 5 1Th 5,2 - 6 1Co 15,52

et préparèrent leurs lampes,» c'est-à-dire se préparèrent à rendre compte de leurs oeuvres. Car nous devons tous comparaître devant le tribunal du Christ, afin que chacun reçoive ce qui lui est dû, selon qu'il aura fait du bien ou du mal, pendant qu'il était uni au corps (1). «Mais les folles dirent aux sages: Donnez-nous de votre huile, parce que nos lampes s'éteignent.» En effet tous ceux qui règlent leur conduite sur les louanges humaines, se trouvent sans appui dès qu'elles leur planquent, et par habitude ils demandent toujours ce qui faisait leur joie. Sous les yeux de Dieu qui lit dans les coeurs ils ambitionnent donc les témoignages des hommes qui n'en voient point les secrets. Mais que répondirent les vierges sages? De peur qu'il n'y en ait pas assez pour vous et pour nous.» Chacun en effet rendra compte de soi-même; le témoignage d'un autre ne sera d'aucune utilité devant le Dieu qui pénètre les replis du coeur; à peine aura-t-on assez du témoignage de sa propre conscience. Qui peut en effet se glorifier d'avoir le coeur pur (2)? Voilà pourquoi l'Apôtre dit: «Pour moi, je me mets fort peu en peine d'être jugé par vous ou par un tribunal humain; bien plus, je ne me juge pas moi-même (3).» Si donc personne, à peu près, ne peut porter un jugement sûr sur son propre compte, comment juger autrui, alors que, pour savoir ce qui se passe dans un homme, il n'y a que l'esprit de cet homme (4)? «Allez plutôt à ceux qui en vendent et achetez-en pour vous.» Il faut moins voir ici un conseil qu'un reproche indirect. En effet ceux qui vendent de l'huile, ce sont les flatteurs; car en louant à tort et à travers, ils trompent les âmes, leur procurent des joies vaines et insensées, dans l'espoir de recevoir pour salaire soit nourriture, soit argent, soit honneurs, ou quelque avantage temporel: vu que ceux à qui ils s'adressent ne comprennent pas cet avis du prophète: «Ceux qui vous appellent heureux virus trompent (5).» Mais il vaut mieux recevoir des reproches d'un juste, que des éloges d'un pécheur. Le juste me corrigera par compassion, est-il écrit; «mais que l'huile du pécheur ne coule jamais sur ma tête (6). - Donc: «Allez plutôt à ceux qui en vendent et achetez-en pour vous,» c'est-à-dire voyons maintenant à quoi vous serviront ceux qui vous vendaient des louanges et vous abusaient

1 2Co 5,10 - 2 Pr 20,9 - 3 1Co 4,3 - 4 1Co 2,11 - 5 Is 3,12 - 6 Ps 140,5

452

au point de vous faire chercher la gloire humaine, et non celle qui est selon Dieu.
«Or, pendant qu'elles allaient en acheter, l'époux arriva;» c'est-à-dire pendant qu'elles se penchaient vers les choses du dehors et étaient en quête de leurs joies accoutumées, vu qu'elles ne connaissaient point les joies intérieures, celui qui juge arriva: «Et celles qui étaient prêtes,» c'est-à-dire à qui leur conscience rendait un bon témoignage devant Dieu «entrèrent avec lui dans la salle des noces,» c'est-à-dire là où l'âme pure s'unit, pour être fécondée, au Verbe de Dieu, pur, parfait, éternel. «Et la porte fut fermée,» c'est-à-dire après la réception de ceux qui doivent revêtir la vie des anges; car nous ressusciterons tous, dit l'Apôtre, mais nous ne serons pas tous changés (1),» l'entrée du royaume des cieux fut fermée. En effet, après le jugement, il n'y a plus de place pour la prière ni pour les mérites. «Enfin les autres vierges arrivent aussi; disant: Seigneur, Seigneur, ouvrez-nous.» On ne dit pas qu'elles eussent acheté de l'huile, d'où il faut conclure que, privées dés satisfactions que leur procuraient les louanges humaines, elles revinrent, accablées de douleurs et d'afflictions, implorer la miséricorde de Dieu. Mais, après le jugement, il est bien sévère, lui, dont, avant le jugement, la bonté était sans bornes. Aussi répond-il: «En vérité, je vous dis due je ne vous connais point:» en vertu de cette règle: que la Providence ou la Sagesse divine n'admet point à participer à ses joies ceux qui ont paru agir selon ses commandements, mais seulement pour plaire aux hommes, et non à Dieu. Aussi le Sauveur conclut-il: «Veillez donc, parce que vous ne savez ni le jour ni l'heure.» Non-seulement chacun ignore l'heure dernière où l'époux doit venir: mais personne ne sait le jour et l'heure où il faudra mourir. Cependant quiconque se tient prêt jusqu'au sommeil, c'est-à-dire jusqu'au moment où il subira la mort selon la loi comme, sera aussi trouvé prêt quand, retentira, au milieu de la nuit, la voix qui doit éveiller tous les morts.
4. Quant à ce trait, que les vierges vont au devant de l'époux, on doit, je pense, l'entendre en ce sens, que tes vierges représentent l'épouse comme si tous les chrétiens, se rendant dans le sein de l'Eglise, étaient comparés à des enfants se réfugiant chez leur mère; puisque c'est

1 1Co 15,51

leur région qui forme l'Eglise que nous appelons notre mère. Maintenant l'Eglise estime fiancée, une vierge qu'il faut conduire à la noce, tant que, bien entendu, elle se tient. à l'abri de la corruption du siècle; et, elle se mariera dans le temps où tout le genre humain ayant péri, elle sera à jamais réunie à son Dieu. «Je vous ai fiancés, est-il écrit, à un époux unique, au Christ, pour vous présenter à lui comme une vierge pure (1); Vous... comme une vierge,» en passant du pluriel au singulier; en sorce qu'on peut dire vierges et vierge. Pourquoi parle-t-on de cinq J'ai exposé plus haut mon sentiment là dessus. Maintenant nous voyons en énigme, mais alors nous verrons face à face; maintenant nous connaissons imparfaitement, mais alors ce sera parfaitement (2): Or cette connaissance, même, partielle et imparfaite, qu'on trouve dans l'Ecriture et qui est pourtant conforme à la foi catholique, est le résultat du gage sacré que l'Eglise vierge a reçu dans l'humble avènement de son époux: de celui qu'elle doit épouser, quand il viendra pour la dernière fois dans l'éclat de sa gloire, et qu'elle le verra face-à-face. Car comme dit l'Apôtre, il nous a donné pour gage le Saint-Esprit (3). Ainsi cette explication n'a rien de certain que sa conformité à la foi, et n'en contrarie aucune autre, pourvu que. cette, autre soit aussi, conforme à le roi.

1 2Co 11,2 - 2 1Co 13,12 - 3 2Co 5,5 -

60. - «Mais pour ce jour et cette heure, personne ne le sait, pas même les Anges du ciel, ni le Fils de l'homme; il n'y a que le Père seul (Mt 24,36)»


Mt 24,36

On dit spécialement que Dieu sait, quand il fait savoir; c'est en ce sens qu'il est écrit: «Le Seigneur votre Dieu vous tente, pour savoir si vous l'aimez (Dt 13,8).» Par là on n'entend pas dire que Dieu ignore, mais que la tentation est un moyen employé pour faire savoir aux hommes quels progrès ils ont faits dans l'amour du Seigneur; ce qu'ils ne savent jamais bien que parles tentations qui leur arrivent. Ce mot tente signifie donc: permet que vous soyez tentés. De même quand on dit que Dieu ignore, cela signifie ou qu'il n'approuve pas, qu'il ne reconnaît pas un acte comme conforme à ses préceptes et à ses enseignements; et c'est le sens de ces mots: «Je ne vous connais pas (Mt 25,12):» ou qu'il laisse ignorer, pour de bonnes raisons, ce qu'il est inutile de savoir. C'est pourquoi on est autorisé à interpréter ces paroles: «Le Père seul sait,» en ce sens qu'il fait (453) savoir au Fils; et ces autres: «Le Fils ne sait pas,» en ce sens qu'il laisse ignorer aux hommes, c'est-à-dire ne leur révèle point ce qu'il leur est inutile de savoir.


61. - Du miracle des cinq pains.

1 . Les cinq pains d'orge, avec lesquels le Seigneur a nourri la foule sur la montagne, signifient la loi ancienne; soit parce qu'elle à été donnée à des hommes qui n'étaient,pas encore spirituels, mais charnels et esclaves des cinq sens du corps, car la foule se composait aussi de cinq mille hommes (Jn 6,9-13); soit parce qu'elle a été promulguée par Moïse qui a écrit cinq livrés. En ce qu'ils étaient d'orge, ifs signifient encore ou la loi elle-même, dont la substance spirituelle était voilée sous les éléments matériels, aussi la moëlle de l'orge est recouverte d'âne enveloppe très-tenace; ou le peuple lui-même, noix encore dépouillé des désirs charnels, adhérents à son coeur comme une enveloppé, c'est-à-dire si peu circoncis de coeur, que quarante ans de tribulations dans le désert n'avaient pu lui ouvrir l'intelligence ni le dégager de son enveloppe charnelle, de même que l'orge, quoique triturée dans l'aire, ne Perd point la sienne. Une telle loi convenait donc à un tel peuple.
2. Les deux poissons, qui donnaient au pain une saveur agréable, me paraissent symboliser les deux personnes qui gouvernaient ce peuple et constituaient son état social: je veux dire la personne du roi et celle du prêtre, qui recevaient toutes les deux l'onction sacrée (2). Leur fonction était de résister aux tempêtes et aux flots populaires, de briser les violentes contradictions de la foule comme on brise le courant des vagues, de leur céder quelquefois sans rien sacrifier du devoir, de se conduire enfin dans le gouvernement d'une nation turbulente comme les poissons au sein d'une mer orageuse. Cependant ces deux personnages étaient la figure de Notre-Seigneur, qui, seul, a rempli ce double rôle, en réalité et non plus en figure.

2 I Rét. l. I. ch. 26.

En effet le Seigneur Jésus-Christ est notre roi, lui qui nous a appris à combattre et à vaincre, lui qui a porté le poids de nos péchés dans une chair mortelle, qui n'a cédé ni aux assauts terribles ni aux tentations séduisantes de l'ennemi, et qui enfin en se dépouillant de sa chair, a aussi dépouillé les principautés et les puissances et en a triomphé avec une noble fierté en lui même (1). Sous sa conduite, nous sommes délivrés des pénibles travaux de notre pèlerinage, comme d'un autre captivité d'Egypte; les péchés qui nous poursuivent sont comme ensevelis dans le sacrement de Baptême et nous leur échappons. De plus, tant que nous vivons dans l'attente des biens promis, des biens que nous ne voyons pas encore, nous sommes conduits comme à travers les déserts, ayant pour consolation la parole, de Dieu renfermée dans les saintes Ecritures, comme les Juifs avaient la manne tombée du ciel; et sous ce même guide, nous espérons pouvoir être introduits dans la Jérusalem céleste, comme dans une terre promise, et, là, vivre éternellement sous sa direction et sous sa garde. Voilà comment Notre-Seigneur Jésus-Christ se montre notre Roi. Il est aussi notre prêtre éternel selon l'ordre de Melchisédech (2); lui qui s'est offert lui-même en holocauste pour nôs péchés, et a voulu que ce sacrifice se perpétuât en mémoire, de sa passion, et que nous voyions l'oblation que fit Melchisédech à Dieu (3) se renouveler au sein de l'Eglise du Christ dans le monde entier.
Or, comme, il s'est chargé de nos péchés en qualité de notre roi, pour nous apprendre par son exemple à combattre et à vaincre, c'est ce rôle et cette dignité royale que l'évangéliste saint Matthieu a en vue, quand il commence la généalogie du Christ selon la chair à Abraham qui est le père du peuple fidèle, la continue jusqu'à David, en qui le sceptre paraît surtout affermi; puis passe à Salomon, né de celle avec qui son père avait péché, et suit enfin la descendance royale jusqu'à la naissance du Seigneur (4). Un autre évangéliste, saint Luc voulant donner la généalogie du Christ selon la chair, mais au point de vue de la dignité sacerdotale, à qui revient la fonction d'expier et de détruire le péché, ne remonte point, comme saint Matthieu, jusqu'au commencement du livre; mais il part du moment où Jésus fut baptisé, où il a annoncé en figure la rémission de nos péchés, et suit de degré en degré les générations, non plus en descendant, comme saint Matthieu, qui nous montrait le Christ descendant pour se charger de nos iniquités; mais en remontant, pour nous faire voir le Sauveur montant après avoir effacé les péchés. Il ne lui donne pas non plus les mêmes parents que saint Matthieu (5). Autre en effet était l'origine sacerdotale; par un des fils de David, marié,

1 Col 2,15 - 2 Ps 109,4 - 3. Gn 14,18 - 4 Mt 1,1-17 - 5 Lc 3,23-38

454

comme il arrive souvent, dans la tribu sacerdotale, il était arrivé que Marie descendait de l'une et de l'autre tribu, c'est-à-dire de la tribu royale et de la tribu sacerdotale. En effet, à l'époque du recensement, Jésus et Marie sont inscrits comme étant de la maison, c'est-à-dire de la race de David (1); de plus Elisabeth; que l'on donne comme parente de Marie, était de la tribu sacerdotale (2). Or, pendant que saint Matthieu, qui nous représente le Christ comme roi, et descendant pour expier nos péchés, descend de David par Salomon, parce que Salomon était né de la femme avec qui David avait péché; saint Luc qui nous montre le Christ comme prêtre et remontant après avoir effacé nos péchés, remonte à David par Nathan, parce que Nathan avait été envoyé comme prophète, et que ce fut à la suite de ses reproches que David obtint par son repentir le pardon de sa faute (3).
Aussi saint Luc après avoir passé David, donne la même liste que saint Matthieu; car il nomme, en remontant de David à Abraham, ceux que saint Matthieu désigne en descendant d'Abraham à David. En effet, à partir de David, la race se divise en deux branches, la royale et la sacerdotale; saint Matthieu descend dans la première et saint Luc remonte dans la seconde, comme nous l'avons déjà dit; en sorte que notre Seigneur Jésus-Christ, notre roi et notre prêtre tout à la fois, tire son origine de la tribu sacerdotale, c'est-à-dire de la tribu de Lévi, sans en être membre, et est en réalité de la tribu de Juda, c'est-à-dire de la tribu de David, dont personne n'appartenait au service de l'autel. C'est donc avec grande raison qu'on le dit fils de David, puisque saint Luc en remontant, saint Matthieu en descendant, se rencontrent à David. Il était nécessaire en effet que, devant abolir les sacrifices qui se faisaient dans le sacerdoce lévitique selon l'ordre d'Aaron, il ne fût point de la tribu de Lévi, de peur qu'on n'attribuât à cette tribu et à un sacerdoce qui n'était que l'ombre et la figure du sacerdoce à venir, l'expiation des péchés que le Seigneur devait accomplir par l'offrande de son propre holocauste, dont l'ancien sacerdoce n'était que la figure. Il a voulu aussi que l'image de ce même holocauste se perpétuât dans l'Eglise en mémoire de sa passion, afin d'être lui-même le Prêtre éternel, non plus selon l'ordre d'Aaron, mais selon l'ordre de Melchisédech (4); mystère qui pourrait être étudié

1. Lc 1,1-4 - 2 Lc 1,34 - 3 1R 12,1-13 l Rétr. ch. 26. - 4 He 6,20

plus à fond. Mais nous croyons en avoir assez dit à propos de ces deux poissons, dans lesquels nous voyons figurées les deux dignités, royale et sacerdotale.
3. Si la foule s'assit sur l'herbe sèche, c'est que ceux qui avaient reçu l'ancien Testament n'avaient que des espérances charnelles, puisqu'on leur promettait un royaume temporel et une Jérusalem terrestre. En effet «toute chair est de l'herbe sèche, et la gloire humaine, une fleur flétrie (1).» Quant aux douze corbeilles de restes recueillis, elles indiquent que les disciples du Seigneur, dont les principaux étaient au:nombre de douze, ont été rassasiés par l'explication et les discussions de la loi même, que les Juifs avaient rejetée et abandonnée. Carie nouveau Testament n'était pas encore écrit, quand le Seigneur brisant, en quelque sorte, ce qu'il y avait de dur dans la loi et expliquant ce qu'il y avait d'obscur, en nourrissait ses disciples, lorsqu'après sa résurrection il leur découvrait le sens des anciennes Ecritures, en commençant par Moïse et par tous les prophètes, et interprétant tous les passages qui avaient trait à sa personne. Ce fut alors aussi que deux d'entre eux le reconnurent à la fraction du pain (2).
4. Voilà pourquoi on a raison de rapporter à la prédication du nouveau Testament, la multiplication des sept pains, qui eut lieu ensuite. En effet aucun des évangélistes ne dit que ceux-ci fussent d'orge, comme Jean l'a dit des premiers. Cette seconde multiplication de sept pains indique donc la grâce accordée à l'Eglise, nourrie et restaurée, comme on le sait, par les sept opérations du Saint-Esprit. Aussi ne parle-t-on pas ici de deux poissons représentant les deux personnages, le roi et le prêtre qui recevaient l'onction sous la loi ancienne; mais de quelques poissons, symbolisant ceux qui ont cru les premiers à Jésus-Christ, qui ont reçu l'onction en son nom, ont été envoyés pour prêcher l'Evangile, et affronter au nom dé ce poisson mystérieux la mer orageuse de ce siècle, en qualité d'ambassadeurs du Christ, pour employer le terme de l'apôtre Paul (3). Ici non plus la foule n'était pas de cinq mille hommes, comme là, où ce nombre représentait les hommes charnels qui avaient reçu la.loi et étaient esclaves des cinq sens; mais de quatre mille, nombre qui désigne les hommes spirituels, à cause des quatre vertus de prudence, de tempérance, de force et de justice, qui forment ici-bas la vie spirituelle. La première

1 Is 40,6 - 2 Lc 24,29-31 - 3 2Co 5,20

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est la connaissance de ce qu'il faut rechercher et fuir; la seconde, la répression du penchant qui porte aux jouissances temporelles; la troisième, la fermeté qui supporte les adversités de cette vie; la quatrième, l'amour de Dieu et du prochain, qui se répand sur toutes les autres vertus.
5. De ces nombres de cinq mille et de quatre mille, on excepte, il est vrai, les femmes et les enfants (1); et c'est, ce me semble, pour nous donner à entendre,qu'il y avait, dans le peuple de l'ancien Testament, des hommes faibles dans l'accomplissement de la justice légale, que l'Apôtre saint Paul dit avoir observée sans reproche (2); et aussi des âmes faciles à entrainer au culte des idoles. Ces deux défauts, la faiblesse et l'erreur, sont représentés par les femmes et les enfants. En effet le sexe féminin est faible pour agir, et l'enfance a un grand penchant pour le jeu. Or qu'est-ce qui ressemble plus aux jeux de l'enfant que le culte des idoles? C'est sous ce point de vue que l'Apôtre considère cette superstition, quand il dit: «Et que vous ne deveniez point idolâtres, comme quelques-uns d'eux, selon qu'il est écrit: Le peuple s'est assis pour manger et pourboire, et, il s'est levé pour jouer (3).» Ils ressemblaient donc à des femmes ceux qui, dans la vie laborieuse de l'attente qui devait les conduire à l'accomplissement des promesses divines, n'eurent point le courage de persévérer et-,tentèrent Dieu; et ils ressemblaient à des enfants, ceux qui s'assirent pour manger et pourboire, et se levèrent ensuite pour jouer. Ce n'est pas seulement alors, c'est aussi sous le peuple du nouveau Testament, qu'il faudra comparer à des femmes et à des enfants ceux qui, par défaut de forces ou par légèreté d'esprit, n'ont pas assez de persévérance pour parvenir à l'état d'homme parfait (4). Car aux uns on dit: «Si pourtant nous conservons jusqu'à la fin ce commencement de son être (5),» et aux autres: «Ne devenez pas enfants par l'intelligence; mais soyez petits enfants en malice pour être hommes faits en intelligence (6).» Aussi ceux-là ne comptent ni dans l'ancien ni dans le nouveau Testament; mais dans les cinq mille comme dans tes quatre mille, on excepte formellement les femmes et les enfants (7).
6. Dans l'un et l'autre cas cependant il était convenable que le peuple fût nourri sur une

1 Mt 15,34-38 - 2 Ph 3,6 - 3 1Co 10,7 - 4 Ep 4,13 - 5 He 3,14 - 6 1Co 14,20 - 7 Mt 14,21 Mt 15,38

montagne, à cause du Christ même qui est souvent appelé montagne dans les Ecritures. Mais ce n'est plus sur de l'herbe sèche, c'est sur la terre, que le peuple s'asseoit dans la dernière circonstance. Dans la première, en effet, à cause des hommes charnels et de, la Jérusalem terrestre, la hauteur du Christ est voilée sous des espérances et des désirs charnels; mais dans la seconde, toute convoitise charnelle étant mise de côté, les convives du nouveau Testament n'ont plus besoin d'herbe sèche, assis qu'ils sont sur une espérance fixe et inébranlable comme sur une montagne solide.
7. L'Apôtre écrit avec beaucoup de raison: «Avant que la foi vint, nous étions sous la garde de la Loi (1);» or, le Seigneur parait avoir voulu exprimer la même chose, quand il dit, en parlant de ceux qu'il allait rassasier avec cinq pains: «Il n'est pas nécessaire qu'ils y aillent; donnez-leur vous-mêmes à manger (2).» Par ces paroles il semble les retenir en quelque sorte sous sa garde, quand les disciples l'invitent à les renvoyer. Pour l'autre troupe nourrie avec sept pains, il déclare de son propre mouvement qu'il en a pitié, parce que depuis trois jours ils le suivent quoiqu'à jeun. En effet c'est à la troisième époque de la vie du genre humain, que le bienfait de la foi chrétienne a été accordé. La première époque a précédé la Loi, la seconde a eu lieu sous la Loi, et la troisième sous la grâce. Et comme il en est une quatrième, celle où nous devons parvenir à la paix parfaite de la Jérusalem céleste, qui est le terme où tend quiconque a la vraie foi au Christ, le Seigneur déclare qu'il veut nourrir celle foule, de peur que les forces ne lui manquent en chemin. Quel est en effet le but de cette apparition -temporelle et visible du Seigneur sous forme humaine, de ce gage qu'il nous a donné dans le Saint-Esprit, dont les sept opérations nous procurent la vie; et aussi de cette autorité des apôtres, poissons mystérieux destinés à donner de fa saveur: quel est, dis-je, le but de tout cela, sinon de nous faire parvenir sans défaillance à la palme de la vocation éternelle? Car c'est par la foi que nous marchons, «et non par une claire vue (3).» Et l'Apôtre lui-même affirme qu'il n'est point encore parvenu au royaume de Dieu. «Mais oubliant ce qui est en arrière et m'avançant vers ce qui est devant, je tends au terme au prix de la vocation céleste.

1 Ga 3,23 - 2 Mt 14,16 - 3 2Co 5,5-7

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Cependant en tant que nous sommes déjà parvenus, marchons dans la même voie (1);» parce que, nous attachant à Dieu pendant trois jours et nourris par lui, nous ne perdrons pas nos forces en route.
8. Ici sans doute on ne peut parvenir à être à l'abri de la faim; mais on nous a laissé de quoi manger. Ce n'est pas en vain que, parlant de l'avenir, le Christ dit: «Mais quand le Fils de l'homme viendra, penses-tu qu'il trouve de la foi sur la terre (2)?» Je crois qu'il en sera ainsi, à cause des femmes et des enfants. Néanmoins on emplit sept corbeilles des restes: ce qui désigne les sept églises, dont il est parlé dans l'Apocalypse (3), c'est-à-dire tous -ceux qui persévéreront jusqu'à la fin. Car si celui qui a dit: «Quand le fils de l'homme viendra, penses-tu qu'il trouve de la foi sur la terre?» a laissé entendre, il est vrai, qu'à la fin du repas on pourrait bien rejeter et abandonner la nourriture; en disant aussi: «Celui qui persévérera jusqu'à la fin, sera sauvé (4),» il a donné l'espérance qu'il y aura toujours sept églises pour recevoir les sept pains avec plus d'abondance, et les conserver dans des coeurs qui se dilateront pour persévérer et dont les sept corbeilles sont l'emblème.

1 Ph 3,13-16 - 2 Lc 18,8 - 3 Ap 1,4 - 4 Mt 24,18 -


Augustin, 83 questions - 57. - Des cent cinquante-trois poissons.