Augustin, de la perfection de la justice de l'homme.


DE LA PERFECTION DE LA JUSTICE DE L'HOMME

LETTRE AUX ÉVÊQUES EUTROPE ET PAUL



A mes frères et coévêques Eutrope et Paul, Augustin.

CHAPITRE PREMIER. OCCASION DE CETTE LETTRE.

Votre charité, toujours si grande et si sainte qu'elle trouve son plaisir à obéir aux ordres qu'elle reçoit, m'a prié de répondre aux Définitions que l'on attribue à Célestius. Tel est en effet le titre du manuscrit que vous m'avez adressé: «Définitions que l'on dit être de Célestius». Toutefois, ce titre n'a pas été posé par lui à son ouvrage, mais par ceux qui me l'ont apporté de Sicile, où Célestius n'habite pas sans doute, mais où il possède une multitude d'adeptes qui font grand bruit, et, selon la parabole de l'Apôtre, «se complaisent dans l'erreur et cherchent à la communiquer à d'autres (1)». Quoi qu'il en soit, tout nous prouve que cette doctrine est bien celle de Célestius ou de quelques-uns de ses complices. En effet, nous retrouvons le caractère de son esprit dans ces définitions ou plutôt dans ces raisonnements; je m'en suis de nouveau convaincu en jetant les yeux sur un autre ouvrage dont il est assurément l'auteur, et si nos frères qui m'ont apporté ce livre ont entendu dire en Sicile que ces définitions étaient son oeuvre, je crois que ce n'est pas une calomnie. Pour répondre à votre fraternelle bienveillance, je voudrais opposer à ces définitions des


1. 2Tm 3,13

réponses aussi brèves que possible. Mais je me vois dans la nécessité de citer d'abord textuellement l'objection, car autrement le lecteur ne pourrait comprendre la valeur de ma réponse. Ainsi donc, m'appuyant sur le secours de vos prières auprès de la divine miséricorde, je ferai tous mes efforts pour resserrer cet écrit dans les limites les plus étroites.



CHAPITRE II. CE QU'EST LE PÉCHÉ.


1. Raisonnement. «Avant tout», dit-il, «celui qui soutient que l'homme ne saurait être sans péché doit nous dire ce qu'est le péché, s'il peut être évité ou s'il ne peut pas l'être. S'il ne peut être évité, ce n'est plus un péché, et s'il peut être évité, l'homme peut être sans péché, puisqu'il peut l'éviter. Ni la raison ni la justice ne sauraient ad mettre que ce qui ne peut être évité soit un péché». Je réponds que le péché peut être évité si la nature viciée a reçu sa guérison de la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur. Elle a d'autant plus besoin de guérison que devant ce qu'elle doit faire elle est ou bien frappée d'un plus grand aveuglement, ou bien réduite à une impuissance plus ou moins prononcée; car c'est en nous que se réalise cette parole de l'Apôtre: «La chair convoite contre l'esprit et l'esprit contre la chair, en sorte que l'homme ne fait pas ce qu'il veut (1)».


1. Ga 5,17

223


2. Raisonnement.«Demandons également», dit-il, «si le péché est l'oeuvre de la volonté «ou de la nécessité. S'il est l'oeuvre de la nécessité, ce n'est plus un péché, et si c'est l'oeuvre de la volonté, il peut être évité». Nous faisons la même réponse que précédemment; et pour obtenir notre guérison, invoquons Celui à qui il est dit dans le psaume: «Délivrez-moi des maux. qui m'accablent (1)».


3. Raisonnement. «Demandons ce qu'est le péché, s'il nous est naturel ou simplement accidentel. S'il est naturel, ce n'est a pas un péché, et s'il est accidentel, il peut disparaître; ce qui peut disparaître peut être évité, et si on peut l'éviter, on peut être sans lui». Je réponds que le péché ne nous est point naturel; il est le fruit de la nature sans doute, mais de la nature viciée qui nous a rendus enfants de colère (2) et qui a tellement affaibli notre libre arbitre en face du péché, que nous avons besoin d'être aidés et guéris par la grâce de Dieu en Jésus-Christ Notre-Seigneur.


4. Raisonnement. «Demandons ce qu'est le péché: est-ce un acte, est-ce une chose? Si c'est une chose, il a nécessairement un auteur, et s'il a un auteur, Dieu cesse d'être l'auteur unique de toutes choses, puisque le péché ne saurait être l'oeuvre de Dieu. Et puisque cette proposition serait une grossière impiété, il faut en conclure nécessairement que le péché est un acte et non point une chose. Donc, le péché est un acte, et précisément parce qu'il est un acte, il peut être évité». Je réponds que le péché est un acte et non point une chose. Il en est de même de la claudication dans un corps: elle est un acte et non point une chose; ce qui est une chose c'est le pied, c'est le corps, c'est l'homme lui-même; or, cet homme boîte parce que son pied est malade, et pourtant l'homme ne peut échapper à la claudication qu'autant qu'il a le pied sain.

C'est là aussi ce qui peut se faire dans l'homme intérieur, mais en vertu de la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur. Le vice qui fait boiter l'homme n'est ni le pied, ni le corps, ni l'homme, mais la claudication elle-même; cette claudication ne se fait pas sentir quand l'homme ne marche pas, et, cependant, elle n'en est pas moins un vice permanent qui fait boiter l'homme quand il


1. Ps 24,17 — 2. Ep 2,3

marche. Eh bien! que l'auteur cherche quel nom il doit donner à ce vice: est-ce une . chose, est-ce un acte; n'est-ce pas plutôt une qualité mauvaise qui rend tel acte difforme? De même, dans l'homme intérieur, l'esprit est une chose, l'avarice est un vice, c'est-à-dire une qualité qui rend l'esprit mauvais, même lorsqu'il ne fait rien qui ait rapport à l'avarice, même quand il écoute cette parole: «Vous ne convoiterez pas (2)», même lorsqu'il se blâme; dans tous ces cas et autres semblables, il reste avare. Vienne la foi, et par elle il se renouvelle, c'est-à-dire il se guérit de jour en jour (3), mais jamais sans la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur.



CHAPITRE 3. SI L'HOMME DOIT ÊTRE SANS PÉCHÉ, IL LE PEUT.


5. Raisonnement. «Demandons si l'homme doit être sans péché. Il le doit sans aucun doute. S'il le doit, il le peut; s'il ne le peut pas, il ne le doit pas. Et si l'homme ne doit pas être sans péché, il doit être avec le péché, mais un péché qui doit exister n'est plus un péché. S'il est absurde de dire qu'une chose qui doit exister est un péché, il est nécessaire de confesser que l'homme doit être sans péché et qu'il ne doit être obligé qu'à ce qu'il peut». Je réponds par la comparaison dont je me servais tout à l'heure. En voyant un boiteux qui peut être guéri, nous avons le droit d'ajouter: Cet homme ne doit pas boiter; et s'il le doit, il le peut. Et, cependant, il ne le peut pas aussitôt qu'il le veut. il faut auparavant qu'il ait subi une cure convenable et que le remède vienne au secours de sa volonté. La même chose se passe dans l'homme intérieur au moyen de la grâce qui est venue appeler, non pas les justes, mais les pécheurs; car le médecin est nécessaire, non pas à ceux qui se portent bien, mais à ceux qui sont malades (3).


6. Raisonnement. «Demandons si quelque précepte commande à l'homme d'être sans péché. Ou bien il ne peut pas être sans péché, et alors il n'y a aucun précepte pour le lui commander; ou bien il peut être sans a péché, parce qu'il y a un précepte qui le lui commande. Une chose absolument impossible peut-elle donc être commandée?» Je réponds qu'il y a un précepte naturel qui


1. Ex 20,17 — 2. 2Co 4,16 — 3. Mt 9,12-13

224

commande à l'homme de marcher droit, et quand il ne le peut plus, de recourir à l'art médical. Il en est de même pour l'homme intérieur; le péché est une sorte de claudication spirituelle pour laquelle il n'y a d'autre remède que la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur.


7. Raisonnement. «Demandons si Dieu veut que l'homme soit sans péché. Dieu le veut assurément, donc l'homme le peut. Car ne a serait-ce pas le comble de la folie de prétendre qu'une chose que Dieu veut ne peut pas se réaliser?» Je réponds: Si Dieu ne voulait pas que l'homme fût sans péché, il n'aurait pas envoyé son Fils sans péché pour guérir les hommes de leurs péchés. Or, c'est là ce qui se fait dans les hommes qui ont la foi et qui tendent à la perfection; il s'opère en eux de jour en jour une véritable rénovation intérieure jusqu'à ce que leur justice et leur guérison soient parfaites.


8. Raisonnement. «Demandons comment Dieu veut que l'homme soit; est-ce avec le péché ou sans le péché? Assurément, il ne veut pas le voir dans le péché. Quelle impiété et quel blasphème ne serait-ce pas de dire que l'homme peut être avec le péché, ce que Dieu ne veut pas, et de nier qu'il puisse être sans péché, ce que Dieu veut? a Dieu a-t-il donc créé l'homme pour faire de lui une créature capable d'être ce que Dieu ne veut pas qu'elle soit, ou incapable d'être ce que Dieu veut qu'elle soit, de manière que l'homme soit plutôt contre que selon sa volonté?» J'ai déjà réfuté ce raisonnement,mais je crois devoir ajouter «que nous sommes sauvés par l'espérance; or, l'espérance qui se voit n'est plus l'espérance, car peut-on espérer ce que l'on voit déjà? Si donc nous espérons ce que nous ne voyons a pas encore, nous l'attendons avec patience (1)». Notre justice sera donc parfaite quand notre santé sera parfaite; notre santé sera parfaite quand notre charité sera pleine, car la plénitude de la loi, c'est la charité (2)»; enfin, notre charité sera pleine quand nous verrons Dieu comme il est en lui-même (3). Quand notre foi sera devenue la vision, notre charité aura atteint son dernier degré.


1. Rm 8,24-25 — 2. Rm 13,10 — 3. 1Jn 3,2



CHAPITRE IV. DE QUELLE MANIÈRE SE COMMET LE PÉCHÉ.

9. Raisonnement. «Demandons comment l'homme se rend coupable du péché: est-ce par une nécessité de sa nature ou par son libre arbitre? Si c'est par une nécessité de sa nature, il ne saurait y avoir de faute; si c'est par son libre arbitre, que l'on nous dise de qui l'homme a reçu son libre arbitre. C'est de Dieu assurément. Or, ce que Dieu nous a donné est bon, personne n'en doute..Comment donc concilier cette bonté du libre arbitre avec ce besoin qu'il éprouve de nous porter plutôt au mal qu'au bien? En effet, il n'est pas douteux qu'il nous incline plutôt au mal qu'au bien, si par lui l'homme peut être avec le péché et ne peut être sans le péché». Je réponds que c'est sous l'impulsion de son libre arbitre que l'homme s'est rendu coupable de péché; or, de ce péché, il est résulté comme châtiment une sorte de maladie qui a substitué à la liberté une espèce de nécessité morale. De là ce cri lancé par la foi vers le ciel: «Délivrez-moi des nécessités qui m'accablent (1)». Sous le coup de ces nécessités, ou bien nous ne pouvons pas comprendre ce que nous voudrions, ou bien ce que nous avons compris, nous voulons, mais nous ne pouvons pas l'accomplir. La véritable liberté est celle qui est promise par le Libérateur à ceux qui croient en lui: «Si», dit Jésus-Christ, «le Fils de l'homme vous a délivrés, vous serez véritablement libres (2)». Parce que la volonté s'est laissé vaincre par le vice dans lequel elle est tombée, la nature a manqué de liberté. De là cette autre parole de l'Ecriture: «L'homme devient l'esclave de celui par lequel il s'est a laissé vaincre (3)».

De même, donc, que le médecin est nécessaire, non pas à ceux qui se portent bien, mais à ceux qui sont malades (4); de même le Libérateur est nécessaire, non pas à ceux qui sont libres, mais à ceux qui sont esclaves, et c'est à lui seul que peut s'adresser cette félicitation de la liberté: «Vous avez sauvé mon âme des nécessités qui l'opprimaient (5)», La santé, telle est la véritable liberté qui n'aurait pas péri si la volonté fût demeurée bonne. Mais parce que la volonté a péché, la


1. Ps 24,17 — 2. Jn 8,36 — 3. 2P 2,19 — 4. Mt 9,12 — 5. Ps 30,8

225

dure nécessité d'avoir le péché fut la punition du pécheur, jusqu'à la complète guérison de la faiblesse, et l'obtention de cette entière liberté qui, à la volonté constante et nécessaire de vivre heureusement, joint toujours l'heureuse et volontaire nécessité de bien vivre et de ne jamais pécher.


10. Raisonnement. «Ainsi donc, non-seulement Dieu a fait l'homme bon, mais il lui a aussi commandé de faire le bien. N'est-ce pas une impiété de soutenir que l'homme est mauvais, quand il a été créé bon et obligé, par un précepte formel, de faire le bien, tandis que, d'un autre côté, on affirme qu'il ne peut être bon, lui qui a été créé bon avec d'obligation de faire le bien (1).» Je réponds: Si l'homme a été créé bon, ce n'est point par lui-même, mais par Dieu; et s'il redevient bonde cette bonté qui le délivre du mal à raison de sa volonté, de sa foi et de sa prière, ce renouvellement n'est pas non plus son œuvre, mais l'oeuvre de Dieu. Ainsi, touché de la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur, l'homme intérieur se renouvelle de jour en jour, en attendant qu'au dernier jour l'homme extérieur ressuscite, non point pour le châtiment, mais pour la vie éternelle.



CHAPITRE V. LE PÉCHÉ ET LA CHARITÉ.


11. Raisonnement. «Demandons de combien de manières se commet le péché. De deux, si je ne me trompe, c'est-à-dire en faisant ce qui est défendu ou en ne faisant pas ce qui est commandé. Or, tout ce qui est défendu peut être évité, comme tout ce qui a est commandé peut être accompli. En effet, pourquoi la défense et pourquoi le commandement, si ni l'une ni l'autre ne peuvent être observés? Et comment nier que d'homme puisse être sans péché, quand gnous sommes forcés d'avouer qu'il peut éviter ce qui lui est défendu, comme il peut accomplir ce qui lui est prescrit?» le réponds que la sainte Ecriture renferme un grand nombre de préceptes divins. qu'il serait trop long d'énumérer. Qu'il me suffise de remarquer que le Seigneur, qui a fait sur la terre une parole restreinte et abrégée (1), a résumé en deux préceptes la Loi et les Prophètes, pour nous faire mieux comprendre


1. Rm 9,28

que tous les autres commandements ont te même but et le même objet que les deux suivants: «Vous aimerez le Seigneur votre Dieu, de tout votre coeur, de toute votre âme et de tout votre esprit, et vous aimerez votre prochain comme vous-même. Dans ces deux préceptes se résument la Loi et les Prophètes (1)».

Par conséquent, tout ce que la loi de Dieu nous commande de faire ou d'éviter se borne à l'accomplissement de ces deux préceptes. Comme il y a une défense générale: «Vous ne convoiterez pas (2)», il y a une prescription générale: «Vous aimerez (3)». Ces deus points se trouvent brièvement formulés par l'apôtre saint Paul. Voici la défense: «Ne vous conformez pas à ce siècle»; voici le commandement: «Mais réformez-vous dans la nouveauté de votre esprit (4)». C'est toujours sous une autre forme ces deux grandes paroles: «Vous ne convoiterez pas», «Vous aimerez», l'une se rapportant à la continence et l'autre à la justice; la première prescrivant de s'abstenir du mal et la seconde de faire le bien. En renonçant à la concupiscence, nous nous dépouillons de la vieillesse, et en aimant, nous revêtons l'homme nouveau.

Or, personne ne peut être continent si Dieu ne lui en fait la grâce; et la charité de Dieu est répandue dans nos coeurs, non point par nous-mêmes, mais par le Saint-Esprit qui nous a été donné (5). C'est là ce qui se fait de jour eu jour dans tous ceux qui avancent par la volonté, par là foi et par la prière et qui, oubliant ce qui est passé, s'efforcent de tendre vers ce qui est en avant (6). En effet, si l'homme se sent faiblir dans l'accomplissement de ces préceptes, la loi lui ordonne, non point de se gonfler d'orgueil, mais de recourir à la grâce; et c'est ainsi gaze tout en l'effrayant, cette même loi, jouant le rôle de pédagogue, le conduit à l'amour de Jésus-Christ.



CHAPITRE VI. D'OU VIENT LE PÉCHÉ.


12. Raisonnement. «Demandons comment l'homme ne put être sans péché; est-ce par sa volonté, est-ce par sa nature? Si c'est par nature, il n'y a plus de péché; si c'est par sa volonté, la volonté peut être très-facilement

1 Mt 22,37-40 — 2. Ex 20,17 — 3. Dt 6,5 — 4. Rm 12,2 — 5. Sg 8,21 Rm 5,5 — 6. Ph 3,13

226

changée par la volonté». Je réponds en faisant remarquer ce degré prodigieux de présomption, qui va jusqu'à soutenir, non. seulement que la volonté peut être changée, ce qui sans doute peut se faire avec le secours de la grâce de Dieu, mais «qu'elle peut être changée très-facilement par la volonté». Que deviennent alors ces paroles de l'Apôtre La chair convoite contre l'esprit, et l'esprit contre la chair? La chair et l'esprit sont a deux ennemis qui se combattent en vous, «de sorte que vous ne faites pas ce que vous voulez (1)?» L'Apôtre ne dit pas: Ce sont là deux adversaires qui se combattent en vous, de sorte que vous ne voulez pas faire ce que vous pouvez; il va plus loin et dit: «De sorte que vous ne faites pas ce que vous voulez».

La concupiscence de la chair est une concupiscence coupable et vicieuse; elle n'est à proprement parler que le désir même du péché, de ce péché que l'Apôtre nous défend de laisser régner dans notre corps mortel (2); ce qui veut dire qu'aux yeux de l'Apôtre le péché est dans notre corps mortel, mais que nous ne devons pas permettre qu'il y règne en despote. Pourquoi donc la concupiscence n'a-t-elle point été changée par cette volonté dont l'Apôtre atteste en nous la présence par ces paroles: «De telle sorte que vous ne faites pas ce que vous voulez?» Et pourtant c'est là ce qui devrait se faire, s'il était aussi facile de changer la volonté par la volonté. D'un autre côté, il n'est jamais entré dans notre pensée d'accuser la nature, soit la nature de l'âme, soit celle du corps; car cette nature est l'oeuvre de Dieu, et par conséquent elle est bonne. Seulement nous affirmons que cette nature a été viciée par sa propre volonté, et qu'elle ne peut être guérie sans la grâce de Dieu.


13. Raisonnement. «Demandons à qui la faute, si l'homme ne peut être sans péché; est-ce la faute de l'homme lui-même ou celle d'un autre? Si c'est la faute de l'homme, comment peut-on l'accuser de n'être pas ce qu'il a ne peut pas être?» Je réponds que c'est la faute de l'homme, s'il n'est pas sans péché, parce que c'est uniquement par sa volonté qu'il s'est réduit à cette triste nécessité, dont la seule volonté ne saurait triompher.


14. Raisonnement. «Demandons si la nature de l'homme est bonne, ce que personne


1. Ga 5,17 — 2. Rm 6,12

ne nie, si ce n'est Marcion ou Manès. «Comment donc est-elle bonne, s'il ne lui est pas possible de s'exempter du mal? Car personne ne doute que le péché ne soit un mal». Je réponds que la nature de l'homme est bonne et qu'elle peut être sans mal. C'est bien dans ce but que nous nous écrions: «Délivrez-nous du mal (1)»; mais cet heureux état ne se réalisera pas, tant que notre âme se trouvera appesantie par ce corps qui se corrompt (2). Toutefois vienne la grâce par la foi, et dans certaines circonstances il sera possible de s'écrier: «O mort, où est ta victoire; ô mort, où est ton aiguillon? Le péché est l'aiguillon de la mort, et la loi est la force du péché (3)». Parce que la défense portée par la loi augmente le désir du péché, nous avons sans cesse besoin que l'Esprit-Saint répande en nous la charité, qui sera pleine et parfaite lorsque nous verrons Dieu face à face.


15. Raisonnement. «Assurément Dieu est juste, personne ne peut le nier. Or, Dieu impute à l'homme tout péché; c'est encore là une vérité qu'il faut avouer, car ce qui n'est pas imputé à péché ne saurait être regardé comme péché. Et s'il est un péché qu'on ne puisse éviter, comment Dieu peut-il être juste et imputer à un homme un péché qu'il n'a pu éviter?» Je réponds par cette parole depuis longtemps lancée contre les orgueilleux: «Bienheureux celui à qui Dieu n'a pas imputé le péché (4)». En effet, Dieu ne l'impute pas à ceux qui lui disent, dans toute la sincérité de leur coeur: «Pardonnez-nous nos offenses comme nous par«donnons à ceux qui nous ont offensés (5)». Et si cette imputation ne se fait pas, c'est en toute justice, car c'est la justice elle-même qui a dit: «On se servira à votre égard de la mesure dont vous vous serez servis à l'égard des autres (6)». Or il y a péché, soit lorsqu'on n'a pas la charité que l'on devrait avoir, soit lorsqu'elle n'est pas aussi grande qu'elle devrait l'être, n'importe d'ailleurs que ce triste état puisse ou ne puisse pas être évité; car si la volonté peut l'éviter, elle est immédiatement coupable de ne pas le faire; si elle ne le peut pas, c'est par suite d'une mauvaise disposition antérieure. Et pourtant il est toujours vrai de dire que même alors la volonté


1. Mt 6,13 — 2. Sg 9,15 — 3. 1Co 15,55-56 — 4. Ps 31,2 — 5. Mt 6,12 — 6. Mt 7,2

227

peut éviter tel péché en particulier, mais pour cela elle doit dépouiller tout sentiment d'orgueilleuse suffisance en elle-même, et demander du secours avec la plus profonde humilité.


CHAPITRE VII. LES ADULTES ET LES ENFANTS BAPTISÉS.


16. Raisonnement. A la suite de toutes ces arguties, l'auteur suppose un dialogue entre lui et une autre personne; il se fait dire par son interlocuteur: «Donnez-moi un homme sans péché». Il répond: «Je vous en présente un qui peut l'être — Quel est-il? — Vous-même; et si vous me répondez que nous ne pouvez pas être sans péché, veuillez me dire à qui la faute. Si vous avouez que c'est la vôtre, je vous demande à mon tour comment ce peut être votre faute, si vous ne pouvez pas éviter le péché? — Et vous-même, êtes-vous donc sans péché, à vous qui dites que l'homme peut être sans péché? — Si je ne suis pas sans péché, à qui il a faute? si vous me répondez que c'est à la mienne, je vous demande à mon tour comment ce peut être ma faute, s'il m'est impossible d'être sans péché?»

A tout cela je réponds que ces paroles ne sauraient donner lieu à une discussion sérieuse; car tout en affirmant en principe, ce que nous ne nions pas, que l'homme peut lire sans péché, dès qu'il s'agit de lui ou de l'autre en particulier, il n'ose jamais soutenir que tel homme soit sans péché. Toute la question est donc de savoir quand et par qui l'homme peut être sans péché. S'il s'agit du petit enfant baptisé aussitôt après sa naissance, il est certain qu'il n'a pas besoin de dire: «Pardonnez-nous nos offenses», puisque tous les péchés sont effacés par le saint baptême. Mais s'il s'agit des fidèles adultes, soutenir que cette prière peut n'être pas nécessaire, ce serait formellement renoncer au christianisme. D'un autre côté, si l'homme peut être sans péché par lui-même et par ses propres forces, il faut en conclure que c'est en vain que Jésus-Christ est mort (1)». Or, ce n'est pas inutilement que Jésus-Christ est mort; donc l'homme, le voulût-il, ne peut être sans péché, à moins qu'il ne soit aidé de la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur. L'exemption complète de tout péché, tel est le


1. Ga 2,21

but que les justes poursuivent, mais qu'ils n'obtiendront qu'après la mort; car alors seulement ils posséderont cette charité parfaite qui se nourrit ici-bas de la foi et de l'espérance, en attendant qu'elle jouisse au ciel de la vue sans nuage et de la possession sans retour.



CHAPITRE VIII. PREUVES TIRÉES DE LA SAINTE ÉCRITURE.


17. Il invoque ensuite les oracles divins en faveur de sa thèse; quelle que soit son argumentation, nous devons en étudier la valeur. «Voici», dit-il, «des témoignages d'où résulte pour l'homme un précepte formel d'être sans péché». Je réponds: Il ne s'agit pas de savoir si ce précepte existe, personne ne le met en question; nous demandons uniquement si ce précepte certain petit être parfaitement accompli tant que notre âme est enchaînée à ce corps de mort, dans lequel la chair convoite contre l'esprit et l'esprit contre la chair, de telle sorte que nous ne faisons pas ce que nous voulons. Pour se délivrer de ce corps de mort, le trépas n'est pas toujours un moyen, c'est la grâce qui nous est conférée en cette vie, quand on travaille à en profiter en s'appliquant aux bonnes oeuvres. En effet, autre chose est de sortir de ce corps par lia mort naturelle réservée à tous, autre chose est d'être délivré de ce corps de mort, délivrance à laquelle les saints et les fidèles ne parviennent que par la grâce en Jésus-Christ Notre-Seigneur (1). Après cette vie une grande récompense nous est réservée, mais ne l'obtiendront que ceux qui l'auront méritée. Pour arriver au rassasiement complet de la justice, il ne suffit pas de mourir, il faut que dès cette vie elle ait été pour nous l'objet de notre faim et de notre soif. Car bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu'ils seront rassasiés (2)».


18. Pendant que nous habitons dans ce corps nous sommes éloignés du Seigneur, et ce n'est que par la foi que nous marchons vers lui, et non par une vue claire et distincte (3). De là cette parole: «Le juste vit de la foi (4)». Aussi, pendant le cours de votre pèlerinage, toute notre justice consiste à marcher vers cette perfection et cette plénitude de la justice, qui sera la charité pleine


1. Rm 7,24-25 — 2. Mt 5,9 — 3. 2Co 1,6-7 — 4. Ha 2,4

228

et parfaite, lorsque nous contemplerons les splendeurs divines. Tel est le but vers lequel nous tendons en châtiant notre corps et en le réduisant en servitude, en faisant des aumônes, en pardonnant les offenses commises contre nous, en faisant le bien joyeusement et de tout coeur, en recourant sans cesse à la prière, et en accomplissant tout cela dans la saine doctrine sur laquelle s'édifient la foi droite, l'espérance ferme et la charité pure.

Telle est la justice dont nous avons faim et soif, quand, pressés par cette faim et cette soif, nous courons vers la perfection et la plénitude de cette justice, afin qu'un jour nous en soyons rassasiés. De là cette parole du Sauveur dans l'Evangile: «Ne faites pas vos oeuvres de justice en présence des hommes et dans le but d'être vus par eux (1)». Afin de nous ôter la tentation d'assigner pour but à notre course la satisfaction de la gloire humaine, le Sauveur donne à la justice comme caractères essentiels ces trois choses: Le jeûne, l'aumône et la prière; le jeûne, c'est-à-dire les mortifications du corps, de quelque nature qu'elles soient; l'aumône, c'est-à-dire la générosité et la bienveillance, soit pour donner, soit pour pardonner; et enfin la prière, et dans ce mot sont renfermées toutes -les règles d'un saint désir. Par la mortification du corps, nous enchaînons cette concupiscence qui devrait, non-seulement être enchaînée, mais n'exister aucunement, comme elle n'existera nullement dans cette perfection de la justice de laquelle tout péché aura disparu. Et même dans l'usage des choses permises et licites, combien de fois n'apportons-nous pas de l'immodération? S'agit-il de la bienfaisance qui nous fait pourvoir aux besoins du prochain, combien de choses sont réellement nuisibles, quoique nous les croyions utiles; elles nuisent, ou bien par cela même qu'elles ne suffisent pas pour subvenir aux nécessités du prochain, ou bien parce qu'elles n'y subviennent que trop faiblement, et c'est ce qui engendre l'ennui, et l'ennui chasse cette joie dans laquelle le Seigneur aime celui qui donne (2). Or, la concupiscence est toujours en proportion inverse de la perfection; voilà pourquoi nous n'avons que trop de motifs de dire dans notre prière: «Pardonnez-nous nos offenses.comme nous pardonnons à ceux qui nous


1. Mt 6,1 — 2. 2Co 2,7

ont offensés». Heureux encore si nous faisons ce que nous disons, c'est-à-dire si nous aimons nos ennemis; et si tel ou tel, encore trop peu avancé dans les voies du Christ, n'a pas cet amour au degré nécessaire, qu'il se repente de sa faute, qu'il demande pardon, et qu'alors l'offensé lui pardonne du fond de son coeur, s'il veut que son Père céleste exauce sa prière.


19. Déposons tout esprit de chicane, et nous comprendrons que cette prière est pour nous un miroir, dans lequel nous contemplons la vie des justes, qui vivent de la foi, et courent dans la perfection, quoiqu'ils ne soient pas sans péché. De là ce cri: «Pardonnez-nous», parce qu'ils ne sont pas encore parvenus au terme de leur course. De là aussi ce mot de l'Apôtre: «Ce n'est pas que j'aie déjà reçu ce que j'espère ou que je sois déjà parfait, mais je poursuis ma course, pour tâcher d'atteindre où Jésus-Christ m'appelle en me prenant à son service. Non, mes frères, je ne pense point avoir encore atteint où je tends; mais tout ce que je fais maintenant, c'est qu'oubliant ce qui est derrière moi, et m'avançant vers ce qui est devant moi, je cours incessamment vers le terme de la carrière, pour remporter le prix de la félicité du ciel, à laquelle Dieu nous a appelés par Jésus-Christ. Tout ce que nous sommes donc de parfaits, soyons dans ce sentiment (1)». C'est-à-dire: nous tous qui courons parfaitement, sentons que nous ne sommes pas encore parfaits et faisons effort pour parvenir au terme vers lequel nous courons parfaitement. Quand viendra ce qui est parfait, ce qui est imparfait sera détruit, c'est-à-dire que nous serons consommés dans une admirable unité, puisque nous posséderons et contemplerons l'objet même de l'espérance et de la foi; ce qui demeurera, ce sera la charité, la plus grande de ces trois vertus (2). Seulement elle augmentera et deviendra parfaite, parce qu'elle verra ce qu'elle croyait et qu'elle possédera ce qu'elle espérait.

Dans cette plénitude de la charité sera parfaitement accompli ce précepte divin: «Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre coeur, de toute votre âme et de tout votre esprit (3)». Jusque-là il reste toujours en nous quelque chose de 1a concupiscence charnelle, et par là même quelque chose à


1. Ph 3,12-15 — 2. 1Co 13,10 — 3. Dt 6,5

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enchaîner par la continence; ce qui prouve que Dieu n'est point encore aimé de toute notre âme. En effet la chair ne convoite pas sans l'âme, et si nous disons que la chair convoite, c'est parce que l'âme convoite charnellement. Le juste sera donc absolument sans péché, quand il n'y aura plus dans ses membres aucune loi répugnant à la loi de son esprit (1); alors seulement il aimera Dieu de lotit son coeur, de toute son âme et de tout son esprit, et tel est le premier et le plus grand commandement (2).

Pourquoi donc un précepte n'imposerait-il pas à l'homme cette perfection, quoique jamais elle n'ait été réalisée sur la terre? Peut-on courir prudemment, si l'on ignore le terme vers lequel on doit se diriger? Et comment ce terme nous sera-t-il connu, s'il ne nous est montré par aucun précepte? Courons donc de manière à parvenir au blet. Tous ceux qui courent prudemment y parviendront: et ce n'est plus ici comme dans les jeux de théâtre où tous les athlètes s'élancent dans la carrière, mais où un seul reçoit la palme (3). Courons en croyant, en espérant, en désirant; courons en châtiant notre corps, en versant des aumônes, en pardonnant à nos ennemis, en agissant joyeusement et de tout notre coeur et en demandant que mes forces soient aidées par la grâce. Ecoutons enfin les préceptes de la perfection, afin que nous ne négligions pas de courir vers la plénitude de la charité.



CHAPITRE IX. MÊME SUJET.

Cela posé, recueillons avec soin les témoignages cités par notre adversaire qui ne craint pas de faire entendre que c'est nous-mêmes qui les avons produits. Au Deutéronome: «Vous serez parfait en présence du Seigneur votre Dieu (4)». Dans le même livre . «Il n'y aura point d'homme imparfait parmi les enfants d'Israël». Le Sauveur, dans l'Evangile: «Soyez parfaits, parce que votre Père qui est au ciel est parfait (5)». L'Apôtre, dans sa seconde Epître aux Corinthiens . «Du reste, mes frères, réjouissez-vous, soyez parfaits (6)». Le même Apôtre, dans son Epître aux Colossiens: «Reprenant tout homme et


1. Rm 7,23 — 2. Mt 22,37-38 — 3. 1Co 9,24 — 4. Dt 18,13 — 5. Mt 5,48 — 6. 2Co 13,11

l'enseignant en toute sagesse, afin que nous rendions tout homme parfait en Jésus-Christ (1)». Dans l'Epître aux Philippiens: «Faites tout sans murmure et sans hésitation, afin que vous soyez irréprochables et simples, et qu'étant enfants de Dieu vous soyez sans tache (2)». Dans l'Epître aux Ephésiens: «Béni soit le Dieu et le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui nous a comblés, en Jésus-Christ de toutes sortes de bénédictions spirituelles pour le ciel, ainsi qu'il nous a élus en lui, avant la création du inonde, par l'amour qu'il nous a porté, afin que nous fussions saints et irrépréhensibles devant ses yeux (3)».

De même dans l'Epître aux Colossiens: «Vous étiez vous-mêmes autrefois éloignés de Dieu, et votre esprit abandonné à des oeuvres criminelles vous rendait ses ennemis. Mais maintenant Jésus-Christ vous a réconciliés par sa mort dans son corps mortel, pour vous rendre saints, purs et irrépréhensibles devant lui (4)». Dans l'Epître aux Ephésiens: «Afin qu'ils se créât à lui-même une Eglise glorieuse, n'ayant ni tache, ni ride, ni rien de semblable, mais devant être sainte et immaculée (5)». Dans la première Epître aux Corinthiens: «Soyez sobres et justes, et abstenez-vous de péchés (6)». Dans l'Epître de saint Pierre: «C'est pourquoi, ceignant les reins de votre âme, et vivant dans la tempérance, attendez dans une espérance parfaite la grâce qui vous sera donnée à l'avènement de Jésus-Christ; évitant, comme des enfants d'obéissance, de devenir ce que vous étiez autrefois, lorsque, dans votre ignorance, vous vous abandonniez à vos passions. Mais soyez saints dans toute la conduite de votre vie, comme est saint celui qui vous a appelés. Car il est écrit: Soyez saints parce que je suis saint (7)». De là ces paroles de David: «Seigneur, qui habitera dans votre tabernacle, ou qui reposera sur votre montagne sainte? Celui qui marche sans souillure et qui opère la justice (8)». Ailleurs: «Et je serai sans tache avec lui (9)». Ailleurs encore: «Bienheureux ceux qui sont immaculés dans leur voie, et qui marchent dans la voie du Seigneur Salomon dit également: «Le Seigneur aime


1 Col 1,28 — 2. Ph 2,14-15 — 3. Ep 1,3-4 — 4 Col 1,21 — 5. Ep 5,27 — 6. 1Co 15,34 — 7. 1P 1,13-16 — 8. Ps 14,1-2 — 9. Ps 17,24 — 10. Ps 118,1

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les coeurs saints; tous ceux qui sont sans tache sont agréables à ses yeux (1)». Quelques-uns de ces passages exhortent ceux qui courent à courir dans la perfection; d'autres nous désignent le terme auquel nous devons tendre dans notre course. Or, rien n'empêche de regarder comme étant sans souillure, non pas seulement celui qui est parfait, mais celui qui tend généreusement à la perfection, s'abstenant des péchés mortels, et n'oubliant pas de purifier ses péchés véniels par des aumônes. Mais la purification des souillures que nous contractons, jusque sur le chemin de la perfection, est surtout l'œuvre de la prière pure. Or, la prière est pure, quand elle peut dire avec une entière véracité: «Pardonnez-nous comme nous pardonnons (2)». Touché de cette prière, le Seigneur ne nous impute pas nos fautes, et c'est en ce sens que nous marchons sans souillure vers la perfection. Et quand enfin nous aurons atteint cette perfection, nous n'aurons plus ni à nous purifier, ni pardon à obtenir.



CHAPITRE X. FACILITÉ D'ACCOMPLIR LES PRÉCEPTES.



Augustin, de la perfection de la justice de l'homme.