Augustin, Catéchisme 1026

CHAPITRE XVII.

1026
CONDAMNATION DE CEUX QUI EMBRASSENT LA FOI EN VUE D'UN INTÊRET HUMAIN. - LE REPOS ÉTERNEL, BUT DU VRAI CHRÉTIEN. - EXPOSITION DES DOGMES, ET D'ABORD DE L'INCARNATION.


26. Il se rencontre en effet des gens qui embrassent le christianisme pour se concilier certains personnages dont ils attendent des avantages temporels, ou pour éviter de déplaire à des protecteurs puissants. Ce sont de faux chrétiens: l'Eglise les supporte pour un temps comme l'aire garde la paille, jusqu'au jour où le vanneur en sépare le grain; mais s'ils ne se corrigent pas, s'ils ne songent pas à n'avoir en vue dans le christianisme que le repos à venir, ils seront un jour séparés du bon grain. Qu'ils ne se flattent pas d'être gardés dans l'aire avec le pur froment de Dieu: loin d'être admis dans le grenier céleste, ils iront dans le feu auquel les destinent leurs péchés (1). D'autres, quoique animés d'une espérance plus noble, ne laissent pas de courir un danger aussi grave; je veux parler de ceux qui, ayant la crainte de Dieu et ne songeant ni à se jouer du nom de chrétien, ni à se couvrir du masque de l'hypocrisie pour entrer dans l'Eglise; attendent le bonheur dès ici-bas: ils voudraient jouir sur la terre d'une

1.
Mt 3,12.

prospérité plus brillante que ceux qui ne rendent à Dieu aucun hommage; aussi l'exemple de quelques impies,élevés,malgré leurs crimes, à un degré de gloire et de puissance humaines qu'ils ne peuvent atteindre ou dont-ils se voient précipités, trouble leur imagination, comme Si leur piété ne produisait aucun fruit, et fait chanceler leur foi.

1027 27. Aspirer à devenir chrétien, en vue du bonheur sans fin et de l'inaltérable repos qui est promis aux saints après la mort, sans autre but que d'entrer dans le royaume éternel avec Jésus-Christ et de ne point aller avec Satan au feu éternel (1), voilà le vrai chrétien, vigilant dans les tentations, afin de n'être jamais ni corrompu parla prospérité, ni abattu par les revers; toujours tempérant et maître de lui-même au sein des félicités de ce monde, ferme et résigné dans les tribulations. En avançant dans la pratiqué de la vertu, il finira par aimer Dieu plus: encore qu'il ne craint l'enfer, et si Dieu venait à lui dire: «Jouis éternellement des plaisirs de la chair, pèche en liberté, sans craindre la mort ni le feu éternel, à la seule condition de n'habiter jamais avec moi»; il reculerait d'horreur et s'abstiendrait du péché, moins pour éviter la peine qu'il redoute que pour ne pas offenser Celui qu'il aime, l'Etre en qui seul réside ce repos «que l'oeil de l'homme n'a point vu, que son oreille n'a point entendu, que son coeur n'a point compris, et que Dieu a préparé à ceux qui l'aiment (2)».

1028 28. Ce repos est marqué fort clairement dans l'Ecriture, qui nous apprend que Dieu, à l'origine du monde, quand il créa le ciel et la terre avec tout ce qu'ils renferment, travailla pendant six jours et se reposa le septième (3). Dans sa toute-puissance, Dieu n'avait besoin que d'un instant pour tout créer. Or, il n'a pas travaillé pour rentrer ensuite dans le repos, lui qui «a dit, et tout a été fait, a ordonné, et tout est sorti du néant (4)»; mais pour nous révéler que, les six âges du monde écoulés, il consacrerait le septième au repos avec ses saints, comme il y avait déjà consacré le septième jour, En effet, les saints trouveront le repos au sein du Dieu qu'ils ont servi par les bonnes oeuvres qu'il a lui-même opérées en eux, puisque c'est lui qui appelle, qui choisit; remet les fautes passées et justifie les

1.
Mt 14,34 Mt 14,41 Mt 14,46. - 2. 1Co 2,9. - 3. Gn 1 Gn 2,1-3 - 4. Ps 148,5.

76

pécheurs. Si donc on a raison de dire que Dieu agit dans le coeur de ceux qui n'accomplissent le bien que par un don de sa grâce, on doit également dire qu'il se repose avec les bienheureux qui goûtent le repos dans son sein: pour lui, en effet, il est étranger à la fatigue et n'a pas besoin de mettre un terme à ses travaux. C'est par son Verbe qu'il a tout créé, et le Verbe est Jésus-Christ lui-même, en qui les anges et les purs esprits du ciel se reposent et goûtent le silence de la sainteté. Déchu par sa faute, l'homme a perdu la paix qu'il devait au Verbe divin et la recouvre par les mérites du Verbe fait homme: aussi, est-ce au moment marqué dans ses desseins éternels, que le Verbe s'est fait homme et est né d'une femme, sans que la corruption de la chair pût atteindre Celui qui devait la purifier. Les saints de l'Ancien Testament ont été instruits de sa venue par les révélations du Saint-Esprit et l'ont annoncée: ils ont été sauvés en croyant qu'il viendrait, comme nous le sommes en croyant qu'il est venu; ils nous ont ainsi appris à aimer Dieu, qui a poussé l'amour pour nous jusqu'à envoyer son Fils unique revêtir la bassesse de notre humanité, et se sacrifier pour les pécheurs de la main des pécheurs mêmes. Et en effet, dès les temps les plus reculés, ce mystère nous est continuellement révélé dans sa profondeur par des figures et des prophéties.


CHAPITRE XVIII.

1029
CRÉATION DU MONDE. - PÉCHÉ ORIGINEL.


29. Le Dieu tout-puissant, bon, juste et miséricordieux, a imprimé le caractère de la bonté à toutes ses oeuvres, quelle que soit leur grandeur ou leur petitesse, à tous les points de l'espace. Après avoir créé le ciel, la terre, la mer; au ciel, le soleil, la lune et tous les astres; sur la terre et dans la mer, les plantes et les diverses espèces d'êtres qui les peuplent; en un mot, le monde des corps et des choses visibles, il a créé les choses invisibles, comme les principes de vie qui animent les corps; puis il a fait l'homme à son image: il a voulu que de même qu'il exerçait par sa toute-puissance un souverain empire sur l'ensemble de la création, l'homme commandât à la terre et aux êtres qu'elle renferme par le privilège de son intelligence qui le rend capable de connaître et d'adorer son Créateur. lia aussi créé à l'homme une compagne: ce n'était pas pour les unir par le lien de la concupiscence, puisque, avant d'être soumis à la mort, qui n'est que le châtiment du péché, leur corps était étranger à toute corruption; son but était de donner à l'homme dans la femme un sujet de se glorifier, en la guidant vers Dieu et en s'offrant à elle comme un miroir de sainteté et de piété, au même titre qu'il faisait lui-même la gloire de Dieu, en obéissant aux inspirations de sa sagesse.

1030 30. Il les plaça dans un séjour de félicité inaltérable, appelé Paradis dans l'Ecriture, en leur imposant un commandement: s'ils l'observaient fidèlement, ils devaient jouir du bonheur de l'immortalité; s'ils le transgressaient, la mort les attendait comme châtiment de leur faute. Dans sa prescience, Dieu voyait bien qu'ils pécheraient: cependant, comme il est le principe et l'auteur de tout bien, il choisit pour les créer le moment où il créa les animaux, afin de multiplier sur la terre les trésors de bonté qui conviennent à ce séjour: car, même après le péché, l'homme est encore supérieur à la bête. Quant au précepte qu'ils ne devaient pas observer, il aima mieux le leur donner, afin de leur enlever toute excuse quand il ferait peser sur eux sa justice. Quelles que soient les actions de l'homme, Dieu y fait toujours éclater sa gloire par la justice des récompenses, si elles sont bonnes, par la justice des châtiments, si elles sont criminelles; enfin, par les bienfaits de sa miséricorde, si le pécheur reconnaît sa faute et retourne au bien. Pourquoi donc n'aurait-il pas créé l'homme, tout en prévoyant sa faute, puisqu'il devait le couronner dans sa victoire, le soumettre à l'ordre dans sa chute, le soutenir dans ses efforts pour se relever, tour à tour bon, juste, clément, et toujours plein de gloire? D'ailleurs ne prévoyait-il pas que de cette tige de mort sortiraient un jour des saints qui rendraient gloire à leur Créateur sans y prétendre pour eux-mêmes, et qui, affranchis par la piété de toute souillure, mériteraient de vivre avec les saints anges d'une vie éternellement heureuse? Le don du libre arbitre, que l'homme avait reçu pour servir Dieu, moins par une fatalité humiliante que par un noble effort de sa volonté, avait été également accordé aux anges. Par conséquent l'ange qui, dans son orgueil, s'est révolté contre Dieu avec ses compagnons, et s'est changé (77) en Satan, s'est nui à lui-même sans faire tort à Dieu: car Dieu a su faire rentrer dans l'ordre les esprits rebelles, et leur châtiment est devenu une décoration pour les parties les plus basses et les plus sombres de la création, par une loi où la justice la plus sévère se joint à la plus merveilleuse harmonie. Satan n'a donc pu atteindre la majesté divine, soit en se révoltant lui-même, soit en entraînant l'homme à la mort par ses séductions: l'homme n'a pas été non plus capable d'altérer la vérité, la puissance ou la félicité de son Créateur, en s'associant librement à la désobéissance de sa femme, tombée la première dans les piéges du tentateur. Condamnés par l'arrêt le plus équitable, la justice de leur châtiment a tourné à la gloire de Dieu, comme l'humiliation de leur peine a tourné à leur honte. Séparé de son Créateur, l'homme a été assujetti à Satan, son vainqueur, et Satan a été pour l'homme revenu à son Créateur, l'ennemi qu'il fallait vaincre: de la sorte, tous ceux qui suivront jusqu'à la fin les inspirations du tentateur, iront avec lui au feu éternel; tous ceux qui s'humilieront en l'honneur de Dieu et triompheront du tentateur avec le secours de la grâce, obtiendront une récompense éternelle.


CHAPITRE XIX.

1031
MÉLANGE DES BONS ET DES MÉCHANTS DANS L'ÉGLISE. LES ACTES COMME LES PAROLES DES SAINTS QUI ONT PRÉCÉDÉ JÉSUS-CHRIST, ONT UN CARACTÈRE PROPHÉTIQUE.


31. N'allons pas nous troubler en voyant le grand nombre suivre les inspirations de Satan, tandis que le petit nombre obéit au Seigneur: entre la quantité du grain et celle de la paille, il y a toujours une disproportion considérable; et, si un gros tas de paille n'est point un embarras pour le laboureur, le nombre des coupables n'est rien aux yeux de Celui qui connaît les moyens d'en faire justice et d'empêcher le désordre de s'introduire dans son royaume et d'en troubler l'harmonie. Qu'on ne se figure pas que Satan triomphe, parce que le nombre de ses vainqueurs est inférieur à celui de ses victimes. Il existe deux cités, établies à l'origine du inonde et qui dureront jusqu'à la fin des siècles, celle des méchants et celle des justes: elles ne se distinguent aujourd'hui que par l'esprit qui les anime; mais, au jour du jugement, elles seront séparées de corps comme d'esprit. Les hommes enivrés d'orgueil, que travaille l'ambition de régner sur le monde avec tout le faste et toute la pompe des vanités humaines, forment une société étroite avec les démons qui sont animés des mêmes passions et mettent également leur gloire à soumettre les hommes à leur empire; quoique les biens du monde excitent souvent des luttes entre eux, ils n'en éprouvent pas moins une égale ambition dont le poids les entraîne tous dans le même abîme, où ils se trouvent associés par la ressemblance des caractères et des crimes. Au contraire, les hommes et les purs esprits qui oublient leur gloire pour ne chercher que celle de Dieu et qui s'attachent humblement à lui, ne sont tous non plus qu'une seule société. Et cependant, Dieu est plein de miséricorde et de patience pour les impies: il leur ménage l'occasion de se repentir et de se corriger.

1032 32. Quand Dieu a fait périr les hommes par le déluge, à l'exception d'un seul juste qu'il voulut sauver dans l'arche avec sa famille, il savait qu'aucun d'eux ne reviendrait au bien; toutefois, pendant tout un siècle qu'on mit à bâtir l'arche, il ne cessa de leur faire annoncer que sa colère allait éclater sur eux (1): s'ils s'étaient convertis, il leur aurait pardonné, comme il pardonna plus tard à Ninive, après lui avoir annoncé sa destruction prochaine par la bouche d'un prophète, en voyant cette grande cité faire pénitence (2). En accordant aux pécheurs dont il prévoit l'endurcissement tout le temps de se repentir, Dieu se propose d'exercer notre patience et nous en donne l'exemple; cet exemple est d'autant plus propre à nous enseigner la condescendance envers les pécheurs, que nous ignorons encore ce qu'ils deviendront, tandis que Dieu, pour qui l'avenir n'a pas de secrets, leur fait grâce et leur laisse la vie. Remarquons encore que l'arche de bois sur laquelle les justes échappèrent au déluge, était la figure de l'Eglise que Jésus-Christ, son roi et son Dieu, a placée, par le mystère de sa croix, au-dessus du gouffre où le monde s'engloutit. Dieu, sans doute, n'ignorait pas que des justes sauvés dans l'arche naîtrait une race coupable, qui couvrirait encore de ses iniquités la face de la terre; il ne laissa pas de donner un exemple du jugement à venir, et de représenter sous un symbole

1.
Gn 6,8. - 2. Jon 3.

78

la délivrance future des justes par le mystère du bois sacré. Le déluge n'empêche pas le vice de se multiplier sous toutes les formes de l'orgueil, de la débauche et de l'impiété: après avoir abandonné son Créateur, l'homme ne s'abaissa pas seulement jusqu'à adorer les créatures, l'ouvrage à la place de l'ouvrier; il se dégrada au point de prostituer son culte aux oeuvres de la main des hommes et aux créations de l'art, tour faire ressortir plus honteusement encore le triomphe de Satan et des démons ils s'applaudissent en effet d'être adorés sous de tels emblèmes, et perpétuent leur égarement en entraînant l'homme à leur suite.

1033 33. Dans ces temps primitifs, il se rencontra toutefois des justes pour rendre à Dieu un hommage pur et triompher de l'orgueil du tentateur; c'étaient des membres de la cité sainte, guéris de la maladie de l'orgueil par l'humilité de leur roi, Jésus-Christ, dont le Saint-Esprit leur avait révélé l'abaissement. Parmi eux se distingue Abraham, pieux et fidèle serviteur que Dieu se choisit pour lui révéler les mystères qui devaient s'accomplir en son Fils: sa foi a fait de lui le père de tous les croyants, chez tous les peuples. De ce patriarche sortit le peuple appelé à adorer l'unique et véritable Dieu, Créateur du ciel et de la terre, pendant que le reste des nations se prosternerait servilement devant les idoles et les démons. Ce peuple est une nouvelle figure plus frappante encore de l'Eglise future: il renfermait une multitude toute charnelle,.qui n'adorait Dieu qu'en vue de ses bienfaits temporels et visibles; au milieu d'elle, quelques âmes songeaient seules au repos de l'éternité et aspiraient à la céleste patrie: les prophéties apprenaient à celles-ci les abaissements de Jésus-Christ, notre Roi et Seigneur. et la foi en ce mystère les guérissait de l'orgueil dont elle dissipait toutes les fumées. Chez ces saints personnages qui ont précédé la venue de Jésus-Christ, paroles, conduite, mariage, postérité, en un mot, tous les actes de la vie renferment une prophétie du temps où l'Eglise devait se former de tous les peuples par la foi en la passion en Jésus-Christ. C'est par 1'entremise de ces patriarches et de ces prophètes que le peuple d'Israël, nommé dans la suite le peuple Juif, recevait et les bienfaits visibles que, dans ses désirs charnels, il implorait du Seigneur, et les châtiments matériels destinés à l'épouvanter quelque temps, et appropriés à sa dureté de coeur. Là encore on retrouve la figure des mystères spirituels qui devaient s'accomplir dans le Christ et son Eglise: et en réalité tous ces saints étaient membres de l'Eglise, quoiqu'ils eussent précédé la naissance de Jésus-Christ selon la chair. Car, le Fils unique de Dieu, le Verbe du Père, égal et co-éternel à son Père, par qui tout a été fait, s'est incarné pour nous, afin d'être le chef de l'Eglise et comme la tête du corps tout entier. Quand un homme naît en prenant d'abord la main, cet organe, ne fait pas moins partie de l'ensemble, que domine la tête et à laquelle il est subordonné: c'est la figure, telle que nous la retrouvons dans la naissance de quelques patriarches (1): ainsi les saints qui ont paru sur la terre avant Jésus-Christ, quoiqu'ils raient précédé, font partie du corps de l'Eglise dont il est la tête, parce qu'ils sont nés sous sa dépendance.

1.
Gn 25,25.


CHAPITRE XX.

1034
SERVITUDE DES ISRAËLITES EN ÉGYPTE. - LEUR DELIVRANCE À TRAVERS LA MER ROUGE, SYMBOLE DU BAPTÊME. - DE L'AGNEAU PASCAL, FIGURE DE LA PASSION DU CHRIST. - DU DOIGT, DE DIEU. - DE JÉRUSALEM, COMME EMBLÈME DE LÀ CITÉ CÉLESTE.


34. Transporté en Egypte, le peuple d'Israël fut soumis au joug d'un tyran farouche; instruit à l'école des plus rudes souffrances, il chercha en Dieu son libérateur. Dieu choisit dans son peuple même et fit paraître son pieux serviteur Moïse qui, après avoir épouvanté les superstitieux Egyptiens par des prodiges redoutables, accomplis au nom de la puissance divine, tira le peuple de l'Egypte et lui fit traverser la mer Rouge: là, les eaux se séparèrent,pour ouvrir un passage aux Hébreux, tandis qu'elles se refermèrent sur les Egyptiens qui poursuivaient les fugitifs, et les engloutirent. Ainsi, de même que le déluge a effacé sur la terre les crimes des pécheurs qui ont péri dans les flots, tandis que les justes trouvaient dans le bois un moyen de salut, de même les eaux livrèrent passage au peuple de Dieu, à sa sortie d'Egypte, et engloutirent ses ennemis. On retrouve, en effet, dans ce prodige, le bois mystérieux: Moïse, pour opérer ce miracle, frappa les eaux de sa verge. Voilà le symbole du baptême: les fidèles y passent à une nouvelle (79) vie, et leurs péchés, comme autant d'ennemis, y demeurent anéantis. La passion de Jésus-Christ a été plus clairement encore figurée chez ce peuple, lorsqu'il reçut l'ordre d'immoler un agneau et de le manger, de frotter les portes de son sang, et de célébrer chaque année ce mystère, sous le nom de pâque du Seigneur. C'est de Jésus-Christ, en effet, qu'il a été si clairement prédit: «Il a été conduit comme un agneau à l'immolation (1)». Tu dois imprimer aujourd'hui même sur ton front, comme les Hébreux sur leurs portes, le signe de la passion et de la croix: voilà pourquoi tous les chrétiens se signent.

1035 35. De là le peuple fut conduit dans le désert; il y erra pendant quarante ans et reçut la loi gravée du doigt même de Dieu (2). Le mot doigt désigne ici le Saint-Esprit, selon l'expression formelle de l'Evangile (3). Dieu n'est borné par aucune enveloppe matérielle, et il ne faut pas se figurer qu'il y ait en lui comme en nous des organes et des doigts; si donc le Saint-Esprit a été nommé le doigt de Dieu, c'est parce que les dons divins sont distribués parle Saint-Esprit entre tous les saints,et que ceux-ci ont des aptitudes diverses, sans toutefois cesser d'être unis par la charité, comme les doigts, sans cesser d'appartenir à un seul organe, offrent des divisions multipliées; du reste, que ce soit pour cette raison ou pour une autre, cette expression ne doit jamais éveiller en nous une idée sensible.
La loi était gravée sur des tables de pierre, pour représenter cette dureté de coeur qui devait empêcher le peuple d'en observer les commandements. Car, n'attendant du Seigneur que des bienfaits temporels, il était esclave de la crainte charnelle plutôt qu'il n'obéissait aux inspirations d'e la vraie charité; or, c'est la charité seule qui peut accomplir les commandements. Aussi furent-ils courbés, comme des esclaves, sous le joug de rites sans nombre qui devaient présider aux repas, aux sacrifices. Toutes ces cérémonies sensibles étaient. sans doute un symbole des mystères spirituels de Jésus-Christ et de son Eglise; mais quelques saints en petit nombre découvraient seuls dans ces pratiques le sens caché qui sauvait, et s'y soumettaient pour obéir aux exigences des temps: la multitude les observait sans les comprendre.

1.
Is 53,7. - 2. Ex 1,20 Ex 32,34 Nb 14,33 Dt 29,5. - 3. Lc 11,20.


1036 36. Ce fut ainsi qu'au milieu des prodiges de toute sorte, symboles de l'avenir devenus aujourd'hui des réalités dans l'Eglise, et dont le récit nous entraînerait trop loin; ce fut ainsi, dis-je, que le peuple parvint à la terre promise où il devait fonder un empire temporel selon ses désirs grossiers: néanmoins ce royaume terrestre, fut comme élevé sur le plan de la Jérusalem céleste. C'est là, en effet, que fut fondée la célèbre cité de Dieu, Jérusalem, cité esclave qui représentait la cité libre d'en haut (1), ou la céleste Jérusalem, expression hébraïque qui signifie littéralement «vision de la paix». Elle a pour citoyens tous les hommes marqués du sceau de la sainteté, soit dans le passé, soit dans le présent ou dans l'avenir, et tous les esprits purs qui, fussent-ils au sommet de la hiérarchie céleste, s'empressent d'obéir à Dieu avec un dévouement absolu, loin d'imiter l'orgueil impie de Satan et de ses anges. Pour roi, elle a Notre-Seigneur Jésus-Christ: comme Verbe, il règne sur les chefs même des anges; comme Verbe incarné, il domine sur les hommes qui régneront avec lui dans une éternelle paix. Nulle figure plus frappante de sa royauté n'a brillé dans le royaume terrestre d'Israël que David, de la race duquel devait naître selon la chair le vrai monarque, Notre-Seigneur Jésus-Christ, «qui est béni dans les siècles des siècles (2)». Mille faits se sont accomplis dans la terre promise pour désigner l'avènement de Jésus-Christ et de son Eglise: tu pourras les apprendre peu à peu dans les saints livres.

1.
Ga 4,25-26- 2. Rm 9,5


CHAPITRE XXI.

1037
CAPTIVITÉ DE BABYLONE. - LES JUIFS N'ONT JAMAIS DEPUIS RECOUVRÉ LEUR INDÉPENDANCE NATIONALE.


37. Plusieurs générations après David, Dieu fit voir en figure le mystère le plus profond. La cité sainte fut réduite en captivité et la plupart de ses enfants emmenés à Babylone. Or, si Jérusalem désigne la société formée par les saints, Babylone qui, dit-on, signifie confusion, désigne la société formée par les méchants. Nous avons déjà parlé de ces deux cités qui doivent subsister ensemble à travers les vicissitudes des âges, depuis l'origine du monde jusqu'à la fin des siècles, et au jour du jugement où elles seront à jamais séparées. (80)
La partie de Jérusalem et du peuple vouée à l'exil, reçut l'ordre du Seigneur de partir pour Babylone, par la bouche de Jérémie, le prophète de cette époque.
Parmi les monarques babyloniens, leurs maîtres, il s'en rencontra qui, frappés des miracles accomplis à l'occasion des Israélites, reconnurent le vrai Dieu, l'unique Créateur de toute créature, l'adorèrent et le firent adorer (1). Le Seigneur commanda encore aux Israélites de prier pour ceux qui les retenaient en captivité, de fonder l'espoir de leur tranquillité sur celle de leurs maîtres, afin de pouvoir élever leurs familles, bâtir des maisons, planter des jardins et des vignes. C'est après une période de 70 ans que Jérémie promit la fin de la captivité (2). Or c'était là une allégorie qui désignait la soumission que doit aux monarques du monde l'Eglise avec tous les saints, qui sont les citoyens de la Jérusalem d'en haut: car, d'après la doctrine de l'Apôtre, «toute personne doit être soumise aux puissances souveraines»; et plus loin: «Rendez à chacun ce que vous lui devez, le tribut à qui vous devez le payer, l'impôt, à qui doit le lever sur vous (3)». Et ainsi de tous les devoirs auxquels nous sommes obligés envers les puissances humaines, sauf le culte que nous devons à notre Dieu. Notre-Seigneur lui-même a voulu nous enseigner par son exemple ces sages principes et n'a pas dédaigné de payer la capitation pour sa personne (4), Les serviteurs chrétiens et les pieux fidèles doivent obéir à leurs maîtres selon la chair avec autant de docilité que de dévouement (5); ils les jugeront un jour, si leur iniquité ne se dément pas; ils régneront fraternellement avec eux, s'ils se convertissent au vrai Dieu. C'est à tous les chrétiens que s'adresse le commandement d'être soumis aux puissances de la terre et du monde, jusqu'au moment, figuré par le terme de 70 ans, où l'Eglise sera arrachée à la confusion du monde, comme Jérusalem fut affranchie de la captivité de Babylone. La captivité de l'Eglise a aussi été cause que les rois de la terre ont enfin abandonné les idoles au nom desquelles ils persécutaient les chrétiens: ils ont reconnu, ils adorent le vrai Dieu et le souverain Seigneur Jésus-Christ. Il faut également

1.
Da 2,6 Da 14. - 2. Jr 25,29. - 3. Rm 13,1 Rm 13,7. - 4. Mt 17,26. - 5. Ep 6,5.

prier pour eux, lors même qu'ils persécuteraient l'Eglise, comme nous le commande l'apôtre Paul, qui s'exprime ainsi: «Je vous recommande avant tout de faire des supplications, des prières, des demandes et des actions de grâces pour tous les hommes, pour tous les rois et pour tous ceux qui sont élevés en dignité, afin que nous menions une vie heureuse et tranquille en toute piété et honnêteté (1)». Ce sont eux, en effet, qui ont donné à l'Eglise la paix et cette tranquillité matérielle nécessaire pour bâtir des édifices spirituels, pour féconder les jardins et les vignes du Seigneur. Vois plutôt: dans cet entretien, j'édifie et je plante en ton âme, et ce travail s'accomplit dans tout l'univers, grâce à la paix que nous donnent les rois chrétiens. «Vous êtes le champ que Dieu cultive, dit encore l'Apôtre, et l'édifice que Dieu bâtit (2)».

1038 38. Au bout de 70 ans, figure mystique de la fin des temps, le temple fut rebâti à Jérusalem, afin de compléter la figure; mais comme tous ces événements n'étaient que des symboles, les Juifs ne purent jamais recouvrer ni paix solide ni indépendance. Plus tard, ils furent vaincus par les Romains et soumis au tribut. Du reste, à partir du moment où ils entrèrent dans la terre promise, et quand ils eurent des chefs à leur tête, le Christ ne cessa d'être annoncé dans une foule de prophéties, d'une clarté plus frappante encore que par le -passé, de peur qu'ils ne crussent voir la pro. messe d'un Messie libérateur accomplie dans la personne d'un de leurs rois. Outre David, dans le livre des Psaumes, une foule de prophètes, pleins d'élévation et de sainteté, le prédirent jusqu'à la captivité de Babylone. Durant la captivité, il parut encore des prophètes qui annoncèrent la venue du Seigneur Jésus-Christ, libérateur du genre humain. Lorsque le temple eût été reconstruit, après la période des 70 années, les Juifs furent soumis par les rois étrangers à une tyrannie si effroyable, qu'ils n'eurent pas de peine à sentir que le Libérateur n'avait pas encore paru: car, ne comprenant pas que ce Libérateur n'affranchirait que les âmes, le désir de la liberté charnelle leur faisait implorer sa venue.

1.
1Tm 2,1-2 2. 1Co 3,9

81


CHAPITRE XXII.

1039
LES SIX ÉPOQUES DE L'HISTOIRE DU MONDE. - DE L'ESPRIT DU NOUVEAU TESTAMENT. - NAISSANCE, VIE ET MORT DE JÉSUS-CHRIST.


39. Voici donc les cinq premiers âges du monde: le premier s'étend d'Adam, le père du genre humain, jusqu'à Noé et à la construction de l'arche (1); le second s'étend de Noé à Abraham, le père de toutes les nations qui devaient imiter sa foi (2): c'est du sang d'Abraham que devait sortir la race juive, la seule qui, parmi tous les peuples du monde, avant la diffusion de la foi chrétienne, ait adoré l'unique et véritable Dieu, et de qui devait naître selon la chair le Messie Sauveur. Ces deux premières époques sont mises en relief dans l'Ancien Testament; quant aux trois autres, l'Evangile même les distingue dans la généalogie de Notre-Seigneur (3). Le troisième âge s'étend depuis Abraham jusqu'au roi David; le quatrième, depuis David jusqu'à la captivité qui transporta le peuple de Dieu à Babylone; le cinquième, depuis la transmigration de Babylone jusqu'à l'avènement de Jésus-Christ; le sixième commence avec Jésus-Christ. C'est dans ce dernier âge que la grâce toute spirituelle, connue jusque-là d'un petit nombre de prophètes et de patriarches, devait être révélée à toutes les nations, que les hommages rendus à Dieu devaient être désintéressés; en d'autres termes, n'avoir plus pour but la récompense matérielle d'un culte mercenaire et les prospérités de la vie présente, mais la vie éternelle et la possession de Dieu; enfin, c'est dans ce sixième âge que l'âme humaine devait être renouvelée à l'image de Dieu, de même qu'au sixième jour l'homme avait été fait à son image (4). Car la loi est remplie, quand ce n'est plus par passion pour les biens temporels, mais par amour pour le législateur, qu'on exécute tout ce qu'elle commande. Et comment ne pas payer de retour le Dieu si juste et si miséricordieux qui a le premier aimé les hommes, malgré leur injustice et leur orgueil, au point de leur envoyer son Fils unique, par qui il avait tout créé? Et ce Fils n'a-t-il pas, sans changer de nature, adopté l'humanité, revêtu la chair, et consenti, non-seulement à vivre avec les hommes, mais encore à être immolé par eux et pour eux?

1.
Gn 6. - 2. Gn 17,4. - 3. Mt 1,17. - 4. Gn 1,27.

1040 40. En promulguant le Nouveau Testament, (81) titre d'un éternel héritage, Jésus-Christ renouvelait l'homme et lui enseignait à vivre, avec le secours de la grâce, de la vie nouvelle de l'esprit; du même coup il déclarait suranné l'Ancien Testament, sous la loi duquel un peuple grossier, animé des instincts du vieil homme, à l'exception des patriarches, des prophètes ou des saints inconnus qui comprenaient en petit nombre le sens caché de l'Ecriture, ne connaissait que la vie des sens, n'attendait du Seigneur que des récompenses matérielles, et les recevait en figure des biens spirituels. Jésus-Christ fait homme a donc méprisé tous les biens d'ici-bas, afin de nous apprendre le mépris que nous en devions faire, et s'est chargé des maux qu'il nous engageait à supporter; par là il nous a montré qu'il ne fallait ni mettre le bonheur dans les uns, ni craindre les autres comme une cause de malheur. Né d'une Mère qui, quoique conservant toute sa vie la fleur de son intégrité, Vierge quand elle conçoit, Vierge quand elle enfante, Vierge quand elle meurt, ne laissait pas d'être la fiancée d'un charpentier, il a sans retour anéanti l'orgueil attaché à la noblesse du sang. Né à Bethléem, la plus petite des villes de Juda, et si faible qu'aujourd'hui même on l'appelle un hameau, il nous a appris à ne plus tirer vanité de notre cité terrestre, quelle qu'en soit la grandeur. Il a même voulu devenir pauvre, lui qui possède tout et qui a tout créé, afin d'empêcher ceux qui croiraient en lui de s'enorgueillir des richesses d'ici-bas. Il a refusé la royauté que lui offraient les hommes, quoique la création entière publie sa royauté éternelle, parce qu'il montrait le chemin de l'humilité aux malheureux que l'orgueil avait séparés de lui. Il donne à tous les êtres les aliments et le breuvage; il est le pain des esprits et la source où ils viennent se désaltérer. Et cependant, il s'est condamné à la faim comme à la soif. Il a supporté les fatigues du voyage, et c'est lui qui s'est fait notre voie pour nous conduire au ciel; il s'est tu, il a semblé fermer les oreilles devant ceux qui l'outrageaient, et c'est lui qui a rendu l'ouïe aux sourds et la parole aux muets; il a brisé les entraves du péché, et il s'est laissé enchaîner; il a soustrait les malades aux aiguillons de la douleur, et il a été flagellé; il a fini nos tourments, et il a enduré celui de la croix; enfin il a ressuscité les morts, et il a voulu mourir. Mais il est ressuscité pour ne (82) plus mourir, afin d'empêcher l'homme de mépriser la mort en s'imaginant qu'il ne saurait plus revivre.


CHAPITRE XXIII.

1041
DESCENTE DU SAINT-ESPRIT. - CONVERSIONS OPÉRÉES CHEZ LES JUIFS ET CHEZ LES GENTILS.


41. Après avoir affermi la foi chez ses disciples et s'être montré à eux pendant quarante jours, Jésus-Christ monta au ciel en leur présence. Cinquante jours après la Résurrection, il leur envoya, selon sa promesse, le Saint-Esprit, pour répandre dans leur coeur la charité qui devait non-seulement alléger, mais encore faire aimer l'accomplissement de la loi. Cette loi avait été donnée aux Juifs sous la forme de dix commandements, ce qu'on appelle le Décalogue:- mais elle se réduit à deux préceptes qui sont d'aimer Dieu de tout notre coeur, de toute notre âme-, de tout notre esprit, et d'aimer notre prochain comme nous-mêmes. Ces deux commandements renferment la Loi et les Prophètes, comme le Seigneur l'a déclaré expressément dans l'Evangile (1), et l'a du reste prouvé par son exemple. Cinquante jours après avoir célébré la pâque symbolique, immolé et mangé l'agneau dont le sang marqua leurs portes comme gage de salut (2), le peuple d'Israël reçut la loi gravée du doigt de Dieu (3), figure du Saint-Esprit, comme nous l'avons déjà remarqué (4): de même, ce fut le cinquantième jour après la passion de Notre-Seigneur, la véritable pâque, que le Saint-Esprit fut envoyé aux disciples. Ici, plus de tables de pierre pour figurer la dureté des coeurs: les disciples étaient tous assemblés en un même lieu, à Jérusalem, quand on entendit soudain un bruit sourd venait du ciel, semblable à celui d'un vent impétueux; et ils virent des langues de feu qui se partagèrent et s'arrêtèrent sur chacun d'eux: puis ils commencèrent à parler diverses langues. Tous les Juifs venus à Jérusalem des différents pays où ils étaient dispersés et dont ils avaient appris la langue, reconnaissaient leur idiome particulier dans le langage des disciples (5). Prêchant alors Jésus-Christ avec tout l'enthousiasme de la foi, ils opéraient en son nom une foule de prodiges, au point que Pierre, ayant passé

1.
Mt 22,37-40. - 2. Ex 12. - 3. Ex 19,20. - 4. Ci-dessus, ch. 20,n. 35. - 5. Ac 2,1-11.

près d'un mort et l'ayant couvert de son ombre, le ressuscita (1).
42. A la vue des prodiges éclatants qui s'accomplissaient au nom de celui qu'ils avaient crucifié, les uns par haine, les autres par erreur, les Juifs se divisèrent: les uns s'acharnèrent à poursuivre les Apôtres qui l'annonçaient; les. autres, étonnés de voir s'accomplir tant de merveilles au nom de Celui qu'ils avaient tourné en dérision et dont ils se flattaient d'avoir consommé la défaite et la ruine, se repentirent par milliers et crurent en lui. Ce n'étaient plus ces Juifs qui demandaient à Dieu des prospérités mondaines et un royaume temporel, ou qui attendaient dans le Messie un monarque glorieux selon la chair: se plaçant au point de vue de l'éternité, ils comprenaient, ils aimaient Celui qui s'était condamné à souffrir par eux et pour eux tant de supplices dans le temps, qui avait effacé généreusement tous les crimes de leur race, et, par l'exemple de sa résurrection, leur avait appris à attendre de lui le don de l'immortalité. Ils mortifiaient donc en eux les désirs du vieil homme, et dans leur enthousiasme pour la vie spirituelle dont ils avaient jusqu'alors ignoré les merveilles, ils s'empressaient, selon le précepte évangélique, de vendre ce qu'ils possédaient et d'en déposer le prix aux pieds des Apôtres: ensuite on le distribuait à chacun selon ses besoins (2). Ils vivaient dans l'union de la charité chrétienne: aucun ne considérait comme à lui ce qu'il possédait; toutes choses étaient communes entre eux et ils ne formaient qu'un coeur et qu'une âme (3). Leurs concitoyens ne tardèrent pas à les persécuter, au mépris de la voix du sang, si puissante sur ces esprits charnels, et les dispersèrent. Les chrétiens trouvèrent ainsi l'occasion de propager au loin l'Evangile et d'imiter la patience de leur Maître: après avoir souffert pour eux avec douceur, il les invitait à prendre un esprit de douceur et à souffrir pour lui.

1. Ac 5,15. - 2. Ac 2,44 Ac 4,34. - 3. Ac 4,32-35.

1043 43. Parmi les persécuteurs des chrétiens, Paul avait montré le plus d'acharnement. Appelé à la foi et à l'apostolat, il reçut la mission d'annoncer l'Evangile aux Gentils et souffrit pour le nom de Jésus-Christ plus de maux qu'il n'en avait fait pour le combattre. En fondant des églises chez toutes les nations où il semait la parole évangélique, il sentait bien que les fidèles qui venaient de renoncer au culte des idoles et qui étaient peu initiés encore à l'esprit de la religion, avaient de la peine à vendre et à distribuer leurs biens pour ne servir que Dieu; aussi leur recommandait-il instamment d'envoyer des offrandes aux chrétiens pauvres des- églises de Judée. D'après les principes de l'Apôtre, les uns remplissaient le rôle de soldats, les autres étaient chargés dans les provinces de solder leur paie. Il posait parmi eux Jésus-Christ comme la principale pierre de l'angle, selon l'expression du prophète (1), afin d'y rattacher, comme deux murailles opposées les Juifs et les Gentils, et de les confondre dans une charité toute fraternelle. Dans la suite, les peuples païens suscitèrent à 1'Eglise de Jésus-Christ des persécutions à la fois plus fréquentes et plus cruelles, et l'on voyait de jour en jour s'accomplir cette prédiction du Seigneur: «Voilà que je vous envoie comme des brebis au milieu des loups (2)».



Augustin, Catéchisme 1026