Augustin, Cité de Dieu 2020

2020

CHAPITRE XX. CE QUE SAINT PAUL A ENSEIGNÉ SUR LA RÉSURRECTION DES MORTS DANS SA PREMIÈRE ÉPÎTRE AUX HABITANTS DE THESSALONIQUE.

L'Apôtre ne parle pas ici de la résurrection des morts; mais dans sa première épître aux mêmes habitants de Thessalonique, il dit «Je ne veux pas, mes frères, que vous ignoriez ce qui regarde ceux qui dorment, de peur que vous ne vous affligiez comme font les autres hommes qui n'ont point d'espérance. Car si nous croyons que Jésus-Christ est mort et ressuscité, nous devons croire aussi que Dieu amènera avec Jésus ceux qui sont morts avec lui. Je vous déclare donc, selon la parole du Seigneur, que nous qui vivons «et qui sommes réservés pour l'avénement du Seigneur, nous ne préviendrons point ceux qui sont déjà dans le sommeil de la mort; mais à la voix de l'archange et au son de la trompette de Dieu, le Seigneur lui-même descendra du ciel; et ceux qui seront morts en Jésus-Christ ressusciteront les premiers. Ensuite, nous qui sommes vivants et qui serons demeurés jusqu'alors, nous serons emportés avec eux dans les nues et au milieu des airs devant le Seigneur; et ainsi nous serons pour jamais avec le Seigneur 1». Ces paroles de l'Apôtre marquent clairement la résurrection future, lorsque Notre-Seigneur Jésus-Christ viendra juger les vivants et les morts.
Mais on a coutume de demander si ceux que le Seigneur trouvera vivants, et que saint Paul figure ici par lui-même et par ceux qui

1. 1Th 4,12-16

vivaient alors, ne mourront point; ou bien si, dans le moment où ils seront emportés dans l'air devant le Seigneur, ils passeront par la mort à l'immortalité 1. On aurait tort de croire que, pendant qu'ils seront portés dans l'air, ils ne pourront mourir et ressusciter. Aussi ne faut-il pas entendre ces paroles: «Et ainsi nous serons pour jamais avec le Seigneur», comme si saint Paul voulait dire par là que nous demeurerons toujours avec lui dans l'air, puisqu'il n'y demeurera pas lui-même, et qu'il y viendra seulement en passant; mais nous serons pour jamais avec le Seigneur, en ce que nous aurons toujours des corps mortels, dans quelque lieu que nous soyons avec lui. Or, c'est l'Apôtre lui-même qui nous oblige en quelque sorte à croire que ceux que Notre-Seigneur trouvera vivants souffriront la mort et recevront l'immortalité incontinent, puisqu'il dit: «Tous vivront en Jésus-Christ 2»; et encore «Ce qu'on sème dans la terre ne renaît pas, s'il ne meurt auparavant 3». Comment donc ceux que Jésus-Christ trouvera vivants revivront-ils en lui par l'immortalité, s'ils ne meurent pas? Il est vrai que si l'on ne peut pas dire proprement du corps d'un homme qu'il est semé, à moins qu'il ne retourne à la terre, selon la sentence portée par Dieu contre le premier pécheur: «Tu es terre, et tu retourneras à la terre 4»; il faut avouer que ceux que Notre-Seigneur trouvera en vie, à son avénement, ne sont pas compris dans ces paroles de l'Apôtre, ni dans celles de la Genèse. Il est clair qu'étant enlevés dans les nues, ils ne seront pas semés en terre et n'y retourneront pas, soit qu'ils ne doivent pas mourir, soit qu'ils meurent momentanément dans l'air.
Mais, d'un autre côté, le même Apôtre, écrivant aux Corinthiens, dit: «Nous ressusciterons tous 5»; ou, suivant d'autres leçons: «Nous dormirons tous 6». Si donc on ne peut ressusciter sans avoir passé par la mort, comment tous ressusciteront-ils ou dormiront-ils, si tant d'hommes que Jésus-Christ trouvera vivants ne doivent ni dormir ni ressusciter? J'estime donc qu'il faut nous en tenir à ce que

1. Comp. saint Augustin, Epist, CXLIII ad Mercatorem; Liber de Octo Dulc. quaest., qu. 3
2. 1Co 15,22 -3. 1Co 36 -4. Gn 3,19 -5. 1Co 15,51
6. Tertullien suit la première leçon (De Res. carn., cap. 42); saint Jérôme préfère la seconde (Epist. CLII ad Minerium; Comm. In Isaiae cap LI)

(469)


nous venons de dire, que ceux que Jésus-Christ trouvera en vie, et qui seront emportés dans l'air, mourront en ce moment, pour reprendre aussitôt après leurs corps mortels. Pourquoi ne croirions-nous pas que cette multitude de corps puisse être semée en quelque sorte dans l'air et y reprendre à l'heure même une vie immortelle et incorruptible, lorsque nous croyons ce que nous dit le même Apôtre, que la résurrection se fera en un clin d'oeil 1, et que la poussière des corps, répandue en cent lieux, sera rassemblée avec tant de facilité et de promptitude? Quant à cette parole de la Genèse: «Tu es terre, et tu retourneras à la terre»; il ne faut pas s'imaginer qu'elle ne s'accomplisse pas dans les saints qui mourront dans l'air, sous prétexte que leurs corps ne retomberont pas sur la terre, attendu que ces mots: «Tu retourneras à la terre», signifient; Tu iras, après avoir perdu là vie, là où tu étais avant de la recevoir; c'est-à-dire, tu seras, quand tu auras perdu ton âme, comme tu étais avant d'en avoir une. L'homme n'était que terre, en effet, quand Dieu souffla sur sa face pour lui donner la vie. C'est donc comme s'il lui disait: Tu es une terre animée, ce que tu n'étais pas; tu seras une terre sans âme, comme tu étais. Ce que sont tous les corps morts avant qu'ils ne pourrissent, ceux-là le seront s'ils meurent, quelque part qu'ils meurent. Ils retourneront donc à la terre, puisque d'hommes vivants. Ils redeviendront terre.; de même que ce qui devient cendre retourne en cendre, que ce qui devient vieux va à la vieillesse, que la bouc qui durcit revient à l'état de pierre? Mais toutes nos réflexions à ce sujet ne sont que des conjectures; et nous ne comprendrons bien qu'au jour suprême ce qui en est réellement. Si nous voulons être chrétiens, nous devons croire à la résurrection des corps, quand Jésus-Christ viendra juger les vivants et les morts. Et ici notre foi n'est pas vaine, bien que nous ne comprenions pas parfaitement ce qu'il en sera, pourvu que nous y croyions. Il nous reste à examiner, comme nous l'avons promis, ce que les livres prophétiques de l'Ancien Testament disent de ce dernier jugement de Dieu; mais nous n'aurons pas besoin, pour être compris, de nous étendre beaucoup, si le lecteur veut bien se rappeler ce que nous venons de dire.

1. 1Co 15,52

2021

CHAPITRE XXI. PREUVES DE LA RÉSURRECTION DES MORTS ET DU JUGEMENT DERNIER, TIRÉES DU PROPHÈTE ISAÏE.

Le prophète Isaïe a dit: «Les morts ressusciteront, et ceux qui sont dans les tombeaux en sortiront, et tous ceux qui sont sur la terre se réjouiront; car la rosée qui vient de vous est leur santé; mais la terre des impies tombera 1». Tout le commencement du verset regarde la résurrection des bienheureux; mais quand il dit: «La terre des impies tombera», il faut l'entendre des méchants qui tomberont dans la damnation. Pour ce qui regarde la résurrection des bons, si nous y voulons prendre garde, nous trouverons qu'il faut rapporter à la première ces paroles: «Les morts ressusciteront»; et à la seconde celles-ci, qui viennent après: «Ceux qui sont dans les tombeaux ressusciteront aussi». Ces mots: «Et tous ceux qui sont sur la terre se réjouiront; car la rosée qui vient de vous est leur santé», s'appliquent aux saints que Jésus-Christ trouvera vivants à son avénement. Par la santé, nous ne pouvons entendre raisonnablement que l'immortalité; car on peut dire qu'il n'y a point de santé plus parfaite que celle qui n'a pas besoin, pour se maintenir, de prendre tous les jours le remède des aliments. Le même Prophète parle encore ainsi du jour du jugement, après avoir donné de l'espérance aux bons et de la frayeur aux méchants: «Voici ce que dit le Seigneur: Je me détournerai sur eux comme un fleuve de paix et comme un torrent qui inondera la gloire des nations. Leurs enfants seront portés sur les épaules et caressés sur les genoux. Je vous caresserai comme une mère caresse son enfant, et ce sera dans Jérusalem que, vous recevrez cette consolation. Vous verrez, et votre coeur se réjouira, et vos os germeront comme l'herbe. On reconnaîtra la main du Seigneur qui va venir comme un feu; et ses chariots seront comme la tempête, pour exercer sa vengeance dans sa colère et livrer tout en proie aux flammes,. Car toute la terre sera jugée par le feu du Seigneur, et toute chair par son glaive. Plusieurs seront blessés par le Seigneur 2». Le Prophète dit que le Seigneur se détournera sur les bons comme un fleuve de paix; ce qui sans

1 Is 26,19 sec. LXX. -2. Is 66,12-16 sec. LXX

(470)

doute leur promet une abondance de paix la plus grande qui puisse être. C'est cette paix dont nous jouirons à la fin et dont nous avons amplement parlé au livre précédent. Voilà le fleuve que le Seigneur détournera sur les bons, à qui il promet une si grande félicité, pour nous faire entendre que dans cette heureuse région, qui est le ciel, tous les désirs seront comblés par lui, Comme cette paix sera une source d'incorruptibilité et d'immortalité qui se répandra sur les corps mortels, il dit qu'il se détournera comme un fleuve sur eux, afin de se répandre d'en haut sur les choses les plus humbles et d'égaler les hommes aux anges. Et par la Jérusalem dont le Prophète parle, il ne faut point entendre celle qui est esclave, ainsi que ses enfants, mais au contraire, avec l'Apôtre, celle qui est libre et noire mère, et qui est éternelle dans les cieux 1, où nous serons consolés après les ennuis et les travaux de cette vie mortelle, et portés sur ses épaules et sur ses genoux comme de petits enfants. Nous serons, en quelque sorte, tout renouvelés pour une si grande félicité et pour les ineffables douceurs que nous goûterons dans son sein. Là nous verrons, et notre coeur se réjouira. Il ne dit point ce que nous verrons; mais que sera-ce, sinon Dieu? Alors s'accomplira en nous la promesse de l'Evangile: «Bienheureux ceux qui ont le coeur pur, parce qu'ils verront Dieu 2». Que sera-ce, sinon toutes ces choses que nous ne voyons point maintenant, mais que nous croyons, et dont l'idée que nous nous formons, selon la faible portée de notre esprit, est infiniment au-dessous de ce qu'elles sont réellement: «Vous verrez, dit-il, et votre coeur se réjouira». Ici vous croyez, là vous verrez.
Quand il a dit: «Et votre coeur se réjouira», craignant que nous ne pensions que ces biens de la Jérusalem céleste ne regardent que l'esprit, il ajoute «Et vos os germeront comme l'herbe»,où il nous rappelle la résurrection des corps, comme s'il reprenait ce qu'il avait omis de dire. Cette résurrection ne se fera pas, en effet, lorsque nous aurons vu; mais au contraire, c'est quand elle sera accomplie que nous verrons. En effet, le Prophète avait déjà parlé auparavant d'un ciel nouveau et d'une terre nouvelle, aussi bien que des promesses faites aux saints: «Il y aura un ciel nouveau et une terre nouvelle; et ils ne

1. Ga 4,26 - Mt 5,8


trouveront que des sujets de joie dans cet heureux séjour. Je ferai que Jérusalem ne soit plus qu'une fête éternelle, et mon peuple la joie même. Et Jérusalem fera tout mon plaisir, et mon peuple toutes mes délices. On n'y entendra plus de pleurs ni de gémissements 1». Puis vient le reste, que certains veulent faire rapporter au règne charnel des mille ans. Le Prophète mêle ici les expressions figurées avec les autres, afin que notre esprit s'exerce salutairement à y chercher un sens spirituel; mais la paresse et l'ignorance s'arrêtent à la lettre, et ne vont pas plus loin. Pour revenir aux paroles du Prophète que nous avions commencé à expliquer, après avoir dit: «Et vos os germeront comme l'herbe», pour montrer qu'il ne parle que de la résurrection des bons, il ajoute: «Et l'on reconnaîtra la main du Seigneur envers ceux qui le servent». Quelle est cette main, sinon celle qui distingue les hommes qui servent Dieu de ceux qui le méprisent? Il parle ensuite de ces derniers dans les termes suivants: «Et il exécutera ses menaces contre les rebelles. Car voilà le Seigneur qui va venir comme un feu, et ses chariots seront comme la tempête, pour exercer sa vengeance dans sa colère, et donner tout en proie aux flammes. Car toute la terre sera jugée par le feu du Seigneur, et toute chair par son glaive, et plusieurs seront blessés par le Seigneur». Par ces mots de feu, de tempête, et de glaive, il entend le supplice de l'enfer. Les chariots désignent le ministère des anges. Lorsqu'il dit que toute la terre et toute chair seront jugées par le feu du Seigneur et par son glaive, il faut excepter les saints et les spirituels, et n'y comprendre que les hommes terrestres et charnels, dont il est dit qu'ils ne goûtent que les choses de la terre 2,et que la sagesse selon la chair, c'est la mort 3 et enfin ceux que Dieu appelle chair, quand il dit: «Mon esprit ne demeurera plus parmi ceux-ci, parce qu'ils ne sont que chair 4». Quand il dit que «plusieurs seront blessés par le Seigneur», ces blessures doivent s'entendre de la seconde mort. Il est vrai qu'on peut prendre aussi en bonne part le feu, le glaive elles blessures. Notre-Seigneur dit lui-même qu'il est venu pour apporter le feu sur la terre 5.

1 Is 65,17-16 sec. LXX. –2. Ph 3,19 –3. Rm 8,6 -4. Gn 6,3 –5. Lc 12,49


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Les disciples virent comme des langues de feu qui se divisèrent quand le Saint-Esprit descendit sur eux 1. Notre-Seigneur dit encore qu'il n'est pas venu sur la terre pour apporter la paix, mais le glaive 2. L'Ecriture appelle la parole de Dieu un glaive à cieux tranchants, à cause des deux Testaments 3 et dans le Cantique des cantiques, l'Eglise s'écrie qu'elle est blessée d'amour comme d'un trait 4. Mais ici, où il est clair que Dieu vient pour exécuter ses vengeances, on voit de quelle façon toutes ces expressions doivent s'expliquer.
Après avoir brièvement indiqué ceux qui seront consumés par ce jugement, le Prophète, figurant les pécheurs et les impies sous l'image des viandes défendues par l'ancienne loi, dont ils ne se sont pas abstenus, revient à la grâce du Nouveau Testament, depuis le premier avénement du Sauveur jusqu'au jugement dernier, par lequel il termine sa prophétie. Il raconte que le Seigneur déclare qu'il viendra pour rassembler toutes les nations, et qu'elles seront témoins de sa gloire 5; car, dit l'Apôtre: «Tous ont péché et tous ont besoin de la gloire de Dieu 6». lsaïe ajoute qu'il fera devant eux tant de miracles qu'ils croiront en lui, qu'il enverra certains d'entre eux en différents pays et dans les îles les plus éloignées, où l'on n'a jamais ouï parler de lui, ni vu sa gloire, qu'ils amèneront à la foi les frères de ceux à qui le Prophète a parlé, c'est-à-dire les Israélites élus, en annonçant l'Evangile parmi toutes les nations, qu'ils amèneront un présent à Dieu, de toutes les contrées du monde, sur des chevaux et sur des chariots (qui sont les secours du ciel et qui se transmettent par le ministère des anges et des hommes), enfin qu'ils l'amèneront dans la sainte Cité de Jérusalem, qui maintenant est répandue par toute la terre dans la sainteté des fidèles. En effet, où ils se sentent aidés par un secours divin, les hommes croient, et où ils croient, ils viennent. Or, le Seigneur les compare aux enfants d'Israël qui lui offrent des victimes dans son temple, avec des cantiques de louange, comme l'Eglise le pratique déjà partout. De nos jours, ne choisit-on pas les prêtres et les lévites, non en regardant la race et le sang, comme cela se pratiquait d'abord dans le sacerdoce selon l'ordre d'Aaron, muais comme il convient à l'esprit du

1. Ac 2,3 –2. Mt 10,31 –3. He 4,12 –4. Ct 2,5 sect. LXX. –5. Is 66,17-18 –6. Rm 3,23


Nouveau Testament, où Jésus-Christ est le souverain prêtre selon l'ordre de Mélchisédech 1, en considérant le mérite que la grâce divine donne à chacun? ne choisit-on pas, dis-je, des prêtres et des lévites qu'il ne faut pas juger par la fonction dont ils sont souvent indignes, mais par la sainteté, qui ne peut être commune aux bon set aux méchants?
Après avoir ainsi parlé de cette miséricorde de Dieu pour son Eglise, dont les effets nous sont si sensibles et si connus, Isaïe promet, de la part de Dieu, les fins où chacun arrivera lorsque le dernier jugement aura séparé les bons d'avec les méchants: «Car, de même que le nouveau ciel et la nouvelle terre demeureront en ma présence, dit le Seigneur, ainsi votre semence et votre nom demeureront devant moi; et ils passeront de mois en mois et de sabbat en sabbat, et toute chair viendra m'adorer en Jérusalem; et ils sortiront, et ils verront les membres des hommes prévaricateurs. Leur ver ne mourra point, et le feu qui les brûlera ne s'éteindra point; et ils serviront de spectacle à toute chair 2». C'est par là que le prophète lsaïe finit son livre, comme par là aussi le monde doit finir. Quelques versions, au lieu des «membres des hommes», portent les «cadavres des hommes 3», entendant évidemment par là la peine des corps damnés, quoique d'ordinaire on n'appelle cadavre qu'une chair sans âme, au lieu que les corps dont il parle seront animés, sans quoi ils ne pourraient souffrir aucun tourment. Cependant il est possible qu'on ait voulu entendre par ces mots des corps semblables à ceux des hommes qui passeront à la seconde mort, d'où vient cette parole du Prophète: «La terre des impies tombera». Qui ne sait, en effet, que cadavre vient d'un mot latin qui signifie tomber 4? De même il est assez clair que par le mot hommes le Prophète veut parler de toutes les créatures humaines en général 5; car personne n'oserait soutenir que les femmes pécheresses ne subiront pas aussi leur supplice. Il faut le croire d'autant mieux que c'est de la femme elle-même que l'homme est sorti. Mais voici ce qui importe particulièrement à notre sujet, puisque le Prophète, en parlant des bons, dit: «Toute chair viendra», parce que le peuple chrétien sera composé de toutes les nations, et qu'en parlant des méchants, il les appelle membres ou cadavres, cela montre que le jugement qui enverra à leur fin les bons et les méchants aura lieu après la résurrection de la chair, dont il parle si clairement.

1. Ps 109,4 -2. Is 66,22-21 sec. LXX
3. C'est la leçon de la Vulgate
4. Voyez plus haut, ch. 10
5. La Vulgate donne virorum les Septante anthropon

(472)


2022

CHAPITRE XXII. COMMENT IL FAUT ENTENDRE QUE LES BONS SORTIRONT POUR VOIR LE SUPPLICE DES MÉCHANTS.

Mais comment les bons sortiront-ils pour voir le supplice des méchants? Dirons-nous qu'ils quitteront réellement les bienheureuses demeures, pour passer aux lieux des supplices et être témoins des tourments des damnés? A Dieu ne plaise! c'est en esprit, c'est par la connaissance qu'ils sortiront. Ce mot sortir fait entendre que ceux qui seront tourmentés seront dehors: car Notre-Seigneur appelle aussi ténèbres extérieures ces lieux opposés à l'entrée qu'il annonce au bon serviteur, quand il lui dit: «Entre dans la joie de ton Seigneur 1»; et loin que les méchants y entrent pour y être connus, ce sont plutôt les saints qui sortent en quelque façon vers eux par la connaissance qu'ils ont de leur malheur. Ceux qui seront dans les tourments ne sauront pas ce qui se passera au dedans, «dans la joie du Seigneur»; mais ceux qui posséderont cette joie sauront tout ce qui se passera au dehors, dans «les ténèbres extérieures». C'est pour cela qu'il est dit qu'ils sortiront, parce qu'ils connaîtront ce qui se fera à l'égard de ceux mêmes qui seront dehors. Si, en effet, les Prophètes ont pu connaître ces choses, quand elles n'étaient pas encore arrivées, par le peu que Dieu en révélait à des hommes mortels, comment les saints immortels les ignoreraient-ils, alors qu'elles seront accomplies et que Dieu sera tout en tous 2? La semence et le nom des saints demeureront donc stables dans la plénitude de Dieu, j'entends cette semence dont saint Jean dit: «Et la semence de Dieu demeure en lui 3»; et ce nom dont parle Isaïe: «Je leur donnerai un nom éternel, et ils passeront de mois en mois et de sabbat en sabbat», comme de lune en lune, et de repos en repos. Car les saints seront tout cela, alors que, de ces ombres anciennes et passagères, ils entreront dans les clartés nouvelles et éternelles. Quant

1. Is 66,21 -2. 1Co 15,28 -3. Jn 3,9

à ce feu inextinguible et à ce ver immortel qui feront le supplice des réprouvés, on les explique diversement. Les uns rapportent l'un et l'autre au corps, et les autres à l'âme. D'autres disent que le feu tourmentera le corps, et le ver l'âme, et qu'ainsi il faut prendre le premier au propre et le second au figuré, ce qui ne paraît pas vraisemblable. Mais ce n'est pas ici le lieu de parler de cette différence, puisque nous avons destiné ce livre au dernier jugement qui fera la séparation des bons et des méchants. Nous parlerons en particulier de leurs peines et de leurs récompenses1.

1. Dans les livres 11 et XX


2023

CHAPITRE XXIII. PROPHÉTIE DE DANIEL SUR LA PERSÉCUTION DE L'ANTECHRIST, SUR LE JUGEMENT DERNIER ET SUR LE RÈGNE DES SAINTS.

Daniel prédit aussi ce dernier jugement, après l'avoir fait précéder de l'avénement de l'Antéchrist, et il conduit sa prophétie jusqu'au règne des saints. Ayant vu dans une extase prophétique quatre bêtes, qui figuraient quatre royaumes, dont le quatrième est conquis par un roi, qui est l'Antéchrist, et après cela, le royaume du Fils de l'homme, qui est celui de Jésus-Christ, il s'écrie: «Mon esprit fut saisi d'horreur; moi, Daniel, je demeurai tout épouvanté, et les visions de ma tête me troublèrent. Je m'approchai donc de l'un de ceux qui étaient présents, et je lui demandai la vérité sur tout ce que je voyais, et il me l'apprit. Ces quatre bêtes immenses, me dit-il, sont quatre royaumes qui s'établiront sur la terre et qui ensuite seront détruits. Les saints du Très-Haut prendront leur place et régneront jusque dans le siècle et jusque dans le siècle des siècles». - «Après cela, poursuit Daniel, je m'enquis avec soin quelle était la quatrième bête, si différente des autres, et beaucoup plus terrible, car ses dents étaient de fer, et ses ongles d'airain; elle mangeait et dévorait tout, et foulait tout aux pieds. Je m'informai aussi des dix cornes qu'elle avait à la tête, et d'une autre qui en sortit et qui fit tomber les trois premières. Et cette corne avait des yeux, et une bouche qui disait de terribles choses; et elle était plus grande que les autres. Je m'aperçus que cette corne faisait la guerre aux saints, et était plus forte qu'eux, (474) jusqu'à ce que l'Ancien des jours vint et donna le royaume aux saints du Très-Haut. Ainsi, le temps étant venu, les saints furent mis en possession du royaume. Alors celui à qui je parlais me dit: La quatrième bête sera un quatrième royaume qui s'élèvera sur la terre et détruira tous les autres; il dévorera toute la terre et la ravagera et la foulera aux pieds. Ces dix cornes sont dix rois, après lesquels il en viendra un plus méchant que tous les autres, qui en humiliera trois, vomira des blasphèmes contre le Très-Haut, et fera souffrir mille maux à ses saints. Il entre, prendra même de changer les temps et d'abolir la loi; et on le laissera régner un temps, des temps, et la moitié d'un temps. Après viendra le jugement, qui lui ôtera l'empire «et l'exterminera pour jamais; et toute la puissance, la grandeur, et la domination souveraine des rois sera donnée aux saints du Très-Haut. Son royaume sera éternel, et toutes ces puissances le serviront et lui obéiront. Voilà ce qu'il me dit. Cependant, j'étais extrêmement troublé, et mon visage en fut tout changé; mais je ne laissai pas que de bien retenir ce qu'il m'avait dit (Da 7,15-28)». Quelques-uns ont entendu par ces quatre royaumes ceux des Assyriens, des Perses, des Macédoniens et des Romains; et si l'on veut en avoir la raison, on n'a qu'à lire les commentaires du prêtre Jérôme sur Daniel, qui sont écrits avec tout le soin et toute l'érudition désirables; mais au moins ne peut-on douter que Daniel ne dise ici très clairement que la tyrannie de l'Antéchrist contre les fidèles, quoique courte, précédera le dernier jugement et le règne éternel des saints, Là suite du passage fait voir que le temps, les temps, et la moitié d'un temps signifient un an, deux ans, et la moitié d'un an, c'est-à-dire trois ans et demi. Il est vrai que les temps semblent marquer un temps indéfini; mais l'hébreu ne désigne que deux temps, car on dit que les. Hébreux ont, aussi bien que les Grecs, le nombre duel, que les Latins n'ont pas. Pour les dix rois, je ne sais s'ils signifient dix rois qui existeront réellement dans l'empire romain, quand l'Antéchrist viendra, et j'ai peur que ce nombre ne nous trompe. Que savons-nous s'il n'est pas mis là pour signifier l'universalité de tous les rois qui doivent précéder son avénement, comme l'Ecriture se sert assez souvent du nombre de mille, de cent ou de sept, et de tant d'autres qu'il est inutile de rapporter, pour marquer l'universalité?
Le même Daniel s'exprime ainsi dans un autre passage: «Le temps viendra où il s'élèvera une persécution si cruelle qu'il n'y en aura jamais eu de semblable sur la terre. En ce temps-là, tous ceux qui se trouveront écrits sur le livre seront sauvés, et plusieurs de ceux qui dorment sous un amas de terre ressusciteront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour une confusion et un opprobre éternels. Or, les sages auront un éclat pareil à celui du firmament, et ceux qui enseignent la justice brilleront à jamais comme les étoiles (Da 12,1-3)». Ce passage de Daniel est assez conforme à un autre de l'Evangile où il est aussi parlé de la résurrection du corps. Ceux que l'Evangéliste dit être «dans les sépulcres», Daniel dit qu'ils sont sous un «amas de terre», ou, comme d'autres traduisent «dans la poussière de la terre». De même qu'il est dit là qu'ils «sortiront», ici il est dit qu'ils «ressusciteront». Dans l'Evangile: «Ceux qui auront bien vécu sortiront de leur tombeau pour ressusciter à la vie, et ceux qui auront mal vécu pour ressusciter à la damnation (Jn 5,28-29)». Dans le Prophète; «Les uns ressusciteront pour la vie éternelle, les autres pour une confusion et un opprobre éternels». Que l'on ne s'imagine pas que l'Evangéliste et le Prophète diffèrent l'un de l'autre, sous prétexte que celui-là dit: «Tous ceux qui sont dans les sépulcres»; et celui-ci: «Plusieurs de ceux qui sont sous un amas de terre»; car quelquefois l'Ecriture dit «plusieurs» pour «tous». C'est ainsi qu'il est dit à Abraham «Je vous établirai père de plusieurs nations», bien qu'il lui soit dit ailleurs: «Toutes les «nations seront bénies eu votre semence (Gn 17,5 Gn 22,18)». Et il est dit encore un peu après à Daniel, au sujet de la même résurrection: «Et vous, venez, et reposez; car il reste encore du temps jusqu'à la consommation des siècles; et vous vous reposerez, et vous ressusciterez pour posséder votre héritage, à la fin les temps (Da 12,1-3)». (474)


2024

CHAPITRE XXIV. PROPHÉTIES TIRÉES DES PSAUMES DE DAVID SUR LA FIN DU MONDE ET SUR LE DERNIER JUGEMENT DE DIEU.

Il y a dans les psaumes beaucoup de passages qui regardent le jugement dernier, mais on n'y en parle que d'une manière concise et rapide. Il ne faut pas toutefois que je passe sous silence ce qui y est dit en termes très clairs sur la fin du monde: «Seigneur», dit le Psalmiste, «vous avez créé la terre au commencement, et les cieux sont l'ouvrage de vos mains. Ils périront, mais pour vous, vous resterez. Ils vieilliront tous comme un vêtement. Vous les changerez de forme comme un manteau, et ils seront transformés. Mais vous, vous êtes toujours le même, et vos années ne finiront point 1». D'où vient donc que Porphyre, qui loue la piété des Hébreux et les félicite d'adorer le grand et vrai Dieu, terrible aux dieux mêmes, accuse les chrétiens d'une extrême folie, sur la foi des oracles de ses dieux, parce qu'ils disent que le monde périra 2? Voilà cependant que les saintes lettres des Hébreux disent au Dieu devant qui toutes les autres divinités tremblent, de l'aveu même d'un si grand philosophe: «Les cieux sont l'ouvrage de vos mains, et ils périront». Est-ce donc qu'au temps où les cieux périront, le monde, dont ils sont la partie la plus haute et la plus assurée, ne périra pas? Si Jupiter ne goûte pas ce sentiment, s'il blâme les chrétiens par la voix imposante d'un oracle d'être trop crédules, comme l'assure notre philosophe, pourquoi ne traite-t-il pas aussi de folie la sagesse des Hébreux, qui ont inscrit ce même sentiment dans leurs livres sacrés? Du moment donc que cette sagesse, qui plait tant à Porphyre qu'il la fait louer par la bouche de ses dieux, nous apprend que les cieux doivent périr, quelle aberration de faire du dogme de la fin du monde un grief contre la religion chrétienne, et le plus sérieux de tous, sous prétexte que les cieux ne peuvent périr que le monde entier ne périsse? Il est vrai que dans les Ecritures qui sont proprement les nôtres, et ne nous sont pas communes avec les Hébreux, c'est-à-dire dans l'Evangile et les

1. Ps 101,26-28
2. Voyez plus haut, livre 19,ch. 23
3. Porphyre, et en général L'école d'Alexandrie, soutenait avec force l'éternité de l'univers

livres des Apôtres, on lit que: «La figure de ce monde passe 1»; que: «Le monde passe 2»; que: «Le ciel et la terre passeront 3» ; expressions plus douces, il faut en convenir, que celle des Hébreux, qui disent que le monde périra. De même, dans l'épître de saint Pierre, où il est dit que le monde qui existait alors périt par le déluge, il est aisé de voir quelle est la partie du monde que cet apôtre a voulu désigner 4, et comment il entend qu'elle a péri, et quels sont les cieux alors renouvelés qui ont été mis en réserve pour être brûles par le feu au jour du jugement dernier et de la ruine des méchants. Un peu après il s'exprime ainsi: «Le jour du Seigneur viendra comme un larron, et alors les cieux passeront avec grand fracas, les
éléments embrasés se dissoudront, et la terre, avec ce qu'elle contient, sera consumée par le feu». Et il ajoute: «Donc, puisque toutes ces choses doivent périr, quelle ne doit pas être votre piété 5?» On peut fort bien entendre ici que les cieux qui périront sont ceux dont il dit qu'ils sont mis en réserve pour être brûlés par le feu, et que les éléments qui doivent se dissoudre par l'ardeur du feu sont ceux qui occupent cette basse partie du monde, exposée aux troubles et aux orages; mais que les globes célestes, où sont suspendus les astres, demeureront intacts. Quant «à ces étoiles qui doivent tomber du ciel 6», outre qu'on peut donner à ces paroles un autre sens, meilleur que celui que porte la lettre, elles prouvent encore davantage la permanence des cieux, si toutefois les étoiles en doivent tomber. C'est alors une façon figurée de parler, ce qui est vraisemblable, ou bien cela doit s'entendre de quelques météores qui se formeront dans la moyenne région de l'air, comme celui dont parle Virgile 7:

«Une étoile, suivie d'une longue traînée de lumière, traversa le ciel et alla se perdre dans la forêt d'Ida».

Mais pour revenir au passage du Psalmiste, il semble qu'il n'excepte aucun des cieux, et qu'ils doivent tous périr, puisqu'il dit que les cieux sont l'ouvrage des mains de Dieu, et qu'ils périront. Or, puisqu'il n'y eu a pas un qui ne soit l'ouvrage de ses mains, il semble aussi

1. 1Co 7,31 -2. 1Jn 2,17 -3. Mt 24,35 -4. 2P 3,6 -5. 2P 10,11 –6. Mt 24,29 –7. Enéide livre 19,v. 694-696
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qu'il n'y en ait pas un qui ne doive périr. Je ne pense pas, en effet, que nos philosophes veuillent expliquer ces paroles du psaume par celles de saint Pierre, qu'ils haïssent tant 1, et prétendre que, comme cet apôtre a entendu les parties pour le tout, quand il a dit que le monde avait péri par le déluge, le Psalmiste de même n'a entendu parler que de la partie la plus basse des cieux, quand il a dit que les cieux périront. Puis donc qu'il n'y a pas d'apparence qu'ils en usent rie la sorte, de peur d'approuver le sentiment de l'apôtre saint Pierre et d'être obligés de donner à ce dernier embrasement autant de pouvoir qu'il en donne au déluge, eux qui soutiennent qu'il est impossible que tout le genre humain périsse par les eaux et le feu, il ne leur reste autre chose à dire, sinon que leurs dieux ont loué la sagesse des Hébreux, parce qu'ils n'avaient pas lu ce psaume.
Le psaume quarante-neuf parle aussi du jugement dernier en ces termes: «Dieu viendra visible, notre Dieu viendra, et il ne se taira pas. Un feu dévorant marchera devant lui, et une tempête effroyable éclatera tout autour. Il appellera le ciel en haut et la terre, afin de discerner son peuple. Assemblez-lui ses saints, qui élèvent son testament au-dessus des sacrifices 2». Nous entendons ceci de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui viendra du ciel, comme nous l'espérons, juger les vivants et les morts. Il viendra visible pour juger justement les bons et les méchants, lui qui est déjà venu caché pour être injustement jugé par les méchants. Il viendra visible, je le répète, et il ne se taira pas, c'est-à-dire qu'il parlera en juge, lui qui s'est tu devant son juge, lorsqu'il a été conduit à la mort comme une brebis qu'on mène à la boucherie, et qui est demeuré muet comme un agneau qui se laisse tondre, ainsi que nous le voyons annoncé dans Isaïe 3 et accompli dans l'Evangile 4. Quant au feu et à la tempête qui accompagnent le Seigneur, nous avons déjà dit comment il faut entendre ces expressions, en expliquant les expressions semblables du prophète Isaïe. Par ces mots: «Il appellera le ciel en haut»; comme les saints et les justes s'appellent avec raison le ciel, le


1. Voyez plus haut, livre 18,ch. 53 et 54, l'oracle où saint Pierre est accusé d'être un magicien
2. Ps 49,3-5 -3. Is 53,7 -4. Mt 26,63
5. Au ch. XXI


Psalmiste veut dire sans doute ce qu'a dit l'Apôtre: que nous serons emportés dans les nues, pour aller au-devant du Seigneur, au milieu des airs: car à le comprendre selon la lettre, comment le ciel serait-il appelé en haut, puisqu'il ne peut être ailleurs? A l'égard de ce qui suit: «Et la terre, pour faire la séparation de son peuple», si l'on sous-entend seulement il appellera, c'est-à-dire il appellera la terre, sans sous-entendre en haut, on peut fort bien penser que le ciel figure ceux qui doivent juger avec lui, et la terre ceux qui doivent être jugés; et alors ces paroles: «Il appellera le ciel en haut», ne signifient pas qu'il enlèvera les saints dans les airs, mais qu'il les fera asseoir sur des trônes pour juger. Ces mots peuvent encore avoir le sens suivant: «Il appellera le ciel en haut», c'est-à-dire qu'il appellera les anges au plus haut des cieux, pour descendre en leur compagnie et juger le monde; et «il appellera aussi la terre», c'est-à-dire les hommes qui doivent être jugés sur la terre. Mais si, lorsque le Psalmiste dit: «Et la terre, etc.», on sous-entend l'un ou l'autre, c'est-à-dire qu'il appellera et qu'il appellera en haut, je ne pense pas qu'on puisse mieux l'entendre que des hommes qui seront emportés dans les airs au-devant de Jésus-Christ, et qu'il appelle le ciel, à cause de leurs âmes, et la terre, à cause de leurs corps.
Or, qu'est-ce discerner son peuple, sinon séparer par le jugement les bons d'avec les méchants, comme les brebis d'avec les boucs? Il s'adresse ensuite aux anges, et leur dit:
«Assemblez-lui ses saints ci, parce que sans doute un acte aussi important se fera par le ministère des anges. Que si nous demandons quels sont ces saints qu'ils lui doivent assembler: «Ceux, dit-il, qui élèvent son testament au-dessus des sacrifices». Car voilà toute la vie des justes: élever le testament de Dieu au-dessus des sacrifices. En effet, ou les oeuvres de miséricorde sont préférables aux sacrifices, selon cet oracle du ciel: «J'aime mieux la «miséricorde que le sacrifice 2». ou au moins, en donnant un autre sens aux paroles du Psalmiste, les oeuvres de miséricorde sont les sacrifices qui servent à apaiser Dieu, comme je me souviens de l'avoir dit au deuxième livre de cet ouvrage 3. Les justes accomplissent

1. 1Th 4,6 –2. Os 6,16
3. Au ch. VI

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le testament de Dieu par ces oeuvres, parce qu'ils les font à cause des promesses qui sont contenues dans son Nouveau Testament; d'où vient qu'au dernier jugement, quand Jésus-Christ aura assemblé ses saints et les aura placés à sa droite, il leur dira: «Venez, vous que mon père a bénis, prenez possession du royaume qui vous est préparé dès le commencement du monde; car j'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger 1»; et le reste au sujet des bonnes oeuvres des justes et de la récompense éternelle qu'ils en recevront par la dernière sentence.



Augustin, Cité de Dieu 2020