Augustin, lettres - LETTRE CLX (1). (Année 414)

LETTRE CLXI. (Année 414)

Evode soumet à saint Augustin deux difficultés tirées, l'une de la lettre CXXXVII à Volusien, l'autre de la lettre XCII à Italica: la première de ces difficultés est relative à l'incarnation de Jésus-Christ; la seconde à la question de savoir si on peul voir Dieu, même avec les yeux d'un corps glorifié.

ÉPODE ET LES FRÈRES QUI SONT AVEC LUI,AU VÉNÉRABLE SEIGNEUR, AU SAINT ET BIEN-AIMÉ FRÈRE ET COLLÈGUE DANS LE- SACERDOCE, AUGUSTIN, ET AUX FRÈRES QUI SONT AVEC LUI,SALUT DANS LE SEIGNEUR.

1. Il y a longtemps que je vous ai proposé des questions sur la raison et sur Dieu dans une lettre confiée à Jobin, qui avait été envoyé au domaine de Martien; je n'ai point encore mérité une réponse. Mais j'ai lu deux lettres de votre sainteté, l'une. adressée à un homme illustre, Volusien, l'autre à une illustre chrétienne, Italica; dans la première de ces deux lettres, au sujet de l'incarnation du- Seigneur Jésus-Christ notre Dieu dans sein d'une vierge et de sa nativité, j'ai remarqué ce passage: «Si on en demande la raison, ce ne sera plus merveilleux; si on en veut un exemple, ce ne sera plus unique.» Il semble qu'on pourrait en dire autant de toute naissance d'homme ou d'animal et de toute semence. Car si on en demande la raison, on ne la trouvera pas, et la chose restera merveilleuse; et si on en veut un exemple, comme il n'y en a pas, ce sera unique. Qui pourra rendre raison de ce qui est formé par l'union de l'homme et de la femme? Qui pourra expliquer la secrète génération de quoi que ce soit? Qui dira comment les semences nées de la terre pourrissent d'abord et puis fructifient? Et si l'on cherche un exemple unique, n'est-ce pas encore une chose admirable que la formation virginale et parfaite d'un ver dans un fruit? Aussi c'est, je crois, comme exemple qu'il a, été dit: «Je suis un ver et non pas un homme (1).» Je ne sais donc pas quelle raison on peut donner des conceptions, soit qu'elles s'accomplissent par l'union, soit qu'elles partent d'une oeuvre unique; et ce n'est pas seulement la conception d'une vierge qui est inexplicable, c'est, à mon avis, toute espèce de conception.

1. Ps 21,7.

419

2. Veut-on des exemples? En voici: les cavales, dit-on, sont fécondées par le vent, les poules par les cendres, les canes par l'eau; et il en est ainsi de quelques autres animaux. Si, en enfantant, ils perdent leur intégrité, ils peuvent la garder en concevant. Pourquoi dire alors que «si on veut a un exemple, ce ne sera plus unique,» puisque tant d'exemples se présentent? Personne n'ignore que certains animaux naissent dans le corps des hommes comme dans le corps des femmes: y a-t-il pour cela une semence? Voilà des exemples, voilà des prodiges dont on ne rend pas compte. On dira qu'il n'arrive jamais qu'un homme naisse d'une vierge; mais, dans des choses d'une autre nature il y a des conceptions auxquelles toute semence est restée étrangère et dont il est impossible de rendre raison. Dans la génération même il se rencontre des enfantements qui laissent à la nature toute son intégrité. J'entends dire que l'araignée n'a pas besoin d'un autre concours que le sien pour produire admirablement à sa manière et sans altération d'organe tous ces fils auxquels elle a coutume de se suspendre: cela n'est accordé qu'à elle seule. Si on veut en chercher l'explication, c'est non-seulement admirable, mais de tels exemples sont impossibles à trouver. Ces exemples n'ont-ils pas précédé pour convaincre ceux qui auraient refusé de croire qu'une vierge pût enfanter? ne prouvent-ils pas que cet événement n'est pas unique quoiqu'il soit admirable? car toutes les oeuvres de Dieu sont admirables parce qu'elles sont l'oeuvre de la sagesse. Si donc on vient à nous faire ces objections, que répondrons-nous?

3. Une autre chose m'embarrasse fort: on dira par les mêmes raisons que Notre-Seigneur peut voir la substance de Dieu des yeux de son corps glorifié, et dans la lettre à Italica vous avez dit et en toute vérité que cela ne se peut. Quand nous répondrons que cela ne se peut pas, on nous objectera que tout est merveilleux et unique dans la conception et la naissance du Seigneur, et que de même que nulle explication n'est possible quant à la conception dans un sein virginal, de même on ne saurait rendre raison du privilège qu'aurait Jésus-Christ de voir la substance de Dieu avec les yeux du corps: ce serait unique et sans exemple. Si nous répliquons que l'on comprend bien qu'on ne puisse pas voir avec une chose corporelle quelque chose d'incorporel, je crains qu'on ne nous dise que la conception dans un sein virginal peut se prouver par des raisons et des exemples. Ou bien l'impossibilité de voir des yeux du corps la substance de Dieu ne pourra pas s'établir, et alors on continuera à soutenir que le Fils de Dieu peut voir son Père par les yeux du corps; ou bien si cette impossibilité est prouvée, on nous dira que de plus habiles seraient capables de rendre raison de la conception et de la naissance de Jésus-Christ. Quoi répondre ici? je vous le demande. Je ne cherche pas à faire naître des disputes, mais je vous interroge pour tenir tête à ceux qui tenteraient de nous surprendre. Pour moi, je crois que la Vierge a conçu et enfanté, comme je l'ai toujours cru; et la raison elle-même me persuade que Dieu ne peut pas être vu, même des yeux d'un corps glorifié. Je pense cependant qu'il faut aller au-devant des difficultés que la rébellion de l'esprit a coutume de susciter, et aussi donner satisfaction aux légitimes désirs d'instruction et d'étude. Priez pour nous. Que la paix et la charité du Christ fassent souvenir de nous votre sainteté, ô notre saint seigneur, vénérable et bienheureux frère!




LETTRE CLXII. (Année 415)

Saint Augustin se plaint d'être interrompu dans ses travaux par les questions nouvelles qui lui sont continuellement adressées; il lui faudrait du temps pour résoudre convenablement tant de difficultés, car ses lettres tombent en beaucoup de mains. En réponse à des questions d'Evode, il lui rappelle ceux de ces ouvrages qui pourraient l'aider. L'évêque d'Hippone parle des songes et de l'état de l'âme dans le sommeil; il distingue les choses qui n'ont pas de raison d'être de celles dont la raison nous est cachée, et s'attache à prouver que Dieu ne peut pas être vu des yeux du corps.

AUGUSTIN ET LES FRÈRES QUI SONT AVEC LUI,AU BIENHEUREUX SEIGNEUR, AU VÉNÉRABLE, SAINT FRÈRE ET COLLÈGUE DANS L'ÉPISCOPAT, ÉVODE, ET AUX FRÈRES QUI SONT AVEC LÙ1,SALUT DANS LE SEIGNEUR.

1. Vous demandez bien des choses à un homme très-occupé; et, ce qui est plus sérieux, vous croyez qu'il n'y a qu'à dicter en toute hâte; mais les matières dont il s'agit sont si ardues que, même après avoir été traitées avec grand soin, c'est à peine si elles peuvent être entendues par des hommes tels que vous. Or, je ne dois pas l'oublier, ce n'est pas vous seulement ni d'autres tels que vous, qui lisez ce que. nous écrivons; nos lettres sont recherchées aussi par des gens d'un esprit moins pénétrant et moins exercé que le vôtre, avec des dispositions tantôt favorables, tantôt ennemies, et il n'y a pas moyen de les soustraire à leur curiosité. Ceci considéré, vous voyez quel soin on doit mettre dans ce qu'on écrit, surtout dans ces importantes questions qui donnent à travailler aux grandes intelligences elles-mêmes. Mais si, quand j'ai une oeuvre sous la main, il faut que je m'interrompe pour répondre de préférence à ce qu'on vient me demander, qu'arrivera-t-il au cas où, pendant que je réponds à ces questions qui me sont adressées, j'en recevrai d'autres? (420) Vous plaît-il que je laisse celles-là pour celles-ci, que je donne toujours la préférence aux dernières, et que je n'achève que les choses au milieu desquelles je n'aurai pas été interrompu? Il est difficile qu'il en soit ainsi, mais je ne pense pas que ce soit cela que vous veuilliez. Je n'ai donc pas dû suspendre ce que j'avais commencé lorsque vos questions me sont parvenues, de même que je ne me serais pas séparé de vos questions, si d'autres avaient fondu sur moi. Cependant je ne puis garder cette règle de justice; car j'ai quitté ce que je faisais pour vous écrire ceci, et afin que mon esprit s'appliquât à cette lettre, il m'a fallu le détourner violemment d'une autre grande occupation.

2. Il m'a été aisé de vous donner cette excuse que je ne crois pas mauvaise d'ailleurs; il est moins aisé de répondre à vos questions. Dans les ouvrages auxquels maintenant je m'applique de toutes mes forces, il se rencontrera, je pense, plus d'un endroit où je toucherai, si Dieu le veut, à l'objet de vos recherches. Déjà plusieurs de ces difficultés se trouvent résolues dans des livres que je n'ai pas encore mis au jour, soit sur la Trinité, soit sur la Genèse. D'ailleurs, si vous voulez bien relire ce qui depuis longtemps vous est connu, ou du moins ce qui vous a été connu, (car vous avez oublié peut-être mes écrits sur la Grandeur de l'âme et sur le Libre arbitre qui ne sont que le produit de nos entretiens d'autrefois), vous pourrez éclaircir vos doutes sans avoir besoin de moi: il vous suffira de quelque travail de pensée pour tirer les conséquences de ce qui s'y trouve de clair et de certain. Vous avez aussi le livre Sur la vraie religion; si vous repassiez ce livre avec attention, vous ne diriez jamais que Dieu est forcé d'être par la raison, et qu'en raisonnant on établit que Dieu doit exister. En effet dans la raison des nombres que nous avons d'une façon certaine à notre usage quotidien, si nous disions: il faut que sept et trois fassent dix, nous ne parlerions pas avec sagesse; mais nous devons dire que sept et trois font dix. Je crois avoir assez montré, dans les livres précédemment cités, quelles sont les choses dont on puisse dire avec vérité qu'elles doivent être, qu'elles soient déjà ou ne soient pas. Ainsi l'homme doit être sage; s'il l'est, pour continuer à l'être; s'il ne l'est pas encore, pour le devenir. Mais Dieu ne doit pas être sage, il l'est.

3. Repassez soigneusement aussi ce que je vous ai récemment écrit sur les apparitions, et dont vous vantez la subtilité, tout en disant que vous y avez rencontré l'embarras de questions plus hautes; songez-y attentivement, non pas en passant, mais avec une réflexion prolongée; vous devinerez alors ce que c'est que la présence ou l'absence de l'âme. Car elle est présente dans ses apparitions au milieu du sommeil, et absente des yeux du corps auquel elle donne le regard quand elle veille; et si, par quelque chose de plus fort que le sommeil, elle demeure totalement absente des yeux qui sont comme les luminaires des corps, c'est là mort. De même donc que l'âme en passant du sens de la vue aux apparitions du sommeil, n'a pas avec elle un corps quel qu'il soit; à moins de croire qu'il y ait des réalités corporelles dans nos songes, et que nous-mêmes alors passons avec un corps d'un lieu dans un autre, ce que vous ne pensez pas assurément; de même, si l'âme s'éloigne tout à fait et que son absence soit complète, ce qui arrive à la mort, il ne faut pas imaginer qu'elle emporte avec elle je ne sais quelle parcelle de corps. Car si cela était, même quand nous dormons, et qu'elle se retire passagèrement du sens de là vue, elle emporterait des yeux, qui, tout subtils qu'ils fussent, seraient pourtant corporels, et il n'en est pas ainsi. Cependant elle emporte avec elle certains yeux fort semblables à ceux du corps, sans être corporels, au moyen desquels elle voit durant le sommeil des images pareilles à des corps, mais qui n'en sont pas.

4. Si quelqu'un soutient que ce qu'on voit en songe de semblable à des corps ne peut être que corporel, et s'il lui semble dire ainsi quelque chose, il fera preuve d'une pesanteur d'esprit peu facile à convaincre; c'est l'erreur de bien des gens qui ne sont même pas sans pénétration, mais qui réfléchissent trop peu à la nature de ces images des corps qui se forment dans l'esprit sans être pour cela des corps. Lorsqu'avec plus d'attention ils sont forcés de reconnaître que ces images ne sont pas corporelles, mais fort semblables à des corps, ils ne peuvent pas tout de suite se rendre compte des causes par lesquelles ces images se forment dans l'esprit, ni expliquer si elles subsistent par leur propre nature ou dans un sujet; si elles se produisent comme des caractères tracés avec de l'encre sur un parchemin, où il y (421) a deux substances, le parchemin et l'encre; ou comme un cachet ou toute autre figure sur la cire qui en est le sujet; ou si ces images se forment dans l'esprit de ces deux manières, tantôt comme ceci, tantôt comme cela.

5. Car on se préoccupe non-seulement des choses qui ne sont pas présentes à nos sens et se retrouvent dans notre mémoire, ou que, selon notre gré, nous formons, disposons, augmentons, diminuons et varions d'innombrables façons par le lieu, la disposition et le mouvement (telles sont peut-être les images du sommeil qui nous trompent, quand les songes ne sont pas des avertissements de Dieu, avec cette différence que nous voulons les premières et que nous subissons celles-ci); non-seulement, dis-je, on se préoccupe des choses qui se passent dans l'esprit et qu'il est permis de croire l'ouvrage de l'esprit (quoique ce soit par des causes secrètes que l'une se présente à l'intelligence plutôt que l'autre), mais encore on se demande ce qu'a voulu dire le Prophète par ces mots: «Et l'ange qui parlait en moi me dit (1).» Il ne faut pas croire que des voix du dehors soient venues aux oreilles corporelles du Prophète, lorsqu'il dit: «Celui qui parlait en moi,» et non pas celui qui me parlait. Etaient-ce des voix tirées de l'esprit et semblables à des sons, et cependant produites par l'ange lui-même; des voix comme nous en entendons quand nous repassons silencieusement en nous beaucoup de choses, ou que des chants nous reviennent à la mémoire? Et quel sens donner à ce passage de l'Evangile: «Voilà que l'ange de Dieu lui apparut dans son sommeil, disant (2)?» Comment le corps de l'ange apparut-il à des yeux fermés (car Abraham était éveillé quand des anges lui apparurent, de telle façon qu'il leur lava les pieds et put les toucher (3))? Est-ce un esprit qui, sous quelque forme semblable à un corps, se montra à l'esprit d'un homme endormi, comme il nous arrive à nous-mêmes, en songe, de nous voir en mouvement et dans des attitudes bien différentes de celle où nous sommes avec nos membres étendus?

6. Ces choses sont merveilleuses, parce que leur raison est trop cachée pour qu'un homme puisse en rendre compte à un homme. Car notre surprise est excitée, soit quand la cause d'une chose nous échappe, soit quand la chose est extraordinaire, ce qui arrive par sa singularité

1. Za 1,9. - 2. Mt 1,20. - 3. Gn 17,4.

ou sa rareté. Quant à ce qui touche à la raison cachée, j'ai dit dans ma lettre à Volusien, que vous avez lue, j'ai dit en répondant à ceux qui nient que le Christ soit né d'une vierge: «Si on veut en savoir la raison, ce ne sera plus un prodige (1).» Non pas que la chose manque de raison, mais la raison en demeure cachée à ceux pour lesquels Dieu a voulu que le fait soit merveilleux. Pour ce qui est de l'autre cause de surprise, par exemple lorsqu'il arrive quelque chose d'extraordinaire, nous avons l'étonnement de Notre-Seigneur en présence de la foi du centurion. Nulle raison des choses ne saurait se dérober à sa connaissance, mais la surprise du Seigneur fut une manière de louer celui dont il n'avait pas rencontré le pareil chez le peuple hébreu; cette surprise est suffisamment exprimée dans ces paroles du Seigneur; «En vérité, je vous le dis, je n'ai pas trouvé une aussi grande foi en Israël (2).»

7. J'ai ajouté dans la lettre à Volusien: «Si on demande un exemple, ce ne sera plus unique.» C'est en vain que vous avez cru trouver des exemples, en citant le ver qui naît dans un, fruit, et l'araignée qui tire en quelque sorte de la virginité de son corps le fil avec lequel elle compose sa toile. La subtilité met en avant quelques comparaisons qui s'éloignent ou se rapprochent plus ou moins; mais il n'y a que le Christ qui soit né d'une vierge; par là vous comprenez pourquoi j'ai dit que c'est sans exemple. Tout ce que Dieu fait d'ordinaire ou d'extraordinaire a ses causes et ses raisons justes et irréprochables. Lorsque ces causes nous sont cachées, les oeuvres de Dieu nous étonnent; lorsque nous en pénétrons le secret, nous disons qu'elles arrivent en toute conséquence et convenance, et qu'il n'y a pas à s'en étonner puisque ce qui est arrivé était commandé par la raison elle-même. Si notre surprise ne tient point à quelque chose à quoi on ne s'attend pas, mais à quelque chose de grand et de digne d'éloges, nous aurons le genre d'étonnement par lequel Notre-Seigneur loue le centurion. Je n'ai donc pas eu tort de dire: «Si on veut en savoir la raison, ce ne sera plus un prodige;» car il y a un autre genre de surprise, lors même que la raison de ce qui nous frappe vient à se découvrir à nous; de même qu'on n'a pas eu tort de dire que «Dieu ne tente personne (3),» car il y a un autre

1. Ci-dessus, lettre 137. - 2. Lc 7,6. - 3. Jc 1,13.

422

genre de tentation qui a fait dira en toute vérité: «Le Seigneur votre Dieu vous tente (1).»

8. Que personne ne croie qu'on ait le droit de dire que le Fils voit le Père des yeux du corps et non pas comme le Père voit le Fils, et cela parce que les partisans de cette opinion à bout de raison, pourraient dire eux-mêmes: «Si on veut en savoir la raison, ce ne sera plus un prodige;» ce qui m'a fait parler ainsi ce n'est pas qu'il n'y ait aucune raison de la chose, c'est qu'elle est cachée. Quiconque entreprend de réfuter un tel sentiment, doit démontrer qu'il n'y a aucune raison, non pas de ce miracle, mais de cette erreur, De même qu'il n'y a aucune raison par laquelle Dieu puisse mourir ou se corrompre ou pécher (et quand nous disons que cela ne saurait être, nous ne diminuons pas la puissance de Dieu, mais nous rendons hommage à son éternité et à sa vérité); de même en disant que Dieu ne peut pas être vu des yeux du corps, la raison en devient claire à tout esprit droit: car il est évident que Dieu n'est pas un corps, que rien ne peut être vu des yeux du corps si ce n'est à quelque distance; que tout ce qui occupe un espace est nécessairement un corps, une substance moindre dans une partie que dans le tout: croire cela de Dieu ne doit pas être permis, pas même à ceux qui ne peuvent pas encore le comprendre.

9. La raison des divers changements qui se font dans l'univers nous est cachée; et c'est pourquoi tout est miracle sous nos yeux. Mais à cause de cela ignorons-nous qu'il y ait des corps, que nous-mêmes nous ayons un corps, qu'il n'existe pas de corpuscule qui n'occupe un espace à sa manière et ne soit tout entier là où il est, mais pourtant moindre dans une partie que dans le tout? Ces choses nous étant connues, il faut en tirer les conséquences qu'il serait trop long de déduire ici; il faut montrer qu'il n'y a pas de raison pour croire ou pour comprendre que Dieu, qui est tout entier partout et ne s'étend pas à travers les espaces comme une masse corporelle, composée nécessairement de parties plus grandes et moindres les unes que les autres, puisse être vu des yeux du corps. J'en dirais plus long là-dessus si je m'étais proposé cette question dans cette lettre, devenue déjà bien longue, sans que je m'en sois douté, et pour laquelle j'ai presque oublié mes travaux; peut-être,

1. Dt 13,3.

sans le vouloir, ai-je fait tout ce que vous souhaitiez: peu d'indications suffisent pour que votre esprit achève ce qu'il faut penser. Mais ces choses auraient, besoin de plus de soin et d'étendue pour devenir profitables à ceux entre les mains de qui peut tomber ma lettre. Les hommes ont bien de la peine à s'instruire; ils ne peuvent pas comprendre ce qu'on leur dit en trop peu de mots, et n'aiment pas à lire ce qui est long. On a aussi bien de la peine à enseigner: la brièveté ne réussit pas avec les esprits lents, ni les développements étendus avec les paresseux. Envoyez-nous une copie de la lettre qui s'est égarée ici et n'a pu se retrouver.




LETTRE CLXIII. (Année 415)

Evode propose quelques doutes à Augustin.

ÉVODE, ÉVÊQUE, A AUGUSTIN, ÉVÊQUE.

J'ai envoyé, il y a longtemps, des questions à votre sainteté: l'une sur la raison et sur Dieu, et je vous l'ai transmise, je crois, par Jobin, qui s'occupe avec dévouement des intérêts des servantes de Dieu; l'autre, sur le corps du Sauveur qui, selon le sentiment de quelques-uns, voit la substance divine. Je vous adresse maintenant une troisième question. L'âme raisonnable que le Sauveur a prise avec le corps appartient-elle à l'une des opinions énoncées sur l'origine de l'âme, si toutefois il en est une qui puisse se soutenir avec quelque vérité; ou bien, malgré sa nature raisonnable, est-elle d'un genre à part au lieu d'être comprise dans les espèces générales des âmes de tout ce qui vit? Voici une quatrième question: Quels sont ces esprits dont parle saint Pierre dans sa lettre lorsqu'il nous montre le Seigneur «mort en sa chair, vivifié par l'Esprit dans lequel il alla prêcher aux esprits qui étaient dans la prison (1),» et le reste, où il fait ainsi entendre que ces esprits furent dans les enfers, que le Christ y descendit pour les évangéliser tous, qu'il les délivra tous des ténèbres et des peines par la grâce, afin qu'à partir de la résurrection du Seigneur il n'y eût plus qu'à attendre le jugement, sur la ruine des enfers? Je désire savoir le sentiment de votre sainteté à cet égard.

1. I Ep. de saint Pierre, 3,18, 19.

423




LETTRE CLXIV. (Année 415)

Saint Augustin répond aux difficultés proposées par Evode dans la lettre qu'on vient de lire. L'évêque d'Hippone commence comme un homme qui croit ne pas savoir, qui, au lieu d'instruire les autres, demande qu'on l'instruise lui-même, et puis de sa parole réservée s'échappent les plus vives et les plus belles lumières.

AUGUSTIN, AU BIENHEUREUX SEIGNEUR ÉVODE, SON FRÈRE ET SON COLLÈGUE DANS L'ÉPISCOPAT, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

1. Je ne pense pas que vous ignoriez le grand trouble où me jette toujours la difficulté que vous me proposez sur un endroit de l'épître de l'apôtre Pierre; il s'agit de savoir comment il faut entendre ce qui semble être dit sur les enfers. Je vous renvoie donc la même question, afin que, par vous ou par d'autres, vous mettiez fin à mes incertitudes sur ce point. Si le Seigneur me fait la grâce de trouver quelque chose avant vous, et de pouvoir vous le communiquer, je n'en priverai pas votre affection. Quant à présent, voici sur quoi porte l'inquiétude de mes doutes, pour que vous vous mettiez en mesure d'expliquer les paroles de l'Apôtre, soit par vos propres méditations, soit en consultant quelqu'un de capable.

2. L'apôtre Pierre, après avoir dit que le Christ est mort dans la chair et a été vivifié par l'Esprit, ajoute aussitôt: «Dans lequel il alla prêcher aux esprits qui étaient dans la prison, qui autrefois avaient été incrédules, quand la patience de Dieu les attendait aux jours de Noé, pendant que l'on construisait a l'arche dans laquelle peu de personnes, c'est-à-dire huit seulement, furent sauvées au milieu des eaux.» Ensuite il ajoute: «Maintenant c'est de la même manière que le a baptême vous sauve (1).» Si le Seigneur, après sa mort, est descendu aux enfers pour prêcher aux esprits enfermés dans la prison, je me demande comment un tel bienfait n'a été mérité que par ceux qui étaient infidèles à l'époque où l'arche se construisait; car depuis Noé jusqu'à la passion du Christ, il y a eu des milliers d'âmes de diverses nations que le Seigneur a pu trouver aux enfers; ce ne sont pas seulement ceux qui ont cru en Dieu, comme les prophètes et les patriarches de la race d'Abraham, comme Noé et toute sa maison,

1. 1P 3,18-24

sauvés par les eaux, excepté peut-être le fils qui, dans la suite, fut réprouvé; en dehors de la race de Jacob, ce ne sont pas seulement aussi des croyants, comme Job, comme les Ninivites, et d'autres encore mentionnés dans les Ecritures, ou qui sont restés cachés au milieu du genre humain; mais je parle de ces milliers d'hommes qui, ne connaissant pas Dieu, et livrés au culte des démons ou des idoles, sont sortis de la vie depuis les temps de Noé jusqu'à la passion du Christ; pourquoi le Seigneur, qui les trouva aux enfers, ne leur prêcha-t-il pas, et s'adressa-t-il uniquement à ceux qui furent incrédules aux jours de Noé, tandis que l'on construisait l'arche! Si le Christ se fit entendre à tous, pourquoi saint Pierre ne mentionne-t-il que ceux-ci, passant sous silence l'innombrable multitude du reste des hommes?

3. Il est bien sûr que le Seigneur, mort dans sa, chair, est descendu aux enfers. On ne saurait. contredire cette parole du Prophète «Vous ne laisserez pas mon âme dans l'enfer.» Nul n'oserait l'entendre différemment, et saint Pierre l'a ainsi compris dans les Actes des Apôtres (1). On ne contredira pas non plus ces paroles du même saint Pierre, où il déclare que le Christ «a fait cesser les douleurs de l'enfer, dans lesquelles il était impossible qu'il fût retenu (2).» Qui donc, excepté un infidèle, niera que le Christ soit allé dans les enfers? Si on cherche comment il faut entendre qu'il ait fait cesser les douleurs de l'enfer (car il n'avait pas commencé par être retenu dans ces liens, et ne les avait pas brisés comme des chaînes auxquelles il aurait été attaché); il est aisé de comprendre que ces douleurs ont cessé comme on détruit les piéges des chasseurs, pour empêcher qu'ils ne prennent et non point parce qu'ils ont pris. On peut entendre aussi qu'il a mis fin à des douleurs qui ne pouvaient rien sur lui, mais par desquelles se trouvaient atteints des hommes dont il devait être le libérateur.

4. Quels sont ceux-là? Il serait téméraire de l'affirmer. Si nous disions et si nous pouvions montrer que le Christ délivra tous ceux qui étaient alors dans les enfers, qui ne s'en féliciterait? Nous le voudrions surtout à cause de certains d'entre eux qui nous sont particulièrement connus par leurs travaux littéraires, et dont nous admirons le langage et le génie

1. Ps 15,10 Ac 2,27. - 2. Ac 2,24.

424

nous n'avons pas seulement en vue les poètes et les orateurs qui, en beaucoup d'endroits de leurs ouvrages, ont livré au mépris et au rire les faux dieux des gentils, et quelquefois même ont confessé le Dieu unique et véritable, tout en partageant les pratiques superstitieuses du reste des hommes; nous pensons également à ceux qui ont proclamé ces vérités, non point dans des chants ou des oeuvres oratoires, mais dans des études philosophiques; nous songeons aussi à beaucoup d'autres dont il ne nous reste aucun écrit, mais que nous connaissons par les productions antiques arrivées jusqu'à nous; elles nous ont appris combien la vie de ces hommes a été louable d'une certaine manière: ces personnages se sont trompés sur le culte de Dieu; ils ont rendu des hommages pieux à de vaines idoles établies comme objets d'une religion publique et ont servi la créature plutôt que le Créateur; mais il y eut dans leurs moeurs de la modération, de la retenue, de la chasteté, de la sobriété; ils surent mépriser la mort pour le salut de la patrie; ils tinrent leur parole non-seulement avec leurs concitoyens, mais encore avec l'ennemi, et c'est avec raison qu'on les propose pour exemples. Il est vrai, toutes ces choses elles-mêmes, quand elles ne je rapportent pas à la fin de la droite et vraie piété, mais au vain faste de l'humaine louange et de la gloire d'ici-bas, s'évanouissent en quelque façon et deviennent stériles; toutefois elles nous plaisent tant par un certain naturel de l'âme que nous aurions souhaité la délivrance de ceux en qui elles se sont rencontrées; nous aurions voulu qu'ils eussent été, ou principalement ou comme les autres, tirés des tourments de l'enfer, si le sens humain s'accordait avec la justice du Créateur.

5. Cela étant, si on admet que le Sauveur les ait délivrés tous, et qu'il ait, selon les expressions de votre lettre, «ruiné les enfers «en attendant le jugement dernier,» de nouvelles difficultés naissent, et voici celles qui s'offrent à mon esprit. Et d'abord sur quoi appuyerait-on ce sentiment? car ce qui est écrit sur la cessation des douleurs de l'enfer à la mort du Christ, peut ne s'entendre que de lui-même, c'est-à-dire qu'il les a mises à néant en ce qui le touche, d'autant plus que l'Apôtre ajoute «qu'il était impossible qu'il fût retenu dans ces douleurs.» Ou bien, si on demande pourquoi le Christ a voulu descendre dans les enfers, où étaient des douleurs qui ne pouvaient pas l'atteindre, lui que l'Ecriture proclame «libre entre les morts (1),» lui dans lequel le prince et le préposé de la mort n'a rien trouvé de sujet au supplice; ce qui est dit «sur la cessation des douleurs de l'enfer» peut s'appliquer non pas à tous, mais à quelques-uns que le Christ jugeait dignes de cette délivrance. De sorce qu'on ne devra pas croire qu'il soit descendu inutilement aux enfers, sans profit pour aucun de ceux qui s'y trouvaient enfermés, et l'on ne devra pas conclure non plus que la faveur accordée à quelques-uns parla miséricorde et la justice divines ait été accordée à tous.

6. Et quant à ce qui est du premier homme, père du genre humain, c'est le sentiment de presque toute l'Eglise que le Christ le délivra; quelle que soit l'origine d'un tel sentiment, il ne faut pas croire qu'il ne repose sur rien, lors même que l'autorité des Ecritures canoniques ne s'expliquerait pas clairement à cet égard. Toutefois cette opinion semble favorisée, préférablement à toute autre, par le passage suivant du livre de la Sagesse: «La Sagesse a conservé celui qui a été créé seul et le premier pour être le père du genre humain, et elle l'a tiré de son péché et lui a donné la force de gouverner toutes choses (2).» Quelques-uns croient que ce bienfait a été accordé également à d'anciens saints, Abel, Seth, Noé et sa maison; Abraham, Isaac, Jacob et à d'autres patriarches et prophètes, et que le Seigneur, descendu aux enfers, les affranchit de ces douleurs.

7. Mais je ne vois pas comment on peut entendre qu' Abraham ait été dans ces douleurs, Abraham dans le sein de qui fut reçu le pauvre pieux dont parle l'Evangile: il en est peut-être qui peuvent l'expliquer. Je ne sais toutefois s'il y a quelqu'un qui ne trouverait pas absurde de supposer qu'avant la descente du Seigneur aux enfers, Abraham et Lazare étaient seuls dans le sein de ce repos mémorable, et que de ces deux-là seulement il a été dit au mauvais riche: «Entre vous et nous, il y a pour toujours un grand abîme, et ceux qui le veulent ne peuvent point passer d'ici vers vous, ni venir ici du lieu où vous êtes (3).» Or, s'ils étaient plus de deux dans ce repos, qui oserait dire que là n'aient pas été les patriarches et les prophètes, à la justice et à la piété desquels

1. Ps 67,6. - 2. Sg 10,1-2. - 3. Lc 16,26

425

l'Ecriture de Dieu rend un si grand témoignage? Je ne comprends donc pas de quel avantage eût été pour eux la cessation de douleurs qu'ils n'auraient pas endurées; d'autant plus surtout qu'en nul endroit des Ecritures je n'ai vu prendre en bonne part cette expression d'enfer. Et si rien de pare il ne se lit dans les divins livres, il n'est pas croyable que ce qu'on appelle le sein d'Abraham, c'est-à-dire le séjour d'un certain repos secret, soit une portion des enfers. D'après les paroles mêmes qu'un si grand maître fait dire à Abraham: «Entre vous et nous, il y a pour toujours un grand abîme;» il est assez clair que le sein d'une telle félicité ne saurait être une certaine partie et comme un membre des enfers. Car qu'est-ce que le grand abîme, si ce n'est un gouffre qui sépare ceux entre qui il est creusé et creusé pour toujours? C'est pourquoi, si la sainte Ecriture avait dit que le Christ, après sa mort, est allé dans le sein d'Abraham, sans parler de l'enfer et de ses douleurs, je ne pense pas que personne eût osé avancer qu'il est descendu aux enfers.

8. Comme des témoignages évidents citent l'enfer et ses douleurs, il n'y a aucune raison de douter que le Christ y soit descendu pour sauver des âmes; mais je me demande encore s'il a délivré toutes celles qu'il y a trouvées ou quelques-unes seulement qu'il aurait jugées dignes de ce bienfait: je regarde toutefois comme certain qu'il est allé aux enfers et a opéré des délivrances. Quant aux justes qui étaient dans le sein d'Abraham, lorsqu'il est descendu aux enfers, je ne sais pas encore ce qu'il leur a apporté, car je ne vois pas qu'il leur ait jamais retiré la présence béatifique de sa divinité; c'est ainsi que le jour même où il mourut et lorsqu'il était sur le point de descendre aux enfers pour en faire cesser les douleurs, il promit au bon larron qu'il serait avec lui dans le paradis (1). Le Christ était donc déjà dans le paradis et le sein d'Abraham par sa sagesse béatifique, et dans les enfers par sa puissante justice: car où sa divinité n'est-elle pas? il n'y a pas de lieu qui la retienne. Cependant l'Ecriture déclare ouvertement que, selon la nature créée qu'il a prise sans cesser d'être Dieu, c'est-à-dire selon son âme, il est allé dans les enfers; le prophète l'annonce, l'apôtre l'explique: «Vous ne laisserez pas mon âme dans l'enfer (2).»

1. Lc 23,43. - 2. Ps 15,10 Ac 2,24-31.

9. Je sais que quelques-uns ont cru qu'à la mort du Christ Notre-Seigneur il y a eu des justes ressuscités de la même manière que nous ressusciterons à la fin des siècles; il est écrit en effet que dans ce tremblement de terre qui eut lieu pendant sa passion, quand les pierres se fendirent et que les tombeaux s'ouvrirent, les corps de plusieurs justes ressuscitèrent et parurent avec lui lorsqu'il ressuscita dans la sainte cité (1). Si ces corps ne se couchèrent pas de nouveau dans le sépulcre pour dormir encore, il faut voir comment on peut comprendre que le Christ soit «le premier-né d'entre les morts (2);» car voilà bien des justes qui l'auraient précédé dans la résurrection. Si on répond que ceci a été dit par anticipation, que les tombeaux s'ouvrirent à ce tremblement de terre, quand le Christ pendait en croix, mais que les corps des justes ne ressuscitèrent qu'après le Sauveur lui-même; malgré, dis-je, cette anticipation par laquelle le Christ resterait le premier-né d'entre les morts et par laquelle ces justes n'obtiendraient qu'à sa suite l'éternelle incorruptibilité et l'immortalité, il y aurait encore une difficulté: Comment saint Pierre a-t-il pu dire, ce qui est très-vrai d'ailleurs, qu'il s'agit, non pas de David, mais du Christ dans cette parole prophétique: «Vous ne permettrez pas que votre saint éprouve la corruption?» Saint Pierre, s'adressant aux Juifs, ajoute que le tombeau de David était parmi eux (3). Il n'aurait pas pu les convaincre si le corps de David n'eût plus été là; car lors même que David serait ressuscité peu de temps après sa mort et que sa chair n'aurait pas éprouvé de corruption, son tombeau aurait pu se voir encore. Mais il paraîtrait dur que David n'eût pas été compris dans cette résurrection des justes, si l'éternelle vie leur fut alors donnée; car avec quelle évidence, avec quels témoignages d'honneur et combien de fois l'Ecriture annonce que le Christ doit sortir de sa race! Nous serons également embarrassés de cet endroit de l'Epître aux Hébreux sur les anciens justes: «Dieu a voulu, par une faveur particulière pour nous, qu'ils ne reçussent qu'avec nous l'accomplissement de leur bonheur (4);» comment expliquer cela si Dieu les a déjà établis dans cette incorruptibilité qui nous est promise comme complément de la félicité suprême

1. Mt 27,51-53. - 2. Ap 1,5. - 3. Ac 2,27-29. - 4. He 11,40.

426

10. Vous voyez donc combien est obscur le motif qui a porté Pierre à ne parler que des captifs auxquels l'Evangile fut prêché et qui avaient été incrédules pendant qu'on fabriquait l'arche au temps de Noé; vous voyez aussi pourquoi j'hésite à me prononcer. «Maintenant, dit encore saint Pierre, le baptême nous sauve de la même manière, non point en ôtant les souillures de la chair, mais en nous engageant à servir Dieu avec une conscience pure, par la résurrection de Jésus-Christ, qui est à la droite de Dieu après avoir absorbé la mort afin que nous devinssions les héritiers de la vie éternelle, et qui est monté au ciel, les anges, les puissances et les ver«tus lui étant assujétis;» et le même apôtre ajoute: «C'est pourquoi le Christ ayant souffert la mort dans sa chair, armez-vous de cette pensée que quiconque est mort à la concupiscence charnelle a cessé de pécher, en sorte que durant tout le temps qui lui reste de cette vie mortelle, il ne vit plus selon les passions des hommes, mais selon la volonté de Dieu.» Saint Pierre dit ensuite: «Car c'est bien assez que, dans les premiers temps, vous soyez abandonnés aux mêmes passions que les païens, vivant dans les impudicités, dans les désirs déréglés, dans l'ivrognerie, dans les excès du manger et du boire, et dans le culte sacrilège des idoles. Et maintenant ils s'étonnent que vous ne couriez plus avec eux à ces débordements de débauche; c'est pourquoi ils blasphèment. Ils rendront compte à Celui qui est prêt à juger les vivants et les morts;» et après: «C'est pour cela que l'Evangile a été aussi prêché aux morts, afin que devant les hommes ils soient jugés selon la chair, et que, devant Dieu, ils vivent selon l'esprit.»

11. Qui ne serait troublé de cette profondeur? Saint Pierre dit que l'Evangile a été prêché à des morts; si nous l'entendons de ceux qui sont sortis de leurs corps, ce seront, je pense, les incrédules du temps de Noé, dont il a été parlé plus haut, ou assurément tous ceux que le Christ a trouvés dans les enfers. Mais que veut dire l'Apôtre par ces mots: «Afin que devant les hommes ils soient jugés selon la chair et que devant Dieu ils vivent selon l'esprit.» Comment seront-ils jugés selon une chair qu'ils n'ont plus s'ils sont aux enfers; qu'ils n'ont pas reprise encore, s'ils ont été délivrés des douleurs de l'enfer? S'il est vrai, comme vous le dites dans vos questions, que les enfers aient été détruits, on ne peut pas croire que tous ceux qui s'y trouvaient aient été ressuscités dans la chair, ou que ceux qui, étant ressuscités, apparurent avec le Seigneur, aient repris leur corps pour être jugés selon la chair devant l'homme, et je ne vois pas non plus comment on pourrait appliquer cela aux incrédules du temps de Noé. Car il n'est pas écrit qu'ils aient vécu dans la chair, et on ne peut pas croire que les douleurs de l'enfer aient cessé de façon que ceux qui en auraient été délivrés eussent repris leur corps pour subir une peine. Que veulent donc dire ces mots; «Afin qu'ils soient jugés devant les hommes selon la chair, et qu'ils vivent devant Dieu selon l'esprit?» Cela regarde-t-il ceux que le Christ a trouvés dans les enfers et qu'il aura vivifiés selon l'esprit par l'Evangile, quoiqu'ils doivent être jugés dans la chair à la résurrection future, afin qu'ils passent dans le royaume de Dieu après quelque peine corporelle? S'il en est ainsi, pourquoi seulement les incrédules du temps de Noé et non point tous les autres que le Christ trouva aux enfers reçurent-ils la vie de l'esprit par la prédication de l'Evangile pour être ensuite jugés dans la chair après une peine passagère? Et si nous devons l'entendre de tous, il nous restera à demander pourquoi saint Pierre n'a fait mention que de ceux qui ont été incrédules tandis que l'on construisait l'arche?

12. Ceux qui cherchent à résoudre la difficulté qui nous arrête ne nous satisfont pas dans une autre explication qu'ils donnent; ils disent qu'à la descente du Christ aux enfers les cachots se brisèrent pour ceux qui n'avaient pas connu l'Evangile: de leur vivant l'Evangile n'était pas encore prêché dans l'univers, et certainement ils étaient excusables de ne pas croire ce qui ne leur avait pas été annoncé; mais désormais il ne devait plus y avoir d'excuse pour ceux qui mépriseraient l'Evangile publié et répandu dans le monde entier: les prisons de l'enfer anéanties, restait le jugement par suite duquel les rebelles et les infidèles seraient aussi punis du feu éternel. Ceux qui partagent ce sentiment ne prennent pas garde que la même excuse pourrait être alléguée par les âmes de tous les hommes morts, même depuis la résurrection du Christ, et avant que l'Evangile leur fût parvenu. Dira-t-on que, depuis que le Seigneur est revenu des enfers, il n'a pas permis que (427) personne n'y allât à moins d'avoir connu l'Evangile? Que de gens morts par toute la terre sans l'avoir entendu! Tous ceux-là auraient donc l'excuse que le Christ voulut enlever, dit-on, aux âmes qu'il trouva dans l'enfer, en leur prêchant l'Evangile qui jusque-là leur était inconnu.

13. Dira-t-on que ceux qui sont morts ou qui meurent depuis la résurrection du Seigneur, sans avoir ouï parler de l'Evangile, ont pu ou peuvent en entendre parler aux enfers, de façon à y croire ce qu'il faut sur la vérité du Christ et à obtenir la rémission et le salut, comme l'ont mérité les âmes des enfers auxquelles le Christ annonça l'Evangile? Car son souvenir doit y subsister encore, de même que ce nom subsiste sur la terre, quoiqu'il soit monté au ciel, et ceux qui croiront en lui seront sauvés. Il a été glorifié, en effet, et on lui a donné un nom au-dessus de tous les noms, afin que devant ce nom tout genou fléchisse, non-seulement dans les cieux et sur la terre, mais encore dans les enfers (1). Mais si nous admettons une opinion qui permette de penser que des hommes n'ayant pas cru durant leur vie peuvent croire en Jésus-Christ aux enfers, que de conséquences absurdes et contraires à la foi! Et d'abord pourquoi gémir sur ceux qui meurent sans cette grâce, et pourquoi tant de soins et d'efforts pour que les hommes la reçoivent avant de mourir, de peur des peines éternelles? Et si aux enfers la foi ne servait de rien à ceux qui n'ont pas voulu croire sur la terre après avoir connu l'Evangile, et ne servait qu'à ceux qui n'ont point méprisé ce dont ils n'ont pas pu entendre parler, il s'ensuivrait une plus absurde conséquence: on pourrait dire qu'il ne faut pas prêcher l'Evangile sur la terre, parce que tous les hommes mourront et qu'ils doivent aller aux enfers sans qu'on puisse leur reprocher d'avoir méprisé l'Evangile, afin que la foi chrétienne leur devienne profitable lorsqu'ils l'acquerront dans ces lieux: un sentiment pareil serait une folie et une impiété.

14. C'est pourquoi attachons-nous fortement à ce qui est de foi et repose sur une incontestable autorité; croyons que le Christ est mort selon les Ecritures, qu'il a été enseveli, et que, selon les Ecritures encore, il est ressuscité le troisième jour,» et le reste qui est dit de lui en toute vérité. Parmi ces choses indubitables, nous trouvons que le Sauveur est descendu

1. Philip., 2,9, 10.

aux enfers, qu'il fit cesser des douleurs qui ne pouvaient pas l'atteindre, qu'il en délivra les âmes qu'il voulut délivrer, et qu'il reprit dans le sépulcre le corps qu'il avait laissé sur la croix. Pour ce qui est de l'explication que vous m'avez demandée sur les paroles de l'apôtre Pierre, vous voyez lues doutes; d'autres difficultés s'offriraient si on creusait davantage; méditons nous-mêmes pour comprendre, ou bien interrogeons ceux que nous pourrions utilement consulter.

15. Réfléchissez-y cependant; tout ce que l'apôtre Pierre dit des esprits enfermés dans la prison, et qui n'avaient pas cru aux jours de Noé, n'a peut-être pas entièrement rapport aux enfers, mais plutôt à ces époques dont les temps chrétiens sont la figure. Car ce qui se passa alors était la figure des choses à venir; et aujourd'hui ceux qui ne croient pas à l'Evangile tandis que l'Eglise s'édifie au milieu de toutes les nations, sont semblables à ceux qui ne crurent point tandis que l'on construisait l'arche; mais ceux qui ont été sauvés par le baptême sont comparés aux hommes qui entrèrent dans l'arche et se sauvèrent au milieu des eaux. Voilà pourquoi saint Pierre dit: «C'est ainsi que le baptême vous sauve de la même manière.» Que cette figure nous serve de règle pour entendre aussi ce qui est dit sur ceux qui ne croient pas; ne nous imaginons pas que l'Evangile ait été prêché aux enfers pour enfanter des fidèles et pour en délivrer, ou même qu'on l'y prêche encore, comme si là aussi l'Eglise était établie.

16. Ce qui a fait donner à cet endroit de l'apôtre Pierre le sens qui vous préoccupe, c'est qu'il dit que l'Evangile a été annoncé aux esprits enfermés dans la prison, comme si l'on ne pouvait entendre par là les âmes qui étaient alors dans la chair et enfermées dans les ténèbres de l'ignorance ainsi que dans une prison; c'est de ce cachot que désire sortir celui qui dit: «Tirez mon âme de la prison afin qu'elle confesse votre nom (1);» elle est appelée ailleurs «l'ombre de la mort;» ce n'est pas aux enfers mais sur la terre qu'en ont été délivrés ceux dont il a été dit: «La lumière s'est levée pour ceux qui étaient assis à l'ombre de la mort (2).» Mais aux jours de Noé il a été prêché en vain aux hommes qui n'ont pas cru, tandis que les attendait la patience de Dieu durant les longues années de la construction de

1. Ps 141,8. - 2. Is 9,2.

428

l'arche, car cette construction fut en quelque sorte une prédication; ils sont pareils aux incrédules de ces anciens temps ceux qui aujourd'hui restent enfermés dans les ténèbres de l'ignorance ainsi que dans une prison, regardant sans profit l'établissement de l'Eglise dans le monde entier et les approches du jugement, comme les anciens incrédules les approches du déluge où ils périrent tous. Car le Seigneur a dit: «Aux jours du Fils de l'Homme il en sera comme aux jours de Noé. lis mangeaient, buvaient, se mariaient jusqu'à ce que Noé entra dans l'arche; le déluge vint et les perdit tous (1).» Mais parce que ce qui arriva alors avait une signification prophétique, le déluge marquait pour les fidèles le baptême, pour les infidèles le châtiment; de même que sous la figure, non pas d'une chose faite, mais d'une chose dite, le Christ est représenté par une pierre qui est une pierre d'achoppement pour les uns, et le fondement de l'édifice pour les autres (2). Quelquefois dans une même figure, que ce soit un fait ou une parole, deux choses n'en signifient qu'une seule; c'est ainsi que les fidèles sont figurés par les pièces de bois qui servirent à la construction de l'arche et par les huit personnes sauvées du déluge; ainsi encore, dans la parabole de la bergerie, le Christ est lui-même et le pasteur et la porte (3).

17. Ne nous inquiétons pas, dans cette interprétation, de ce que l'apôtre Pierre dit, que ce fut le Christ même qui prêcha aux esprits enfermés dans la prison, et restés incrédules aux jours de Noé: ne repoussons pas ce sens sous prétexte qu'au temps de Noé le Christ n'était pas encore venu. Il n'était pas encore venu en chair, comme plus tard quand il parut sur la terre et qu'il conversa avec les hommes (4); mais depuis le commencement du genre humain il est venu, non point en chair, mais en esprit, soit pour reprendre les méchants comme Caïn, et Adam lui-même et sa femme; soit pour consoler les bons ou avertir les uns et les autres afin qu'ils croient pour leur salut et ne s'exposent pas à un malheur éternel en ne croyant pas; il s'est fait entendre et voir à ceux qu'il a voulu et comme il a voulu. J'ai dit qu'il est venu en esprit; en effet, le Fils, dans la substance de la divinité, est esprit puisqu'il n'est point corps: mais que fait le Fils sans le Saint-Esprit et sans le Père,puisque toutes les oeuvres de la Trinité sont inséparables?

1. Lc 17,26. - 2. Ps 117,22 Is 8,14 Is 28,26 Da 2,34-45 Mt 21,44. - 3. Jn 10,1-2. - 4. Ba 3,38

18. Il me semble que ceci est suffisamment indiqué par les paroles même de l'Ecriture dont il s'agit, pourvu qu'on y fasse attention: «Parce que le Christ, dit saint Pierre, est mort une fois pour nos péchés, le juste pour les injustes, afin de nous amener à Dieu, étant mort selon la chair et vivifié selon l'esprit, dans lequel il alla aussi prêcher aux esprits renfermés dans la prison, qui autrefois avaient été incrédules, lorsque la patience de Dieu les attendait aux jours de Noé, tandis que l'on construisait l'arche.» Vous remarquez, je pense, l'ordre des paroles: «Mort selon la chair mais vivifié selon l'esprit.» C'est dans cet esprit qu'il est venu prêcher à ces esprits qui, autrefois, avaient été incrédules aux jours de Noé. Car avant de venir en chair afin de mourir pour nous, ce qu'il n'a fait qu'une fois, il était souvent venu auparavant vers ceux qu'il voulait visiter, les instruisant et se montrant à eux comme il voulait, mais en esprit, dans cet esprit selon lequel il a été vivifié après être mort selon la chair dans sa passion. Qu'entendons-nous en disant que le Christ a été vivifié selon l'esprit, si ce n'est que cette même chair, selon laquelle seule il était mort, est ressuscitée par l'esprit qui vivifie.

19. Qui oserait dire en effet que Jésus, lorsqu'il est mort, soit mort dans son âme, c'est-à-dire dans cet esprit qui est l'esprit de l'homme, puisque la mort de l'âme n'est autre chose que le péché, dont il a été tout à fait exempt? Car si les âmes de tous les hommes proviennent de celle qui fut donnée d'un souffle au premier homme, par lequel le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort qui a passé ainsi à toute notre race; ou bien l'âme du Christ n'en vient pas, car il n'y a en lui aucun péché, ni originel ni actuel à cause duquel il dût mourir; il a souffert pour nous la mort qu'il ne méritait pas Celui en qui le prince du monde et le préposé de la mort n'a rien trouvé (1), et il n'y a rien d'absurde à penser que Celui qui a créé une âme pour le premier homme en a créé une pour lui-même; ou bien si l'âme de l'homme-Dieu vient aussi d'Adam, il l'aura purifiée, en la prenant, afin que, naissant d'une vierge, il vînt vers nous sans péché d'aucune sorte. Mais si les âmes ne proviennent pas de celle du premier homme et que ce

1. Jn 14,30.

429

soit par la chair seulement que nous contractions le péché originel, le Fils de Dieu a créé pour lui une âme comme il en a créé pour les autres; toutefois il ne l'a pas unie à la chair de péché, mais à la ressemblance de la chair de péché (1). Car il a pris d'une vierge une véritable substance de chair, non pas cependant une chair de péché, parce que toute concupiscence charnelle est restée étrangère à sa formation; elle a été mortelle toutefois et sujette aux changements des âges, comme étant très-semblable, sans péché, à la chair de péché.

20. Aussi, quelle que soit la vérité sur l'origine de l'âme, et je n'ose rien affirmer encore à cet égard, me contentant de repousser l'opinion qui suppose que chaque âme est enfermée dans un corps, comme dans une prison, en expiation de je ne sais quels actes d'une première vie; quelle que soit, dis-je, la vérité sur cette question, il demeure certain que nons-eulement l'âme du Christ est immortelle comme toute âme humaine, mais encore qu'elle est inaccessible à cette mort qu'entraînent le péché et la condamnation, car le péché et la condamnation peuvent être considérés comme les deux causes de la mort de l'âme. C'est pourquoi ce n'est pas selon son âme elle-même qu'on a pu dire du Christ «qu'il a été vivifié en esprit;» il n'a été vivifié que par où il était mort. Cela a donc été dit de la chair qui se retrouva vivante par le retour de l'âme comme elle était morte quand l'âme l'avait quittée; et le Christ est mort selon sa chair parce qu'il n'est mort que selon la chair; mais il a été vivifié selon l'esprit, parce que c'est par l'opération de cet esprit avec lequel le Christ est apparu et a prêché depuis le commencement du genre humain comme il a voulu, qu'il est ressuscité dans cette chair elle-même, avec laquelle il s'est depuis peu montré aux hommes.

21. Ensuite pour ce qui est dit des incrédules, «qui rendront compte à Celui qui est prêt à juger les vivants et les morts,» nous ne sommes pas forcés d'entendre ici les âmes sorties de leurs corps. Il peut se faire que les morts dont il s'agit soient les infidèles, qui sont morts dans leur âme et dont il a été dit: «Laissez les morts ensevelir leurs morts (2);» et que les vivants soient ceux qui croient en Jésus-Christ et n'entendent pas en vain «Lève-toi, toi qui dors, lève-toi du milieu des

1. Rm 8,3. - 2. Mt 8,22.

morts, et le Christ t'illuminera (1);» ceux dont le Seigneur a dit aussi: «L'heure vient, elle est vende où les morts entendront la voix du Fils de Dieu; et ceux qui l'auront entendue vivront (2).» C'est pourquoi nous ne sommes pas obligés non plus de penser qu'il s'agisse des enfers dans ce passage de saint Pierre: «A cause de cela l'Evangile a été prêché à des morts, afin qu'ils soient jugés selon la chair devant les hommes, mais qu'ils vivent selon l'esprit devant Dieu.» Après cela, dans cette vie même, l'Evangile a été prêché aux morts, c'est-à-dire aux infidèles et aux injustes, afin qu'après avoir cru ils soient jugés selon la chair devant les hommes, c'est-à-dire souffrant diverses tribulations et la mort même de la chair. Aussi le même apôtre dit dans un autre endroit «que le temps est venu de commencer le jugement par la maison du Seigneur (3);» et «qu'ils vivent selon l'esprit devant Dieu,» parce qu'ils étaient morts en esprit lorsque l'infidélité et l'impiété les retenaient dans leurs liens.

22. Que celui à qui cette explication des paroles de l'apôtre Pierre ne plaît point ou ne paraît pas suffisante, cherche à les entendre en les appliquant aux enfers; s'il peut résoudre les difficultés que j'ai indiquées plus haut de façon à m'ôter mes doutes, qu'il me communique ses lumières; s'il en vient à bout, les paroles de l'Apôtre pourront être entendues de deux manières; ce ne sera pas une preuve de la fausseté de mon sentiment.

J'ai répondu, comme j'ai pu, aux questions que vous m'aviez adressées précédemment, sauf la question de savoir si Dieu peut être vu des yeux du corps, ce qui demanderait un plus grand travail; je vous ai envoyé mes réponses par le diacre Asellus, et vous les aurez reçues, je crois. Dans la lettre à laquelle je réponds en ce moment, vous demandiez deux choses, l'une sur les paroles de saint Pierre, l'autre sur l'âme du Seigneur: j'ai touché longuement celle-là, brièvement celle-ci. Je vous prie de nouveau de m'envoyer une copie de la lettre où vous me demandez si la substance de Dieu peut se voir comme quelque chose de corporel et qui occupe un espace; j'ignore comment cette lettre s'est égarée chez nous; on l'a longtemps et inutilement cherchée.

1. Ep 5,14. - 2. Jn 5,25. - 3. 1P 4,17

430





Augustin, lettres - LETTRE CLX (1). (Année 414)