Chrysostome sur Jean 3

3

HOMÉLIE 3. AU COMMENCEMENT ÉTAIT LE VERBE.

Jn 1,1

ANALYSE..

1. Consacrer au Seigneur un des sept jours de la semaine. - Quelle éducation il faut donner à la jeunesse.
2. Sentiment des hérétiques anoméens sur le Verbe.
3. et 4. Preuves de l'éternité du Verbe.
5. et 6. Contre la vaine gloire. - Maux qu'elle produit. - On lui sacrifie ses richesses. - On imagine tout, on fait tout pour plaire au peuple. - Belle définition du peuple. - La gloire du peuplé n'est point une vraie gloire. - Cas qu'on doit faire de la multitude. - Ne chercher que Dieu seul pour spectateur et pour panégyriste des bonnes oeuvres que l'on fait.


1. Il serait à présent inutile de vous exhorter à être assidus et attentifs aux sermons, tant vous êtes empressés de mettre à profit ma dernière exhortation. Ce concours, cette persévérance à rester debout, cette ardeur, cet empressement à venir occuper les places les plus proches de la chaire, d'où vous pouvez plus facilement entendre ma voix; cette constance à ne point sortir d'ici jusqu'à ce que tout soit fini, quoique vous y soyiez bien à l'étroit, et fort gênés, ces acclamations, ces applaudissements, tout en un mot, montre visiblement et la ferveur de votre âme, et l'attention de votre esprit: voilà pourquoi il serait superflu de vous parler davantage sur ce sujet: mais il est à propos de vous dire, et il importe même de vous avertir de persévérer dans le même esprit, et non-seulement d'apporter ici ce zèle et cette affection, mais encore de vous entretenir dans vos maisons de ce que vous avez entendu au sermon: le mari avec sa femme, le père avec son fils: que chacun dise ce qu'il a retenu et interroge les autres: que tous, à tour de rôle, apportent au trésor commun leur contribution.

Et ne me dites point qu'il n'est pas temps encore d'occuper les enfants de ces choses; car je vous répondrai que non-seulement il leur serait nécessaire d'en faire leur, étude, mai, aussi leur unique occupation. Toutefois, je ne 113 vous l'ordonne point à cause de votre faiblesse; je ne veux pas détourner les jeunes gens de l'étude des auteurs profanes, pas plus que vous des affaires civiles: des sept jours de la semaine, je vous prie seulement d'en consacrer un à Notre-Seigneur.

Ne serait-il pas ridicule à nous, qui obligeons nos domestiques de nous servir, sans y manquer un seul jour, de ne pas donner à Dieu au moins quelques petits moments de notre loisir, et surtout puisque nos services, qui ne sont nullement utiles à Dieu, car le Seigneur n'a besoin de rien, tournent entièrement à notre profit et à notre avantage?

Mais quand vous menez vos enfants au théâtre et aux spectacles, vous n'avez point d'études, ni d'autres occupations à prétexter il n'en est plus question; et lorsqu'il s'agit de quelque profit spirituel, vous dites que c'est un dérangement! Comment n'irriteriez-vous pas la colère de Dieu? vous trouvez du temps de reste pour toute autre chose, mais pour 1e service de Dieu, vous jugez que le loisir manque à vos enfants 1 Ne vous conduisez pas ainsi, mes chers frères, ne vous conduisez pas ainsi. C'est principalement cet âge qui a besoin de nos leçons: comme il est tendre, l'instruction que l'on donne entre facilement dans l'esprit, et s'y imprime comme le cachet sur la cire; sans compter que c'est le moment critique qui décide du penchant de la vie entière ou au vice, ou à la vertu. Si donc au commencement, et dès les premières années, on détourne les enfants du vice, et qu'on les mette dans le droit chemin, on leur inculquera certaines habitudes qui resteront en eux comme une seconde nature: ils ne se porteront pas d'eux-mêmes facilement au mal, la coutume les retiendra et les entraînera au bien. Par là, nous les rendrons plus respectables et plus utiles à l'état que les vieillards eux-mêmes, et nous leur inspirerons, dès la jeunesse, les vertus de la maturité.

Il est impossible, comme je l'ai dit ailleurs, que ceux qui assistent à ces sermons, et fréquentent un si grand apôtre, n'en retirent un très-grand fruit: homme ou femme, jeune ou vieux, nul ne prendra en vain sa part d'un tel banquet. Si, par la parole, nous apprivoisons les bêtes que nous avons prises, à combien plus forte raison ne porterons-nous pas les hommes à la vertu par la parole spirituelle, quand il y a tant de disproportion entre ces deux objets de nos soins comme entre ces deux espèces de remèdes? Il n'y a pas en nous autant de férocité que dans les bêtes, car dans les bêtes la férocité naît de leur nature; mais dans les hommes elle vient de leur libre arbitre. Et aussi, il y a une grande différence dans les paroles: les unes rie sont qu'une production de l'homme; mais les autres viennent de la vertu et de la grâce du Saint-Esprit. Si quelqu'un désespère donc de soi, qu'il pense à ces bêtes qu'on a apprivoisées, et jamais il ne tombera dans le désespoir; qu'il vienne souvent en ce lieu de guérison; qu'il écoute assidûment la parole de Dieu; et, de retour dans sa maison, qu'il repasse dans son esprit ce qu'il a entendu; de cette sorte, il s'affermira dans la bonne espérance et dans la confiance, averti de ses progrès par sa propre expérience. Quand le diable voit la loi de Dieu gravée dans une âme, et que le coeur est la table où elle est écrite, il n'ose aller plus avant. Lorsque les édits du roi, non gravés sur une colonne de bronze, mais empreints dans une âme pieuse par le Saint-Esprit, font rejaillir au dehors leur beauté et leur lumière, il ne peut les regarder en face, il leur tourne le dos et s'enfuit promptement (1): rien en effet n'est si formidable au démon, et n'écarte mieux les pensées qu'il inspire, qu'une âme qui médite la loi de Dieu, et qui demeure toujours penchée sur cette fontaine. Aucun accident, quelque fâcheux qu'il soit, ne pourra la troubler: nulle prospérité ne pourra l'enfler, ni l'enorgueillir; mais, au milieu des orages et de la tempête, elle jouira d'un grand calme.

1. On peut regarder cet endroit comme une allusion au verset 3 du chapitre 3 de la deuxième Epître de saint Paul aux Corinthiens. - Voyez-le


2. Non, ce ne sont pas les choses en soi qui nous agitent et nous troublent, mais bien l'infirmité de notre coeur. Sinon, il faudrait nécessairement que tous les hommes fussent dans le trouble. Nous naviguons tous sur la même mer, nous sommes donc tous exposés aux mêmes flots et aux mêmes tempêtes. Que s'il y a des gens qui s'élèvent au-dessus de la tempête et des furieux orages de la mer, il est évident que ce n'est pas la fortune qui produit ces orages, mais l'état de notre coeur: si nous nous tenons donc prêts à toute sorte d'événements, nous ne serons nullement exposés aux flots et à la tempête, mais nous jouirons toujours d'un calme parfait. - 114 -

Je ne m'étais point proposé d'entrer dans ce détail: je ne sais comment j'en suis venu à m'étendre aussi longuement là-dessus. Pardonnez cet écart, je vous en prie, mes chers frères, à la crainte, à la vive crainte que j'éprouve devoir se refroidir votre zèle. Si j'avais été rassuré sur ce point, certainement je ne vous aurais point parlé de toutes ces choses, car votre zèle eût suffi pour vous rendre tout aisé et facile.

Il est temps de commencer, de peur que vous n'entriez au combat étant déjà fatigués. Nous avons à combattre les ennemis de la vérité, ceux qui font tous leurs efforts pour renverser la gloire du Fils de Dieu, ou plutôt la leur propre: car la gloire du Fils de Dieu ne peut recevoir de changement (1); elle est toujours la même, les langues médisantes ne peuvent l'affaiblir; mais eux, lorsqu'ils s'étudient et s'efforcent d'abattre Celui qu'ils adorent (à ce qu'ils disent), ils se couvrent d'infamie et condamnent leurs âmes aux supplices.

1. Car Dieu, dit saint Jacques, ne peut recevoir ni de changement, ni d'ombre par aucune révolution.

Que disent-ils donc, lorsque nous prononçons ces paroles: «Au commencement était le Verbe?» Ils répondent que ces mots: «Au commencement était le Verbe», ne marquent pas ouvertement l'éternité; car, disent-ils, on l'a de même dit du ciel et de la terre. Oh! quelle impudence, et quelle extrême impiété! je te parle de Dieu, et toi tu me parles de la terre et des hommes qui en sont sortis? Quoi donc, parce que Jésus-Christ est dit Fils de Dieu et Dieu, et que l'homme est dit aussi fils de Dieu et dieu; parce qu'il est écrit: «J'ai dit: Vous êtes des dieux, et vous êtes tous enfants du Très-Haut» (Ps 82,6), tu disputeras de la filiation avec le Fils de Dieu, et tu diras qu'il n'a rien de plus que toi? Nullement, réponds-tu. Tu le fais, te dis-je, bien que tu ne l'avoues pas expressément. Comment? c'est en disant que tu as reçu l'adoption par grâce, et lui aussi: car, quand tu dis qu'il n'est pas Fils par nature, tu ne dis autre chose, sinon qu'il est Fils par grâce.

Mais voyons quelles preuves, quels témoignages nous apportent ces hérétiques: «Au commencement Dieu a fait le ciel et la terre: et la terre était invisible, et toute en désordre». (Gn 1,1-2) Et, «il était un homme d'Armathaïm Sipha». (1S 1,1) Ces paroles leur paraissent fortes, et véritablement elles le sont; mais c'est pour démontrer la vérité de notre doctrine. Car pour prouver leur blasphème, rien n'est plus faible. En effet, je te le demande: qu'y a-t-il de commun entre cette parole: «Il a fait», et celle-ci: «Il était?» Qu'est-ce que Dieu a de commun avec l'homme? Pourquoi joins-tu ce qu'on ne peut joindre ensemble? Pourquoi confonds-tu ce qui est séparé, et mets-tu en bas ce qui est en haut? En cet endroit-ci le terme «Il était», ne montre pas l'éternité, si on le prend seul; mais il la montre et la déclare, si on le joint à ceux-ci: «Au commencement il était», et «le Verbe était»: comme donc le mot «étant», quand il est dit de l'homme, ne marque que le temps présent, et lorsqu'il est dit de Dieu, désigne l'éternité; de même aussi le mot «il était», s'il est dit de notre nature, signifie un temps passé et même encore un passé borné: mais quand il est dit de Dieu, il marque l'éternité. C'est assez, pour celui qui a entendu ces paroles, d'avoir ouï nommer «la terre» et «l'homme», pour n'en penser et n'en rien dire de plus que ce qui convient à la nature créée. Tout ce qui a été fait, a été fait dans le temps ou dans le siècle: mais le Fils de Dieu n'est pas seulement avant le temps; il est aussi avant tous les siècles, puisqu'il en est le Créateur. Car l'Écriture dit de lui: «Par qui il a même créé les siècles». (He 1,2) Or le Créateur est certainement antérieur aux créatures.

Mais comme il se trouve des gens assez insensés pour s'abuser encore après cela sur le rang qui leur appartient, l'Écriture arrête tout à coup à leur esprit, et renverse toute leur impudence par ce mot: «Il a fait», et cet autre: «II était un homme». Car tout ce qui a été fait, le ciel, la terre, a été fait dans le temps, a eu un commencement temporel, et aucune de toutes ces choses n'est sans un commencement, par cela seul qu'elle a été créée. Ainsi donc, quand vous entendez ces mots: «il a créé la terre», et: «l'homme était», toutes vos objections ne sont plus qu'un bavardage inutile. Je vais plus loin. Quand bien même i1 serait dit de la terre: Au commencement était l'homme, il n'en faudrait penser rien de plus que ce que nous en connaissons maintenant, quoique l'Écriture se fût servie de ces expressions, parce qu'ayant fait précéder le nom de terre, et celui d'homme, quelque chose qu'elle en dise après, [115] l'esprit ne peut rien concevoir au delà de ce que nous en savons: et, tout au contraire, le nom de Verbe, quelques basses expressions qu'on emploie ensuite en parlant de lui, ne permet pas néanmoins qu'on s'en forme une idée basse et indigne. Mais de plus l'Ecriture parle après de la terre en ces termes: «Or, la terre était invisible et tout en désordre». (Gn 1,2) Ayant dit que Dieu avait créé la terre, et qu'il lui avait prescrit ses bornes (Ps 113,9), elle rapporte ensuite ce qui suit en toute assurance, sachant bien qu'il n'y aura personne d'assez insensé pour penser que la terre n'a point eu de commencement, et qu'elle n'a point été créée. En effet, le mot: «terre», et cet autre: «il a créé», sont plus que suffisants pour persuader à l'homme le plus déraisonnable, qu'elle n'est ni éternelle, ni incréée, mais qu'elle est du nombre des choses qui ont été faites dans le temps.

3. En outre, ce mot: «il était», étant dit de la terre et de l'homme, ne signifie pas simplement l'existence de l'un et de l'autre; il sert à expliquer, pour ce qui regarde l'homme, son origine; pour ce qui concerne la terre, sa forme; car l'Ecriture n'a pas simplement dit: la terre était; elle n'en est pas restée là, mais elle a fait connaître sa forme après sa création; elle a dit. «La terre était invisible et toute en désordre», elle était encore couverte d'eau, et mêlée dans les eaux. Et parlant d'Elcana, elle n'a pas seulement dit: «II était un homme», mais elle a ajouté le lieu de sa naissance, «d'Armathaïm Sipha».

Mais quand il s'agit du Verbe, ce n'est pas ainsi qu'elle en parle. Et en vérité, j'ai honte d'examiner ces choses ensemble. Si nous blâmons ceux qui font ces sortes d'examens et de comparaisons à l'égard des hommes, lorsqu'il y a une grande différence dans la vertu de ceux que l'on compare ensemble, quoique néanmoins ils soient tous d'une seule et même nature; quand au contraire il y a une distance infinie entre les personnes comparées pour la nature et à tout égard, n'est-il pas alors d'une extrême folie d'oser agiter ces sortes de questions? mais, veuille Celui qu'outragent ces blasphèmes nous excuser et nous pardonner! la faute n'est point à nous, mais à ces ennemis de leur propre salut, qui nous forcent d'entrer dans de semblables explications.

Que dis-je donc? je dis que ce mot: «il était», étant dit du Verbe, ne marque autre chose qu'une existence éternelle, car l'Evangéliste dit: «Au commencement était le Verbe»; et que le second, «il était» qui vient après, signifie que le Verbe était avec quelqu'un. Comme c'est le plus spécial attribut de Dieu, d'être éternel et sans principe, c'est aussi ce que l'Evangéliste a premièrement posé et établi. Ensuite, de peur qu'en entendant cette parole: «Au commencement il était», quelqu'un ne dît que le Verbe était aussi non engendré, «comme le Père», il le prévient aussitôt et l'arrête, en disant: «Il était avec Dieu», avant de dire ce qu'il était: et encore, de peur qu'on ne pensât que le Fils était la parole externe ou interne, il en détruit le soupçon et la pensée par l'article qu'il fait précéder, comme je l'ai dit plus haut, et par ce qu'il joint après; car il n'a point dit: Le Verbe était dans Dieu, mais «il était avec Dieu»; en quoi il marque l'éternité de son hypostase, ce qu'il exprime ensuite plus clairement, en ajoutant: «Le Verbe était Dieu».

Je le vois, vous m'allez dire: «Le Verbe était Dieu»; mais c'est parce qu'il a été fait Dieu. Rien n'empêchait donc que saint Jean ne dît: Au commencement Dieu a fait le Verbe? Moïse parlant de la terre n'a point dit: Au commencement était la terre, mais il a dit Dieu a fait la terre (Gn 1,1), et la terre a été faite. Qu'est-ce donc qui a empêché Jean de dire: Au commencement Dieu a fait le Verbe? le voici. Si Moïse a dit: la terre a été faite, parce qu'il craignait que quelqu'un ne dît qu'elle n'avait point été faite, saint Jean aurait eu bien plus de raison de craindre, si le Fils eût été créé, qu'on n'eût dit de lui qu'il n'avait point été créé, car la terre étant visible, annonce par elle-même le Créateur: «Les Cieux», dit le Prophète, «racontent la gloire de Dieu» (Ps 18,1): mais le Fils est invisible, et il est infiniment au-dessus de toutes les créatures. Si donc, quoiqu'il n'y eût nul besoin ni de paroles, ni de doctrine, pour nous apprendre que le monde avait été fait, le Prophète, toutefois, le marque clairement, et avant toutes choses, saint Jean avait bien plus de raison de le dire du Fils, s'il eût été créé.

Vous m'objecterez encore: Mais saint Pierre le dit clairement et manifestement: Où et quand 1e dit-il? c'est lorsqu'adressant la parole aux Juifs, il leur dit: «Dieu l'a fait Seigneur et Christ». (Ac 2,36) Mais, dites-moi vous-mêmes pourquoi vous n'avez point [116] ajouté ce qui suit: «Ce Jésus que vous avez crucifié». Ignorez-vous que de ces paroles, les unes se rapportent à la nature immortelle, et les autres à l'Incarnation. Si cela n'est point ainsi, et si vous appliquez tout à, la divinité, vous conclurez et vous nous prouverez que Dieu est passible; mais s'il n'est point passible, il s'ensuit aussi qu'il n'a point été fait. Car si c'est de la nature divine et ineffable qu'a coulé le sang qui a été répandu, et si c'est elle qui, au lieu de la chair, a été déchirée et percée de clous sur la croix, le sophisme que vous me faites est appuyé sur la raison. Mais si le diable même n'a point blasphémé de la sorte, toi, pourquoi feins-tu une ignorance impardonnable, dont jamais les démons mêmes ne se sont avisés?

Mais de plus, ces noms: Seigneur et Christ, sont des noms de dignité, et ne désignent point la substance. L'un marque la puissance, l'autre l'onction. Que diras-tu donc du Fils de Dieu? S'il est créé, comme tu le dis, tout ce qui est écrit de lui tombe et n'a plus de lieu. En effet, il n'a pas été créé auparavant, afin qu'alors Dieu lui tendît la main pour marquer son choix et l'élever: il n'a pas non plus une origine, un commencement vil et abject; mais ce qu'il est, il l'est par sa nature et par sa substance. Quand on lui demanda s'il était roi, il répondit: «C'est pour cela que je suis né». (Jn 18,37) Saint Pierre parle donc comme de quelqu'un qui a été choisi et destiné, parce que c'est de l'homme qu'il parle.

4. Pourquoi vous étonner de ces paroles de saint Pierre? Saint Paul, prêchant aux Athéniens, qualifie le Fils seulement d'homme, disant: «Par un homme qu'il a destiné pour être le juge, et il en a donné des preuves à tout le monde lorsqu'il l'a ressuscité». (Ac 17,31) Il ne dit point qu'il a la forme de Dieu, ni qu'il est égal à Dieu, ni qu'il est la splendeur de sa gloire, et c'est avec raison. Il n'était pas encore temps de le dire, et c'était alors assez pour eux de croire qu'il était homme et qu'il était ressuscité. Jésus-Christ lui-même l'a ainsi pratiqué; saint Paul, qui avait appris de lui, dispensait de même la parole de l'Evangile. Car Jésus-Christ ne nous a pas d'abord révélé sa divinité; mais auparavant le Prophète, et le Christ était simplement regardé comme un homme; et ensuite, par ses paroles et par ses oeuvres, il a fait connaître ce qu'il était véritablement: voilà pourquoi saint Pierre en use de la sorte au commencement les paroles que vous m'avez alléguées sont du premier sermon qu'il a prêché aux Juifs. Comme ils n'étaient point capables encore de rien apprendre de la divinité de Jésus-Christ, il leur parle de sa nature humaine, afin que leurs oreilles y étant accoutumées, fussent après plus propres et plus disposées à recevoir toute la suite de la doctrine. Que si quelqu'un veut reprendre de plus haut cette prédication de l'Apôtre, il y trouvera la preuve évidente de ce que je dis, il verra que saint Pierre appelle Jésus-Christ homme, et qu'il parle fort au long de sa passion, de sa résurrection et de sa génération selon la chair. Quant à ce que dit saint Paul du Fils de Dieu, qu' «il lui est né selon la chair, du sang et de la race de David (Rm 1,3)», il ne nous apprend rien autre chose, sinon que par ce mot: «il est né», il a en vue l'incarnation, et il ne fait en cela que confirmer notre sentiment.

Mais l'enfant du tonnerre nous parle maintenant de son ineffable existence, qui est avant tous les siècles. C'est pourquoi il ne dit point «il a été fait»; mais «il était». Et c'est ce qu'il fallait expressément marquer ici, s'il eût été créé. Saint Paul a pu craindre que quelque insensé ne pensât que le Fils était plus grand que le Père, et que le Père était assujetti au Fils; car c'est cette crainte qui lui fait dire aux Corinthiens: «Quand l'Ecriture dit que tout lui est assujetti, il est indubitable «qu'il en faut excepter celui qui lui a assujetti toutes choses». (1Co 15,26-27) Et qui pourrait penser que le Père fût assujetti au Fils avec toutes choses? Et néanmoins saint Paul a craint qu'il n'y eût des hommes capables de concevoir des pensées si absurdes, et a dit pour cela, même: «Excepté celui qui lui a assujetti toutes choses», saint Jean avait bien plus de raison de craindre, si le Fils eût été créé, que quelqu'un ne crût qu'il était incréé, et de nous l'apprendre préférablement à toute autre chose. Mais comme il est engendré, ni saint Jean, ni aucun autre, ou apôtre ou prophète, ne disent comme de juste qu'il ait été créé. Bien plus, le Fils unique lui-même n'aurait pas manqué de le dire, si véritablement il eût été créé. Celui qui dit de soi tant de choses basses par condescendance, aurait encore beaucoup moins-tu qu'il n'était qu'une créature: je crois même qu'il est plus vraisemblable [117] qu'il a plutôt tu et caché une partie de sa grandeur et de son excellence, que caché et tu ce qui lui manquait, et omis de déclarer qu'il ne l'avait pas. Voulant enseigner l'humilité aux hommes, il avait un sujet raisonnable de garder le silence sur ses plus sublimes attributs: mais ici, «à l'égard de sa prétendue création», vous ne sauriez m'alléguer la moindre raison un peu spécieuse de la taire. Car pourquoi Celui qui passait sous silence une infinité de ses titres, s'il eût été créé, l'aurait-il caché? Celui qui, pour enseigner l'humilité, a souvent parlé dans des termes qui ne lui étaient ni propres, ni convenables, n'aurait pas omis, à plus forte raison, qu'il était créé, s'il eût été créé.

Ne vois-tu pas qu'il n'est rien qu'il ne fasse et ne dise pour empêcher qu'on pense qu'il n'est point engendré; qu'il dit même des choses qui sont au-dessous de sa dignité et de sa nature, et qu'il s'abaisse jusqu'à l'humble qualité de prophète? car ces paroles: «Je juge selon ce que j'entends» (Jn 5,30), et ces autres: «C'est lui, c'est mon Père, qui m'a enseigné ce que je dois dire, et ce que je dois enseigner (1)», sont des paroles qui n'appartiennent qu'à des prophètes. Si donc, pour prévenir ce soupçon, il n'a pas dédaigné de tenir un si humble langage, à plus forte raison s'il eût été créé se serait-il encore exprimé de la sorte de peur que quelqu'un ne pensât qu'il était incréé: il eût dit, par exemple: Gardez-vous de croire que j'aie été engendré par le Père: j'ai été fait, et je ne suis point engendré, je ne suis pas non plus de la même substance que le Père. Mais maintenant il fait tout le contraire, il dit des choses qui nous forcent, même malgré nous, d'embrasser le sentiment opposé, comme par exemple: «Je suis dans mon Père, et mon Père est en moi». (Jn 14,10) Et: «Il y a si longtemps que je suis avec vous, et vous ne me connaissez pas encore? Philippe, celui qui me voit, voit mon Père». (Jn 14,9) Et: «Afin que tous honorent le Fils, comme ils honorent le Père». (Jn 5,23) «Comme le Père ressuscite les morts, et leur rend la vie, ainsi le Fils donne la vie à qui il lui plaît». (Jn 5,21) «Mon Père ne cesse point d'agir jus«qu'à présent, et j'agis aussi incessamment». (Jn 5,1) «Comme mon Père me connaît je connais mon Père». (Jn 10,15) «Mon Père et moi nous sommes une même chose». (Jn 10,30) Et partout il met: «comme» et «ainsi»: il dit que son Père et lui sont une même chose, et il déclare qu'il n'y a aucune différence entre eux.

1. Le saint Docteur cite ici le sens; et non les paroles; mais ces paroles, quant au sens, se trouvent en plusieurs endroits de saint Jean.

Mais encore: il montre et manifeste sa puissance, et par ces paroles et par plusieurs autres. Comme lorsqu'il dit: «Tais-toi, calme-toi» (Mc 4,39), «je le veux, soyez guéri» (Mt 8,3), «je te le commande: Démon sourd et muet, sors de cet enfant». (Mc 9,24) Et ceci encore: «Vous avez appris qu'il a été dit aux anciens: vous ne tuerez point; mais moi je vous dis, que quiconque se mettra en colère sans sujet contre son frère, méritera d'être condamné». (Mt 5,21-22) Et tant d'autres préceptes ou miracles qui suffisent pour prouver sa puissance; que dis-je? c'est bien des fois plus qu'il n'en faut pour gagner et convaincre tout homme qui n'aura pas perdu le sens et la raison.

5. Mais telle est la force de la vaine gloire, que, même dans les choses les plus claires et les plus évidentes, elle peut aveugler l'esprit de ceux qui en sont possédés, leur persuader de combattre ce qui est le mieux avéré; elle peut même pousser au mensonge et à la révolte ceux qui sont le mieux convaincus de la vérité. C'est là ce qu'ont fait les Juifs: car ils ne niaient pas le Fils de Dieu par ignorance, mais pour se concilier la faveur du vulgaire: «Ils croyaient en lui», dit l'Écriture, «mais ils craignaient d'être chassés de la synagogue». (Jn 12,42) Et ils perdaient leur salut pour l'amour des autres. Celui qui recherche ainsi la gloire du monde ne peut acquérir celle qui vient de Dieu. Voilà pourquoi Jésus-Christ leur fait ce reproche: «Comment pouvez-vous croire, vous qui recherchez la gloire des hommes, et qui ne recherchez point celle qui vient de Dieu?» (Jn 5,44)

La vaine gloire, mes frères, est en quelque sorte une profonde ivresse, Voilà pourquoi celui qui est attaqué de cette maladie s'en délivre difficilement: elle est un cruel tyran qui, arrachant du ciel l'âme. de ses esclaves, l'attache à la terre, ne lui permet pas de voir la vraie lumière, la pousse à se vautrer toujours dans la boue, et lui donne des maîtres si puissants, qu'ils la font obéir sans lui faire aucun commandement: car celui qui est infecté de cette passion, fait volontairement, quoique [118] personne ne l'y engage et ne l'y force; fait, dis-je, tout ce qu'il imagine pouvoir plaire à ces maîtres. C'est pour l'amour d'eux, c'est afin de leur plaire qu'il se revêt de beaux vêtements, qu'il orne son visage, non pour soi, mais pour les autres; qu'il se fait accompagner à la place d'une foule de domestiques, afin de s'attirer les regards et l'admiration de tout le monde; enfin, tout ce qu'il fait, c'est pour les autres qu'il le fait. Est-il une pire et plus dangereuse maladie que celle-là? souvent pour se faire regarder et admirer, il se précipite dans quelque abîme. Certes, ce qu'en a dit Jésus-Christ suffit pour en montrer toute la tyrannie. Mais je veux encore la faire connaître par d'autres endroits. Demandez à ces citoyens qui répandent leurs richesses avec tant de profusion pourquoi ils donnent de si grosses sommes d'argent, à quelle fin cette prodigieuse dépense? ils n'auront que cette seule réponse à vous faire: c'est pour plaire au peuple. Mais interrogez-les encore, demandez-leur ce que c'est que le peuple? c'est quelque chose, diront-ils, qui est plein de tumulte et d'agitation, où la déraison domine, qui va au hasard, comme les flots de la mer, un chaos d'idées et de sentiments contradictoires: est-il donc rien de plus misérable que celui qui se donne un tel maître?

Mais que les personnes séculières s'attachent à la vaine gloire et la recherchent, c'est un mal sans doute, mais un mal relativement minime: au contraire, quand cette maladie s'acharne avec un redoublement de fureur sur ceux qui prétendent avoir renoncé au monde, c'est alors surtout que les effets en sont terribles. Car ceux-là ne prodiguent et ne perdent que leur argent, mais ceux-ci perdent leur âme: pour l'amour de la vaine gloire, abandonner la saine doctrine! pour s'acquérir l'estime, déshonorer Dieu! quelle lâcheté, quel engourdissement, quelle folie une telle conduite ne marque-t-elle pas? Les autres vices, s'ils causent de grands dommages, procurent au moins quelque plaisir, quoique court et passager. Car l'avare, l'ivrogne, celui qui aime les femmes, goûtent en se perdant un instant de plaisir; mais ceux qui sont captifs de cette passion mènent une vie dure et cruelle, sans jouir jamais d'aucun plaisir. En effet, jamais ils n'atteignent à ce qu'ils désirent le plus, je veux dire à la gloire, la considération publique. Ils paraissent véritablement en jouir, et toutefois ils n'en jouissent point, parce que ce n'est point là une vraie gloire.

Voilà pourquoi cette passion n'est point appelée gloire, mais chose vide de gloire; et tel est le sens du nom que lui ont donné justement les anciens (1), parce qu'elle n'a rien de réel, rien de beau, rien de glorieux au dedans. Un masque (2) paraît au dehors beau et aimable, mais il est vide au dedans, et ne peut, pour cela même, bien que supérieur en beauté à bon nombre de visages, s'attirer jamais l'amour de personne: ainsi en est-il de cette gloire du peuple; elle est même quelque chose de plus misérable, car elle engendre la tyrannique et redoutable passion dont nous avons parlé: elle n'a qu'une beauté extérieure et superficielle, tandis que l'intérieur non-seulement est vide, mais encore flétri par l'infamie et désolé par la tyrannie la plus atroce.

1. Saint Jean Chrysostome donne Ici une étymologie qui peut paraître arbitraire. Nous avons rectifié en ce sens la traduction de Le Mère qui semble n'avoir pas compris.
2. Dans l'antiquité, les masques avaient la forme de la tête et la couvraient tout entière.

D'où provient donc, me direz-vous, une si sotte et si extravagante passion, qui n'est capable de donner aucun plaisir? D'où? Elle ne peut venir que d'une âme basse et rampante. Il est bien difficile qu'un homme infatué de cette gloire conçoive de grands et de nobles sentiments; nécessairement il sera sans honneur, bas, rampant, méprisable; il ne fait rien pour la vertu, il fait tout pour plaire à de viles créatures, et il suit à l'aveugle leurs erronées et fausses opinions: comment vaudrait-il quelque chose?

Mais remarquez ceci, mes chers frères; si quelqu'un lui fait cette demande et lui dit : Vous même, que pensez-vous de la multitude? Il répondra sans doute : C'est une troupe de fainéants. Eh quoi? Désireriez-vous de lui ressembler? Si quelqu'un lui adresse cette nouvelle question, je ne crois pas qu'il y réponde affirmativement. N'est-il donc pas bien ridicule de rechercher avec soin l'estime et la faveur de gens à qui on ne voudrait jamais ressembler?

6. Irez-vous dire qu'ils forment un groupe nombreux? Raison de plus pour les mépriser. Si chacun d'eux est digne de mépris, leur réunion est méprisable à plus forte raison. Leur nombre, en se multipliant, ne fait que multiplier leur déraison. C'est pourquoi si vous les prenez en particulier, vous pourrez 119 les corriger; s'ils sont une fois réunis, vous aurez bien de la peine, parce qu'alors leur folie redouble, et aussi parce qu'ils se laissent mener comme les bêtes, et qu'ils suivent aveuglément les opinions les uns des autres.

La voilà cette popularité: de grâce, dites-moi, la rechercherez-vous encore? N'en faites rien, mes frères, je vous en prie et je vous en conjure, une pareille ambition est capable de tout renverser: elle est une source d'avarice, d'envie, d'accusations, de pièges: elle arme, elle irrite ceux qui n'ont reçu aucune offense contre ceux mêmes qui ne les ont nullement offensés: celui qui est infecté de cette maladie ne connaît ni amis, ni parents, ne respecte absolument personne; son âme dégradée, incapable désormais de constance et d'affection, devient l'ennemie du genre humain. La colère est à la vérité une passion tyrannique et insupportable, néanmoins elle n'est pas toujours en mouvement, mais seulement quand on la provoque: au contraire, la passion de la vaine gloire est incessante; il n'y a pour ainsi dire aucun temps où elle s'adoucisse, si la raison ne la réprime et ne l'éteint, mais elle est toujours là, non-seulement pour nous exciter à commettre le mal, mais encore pour nous ôter tout le mérite des bonnes actions que nous avons pu faire, quand elle ne nous a pas empêchés tout d'abord. Que si saint Paul appelle l'avarice une idolâtrie (Ep 5,5), quel nom donnerons-nous à sa mère, à sa racine et à sa source, c'est-à-dire à la vaine gloire? Nous n'en trouverons sûrement point qui soit propre à exprimer une si grande malignité.

Rentrons donc dans notre bon sens, mes chers frères, et dépouillons-nous de ce funeste vêtement: déchirons-le, mettons-le en pièces, délivrons-nous enfin de cette servitude, jouissons de la vraie liberté et prenons conscience de cette noblesse que Dieu nous a donnée méprisons souverainement la faveur de la multitude; il n'est rien en effet de plus ridicule et de plus déshonnête, rien de plus honteux ni de moins glorieux que cette passion. Sien des raisons le montrent: rechercher la gloire, c'est ignominie: la mépriser et n'en faire aucun cas, pour conformer à la volonté de Dieu toutes ses actions et toutes ses paroles, c'est en quoi consiste la vraie gloire.

Nous pourrons obtenir la récompense de Celui qui voit et considère avec soin toutes nos oeuvres, lorsque nous nous contenterons de l'avoir seul pour spectateur et pour arbitre. En quoi avons-nous besoin d'autres yeux, puisque Celui qui doit nous donner la récompense et la gloire ne cesse point d'avoir ses yeux attentifs sur nous et sur nos oeuvres? et certes, qu'un serviteur fasse tout pour plaire à son maître, qu'il ne désire d'être vu que de lui seul, qu'il ne recherche pas que d'autres voyent ce qu'il fait, quelque grands, quelque considérables que puissent être ces spectateurs, mais qu'il n'ait point d'autre but, d'autre intention que d'être vu de son maître: que nous, au contraire, qui avons un si grand Maître, nous cherchions d'autres spectateurs, qui ne nous peuvent aider en rien, mais qui peuvent nous nuire en nous regardant et rendre notre travail infructueux et inutile, n'est-ce point là une absurdité et une extravagance?

Ah! je vous en prie, mes chers frères, ne nous conduisons pas de la sorte; mais appelons et sollicitons les regards et les éloges de Celui-là seul dont nous devons recevoir la récompense. N'ayons nul désir, nulle envie d'attirer sur nous les yeux des hommes. Quand d'ailleurs cette gloire nous tenterait, le meilleur moyen de l'obtenir ce serait encore de ne rechercher que la seule gloire qui vient de Dieu. «Car je glorifierai», dit l'Ecriture, «quiconque m'aura rendu gloire». (1S 2,30) Et comme, lorsque nous méprisons les richesses, c'est alors même que nous sommes le plus dans l'abondance de toutes sortes de biens, puisque Jésus-Christ dit: «Cherchez le royaume, de Dieu, et toutes ces choses vous «seront données comme par surcroît (Mt 6,33) Il en est de même pour la gloire. Là où il n'y a nul péril de donner les richesses ou la gloire, là Dieu les répand avec profusion: or, nous recevons sans péril et les richesses et la gloire lorsqu'elles ne nous commandent point, ne nous dominent point, et ne se servent pas de nous comme de leurs esclaves, mais qu'elles nous servent elles-mêmes comme des hommes libres qui sont leurs maîtres.

C'est pour cette raison que Jésus-Christ ne veut pas que nous les aimions, de peur que nous, ne devenions leurs esclaves: si nous savons en user en maîtres, il nous les donne avec une grande abondance. En effet, quoi de plus illustré que ce Paul qui a dit: «Nous ne [119] cherchons aucune gloire de la part des hommes, ni de vous, ni d'aucun autre!» (1Th 2,6) Qui est plus riche que celui qui, n'ayant rien, possède tout? car lorsque nous ne nous assujettirons pas aux richesses, comme je viens de le dire, alors nous les posséderons, alors elles nous seront données avec profusion. Si nous voulons donc acquérir la gloire, fuyons-la: c'est de cette sorte qu'en gardant les commandements de Dieu, nous pourrons obtenir les biens présents et lesbiens futurs, par la grâce de Jésus-Christ, avec qui gloire soit au Père et au Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.




Chrysostome sur Jean 3