Chrysostome sur Jean 6

6

HOMÉLIE VI. UN HOMME A ÉTÉ ENVOYÉ DE DIEU, QUI S'APPELAIT JEAN. (JUSQU'AU VERSET 9)

Jn 1,6-8

ANALYSE.

1. De quelle manière Jésus-Christ reçoit témoignage de saint Jean. - La saine doctrine ne sert de rien sans les bonnes oeuvres.


l. L'évangéliste, après avoir dit dans son exorde ce qu'il y a de plus important et de plus nécessaire à connaître du Verbe-Dieu, suivant l'ordre et la suite de son sujet, nous va maintenant parler du précurseur qui devait annoncer le Verbe, et qui s'appelait Jean comme lui. Pour vous, lorsque vous entendez que Jean est un homme qui a été envoyé de Dieu, cessez de croire qu'il y ait eu rien d'humain dans ses paroles; ce n'est point sa doctrine, qu'il nous a enseignée, mais celle de Celui qui l'envoya. Voilà pourquoi il est appelé ange: or, le devoir d'un ange ou d'un ambassadeur est de se Borner à répéter ce qu'on lui a dit. Ce mot: «il a été» ne signifie pas ici le passage du non-être à l'être, ou à l'existence, mais la mission même. Cette parole: «il a été envoyé de Dieu» ne signifie autre chose sinon qu'il était ambassadeur de Dieu.

Comment donc les hérétiques peuvent-ils soutenir que le passage qui dit: «Qui ayant a la forme et la nature de Dieu» (Ph 2,6), ne prouve pas que le Fils est égal au Père, pour cela seul que le mot Theous, «de Dieu», n'est, pas précédé de l'article tou? Car voici encore un endroit (1) sans article. Diront-ils que ce n'est pas du Père qu'il y est parlé? mais que répondront-ils encore sur ces paroles du prophète: «J'envoie devant vous mon ange qui vous préparera la voie?» (Ml 3,1 Mt 11,10) Ces paroles: «moi» et «vous» signifient deux personnes.

1. On voit bien que le saint Docteur parle du verset qu'il explique: «Un homme a été envoyé de Dieu», où dans le texte le mot Theou n'est point précédé de l'article tou, quoiqu'il soit visible que c'est de Dieu le Père que parle l'évangéliste.

«Il vint pour servir de témoin, pour rendre témoignage à la lumière (Jn 1,7)». Quoi! dira peut-être quelqu'un, le serviteur rend témoignage à son Maître? mais lorsque vous verrez le Maître, non-seulement recevoir le témoignage de son serviteur, mais encore venir à lui, et se faire baptiser par lui avec les Juifs, ne serez-vous donc pas dans un plus grand étonnement et dans un plus grand doute? Mais il ne faut pas vous étonner, ou vous troubler; vous devez plutôt admirer l'ineffable bonté de ce Maître. Que si quelqu'un demeure saisi de vertige et de trouble, Jésus-Christ lui dira ce qu'il répondit à Jean: «Laissez-moi faire pour cette 134 heure, car c'est ainsi qu'il faut que nous accomplissions toute justice». (Mt 3,15) Et si son étonnement redouble, il lui répétera ce qu'il a dit aux Juifs: «Pour moi, ce n'est pas d'un homme que je reçois le témoignage». (Jn 5,34)

S'il n'a donc pas besoin de ce témoignage, pourquoi Jean est-il envoyé de Dieu? ce n'est pas pour le besoin qu'avait le Verbe de ce témoignage, ce serait une extrême impiété de le dire: mais enfin, pourquoi? Jean nous l'apprend lui-même, lorsqu'il dit: «Afin que tous crussent par lui»; mais comme Jésus-Christ après avoir dit, parlant de Jean: «Il y en a un autre qui rend témoignage de moi: Et je sais que le témoignage qu'il en rend est véritable», dit maintenant: «Pour moi, ce n'est pas d'un homme que je reçois le témoignage», il pouvait sembler aux fous et aux insensés, qu'il se contredisait lui-même par ces dernières paroles; aussi l'explication arrive-t-elle tout de suite: «Mais», dit-il, «je dis ceci afin que vous soyez sauvés». (Jn 5,34) C'est comme s'il disait: Je suis Dieu, et le vrai Fils de Dieu, émané de cette immortelle et bienheureuse substance: je n'ai besoin du témoignage de personne. Car, quand personne ne voudrait me rendre témoignage, je ne serais pas pour cela diminué dans ma nature. Jaloux du salut du monde, je me suis abaissé et humilié jusqu'à vouloir bien charger un homme de me rendre témoignage. En effet, les Juifs, sur une conduite si proportionnée à leur faiblesse et à leur grossièreté, devaient plus facilement se porter à croire en lui.

Comme le Verbe s'est donc revêtu de notre chair, de peur que; venant à nous dans sa majesté et dans tout l'éclat de sa divinité, il ne nous perdit tous; il a de même envoyé devant lui un homme pour lui servir de précurseur, afin que les hommes d'alors, entendant une voix de même nature que la leur, s'en approchassent plus facilement. Mais, qu'il n'avait pas besoin de ce témoignage, la preuve en est visible: il n'avait qu'à se montrer dans sa substance toute pure, pour frapper tous les hommes de crainte et de terreur: il ne l'a point fait, comme je viens de dire, parce qu'ils auraient tous péri, nul ne pouvant soutenir la force et la splendeur de cette lumière inaccessible. C'est aussi pour cette raison qu'il s'est revêtu de la chair, et il a donné la charge à un de nos compagnons de rendre témoignage de lui, parce qu'il a tout fait pour le salut des hommes, et qu'il n'a pas seulement eu égard à sa dignité, mais encore à la faiblesse des hommes et à leur intérêt.

Jésus-Christ nous le déclare lui-même par ces paroles: «Je dis ceci afin que vous soyez sauvés». (Jn 5,34) L'évangéliste, qui parie conformément à ce que dit le Seigneur, nous en avertit aussi. Car, après avoir dit: «Il vint pour rendre témoignage à la lumière», il a ajouté: «Afin que tous crussent par lui». C'est à peu près comme s'il disait: Ne croyez pas que Jean-Baptiste soit venu rendre témoignage pour donner plus de force et d'autorité à la parole du Seigneur, et la rendre plus croyable: ce n'est point pour cela qu'il est venu, mais afin que ses concitoyens crussent par lui.

Ce qui suit démontre évidemment que c'est pour prévenir ce soupçon qu'il a dit ces choses, car il ajoute: «Il n'était pas la lumière» paroles qui deviendraient inutiles, et seraient plutôt une simple répétition qu'une explication de sa doctrine, si l'évangéliste, en les ajoutant, n'eût pas voulu nous prémunir contre ce soupçon. Ayant dit: «Il vint pour rendre témoignage à la lumière», pourquoi dit-il encore: «Il n'était pas la lumière»? Ce n'est pas en vain ni sans raison, mais c'est parce que souvent parmi nous, celui qui rend témoignage, est plus grand et plus considéré que celui à qui il rend ce témoignage; et que souvent il paraît aussi plus digne de foi. Voilà pourquoi, de peur qu'on eût lieu d'avoir ce sentiment de Jean, l'évangéliste détruit dès le commencement tout ce mauvais soupçon, et après l'avoir complètement extirpé, il fait connaître quel est celui qui rend témoignage, et quel est celui de qui le témoignage est rendu, et l'extrême différence qu'il y a entre l'un et l'autre. Après l'avoir fait, et avoir montré l'incomparable excellence de celui à qui Jean rend témoignage, il poursuit son discours avec sécurité; une fois qu'il a fait exacte justice de toutes les absurdes pensées qui pouvaient venir dans l'esprit des gens sans intelligence, il sème et répand ensuite facilement et sans obstacle la doctrine du salut.

C'est pourquoi, mes chers frères, prions maintenant le Seigneur qui nous a révélé de si grandes choses, et qui nous a donné une si pure doctrine, de nous faire la grâce de [135] mener, en outre, une vie pure et toute sainte. Car la saine doctrine n'apporte aucune utilité sans les bonnes oeuvres. Quand nous posséderions la foi la plus pure, et une parfaite intelligence des saintes Ecritures, si la sainteté de nos moeurs et de notre vie ne nous soutient et nous protège, rien n'empêchera que nous ne soyions jetés au feu de l'enfer, et éternellement brûlés dans cette flamme qui ne s'éteindra point. De même que ceux qui auront fait de bonnes oeuvres ressusciteront pour la vie éternelle, ainsi ceux qui n'auront pas craint d'en faire de mauvaises, ressusciteront pour être condamnés à un supplice éternel, et qui ne finira jamais.

Appliquons donc tous nos soins à ne pas perdre par nos mauvaises oeuvres le profit de la vraie foi, et à nous signaler en outre par nos actions (Tt 2,12)», afin que nous puissions nous présenter à Jésus-Christ avec confiance. Rien ne peut égaler un si grand bonheur. Veuille le Ciel qu'ayant bien profité de cette instruction, nous n'ayons tous en vue que la gloire de Dieu, à qui soit-elle rendue, et au Fils unique, et au Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles! Ainsi soit-il.


7

HOMÉLIE VII. CELUI-LA ÉTAIT LA VRAIE LUMIÈRE, QUI ILLUMINE TOUT HOMME VENANT EN CE MONDE. (VERSET 9)

Jn 1,9

ANALYSE.

1. Il ne faut point chercher à comprendre ce qu'il y a d'incompréhensible en Dieu.
2. Vraie folie, vraie connaissance du Père et du Fils. - Folle et insensée doctrine des Sabelliens et des Marcelliens. - Contre les Anoméens. - Comment on obtient le pardon des péchés, et on les efface.


1. Si c'est par petites portions, mes très-chers enfants, que nous vous nourrissons du pain des saintes Ecritures, si nous ne vous le donnons pas tout à la fois, c'est afin que vous gardiez facilement chacun des morceaux que nous vous servons. Celui qui, construisant un édifice, met et entasse les pierres les unes sur les autres, avant que les premières qu'il a posées, soient jointes et liées ensemble, ne bâtit pas solidement; et les murs qu'il élève tomberont bientôt en ruines: celui au contraire qui attend que la chaux ait lié et consolidé les pierres, pour en joindre d'autres peu à peu, bâtit une maison stable, solide et qui dure longtemps. Nous imitons ces excellents architectes, et bâtissons de la même manière l'édifice du salut de vos âmes: autrement, nous craindrions que les dernières instructions n'effaçassent entièrement les premières de votre mémoire, puisque l'esprit ne peut tout à la fois tout comprendre et tout retenir. Que vient-on donc de vous lire aujourd'hui? ces paroles: «Celui-là était la lumière qui illumine tout homme venant en ce monde»: l'évangéliste qui, parlant ci-dessus de Jean, disait qu'il était venu «pour rendre témoignage de la lumière», et qu'il était maintenant envoyé pour remplir ce ministère, élève tout à coup nos esprits, et nous fait monter jusqu'à cette existence, qui ne connaît point de commencement, et qui n'aura point de fin, de peur que ce qu'il avait dit de Jean, et que le subit et nouvel avènement d'un précurseur, qui venait pour rendre témoignage, ne donnât lieu à de mauvais soupçons touchant Celui à qui il devait rendre témoignage.

Et comment, direz-vous, cette existence peut-elle n'avoir ni commencement ni fin 136 puisque c'est du Fils qu'il est ici parlé? mais c'est d'un Dieu que nous parlons, et vous dites: comment cela se peut-il? Et vous ne craignez pas, ou plutôt vous n'avez pas horreur de faire une pareille demande? mais si quelqu'un vous demande comment les âmes et les corps jouiront un jour d'une vie immortelle, vous vous mettez à rire, parce que, direz-vous, il n'est pas de l'esprit humain de raisonner en ces matières, mais seulement de croire: ni d'examiner curieusement la parole, mais de tenir pour une démonstration suffisante la toute-puissance de celui qui parle: et si nous vous disons que Celui qui a créé les âmes et les corps, et qui est sans comparaison au-dessus de toutes les créatures, n'a point de commencement, vous oserez nous demander comment cela se peut? Est-ce le fait d'une âme rassise, d'un esprit droit?

Vous avez entendu cette parole: «Celui-là était la vraie lumière». Pourquoi tant de vains et d'inutiles efforts pour comprendre par la seule raison une vie qui n'a point de fin? Pourquoi chercher à connaître ce qui ne peut être connu? Pourquoi sonder ce qui est incompréhensible? Pourquoi soumettre à un examen ce qui échappe à tout examen? Cherchez à remonter à l'origine des rayons du soleil, vous ne la trouverez point, et toutefois, vous ne serez ni fâché, ni chagrin de votre incapacité. Pourquoi donc seriez-vous téméraires et inconsidérés dans de plus grandes choses?

Jean, cet enfant du tonnerre, ce héraut spirituel, au moment où l'Esprit-Saint lui a fait entendre cette parole: «Il était», s'est tu et n'a point cherché à approfondir davantage: et vous qui n'avez pas reçu de si grandes grâces, vous qui ne parlez que suivant les faibles lumières de votre raison, vous voulez en savoir plus que lui? Voilà pourquoi vous n'atteindrez jamais degré même de connaissance où il est parvenu.

C'est ainsi que`procède le diable: «il fait passer à ceux qui l'écoutent et lui obéissent les limites que Dieu nous, a prescrites, comme si nous pouvions aller beaucoup plus loin: mais après nous avoir fait pendre la grâce du Seigneur par les appâts de cette belle espérance, non-seulement il ne fait rien de plus pour nous, car comment le ferait-il, puisqu'il est le diable? mais il ne nous permet même pas de revenir à ce premier état, où nous étions en paix et en sûreté; il nous: fait au contraire errer de côté et d'autre, sans que nous puissions jamais nous fixer.

C'est ainsi qu'il a chassé notre premier père du paradis. Il enfla son coeur de l'espérance d'une plus grande science et de plus grands honneurs, et lui fit perdre ainsi ceux dont il jouissait paisiblement: non-seulement Adam ne devint pas semblable à Dieu, comme il le lui faisait espérer, mais il le soumit au tyrannique empire de la mort: non-seulement Adam n'apprit rien pour avoir mangé du fruit de l'arbre défendu, mais encore il ne perdit pas peu de cette science qu'il avait, pour en avoir espéré une plus grande: car dans ce moment il commença à rougir de sa nudité, honte à laquelle il avait été supérieur jusqu'à sa faute. Donc la connaissance de sa nudité, le besoin où il fut désormais de se vêtir, ces malheurs et plusieurs autres furent une conséquence de sa curiosité.

Mais de peur qu'il ne nous en arrive autant, mes frères, soyons obéissants à Dieu, et gardons ses commandements: ne cherchons pas curieusement à approfondir davantage, pour ne pas perdre comme eux les grâces que nous avons reçues. Les hérétiques voulant chercher un commencement dans cette vie qui n'a point de commencement; ont perdu avec cette connaissance qu'ils n'auront jamais, celles qu'ils auraient pu acquérir. En effet, ils n'ont point trouvé ce qu'ils cherchaient, car ils ne le pouvaient pas, et ils ont perdu la vraie foi au Fils unique.

Pour nous ne sortons point des anciennes bornes que nos pères ont posées, et soyons soumis en tout aux lois que l'Esprit-Saint nous a tracées. Lorsque nous entendons: «Il était a la vraie lumière», ne cherchons rien de plus, nous ne pouvons en savoir davantage, ni atteindre plus haut. Si Dieu avait engendré son Fils comme les hommes engendrent, il y aurait nécessairement quelque espace de temps entre celui qui engendre et celui qui est engendré: mais puisqu'il l'a engendré d'une manière ineffable, propre et convenable à un Dieu, cessons de nous servir de ces expressions: «Avant» et «Après», car ce sont là des noms qui appartiennent au temps: mais le Fils est le créateur même de tous les siècles.

2. Il n'est donc pas son Père, direz-vous, mais son frère. Où est-elle, je vous prie, cette nécessité? Si nous disions que le Père et le Fils [137] sont sortis de différente racine, ou ne sont pas de même substance, vous pourriez avoir raison de parler de la sorte: mais si nous sommes bien éloignés de cette impiété, si nous disons que le Père est sans commencement, et n'a point été engendré, et que le Fils est véritablement sans commencement, mais qu'il est engendré du Père, en quoi cette idée conduit-elle nécessairement au langage impie que vous tenez? Car le Fils est la splendeur! or, la splendeur est comprise et renfermée dans la même nature dont elle est la splendeur. C'est pour cette raison que saint Paul, afin que vous n'alliez pas vous figurer qu'il y a un milieu entre le Père et le Fils, l'a ainsi appelé. C'est là, en effet, ce qu'exprime le nom de splendeur.

L'apôtre, après cet exemple, redresse les pensées absurdes qui pouvaient naître de là dans l'esprit des insensés. Que ce nom de splendeur, dit-il, que vous venez d'entendre, ne vous- donne pas lieu de croire que le Fils n'ait pas sa propre hypostase, c'est là un sentiment impie, une folie qu'il faut laisser aux sabelliens et aux marcelliens: mais nous, nous sommes bien éloignés de cette doctrine nous enseignons que le Fils existe dans sa propre hypostase: voilà pourquoi saint Paul, au nom de splendeur, joint celui de «caractère de sa substance» (He 1,3); par où il marque qu'il a sa propre hypostase, et montre que sa substance est la même que celle dont il est le caractère. Un nom seul, comme je l'ai déjà dit, n'est pas suffisant pour apprendre aux hommes ce qu'ils doivent croire au sujet de Dieu. Il faut se tenir pour content si, après en avoir joint plusieurs ensemble, on sait tirer ensuite de chacun ce qui convient véritablement à la Divinité. C'est de tette manière que nous pourrons dignement glorifier Dieu; je dis dignement, c'est-à-dire, autant qu'il est en nous et que nous en sommes capables.

Que s'il est quelqu'un qui ose croire qu'il peut dignement parler de Dieu, et assurer qu'il le connaît comme on se connaît soi-même, personne assurément ne le connaît moins.

Instruits de ces vérités, soyons soigneux de bien retenir ce que nous ont appris du Verbe ceux qui, dès le commencement, l'ont vu de leurs propres yeux, et en ont été les ministres; et n'ayons pas la curiosité de chercher à en savoir davantage. Cette maladie cause deux grands maux dans celui qui en est infecte l'un, qu'il se tourmente vainement à chercher ce qu'il ne peut trouver; l'autre, qu'il irrite la colère de Dieu, en s'efforçant de renverser les bornes qu'il a mises lui-même. Mais jusqu'à quel point cela excite sa colère, c'est ce qu'il n'est pas nécessaire de vous dire, puisque vous le savez tous.

C'est pourquoi, rejetons et fuyons la témérité et l'arrogance des hérétiques. Ecoutons la parole de Dieu avec crainte et avec tremblement, afin qu'il nous protège incessamment; car il dit: «Sur qui jetterai-je les yeux, sinon sur celui qui est doux et humble et paisible, et qui écoute mes paroles avec tremblement?» (Ps 66,2) Rejetant donc cette vaine curiosité, brisons nos coeurs, pleurons nos péchés, ainsi que Jésus-Christ nous le commande: soyons touchés de componction au souvenir de nos crimes, et repassons exactement dans notre esprit toutes les fautes que nous avons commises jusqu'à présent: appliquons tous nos soins et toutes nos forces à nous en laver entièrement. Car Dieu nous a donné pour cela bien des voies et des moyens. «Déclarez le premier», nous dit-il, «vos iniquités, afin que vous soyez justifié». (Is 43,26) Et encore: «J'ai dit: Je confesserai au Seigneur contre moi-même mon injustice, et vous m'avez» aussitôt «remis l'impiété de mon coeur». (Ps 32,5) Repasser souvent ses péchés dans sa mémoire, et s'en accuser, c'est ce qui ne sert pas peu à en diminuer le poids et l'énormité.

Mais voici un second moyen de laver ses péchés encore plus efficace: Ne vous mettez point en colère contre celui qui vous a offensé; pardonnez à tous ceux qui ont commis des fautes contre vous. En voulez-vous apprendre un troisième? Daniel va vous le donner, écoutez-le: «C'est pourquoi rachetez vos péchés par les aumônes, et vos iniquités par les oeuvres de miséricorde envers les pauvres». () Il y en a encore un autre: c'est l'oraison fréquente, et la persévérance dans les prières qu'on fait à Dieu. Le jeûne également, s'il est joint à la douceur et à la charité envers le prochain, n'est pas d'une légère consolation, il contribue à la rémission des péchés, il éteint le feu de la colère de Dieu: «Car l'eau éteint le feu, lorsqu'il est le plus ardent, et l'aumône lave les péchés». (Qo 3,33) Marchons donc dans toutes ces voies: si [138] nous ne cessons pas d'y marcher, si nous employons tout notre temps et tous nos soins à ces pratiques, non-seulement nous laverons nos péchés passés, mais nous amasserons aussi de grands trésors pour l'autre monde. Car nous ne donnerons point de prise au diable, nous ne nous laisserons aller ni à la paresse, ni à une pernicieuse curiosité. Car le démon met à profit ces occasions, entre autres, pour susciter les folles recherches et les controverses dangereuses, une fois qu'il nous a surpris dans l'oisiveté et dans la mollesse, et qu'il nous voit négliger la vertu. Mais nous, soyons attentifs à lui fermer cette entrée, veillons et soyons sobres, afin qu'après nous être donné quelques petites peines dans cette vie qui est si courte, nous jouissions des biens immortels pendant toute l'éternité, par la grâce et pat la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui et avec qui soit la gloire au Père et au Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.



8

HOMELIE VIII. CELUI-LA ÉTAIT LA VRAIE LUMIÈRE, QUI ILLUMINE TOUT HOMME VENANT EN CE MONDE. (JUSQU'AU VERSET 9)

Jn 1,9

ANALYSE.

1. Pourquoi Jésus-Christ, vraie lumière, n'illumine pas tous les hommes.
2. Réponses aux questions des gentils. Que faisait Jésus-Christ avant son avènement, etc.? - On ne peut s'attacher aux choses de la terre, et rechercher comme il faut celles du ciel. - Grande différence entre les serviteurs de Jésus-Christ, et les serviteurs de l'argent.- Servir Dieu qui récompense magnifiquement.


1. Je reprends le texte de mon dernier sermon: car rien n'empêche, mes frères, d'examiner les mêmes paroles, puisque l'exposition des dogmes, auxquels nous nous arrêtâmes, ne nous permit pas de vous expliquer tout ce dont on vous avait fait la lecture.

Où sont donc ceux qui disent que le Fils n'est pas vrai Dieu? C'est pourtant lui qui est appelé la vraie lumière, et ailleurs la vérité même, la vie même. Mais nous approfondirons davantage ces paroles, et nous les expliquerons plus clairement, lorsque nous y serons arrivés.

Maintenant, et avant de passer outre, il est nécessaire d'examiner les paroles de mon texte, et de les expliquer à votre charité. Je dis donc: si le Fils illumine tout homme venant en ce monde, comment y a-t-il tant d'hommes qui ne sont point illuminés? car tous ne croient pas en Jésus-Christ, tous ne lui rendent pas le culte qui lui est dû. Comment donc illumine-t-il tout homme? il l'illumine autant qu'il est en lui. Mais si quelques-uns ferment de plein gré les yeux de leur âme, pour ne point recevoir les rayons de cette lumière, et demeurent dans les ténèbres, il ne faut pas s'en prendre à la nature de la lumière, mais à la malignité de ceux qui se privent volontairement de ce don; car la grâce est répandue dans tous: elle ne rejette ni le Juif ni le gentil, ni le barbare, ni le scythe, ni le libre, ni l'esclave (Col 3,11), ni l'homme, ni la femme, ni le vieux, ni le jeune, mais elle les reçoit tous également, et les appelle tous sans distinction. C'est pourquoi ceux qui ne veulent pas profiter d'un si grand bienfait, ne doivent imputer leur aveuglement qu'à eux-mêmes; la porte est ouverte à tout le monde, personne [139] n'en ferme l'accès: si donc quelques-uns s'obstinent à demeurer dehors, c'est par leur propre faute qu'ils périssent: «Il était dans le monde»; mais ce n'est pas à dire qu'il fût du même âge que le monde loin de nous une pareille pensée. Voilà pourquoi l'évangéliste ajoute: «Et le monde a été fait par lui», par où il vous ramène à l'existence du Fils unique avant les siècles: car celui qui est une fois instruit que tout ce vaste univers est l'ouvrage de ses mains (manquât-il tout à fait de raison, fût-il ennemi déclaré de la gloire de Dieu) est forcé de confesser malgré lui que le Créateur est avant les créatures.

Voilà pourquoi la folie de Paul de Samosate m'étonne toujours davantage: j'admire qu'il ait pu combattre une vérité si lumineuse et si éclatante, et se jeter de gaieté de coeur dans le précipice: car il n'est pas tombé dans l'erreur par ignorance, il l'a embrassée avec pleine connaissance de la vérité comme les Juifs. En effet, comme ceux-ci l'ont trahie par complaisance pour les hommes (ils savaient que Jésus-Christ était le Fils unique de Dieu, mais ils ne l'ont pas confessé par crainte de leurs princes, et pour n'être pas chassés de la synagogue), on rapporte de même que l'autre a trahi sa conscience et perdu son salut par complaisance pour une certaine femme (1). Et certes la vaine gloire est un cruel et très-dangereux tyran; elle peut aveugler les yeux des sages mêmes, s'ils ne sont vigilants et attentifs. Si les présents ont ce pouvoir, cette passion, bien plus forte, le peut encore davantage. Voilà pourquoi Jésus-Christ disait aux Juifs: «Comment pouvez-vous croire, vous qui recherchez la gloire des hommes, et qui ne recherchez point la gloire qui vient de Dieu seul?» (Jn 5,44)

1. Zénobie, reine de Palmyre.

«Et le monde ne l'a point connu (Jn 1,10)». L'évangéliste appelle ici le monde cette multitude de gens corrompus qui n'a de goût et d'empressement que pour les choses de la terre, la foule, la populace, le peuple insensé; car les amis de Dieu, les grands hommes, l'avaient tous connu, avant même son incarnation. Jésus-Christ le dit nommément du grand patriarche: «Abraham votre père», dit-il, «a désiré avec ardeur de voir mon jour: il l'a a vu, et il en a été rempli de joie». (Jn 8,56) Et de même de David, en disputant contre les Juifs: «Comment donc», leur dit-il, «David l'appelle-t-il en esprit son Seigneur par ces paroles: le Seigneur a dit à mon Seigneur, asseyez-vous à ma droite?» (Mt 22,43) Souvent aussi en les combattant il nomme Moïse; l'apôtre saint Pierre le déclare des autres prophètes, car il assure que tous les prophètes, depuis Samuel, ont connu Jésus-Christ, et ont prédit son avènement longtemps auparavant: «Tous les prophètes», dit-il, «qui sont venus de temps en temps depuis Samuel, ont prédit ce qui est arrivé en ces jours». (Ac 3,24) Il s'est fait voir, et il a parlé à Jacques et à son père, et même à son grand-père (1Co 15,5-8); il leur a fait beaucoup et de très-grandes promesses, et il les a effectivement accomplies.

Pourquoi, répliquerez-vous, dit-il donc lui-même: «Beaucoup de prophètes ont souhaité de voir ce que vous voyez et ne l'ont point vu, et d'entendre ce que vous entendez et ne l'ont point entendu?» (Lc 10,24) Est-ce qu'ils n'en ont point eu la connaissance? Ils l'ont eue sûrement, et je tâcherai de le démontrer par le même endroit par lequel quelques-uns croient prouver le contraire. Jésus-Christ dit: «Beaucoup ont souhaité de voir ce que vous voyez». Ils ont donc connu qu'il devait venir parmi les hommes, et accomplir ce qu'il a véritablement accompli: car s'ils n'avaient point eu cette connaissance, ils n'auraient pas formé ce souhait. Personne, en effet, ne peut désirer de voir ce dont il n'a nulle connaissance, nulle idée. C'est pourquoi ils ont connu le Fils de Dieu, et ils ont su qu'il devait venir parmi les hommes.

Quelles sont donc ces choses qu'ils n'ont point connues, qu'ils n'ont point entendues? Ce sont celles-là même que vous voyez et que vous entendez maintenant. Les prophètes ont entendu sa voix et l'ont vu; mais ils ne l'ont pas vu incarné, conversant avec les hommes, leur parlant familièrement: voilà ce que Jésus-Christ déclare lui-même; car il n'a pas dit simplement: Ils ont désiré de me voir. Mais qu'a-t-il dit? «Ils ont désiré de voir ce que vous voyez». Il n'a pas dit: ils ont désiré de m'entendre; mais: «Ils ont désiré d'entendre ce que vous entendez». C'est pourquoi, s'ils n'ont pas vu son avènement dans la chair, du moins ils ont connu que Celui qu'ils désiraient de voir viendrait un jour dans le monde, et [140] ils ont cru en lui, quoiqu'ils ne l'ayent point vu incarné.

Mais les gentils pourront nous attaquer et nous adresser cette question: Que faisait Jésus-Christ dans ces premiers temps auxquels il n'avait point encore soin du genre humain? Et pourquoi aussi est-il venu à la fin des temps prendre soin de notre salut, après t'avoir négligé pendant tant de siècles? A quoi nous répondrons qu'il était venu dans le monde avant cet avènement même; qu'il y avait préparé la voie aux oeuvres qu'il devait opérer, et qu'il s'était fait connaître à tous ceux qui en étaient dignes. Que si, pour n'avoir pas été connu de tous, mais seulement des gens de bien et des personnes de vertu, vous dites qu'il a été inconnu et ignoré des hommes, vous pourrez également dire qu'encore maintenant il n'est pas adoré de tous, à cause qu'aujourd'hui même tous ne le connaissent pas; mais comme dans le temps présent, pour être inconnu et ignoré de beaucoup, personne, toutefois, n'osera avancer qu'il ne soit pas connu de plusieurs; de même on ne doit pas douter que, dans ces premiers temps, il n'ait été connu de plusieurs, ou plutôt de tout ce qu'il y avait alors de grand et d'admirable parmi les hommes.

2. Que si quelqu'un me fait cette demande Et pourquoi, dans ce temps-là, tous ne se sont-ils pas attachés à lui et ne lui ont-ils pas tous rendu le culte qui lui est dû, mais seulement les justes? moi, à mon tour, je leur ferai celle-ci: Pourquoi, à présent même, tous ne le connaissent-ils pas? Mais plutôt, pourquoi m'arrêté-je à parler de Jésus-Christ? car je puis demander du Père pourquoi et alors et maintenant tous ne l'ont-ils pas connu! Il en est qui prétendent que tout marche au gré du hasard; d'autres attribuent le gouvernement du monde aux démons; il s'en trouve aussi qui imaginent et se forgent un second Dieu. Quelques blasphémateurs vont jusqu'à voir en lui-même la puissance contraire et enseigner que ses lois sont l'ouvrage du mauvais démon. Quoi donc! dirons-nous qu'il n'y a point de Dieu, parce que quelques-uns disent qu'il n'y en a point? dirons-nous que Dieu est mauvais, parce que quelques-uns ont l'impiété de le croire? Mais c'en est assez, laissons-là ces folies et ces horribles extravagances. Si nous fondions nos principes et nos dogmes sur le jugement et les raisonnements de ces furieux, rien ne nous empêcherait de tomber bientôt nous-mêmes dans la pire démence.

Et certes, quoiqu'il y ait des yeux faibles et délicats qui ne peuvent supporter la lumière, personne ne dira que le soleil soit de sa nature pernicieux aux yeux; maison en juge d'après les bonnes vues, et on le dit lumineux; quoique le miel semble amer à quelques malades, personne ne dira pour cela que le miel soit amer. Et on trouvera des gens qui, sur l'opinion de quelques esprits malades, ne craindront pas de décider, ou qu'il n'y a point de Dieu, ou qu'il y en a un mauvais, ou que l'action de la Providence n'est pas continue. Mais qui dira que ces sortes de gens aient l'esprit sain et le sens commun? Qui ne les traitera pas au contraire de furieux et d'extravagants?

«Le monde ne l'a point connu»; mais «Ceux dont le monde n'était pas digne» (He 11,38) l'ont connu. En disant quels sont ceux qui ne l'ont point connu, l'évangéliste indique d'un mot la cause de leur ignorance; car il n'a pas simplement dit: Personne ne l'a connu, mais il a dit: «Le monde ne l'a point connu», c'est-à-dire, ces hommes qui sont uniquement attachés au monde, et qui n'ont d'affection que pour lui. Et c'est ainsi que Jésus-Christ a coutume de les appeler, comme quand il dit «Père saint, le monde ne vous a point connu». (Jn 17,25) Par où il est visible, comme nous vous l'avons fait remarquer, que ce n'est pas seulement le Fils que le monde n'a point connu, mais encore le Père. Rien en effet ne trouble et n'obscurcit autant l'esprit que de désirer avec ardeur les choses présentes.

Instruits de cette vérité, mes frères, séparez-vous du monde, et éloignez-vous des choses charnelles, autant que cela se peut; en effet, ce n'est pas à perdre des choses viles et de nul prix que vous expose l'attachement au monde; mais à perdre le bien suprême; l'homme qui est fortement épris des choses présentes n'est point capable de s'attacher à celles du ciel (1Co 2,14); il faut que celui qui recherche les unies perde les autres. «Vous ne pouvez servir tout ensemble», dit Jésus-Christ, «Dieu et l'argent» (Lc 16,13); nécessairement il faut aimer l'un et haïr l'autre. Voilà ce que l'expérience toute seule nous crie assez haut ceux qui n'ont nul désir des richesses, qui s'en moquent et les méprisent, voilà ceux qui aiment Dieu, comme on doit l'aimer; et de même ceux qui convoitent l'opulence, sont [141] précisément ceux qui aiment le moins Dieu; car une âme éprise de l'amour des richesses ne s'abstiendra pas facilement des actions ni des paroles qui excitent la colère de Dieu, puisqu'elle sert un autre maître qui lui commande de faire tout ce que défend la loi du Seigneur.

C'est pourquoi, revenez à vous, sortez de votre sommeil; et pensant à Celui dont nous sommes les serviteurs, n'aimons que son royaume; pleurons et gémissons sur le temps passé, durant lequel nous avons été les esclaves de l'argent; secouons une bonne fois ce joug pesant, ce joug insupportable; et portons avec persévérance celui de Jésus-Christ qui est doux et léger; il ne nous commandera rien de ce que l'argent commande; car celui-ci nous ordonne de haïr tous les hommes, mais Jésus-Christ nous commande au contraire de les chérir et de les aimer tous; l'un nous attachant à la boue, à l'argile, je veux dire à l'or, ne nous laisse pas même respirer durant la nuit; l'autre nous délivre de ces soins superflus et insensés, et nous commande de nous amasser des trésors dans le ciel, non d'injustices faites au prochain, mais d'oeuvres de justice; l'un, après bien des sueurs et des misères qu'il nous fait essuyer, ne pourra pas nous secourir, lorsque nous serons condamnés au dernier supplice, et que, pour avoir obéi à ses lois, nous souffrirons des tourments infinis; que dis-je? il ne fera qu'attiser la flamme; l'autre, s'il nous a commandé de donner à boire un verre d'eau froide (Mt 10,42), ne permettra même pas qu'un si léger bienfait soit privé de rémunération, mais il le récompensera largement.

Ne serait-il donc pas d'une extrême folie de négliger le service d'un Maître si doux, et qui récompense magnifiquement ses serviteurs, pour servir un tyran ingrat, qui ne peut aider ses esclaves, ses courtisans, ni en ce monde ni en l'autre? Qu’il ne retire pas du supplice ceux qui y sont condamnés, ce n'est point en quoi consiste tout le mal et le dommage; mais c'est, comme j'ai dit, en ce qu'il accable ses serviteurs d'une infinité de peines et de misères. Car en l'autre monde on verra que la plupart des damnés n'ont été livrés aux supplices que pour avoir servi l'argent, aimé l'or et n'avoir pas fait l'aumône aux pauvres.

Pour nous, de peur d'être condamnés à ces tourments, répandons nos biens avec libéralité sur les pauvres; garantissons notre âme et des soins importuns et nuisibles de cette vie, et du supplice réservé aux coupables dans l'autre; formons-nous dans le ciel un dépôt de bonnes oeuvres; au lieu d'amasser les richesses terrestres, faisons-nous des trésors qui ne puissent ni périr, ni nous être ravis; des trésors qui puissent entrer avec nous dans le ciel, qui puissent nous protéger à l'heure critique et nous rendre notre Juge propice. Plaise à Dieu que ce Juge, nous étant propice et favorable, et à présent et au jour de son jugement, nous jouissions avec liberté des biens qu'il a préparés dans le ciel pour ceux qui l'aiment comme il doit être aimé! Je vous le souhaite, par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui la gloire soit au Père et au Saint-Esprit, aujourd'hui et toujours, et dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

142




Chrysostome sur Jean 6