Bernard, Lettres 12

LETTRE XII. AUX MÊMES RELIGIEUX.

Saint Bernard se recommande à leurs prières.

A son très-cher seigneur et très-révérend père Guigues,prieur de la Grande-Chartreuse et à ses saints religieux, le frère Bernard de Clairvaux, salut et l'offre de ses humbles services.

Quelques bonnes raisons que j'aie pour m'excuser auprès de vous, de n'être pas allé vous voir et faire votre connaissance lorsque j'étais si près de vous, je dois avouer que je ne puis me pardonner d'avoir manqué cette occasion de le faire et de repasser, avec vous, devant Dieu, et dans la retraite, toutes les misères et les inquiétudes de ma vie. Et pourtant je ne puis m'en prendre qu'à mes occupations; elles ne m'ont pas fait négliger, mais elles m'ont mis dans l'impossibilité d'aller vous voir. Que de fois il en est ainsi et que de fois aussi j'en éprouve de la contrariété! Les gens de bien ne sauraient trop me plaindre et compatir à ma douleur; ce serait pour moi un double malheur si mon sort n'excitait votre pitié. Je vous donne, mes frères, une belle occasion d'exercer votre charité: ce n'est pas que je le mérite, mais si vous ne me jugez pas digne de votre compassion, accordez-la-moi du moins, parce que je suis pauvre et dénué de tout. Si la justice se préoccupe du mérite, il suffit de la misère pour exciter la pitié, car la véritable compassion ne juge pas, mais elle émeut; elle ne discute pas l'occasion qui se présente, mais elle la saisit. Quand elle parle, la raison se tait. Ainsi lorsque Samuel pleurait sur Saül, c'était par un sentiment de pitié, et non par raison. Il en était de même de David, il ne put retenir ses larmes sur un fils parricide; c'étaient des larmes inutiles sans doute, et pourtant c'étaient des larmes brûlantes. Ayez pitié de moi, vous qui avez reçu de Dieu la grâce de le servir dans un asile assuré, loin des embarras du monde dont vous êtes affranchis. Heureux ceux que le Seigneur a cachés dans son tabernacle, pendant les mauvais jours, ils espèrent à l'ombre de ses ailes qu'enfin les jours mauvais s'écouleront. Quant à moi, pauvre, malheureux et misérable, la peine est mon partage; je me vois tel qu'un petit oiseau, sans plumes, presque constamment hors de son nid, exposé au vent et à la tempête; je suis troublé et je chancelle comme un homme pris de vin; mon âme est rongée par les tourments. Soyez donc touchés de ma misère, sinon parce que je mérite que vous le soyez, du moins, parce que je me trouve, en effet, dans l'état que je vous ai dit.



LETTRE XIII. AU PAPE HONORIUS.


L'an 1126

Saint Bernard le prie de vouloir bien ratifier l'élection d'Albéric (a) au siège épiscopal de Châlons-sur-Marne.

a Albéric avait une école à Reims; c'était, d'après Robert Dumont, un docteur très-versé dans la connaissance des belles-lettres, et un homme d'un conseil très-sûr. Pierre Abélard, son rival, l'appelle le Rémois et disciple de Guillaume de Champeaux, dans l'Histoire de ses malheurs, chapitre v. Dans la seconde lettre, Eloise remarque qu'il fut condisciple Q'Abélard. Gautier, évêque de Laon, lui écrivit, sur la, crainte de Jésus-Christ, une lettre qui est la quatrième dans le Spicilège, tome 2, page 469. Si je ne me trompe, c'est de lui qu'Abélard a voulu parler quand il a dit dans son Introduction h la théologie, page 1066, le Docteur en France. Il fut élu évêque de Châlons-sur-Marne pour succéder à Ebale en 1126, mais cette élection n'ayant pas été ratifiée, il fut plus tard élevé au siège archiépiscopal de Bourges, en 1139. Il mourut en 1141. Voir la lettre cinquante-huitième, qui a été écrite avant celle-ci à Ebale; Marlot, tome second de la Métropole de Reims, p. 255, et les notes placées à la fin du volume. On connait un autre Albéric de Reims, surnommé de Port-Vendre, dont palle Jean de Salisbury dans sa quatre-vingt. deuxième lettre.



Au souverain pontife Honorius, son très-humble serviteur, un religieux par sa profession, et par sa vie un pécheur.

On dit que sur vous la prière du pauvre a plus d'empire que la parole des hommes puissants. La pensée de votre extrême bonté, en même temps que la charité qui me presse de vous écrire, font que je m'adresse à Votre Grandeur sans éprouver la moindre hésitation. Je veux vous parler de l'Eglise de Châlons, dont je ne dois et ne puis, pour mon propre compte, vous dissimuler le péril.

En effet, je suis dans son voisinage et je prévois, je sens même déjà que la paix de ce diocèse ne peut manquer d'être bientôt profondément troublée, si Votre Sainteté refuse d'approuver l'élection de l'illustre docteur Albéric, qui avait réuni et qui réunit encore aujourd'hui toutes les voix et tous les voeux du peuple et du clergé.

A ce sujet, si vous daignez me demander ma pensée ou en faire quelque cas, je vous dirai que cet homme est d'une foi irréprochable, que sa doctrine est saine, et que dans les choses divines aussi bien que dans les humaines il est d'une prudence consommée; aussi ai-je la conviction que dans la maison de Dieu, si toutefois Dieu l'y appelle, il sera un vase d'honneur, et que non-seulement son Eglise de Châlons, mais encore l'Eglise de France tout entière en retirera de grands avantages. Je laisse maintenant à votre sagesse de décider s'il y a lieu pour moi de solliciter de Votre Sainteté une dispense dont on peut espérer de si grands biens.



NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON - LETTRE XIII.



12. A Honorius. L'illustre cardinal Baronius rapporte cette lettre à l'année 1129, de même que les trois lettres suivantes. Mais, comme Manrique le remarque avec raison, dans ses Annales, elle doit être de l'année Il 26. En effet, on peut voir à la suppression du nom de saint Bernard au commencement de la lettre et au contexte lui-même, que cette lettre est la première que notre Saint écrivit à Honorius, dont il ne se croyait pas encore connu. Il existe, sans compter celle-ci, d'autres lettres de saint Bernard au pape Honorius auxquelles Baronius lui-même assigne la date de 1127 et 1128; d'où il suit que celle-ci doit être placée l'année d'avant, c'est-à-dire en 1126, qui d'ailleurs, d'après les actes de l'Eglise de Châlons, est l'année môme de la mort d'Ebale, à qui Albéric fut donné pour successeur.

13. Si Votre Sainteté n'approuve pas l'élection de cet homme illustre, le docteur Albéric.... Ce fut en effet un homme fort illustre que cet Albéric le Rémois, sinon par sa naissance, du moins par son savoir et ses vertus. Il avait étudié sous Anselme de Laon avec Abélard, dont il devint l'adversaire; et il contribua personnellement dans le concile de Soissons à décider que son livre sur la Trinité serait brûlé. Albéric passa de la chaire de professeur à Reims à celle d'évêque de Châlons, après la mort d'Ebale, et non point de Guillaume (le Champeaux, comme l'ont dit Picard, Horstius, Duchesne et d'autres encore. Mais que Guillaume de Champeaux soit mort en 1119, comme le prétendent les écrivains que je viens de citer, ou bien en 1124, ainsi que nous l'avons établi plus haut, dans les notes ajoutées à la troisième lettre, il n'est pas vraisemblable que le siége de Châlons soit resté vacant jusqu'au pontificat d'Honorius, à qui saint Bernard écrivit sa treizième lettre en faveur d'Albéric, lequel Honorius ne fut pape qu'en 1124. Faut-il penser que l'élection d'Albéric et la recommandation de saint Bernard ne restèrent pas sans effet, c'est ce qu'affirme, dans sa Chronique, à l'année 1126, un Albéric distinct de celui-ci; mais la plupart des écrivains croient le contraire, et leur sentiment me parait plus fondé. En effet, dans l'énumération des Pères du concile de Troyes en 1127 ou 1128, après avoir nommé tous les évêques, y compris celui de Châlons, dont pourtant le nom n'est pas indiqué, on voit le docteur Albéric de Reims cité parmi les membres du clergé inférieur. Enfin il est certain qu'il occupa le siège de Bourges à la mort d'Ulgrin, comme le prouve très-bien Duchesne dans ses notes sur Abélard.

14. Par le péril qui menace l'Eglise de Châlons, au dire de saint Bernard, si l'élection d'Albéric n'est pas confirmée, il ne. nous semble pas qu'on doive entendre l'ambition de Henri de Verdira, que le cardinal Baronius, Manrique et l'auteur de la Gaule impériale accusent d'avoir voulu s'emparer de cet évêché, mais plutôt le trouble et l'agitation que ne peut manquer de causer le rejet des voeux unanimes du clergé et de la demande de tous les fidèles, comme d'ailleurs saint Bernard l'insinue dans la suite de sa lettre. Quand ces auteurs, pour appuyer leur opinion, rapportent ce passage de la quarante-huitième lettre de saint Bernard à Haimeric: «Qu'est-ce qui a pu, homme excellent, déplaire, en ma personne, à Votre Sainteté? est-ce parce qu'au concile de Châlons on a retiré ces pouvoirs à un homme généralement décrié qui avait dissipé les trésors de son maître dans l'église de Verdun dont il était chargé?» Ils doivent remarquer que ces paroles n'expriment pas autre chose que la déposition d'Henri, qui fut prononcée à Châlons-sur-Marne par Matthieu légat du Pape, ainsi qu'Albéric le rapporte à l'année 1129, en disant que «au concile présidé à Châlons-sur-Marne par Matthieu légat du pape, le jour de la Purification de la sainte Vierge, fleuri, évêque de Verdun, avait été amené, par le conseil de saint Bernard, à se démettre des fonctions de l'épiscopat. On trouve dans Uvassebourg, livre 4, dans les Antiquités belges, une lettre du pape Honorius adressée à son légat Matthieu, qui fait foi de ce que je viens d'avancer. Voici ce qu'on y lit entre autres choses: «Allez à Châlonssur-Marne et appelez devant vous le susdit évêque - qu'on accuse d'avoir dilapidé les biens ecclésiastiques, - et la partie plaignante, - les chanoines de Verdun, comme il est dit en cet endroit même de la lettre, - et après vous être entouré de l'archevêque de Trèves, d'autres évêques et de quelques personnages aussi éclairés que religieux, étudiez toute cette affaire avec soin, et rendez-vous un compte exact de tout. Si les témoins et les accusateurs vous semblent dignes de confiance, prenez l'avis de vos frères et terminez l'affaire selon les canons...., etc.» Mais c'est assez sur ce sujet.


LETTRE XIV. AU MÊME PAPE HONORIUS.

Vers l'an 1126.

Saint Bernard lui recommande la cause de l'abbaye de Saint-Bénigne de Dijon.

Au souverain pontife Honorius, le frère Bernard, abbé de Clairvaux, salut et tout ce que peut pour lui la prière d'un pécheur.

Le Dieu que nous vénérons en vous sait la crainte respectueuse avec laquelle je vous écris. Mais la charité dont l'empire est le même pour moi que pour vous, me donne la hardiesse de le faire. C'est à la sollicitation de l'abbaye de Dijon (a) que je viens vous prier, sans toutefois savoir au juste ce que je dois vous demander pour elle; car s'il est injuste de tenter d'obtenir quoi que ce soit contre la justice par prière ou par faveur, il est d'un autre côté tout à fait superflu de faire de grands efforts pour se faire accorder une chose juste de celui qui aime la justice.

a C'est-à-dire pour le couvent des moines de Saint-Bénigne de Dijon qu'il tient en très-grande affection, dit-il dans la lettre suivante, à cause de l'ancienneté de leur maison. C'est dans l'église de ce couvent que le père et la mère de saint Bernard furent inhumés; ce n'est que longtemps après qu'ils en furent retirés pour être portés à Clairvaux. Les écrivains de l'époque de saint Bernard et saint Bernard lui-même, comme nous le verrous dans plusieurs de ses lettres, emploient indistinctement le mot église et monastère pour désigner une maison religieuse. Voir les lettres trente-neuvième, soixantième, trois cent trente-neuvième, trois cent quatre-vingt-douzième, trois cent quatre-vingt-quatrième, trois cent quatre vingt-quinzième, etc., de même qu'il n'est pas rare de trouver le mot monastère employé pour église. Remarquez que l'église de Saint-Bégnine est simplement appelée l'église de Dijon, parce qu'elle est la principale église de la ville.


Toutefois, quoique je ne sache pas précisément quelle prière vous faire, je n'en suis pas moins pleinement convaincu que votre bienveillance pour ces bons religieux (a) ne sera pas inactive; j'ignore certainement ce que Votre Sainteté jugera bon de décider après un examen attentif de la chose, mais je vous atteste que j'ai constamment entendu dire, et que je l'entends encore tous les jours, que l'abbaye de Dijon a possédé, depuis longtemps et sans interruption, ce (b) que les gens de Luxeuil lui contestent par le procès qu'ils lui intentent, en sorte que les anciens du pays ne sont pas moins étonnés qu'indignés d'une chicane aussi nouvelle pour eux qu'indigne à leurs yeux.

a Il n'est pas rare que saint Bernard et d'autres écrivains avec lui se servent de ce mot Pour désigner des moines, comme cela a lieu dans la quarante-cinquième et la deux cent deuxième lettre, ainsi que dans le vingt-sixième sermon sur Divers sujets,2,2. Longtemps auparavant, saint Grégoire le Grand, livre Ier, cinquante-neuvième lettre, s'était exprimé de la même manière.b Le litige portait sur deux petites chapelles de Clermont et de Vignory, et ne fut vidé que par une décision d'Etienne, archevêque de Vienne, assisté de quelques autres évêques. Voir Pérard, Monuments de Bourgogne, pages 224 et 228;


NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON - LETTRE XV.

15. A Haimerie, C'était un Bourguignon, originaire de La Châtre, en Berry, ce qui fit donner à sa famille le nom de cette ville; il fut cousin germain de Pierre de La Châtre, archevêque dé Bourges; il devint chanoine de Latran, et fut fait cardinal-diacre du titre de Sainte-Marie, par le pape Callixte 2, en 1420, et chancelier de la cour de Rome du vivant de Chrysogone de Pise, son prédécesseur dans cette charge. Après s'être acquitté de ses fonctions, pendant plusieurs années; d'une manière remarquable, il mourut le 28 mai 1141, selon le calendrier de Saint-Victor de Paris. Saint Bernard lui écrivit souvent et en ami, et lui dédia son Traité de l'Amour de Dieu. (Note de Horstius.)




LETTRE XV. A HAIMERIC, CHANCELIER DE LA COUR DE ROME, SUR LE MÊME SUJET QUE LA LETTRE PRÉCÉDENTE.

Vers l'an 1126.

A l'illustre seigneur Haimeric (c) chancelier du saint Siége apostolique, Bernard de Clairvaux, salut et le souhait de l'Apôtre d'oublier le passé pour marcher toujours; en avant.

Nos amis n'ignorent pas votre amitié pour moi, et si je ne veux eu partager les fruits avec eux, ils ne manqueront pas de s'en montrer jaloux. Les moines de Dijon me sont très-chers, à cause de l'ancienneté de peur maison, Je vous prie de leur faire éprouver en ma considération les effets de votre amitié pour moi, sans toutefois blesser la justice qu'aucune amitié ne doit faire sacrifier.


c Haimeric était Français et fut très-lié d'amitié avec saint Bernard auquel il avait écrit le premier, comme on le voit par la trente-quatrième lettre de notre Saint, laquelle est antérieure à celle-ci.



LETTRE XVI. A PIERRE, CARDINAL-PRÊTRE, SUR LE MÊME SUJET.

Vers l'an 1126.

A son très-cher seigneur Pierre, cardinal-prétre,le frère Bernard, abbé de Clairvaux, salut éternel.

Je n'ai point d'affaire qui me fasse vous écrire, mais je regarde celle des moines de Dijon comme m'étant personnelle, parce que ce sont des religieux. Veuillez prendre leurs intérêts en main, comme si c'étaient les miens, autant toutefois que la justice vous permettra de le faire. Je crois d'ailleurs que leur cause est juste, et tout le pays le dit avec moi.




LETTRE XVII. A PIERRE (a), CARDINAL-DIACRE.


a Ce n'est pas le même que Pierre de Léon qui fut également légat du Pape, mais qui était cardinal-prêtre, ainsi que nous l'avons démontré dans la préface placée en tête de ce tome. On croit qu'il est le même que le pape Honorius II envoya en France comme légat a latere, au commencement de son pontificat, contre Ponce et ses adhérents, selon ce que rapporte Pierre le Vénérable au livre II des Miracles, chapitre 13. Peut-être était-ce Pierre de Fontaines, compatriote de saint Bernard, créé en 1120 cardinal, du titre de Saint-Marcel, par le pape Callixte II.


Saint Bernard s'excuse de ne s'être pas rendu à son appel, et lui répond au sujet des écrits qu'il lui a demandés.

Au vénérable seigneur Pierre, cardinal-diacre de l'Eglise romaine et légat du saint Siège, le frère Bernard, salut et entier dévouement,

Si je ne me suis pas rendu à votre appel, ce n'est pas la paresse, mais un motif des plus graves qui m'en a empêché. C'est que, si vous me permettez de le dire avec tout le respect que je vous dois, ainsi qu'à tous les gens de bien, j'ai fait voeu de ne jamais sortir de mon couvent, si ce n'est pour certaines causes particulières; or il ne s'en est présenté aucune de cette espèce qui me permit de répondre à votre désir et au mien. Mais vous, que faites-vous de la promesse que votre précédente lettre nous apportait? Ne m'avez-vous pas fait espérer votre visite? Je l'attends toujours.

Pour les écrits que vous m'avez précédemment chargé de vous préparer et que vous réclamez aujourd'hui, je ne sais absolument ce que ce peut être; aussi n'ai-je rien de fait: et je ne me souviens pas d'avoir jamais écrit aucun ouvrage de morale qui me paraisse mériter l'attention de Votre Excellence (b).

Plusieurs religieux ont rédigé à leur manière quelques fragments de mes entretiens à mesure qu'ils les ont entendus: l'un d'eux est à votre disposition, c'est le premier chantre de Trèves, l'archidiacre Gébuin (c).

Vous pouvez, si vous le voulez, lui demander celui de ses résumés qu'il vous plaira, il vous le donnera volontiers.

Cependant, quand vos occupations et votre dignité vous permettront de rendre enfin à vos bien chers fils la visite que vous leur avez promise et qu'ils attendent depuis si longtemps, je ferai tout mon possible pour vous satisfaire, si j'ai dans mes écrits quelque chose qui puisse vous plaire ou si j'ai pu faire quelque travail digne de vous; car je suis plein de considération et d'estime pour un homme aussi connu que vous l'êtes par la sollicitude et le zèle incomparables dont on vous sait animé pour les choses de Dieu, et je m'estimerai très-heureux si les oeuvres d'un médiocre écrivain de la campagne peuvent vous être agréables en quelque chose.


b Saint Bernard donne ordinairement le titre d'Excellence aux cardinaux, comme on le voit dans la trois cent sixième et la trois cent onzième lettre; quelquefois il les appelle Sainteté, comme dans la trois cent sixième lettre. On voit également par la quarante-cinquième lettre, n. 2, qu'il donne le nom d'Excellence aux princes ainsi qu'au Pape et aux évêques eux-mêmes, comme le prouvent sa trois cent quarante-neuvième et sa soixante-troisième lettre.c Childebert dans sa cinquante-troisième lettre l'appelle un homme aussi distingué par son savoir que par ses moeurs. Nicolas de Clairvaux fait l'éloge de son éloquence et de sa prudence dans sa cinquième lettre où il parle d'un de ses sermons sur ces paroles de l'Evangile, a Si le Fils de Dieu vous met en liberté (Jn 8,36).» on a un volume de ses sermons a la bibliothèque de Saint-Victor. C'est aussi le même que ce chantre de Troyes dont Jean de Salisbury demande les fleurs dans sa quatre-vingt-seizième lettre. Voir Pierre le Vénérable, liv. 2, trente-quatre et trente-cinquième lettres.




LETTRE XVIII (a). AU MÊME CARDINAL.

a Le titre de cette lettre n'est pas le même dans tous les manuscrits, un de la Colbertine, sous le n. 1410 et celui de la bibliothèque de Compiègne portent, Au méme Haimeric; trois autres manuscrits de la Colbertine portent: Au même, c'est-à-dire Au diacre Pierre, ce que je crois préférable, à cause des livres qui sont demandés dans la lettre précédente n. 1, et dans celle-ci au n. 5.


Vers l'an 1127.

Saint Bernard proteste contre la réputation de sainteté qu'on lui fait, et il promet de lui communiquer les opuscules qu'il a composés.

1. Quand je me donnerais à vous tout entier, ce serait trop peu de chose encore à mes yeux pour que je croie m'être acquitté envers vous de la moitié de la reconnaissance que vous avez le droit d'attendre de moi, pour la bienveillance dont on dit que vous êtes animé à mon égard. Je m'estime certainement bien heureux de l'honneur que vous me faites, mais je vous avouerai que ma joie est bien tempérée par la pensée que je n'en suis redevable qu'à l'opinion qu'on s'est faite de mon mérite bien plutôt qu'à ce mérite lui-même.

J'aurais certes grand tort de me laisser aller à des sentiments de vaine complaisance en moi-même, car je sens bien que ce qu'on aime et vénère en moi ce n'est pas ce que je suis effectivement, mais ce qu'on croit que je suis. Etre aimé de la sorte, ce n'est vraiment pas l'être. Je me demande même qu'est-ce qu'on aime en moi, puisque ce n'est pas moi (b); mais que dis-je? Je le sais fort bien, ce qu'on aime en moi, c'est précisément ce qui ne s'y trouve pas, c'est donc un pur néant; est-ce en effet quelque chose que ce qui n'existe que dans l'opinion des hommes? Or, quand on aime en moi, non ce qui s'y trouve, mais ce qu'on croit y être, si l'amour qu'on ressent et celui qui l'éprouve sont effectivement quelque chose, cela n'empêche pas que ce qu'on aime n'existe pas en moi. N'est-il pas surprenant, affligeant même que ce qui n'est pas puisse être l'objet de notre amour? C'est bien à cela que nous pouvons comprendre d'où nous venons et où nous allons, tout ce que nous avons perdu et ce que nous avons trouvé à la place. En demeurant unis à Celui qui est l'Être par excellence et qui toujours est heureux, nous pouvions, nous aussi, ne jamais cesser d'être, ni d'être heureux, en lui demeurant unis non-seulement par la connaissance, mais encore par l'amour: car, parmi les enfants d'Adam, quelques-uns, «après avoir connu Dieu, ne lui ont pas rendu la gloire qui lui était due, et ne lui ont pas témoigné leur reconnaissance, mais se sont égarés dans leurs vaines pensées (Rm 1,21).» Aussi leur coeur insensé s'est rempli de ténèbres, parce que, connaissant la vérité, ils l'ont méprisée, et en punition de leur faute ils ne peuvent même plus la reconnaître. Hélas; c'est en ne s'attachant à la vérité que par l'esprit, tandis qu'il s'en éloignait par le coeur, et n'aimait à sa place que la vanité, que l'homme est devenu vanité lui-même. Quoi de, plus vain que d'aimer ce qui est vain, et qu'y a-t-il de plus injuste que de mépriser la vérité? Mais aussi quoi de plus juste que tee priver de la connaissance de la vérité ceux qui la méprisent, et de mettre ceux qui n'ont pas glorifié la vérité, quand ils l'ont connue, hors d'état de se glorifier maintenant eux-mêmes en la connaissant? Ainsi l'amour de la vanité engendre le mépris de la vérité, lequel devient à son tour la cause de notre aveuglement; car il est dit . «Comme ils n'ont pas fait usage de la connaissance qu'ils avaient de Dieu, Dieu les a livrés à leur sexes réprouvé (Rm 1,28).»

b C'est à peu près ce que dit saint Augustin au troisième paragraphe de sa lettre cent quarante-troisième, qui était jadis la septième.


2. De cet aveuglement, il résulte souvent que nous aimons et approuvons ce qui n'est pas pour ce qui est, parce que tant que nous sommes exilés dans ce corps mortel, nous sommes éloignés de l'Etre par excellence. Qu'est-ce que l'homme, ô mon Dieu, tant que vous ne vous manifestez pas à lui? Si l'homme n'est quelque chose que parce qu'il connaît Dieu, il n'est donc plus rien dès qu'il ne le connaît pas. Mais Celui qui nomme ce qui n'est pas, aussi bien que ce qui est, a eu pitié des hommes réduits presque au néant, et devenus incapables de contempler dans sa réalité et d'embrasser pleinement par l'amour cette manne cachée dont l'Apôtre a dit: «Votre vie est cachée en Dieu avec le Christ (Col 3,3),» et il nous l'a fait goûter, en attendant, par la foi et rechercher par l'espérance; c'est par ces deux voies qu'il nous a ramenés pour la seconde fois du néant à l'être et qu'il nous fait commencer à devenir cette créature qui doit un jour être un homme parfait, quand elle aura atteint la plénitude de l'âge de Jésus-Christ. C'est ce qui ne peut manquer d'arriver quand la justice se changera en une sentence irrévocable, c'est-à-dire, quand la foi deviendra une connaissance parfaite, ou en, d'autres termes, quand la justice, dont la foi est le principe, se transformera en une connaissance parfaite, et que l'espérance de l'exil aura laissé la place à la plénitude de l'amour. Car la foi et l'espérance commencent pendant l'exil ce que la vision parfaite et l'amour consomment dans la patrie.

La foi conduit à la connaissance parfaite, comme l'espérance mène à la perfection de, l'amour, de sorte que, de même qu'il est écrit: «Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas (Is 7,9),» on pourrait également dire, avec vérité: Si vous n'espérez pas, vous n'aimerez jamais parfaitement. La vision de Dieu est donc la conséquence de la foi, et;la charité celle de l'espérance. En attendant, «le juste vit de la foi (Ha 2,4);» car il n'est heureux que par la vision, et il soupire vers Dieu, comme le cerf altéré, après les sources d'eau vive, jusqu'à ce qu'il puise enfin ces eaux dans la source même du Sauveur, c'est-à-dire, qu'il goûte les douceurs d'un amour consommé.

3. Ainsi la vision et la charité, c'est-à-dire la connaissance et l'amour de la vérité, sont comme les deux bras avec lesquels l'âme fidèle saisit et comprend avec tous les saints, la longueur, la largeur, l'élévation et la profondeur, on, en d'autres termes, l'éternité, la charité, la force et la sagesse de Dieu. Or qu'est-ce que tout cela, sinon le Christ lui-même? Il est l'éternité, car «la vie éternelle est de vous connaître, vous qui êtes le vrai Dieu, et de connaître Jésus-Christ que vous nous avez envoyé (Jn 17,3).»

Il est la charité, car il est Dieu, et Dieu est charité (1Jn 4,10).» Il est aussi «la force et la sagesse de Dieu (1Co 1,24).»

Mais quand posséderons-nous tout cela? quand le verrons-nous et l'aimerons-nous comme il est? «La créature attend la manifestation des enfants de Dieu; elle est, malgré elle; sujette à la vanité (Rm 8,19).» Or c'est cette vanité répandue dans toutes les créatures qui fait que nous désirons les louanges lors même que nous ne les méritons pas, et que nous n'aimons pas en donner à ceux qui s'en montrent dignes. Il est encore une autre vanité, c'est celle qui, bien souvent par ignorance, nous fait taire ce qui est, ou parler avec éloge de ce qui n'est pas. Que dirons-nous à cela, sinon que les enfants des hommes sont vains et faux, ne se servent que de balances fausses connue eux et ne savent que se tromper les uns les autres dans la vanité (Ps 51,10)? On donne des louanges mensongères, on se plaît à les entendre, quelque vaines qu'elles soient, de sorte que ceux qu'on loue sont vains et ceux qui les louent sont menteurs. Il y en a qui font des louanges et ne pensent pas un mot de ce qu'ils disent; il en est qui croient mérités les éloges qu'ils prodiguent, et ils se trompent; enfin il s'en trouve qui se glorifient des louanges qu'on leur adresse, de quelque part qu'elles leur viennent, et ce sont des hommes véritablement vains. Il n'y a de sage que celui qui dit avec l'Apôtre: «J'évite qu'on m'estime au-dessus de ce qu'on voit en moi, ou de ce qu'on entend dire de moi (2Co 12,6).»

4. Voilà ce qu'en attendant je vous ai fait écrire, ou plutôt je vous ai écrit à la hâte, et peut-être aussi un peu trop longuement, mais dans toute la sincérité de mon âme. Pour finir par où j'ai commencé, je vous prie de ne pas croire aisément, en ce qui me concerne, aux bruits incertains de la rumeur publique qui, vous le savez, ne se trompe pas moins quand elle donne des louanges que quand elle distribue le blâme. Veuillez, je vous en prie, peser vos éloges et en examiner avec soin les motifs, afin que votre amitié pour moi et votre estime soient fondées sur quelque chose; elles me seront alors d'autant plus chères qu'elles me sembleront mieux réglées et plus conformes à mon humble mérite. En mesurant de cette manière vos louanges sur la vérité plutôt que sur l'erreur du vulgaire, si elles sont plus modérées, elles me seront en même temps moins pénibles à supporter. Pour moi, si peu que je sois, je vous déclare que ce qui m'attache à vous, c'est le zèle et l'exactitude que vous apportez dans tout ce qui concerne l'accomplissement de votre charge. Puisse-t-il en être toujours ainsi et que toujours on puisse le dire avec vérité.

5. Je vous envoie le livre que vous m'avez demandé pour le copier; quant aux autres opuscules que vous voulez que je vous fasse parvenir, ils sont en très-petit nombre et ne renferment rien qui me semble digne de votre attention. Cependant, comme je préfère, si vous devez trouver à redire à quelque chose, que ce soit à mon peu d'intelligence plutôt qu'à ma bonne volonté, à mon inhabileté plutôt qu'à mon obéissance, veuillez me faire connaître quels sont ceux de mes opuscules que vous voulez que je vous envoie, et l'endroit où je dois vous les adresser, afin que je puisse redemander ceux que je n'ai pas aux personnes à qui je les ai prêtés, et vous les envoyer à l'endroit que vous m'aurez indiqué. Pour vous aider dans votre choix, je vous dirai que j'ai écrit un petit livre sur l'humilité, quatre homélies sur les Gloires de la Vierge-Mère (tel est leur titre), sur ce passage de l'Évangile de saint Luc: «L'ange Gabriel fut envoyé... (Lc 1,26),» puis une Apologie que j'ai dédiée à un de mes amis (a): j'y traite de quelques-unes de nos observances, c'est-à-dire, des observances de Cîteaux et de celles de Cluny. J'ai aussi écrit quelques lettres à divers personnages; enfin il y a quelques-uns de mes discours que des religieux ont recueillis en me les entendant prononcer et qu'ils ont entre les mains. Je serais bien heureux si Dieu permettait que les simples productions de mon humble génie vous fussent agréables; mais je n'ose l'espérer.


a Guillaume, abbé de Saint-Thierri. Cette apologie se trouve maintenant dans les volumes suivants.



LETTRE XIX. AU MÊME CARDINAL.



Vers l'an 1127.

Saint Bernard lui recommande les députés de Reims.

Le moment est venu pour moi de réclamer de vous l'accomplissement de votre promesse; et pour vous, de me prouver que je n'ai pas eu tort de mettre toute ma confiance en vous, depuis que j'ai eu le bonheur de faire votre connaissance et d'acquérir votre amitié. Soyez bien persuadé que je regarderai comme fait à moi-même tout ce que vous ferez pour les députés de Reims (a). Si je me permets de réclamer une si grande faveur, ce n'est pas que je m'en trouve digne, mais c'est parce que vous me l'avez promise. Avez-vous bien fait en cela, c'est à vous de le voir.

a Je ne trouve rien dans Marlot sur cette ambassade; peut-être fut-elle envoyée à Honorius pour lui demander le pallium en faveur de Rainauld de Martigny qui avait été transféré, en 1124, du siège d'Angers à celui de Reims, Mais la lettre suivante parle d'une autre affaire.




LETTRE XX. AU CHANCELIER HAIMERIC SUR LE MÊME SUJET.

Vers l'an 1127

Au très-illustre seigneur Haimeric, chancelier de la sainte Eglise romaine, le frère Bernard de Clairvaux, salut et prières.

Puisque j'ai commencé, souffrez que je vous parle jusqu'à me rendre, importun, mais je ne vous solliciterai que pour la charité, pour la vérité et pour la justice. Quoique je sois trop peu de chose pour avoir à Rome des affaires qui me concernent personnellement, je ne puis pourtant pas regarder les affaires de Dieu comme m'étant étrangères; c'est pourquoi si je jouis auprès de vous de toute la faveur que plusieurs m'accordent, je vous prie de m'en donner la preuve en cette circonstance, dans la personne des envoyés de monseigneur l'archevêque de Reims: car je suis sûr qu'ils ne soutiennent et ne réclament rien que de juste.


LETTRE XXI. A MATTHIEU, LÉGAT DU SAINT SIÈGE (a).

Saint Bernard s'excuse avec esprit de n'avoir pas voulu se mêler des affaires pour lesquelles il l'avait appelé.

1 . Mon coeur ne demandait certainement pas mieux que d'obéir, mais mon corps n'était pas aussi bien disposé; consumé par les ardeurs d'une fièvre violente et épuisé par des sueurs abondantes, il était trop faible pour céder à l'esprit qui le portait à agir. Je ne demandais donc pas mieux que de vous obéir, mais mon bon vouloir, dans son ardeur, est venu se heurter contre l'obstacle dont je viens de vous parler. En fut-il véritablement ainsi? Que mes amis le disent, eux qui, sans agréer aucune de mes excuses, se servent des liens de l'obéissance que j'ai vouée à mes supérieurs pour m'arracher tous les jours de mon cloître et m'entraîner dans les villes: je les prie de vouloir bien remarquer aussi que mon excuse n'est;pas un prétexte de mon invention, mais quelque chose de bien vrai qui ne m'a fait que trop souffrir, et qu'ainsi ils apprennent qu'il n'y a pas de projets contre les projets de Dieu. Si je leur avais répondu: «J'ai ôté mes habits, comment pourrai-je me résoudre à les reprendre? je me suis lavé les pieds, irai-je de nouveau les salir (Ct 5,3)?» ma réponse les aurait fâchés. Qu'ils se fâchent maintenant contre les desseins de Dieu s'ils ne veulent s'y soumettre, car c'est lui qui m'a mis hors d'état de sortir quand même je le voudrais.

2. C'était, disent-ils, un cas des plus graves et la nécessité se trouvait des plus pressantes. Il fallait alors recourir à quelqu'un qui fût à la hauteur des choses importantes qu'il s'agissait de traiter. Si on m'estime tel, je dirai, moi, que non-seulement je pense, mais que je sais fort bien que je ne le suis pas. Après tout, les choses que vous avez tant à coeur de confier aux soins de votre ami, au risque de troubler sa chère solitude, sont faciles ou ne le sont pas: si elles le sont, on peut donc les mener à bonne fin sans moi; si elles ne le sont pas, il m'est impossible de les terminer, à moins que vous ne m'estimiez au point de me croire capable de ce qui n'est pas possible aux autres, et fait pour les choses importantes et difficiles.

Mais s'il en est ainsi, Seigneur mon Dieu, comment se fait-il que vos desseins se trouvent entravés par moi? pourquoi avez-vous mis sous le boisseau la lumière qui, placée sur le chandelier, aurait pu éclairer? Ou pour parler sans figures, pourquoi m'avez-vous fait moine et m'avez-vous caché dans votre sanctuaire pendant ces jours de trouble et de désordres, si j'étais indispensable au monde, et nécessaire aux évêques eux-mêmes, qui ne peuvent remplir leur mission sans moi? Mais voilà encore un service de mes amis, ils sont cause que je semble parler avec humeur à un homme dont la pensée seule me rassérène l'âme et me fait du bien. Néanmoins sachez donc, mon père, car c'est à vous que je m'adresse, sachez que bien loin d'éprouver de l'humeur contre vous, je me sens tout disposé à me soumettre à vos ordres; mais soyez assez bon pour m'épargner toutes les fois que vous jugerez; à propos de le faire,

a Matthieu fut d'abord chanoine de Reims, puis religieux de l'ordre de Cluny du couvent de Saint-Martin-des-Champs, enfin cardinal et évêque d'Albano; ce fut un homme d'une rare vertu, selon Pierre le Vénérable, cette lettre lui fut adressée en 1128, au moment où le concile de Troyes allait s'assembler .



NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON - LETTRE XXI.

15. Au légat Matthieu. Il était d'une famille très-distinguée du Rémois, et devint chanoine de Reims; mais il ne tarda pas à renoncer à tout pour entrer dans l'ordre de Cluny; il fit profession au monastère de Saint-Martin-des-Champs, à Paris; il devint évêque d'Albano et fut fait cardinal par le pape Honorius 2, en 1125. Envoyé en France en qualité de légat du saint Siège, il présida, en 1137, le concile qu'il avait convoqué à Troyes, et auquel saint Bernard se rendit, mais à contre-coeur. Voici en quels termes Jean Michel parle de la célébration de ce concile dont il fut le secrétaire: «Le jour de la fête de saint Hilaire, l'an 1128 de Notre-Seigneur, réunis à Troyes, sous la conduite de Dieu.... etc.» Pierre le Vénérable s'étend beaucoup sur la vie et les vertus de Matthieu dans le livre III des Miracles, chap. III et suivants. (Note de Mabillon.)





Bernard, Lettres 12