Chrysostome Homélies 200

SECONDE HOMÉLIE

Prononcée à Constantinople, dans la grande église, après le discours d'un autre orateur, en présence d'un petit nombre de fidèles.

201 1. Un petit fruit, mais bien mûr, voilà le discours que vous venez d'entendre. La corde est mince, mais le retentissement en est grand, les paroles sont brèves, mais les pensées, riches. Des éloges, adressés au peuple tout entier, ont donné des ailes à sa vertu, de la ferveur à sa piété ; l'orateur a célébré celui qui cultive nos âmes; il lui a décerné les hymnes et les paroles de bénédiction conformément au précepte des apôtres, et son discours s'est terminé par la glorification du Seigneur. S'il a vite enlevé la table, ce n'est pas par indigence, mais par humilité ; ce n'est pas l'impossibilité d'en dire plus, qui l'a fait rentrer dans le silence, mais il a voulu se retirer devant nous, et nous céder la parole qui vous instruit. Eh bien ! donc, puisque nous voilà délivrés de ces troubles qui nous ont assaillis comme une tempête, purifions-nous, comme on se purifie dans les fleuves, en nous plongeant dans la lecture de l’Ecriture sainte. C'est l'habitude des marins échappés aux tempêtes; ayant parcouru de vastes mers, parvenus à un port paisible, ils ferlent les voiles, déposent les rames, sortent du navire et demandent aux bains, aux festins, aux rafraîchissements, au sommeil, aux plaisirs, le repos qui rend le corps plus vigoureux, et le retrempe pour d'autres voyages.

Faisons donc, comme les marins. Nous voilà débarrassés des derniers troubles, des flots soulevés contre nous; appliquons-nous à la lecture de l'Ecriture sainte ; portons-y nos âmes comme vers un port tranquille. Voilà en effet un port à l'abri des flots ; un mur, que rien ne peut détruire; une tour inébranlable; une gloire, que nul ne nous arrachera; une armure impénétrable; une tranquillité, hors de toute atteinte ; un plaisir durable. Essayez d'énumérer tous les biens, les divines Ecritures les rassemblent; elles bannissent le découragement, elles conservent la tranquillité de l'âme, elles rendent le pauvre plus riche que ceux qui sont dans l'opulence; aux riches, elles donnent la solidité; aux pécheurs, la justice; aux justes, un puissant secours; elles dissipent les maux, elles ramènent les biens; elles chassent la perversité, elles vous reconduisent à la vertu, et non-seulement elles vous y reconduisent, mais elles l'enracinent dans vos âmes, pour qu'elle y demeure à jamais; c'est un remède spirituel, c'est un enchantement divin, ineffable, qui extermine les passions. L'Ecriture sainte arrache les épines des péchés: elle purifie le champ, elle y jette les semences de la piété, elle en développe le fruit qu'elle rend d'une vigoureuse saveur. Donc, ne négligeons pas de si grands biens; ne nous absentons pas des réunions, courons-y sans cesse, afin d'obtenir toujours les soins qui nous sont nécessaires; et que nul, à la vue d'un riche, ne se laisse blesser par l'envie, ni fouler aux pieds par la pauvreté, afin d'être toujours tous bien pénétrés de la vraie nature des choses, de négliger les ombres pures, pour n'embrasser que la vérité. L'ombre a beau paraître plus grande que le corps, ce n'en est pas moins une ombre ; et d'ailleurs elle n'est réellement. pas plus grande, mais elle paraît ainsi, et elle ne nous semble plus grande que parce que les rayons du soleil s'éloignent de nous ; à midi, lorsque le soleil brûlant envoie ses rayons sur nos têtes, l'ombre est raccourcie de toutes parts et devient plus petite, ce que l'on peut voir, par analogie, dans les choses de la vie humaine. En effet, aussi longtemps que l'on se tient séparé de la vertu, les choses de la vie paraissent grandes; mais une fois que l'on s'est placé dans l'éclatante lumière des Ecritures, alors combien viles, combien courtes, combien misérables, paraissent ces choses, et chétives et caduques; avec quelle facilité on comprend, qu'elles n'ont rien de plus que les eaux des fleuves qui ne font que paraître et s'écouler. Voilà pourquoi le Prophète, exposant les leçons de la sagesse et réprimandant ces âmes faibles et vouées à l'infortune, ces esprits rampant sur la terre, que saisit la pompe des richesses, et qui ont peur, et qui tremblent à la vue des riches, voilà pourquoi le Prophète, afin de nous affranchir de cette crainte, de nous inspirer le mépris des trésors prétendus, nous disait : « Ne craignez point, en voyant un homme devenu riche, et sa maison comblée de gloire ; parce que, lorsqu'il sera mort, il n'emportera point tous ces biens.» (
Ps 48,17) Remarquez-vous le choix minutieux des expressions, et la parfaite clarté qui distingue tous les mots? Il ne dit pas: en le voyant comblé de gloire, lui, mais: « Sa maison comblée de gloire. » Il indique que la gloire de l'homme n'est pas la même chose que la gloire de sa maison. Quelle est donc la gloire de l'homme, et qu'est-ce que la gloire de sa maison? Il importe ici d'établir bien clairement la distinction, afin de ne pas embrasser des songes, au lieu de la vérité. Eh bien ! la gloire de la maison, ce sont les portiques, les lieux de promenade, les lambris dorés, le pavé incrusté de pierres, les prés, les jardins, les troupeaux d'esclaves, le mobilier somptueux; rien, dans tout cela, ne se rapporte à l'homme. La gloire de l'homme, c'est la pureté de la foi, le zèle de Dieu, l'affection, la douceur, la modération, l'assiduité à la prière, la générosité qui fait l'aumône, la chasteté, la modestie, toutes les autres vertus. Et ce qui prouve que cette distinction est fondée, c'est que le possesseur de ces biens étrangers, n'en retire aucune gloire; jamais on ne regardera comme illustre, celui qui a de magnifiques demeures, un beau jardin, un beau pré, un grand nombre d'esclaves ou de riches vêtements; la gloire qu'il y a là-dedans, est pour les ouvriers qui ont fait ces choses matérielles et non pour celui qui les a acquises; tout au contraire c'est une preuve de perversité.

202 2. Donc la possession de ces prétendus biens est si loin de donner de la gloire aux possesseurs, qu'au contraire leur réputation en est fortement amoindrie. En effet, ceux qui mettent là-dedans leurs richesses, et qui les étalent, on les regarde universellement comme des êtres cruels, n'ayant rien d'humain; des infâmes, des fous. Et en effet, ces biens ne contribuent en rien à la gloire de l'homme, c'est la gloire de la maison; mais ceux qui vivent dans la chasteté, dans la modestie, dans la douceur, dans la modération, appliqués tout entiers au service de Dieu, nous les admirons, nous les louons, nous les célébrons, parce que ces vertus surtout constituent la gloire de l'homme. Ces vérités étant bien comprises, ne regardez jamais comme heureux l'homme riche, de ces biens qui n'ont rien de commun avec lui. Vous voyez un homme assis sur un char ; le sourcil haut, il se dresse, il touche aux nuages; ce qui n'est pas vrai en réalité (car c'est impossible), mais je dis qu'il y touche, par l'arrogance de ses pensées, ou plutôt par l'absence de ses pensées. Ne dites pas que voilà un homme couvert de gloire, un homme sublime, un homme grand; ce qui vous rend sublime, ce ne sont pas des mulets qui tirent votre char, c'est la perfection de votre vertu, qui vous élève au ciel. Vous voyez un homme (326) à cheval, beaucoup de licteurs l'escortent pour écarter le peuple devant lui, sur la place publique; ne dites pas pour cela : voilà un homme heureux, secouez le fond de son âme, déployez son âme, et bornez-vous au jugement que vous suggérera la beauté de cette âme. Tout ce que nous voyons aujourd'hui, est le comble du ridicule. — Ah ça ! pourquoi, je t'en prie, sur la place publique, écartes-tu la foule ? Et pourquoi chasses-tu ceux que tu rencontres, et mets-tu en fuite un homme, toi, qui es un homme? Que signifie ce faste? Que signifie cette arrogance? Est-ce que tu es devenu un loup ou un lion, toi, dont l'entrée dans la ville fait que tout le monde se sauve ? Mais que dis-je? Un loup ne chassera jamais un loup, non plus qu'un lion ne chassera un lion ; ils se rassemblent entre eux, ils respectant ce que la nature leur a donné en commun. Et toi, qui, outre la communauté de nature, as tant de motifs pour pratiquer la douceur, l'humilité, le respect de l'égalité, d'où vient que tu es plus féroce que les bêtes féroces? Pour être monté sur un animal sans raison, tu méprises les êtres doués de raison? Lu Seigneur ton Dieu a transporté l'homme dans lu ciel, et toi, tu ne peux pas le souffrir, avec toi, dans la place publique? Mais que dis-je, dans le ciel? Il l'a placé sur le trône même de sa royauté ; toi, tu le chasses de la ville?

Et maintenant que signifie ce frein d'or qui orne le cheval? Et que diras-tu pour ta défense, et quel pardon obtiendras-tu, toi qui ornes au delà du nécessaire ce qui n'a pas la raison, ni le sentiment de cette magnificence (car c'est bien la même chose pour le cheval que le frein soit d'or ou de plomb), et quand tu vois le Christ desséché par la faim, tu ne lui fournis pas la nourriture nécessaire? Et que signifie : quand tu es un homme, que tu dédaignes le commerce des hommes, et, qu'au milieu des villes, tu cherches la solitude, et qu'il ne te vienne pas à l'esprit, que ton Seigneur a mangé avec des publicains, a conversé avec une courtisane, a été mis en croix avec des voleurs, a eu commerce avec des hommes, tandis que toi, délirant par le faste et par l'orgueil, tu arrives à perdre jusqu'au titre qui fait de toi un homme ? Voilà la grande source de notre dédain pour ceux qui souffrent de notre avarice ardente, de notre cruauté, de notre barbarie. Quand tu mets un frein d'or à un cheval, un collier d'or à un esclave; quand tu enchâsses les pierres dans l'or, quand tu as des tissus d'or, des vêtements d'or, un baudrier d'or, et, de même, des chaussures, et que tu t'imposes la nécessité si grande de satisfaire tes désirs pervertis, d'assouvir ton insatiable cupidité, de faire brouter la bête la plus vorace de toutes, j'entends par là l'avarice, alors tu dépouilles les orphelins, tu mets à nu les veuves, et te voilà l'ennemi commun de tous, et tu entreprends un vain travail, et tu commences un chemin qui ne peut aboutir à aucune bonne issue. Car, qu'est-ce que cela veut dire que tu donnes à un barbare, ton esclave, de l'or pour le parer? Quel gain, quelle utilité y a-t-il là pour ton âme ; quel avantage pour ton corps, quel revenu pour ta maison ? parlons mieux, c'est tout le contraire que manifestent de pareilles moeurs. Magnificence hors de propos, dépenses que la raison condamne, matière pour la luxure, enseignement de corruption, occasion de prodigalité et de dissolution, peste pour l'âme, chemin qui conduit à des maux sans nombre. Des lits rehaussés d'argent, brillants d'or, des sièges, des bassins forgés avec de l'or, les éclats de rires multipliés, en quoi cela peut-il servir à la correction des moeurs, en quoi cela peut-il servir à te rendre meilleur, toi, ou ton épouse, ou quelqu'un de tes domestiques? Est-ce que ce n'est pas là plutôt ce qui fait les voleurs, et la foule de ceux qui percent les murailles? N'est-ce pas là ce qui fait les esclaves fugitifs? Et, en effet, de quelque côté qu'ils tournent les yeux, ils voient briller l'argent, et leur cour malade nourrit des pensées de vol. Car, si toi, qui es un homme libre et à qui la noblesse de ton origine inspire un grand orgueil, si, à la vue de l'argent qui brille dans le forum, tu te sens porté à des désirs coupables, à bien plus forte raison, en arrivera-t-il autant à des serviteurs. Et, ce que j'en dis, ce n'est pas pour absoudre les esclaves fugitifs, ni ceux qui commettent de pareils crimes, mais pour vous exhorter à ne pas fournir des aliments à leur maladie. Mais, me dira-t-on, où mettrons-nous nus trésors ? les enfouirons-nous au sein de la terre? Nullement, bien loin cette pensée. Mais si vous voulez m'écouter, je vous donnerai les moyens de faire, de l'esclave fugitif, un serviteur honnête et fidèle.

203 3. C'est un esclave fugitif que l'or. Aujourd'hui, à celui-ci ; demain, à celui-là; et c'est qu'il n'est pas fugitif tout seul, mais il rend les autres fugitifs, il fait souvent que ceux qui (327) le gardent, prennent la fuite. Par quel moyen ce fugitif pourrait-il donc être retenu ? Il faut chercher un moyen tout contraire à celui qu'on emploie pour les autres fugitifs. Les autres, quand on les retient, demeurent; celui-ci quand on le retient, s'enfuit ; qu'on l'envoie au contraire, à droite et à gauche, il demeure. Ce que je vous dis, peut vous paraître étrange; voyez ce que font les agriculteurs! S'ils gardent le froment chez eux, enfermé, entassé, les teignes et les vers s'y mettent, tout est perdu. Si, au contraire, ils l'envoient, à droite, à gauche, dans les champs, non-seulement ils le conservent mais ils le multiplient. Il en est de même de l'or : est-il enfermé dans des coffres, gardé entre des portes, sous des verroux ; enfoui dans la terre ; vite, il prend la fuite. Mais si, comme l'agriculteur jette le blé sur la terre de labour, vous jetez votre or aux ventres affamés, non-seulement il ne prend pas la fuite, mais, par ce moyen, il fructifie.

Pénétrés de cette vérité, ne le livrez donc plus à vos serviteurs, ménagez-vous des milliers de mains qui le retiennent; les mains pies veuves, les mains des orphelins, les mains des mutilés, les mains des prisonniers. Votre or ne peut pas échapper à tant de mains qui le tiennent, mais, retenu sûrement, il demeure et fructifie. — Mais que laisserai-je à mes enfants, me dit ce père? — Je ne vous force pas le moins du monde à tout répandre, quoique pourtant, quand vous répandriez tout, vous ne feriez par là que mieux assurer la fortune de vos enfants, à qui, au lieu de richesses, vous légueriez la faveur d'un Dieu propice, la fortune qui vient de l'aumône, des milliers de protecteurs parmi les hommes, d'innombrables bienfaiteurs. En effet, de même que nous détestons les avares, qui ne nous ont fait aucun mal, de même ceux qui font des aumônes et dont nous n'éprouvons pas personnellement ta bonté, nous les respectons, nous les chérissons et avec eux nous chérissons leurs enfants. Considère donc cette beauté, que tes fils aient des milliers d'âmes pour les aimer; que tous les hommes, en échange de l'or dépensé pour le soutien dies indigents, puissent dire . celui-ci est le fils d'un homme plein de bonté, le fils d'un homme miséricordieux. Quant à toi, voici ce que tu fais, tu embellis ce qui est insensible. Une pierre est insensible, et tu l'entoures de milliers de talents d'or ; au contraire, voici un être sensible que la faim fait mourir et tu ne partages pas avec lui, même la nourriture qui lui est nécessaire. Eh bien ! quand le redoutable tribunal apparaîtra, quand tes yeux verront les fleuves de feu, quand on nous demandera compte de nos actions, que répondras-tu pour une telle négligence, pour un tel délire, pour tant de cruauté et de barbarie? Quelle sera l'excuse légitime?

Chaque homme a son but et sa raison; l'agriculteur à qui tu demanderas compte, te dira pourquoi il a attelé ses boeufs, creusé son sillon, tiré sa charrue ; le marchand, pourquoi il s'est embarqué, il a enrôlé des ouvriers, fait des dépôts d'argent; et l'architecte, et le cordonnier, et l'ouvrier en bronze, et le pâtissier, tous les artisans, un à un, quelle que soit leur industrie, peuvent rendre leurs comptes. Eh bien ! toi aussi, qui couvres d'argent ton lit, qui dores un cheval et une pierre, qui prépares des peaux, telles que nous les voyons, si l'on te demande des explications, des comptes, que diras-tu ? De quelle manière t'y prendras-tu ? Est-ce que sur un lit, tel que tu le fais, le sommeil est plus doux? Tu ne saurais le soutenir? Et au contraire, si étrange que cela paraisse, il faut dire que le sommeil est moins agréable, parce que l'inquiétude est plus grande, plus grande l'anxiété. Est-ce que l'or donne plus de solidité aux objets qui en sont formés ? Mais nullement. Est-ce que la bonté du cheval résulte du frein fait de cette matière, ou encore, la bonté de l'esclave en dépend-elle? C'est précisément le contraire qui se remarque. Pourquoi donc montrez-vous tant d'extravagance dans cet emploi de l'argent et de l'or ? Voici ce que vous direz : c'est que vous rehaussez par là votre considération; vous n'avez donc pas entendu le commencement de ce discours? Que la richesse ne constitue pas la gloire de l'homme ; que c'est tout le contraire, qu'elle lai prépare le déshonneur, les reproches, les accusations, le ridicule; delà, l'envie et des maux sans nombre. Et plus les richesses persistent, plus les accusations s'obstinent et sont interminables. Ces magnifiques et splendides demeures sont des accusateurs implacables dont la voix accuse amèrement, même les possesseurs qui ont cessé de vivre. Le corps est confié à la terre, mais la vue des édifices superbes ne laisse pas ensevelir avec le corps, le souvenir de la cupidité; chaque passant qui considère la hauteur, les vastes proportions de l'édifice, se dit en lui-même ou dit à son voisin (328) Combien y a-t-il de larmes dans la construction de cette maison ? Combien d'orphelins ont-ils été dépouillés? Combien de veuves ont-elles subi l'injustice? combien d'ouvriers ont-ils été dépouillés de leur salaire? C'est pourquoi ce qui t'arrive, c'est juste le contraire de ce que tu veux. Tu veux la gloire pour en jouir de ton vivant et même après ta mort, tu n'échappes pas aux accusations. Semblable à une colonne d'airain, ta maison montre ton nom afin de t'exposer aux mille outrages de ceux qui, de ton vivant, ne te connaissaient pas même de vue.

204 4. Eh bien ! donc, puisque cette superfluité de richesses ne nous donne pas même cet avantage, fuyons, mes bien-aimés, fuyons cette maladie; ne nous montrons pas plus féroces que les animaux les plus dépourvus de raison. Chez eux tout est commun, la terre, les sources, les pâturages, les montagnes, les bois; aucun d'eux n'a rien dé plus que l'autre ; et toi, ô homme, le plus doux des animaux, tu deviens plus féroce que les bêtes sauvages; tu renfermes la subsistance de milliers de pauvres, et souvent, cette subsistance de plusieurs milliers dans une seule et même maison. Et cependant, ce n'est pas la nature seule qui nous est commune, mais avec la nature, beaucoup d'autres choses encore; le ciel nous est commun à tous, et le soleil, et la lune, et le choeur des astres, et l'air, et la mer, le feu, l'eau, la terre, la vie, la cessation de l'existence, l'accroissement, la vieillesse, la maladie, la santé, le besoin de nourriture, le besoin de vêtements.

Les choses de l'esprit nous sont communes aussi, la même table sainte, le corps du Seigneur, le sang vénérable, la promesse de la royauté, le bain de la régénération, la purification des péchés, la justice, la sanctification, la rédemption, les biens ineffables, « que l'oeil n'a pas vus, que l'oreille n'a pas entendus, que le coeur de l'homme n'a jamais conçus. » (
1Co 2,9) N'est-il donc pas absurde que nous, que réunissent tant de liens communs, la nature, la grâce, les promesses, les lois, nous nous montrions, en ce qui concerne les richesses, avides outre mesure, incapables de conserver l'égalité du droit, plus cruels que les animaux féroces, et cela, quand il faut, au bout d'un temps si court, quitter ces trésors; et non-seulement les quitter, mais à cause de ces trésors, compromettre le salut de notre âme, car la mort nous en sépare pour nous conduire aux châtiments, aux éternels supplices. Evitons ces douleurs et pratiquons pleinement l'aumône, car voilà la reine des vertus, qui nous donnera toute confiance là-bas, qui nous délivrera du châtiment et du supplice; nul ne fera obstacle à qui se présentera escorté de l'aumône dans le ciel, car son aile est légère ; son crédit dans le ciel est immense, elle s'avance jusqu'auprès du trône royal, elle conduit, sans crainte, auprès de Dieu ses nourrissons. « Vos prières, » dit l'Ecriture, « et vos aumônes sont montées jusqu'à la présence de Dieu, et il s'en est souvenu. » (Ac 10,4) Qui nous empêche de nous élever, nous aussi, à cette hauteur et de nous affranchir de cette avarice importune, de ces délices, de cet orgueil inutile? Rendons utile ce qui était superflu ; dépensons ces grandes richesses ; confions-les à la droite du Juge qui saura les garder, les mettre en sûreté, qui s'en souviendra au jour du jugement, pour nous être bienveillant et propice. Fussions-nous couverts de péchés sans nombre, il nous pardonnera, il nous justifiera. Puissions-nous tous obtenir cet effet de la miséricorde, par la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartiennent la gloire et l'empire, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.


300

HOMÉLIE SUR LA GRANDE SEMAINE.

« D'OÙ VIENT CE NOM DE GRANDE SEMAINE ; » SUR CE VERSET : « O MON AME, LOUEZ LE SEIGNEUR (Ps 145,2); » SUR LE « GARDIEN DE LA PRISON, » DANS LES ACTES DES APÔTRES.


AVERTISSEMENT.

On ne saurait établir ni la date de cette homélie, ni le lieu où elle fut prononcée. Ce qui ressort de l'homélie même, c'est qu'elle fut donnée au moment où cesse le jeûne, au grand jour de la grande semaine, que nous appelons aujourd'hui la semaine sainte. Outre les développements indiqués par le titre même de l'homélie, on remarquera, sur cette pensée, comment notre corps est une lyre harmonieuse qui bénit et glorifie le Seigneur; sur l'efficacité du jeûne et de la prière, sur la nécessité, le devoir de bénir Dieu, en tout temps et pour toutes choses, des accents pathétiques, entraînants, dignes de saint Jean Chrysostome.

301 1. Nous avons achevé la navigation du jeûne et nous voici, par la grâce de Dieu, arrivés au port. Mais ne nous négligeons pas, parce que nous sommes arrivés au port; au contraire redoublons de zèle, parce que nous avons atteint le terme du voyage. Ainsi font les pilotes; au moment de faire entrer dans le port un vaisseau chargé de blé et d'un poids énorme de marchandises, ils sont inquiets, ils prennent mille soins pour empêcher que le navire, après avoir traversé de si vastes mers, ne se brise contre un écueil, et ne sombre avec toutes les marchandises. Voilà les inquiétudes, les craintes que nous devons ressentir, nous aussi; au terme de la traversée gardons-nous de perdre le prix de nos fatigues. Voilà pourquoi nous devons redoubler de zèle. Ainsi font les coureurs encore : quand ils se voient arrivés au moment de recevoir leurs prix, c'est alors qu'ils redoublent de vitesse. Ainsi font les athlètes encore ; après les luttes et des victoires sans nombre, quand ils touchent au moment des couronnes, c'est alors qu'ils se dressent plus vivement, qu'ils font de plus généreux efforts. Faisons donc de même, nous aussi, maintenant. En effet, ce qu'est le port pour les pilotes, le prix, pour les coureurs, la couronne, pour les athlètes, la semaine où nous sommes est tout cela pour nous. C'est la source de nos biens, et il s’agit maintenant de se disputer les couronnes; et voilà pourquoi la présente semaine s'appelle la Grande Semaine. Ce n'est pas que les jours y soient plus longs que dans les autres; d'autres semaines, en effet, ont des jours plus longs. Ce n'est pas que les jours y soient plus nombreux; car, dans toutes les semaines, le nombre des jours est le même; mais c'est que, dans cette semaine, Dieu a fait des choses particulièrement glorieuses, c'est dans cette Grande Semaine que la longue tyrannie du démon a été brisée, que la mort a été éteinte, que celui qui était fort, a été enchaîné; ses vases ont été pillés; le péché enlevé; la malédiction effacée; le paradis s'est ouvert; le ciel est devenu accessible, les hommes se sont mêlés aux anges; le mur qui séparait (330) tout; a disparu; le voile a été enlevé; le Dieu de paix a étendu la paix dans le ciel et sur la terre. Aussi l'appelle-t-on la Grande Semaine, et, de même qu'elle est la première des autres semaines, de même le grand jour du sabbat est le premier de ces jours, et ce que la tête est pour le corps, le sabbat l'est pour cette semaine. Aussi, dans cette semaine, un grand nombre de personnes montre un zèle plus ardent; les unes ajoutent à l'austérité de leur jeûne ; les autres prolongent leurs veilles sacrées ; d'autres font des aumônes plus abondantes, et le zèle qu'elles montrent pour les bonnes oeuvres, et leur application à la piété, attestent la grandeur du bienfait que Dieu nous a accordé. De même qu'au jour où. le Seigneur ressuscita Lazare, tous les habitants tic Jérusalem coururent au-devant de lui, et leur grand nombre attestait qu'il avait ressuscité un mort ( car l'empressement de tous ceux qui accouraient, était une preuve du miracle) ; de même, aujourd'hui, le zèle que fait éclater cette Grande Semaine, est un témoignage, une démonstration des grandes choses qui s'y sont opérées. Et en effet, nous ne sortons pas d'une seule cité, nous qui courons aujourd'hui au-devant du Christ . ce n'est pas la seule Jérusalem, c'est la terre entière qui envoie au-devant de Jésus ses églises, riches de peuples qui ne tiennent pas, qui ne secouent pas dans leurs mains des rameaux de palmier, niais qui portent l'aumône, l'humanité, la vertu, le jeûne, les larmes, les prières, les veilles, toutes les fleurs de la piété, pour les offrir à Notre-Seigneur, au Christ.

Et nous ne sommes pas les seuls à vénérer cette semaine; les empereurs, qui commandent à notre terre, l'honorent aussi d'une manière toute spéciale, et ils décrètent la suspension de toutes les affaires publiques dans les cités, afin que, libres de soins, tous les chrétiens Honorent ces jours d'un culte spirituel. Voilà pourquoi ils ont fermé les portes des tribunaux. Trêve, disent-ils, à tous les procès, querelles, contentions, supplices ; que les mains des bourreaux se reposent un peu. Les merveilles du Seigneur sont pour tous; faisons aussi, nous, les esclaves du Seigneur, quelque bien qui s'étende; à tous. Et ce n'est pas seulement ce zèle; cet hommage qui témoigne de leur vénération et de leur respect; ils en donnent une autre preuve, non moins considérable ; des lettres impériales sont envoyées pour ordonner de délier, dans les prisons, les chaînes des détenus. De même que Notre-Seigneur, descendu aux enfers, a délivré tous ceux qui étaient au pouvoir de la mort, de même les serviteurs de Dieu, faisant ce qui est en leur pouvoir, imitent la bonté du Seigneur, et délivrent des chaires sensibles, s'ils ne peuvent pas faire tomber les chaînes spirituelles.

302 2. Et nous aussi, nous vénérons cette Semaine; et moi, sorti avec vous, portant en guise de rameau la parole qui nous instruit, j'ai déposé mes deux petites pièces de monnaie, à l'exemple de la veuve de l'Evangile (Lc 21,2) « Ils sortirent alors, portant des branches d'arbres et ils criaient: Hosanna au plus haut des cieux, béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » (Mt 21,9) Sortons donc, nous aussi, et, au lieu de branches d'arbres, montrons les dispositions d'une âme en fleurs, et crions ce que nous avons chanté aujourd'hui : « O mon âme, louez le Seigneur! je louerai le Seigneur pendant ma vie. » (Ps 145,2) C'est David qui prononce la première parole, et celle qui suit est également de lui; je me trompe, ni l'une ni l’autre ne sont de David, niais l'une et l'autre appartiennent à la divine grâce. C'est le Prophète qui a parlé; mais ce qui a fait parler la langue du Prophète, c'est l'Esprit consolateur. Aussi, dit le Psalmiste, « ma langue est la plume de l'écrivain, qui écrit très-vite. » (Ps 44,2) De même que la plume n'écrit pas de son propre mouvement, niais par la vertu de la main qui la fait mouvoir; ainsi la langue des prophètes ne parlait pas d'elle-même, niais parla grâce de Dieu. Maintenant, pourquoi le Psalmiste n'a-t-il pas dit seulement: Ma langue est la plume d'un écrivain, mais: « La plume de l'écrivain, qui écrit très-vite ? » C'est pour vous apprendre que la sagesse est chose spirituelle; de là sa facilité, sa rapidité. En effet, quand les hommes parlent d'eux- mêmes,. ils composent, ils délibèrent, ils hésitent,, ils emploient beaucoup de temps; le Prophète, au contraire, sentait les parons jaillir pour lui comme d'une source; il n'éprouvait aucun obstacle; les pensées coulant à flots surpassaient la rapidité de sa langue; de là ce qu'il dit : « Ma langue est la plume de l'écrivain, qui écrit très-vite. » Ce sont comme des flots dont ma langue est inondée; de là, la vitesse, la rapidité. Nous n'avons besoin, nous, ni de réflexions, ni de méditation, ni de travail.

Mais voyons ce que signifie, « O mon âme, louez le Seigneur! » Chantons, nous aussi, avec David, ces paroles en ce jour; si le corps de David n'est pas présent au milieu de nous, son esprit est présent. Voulez-vous la preuve que les justes sont présents au milieu de nous, qu'ils chantent avec nous ? Ecoutez la réponse d'Abraham au riche. En effet, « celui ci lui disait: envoyez-moi Lazare, afin que mes frères, apprenant ce qui se passe dans l'enfer, se corrigent. Abraham lui répond : ils ont Moïse et les prophètes. » (Lc 16,24-29) Or, il y avait longtemps que Moïse et les prophètes étaient morts, quant à leurs corps; mais, par leurs écrits, ils se trouvaient au milieu des Juifs. Si l'image inanimée d'un fils ou d'un ami vous fait croire à !a présence de celui qui n'est plus, si cette image inanimée vous le montre, à bien plus forte raison, jouissons-nous, par les saintes Ecritures, du commerce des Saints; nous n'avons pas leurs û)1 lis, mais nous avons les images de leurs âmes; les paroles dites par eux, sont les images de leurs âmes. Voulez-vous la preuve que les justes sont vivants et présents? On ne prend jamais les morts à témoin. Eh bien ! le Christ les a pris à témoin de sa divinité, et particulièrement David, afin de vous apprendre que David est vivant. Les Juifs doutaient de la divinité du Christ: il leur dit: « Que vous semble du Christ? De qui est-il fils ? Ils lui répondent: De David. Et comment donc, » leur dit-il, « David l'appelle-t-il, en esprit, son Seigneur par ces paroles: Le Seigneur a dit à mon Seigneur: Asseyez-vous à ma droite? » (Mt 22,42-44 Ps 109,1) Comprenez-vous que David est vivant? S'il n'était pas vivant, Jésus-Christ ne l'aurait pas pris comme témoin de sa divinité. Jésus-Christ ne dit pas : Et comment donc David l'a-t-il appelé en esprit son Seigneur? Mais. « l'appelle-t-il son Seigneur? » pour montrer qu'il est encore présent, et qu'il parle par ses écrits. Il chantait autrefois ses psaumes ; chantons avec David aujourd'hui; David avait une cithare, faite de cordes inanimées; l'Eglise a une cithare, faite de cordes vivantes; nos langues sont les cordes de la cithare, elles font entendre avec la diversité des sons, l'harmonie de la piété; les femmes, les hommes, les vieillards, les jeunes gens se distinguent par l'âge; mais non par le chant des hymnes ; l'Esprit-Saint, modifiant chaque voix une à une, ne compose, de toutes les voix, qu'une seule mélodie, ce qu'a exprimé David lui-même, en appelant tous les âges, les deux sexes à ce concert. « Que tout esprit loue le Seigneur; ô mon âme, louez le Seigneur. » Pourquoi a-t-il oublié la chair? pourquoi ne s'adresse-t-il pas du tout au corps ? A-t-il fait deux parts de l'être vivant ? Nullement; mais il excite d'abord l'artiste. Ce qui prouve qu'il n'a pas fait deux parts, l'une du corps, l'autre de l'âme, c'est ce qu'il dit, écoutez : « Mon Dieu, mon Dieu, je veille, et j'aspire vers vous, dès que la lumière paraît; mon âme brûle d'une soif ardente pour vous, et en combien de manières nia chair se sent-elle aussi pressée de cette ardeur! » (LXII, 2) Mais montrez-moi, me dit-on, que le Psalmiste, convie la chair aussi à faire entendre des hymnes : « Mon âme, bénissez le Seigneur, et que tout ce qui est au-dedans de moi, bénisse son saint nom. » (Ps 102,1) Voyez-vous que la chair aussi prend part au concert? Que signifient ces paroles: « Et que tout ce qui est au dedans de moi, bénisse son saint nom? » Le Psalmiste entend par là les nerfs, les os, les veines, les artères, et toutes les parties à l'intérieur.

303 3. Mais comment les parties, qui sont dans notre corps, peuvent-elles bénir Dieu ? elles n'ont pas de voix, elles n'ont pas de bouche, elles n'ont pas de langue; l'âme a ce pouvoir, mais les parties, intérieures de notre corps, comment l'auraient-elles ? comment pourraient-elles, sans voix, sans langue, sans bouche, bénir le Seigneur? De la même manière que « les cieux racontent la gloire de Dieu. » (Ps 18,1) De même que le ciel n'a ni langue, ni bouche, ni lèvres, mais, par la beauté du spectacle qu'il présente, saisit les spectateurs, des merveilles qu'il étale, et les porte à bénir Celui qui l'a créé ; de même, les parties intérieures de notre corps étonnent la pensée qui considère tant de fonctions diverses, d'opérations, de force, d'harmonie, et toutes les beautés de forme, de position; les lois mathématiques qui gouvernent le tout avec tant d'ensemble, et l'on s'écrie comme le Prophète : « Que vos ouvrages sont magnifiques, ô Seigneur ! vous avez tout fait avec sagesse. » (Ps 103,24) Voyez-vous comme nos entrailles, sans voix, sans bouche, sans langue, bénissent le Seigneur? Pourquoi donc le Psalmiste s'adresse-t-il à son âme? C'est pour empêcher, pendant que la langue fait entendre des sons, (332) que l'âme ne s'égare, ne se laisse distraire, ce qui nous arrive souvent lorsque nous prions, que nous chantons des hymnes. Le Psalmiste veut le concert de l'âme et du corps. Quand vous priez sans écouter les paroles divines, comment voulez-vous que Dieu écoute votre supplication ? Donc, si le Psalmiste dit : « O mon âme, louez le Seigneur, » c'est pour faire entendre ceci : les supplications doivent partir du dedans de notre être, des profondeurs de notre coeur. C'est ainsi que Paul dit : « Je prierai de coeur, et je prierai aussi avec intelligence. » (1Co 14,15) L'âme est un musicien excellent, c'est un artiste; son instrument, c'est le corps qui lui tient lieu de cithare, de flûte et de lyre. Les autres musiciens n'ont pas toujours tous leurs instruments; tantôt ils les prennent, tantôt ils les mettent de côté ; ils ne font pas entendre perpétuellement leur mélodie; et par conséquent, ils n'ont pas toujours leurs instruments entre les mains. Mais Dieu, qui veut t'apprendre que toi, tu dois toujours le glorifier et le bénir, a pris soin de te donner un instrument; d'attacher à ta personne un instrument qui ne te quitte pas. Ce qui prouve qu'il faut le louer toujours, ce sont ces paroles de l'Apôtre : « Priez sans cesse, rendez grâces à Dieu en toutes choses. » (1Th 5,17-18) Donc, comme il faut le prier sans cesse, sans cesse l'instrument se trouve attaché à l'artiste. « O mon âme, louez « le Seigneur; » il n'y avait d'abord qu'une voix qui faisait entendre ces paroles, la voix de David; mais maintenant qu'il est mort, d'innombrables langues répètent ces paroles, non-seulement chez nous, mais par toute la terre. Comprenez-vous bien qu'il n'est pas mort, qu'il est vivant? Comment serait-il mort, celui qui a tant de langues, et qui parle par tant de bouches? En -vérité c'est une grande chose que l'hymne de la louange ; c'est l'âme qui se purifie, c'est la ferveur qui se saisit de nous.

Voulez-vous comprendre l'efficacité des hymnes qui s'élèvent vers Dieu? Erg chantant des hymnes, les trois jeunes gens ont éteint la fournaise de Babylone; disons mieux, ils ne l'ont pas éteinte, mais ce qui est bien plus merveilleux, ils ont foulé sous leurs pieds, comme si c'était de la boue, la flamme brûlante ; l'hymne faisant son entrée dans la prison de Paul, a fait tomber ses liens, a ouvert les portes de son cachot, a ébranlé les fondations de l'édifice, a rempli le geôlier d'épouvante. « Au milieu de la nuit, » dit l'Ecriture, « Paul et Silas chantaient des hymnes. » (Ac 16,25) Et ensuite, qu'est-il arrivé? Vous le demandez ? Ce qui surpasse toute attente, toute croyance; les liens sont tombés, et ceux qui étaient liés, ont enchaîné ceux qui n'avaient pas de liens. Cependant, à quoi servent les liens ? A tenir fortement enchaîné celui qu'ils serrent, à l'assujettir à ses gardiens. Or, voyez, le geôlier, qui n'était pas enchaîné, est venu se mettre aux pieds de Paul, chargé de liens. Les liens sensibles contiennent celui qui est lié ; les liens du Christ, au contraire, ont la vertu de soumettre ceux qui rie sont pas enchaînés à ceux qui sont chargés de fers. Le geôlier avait jeté les captifs dans l'intérieur de la prison, et ces prisonniers de l'intérieur, ont ouvert les portes du dehors ; le geôlier, avec du bois (1), avait fait des entraves à leurs pieds, et ces pieds, chargés d'entraves, ont rendu libres des mains captives. « Enfin, » dit l'Ecriture, « le geôlier tomba à ses pieds, saisi de crainte, tremblant, gémissant, tourmenté, versant des larmes. » (Ac 16,29) Que se passe-t-il donc? Ne l'avais-tu pas enchaîné? Ne l'avais-tu pas mis en un lieu dont tu étais sûr? Et pourquoi t'étonner, ô homme, qu'il ait ouvert la porte de la prison, celui qui a reçu la puissance d'ouvrir le ciel? « Tout ce que vous lierez sur la terre, sera lié aussi dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre, sera aussi délié dans le ciel. » (Mt 18,18) Il a fait tomber les liens des péchés, pourquoi t'étonner qu'il ait fait tomber des liens de fer? Il a fait tomber les liens des démons, il a affranchi les âmes enchaînées par eux, pourquoi t'étonner qu'il ait délivré les prisonniers? Et voyez, le miracle est double : il a délié et il a enchaîné, il a délié les liens et il a enchaîné les coeurs. Les prisonniers ne savaient pas qu'ils étaient déliés ; il a ouvert et il a fermé; il a ouvert les portes de la prison, et il a fermé les yeux des prisonniers, de telle sorte qu'ils ne s'aperçurent pas que les portes étaient ouvertes, et qu'ils n'en profitèrent pas pour prendre la fuite. Avez-vous bien compris ce miracle qui lie et délie, qui ouvre et qui ferme ?

1. Il s'agit ici de l'instrument de torture, nommé cep, qui était en bois et servait à garrotter les prisonniers.


304 4. Ce qui s'est passé pendant la nuit, afin que l'affaire ne fît pas de bruit, ne causât aucune espèce de tumulte; car, les apôtres ne faisaient rien pour s'étaler en spectacle, ni pour acquérir de la gloire. Donc, le geôlier se jeta à ses pieds. Eh bien, que fait Paul ? Avez-vous bien compris le miracle? Avez-vous bien compris ce qu'il y a là d'étonnant, d'étrange? Considérez maintenant la sollicitude, considérez la bonté de Paul. « Il lui cria : Ne vous faites point de mal, car nous sommes tous ici. » (Ac 21,28) Le geôlier l'avait enchaîné cruellement; l'Apôtre ne le laissa pas mourir d'une manière cruelle; il oublia son injure : « Nous sommes tous ici, » dit-il. Voyez la modestie ! il ne dit pas : ces choses merveilleuses, c'est aloi qui les ai faites; mais, que dit-il ? « Nous sommes tous ici. » Il se compte au nombre des prisonniers, notre Paul. Le geôlier, à cette vue, fut saisi d'admiration; le miracle le frappa de stupeur; il bénit Dieu, c'était une âme vraiment digne de la sollicitude et de la bonté de l'Apôtre, que ce geôlier; il ne considéra pas ce qui s'était passé, comme un prestige. Et pourquoi ne crut-il pas à un prestige? C'est qu'il les entendit chantant des hymnes au Seigneur; et un faiseur de prestiges ne chante jamais d'hymne au Seigneur. Il avait reçu beaucoup de faiseurs de prestiges en sa qualité de geôlier; mais jamais aucun d'eux n'avait fait chose pareille, n'avait fait tomber des liens, ni montré la même sollicitude. C'est que Paul voulait être enchaîné, et il ne prit pas la fuite, ne voulant pas causer la mort du geôlier.

Cet homme s'était élancé, tenant dans ses mains un glaive et un flambeau; le démon voulait lui faire commettre un meurtre, pour prévenir sa conversion. Mais la voix retentissante de Paul conquit bien vite le salut de son âme; car, non-seulement il cria, mais il lui dit d'une voix retentissante : « Nous sommes tous ici. » Le geôlier admira cette sollicitude, et celui qui n'était pas enchaîné, tomba aux pieds de celui qui était chargé de chaînes ; et que lui dit-il? « Seigneur, que faut-il que je fasse pour être sauvé? » (Ac 16,30) Comment! c'est toi qui l'as enchaîné, et c'est toi qui te trouves dans l'embarras ? C'est toi qui lui as mis ses pieds dans une entrave de bois, et voilà que tu cherches la manière de te convertir et de te sauver? Voyez-vous la ferveur? voyez-vous le zèle empressé ? Pour cet homme, pas de délai; libre de crainte il ne se croit pas libre à l'égard de son bienfaiteur, mais tout de suite, il s'élance, il se jette sur le salut de son âme. C'était le milieu de la nuit; il ne dit pas : délibérons, laissons venir le jour, mais, tout de suite, il court à son salut. Cet homme est grand, se dit-il; il surpasse la nature humaine; j'ai vu la merveille qu'il a faite; j'ai admiré sa sollicitude pour moi; il a souffert, de moi, des maux sans nombre; exposé aux derniers malheurs, et me tenant dans ses mains, moi qui l'ai enchaîné, il peut me tuer; et, non-seulement il n'en fait rien, mais, au moment où je m'apprête à m'égorger moi-même, ou déjà je me perce de mon glaive, c'est lui qui m'arrête. Ce geôlier a eu raison de dire : « Seigneur, que faut-il que je fasse « pour être sauvé? » Car, ce n'étaient pas seulement les miracles qui attiraient auprès des apôtres de nouveaux croyants, mais, avant leurs miracles, leur vie opérait sur les hommes. Voilà pourquoi l'Écriture dit : « Que votre lumière luise devant les hommes, afin qu'ils « voient vos bonnes oeuvres, et qu'ils glorifient votre Père, qui est dans les cieux. » (Mt 5,16)

Avez-vous bien vu la ferveur du geôlier? Voyez maintenant la ferveur de Paul; il ne diffère pas; son zèle ne se ralentit pas; il est dans les fers, chargé d'entraves, couvert de blessures, et vite il l'instruit des mystères, et il instruit, avec lui, toute sa famille, et, après l'ablution spirituelle, après la table spirituelle, il lui sert aussi les aliments de la chair (1). Mais pourquoi a-t-il fait trembler la prison? pour réveiller l'âme du geôlier par le spectacle de ce qui arrivait. Il a fait tomber les liens sensibles de ceux qui étaient enchaînés avec lui, pour faire tomber les liens spirituels du geôlier. Le Christ a fait tout le contraire : Un homme s'approcha de lui, qui souffrait d'une double paralysie; de la paralysie du péché, de la paralysie du corps. Le Christ guérit d'abord la paralysie du péché, par ces paroles : « Mon fils, vos péchés vous sont remis. » (Mc 2,5) Et, comme on disputait sur ces paroles ; comme on blasphémait; comme on disait : « Personne ne peut remettre les péchés, que Dieu seul (Mc 2,7) ; » le Christ, voulant montrer qu'il est véritablement Dieu, voulant aussi se ménager les moyens de luger ses contradicteurs d'après leur propre bouche, afin de pouvoir dire : « Je vous juge d'après votre propre bouche (Lc 19,22), » c'est toi-même qui viens de dire, que nul ne peut remettre les péchés que Dieu seul; eh bien ! voici, dit-il, que je remets les péchés, confesse donc ma divinité ; c'est, d'après ta manière de juger, que je porte moi-même la sentence. Nous voyons ici l'action spirituelle d'abord, et ensuite, l'action sensible. Paul nous montre ici le contraire, il fait tomber d'abord les liens sensibles, et ensuite les liens spirituels.

1 Confusion : ce n'est pas Paul qui offre des aliments au geôlier, c'est le geôlier qui convie Paul à en prendre chez lui (Ac 16,34)

Avez-vous bien compris la force des hymnes, la puissance de la bénédiction, la puissance de la prière? Certes l'efficacité de la prière est toujours grande; mais, quand le jeûne se joint à la prière, c'est alors que l'âme est doublement puissante ; c'est alors que nous avons la tempérance dans les pensées; c'est alors que l'âme se réveille et contemple les choses d'en-haut. Aussi l'Ecriture joint-elle toujours le jeûne à la prière. Comment cela? Dans quel passage ? « Ne vous refusez point l'un à l'autre ce devoir, » dit l'Apôtre, « si ce n'est du consentement de l'un et de l'autre, afin d'être libres pour le jeûne et pour la prière.» (1Co 7,5) Et encore ailleurs : « Mais cette sorte de démon ne se chasse que par la prière et le jeûne. » (Mt 22,20) Et ailleurs encore : « Et après qu'ils eurent prié et jeûné, ils leur imposèrent les mains. » (Ac 1,33)

305 5. Voyez-vous le jeûne partout uni à la prière ? C'est alors en effet qu'il s'échappe de la lyre une mélodie plus agréable, plus digne du Seigneur. Les cordes ne sont pas humides, relâchées par l'ivresse ; la raison est bien tendue ; l'intelligence, bien éveillée ; l'âme vigilante; c'est ainsi qu'il convient de s'approcher de Dieu, de s'entretenir avec lui, seul à seul. Si nous avons une affaire grave à communiquer à nos amis, nous les prenons à l'écart: à bien plus forte raison, faut-il se conduire de même avec Dieu, entrer, avec un calme parfait, dans la chambre où il se retire. Et nous obtiendrons absolument tout de lui, si nous lui demandons ce qui est utile. C'est un grand bien que la prière, quand elle part d'une âme reconnaissante et sage. Et maintenant, comment la prière montrera-t-elle notre reconnaissance? Si nous nous faisons une loi, non-seulement quand nous recevons, mais, de plus, quand nous ne sommes pas exaucés, de bénir le Seigneur. En effet, tantôt le Seigneur accorde, tantôt il n'accorde pis; mais, dans l'un et dans l'autre de ces deux cas, il agit utilement pour nous ; de sorte que, soit que vous receviez, soit que vous ne receviez pas, vous recevez cela même que vous n'avez pas reçu ; et si vous avez réussi, et si vous n'avez pas réussi, vous avez réussi en ne réussissant pas. C'est qu'en effet il y a des circonstances où il est plus utile pour nous de ne pas recevoir que de recevoir ; s'il n'était pas souvent de notre intérêt de ne pas recevoir, Dieu nous accorderait toujours; quand il est de notre intérêt de ne pas réussir, l’insuccès est un succès. Voilà pourquoi Dieu diffère souvent de nous accorder nos demandes; ce n'est pas pour nous faire languir ; quand il nous force à attendre le don, il nous exerce, et il fait bien, à l'assiduité dans la prière. Souvent nous recevons, et après avoir reçu, nous négligeons la prière; or Dieu, qui veut nous tenir constamment en éveil, diffère de nous accorder ce que nous désirons. C'est la conduite des bons pères, dont les enfants paresseux ne montrent d'ardeur que pour de puérils plaisirs ; les pères les retiennent auprès d'eux, en leur promettant un très-grand présent, et, pour les retenir, tantôt ils diffèrent, tantôt ils refusent absolument de donner. Il arrive aussi que nous voulons des choses nuisibles, et Dieu, qui comprend mieux que nous nos intérêts, n'écoute pas nos prières, aimant mieux nous procurer ce qui nous est utile, même à notre insu. Et qu'y a-t-il d'étonnant que nous ne soyons pas exaucés, quand la même chose est arrivée à Paul? Lui aussi souvent, n'a pas obtenu ce qu'il demandait, et, non-seulement il ne s'est pas affligé, mais encore il a rendu à Dieu des actions de grâces. « C'est pourquoi, » dit-il, « j'ai prié trois fois le Seigneur. » (2Co 12,8) Cette expression « Trois fois » signifie souvent. Si Paul, après de fréquentes prières, n’a pas réussi, à bien plus forte raison nous convient-il, à nous, de persévérer. Mais voyons ce qu'il éprouvait, après avoir souvent demandé sans obtenir; non-seulement il ne s'affligeait pas, mais encore il se glorifiait de ce qu'il n'avait pas reçu. « J'ai prié trois fois le Seigneur, et il m'a répondu : Ma grâce vous suffit, car ma puissance éclate dans la faiblesse. » (2Co 12,9) Et il continue: « Je prendrai donc plaisir à me glorifier de mes faiblesses.»

306 6. Comprenez-vous la reconnaissance du serviteur? il demande à être affranchi de ses (335) faiblesses ; Dieu ne lui accorde pas sa prière; et, non-seulement Paul ne s'afflige pas, mais il se glorifie de ses faiblesses. Faisons de même, nous aussi, disposons nos âmes de cette manière, et, que Dieu nous accorde ou ne nous accorde pas nos demandes, sachons dans les deux cas, le bénir, car, dans les deux cas, il agit selon nos intérêts. S'il a le pouvoir de donner, il s'ensuit qu'il a le pouvoir, et de donner, et de donner ce qu'il veut, et de ne pas donner. Vous ne connaissez pas vos intérêts aussi clairement que Dieu les tonnait; souvent vous demandez des choses nuisibles et funestes ; mais Dieu, plus jaloux que vous-mêmes de votre salut, ne regarde pas votre prière; avant votre prière, il regarde partout ce qui vous est utile. Si les pères selon la chair, n'accordent pas à leurs enfants tout ce qu'ils leur demandent, ce qui ne prouve pas qu'ils dédaignent leurs enfants, mais, au contraire, qu'ils ont pour eux la plus grande sollicitude, à bien plus forte raison, Dieu, qui nous aime davantage, qui connaît, mieux que personne, ce qui nous est utile, suit toujours la même conduite. Donc ne cessons pas de nous livrer à la prière, non-seulement pendant le jour, mais pendant la nuit. Ecoutez ce que dit le Prophète : « Je me levais au milieu de « la nuit, pour vous louer des jugements de « votre justice. » (Ps 118,62) Un roi, assiégé de tant de soucis, qui avait entre les mains le gouvernement de tant de peuples, de villes et de nations; qui avait à prendre soin de la paix, à terminer des guerres ; qui voyait toujours auprès de lui un tourbillon inexprimable d'affaires; qui n'avait pas le temps de respirer, non-seulement consacrait les jours, mais jusqu'aux nuits à la prière. Si un roi, fait pour mener une vie de délices, ayant tant de soucis, enveloppé dans tant d'affaires, ne trouvait pas de repos, même pendant la nuit, mais se livrait sans cesse à la prière, avec un soin plus scrupuleux que les moines des montagnes, quelle sera, répondez-moi, notre excuse, à nous, qui avons une liberté complète: qui nous sommes fait une vie indépendante, vide d'affaires, et qui non-seulement nous ensevelissons les nuits entières dans le sommeil, mais ne trouvons pas, même pendant le jour, des moments où notre âme s'éveille, pour la prière que nous devons au Seigneur? C'est une grande arme due la prière, c'est une belle parure que la prière, et une sûreté, et un port, et un trésor de biens, et une richesse que rien ne peut ravir. Quand nous avons besoin des hommes, nous avons besoin de faire des dépenses, et d'employer des flatteries serviles; et d'aller, et de venir, et de prendre beaucoup de peines et de soins ; car souvent nous ne pouvons pas nous adresser directement à ceux de qui dépend ce que nous demandons. Il faut d'abord aller trouver les ministres, les dispensateurs des grâces, et ceux qui sont chargés de répondre pour les hommes puissants ; et il faut, avec de l'argent, avec des paroles, par tous les moyens possibles, les adoucir, afin d'obtenir, par leur entremise, ce que nous demandons. Au contraire, avec Dieu, il n'en est pas de même; en le priant par les autres, nous obtenons moins vite ses faveurs qu'en les lui demandant nous-mêmes. Et, avec Dieu, celui qui reçoit, et celui qui ne reçoit pas, profitent; avec les hommes, au contraire, dans les deux cas, souvent, nous avons à nous plaindre. Eh bien ! donc, puisqu'il y a plus d'avantage, et plus de facilité, à s'approcher de Dieu, ne méprisons pas la prière. Voulez-vous trouver Dieu plus propice ? voulez-vous obtenir plus facilement ce que vous désirez ? invoquez-le vous-mêmes, avec la pureté des intentions, avec la sagesse de l'âme; ne le priez pas, par acquit de conscience, ce que font beaucoup de personnes, dont la langue prononce les paroles de la prière; dont la pensée, en même temps, reste souvent dans leur maison, ou se promène sur la place publique, à travers les rues, ce qui est un artifice du démon ; car, comme il sait qu’au moment de la prière, nous pouvons obtenir le pardon de nos péchés, jaloux de nous fermer ce port, il s'élève alors contre nous; il chasse notre pensée loin des paroles que nous prononçons, afin qu'au sortir de l'église, nous en retirions plus de perte que de profit.

Pénètre-toi, ô homme, de ces vérités, et, quand tu t'approches de Dieu, songe auprès de qui tu t'approches ; et il suffit, pour tenir ton esprit éveillé, de croire en Celui qui te donne ce que tu demandes; lève les yeux au ciel, et pense à qui ton discours s'adresse. Quand on parle à un homme, tant soit peu élevé aux honneurs de ce monde, le plus négligent s'excite de toutes manières, et se tient l'esprit en éveil; à bien pics forte raison, ferons-nous de même si nous pensons que nous nous adressons au Seigneur des anges; voilà qui suffira pour (336) nous rendre attentifs. Voulez-vous un autre moyen, pour vous tirer de votre engourdissement? En voici un: souvent nous avons fait notre prière, et nous n'avons pas entendu un seul des mots que nous avons prononcés, et nous nous en allons; pensons à cela, et, tout de suite, reprenons notre prière. Et si la même distraction nous arrive deux fois, trois fois, quatre fois, reprenons autant de fois notre prière, et ne nous retirons pas avant de l'avoir dite tout entière d'un esprit bien attentif. Quand le démon comprendra que nous ne voulons pas nous retirer avant de l'avoir dite avec soin, avec un esprit constamment en éveil, il cessera de nous assaillir, puisqu'il verra que ces attaques ne servent qu'à nous forcer de recommencer souvent la même prière. Nous recevons tous les jours, mes bien-aimés, de nombreuses blessures, des gens de notre maison, des étrangers, sur la place, chez nous; de la part des hommes publics, de la part des particuliers; des voisins, des amis; à toutes ces blessures, appliquons les remèdes qui leur sont propres, la prière. Car Dieu, si nous le prions d'un esprit vigilant, d'une âme embrasée, d'un coeur ardent, peut nous accorder notre pardon, la rémission de toutes nos fautes. Puissions-nous l'obtenir tous, par la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient, comme au Père, comme au Saint-Esprit, la gloire, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

Traduit par M. PORTELETTE.




400

Chrysostome Homélies 200