Chrysostome sur Actes 2700

HOMÉLIE 27 LORSQUE LE JOUR FUT VENU, L'AGITATION N'ÉTAIT PAS PETITE PARMI LES SOLDATS. QU'ÉTAIT DONC DEVENU PIERRE ? (CHAP. 12,VERS. 18 ET 19, JUSQU'AU VERS. 4 DU CHAP. 13.)

2700 HÉRODE L'AVANT DEMANDÉ, ET NE LE TROUVANT PAS, FIT FAIRE UNE ENQUÊTE CONTRE LES GARDES, ET ORDONNA DE LE FAIRE MOURIR; ET S'ÉLOIGNANT DE LA JUDÉE, IL ALLA DEMEURER A CÉSARÉE.

Ac 12,19-13,4

ANALYSE.

1 et 2. Mort et châtiment d'Hérode, le persécuteur de saint Pierre.
2 et 3. Avantage du jeûne. — Rien n'est plus douteux qu'une femme qui n'est pas sobre. — Honteux effets de l'intempérance.

2701 1. Bien des gens demandent comment Dieu autrefois put supporter qu'on immolât les enfants à cause de lui, et laisser mettre à mort les soldats à cause de Pierre, lorsque cependant il eût pu les sauver avec l'apôtre. Mais si l'ange eût emmené les soldats avec Pierre, on eût pris le fait pour une évasion ordinaire. Pourquoi n'a-t-il pas disposé les choses autrement, dit-on? En effet, quel malheur immérité ! Si nous considérions que ceux qui souffrent injustement n'éprouvent aucun dommage, nous ne demanderions pas cela. Pourquoi ne dites-vous pas aussi, à propos de Jacques, pourquoi ne le délivra-t-il pas? D'ailleurs, le temps de la Justice n'était pas venu encore, pour que chacun reçût ce qu'il méritait. Mais Pierre ne les avait pas jetés entre les mains d'Hérode. Ce prince était surtout chagrin d'avoir été joué comme son aïeul l'avait été de se voir trompé par les Mages; c'était surtout un amer dépit d'être devenu un objet de risée. Il est bon d'entendre les paroles de l'écrivain. « Lorsque le jour fut venu », dit-il, «l'agitation fut grande parmi les soldats, pour savoir ce qu'était devenu Pierre. Hérode l'ayant réclamé, et ne le trouvant pas, fit une enquête contre les gardes et ordonna de les mettre à mort ». Il apprit d'eux (car il fit une enquête) qu'il avait laissé ses chaînes et qu'il avait pris ses sandales et que jusqu'à cette nuit il avait été avec eux. Mais que cachèrent-ils? Pourquoi n'avaient ils pas pris la fuite eux-mêmes? Il dut être étonné, il dut être frappé de stupeur. Du reste leur mort fait éclater à la fois et le prodige divin et la malice d'Hérode. Mais voyez comment l'auteur ne cache rien, et comme il mentionne un fait historique afin de nous instruire. Il dit donc ensuite : « Descendant de la Judée, Hérode demeura à Césarée. Hérode était irrité contre les Tyriens et les Sidoniens. Ils vinrent ensemble vers lui, et ayant gagné Blastus, le chambellan du roi, ils lui demandèrent la paix parce que leur pays tirait sa subsistance des terres du roi. Au jour fixé, Hérode, revêtu de son manteau royal, et assis sur son tribunal, les harangua; le peuple criait : C'est la voix d'un dieu et non celle d'un homme. Mais l'ange du Seigneur le frappa tout à coup, parce qu'il ne rendait pas gloire (132) à Dieu, et il expira dévoré par les vers. Mais la parole de Dieu grandissait et se multipliait (Ac 12,20-24) ».

C'est là un grand événement. La vengeance divine le frappe tout à coup, bien qu'elle ne l'ait pas atteint à cause de Pierre, mais à cause de son orgueilleux discours. Mais si le peuple l'acclame, dira-t-on, quel est en cela son crime ? C'est d'avoir reçu ces acclamations comme s'en trouvant digne. Grande leçon pour ceux qui font de téméraires flatteries. Remarquez que les uns et les autres sont dignes de châtiment; mais lui seul est frappé. Le temps du jugement n'est pas venu encore, mais Dieu frappe le plus coupable, et épargne les autres, afin qu'ils profitent de l'exemple. « Et la parole de Dieu, disent les Actes, croissait et se multipliait », c'est-à-dire, après cet événement. Voyez-vous la providence de Dieu ? « Barnabé et Paul retournèrent à Jérusalem, après avoir accompli leur ministère; ils prirent avec eux Jean, surnommé Marc (25). Il y avait dans l'Eglise qui était à Antioche, des prophètes et des docteurs, Barnabé, Siméon, surnommé Niger, Lucius de Cyrène, Manahen, frère de lait d'Hérode le Tétrarque, et Paul ». (Ac 13,1) L'auteur nomme encore Barnabé le premier : Paul, en effet, n'était pas encore célèbre, et n'avait fait aucun prodige. «Pendant qu'ils servaient le Seigneur et qu'ils jeûnaient, l'Esprit-Saint dit : Mettez-moi à part Barnabé et Paul, pour l'oeuvre à laquelle je les ai appelés. Alors après avoir jeûné et prié, ils leur imposèrent les mains et les congédièrent (Ac 13,2-3) ». Que veut dire : « Servaient le Seigneur? » Cela veut dire « Prêchaient. Mettez-moi à part Barnabé et Paul ». Que veut dire. « Mettez-moi à part ? » Pour l'oeuvre, pour l'apostolat. Remarquez par qui se fait l'ordination : par Lucius de Cyrène et Manahem, ou plutôt par l'Esprit-Saint. La grâce de Dieu se montre d'autant plus clairement que les personnes sont moins grandes. Enfin Paul est ordonné pour l'apostolat, afin qu'il prêche avec autorité. Comment donc Paul dit-il : « Non par les hommes, ni par le moyen des hommes? » Il dit : Non par les hommes, pour montrer qu'aucun homme ne l'avait ni appelé ni amené; il dit : « Par le moyen des hommes », pour signifier que nul ne l'a envoyé, si ce n'est l'Esprit-Saint. C'est pour cela, que l'auteur ajoute : « Ceux-ci, ayant donc été envoyés par l'Esprit-Saint, descendirent à Séleucie, et de là naviguèrent vers Chypre (Ac 13,4) »:

Mais revenons au commencement de notre texte : « Le jour étant venu, l'agitation fut grande parmi les soldats, à cause de Pierre; Hérode fit une enquête contre les soldats, et ordonna de les faire périr». Il fut tellement dépourvu de bon sens, qu'il osa punir injustement. Voici que je défends leur cause. Les chaînes étaient là, les gardes étaient à l'intérieur, la prison était fermée, nulle part la muraille n'était percée; tous disaient : Cet homme a dû être enlevé; pourquoi les condamnez-vous? S'ils eussent voulu le délivrer, ou bien ils l'auraient délivré plus tôt, ou bien ils seraient partis avec lui. — Mais ils ont reçu de l'argent? — Comment celui qui n'en avait même pas à donner à un pauvre, leur en aurait-il donné ? En effet les chaînes n'étaient ni brisées ni déliées. Il fallait comprendre que le fait venait de Dieu et non des hommes. Ensuite l'auteur rapportant un fait historique, il donne les noms pour montrer la vérité de ce qu'il rapporte. « Et ayant gagné Blastus, chambellan du roi », disent les Actes, « ils demandaient la paix ». Ils agissent ainsi à cause de la famine. « Au jour fixé, Hérode s'assit sur son tribunal et fit un discours. «Aussitôt l'ange du Seigneur le frappa, et, dévoré par les vers, il expira».

2702 2. Josèphe dit qu'Hérode fut atteint d'une longue maladie. Beaucoup ignoraient donc le fait raconté par saint Luc. Au reste, l'ignorance où ils étaient avait encore son utilité, car ils attribuaient le malheur d'Hérode à la mort de Jacques et au meurtre des soldats. Remarquez que lorsqu'il fit périr l'apôtre, il ne fit rien de semblable; mais lorsqu'il eut fait périr les soldats, il devint taciturne, il est dans la perplexité, la honte le poursuit, il descend de la Judée et va à Césarée. Il me semble que, voulant aussi mettre à mort les apôtres, il vint à Césarée pour en faire son apologie. Il était furieux contre eux lorsqu'il courtisait les Césaréens. Voyez comme cet homme était avide de vaine gloire. Devant leur accorder une faveur, il le harangua. Josèphe dit qu'il portait une splendide robe d'argent. Remarquez aussi combien ce peuple est flatteur, et quel est le bon sens des apôtres. Celui que la foule entière acclamait, ils le méprisaient. Ils purent respirer de nouveau, et des biens sans nombre furent le résultat de la punition d'Hérode. Si cet homme, (133) pour avoir entendu cette parole : « La voix d'un dieu et non celle d'un homme », fut ainsi frappé quoiqu'il n'eût rien dit, combien plus eût dû souffrir le Christ, s'il n'avait été Dieu, le Christ, qui disait sans cesse : « Mes paroles ne sont pas les miennes » ; et « mes serviteurs combattraient », et tant de choses semblables. Hérode termina sa vie d'une façon honteuse et misérable, et il n'est rien resté de lui d'éclatant. Remarquez aussi comme il est persuadé par Blastus; avec quelle facilité ce malheureux homme est emporté par la colère et aussitôt s'apaise ; à quel point il est l'esclave du peuple et ne jouit d'aucune liberté. Considérez aussi l'autorité de l'Esprit-Saint. «Pendant qu'ils servaient le Seigneur et qu'ils jeûnaient », dit l'auteur, « le Saint-Esprit leur dit : Mettez-moi à part Barnabé et Paul ». Eût-il osé, s'il n'eût joui de la même puissance que le Père et le Fils, dire ces paroles ? Ceci a lieu pour que ces apôtres ne demeurent plus tous ensemble. L'Esprit-Saint voit qu'ils sont plus forts et qu'ils peuvent suffire à un plus grand nombre. Comment leur parla-t-il? Peut-être par les prophètes. C'est pour cela qu'il est dit auparavant qu'il y avait des prophètes; ils jeûnaient et servaient Dieu, pour nous apprendre qu'ils eurent besoin d'une grande sobriété. Il est ordonné à Antioche où il prêche. Pourquoi l'Esprit-Saint ne dit-il pas: Mettez à part pour le Seigneur, mais « pour « moi ? » Pour montrer l'unité de puissance et d'autorité.

Remarquez-vous l'importance du jeûne? Il montre que l'Esprit-Saint fait toutes choses. C'est un grand bien que le jeûne. Il n'est circonscrit par aucune limite. Lorsqu'il faut ordonner, ils jeûnent; et alors l'Esprit leur parle. Le jeûne n'est pas cela seulement, mais s'abstenir des délices est une sorte de jeûne aussi. Je ne commande que celui-ci : Ne jeûnez pas, mais abstenez-vous des délices. Recherchons la nourriture, mais non la corruption; cherchons la nourriture, mais non pas ce qui est la source des maladies de l'âme et du corps; recherchons la nourriture qui procure quelque plaisir, non les délices, qui sont une source d'incommodité ; c'est cela qui est délice, ceci est une véritable peste ; cela est joie, ceci chagrin; l'un est dans la nature, et l’autre lui est opposé. Si quelqu'un vous donnait à boire de la ciguë, ne serait-ce pas contre nature? Si l'on vous servait du bois et des pierres, ne les repousseriez-vous pas? Et avec raison, car c'est contre nature. Ainsi sont les délices. De même que dans une ville, pendant un siégé, il y a tumulte et agitation quand les ennemis s'y introduisent; ainsi en est-il pour l'âme quand le vin et la bonne chère s'en emparent. « Pour qui les malédictions? pour qui les ennuis et les vaines paroles ? pour qui « le jugement, si ce n'est pour ceux qui passent « leur temps à boire? Pour qui les yeux livides? » (
Pr 23,29-30) Mais quoi que nous disions, nous n'éloignerons pas de la bonne chère ceux qui y sont adonnés, si nous n'attaquons pas une autre maladie.

Et d'abord parlons des femmes. Rien de plus honteux qu'une femme adonnée aux plaisirs de la table, rien de plus hideux que celle qui s'enivre. La fleur de son visage se fane, la sérénité et la douceur de ses yeux se trouble; c'est comme un nuage qui passe sous le soleil et en intercepte les rayons. Elle devient une chose ignoble, servile et couverte de toutes les ignominies. Combien est désagréable la respiration d'une femme exhalant l'odeur puante du vin, vomissant des viandes corrompues, alourdie et ne pouvant se soulever, rouge plus qu'il ne convient, et prise de vertiges et de bâillements répétés. Mais telle n'est pas la femme qui s'abstient de ces plaisirs : elle imprime le respect, elle est sage et belle. Une âme bien réglée communique au corps une grande beauté; ne croyez pas, en effet, que la beauté ne vienne que des formes corporelles. Prenez une jeune fille bien faite, mais turbulente, bavarde, médisante, adonnée au vin, coquette, ne devient-elle pas plus laide que la plus difforme? Au contraire, qu'elle soit modeste et discrète, qu'elle sache rougir, ne parler qu'avec mesure, et jeûner; dès lors sa beauté est doublée, sa grâce devient plus grande, son visage plus agréable par la chasteté et la décence dont il est orné. Voulez-vous que nous parlions maintenant des hommes? Quoi de plus hideux que l'ivrogne? Il est la risée de ses serviteurs, la risée de ses ennemis, la pitié de ses amis, le digne objet de mille blâmes, une bête plutôt qu'un homme ; car se repaître à l'excès appartient au léopard, au lion, à l'ours. C'est convenable pour eux; ils n'ont pas une âme raisonnable. Et même, chez ces animaux, lorsqu'ils se repaissent outre mesure et plus que ne le veut la nature, le corps entier se corrompt. Combien plus en (133) est-il ainsi pour nous? C'est pour cela que Dieu nous a donné un petit estomac; c'est pour cela qu'il nous a fixé une petite mesure de nourriture, afin de nous enseigner à soigner notre âme.

2703 3. Etudions la constitution même de notre corps, et nous verrons qu'une petite partie de notre être est consacrée à cette opération. La bouche et la langue sont destinées aux hymnes, notre gorge à la parole. La nécessité de la nature nous a ainsi liés, afin que nous ne puissions, même malgré nous, tomber dans un grand embarras d'affaires. Si les délices de la table n'étaient la source de tant de peines, de maladies et d'indispositions, elles seraient supportables. Mais les bornes imposées à la nature sont faites de telle sorte que, même en le voulant, nous ne puissions les dépasser. Recherchez-vous le plaisir, mon cher auditeur? Vous le trouverez dans la frugalité. La santé ? C'est encore là qu'il vous faut la chercher. La quiétude? Vous ne la rencontrerez que là. La liberté, la vigueur du corps, sa bonne constitution, la sagesse de l'âme, la vigilance? Tous les biens naissent de la frugalité. Dans la bonne chère se trouvent les choses contraires : l'aigreur, la langueur, la maladie, la bassesse et la prodigalité. D'où vient donc, direz-vous, que tous nous courons à la bonne chère? Cela vient de ce que nous sommes malades. En effet, dites-moi pourquoi le malade recherche-t-il ce qui est nuisible? N'est-ce pas là encore un signe de maladie? Pourquoi le boiteux ne marche-t-il pas droit? N'est-ce pas à cause de sa nonchalance, et parce qu'il ne veut pas aller au médecin? Parmi les choses de ce monde, les unes procurent une joie passagère, et sont la cause d'un châtiment éternel ; les autres, au contraire, causent des souffrances passagères, et procurent une joie sans fin. Celui donc qui est assez lâche et nonchalant pour ne pas mépriser les joies présentes, afin de gagner les biens futurs, est promptement séduit. Dites-moi, comment fut séduit Esaü? D'où vient qu'il préféra une joie passagère à l’honneur à venir? cela vint de la mollesse et de la faiblesse de son esprit. Mais cela même d'où vient-il? direz-vous. Cela provient de nous-mêmes, et évidemment de là. Lorsque nous le voulons, nous nous excitons nous-mêmes, et nous devenons tempérants. Toutes les fois qu'une nécessité survient, ce n'est qu'en faisant des efforts que nous parvenons à voir et à embrasser ce qui est bien. Lors donc que vous devrez vous livrer à la bonne chère, songez combien est court le plaisir qu'on y trouve, songez au dommage qui en résulte (car c'est un véritable dommage de dépenser tant de richesses pour son propre malheur), songez aux maladies, aux,infirmités, et méprisez la bonne chère. Combien voulez-vous que j'énumère d'hommes devenus victimes de la gourmandise ? Noé s'enivra et resta nu; et que de maux à cause de cela ! Esaü, par gloutonnerie, livra son droit d'aînesse, et il fut sur le point de commettre un fratricide. « Le peuple d'Israël s'assit pour boire et pour manger, et ils se levèrent pour jouer ». (Ex 32,6): C'est pour cela qu'il est dit: « En buvant et en mangeant, souvenez-vous du Seigneur votre Dieu ». (Dt 6,2) Ceux qui se plongèrent dans la bonne chère tombèrent dans l'abîme. « La veuve, qui vit dans le luxe », dit l’Ecriture, « est morte, quoique vivante » (1Tm 5,6) et ailleurs : «Le bien-aimé s'engraissa, il s'appesantit, et se révolta ». (Dt 32,16) Et l'apôtre dit encore : « Ne cherchez pas à contenter les désirs de la chair ». Je ne fais pas une loi du jeûne (personne ne me comprendrait), mais je repousse les délices excessives, je blâme la bonne chère pour votre utilité. De même qu'un torrent, les délices renversent tout; rien ne saurait leur résister : elles renversent les trônes. Que dirai-je de plus? Voulez-vous faire bonne chère ? Donnez aux pauvres ; appelez le Christ, afin d'être encore dans les délices lorsque la table sera enlevée. Vous n'avez pas maintenant cet avantage ; je le crois bien ; les choses d'ici-bas sont si peu stables. Mais plus tard vous l’aurez. Vous voulez faire bonne chère? Nourrissez votre âme, donnez-lui la nourriture dont elle a besoin. Ne la tuez pas par la faim. C'est le temps de la guerre, c'est le temps du combat; et vous vous asseyez pour faire bonne chère ! Ne voyez-vous pas ceux qui tiennent le sceptre, vivre frugalement à l'armée ? « Nous n'avons pas à lutter contre la chair et le sang » (Ep 6,1), et vous vous engraissez lorsqu'il faut combattre? L'ennemi grinçant des dents est là, et vous êtes plongé dans la mollesse et attaché à la table. Je sais que je parle en vain, mais pas pour tous. « Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende ». Le Christ est desséché par la faim, et vous crevez des suites de votre (135) gourmandise. Ce sont deux excès. Quel mal ne causent pas les délices de la table? Elles portent en elles leurs contraires : Je ne vois pas d'où elles ont pris ce nom. Mais de même que la gloire et la richesse sont ainsi nommées quoiqu'elles ne soient que misère et pauvreté, de même le plaisir de la table porte ce nom quoiqu'il ne soit qu'amertume. Devons-nous être immolés, que nous nous engraissons nous-mêmes? Pourquoi préparez-vous aux vers un festin si copieux? Pourquoi préparez-vous une masse plus abondante de corruption ? Pourquoi déposez-vous en vous des sources d'humeurs et d'odeurs fétides? Pourquoi vous rendez-vous vous-même inutile en tout? Voulez-vous que l'oeil soit bon ? Rendez le corps robuste. Parmi les cordes d'instrument, celle qui est grasse et souillée est inutile pour la mélodie ; celle, au contraire, qui est partout bien tendue, est tout à fait harmonieuse. Pourquoi enterrez-vous l'âme? Pourquoi rendez-vous sa muraille plus épaisse ? Pourquoi épaissir le nuage de fumée qui vous aveugle, car de la bonne chère s'élèvent de toutes parts comme des vapeurs et des brouillards. A défaut d'autres, les athlètes vous enseigneront qu'un corps plus grêle est plus robuste. Ainsi l'âme adonnée à la philosophie est plus forte. Je la compare à un écuyer sur son coursier. Or, il est d'expérience que les chevaux trop gras donnent beaucoup de peine aux écuyers, et qu'ils sont difficiles à manier. Ce qu'on souhaite, c'est que l'écuyer monté sur un cheval vigoureux et docile remporte le prix de la course. Mais donnez à un écuyer un cheval qu'il soit obligé de traîner, qui tombe mille fois sous lui, et qu'il ne puisse exciter même en se servant de l'éperon, si habile que soit cet écuyer il n'obtiendra pas la palme. Ne négligeons pas notre âme, ne la laissons pas opprimer par le corps; mais au contraire rendons-la plus clairvoyante; rendons son aile légère, ses liens plus larges. Nourrissons-la de saintes paroles et de frugalité : ainsi notre corps sera robuste, et notre âme sera dans la joie, sera exempte de peine : et après avoir ainsi réglé convenablement notre existence, nous pourrons atteindre au sommet de la vertu, et jouir des biens éternels par la grâce et la bienveillance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui soit, pour le Père et l'Esprit-Saint, gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.


HOMÉLIE 28 CEUX-CI DONC ENVOYÉS PAR L'ESPRIT-SAINT, DESCENDIRENT A SÉLEUCIE, (CHAP. 13,4, 5, JUSQU'AU VERS. 16.)

2800 ET DE LÀ ILS NAVIGUÈRENT VERS CHYPRE. ÉTANT ARRIVÉS A SALAMINE, ILS ANNONÇAIENT LA PAROLE DE DIEU DANS LES SYNAGOGUES DES JUIFS. ILS AVAIENT AUSSI JEAN POUR MINISTRE.

Ac 13,4-16

ANALYSE.

1 et 2. Saint Paul et saint Barnabé prêchent l'Evangile ensemble. — Conversion du proconsul Sergius Paulus.
2 et 3. Parfois l'on triomphe d'un vice par un autre vice. — Qu'il faut fuir la gloire humaine, et quelle gloire il faut rechercher.

2801 1. Après avoir reçu l'imposition des mains, ils partirent ensemble, et naviguèrent vers Chypre, parce que là il n'y avait pas de persécution, et que la parole était déjà répandue. Les chrétiens étaient nombreux à Antioche, la Phénicie était proche de la Palestine, Chypre (136) était éloignée. Du reste, ne demandez pas pourquoi, puisqu'ils sont poussés par l'Esprit-Saint. « Car ils n'avaient » pas seulement été élus, mais même envoyés par l'Esprit-Saint. «Et étant venus à Salamine, ils annonçaient la parole dans les synagogues des Juifs ». Voyez-vous leur empressement à annoncer tout d'abord la parole aux Juifs, afin de ne pas s'en faire des contradicteurs ? Les apôtres ne parlaient qu'aux Juifs seuls, et ceux-ci allèrent dans les synagogues. « Ils parcoururent l'île tout entière, et rencontrèrent un certain magicien faux prophète juif, nommé Bar Jesu, qui était avec le proconsul Sergius Paulus, homme sage, qui ayant fait venir Barnabé et Saul désirait entendre la parole de Dieu. Elymas le magicien (ainsi s'interprête son nom) leur résistait, et cherchait à détourner le proconsul de la foi (Ac 13,6-8) ». Voici de nouveau un magicien juif comme Simon. Remarquez encore que, tant que la parole de Dieu n'était prêchée qu'aux autres, il ne s'en indignait pas beaucoup, et qu'il ne s'émut que quand les apôtres vinrent chez le proconsul. Ce qu'il y a d'étonnant de la part du proconsul, c'est qu'étant prévenu par la magie, il voulut néanmoins entendre les apôtres. Ainsi firent aussi les Samaritains. La magie vaincue ne sert qu'à faire éclater davantage la vertu divine. Partout la vaine gloire et l'amour du commandement sont la cause de grands maux. « Mais Saul, qui est aussi appelé Paul, rempli de l'Esprit-Saint, le regarda, et lui dit : Homme, plein de toute ruse et de toute tromperie, enfant du diable, ennemi de toute justice, ne cesseras-tu pas de pervertir les voies droites du Seigneur? Et voici maintenant que la main du Seigneur est sur toi, tu seras aveugle, et ne verras pas le soleil jusqu'à un certain temps (Ac 13,9-11) ». Ici le nom de l'apôtre est changé après l'ordination, comme il est arrivé à Pierre. Remarquez que ce n'est pas là une injure, mais une sévère réprimande. En effet, c'est ainsi qu'il faut mettre à la raison les turbulents et les impudents. « Homme plein de toute ruse et de toute tromperie, ennemi de toute justice ». Ici Paul révèle le fond de la pensée de cet homme qui, sous prétexte de sauver le proconsul, le veut perdre. « Ne cesseras-tu pas de pervertir les voies du Seigneur? » Et il dit avec foi : Ce n'est pas à nous que tu fais la guerre, contre nous que tu combats, mais tu bouleverses les voies du Seigneur, les voies droites, ajoute-t-il avec éloge. « Et maintenant voici que la main du Seigneur est sur toi, et tu seras aveugle ». Paul veut le convertir par le même miracle qui a servi à le convertir lui-même. Et ce mot « jusqu'à un certain temps » n'était pas la parole de celui qui châtie, mais plutôt de celui qui convertit. Si c'eût été la parole de celui qui châtie, il l'eût rendu aveugle pour toujours. Mais au contraire il ne le frappe que pour un temps, et seulement pour gagner le proconsul. « Aussitôt l'ombre et les ténèbres tombèrent sur lui, et tournant de tous côtés, il cherchait quelqu'un qui lui donnât la main. Alors le proconsul, voyant ce qui était arrivé, crut, admirant la doctrine du Seigneur (Ac 13,12) ». Il convenait qu'un homme adonné à la magie fût instruit par ce châtiment: ainsi furent instruits par les pustules les magiciens de l'Egypte. Remarquez que les apôtres ne perdent pas de temps en cet endroit; dès que le proconsul a cru, ils ne se laissent point amollir par les flatteries et les honneurs, ils se remettent aussitôt à l'oeuvre et se transportent dans le pays au delà de la mer.

« Paul et les siens ayant mis à la voile, passèrent de Chypre à Perge de Pamphilie. Jean s'étant séparé d'eux, retourna à Jérusalem. Pour eux, après avoir traversé Perge, ils se rendirent à Antioche de Pisidie, et étant entrés dans la synagogue, ils s'assirent (Ac 13,13-14) ». Ils entraient toujours dans la synagogue, selon l'habitude des Juifs, pour n'être ni attaqués ni chassés; c'est avec cette prudence qu'ils menaient leur oeuvre à bonne fin. « Après la lecture de la loi et des prophètes, les princes de la synagogue envoyèrent vers eux, en disant : Hommes nos frères, si vous avez quelque discours d'exhortation pour le peuple, parlez (Ac 13,15) ». Ce sont maintenant les actes de Paul que nous apprenons à connaître; ceux de Pierre nous ont été assez exposés dans ce qui précède. Mais reprenons notre texte. « Lorsqu'ils furent arrivés à Salamine, dit l'auteur, ils annonçaient la parole de Dieu » dans la métropole de Chypre. Ils passèrent une année à Antioche. Il fallait en sortir, et ne pas y rester toujours; il fallait aux chrétiens d'Antioche de plus grands docteurs. Remarquez qu'ils ne perdent pas le temps à Séleucie, sachant que le voisinage d'Antioche avait déjà beaucoup profité aux (137) Séleuciens. Mais ils ont hâte d'aller où il y a urgence. Lorsqu'ils furent arrivés à la métropole de l'île, ils désiraient convertir le proconsul. Cette parole : « Etait avec le proconsul homme prudent », n'est pas une flatterie; et l'événement même vous l'apprend, car il n'eut pas besoin de nombreux discours, et il voulut aussitôt les entendre. L'auteur rapporte le nom des villes, pour montrer que, puisque les habitants avaient reçu la parole récemment, il était nécessaire de les encourager à persévérer dans la foi. C'est pour cela qu'ils y vont souvent. Voyez aussi que Paul ne dit rien au magicien, tant que celui-ci n'en donna pas l'occasion. Mais ils annonçaient seulement la parole. Voyant l'attention que les autres donnaient à la parole de Dieu, le magicien n'eut plus qu'une préoccupation, celle d'empêcher le proconsul d'être persuadé. Pourquoi l'apôtre ne fit-il pas un autre miracle? Parce qu'il n'y en avait pas de plus propre à prendre l'ennemi.

2802 2. Remarquez que la réprimande précède le châtiment. Il justifie d'avance la punition qu'il va lui infliger, en disant : « O homme plein de toutes sortes de ruses ! » c'est-à-dire, qui n'en néglige aucune. Et c'est avec justesse qu'il dit « de toutes sortes de ruses », le magicien rusait en effet : « fils du diable », car il faisait son oeuvre. « Ennemi de toute justice », la doctrine à laquelle il s'opposait était en effet de toute justice. Il me semble que Paul disait ces choses pour attaquer sa vie. Pour démontrer que ces paroles n'étaient pas inspirées par la colère, l'auteur dit auparavant: « Paul rempli du Saint-Esprit », c'est-à-dire de la force du Saint-Esprit. « Et maintenant, voici que la main du Seigneur est sur toi ». Ce n'était pas une vengeance, mais un remède. Comme s'il disait : Ce n'est pas moi qui agis, mais la main de Dieu; remarquez sa modestie : « Tu seras aveugle, et tu ne verras pas la lumière du soleil jusqu'à un certain temps ». Il lui dit cela pour lui donner lieu de se repentir. Les apôtres ne cherchaient pas à se signaler par la terreur, même en ne frappant que leurs ennemis. Ils usaient parfois de sévérité envers leurs disciples quand c'était nécessaire, mais jamais contre les étrangers, afin qu'on ne pût attribuer les progrès de leur oeuvre à la contrainte et à la terreur. La preuve de la cécité fut qu'il cherchait quelqu'un qui lui tendît la main. Le proconsul voit cette cécité, et aussitôt il croit, frappé d'étonnement, ajoute le texte. Il vit que ce n'étaient pas là des paroles et rien de plus, ni de purs prestiges. Voyez quel amour de la doctrine dans cet homme revêtu d'une dignité si haute ! Paul ne dit pas au mage : Vous ne cessez de pervertir le proconsul, mais «les voies du Seigneur » : ce qui était bien plus grand, et ne ressemblait en rien à une flatterie. Pourquoi Jean s'éloigne-t-il d'eux? L'auteur dit en effet : « Jean s'étant séparé d'eux, retourna à Jérusalem » ; parce qu'il redoutait un plus long voyage; il n'était cependant que ministre, et eux seuls s'exposaient au danger. Venant à Perge, ils ne font que traverser les autres villes, car ils se hâtaient d'arriver à la métropole, à Antioche. Voyez combien l'écrivain abrége. « Ils s'assirent »; dit-il, « dans la synagogue le jour du sabbat » ; comme pour préparer la voie à la parole. Ils ne parlent pas les premiers, mais on les invite et on les engage comme des hôtes à parler. S'ils ne fussent pas restés en cet endroit, ils auraient manqué l'occasion de parler ; c'est là que Paul prêche pour la première fois. Voyez sa prudence; là où la parole s'est répandue, il ne fait que passer; là où il n'y avait pas de disciple, il demeurait plus longtemps; il le dit lui-même lorsqu'il écrit : « Ainsi j'ai cherché à évangéliser là où n'a pas encore été nommé le Christ». (Rm 15,20) C'était là le fait d'un grand courage. Paul fut un homme admirable dès le commencement; crucifié, placé au premier rang, il savait de quelle grande grâce il était privilégié, il montra un zèle égal. Il ne s'irrita pas contre Jean, car il n'était pas à lui; mais il s'attachait à l'oeuvre de Dieu; il ne redouta rien, il ne craignit pas au milieu d'une immense multitude qui l'entourait. Remarquez comment la Providence fait que Paul ne prêche pas à Jérusalem; il suffit qu'on y soit instruit de sa conversion; mais la haine que les Juifs lui portaient, ne lui eût pas permis d'y prêcher. Il s'en va donc au loin, là où il n'est pas connu. Il confondit d'abord le magicien, et montra ce qu'était cet homme, et le prodige fit voir qu'il était tel que Paul avait dit. Ce miracle était l'image de l'aveuglement de son âme. Il est affligé pour un certain temps, afin qu'il fasse pénitence. Ils entrèrent à propos dans la synagogue, le jour du sabbat, lorsque les Juifs y étaient assemblés : « Et après la lecture de la loi et des prophètes, les princes de la (138) synagogue leur envoyèrent dire: «Hommes, nos frères, si vous avez quelque discours d'exhortation pour le peuple, parlez ». Remarquez qu'ils agissent alors sans nulle envie; après, il n'en fut plus de même. Vous auriez dû, ô Juifs, désirer plus que jamais entendre les apôtres, après les avoir entendus une fois. Mais, ô amour de la puissance, ô amour de la vaine gloire, comme tu perds et détruis tout ! Cette passion pousse les hommes à travailler contre leur propre salut et contre celui des autres; elle rend tellement infirme et aveugle, qu'il faut chercher des conducteurs. Plût au ciel qu'il en fût même ainsi ! Plût au ciel que les gens avides de vaine gloire cherchassent des conducteurs ! Mais ils ne souffrent pas qu'on les conduise, et ne s'en rapportent en tout qu'à eux-mêmes. Cet amour nous aveugle, il est devant les yeux comme un brouillard, et un nuage à travers lequel on ne saurait voir.

Quel moyen de défense aurons-nous, nous qui triomphons d'un vice par un autre vice, mais non par la crainte de Dieu? Exemple Beaucoup qui étaient libertins et avares, par la parcimonie ont vaincu le plaisir; d'autres, épris de la vaine gloire, ont triomphé de ces deux vices en dépensant sans économie, et en affectant une sagesse vaine ; d'autres, fort désireux de vaine gloire, font taire cette passion et affrontent le déshonneur, poussés par la convoitise et la cupidité; d'autres, pour assouvir leur fureur, subissent mille maux, et n'en ont aucun souci, pourvu qu'ils accomplissent leur volonté. Et ce que la passion humaine peut faire, la crainte. de Dieu ne le peut. Et que dis-je, la passion? Ce que peut le respect humain, la crainte de Dieu ne le peut faire. Nous: faisons beaucoup de bonnes oeuvres, comme nous commettons beaucoup de péchés par respect humain, mais nous ne craignons pas Dieu. Combien par honte ont dépensé leur fortune ? Combien, par une vaine ambition, n'ont pas servi leurs amis pour le mal ? Combien, par crainte pour leurs amis, ont commis mille péchés?

2803 3. Si donc la passion, et le respect humain peuvent nous porter aux péchés et aux bonnes oeuvres, c'est en vain que nous dirons : je ne peux pas; nous pouvons ce que nous voulons. Il faut que tous veuillent. Mais, dites-moi : Pourquoi ne pouvez-vous triompher de la vaine gloire, lorsque d'autres la vainquent, qui ont la même âme, le même corps, la même forme, et vivent de la même vie? Pensez à Dieu, pensez à la gloire d'en-haut, mettez-la en face des choses présentes, et aussitôt vous fuirez cette gloire vaine. Si vous désirez la gloire, soyez avide de la vraie gloire. Qu'est-ce que la gloire, lorsqu'elle engendre l'infamie? Qu'est-ce que la gloire, lorsque vous êtes forcé de rechercher les louanges de vos inférieurs, et que vous en avez besoin? C'est un honneur de jouir de la gloire qui vient de plus grand que soi. Si vous aimez vraiment la gloire, aimez celle qui vient de Dieu. Si, par amour de la gloire qui vient de Dieu, vous dédaignez celle qui vient des hommes, vous verrez combien celle-ci est méprisable. Tant que vous ne comprendrez pas cette gloire qui vient de Dieu, vous ne verrez pas combien la gloire qui vient des hommes est honteuse et ridicule. De même que ceux qui sont épris de l'amour d'une femme laide et méchante, tant qu'ils lui sont affectionnés, ne sauraient voir sa laideur, parce que la passion obscurcit leur jugement; de même, dans le cas présent, tant que nous sommes retenus par la passion, nous ne pouvons comprendre la grandeur du mal. Comment, direz-vous, nous en délivrerons-nous donc? Pensez à ceux qui ont dépensé de grands biens, sans en avoir retiré aucun fruit; pensez aux morts qui ont joui de cette gloire instable qui périt et s'évanouit; pensez que cette gloire en porte le nom seulement, et n'est pas la gloire elle-même. Qu'est-ce donc que la gloire, dites-le-moi, donnez m'en une définition ? C'est d'être l'admiration de tous, direz-vous. Justement ou injustement? Si c'est injustement, ce ne serait pas l'admiration, mais l'accusation, l'adulation, la calomnie ; si c'est justement, cela ne saurait être. Le peuple ne juge pas avec droiture; et il admire ceux qui servent ses désirs. Et, si vous le voulez, examinez ceux qui jettent leur fortune, aux courtisanes, aux cochers, aux danseurs. Mais nous ne parlons pas de ceux-là, dites-vous, nous parlons des hommes justes et droits, qui peuvent faire beaucoup de bien. Plût à Dieu qu'on voulût les admirer ! la pratique des bonnes oeuvres serait facile; mais il en est autrement. Qui maintenant a des louanges pour l'homme juste et droit? C'est le contraire qui arrive. Quoi de plus insipide que la justice, si pour prix de la justice, on attend les louanges de la foule ? C'est la même chose que si un excellent peintre, après avoir (139) fait le portrait d'un roi, recevait les louanges des ignorants. D'ailleurs, l'homme qui agit en vue de la gloire humaine, abandonnera bien vite la pratique de la vertu. En effet, s'il aspire aux louanges des hommes, il fait ce qu'ils veulent, et non ce qu'il voudrait lui-même. Que vous conseillerai-je donc? Je vous conseillerai de vous attacher à Dieu, de vous contenter de ses louanges, de faire tout ce qui lui plaît, de faire le bien, et de n'aspirer nullement aux louanges des hommes : car elles corrompent le jeûne, l'aumône et la prière, et rendent vaines toutes vos bonnes actions; pour n'avoir pas à essuyer ce dommage, fuyons cette passion. Ne visons qu'aux louanges de Dieu, à son approbation, et à la bonne renommée qui nous vient du Seigneur commun des hommes, de sorte qu'après avoir passé la vie présente dans la vertu, nous jouissions des biens promis avec ceux qui aiment Dieu, par la grâce et la bienveillance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui soient au Père et à l'Esprit-Saint, gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il !



Chrysostome sur Actes 2700