Chrysostome, Psaumes 125

PSAUME 126 (Vulgate 125)

125Ps 126 NV


"Lorsque le Seigneur a fait revenir ceux de Sion qui étaient captifs, nous avons été comblés de consolations." Une autre version porte: "Lorsque le Seigneur aura fait revenir ceux qui sont captifs, nous serons consolés." v. 1.

1. Le mot de captivité est simple dans son expression, mais il renferme des significations différentes. Il y a, en effet, une captivité désirable, celle dont saint Paul dit: "Réduisant tous les esprits en captivité dans l'obéissance de Jésus Christ." (2Co 10,5). Il y a une captivité qui est mauvaise et que le même apôtre dépeint en ces termes: "Ils entraînent après eux comme captives des femmes chargées de péchés." (2Tm 3,6). Il y a encore une captivité spirituelle dont parle Isaïe lorsqu'il dit: "Prêcher la délivrance aux captifs," (Is 61,1), et une captivité extérieure et sensible que les ennemis vainqueurs imposent aux vaincus; mais la première est mille fois plus dure. Ceux qui font des prisonniers en vertu des droits de la guerre, ont souvent des ménagements pour eux. Ils leur font transporter de l'eau, ou du bois, ou les chargent de donner aux chevaux leur nourriture, mais ils ne portent aucune atteinte à leur âme. Celui au contraire, qui est devenu l'esclave du péché a un maître impitoyable et cruel qui exige de lui les actions les plus déshonorantes. La tyrannie du vice ne connaît ni ménagements, ni compassion. Rappelez-vous, comme après avoir réduit en esclavage le malheureux et infortuné Judas, loin de l'épargner, elle en fit un traître et un sacrilège. Ce n'est pas tout: après qu'il eut consommé son crime, elle le fit paraître devant les Juifs, pour confesser sa faute, mais sans lui permettre de recueillir le fruit de son repentir; car avant qu'il en eut le temps, c'est elle qui lui inspira de se pendre. Oui, c'est un tyran cruel qui commande à ses esclaves des actions coupables et couvre d'ignominie ceux qui lui obéissent. Je vous en conjure donc, faisons tous nos efforts pour échapper à son empire, combattons ce tyran sans jamais nous réconcilier avec lui, et une fois délivrés de ses chaînes, sachons conserver notre liberté. Si ceux qui ont vu se briser les fers d'un peuple barbare, éprouvent une si douce consolation, quelle joie bien plus grande, quels transports d'allégresse devons-nous faire éclater, nous qui avons été délivrés de la captivité du péché ! Ce n'est pas assez, il faut conserver à jamais notre bonheur, en évitant de le perdre ou de le troubler par la rechute dans les mêmes fautes.
"Nous avons été consolés;" d'autres interprètes traduisent: "Nous avons éprouvé comme l'illusion d'un songe." Le texte hébreu porte: Chaolemim. Que veulent dire ces paroles: "Nous avons été consolés ?" Nous avons été remplis de calme, de joie et de plaisir. "Alors notre bouche a été remplie de joie, et notre langue d'allégresse." (Is 2). "Alors on dira parmi les nations: le Seigneur a fait pour eux de grandes choses." (Is 3). "Oui, le Seigneur a fait pour nous des prodiges." (Is 4). Voyez comme la joie d'être délivré de la captivité contribue à leur inspirer de meilleurs sentiments. Mais, me direz-vous, qui ne se réjouirait d'un si grand bienfait? Rappelez-vous la conduite de leurs ancêtres lorsqu'ils furent délivrés de la servitude d'Égypte, et qu'ils se virent en liberté. Par une souveraine ingratitude, ce bienfait signalé ne fit qu'exciter leurs murmures, leurs mécontentements, leurs plaintes. Il n'en est pas ainsi de nous, dit le psalmiste, nous sommes tout entiers aux transports de la joie la plus vive. Or, apprenez d'eux le sujet de leur joie. Ce n'est pas seulement, disent-ils, parce que nous avons été délivrés de nos chaînes, mais parce que tous les hommes connaîtront le soin providentiel que Dieu prend de nous. Alors, on dira parmi les nations: Dieu a fait de grandes choses en leur faveur, le Seigneur a fait pour nous des prodiges. Cette répétition a un but, c'est de faire ressortir l'excès de leur allégresse. Ce sont les nations qui parlent dans le premier membre de phrase; dans le second, ce sont les Juifs eux-mêmes. Or, remarquez qu'ils ne disent pas: Dieu nous a sauvés, ou il nous a délivrés; mais: "Il a fait pour nous de grandes choses." Ils veulent par là faire comprendre la grandeur des prodiges extraordinaires opérés en leur faveur. Vous voyez, et je vous l'ai dit souvent, que Dieu se servait de ce peuple pour instruire tout l'univers, soit qu'il fût emmené en captivité, soit qu'il revint de la terre d'exil. Son retour fut pour le monde entier comme une prédication. Le bruit de ce retour se répandait partout et rendait sensible aux yeux de tous la Bonté de Dieu qui avait opéré en faveur des Juifs des prodiges vraiment extraordinaires. En effet, Cyrus qui les retenait captifs, leur rendit la liberté, sans qu'il en fût prié, et en cédant à l'inspiration de Dieu qui avait touché son coeur. Et, non content de les renvoyer dans leur patrie, il les combla de ses dons et de ses largesses. "Nous en sommes remplis de joie." "Seigneur, faites revenir nos captifs; comme le torrent dans les plaines du midi." (Is 4). Comment le psalmiste a-t-il pu dire au commencement du psaume: "Lorsque le Seigneur a fait revenir les captifs;" et ici: "Faites revenir?
C'est qu'il annonce ce retour comme un événement futur. Cette explication se trouve confirmée par une autre version qui porte non pas: "Lorsqu'il faisait revenir," mais: "Quand il fera revenir." Le retour ne faisait que commencer, et ne s'accomplit point tout d'un coup; car il y eut plusieurs retours, et on en compte jusqu'à trois.

12502 2. Outre cette explication, on peut encore dire que le prophète demande à Dieu que la délivrance soit pleine et entière. Un grand nombre de Juifs, en effet, voulaient demeurer dans ces contrées barbares, il désire donc vivement de voir s'accomplir cette délivrance, et il s'écrie: "Seigneur, faites revenir nos captifs, comme le torrent dans les plaines du midi." C'est-à-dire, en nous pressant, en nous poussant, avec une espèce de violence et une grande impétuosité. C'est cette même pensée qu'expriment d'autres interprètes en traduisant, l'un: "Comme des cours d'eau," l'autre: "Comme des canaux," un troisième: "Comme une eau qui s'écoule." "Ceux qui sèment dans les larmes, moissonneront dans la joie." (Is 5). Le psalmiste parle ici des Juifs, toutefois ces paroles trouvent leur application dans beaucoup d'autres circonstances. La vertu peut compter en échange de ses travaux sur de magnifiques récompenses. Mais le travail, la souffrance doivent précéder le temps du repos. Cette vérité s'applique même à toutes les circonstances de la vie présente; c'est pour cela que le prophète y fait allusion dans son discours en prenant pour exemple le temps de la semence et celui de la moisson. Le laboureur qui sème doit supporter les travaux, les fatigues, les ardeurs du soleil comme les rigueurs de la saison. Il en est de même de celui qui veut pratiquer la vertu. L'homme est de tous les êtres celui qui est le moins fait pour le repos. Voilà pourquoi Dieu a voulu que la voie qui conduit à la vertu fût étroite et difficile. Mais ce n'est pas seulement à la vertu que le travail et la peine se trouvent attachés, toutes les professions de la vie y sont soumises et à un bien plus haut degré; celui qui sème comme celui qui bâtit, le voyageur, le charpentier, l'artisan, tout homme en un mot qui veut faire quelque profit, doit se résigner à une vie de travail et de fatigues. De même que les semences ont besoin des plaies pour être fécondes, les larmes nous sont également nécessaires. La terre encore, demande à être labourée, déchirée par le soc de la charrue, ainsi le soc des tentations et des tribulations doit labourer l'âme chrétienne, pour l'empêcher de produire de mauvaises herbes, amollir sa dureté et modérer les saillies de son orgueil. La terre elle-même, si elle n'est cultivée avec le plus grand soin, ne peut produire aucun fruit. Le prophète en parlant de la sorte, veut que les Juifs se réjouissent non seulement du retour de la captivité, mais de la captivité elle-même, et qu'ils rendent également grâces à Dieu pour ces deux événements; dont l'un est figuré par le temps de la semence, l'autre par celui de la moisson.
Ceux qui sèment dans le travail et les larmes, leur dit-il, recueillent ensuite le fruit de leurs peines. Ainsi, quand vous fûtes emmenés en captivité, vous étiez semblables à ceux qui répandent la semence. Vos jours étaient des jours de peines, de tourments et de tribulations, vous étiez exposés aux rigueurs de l'hiver, aux tempêtes, à la guerre, aux pluies, aux frimas, et vous répandiez des larmes abondantes; car les larmes sont pour les âmes affligées ce que les pluies sont pour les semences. Mais aujourd'hui, poursuit-il, vous avez reçu la récompense de tant de travaux. Lors donc que le prophète ajoute: "Ils marchaient et s'en allaient en pleurant, en jetant leur semence; mais ils reviendront avec des transports de joie, en portant leurs gerbes dans leurs bras," il ne veut point parler de la semence du blé, mais des événements de la vie, et il nous apprend à ne point nous attrister au milieu des tribulations. Le laboureur qui sème ne se laisse point aller à la tristesse, malgré les fatigues sans nombre qu'il lui faut endurer, parce qu'il a devant les yeux l'espérance d'une riche et abondante moisson. Que celui donc qui est dans l'affliction, ne se laisse point abattre quelle que soit la grandeur de ses épreuves, mais qu'il se console dans l'attente de la moisson, et dans l'espérance des nombreux avantages dont l'affliction sera pour lui la source. Soyons nous-mêmes pénétrés de ces vérités et rendons également grâces à Dieu de la tribulation, comme du calme et du repos qu'il nous donne. Les événements de la vie sont divers, mais ils tendent tous à une même fin, comme la semence et la moisson. Supportons donc les afflictions avec courage, avec reconnaissance, jouissons du repos et du bonheur en rendant gloire à Dieu. Nous mériterons ainsi d'obtenir les biens éternels par la Grâce et la Bonté de notre Seigneur Jésus Christ à qui soient la gloire et le règne dans les siècles des siècles. Amen.


PSAUME 127 (Vulgate 126)

126Ps 127 NV


"Si le Seigneur ne bâtit Lui-même la maison, ceux qui la construisent auront travaillé en vain. Si le Seigneur ne garde la ville, en vain la sentinelle veille pour la garder. v. l. C'est en vain que vous devancez l'aurore pour vous lever. Levez-vous après que vous vous serez reposés." (Ps 2).

1. Ce psaume a pour objet l'état des Juifs après le retour de la captivité. Lorsque la liberté leur fut rendue et qu'ils revinrent de ces contrées lointaines, ils trouvèrent leur ville tout en ruines, ses murailles et ses tours renversées. Ils entreprirent donc de les relever, mais ils se virent attaqués de tous côtés par des ennemis, jaloux de leur bonheur et qui craignaient de les voir réussir. D'ailleurs ces constructions avançaient très lentement, et elles durèrent tant de temps qu'on mit plus de quarante années à reconstruire le temple, au témoignage des Juifs qui disent au Sauveur: "On a mis quarante-six ans à bâtir ce temple." (Jn 2,20). Ils ne veulent point parler du premier temple qui fut construit par Salomon, mais de celui qui fut rebâti après qu'ils furent délivrés de la domination des Perses. En présence de ce long espace de temps qu'exigeait la reconstruction de la ville, du temple et des murs car la reconstruction de la ville seule dura un nombre considérable d'années), le prophète enseigne aux Juifs à recourir à Dieu, en leur montrant l'inutilité absolue de leurs efforts; s'ils ne parviennent à attirer sur eux le secours divin.
Sans la protection divine, leur délivrance était impossible; sans cette même protection, il leur est également impossible de relever leurs murailles. Que dis-je, qu'ils ne peuvent ni relever leurs remparts, ni reconstruire leur ville? Fût-elle entièrement terminée et toutes ses constructions achevées, il leur est impossible de la garder sans l'assistance divine. En leur tenant ce langage, le prophète leur donne les raisons les plus fortes pour leur persuader de mettre de nouveau leur confiance en Dieu, et de ne point L'oublier au milieu de la prospérité. C'est pour prévenir cet oubli que Dieu ne leur prodigua point tous ses biens d'une seule fois; Il ne les leur accordait que peu à peu et par partie, de peur qu'une délivrance trop prompte ne les fit retomber dans leurs anciennes iniquités. Et lors même qu'Il répandait sur eux ses bienfaits, Il ne cessait de les avertir, et les fréquentes attaques de leurs ennemis avaient pour but de réveiller leur négligence et leur tiédeur. Les paroles du psalmiste doivent donc être prises dans un sens général, bien qu'il les ait dites à l'occasion de cette circonstance particulière. Il faut nous les appliquer à tous non point pour autoriser notre négligence et notre tiédeur, mais pour nous déterminer à faire tout ce qui dépend de nous, et à tout remettre ensuite entre les Mains de Dieu, et à placer constamment en Lui toutes nos espérances. Sans l'assistance divine nous ne pouvons réussir en rien; de même, si nous ne répondons au secours de Dieu que par la négligence et l'oisiveté, le succès nous sera également refusé. "C'est en vain que vous vous levez avant le jour; levez-vous après que vous vous serez reposés." Suivant une autre version: "C'est en vain que vous tardez à vous reposer." Suivant une autre: "Que vous différez à vous reposer." Voici le sens de ces paroles: Vous avez beau multiplier vos veilles, vous lever de grand matin, retarder le moment de votre sommeil, passer tout votre temps dans le travail et la souffrance, sans le secours d'en haut, ces efforts purement humains n'aboutiront à rien et vous ne retirerez aucune utilité de tant de peines. "Vous qui mangez d'un pain de douleurs." Il dépeint ici la vie pénible des Juifs qui reconstruisaient leur ville, revêtus de leurs armes. D'une main ils portaient la corbeille ou des pierres, et de l'autre leur épée, se partageant ainsi pour construire et pour combattre, et chargés à la fois de leurs armes et des matériaux de construction. Comme la ville, en effet, était sans murailles et sans défense et qu'ils craignaient à chaque instant d'être attaqués à l'improviste par leurs ennemis, ils étaient obligés d'être revêtus de leurs armes en relevant les murs de la ville. On voyait là les épées, les boucliers, les glaives, et des sentinelles étaient placées au loin pour donner le signal de l'irruption soudaine des ennemis, et sonner de la trompette à leur première approche. Mais malgré toutes ces précautions, et bien que vous vous nourrissiez d'un pain de douleurs, tous vos efforts seront inutiles si vous n'attirez sur vous la protection de Dieu. Or, si cette protection leur était si nécessaire pour rebâtir leur ville et relever ses murailles, combien plus nous est-elle indispensable pour marcher dans la voie qui conduit au ciel? "Après que Dieu aura donné le sommeil à ses bien-aimés. "Voilà quel sera l'héritage du Seigneur, des enfants." (Jn 3). Comment ces paroles se rattachent-elles à ce qui précède? Le voici, et la liaison est vraiment admirable. Si Dieu nous refuse son secours, dit le prophète, tout est perdu sans retour; mais s'Il nous l'accorde, notre sommeil est plein de douceur, noire vie calme, exempte de tout danger, et notre tranquillité parfaite.

12602 2. Lors donc que Dieu leur aura donné le sommeil et le repos et qu'il aura repoussé les attaques de leurs ennemis, non seulement alors ils pourront rebâtir leur ville et la garder sûrement, mais ils recevront des biens beaucoup plus précieux encore, ils deviendront les pères de nombreux enfants, et une brillante postérité croîtra sous leurs yeux. "La récompense du fruit de leurs entrailles." Suivant une autre version: "Leur récompense sera le fruit de leurs entrailles." C'est-à-dire qu'ils recevront pour récompense de nombreux enfants. Car, bien que ce soit l'oeuvre de la nature, la protection de Dieu vient augmenter sa fécondité. La nature, en effet, ne peut se passer du secours de Dieu, et c'est à Lui que la ville de Jérusalem devra la multitude de ses habitants.
Et toutefois leur bonheur ne se bornera pas à rebâtir la ville de Jérusalem, à la garder contre ses ennemis, à voir leurs enfants se multiplier, d'autres biens leur sont réservés. Quels sont-ils? les voici: "Telles sont les flèches dans les mains d'un homme fort, tels sont les enfants de ceux qui ont été éprouvés par l'affliction." (
Jn 4). Suivant une autre version: "De ceux qui ont été enchaînés." C'est-à-dire non seulement ils seront en sûreté dans l'enceinte de leurs murailles et dans l'intérieur de leur ville fortifiée, non seulement leur postérité sera nombreuse, mais ils deviendront redoutables à leurs ennemis, et redoutables comme des flèches. Ce n'est pas assez pour lui de dire: comme des flèches, il ajoute: "Comme des flèches dans la main des hommes forts" En effet les flèches ne sont point redoutables par elles-mêmes, elles ne sont à craindre que lorsque lancées par une main vigoureuse, elles portent avec elles une mort certaine. C'est ainsi qu'ils seront eux-mêmes redoutables. De qui le psalmiste veut-il parler? "Des enfants de ceux qui ont été éprouvés dans l'affliction." C'est-à-dire de ceux qui ont été réduits à la dernière faiblesse et chargés des fers de l'esclavage. Il ne cesse de leur mettre sous les yeux, au temps de leur prospérité, le souvenir de leurs malheurs passés. Rien n'est plus propre en effet à leur inspirer de meilleurs sentiments que le souvenir de leurs épreuves, la vue de leur délivrance; et l'espérance des biens qu'ils attendent. "Heureux l'homme qui voit ses désirs accomplis en eux, ils ne seront point confondus, lorsqu'aux portes de la ville, ils répondront à leurs ennemis." (Jn 5). Une autre version porte: "Heureux celui qui en remplira son carquois." C'est-à-dire qu'ils auront à la fois en partage la force du corps, une vigueur redoutable à leurs ennemis, une belle et nombreuse postérité, une paix assurée, la splendeur de la cité, la victoire et les triomphes dans les combats. Aussi, le psalmiste proclame-t-il heureux ceux à qui est réservée cette félicité. Ils seront, dit-il, revêtus d'armes invincibles. Mais là ne se bornera point leur bonheur, Dieu les préservera de toute confusion. Ils ne seront point confondus, lorsqu'aux portes de la ville ils répondront à leurs ennemis: Quel est ce nouvel avantage? C'est pour eux le sujet d'une gloire sans égale, d'une éclatante splendeur, d'une félicité souveraine. On ne leur reprochera plus que Dieu n'a pris aucun soin d'eux, ou qu'ils ont eu pour protecteur un Dieu impuissant, ou que leurs péchés ont entravé l'action de sa providence toute-puissante. Leur ville, son enceinte, la sûreté dont jouissent ses habitants, leurs nombreux enfants, leurs armes, leur puissance, contribueront à les couvrir de gloire. Loin d'avoir à rougir devant leurs ennemis, ils marcheront courageusement à leur rencontre, pleins de confiance, d'ardeur et de fierté, à la vue de la protection dont Dieu ne cesse de les environner. En effet, le comble du bonheur et de la félicité pour eux, c'est d'avoir pour ornement la protection de Dieu. Le prophète termine ce psaume par cette pensée pour nous apprendre à tous à rechercher cet ornement et à y placer toute notre gloire. Que ce soit là le but de nos efforts, afin que nous puissions mériter les biens éternels par la Grâce et la Bonté de notre Seigneur Jésus Christ, à qui soit la gloire avec le Père et l'Esprit saint dans les siècles des siècles. Amen.




PSAUME 128 (Vulgate 127)

127Ps 128 NV

"Heureux tous ceux qui craignent le Seigneur." v. 1.,

I. Le prophète, remarquez-le, commence ce psaume par la même pensée qui a terminé le précédent. (cf 126,5). Il proclamait bienheureux ceux qui n'avaient à craindre aucune confusion, et dont Dieu était le protecteur et l'appui, et il donne pour exorde à ce psaume la même vérité: "Heureux tous ceux qui craignent le Seigneur." Les Juifs sont comme le point de départ du psalmiste, mais sa proposition est générale. Rien de plus juste, en effet, que cette expression: "Tous ceux qui craignent le Seigneur." C'est-à-dire que tout homme, quel qu'il soit, maître ou esclave, pauvre ou privé de quelqu'un de ses membres, peut sans difficulté parvenir à ce bonheur dont il parle. Il est un autre bonheur faux et mensonger trop vanté par un grand nombre, et que le concours réuni d'une multitude d'éléments peut à peine garantir; et si un seul de ces éléments vient à faire défaut, on n'est point heureux, même aux yeux des hommes. Voici par exemple un homme qui a la richesse en partage, cela ne suffit pas pour son bonheur s'il n'a en même temps la santé. Ou bien s'il est riche, mais qu'il n'ait pas l'usage de quelqu'un de ses membres, son bonheur est encore imparfait et il est plus misérable que les indigents.
Combien de riches dont la vie est une lutte incessante avec les maladies, et qui estiment heureux ceux qui parcourent les rues en demandant leur pain, et qui se regardent comme les plus malheureux des hommes au milieu de leurs immenses richesses. Supposons maintenant un homme qui joint la santé aux richesses ! mais à qui la gloire fait défaut; nouvel obstacle à son bonheur. Il en est beaucoup, en effet, qui ont à la fois une immense fortune et une santé florissante, mais pour qui la vue de ceux qui occupent les premières places dans les armées ou dans l'État sont un supplice intolérable. Ils regardent comme le comble de l'infortune d'être exclus de tous les honneurs et obligés d'obéir à ceux qui souvent sont beaucoup moins riches que leurs propres esclaves.
Réunissez maintenant sur une seule tête les honneurs, les richesses, la santé, mais sans aucune sécurité. Cet homme est exposé à la fois à d'innombrables embûches, à l'envie, à la malveillance, à la haine, aux accusations, aux calomnies; dites-moi, n'est-il pas le plus infortuné des mortels, passant sa vie à trembler comme un lièvre, se défiant d'une ombre, et ne voyant dans tous les hommes qu'un sujet de crainte et d'effroi? Mais il a su échapper à tous ces chagrins, il est aimé de tous ses semblables, tout lui arrive à souhait, la gloire, les richesses, la sécurité, les honneurs, choses que l'on ne voit jamais, mais que nous supposons réunies dans un seul homme; il posséde donc tous les éléments de bonheur, rien ne s'oppose à ses desseins, il a tout ensemble la faveur du peuple, la santé du corps, une sécurité parfaite, il est à l'abri de toutes les attaques. Et cependant, avec tout cela, il ne faudra qu'une méchante femme pour le rendre plus malheureux que ceux qui sont privés de tous ces avantages. Mais non, sa femme est parfaite et selon ses désirs, ses enfants seulement sont vicieux, il est encore le plus infortuné des hommes. Ou bien, il n'a point d'enfants, nouvelle source de chagrins et de larmes. C'est-à-dire de quelque côté qu'on se tourne sur la terre, on ne voit que précipices. Pourquoi donc prolonger cette énumération? Un méchant serviteur suffit souvent pour tout bouleverser, pour tout confondre, et rien n'est plus incertain que de placer sa gloire dans les hommes.
Il n'en est pas ainsi de celui qui craint Dieu; délivré des flots agités du monde, il jouit d'un calme pariait comme dans un port assuré, et goûte les fruits du véritable bonheur. Aussi le psalmiste laisse de côté tout le reste pour ne s'attacher qu'à proclamer le bonheur de celui qui craint Dieu. La félicité de la terre exige comme condition de son existence le concours de tous ses éléments réunis, et alors même elle est souvent ébranlée par les choses qui ont servi à la former. Combien de fois n'a-t-on pas vu les richesses devenir une cause de ruine, la mort frappe une épouse éclatante de beauté, des serviteurs traîtres à leur maître, des fils parricides? En un mot, comme je l'ai dit, tout sur la terre n'est qu'incertitude et déception. Mais pour le bonheur de celui qui craint Dieu, réunissez contre lui tous les événements contraires, loin d'en recevoir la moindre atteinte, il n'en deviendra que plus fort et plus durable, oui, supposez la pauvreté, l'ignominie, un corps mutilé, une épouse querelleuse, des enfants vicieux, enfin tout ce que vous voudrez, rien n'est capable d'abattre ou d'ébranler cette félicité. Elle ne dépend point des événements de la terre, et n'a rien à craindre de leurs vicissitudes; sa racine est dans les cieux, et c'est ce qui la rend inébranlable. Prouvons, si vous le voulez, cette vérité par quelques exemples. Joseph n'était-il pas esclave, sur une terre étrangère, exilé loin de sa patrie, vendu aux barbares, aux Sarrasins d'abord, et puis aux Égyptiens plus cruels? N'était-il pas regardé et accusé comme adultère, indignement calomnié, jeté dans une prison, chargé de fers? Quelle atteinte reçut-il de toutes ces épreuves? Elles ne firent que contribuer à son bonheur. Voilà, en effet, ce qu'il y a d'admirable: loin de compromettre sa félicité, ces épreuves lui donnèrent un nouvel éclat, une nouvelle splendeur; car, sans ce concours de circonstances malheureuses, Joseph ne fût jamais parvenu à un si haut degré de prospérité.

12702 2. Citons maintenant, si vous le voulez, l'exemple de ceux qui étaient le plus enfoncés dans le vice, et que l'on vit se convertir tout d'un coup et se dépouiller de toutes leurs iniquités. Quoi de plus misérable que le larron? et cependant un instant suffit pour en faire le plus heureux des hommes. Il était coupable de meurtres multipliés, puisqu'il était condamné au supplice de la croix et conduit à la mort; tous se réunissaient pour l'accuser, toute sa vie, toutes ses années n'avaient été qu'un long tissu de crimes, mais dans un seul instant il ouvrit son coeur à la crainte de Dieu, et il parvint au véritable bonheur. (Lc 23). Voyez encore cette femme pécheresse qui faisait trafic de sa beauté et s'abandonnait à toutes les infamies; elle était la plus malheureuse des créatures, mais elle recouvra le bonheur avec la crainte salutaire de Dieu. Il n'est point de crime que la crainte de Dieu ne puisse effacer. Présentez au feu le fer le plus courbé, le plus couvert de rouille, Il je rendra clair et brillant, enlèvera toute la rouille, et fera disparaître entièrement tout ce qu'il y avait de tortueux. Voilà les prodiges que la crainte de Dieu accomplit en un seul instant, et ceux qui en sont pénétrés sont invulnérables à tous les événements de la terre. Dites-moi, est-ce que Timothée n'était point d'une constitution faible, sujet à des maladies et à des souffrances continuelles? Fut-il cependant un homme plus heureux? Et que direz-vous de Job? N'était-il pas réduit à la dernière misère, privé de ses enfants, dévoré dans son corps par d'affreux ulcères, en butte aux reproches, aux outrages, aux insultes, en proie à la faim et à tous les maux qui peuvent accabler l'humanité? Et malgré ces rudes épreuves, il était le plus heureux des hommes. Loin de l'accabler, elles ne firent que l'affermir davantage. Sa femme elle-même vint mettre le comble à ses maux en le poursuivant de ses invectives, et elle ne fit que faire éclater davantage sa vertu.
C'est à la vue de ces merveilles que le prophète s'écrie: "Heureux tous ceux qui craignent le Seigneur, et qui marchent dans ses voies." Ne croyez pas, semble-t-il dire, qu'il suffise d'avoir la crainte de Dieu, il faut encore marcher dans ses voies, et c'est pour cela qu'il réunit deux choses: la crainte et les oeuvres. Il en est beaucoup, en effet, dont la foi était parfaite, mais la vie criminelle et qui ont été les plus malheureux des hommes. C'est donc pour ne point exposer ses paroles au démenti qu'elles recevraient de ces exemples qu'il ajoute: "Qui marchent dans ses voies." Or, quelles sont les voies de Dieu, si ce n'est une vie conforme aux inspirations de la vertu? Elle est le chemin le plus sûr pour monter au ciel, entrer dans la cité de Dieu, et voir Dieu Lui-même autant qu'il est possible à l'homme de contempler son visage. Il appelle ces voies les voies de Dieu, parce qu'elles conduisent sûrement dans le ciel et jusqu'à Dieu. Et il n'a point dit, la voie, mais "les voies"; pour nous apprendre qu'elles sont nombreuses. Dieu les a multipliées, afin que leur grand nombre nous permit d'y marcher avec plus de facilité. En effet, parmi les hommes, il en est qui se distinguent par la pratique de la virginité, d'autres qui mènent une vie sainte dans le mariage, d'autres enfin se sanctifient dans le veuvage. Ceux-ci se dépouillent de tous leurs biens, ceux-là n'en abandonnent qu'une partie; les uns ont toujours suivi la voie droite, les autres y sont rentrés par la pénitence. Vous le voyez, Dieu vous a ouvert un grand nombre de voies pour vous rendre le choix plus facile. Vous n'avez pu conserver à votre corps la pureté du baptême; mais vous pouvez lui rendre cette pureté par la pénitence, par le bon emploi de vos richesses, par vos aumônes. Vous n'avez point d'argent; vous pouvez au moins visiter les malades, porter des consolations aux prisonniers, offrir un verre d'eau froide, pratiquer l'hospitalité, donner deux oboles à l'exemple de la veuve, (Lc 21) gémir des souffrances des affligés, car c'est là aussi faire l'aumône. Mais vous êtes dans la dernière détresse, et votre corps est si faible que vous ne pouvez vous remuer. Supportez avec courage et action de grâces cette triste situation, et une grande récompense vous est assurée.
C'est en cela que la conduite de Lazare fût admirable. Il n'assista personne de ses aumônes; comment l'aurait-il fait, lui qui manquait même du nécessaire? Il ne descendit point dans les prisons, il ne pouvait même se lever et se tenir debout. Il ne visita aucun malade; comment l'eût-il pu faire, lui dont les chiens venaient lécher les ulcères? Et cependant il obtint la magnifique récompense de la vertu, pour avoir supporté courageusement ses souffrances, pour avoir vu sans proférer le moindre murmure ce riche inhumain passer sa vie dans les honneurs et les plaisirs, tandis que lui était plongé dans un abîme de maux. Voilà pourquoi Abraham reçut dans son sein ce pauvre qui ressemblait plutôt à un mort qu'à un homme vivant, et dont la vie s'était écoulée inutile en apparence sous les portiques du riche, où il était étendu. Il fut proclamé vainqueur, reçut la même couronne que ce patriarche qui s'était rendu célèbre par tant d'actions éclatantes, et fut accueilli dans son sein. Cependant il n'avait fait aucune aumône, défendu aucun opprimé; il n'avait pratiqué ni l'hospitalité, ni aucune autre oeuvre semblable; il s'était contenté de rendre grâces à Dieu au milieu de ses souffrances, et il avait ainsi mérité la brillante couronne réservée à la patience. C'est une grande chose en effet que l'action de grâces, la sagesse et la patience, qui lutte contre des souffrances si nombreuses et si vives. C'est la vertu portée jusqu'à l'héroïsme. C'est cette vertu qui fut couronnée dans Job, et qui faisait dire au démon: "L'homme donnera peau pour peau et il abandonnera tout pour sauver sa vie; mais étendez ta Main, et frappe sa chair." (Jb 11,4-5). Rien de plus cher en effet que d'imposer un frein à son âme en proie à la douleur, pour la préserver de tout péché. C'est un sacrifice comparable au martyre, c'est la plus méritoire de toutes les oeuvres.

12703 3. Vous donc aussi, mon bien-aimé frère, lorsque vous êtes éprouvé par les maladies, par les fièvres, par les souffrances, et que la douleur est sur le point de vous arracher un blasphème, sachez vous maîtriser, remerciez Dieu, rendez-lui gloire, et la même récompense vous est assurée. Car pourquoi proférez-vous ces blasphèmes et ces paroles arrières? En recevez-vous quelqu'adoucissement à votre douleur? Quand même elle en deviendrait moins cuisante, vous ne devriez point vous permettre cette audace, et sacrifier le salut de votre âme au soulagement de votre corps. Mais bien loin d'en être adoucie, votre douleur n'en devient que plus vive. En effet, lorsque le démon voit qu'il a réussi à vous faire tomber dans les blasphèmes, il attise le feu qui vous dévore, il rend votre douleur plus insupportable pour vous amener à faire ce qu'il désire. Je le répète, quand même vos souffrances en seraient adoucies, vous ne devriez point vous permettre ces blasphèmes, mais puisque vous n'en retirez aucun profit, pourquoi vous donner ainsi gratuitement la mort? Ne pouvez-vous garder le silence? Rendez donc grâces à Dieu, et sachez glorifier Celui qui vous éprouve dans la fournaise de la souffrance. Au lieu de blasphémer Dieu, que votre bouche célèbre ses louanges. Vous mériterez ainsi une grande récompense et un adoucissement certain à vos douleurs. C'est ce que faisait le saint homme Job, lorsqu'il disait: "Dieu a donné, Dieu a ôté." (Jb 1,21). Et encore: "Si nous avons reçu les biens de la Main de Dieu, pourquoi ne pas en recevoir les maux ?" (Jb 2,10)
Mais, me direz-vous, il ne m'a jamais donné de richesses? Votre blessure en est moins profonde. Il est bien plus pénible, en effet, de se voir dépouillé des richesses qu'on possède, que de vivre dans la pauvreté sans avoir jamais rien perdu. Un grand nombre de pauvres, en comparant leurs infortunes aux souffrances des autres, se regardent comme beaucoup plus malheureux par ce rapprochement. Mais, quand laissant de côté les autres, on ne se compare qu'avec soi-même, la douleur est d'autant plus profonde que le souvenir de la jouissance rend plus vif le sentiment de la privation actuelle. Ainsi il est beaucoup moins pénible de n'avoir jamais d'enfants que de perdre ceux que Dieu nous a donnés. En effet, il y a une grande différence entre ne point recevoir, et perdre ce qu'on a reçu. Supportez donc courageusement tout ce qui peut vous arriver, c'est là pour vous un vrai martyre. Lorsqu'on commande à un homme de sacrifier aux idoles, ce n'est pas le refus de sacrifier qui fait le martyre, mais le supplice sanglant qui est la conscience de ce refus. Ainsi lorsque la douleur met sur vos lèvres le blasphème, ce qui fait de vous un martyr, c'est la patience avec laquelle vous supportez vos souffrances plutôt que de laisser échapper une seule parole injurieuse à Dieu. Pourquoi Job fut-il couronné? Ce n'est pas pour avoir refusé de sacrifier aux idoles sur l'ordre qui lui en était donné; mais parce qu'il a supporté son infortune avec un courage inébranlable. Paul lui-même a été proclamé vainqueur en récompense des coups de fouet, des tribulations, et de toutes les autres épreuves qu'il a endurées en rendant grâces à Dieu.
"Vous mangerez le fruit des travaux de vos mains, vous serez heureux et tout vous réussira." (Jb 2). Pourquoi donc proclame-t-il de nouveau ce bonheur? Parce qu'il en connaît et qu'il aime à en contempler la grandeur. Et que signifient ces paroles: "Tout lui réussira. Votre épouse sera comme une vigne abondante dans les coins de votre maison." (Jb 3). Suivant une autre version: "Dans l'intérieur." Suivant une autre: "Dans les endroits les plus retirés de votre maison." Vos enfants seront autour de votre table comme de jeunes plants d'olivier. C'est ainsi que sera béni l'homme qui craint le Seigneur." (Jb 4). Que dites-vous, je vous prie? voilà donc l'objet de ce bonheur et les avantages que vous lui promettez? L'abondance intérieure, la jouissance paisible de ses travaux, une épouse féconde, une nombreuse famille? Non, tous ces biens n'arrivent que comme accessoires: "Cherchez le royaume de Dieu, nous dit le Sauveur, et le reste vous sera donné comme surcroît." (Lc 12,31). Le prophète s'adressait à des âmes encore imparfaites, et il les instruit comme des enfants par des choses sensibles; n'en soyez pas surpris. Saint Paul, au temps où il prêchait une sagesse si sublime, était oblige de tenir ce langage aux âmes encore rampantes qu'il instruisait, à plus forte raison le psalmiste prophète. Et dans quelles circonstances saint Paul parle-t-il de la sorte? Dans une multitude d'endroits. Quand il traite de la virginité, il ne dit rien des avantages qu'elle réserve à ceux qui la pratiquent, il ne parle que de l'affranchissement des embarras du mariage. (1Co 7,28). Il tient la même conduite lorsqu'il parle de l'honneur dû aux parents: "C'est, dit-il, le premier commandement auquel Dieu ait joint une promesse. Quel est ce commandement: Honorez votre père et votre mère afin que vous viviez longtemps sur la terre." (Ep 6,2). Lorsqu'il recommande la longanimité à l'égard des ennemis, il propose encore une récompense sensible: "En faisant cela, dit-il, vous amasserez des charbons ardents sur leur tête." (Rm 12,20). Jésus Christ n'en use pas ainsi, Il recommande la virginité et lui montre en perspective le royaume des cieux. (Mt 19,12); lorsqu'il fait un précepte de l'amour des ennemis, Il nous promet que nous serons semblables à Dieu, autant que les hommes peuvent le devenir. (Mt 5,44-45). Déjà dans l'Ancien Testament, où les hommes étaient instruits par des objets sensibles, les âmes plus élevées se conduisaient par des considérations plus sublimes. De là ces paroles de saint Paul: "Tous ces saints sont morts dans la foi, n'ayant point reçu les biens que Dieu leur avait promis, mais les voyant et les saluant de loin." (He 11,13). Gardons-nous donc de croire que la seule récompense de ceux qui craignent Dieu, soit la jouissance des biens de la terre, une épouse, des enfants, la prospérité dans les affaires domestiques. Ce sont là des récompenses accessoires et surajoutées. Les biens premiers et essentiels, c'est d'abord la crainte de Dieu, vertu qui porte avec elle sa récompense, et ensuite ces biens ineffables que l'oeil n'a point vus, que l'oreille n'a pas entendus, et que le coeur de l'homme n'a pas compris. "Que le Seigneur vous bénisse de Sion, afin que vous contempliez les biens de Jérusalem." (He 5). Une autre version porte: "Voyez Jérusalem dans les biens." Ces biens, sont la jouissance de la cité, les richesses, la gloire, les lumières, la prospérité, l'abondance, la paix et la sécurité.

12704 4. "Tous les jours de votre vie." Rien de plus juste que ces paroles: "Tous les jours de votre vie." La plus grande marque que Dieu était l'auteur de ces dons, et la preuve la plus éclatante de sa Providence, c'est qu'ils seraient à l'abri de tout événement fâcheux, de tout désastre, de toute vicissitude, tant que l'indignation de Dieu n'aurait pas elle-même interrompu le cours de ses bienfaits. "Et que vous voyiez les enfants de vos enfants." (He 6). Mais, me direz-vous, il en est un grand nombre qui, tout en craignant Dieu, n'ont jamais eu d'enfants? Qu'est-ce que cela prouve? Lorsque nous nous séparons de tout pour nous attacher à Dieu, est-ce en vue de la vie présente? N'est-ce pas avant tout pour être agréable à Dieu, et parce que nous espérons des biens de l'éternité? Les biens de la terre étaient alors les récompenses promises, mais pour nous, c'est le ciel et les biens qu'il renferme. Vous me dites, je craignais Dieu, et cependant je n'ai point eu d'enfants; mais savez-vous si Dieu ne vous a pas accordé des grâces bien plus précieuses? Dans son immense Richesse Il ne répand pas ses Bienfaits d'une manière uniforme, mais il sait varier ses récompenses. Que de pères de famille ont envié le bonheur de ceux qui n'avaient pas d'enfants ! Combien de riches sont morts plus misérablement que les pauvres ! Combien d'autres à qui la gloire s'était donnée sans réserve, qui en ont été ensuite percés comme d'un glaive, et ont essuyé les plus tristes revers ! Ne cherchez donc pas la raison de ces divers événements, et gardez-vous de demander à Dieu compte de ses Actes, supportez tout dans un esprit de courage et d'actions de grâces. Je dirai plus, ne vous attachez à aucune des choses de la vie présente. C'est pour cela que la prière qu'il vous commande de lui adresser, ne renferme qu'une seule demande qui ait rapport aux biens extérieurs. Et encore cette demande entendue comme il faut a-t-elle une signification spirituelle. Toutes les autres demandes ont pour objet les cieux, le royaume des cieux, la perfection chrétienne, la rémission des péchés. Une seule demande a rapport aux nécessités temporelles. Quelle est-elle? "Donnez-nous aujourd'hui notre pain suressentiel." (Mt 6,11), et voilà tout. C'est qu'en effet nous sommes appelés à posséder une autre patrie; nous sommes destinés à une vie meilleure, il faut donc que nos prières soient conformes à une fin aussi sublime, et quand même nous aurions tous les biens de la terre en abondance, nous devons nous en détacher avec le plus grand soin.
"La paix soit sur Israël." Une autre version porte: "Et voyez les enfants de vos enfants, la paix sur Israël." Cette prière est pour tout le peuple. En effet, la paix était l'objet des désirs les plus ardents des Juifs, épuisés par des guerres prolongées. Que pouvaient leur servir tous les autres biens sans la paix? Le prophète leur promet donc le premier de tous les biens, celui qui leur en garantit la possession, c'est-à-dire la paix, et une paix perpétuelle.
C'est là l'oeuvre de la Providence divine qui en nous accordant ses Faveurs nous en assure la jouissance. Comme les choses humaines sont de leur nature si agiles et passagères, il veut les convaincre que ces biens ne leur viendront point du hasard, mais de la Protection divine et de la volonté de Dieu. C'est ce qu'il exprime par ces paroles: "Tous les jours de votre vie," et il leur promet en même temps une paix durable. Si elle a eu des interruptions, leurs iniquités en ont été cause. En effet, lorsque Dieu menace les hommes de les punir, ils peuvent fléchir sa Colère par leur repentir et il suspend alors ses châtiments. Ainsi, lorsqu'ils se rendent indignes des biens qu'Il leur a promis, Il revient sur ses promesses. De son côté Il leur a donc promis la paix pour tous les jours de leur vie, mais leurs injustices ont interrompu le cours de ses Bienfaits. En vous parlant de la sorte, je veux d'un côté que les Menaces de Dieu ne vous jettent point dans le désespoir; mais qu'elles vous portent à apaiser sa Colère par la pénitence; de l'autre que ses Promesses ne favorisent point votre négligence, mais que vous en méritiez l'accomplissement par une vie pleine de zèle pour votre perfection. Si nous n'agissons de la sorte, ne comptons pas sur les promesses de Dieu pour nous sauver. N'avait-il pas promis à Judas d'être assis sur un trône, comme les onze autres apôtres? Cependant cette promesse n'eut point son effet, non par la faute de celui qui l'avait faite, mais par celle du traître qui s'en rendit indigne. Dieu nous a fait aussi la promesse de son royaume, gardons-nous donc d'y être indifférents, mais faisons tous nos efforts pour mériter les biens éternels par la Grâce et la Miséricorde de notre Seigneur Jésus Christ, à qui soient la gloire et le règne, dans les siècles des siècles. Amen.



Chrysostome, Psaumes 125