Chrysostome, Psaumes 128

PSAUME 129 (Vulgate 128)

128Ps 129 NV

"Souvent, dès ma jeunesse, ils m'ont persécuté, peut dire Israël." v. 1.
"Souvent ils m'ont persécuté, c'est qu'en effet ils n'ont pu rien contre moi." (Ps 2). Un autre interprète traduit: "Mais ils n'ont rien pu contre moi."

1. Ce psaume se rattache encore au précédent. Comme la reconstruction du temple était interrompue, et que les travaux ne se terminaient point, le psalmiste ranime les espérances des Juifs et prévient leur découragement. Il veut que le passé soit pour eux le garant de l'avenir, et il leur met ces paroles à la bouche. Quelle est leur signification? Les ennemis des Juifs les ont souvent attaqués, mais ils n'ont jamais pu les anéantir, ni remporter sur eux une victoire complète. Et cependant ils les ont emmenés captifs, ils les ont transportés dans une terre étrangère, et ont été leurs vainqueurs dans bien des combats. Il est vrai, mais ce n'est point à leurs propres forces, mais aux crimes des Juifs qu'ils étaient redevables de la victoire. D'ailleurs, ils n'eurent pas constamment le dessus; jamais ils ne purent anéantir la race des Juifs, ni détruire sans retour leur cité, ni perdre entièrement leur nation; mais à des victoires momentanées que Dieu leur accordait sur son peuple succédaient d'éclatantes défaites. Et comment les Juifs en devenaient-ils victorieux? Par le retour à leur ancienne prospérité. C'est ce qu'un autre interprète traduit de la sorte: "Mais ils n'ont pu l'emporter sur moi," "Les pécheurs ont fait passer sur mon dos le soc de la charrue, ils y ont prolongé leurs iniquités." (Ps 3). Que signifient ces paroles? Ce n'est pas comme au hasard qu'ils m'ont tendu des pièges, mais ils ne cessaient de former contre moi des complots combinés avec adresse, d'ourdir leurs trames artificieuses et de m'attaquer en secret. Ces paroles: "Sur mon dos," sont l'expression figurée ou de la dissimulation et de la perfidie, ou d'une violence qui ne connaît point de bornes. C'est-à-dire, ils ont essayé de briser ma puissance. Une autre version, au lieu de: "Ils travaillaient," porte: "Ils ont labouré," pour montrer le soin extraordinaire qu'ils mettaient à tendre des pièges au juste. "Ils ont prolongé leur iniquité. " Que veut dire ici le psalmiste? A la violence inouïe de l'attaque, ils ont joint une grande persévérance. Ils ont employé un temps considérable, ils ont fait de ces embûches leur oeuvre capitale, et s'en sont occupés avec une constance opiniâtre. Mais tous ces efforts ne leur ont servi de rien, grâce non pas à mes propres forces, mais à la Puissance de Dieu. Aussi, le psalmiste se hâte-t-il de montrer celui qui élève le trophée et qui est l'auteur de la victoire. "Le Seigneur qui est juste, tranche la tête des pécheurs." (Ps 4). Une autre version, au lieu de: "La tête," porte: "Les cordes," c'est-à-dire, les ruses, les artifices, les perfidies. Remarquez qu'il ne dit pas: "Il a brisé, " mais: "Il a tranché," c'est-à-dire, son opération a été décisive, il a réduit à néant leurs complots. En effet, lorsqu'ils commencèrent à rebâtir la ville, ils furent assaillis par une foule d'ennemis qui voyaient leur entreprise d'un oeil profondément jaloux, et qui renouvelèrent leurs attaques non pas une ou deux fois, mais à plusieurs reprises différentes. L'Église a été soumise aux mêmes épreuves, elle ne faisait que de naître, et déjà elle se voyait de tous côtés l'objet d'attaques incessantes. D'abord, ce fut de la part des rois, des peuples et des tyrans, puis vinrent les attaques. insidieuses des hérétiques sous diverses formes. En un mot, de toutes parts on lui déclarait la guerre la plus violente et la plus acharnée. Mais tous ces efforts furent inutiles, ses ennemis furent honteusement défaits, et l'Église reste toujours florissante.
"Qu'ils rougissent, qu'ils retournent en arrière, tous ceux qui haïssent Sion." (Ps 5). Une autre version porte: "Qu'ils soient renversés en arrière." "Qu'ils deviennent comme l'herbe des toits qui se dessèche avant qu'on la recueille." (Ps 6). "Qui jamais ne remplit la main du moissonneur." Suivant une autre version: "La paume de la main." "Ni les bras de celui qui recueille les gerbes. (Ps 7). "Et dont les passants ne disent pas: La bénédiction du Seigneur soit sur vous, nous vous bénissons au nom du Seigneur." (Ps 8). Le psalmiste termine cette exhortation par une prière; le récit des événements passés, joint à cette invocation, a pour but d'inspirer de la confiance à l'auditeur, en lui montrant l'injustice de cette guerre. Elle avait pour cause en effet, l'envie et la haine, et c'est ce qui lui fait dire: "Qu'ils rougissent et qu'ils retournent en arrière, tous ceux qui haïssent Sion." C'est-à-dire, qu'ils soient non seulement vaincus, mais qu'ils le soient d'une manière honteuse et ridicule. Qu'ils deviennent, a-t-il dit, comme l'herbe des toits; il continue cette meule figure en les comparant non seulement à l'herbe, mais à l'herbe des toits. Sans doute, l'herbe qui croit dans un champ fertile passe bien vite; mais pour montrer le peu de valeur de ses adversaires, il les compare à l'herbe qui croit sur les toits, et tire ainsi une double preuve de leur fragilité, de la nature de l'herbe et du lieu où elle pousse. Telles sont, dit-il, les attaques de ces ennemis qui n'ont ni racine ni fondement, ils sont comme l'herbe qu'on voit presqu'en même temps fleurir, et puis tomber et se flétrir d'elle-même. Telle est aussi la prospérité de ceux qui passent leur vie dans le crime. Voilà ce que deviennent les choses les plus brillantes de cette vie, elles frappent un instant notre vue et puis elles s'évanouissent, parce qu'elles n'ont ni fondement, ni force. Gardons-nous d'y attacher notre coeur, mais que la considération de leur fragilité nous fasse désirer les biens éternels et immuables, qui sont à l'abri des vicissitudes du temps. Puissions-nous les mériter par la Grâce et la Miséricorde de notre Seigneur Jésus Christ, auquel soit la gloire avec le Père et le saint Esprit dans les siècles des siècles. Amen.



PSAUME 130 (Vulgate 129)

129 Ps 130 NV


"J'ai crié vers vous, Seigneur. Seigneur, exaucez ma prière." Ps 130,1.

1. Que signifie cette expression: "Des profondeurs ?" C'est-à-dire, ce n'est pas seulement de ma bouche, ce n'est pas seulement de ma langue que sortent mes paroles, tandis que mon âme est errante, mais c'est du plus intime de mon coeur, c'est avec toute l'ardeur, tout le zèle dont je suis capable, c'est des profondeurs mêmes de mon âme. Voilà ce que produit la tribulation dans une âme, elle ébranle le coeur jusque dans ses fondements, et lui inspire une prière pleine d'une vive componction qui est nécessairement exaucée. De telles prières ont une grande puissance, car elles ne peuvent être ni abattues ni agitées, quand même le démon déploierait toute sa violence pour les attaquer. Voyez un arbre vigoureux qui a poussé de profondes racines dans la terre, et qui en embrasse tous les replis, il résiste à toute l'impétuosité des vents. Si au contraire, il ne tient qu'à la surface du sol, le moindre vent qui vient à souffler, l'ébranle, le déracine et le jette à terre. Ainsi les prières qui partent du coeur et qui ont dans l'âme des racines profondes, demeurent fermes, inébranlables et ne fléchissent jamais malgré la multitude des pensées qui viennent les assaillir, malgré toutes les attaques du démon. Celles au contraire qui ne sortent que de la bouche et des lèvres, et ne viennent point du fond du coeur, ne peuvent monter jusqu'à Dieu, affaiblies qu'elles sont par la tiédeur de celui qui prie de la sorte. En effet, le moindre bruit, la moindre agitation suffit pour le troubler, pour le détourner de sa prière. La bouche fait entendre des sons, mais le coeur est vide, et l'esprit est absent. Ce n'est point ainsi que priaient les saints, leur prière était si fervente qu'elle allait jusqu'à plier leur corps tout entier. C'est ainsi que le bienheureux prophète Élie cherche d'abord la solitude pour prier, puis ayant mis son visage entre ses genoux, le coeur embrasé d'une grande ferveur, il adressait sa prière à Dieu. (1R 18,43). Voulez-vous le voir maintenant prier debout? Considérez-le s'étendant, s'élevant jusqu'au ciel, d'où il fait descendre le feu sur la terre. (1R 18,36-38). De même encore, lorsqu'il voulut ressusciter le fils de la veuve, il s'étendit tout entier sur l'enfant pour le rendre à la vie. Il ne priait pas comme nous, avec ennui et dégoût, mais avec attention, mais avec ferveur. (1R 17,19-22). Mais pourquoi citer ici l'exemple d'Elie et des saints? j'ai vu des femmes dont le mari était en voyage, ou l'enfant malade, adresser à Dieu leurs prières du fond du coeur, et verser des larmes si abondantes qu'elles obtenaient ce qu'elles demandaient. Or, si ces femmes prient avec tant de ferveur pour un mari absent, pour un enfant malade, ne sommes-nous pas impardonnables de rester froids et indifférents, lorsque notre âme est plongée dans la mort ?
Aussi, qu'arrive-t-il? C'est que nos prières restent sans effet. Considérez comme Anne priait du fond du coeur, quels torrents de larmes elle versait, et comme sa prière la transportait hors d'elle-même. (1R 1,10-11). Celui qui prie de la sorte, avant même d'avoir obtenu ce qu'il demande, recueille les plus grands avantages de sa prière; il impose silence à toutes les passions de son âme, apaise la colère, bannit l'envie, éteint la convoitise, affaiblit l'amour des biens de cette vie, établit son coeur dans un calme parfait et s'élève même jusqu'au ciel. De même que la pluie rend plus souple la terre desséchée qu'elle arrose; de même encore que le feu amollit la dureté du fer, ainsi une prière fervente assouplit et attendrit un coeur plus énergiquement que le feu, plus profondément que la pluie. Notre âme est molle et flexible, mais semblable à l'Ister dont les eaux durcissent sous l'influence de la gelée; notre âme aussi, sous la triste influence du péché et de la tiédeur, s'endurcit à l'égal de la pierre. Nous avons donc besoin d'une grande chaleur pour amollir cette dureté. C'est ce que produit surtout la prière. Lors donc que vous voulez prier, ne vous proposez pas seulement d'obtenir ce que vous demandez, mais faites en sorte que la prière rende votre âme meilleure; car c'est là aussi un des effets de la prière. Celui qui la fait dans ces conditions, devient supérieur à toutes les choses de la vie, son âme prend des ailes, sa pensée s'élève, sans qu'aucune passion soit capable de l'arrêter.
"Des profondeurs de mon âme, j'ai crié vers Toi, Seigneur." Remarquez, ici deux choses: le prophète a crié vers Dieu, et il a crié du fond de son âme. Ce cri n'est pas le son de la voix, mais la disposition du coeur. "Seigneur, exaucez ma prière." Recevons aussi ces deux leçons: premièrement que notre prière, pour être exaucée de Dieu, exige nécessairement nos efforts personnels. Aussi c'est après avoir dit: "J'ai crié vers Toi du fond de mon âme," qu'il ajoute: "Exaucez la voix de ma prière;" secondement, qu'une prière attentive et fervente, pleine des larmes de la componction, a sur Dieu une puissance toute particulière pour en obtenir ce qu'elle demande. En effet, il ajoute: "Seigneur, exaucez ma voix," comme un homme qui vient d'accomplir une oeuvre extraordinaire, et qui a fait tout ce qui dépendait de lui. "Que tes oreilles soient attentives à ma voix suppliante." (Ps 130,2). Le prophète se sert de l'expression figurée d'oreilles, pour exprimer le pouvoir que Dieu a de nous entendre; de même aussi, cette voix suppliante n'indique ni les efforts de l'esprit, ni le cris extérieur de la voix, mais la vive affection du coeur. "Si Tu tiens compte, Seigneur, nos iniquités, qui pourra, grand Dieu, subsister ?" (Ps 130,3). Le psalmiste détruit ici ce prétexte que plusieurs pourraient alléguer: Je ne suis qu'un pécheur, mes iniquités sont innombrables, je ne puis m'approcher de Dieu, Le prier, L'invoquer. "Seigneur, si Tu examine nos iniquités, répond-il, qui pourra, grand Dieu, subsister ?" Qui pourra? C'est-à-dire, personne ne pourra; car si Dieu nous demande un compte sévère de ce que nous avons fait, il n'y a personne qui puisse jamais trouver grâce et miséricorde devant Lui.

12902 2. Si je vous parle de la sorte, ce n'est point pour favoriser la tiédeur, mais pour consoler ceux qui tombent dans le désespoir. "Car qui peut se glorifier d'avoir un coeur pur, et qui peut dire avec confiance: je suis exempt de péchés ?" (Pr 20,9). Et pourquoi parler ici des autres hommes? Prenons un saint Paul 1ui-même, et demandons-lui un compte exact de toute sa vie, il ne pourrait y résister. Il avait lu les prophètes, comme un observateur zélé de la loi de ses pères, il avait vu les prodiges qui s'accomplissaient sous ses yeux, et cependant il ne cessait de persécuter les chrétiens. Il ne s'arrêta dans cette voie qu'après cette vision merveilleuse dont Dieu le favorisa et cette voix terrible qu'il lui fit entendre. Jusque-là il continua de répandre partout le trouble et le désordre, et cependant Dieu oublie toute cette conduite coupable, Il l'appelle, et le juge digne de ses grâces les plus abondantes.
Que dirons-nous encore de Pierre le chef des apôtres? Après les prodiges et les miracles sans nombre dont il avait été témoin, après tant d'enseignements et d'avertissements qu'il avait reçus, ne fut-il pas convaincu d'avoir fait une chute des plus graves? Et Dieu daigna aussi oublier ce crime et il établit Pierre à la tête des autres apôtres. Voilà pourquoi Il lui parle en ces termes: "Simon, Simon, voilà que Satan a désiré vous passer au crible comme le froment. Et moi, j'ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille pas." (Lc 22,31-32). Et après ces prodiges de grâce, si Dieu venait juger les hommes sans indulgence et sans miséricorde et leur demander un compte sévère de leurs actions, Il trouverait tous les hommes coupables sans exemption. C'est ce qui faisait dire à saint Paul: "La conscience ne me reproche rien, mais je ne suis pas justifié pour cela." "Si tu examine les iniquités, Seigneur, Seigneur." Cette répétition n'est pas l'effet du hasard, c'est l'expression d'une âme frappée d'admiration et d'étonnement devant l'excès de la Miséricorde de Dieu, l'étendue de sa Grandeur, l'océan sans bornes de sa Bonté. "Qui pourra subsister ?" Il ne dit pas: Qui pourra échapper? mais: "Qui pourra subsister ?" C'est-à-dire, qu'on ne pourra même soutenir la Présence de Dieu. "Auprès de Toi est le pardon. " (Ps 130,4). Que signifient ces paroles: "Auprès de Toi est le pardon ?" Ce ne sera point au nom de nos mérites, mais en vertu de ta Bonté qu'il nous sera donné d'échapper au châtiment. Ta Miséricorde seule, peut nous faire éviter la justice. Si Tu nous la refuse, c'est en vain que nous comptons sur nos bonnes oeuvres pour nous soustraire à ta Colère.

12903 3. C'est ce que Dieu nous enseigne lorsqu'Il nous dit par son prophète: "C'est Moi qui efface vos iniquités." (Is 43,26). C'est mon oeuvre, l'oeuvre de ma Bonté, de ma Miséricorde. Vos mérites ne suffiraient jamais pour vous arracher au supplice, si Je n'usais à votre égard de miséricorde, et il ajoute: "C'est Moi qui vous soutient." (Is 46). " A cause de ton Nom, je T'ai attendu, Seigneur. Mon âme s'est soutenue par ta parole. Mon âme a espéré au Seigneur. " (Ps 130,5). Une autre version porte: "A cause de ta loi. " Une autre: "Afin que ta parole soit connue." Or, voici l'explication de ces paroles: C'est en ta Miséricorde, c'est en ton Nom, c'est en ta loi que j'espère, pour arriver au salut. Si je n'avais pour appui que mes lèvres, il y a longtemps que le désespoir aurait fait place à l'espérance. Mais je considère ta loi, je me rappelle ta parole, et l'espérance rentre dans mon coeur. Quelle est cette parole? Une parole de miséricorde; n'est-ce pas lui qui a dit en effet: "Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant mes Pensées sont au-dessus de vos pensées, et mes Voies au-dessus de vos voies ?" (Is 55,9). Et dans un autre endroit: "Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant sa Miséricorde s'affermit sur ceux qui Le craignent." (Ps 103,11). Et encore: "Autant le couchant est éloigné de l'aurore, autant Il a éloigné de nous nos iniquités." (Ps 103,12). C'est-à-dire, je n'ai pas sauvé seulement ceux dont les lèvres étaient irréprochables, mais J'ai aussi fait grâce aux pécheurs, et au milieu de tous vos crimes, J'ai fait éclater ma puissante Protection et ma Sollicitude paternelle. Un autre interprète a traduit: "C'est afin que tu te rends redoutable, que j'ai attendu le Seigneur. " A qui redoutable? A mes ennemis, à ceux qui me tendent des pièges, et m'ont juré une haine mortelle. Que signifient encore ces paroles: "A cause de ton Nom ?" Je suis pécheur, il est vrai, et mon âme est pleine de misères innombrables; cependant, j'étais persuadé, que pour sauver ton Nom de la profanation, Tu ne nous laisseras point périr. C'est ce que bien Lui-même nous déclare dans Ézéchiel: "Ce n'est point pour vous que Je le fais, mais c'est pour mon Nom, afin qu'il ne soit point profané parmi les nations." (Ez 26,22). C'est-à-dire, nous ne sommes pas dignes d'être sauvés, nos lèvres ne peuvent nous donner aucune espérance, mais c'est en ton Nom que nous mettons notre confiance, et c'est la seule espérance de salut qui nous est laissée. Une autre version porte: "A cause de la crainte, j'ai attendu le Seigneur. " Un autre: "A cause de la loi, mon âme a espéré en ta parole." Suivant une autre version: "Mon âme a attendu sa parole." Suivant une autre: "Mon âme a espéré, et j'ai attendu sa parole." C'est-à-dire, ses promesses, ses déclarations réitérées de bonté et de miséricorde, ont été pour mon âme comme une ancre sacrée; et je n'ai point désespéré de mon salut,
"Que depuis la pointe du jour jusqu'à la nuit, Israël espère au Seigneur," (Ps 130,6), c'est-à-dire, toute la vie qui est figurée par le jour et la nuit. En effet, le moyen le plus assuré pour arriver au salut, est d'avoir les yeux constamment fixés sur Dieu, et de rester attaché à cette espérance malgré tant de circonstances fâcheuses qui peuvent nous jeter dans le désespoir. Dieu est un rempart indestructible, une forteresse imprenable, une tour inattaquable. Lors même donc que par suite des événements vous seriez menacé de la mort, d'un danger sérieux, d'une ruine complète, ne cessez point d'espérer en Dieu, et d'attendre de Lui votre salut. Tout Lui est aisé et facile, et Il saura bien vous ménager une issue au milieu des dangers les plus inextricables. Ce n'est donc point seulement au temps de la prospérité que vous devez attendre la Protection divine, mais surtout lorsque vous avez à lutter contre la fureur des flots et la violence de la tempête, et que vous êtes menacé des derniers dangers. C'est le moment que Dieu choisit de préférence pour faire éclater sa Puissance. Le prophète nous engage donc ici à espérer constamment en Dieu, dans tout le cours de notre vie.
"Car dans le Seigneur est la miséricorde et une abondante rédemption." (Ps 130,7). "C'est Lui qui rachètera Israël de toutes ses iniquités." Que signifient ces paroles: "Dans le Seigneur est la miséricorde ?" C'est-à-dire, il y a en Dieu un trésor, une source de miséricorde qui ne cessent de jaillir sur les hommes. Or, à la miséricorde se trouve jointe la rédemption, et non pas une rédemption ordinaire, mais une rédemption abondante, et un océan immense d'amour. Quand bien même nos péchés nous auraient gravement compromis, ne nous laissons aller ni au découragement, ni au désespoir. Lorsqu'un tribunal est présidé par la clémence et la miséricorde, le juge n'exige pas un compte aussi rigoureux des crimes qui ont été commis, parce que l'inclination qui le porte à pardonner lui fait fermer les yeux sur une multitude de fautes. Telle est la conduite de Dieu, dont l'inclination et la propension naturelles sont de faire miséricorde et de pardonner. "C'est Lui qui rachètera Israël de toutes ses iniquités. Si telle est la Nature de Dieu, et si la grandeur de sa Miséricorde doit s'étendre partout, il est évident qu'Il sauvera son peuple, et qu'Il le délivrera non seulement du châtiment, mais de ses péchés. Puisque nous sommes instruits de ces vérités, persévérons dans la prière, et ne cessons jamais de prier, que nous soyons exaucés ou non. Dieu est le maître de nous accorder ce que nous Lui demandons, mais Il est aussi le Maître de nous l'accorder quand Il le veut, et Il sait parfaitement quel est le moment favorable. Ne cessons donc de prier Dieu, de L'invoquer en nous confiant dans sa Bonté, dans son Amour. Ne désespérons jamais de notre salut, mais travaillons à l'assurer par nos oeuvres. Dieu alors ne nous fera point défaut, car il y a en Lui une miséricorde ineffable et une bonté infinie.
Puissions-nous tous en ressentir les heureux effets, par la grâce et la miséricorde de notre Seigneur Jésus Christ à qui soit la gloire avec le Père et le saint Esprit, dans les siècles des siècles. Amen.



PSAUME 131 (Vulgate 130)

130Ps 131 NV

"Seigneur, mon coeur ne s'est point enflé d'orgueil, et mes yeux ne se sont point portés en haut." Suivant une autre version: "Ils ne se sont point élevés. Je n'ai point marché sur les hauteurs ni dans des voies au-dessus de moi." Une autre version porte: "Dans les grandeurs." Une autre: "Dans les choses magnifiques et qui me surpassent." v. 1.

Que veulent dire ces paroles? Saint Paul déclare que lors même qu'on y est forcé, c'est une folie de se louer soi-même. "J'ai fait une folie en parlant avantageusement de moi, c'est vous qui m'y avez contraint." (2Co 12,11). Comment donc le prophète semble-t-il ignorer cette vérité, et se glorifie-i-il non pas en présente de deux, trois, ou dix personnes, mais en face de l'univers entier? Et en quels termes se glorifie-t-il? Je suis, humble et plein de modération, d'une modestie et d'une simplicité excessive. C'est le sens de ces paroles: "Comme un enfant sevré sur le sein de sa mère." (2Co 2). Pourquoi doue tient-il ce langage? parce qu'il n'est pas absolument défendu de se louer, quelquefois même cela est nécessaire, et dans certaines circonstances il serait déraisonnable non point de nous glorifier, mais de garder le silence. Voilà pourquoi saint Paul disait: "Que celui donc qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur." (2Co 10,17). Celui en effet, qui ne se glorifie pas dans la croix, commet à la fois un acte de folie et un grand crime. Celui qui ne se glorifie pas dans la foi est le plus malheureux des hommes, et celui qui met ailleurs sa gloire et sa confiance, ne doit s'attendre qu'à une ruine certaine. Voilà pourquoi saint Paul s'écriait avec tant d'assurance: "A Dieu ne plaise que je me glorifie, si ce n'est dans la croix de notre Seigneur Jésus Christ." (Ga 6,14). L'Écriture dit encore ailleurs: "Que le riche ne se glorifie point dans ses richesses, ni le sage dans sa sagesse, mais que celui qui se glorifie, se glorifie de voir et de connaître le Seigneur." (Jr 9,23-24). Quand donc est-ce un mal de se glorifier? Lorsque nous imitons la conduite des Pharisiens. (Lc 18). Et pourquoi donc, me demanderez-vous, Paul disait-il aux Corinthiens: "Je suis devenu insensé en me glorifiant, c'est vous qui m'y avez forcé ?" (2Co 12,16). Parce qu'il racontait les belles actions de sa vie, sur lesquelles il devait se taire, s'il n'y avait eu nécessité. Il dit encore ailleurs: "Si je voulais me glorifier, je ne serais pas un insensé, car je dirais la vérité." (2Co 12,6). Celui qui dit la vérité lorsque les circonstances l'exigent, fait un acte raisonnable. N'accusons donc pas de folie le prophète qui se glorifie lui-même, car il dit la vérité. Mais quel motif l'a porté à tenir ce langage? Il a voulu apprendre à ceux qui l'écoutaient qu'une fois délivrés de leurs maux, ils ne devaient point se laisser de nouveau dominer par l'orgueil, ni retomber dans les liens d'un autre esclavage après avoir vu briser leurs chaînes. Le récit de sa propre conduite devient ainsi une leçon salutaire pour les autres. Remarquez qu'il ne dit pas: Mon coeur s'est enflé d'orgueil, mais: J'ai maîtrisé cette passion. "Mon coeur ne s'est point enflé d'orgueil," C'est-à-dire, un coupable orgueil n'a même pas effleuré mon âme, Son âme en effet était comme un port inaccessible à la tempête, et fermé aux eaux de ce mal qui est la cause de tous les maux, et la racine des plus grands crimes. Que signifient donc ces paroles: "Seigneur, mon coeur ne s'est point enflé d'orgueil, et mes yeux ne se sont point portés eu haut ?" Je n'ai point froncé les sourcils, ni relevé fièrement la tête. Cette maladie débordant comme d'une source cachée, imprime jusque sur le corps les signes de la plaie dont l'âme est atteinte à l'intérieur. "Je n'ai point marché dans les grandes choses, ni dans des voies au-dessus de moi." Qu'est-ce à dire "Dans les grandes choses ?" parmi les hommes orgueilleux, parmi les riches du siècle, les hommes présomptueux et hautains. Quelle profonde humilité ! Ce n'est pas assez pour lui de se garantir de cette maladie, il fuit encore ceux qui en sont atteints, et il s'éloigne de leurs assemblées, tant est grande la haine qu'il a conçue contre l'orgueil. Cette haine est si forte, que non seulement il s'en garantit avec soin, et lui ferme toutes les entrées de son âme, mais que pour en fuir les dangereuses atteintes, il met une distance immense entre lui et les hommes que ce vice tyrannise.
Ne regardons pas du reste comme un acte peu méritoire de fuir le commerce des hommes fiers et hautains, de haïr les orgueilleux, de les avoir en horreur et de s'en éloigner. Il n'y a point de plus grande sécurité pour la vertu, point de garde plus sûre de l'humilité. "Ni dans des voies au-dessus de moi." Une autre version porte: "Ni dans des choses qui me dépassent." Si je n'avais pas des sentiments humbles, si au contraire j'ai élevé mon âme, de même qu'est un enfant lorsque sa mère l'a sevré, vous rendrez à mon âme le châtiment qu'elle mérite. Suivant une autre version: "Qu'il soit ainsi fait à mon âme." Il y a ici une inversion, et voici la marche naturelle de la proposition: Si je n'avais des sentiments humbles comme un enfant sevré sur le sein de sa mère, si au contraire j'ai élevé mon âme, qu'elle soit punie comme elle le mérite. C'est-à-dire, non seulement je me suis préservé du vice de l'orgueil, et tenu éloigné de ceux qu'il domine, mais je me suis appliqué fortement à la vertu contraire, c'est-à-dire à la pratique de l'humilité, de la modestie, des humiliations. C'est ce que Jésus Christ Lui-même recommandait à ses disciples en ces termes: "Si 'vous ne vous convertissez, et ne devenez comme de petits enfants, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux." (Mt 18,3). Mon humilité, dit le prophète, a été celle de l'enfant sur le sein de sa mère. Je me suis conduit à l'égard de Dieu comme l'enfant qui s'attache étroitement à sa mère, qui est humble et sans aucune prétention, et qui vit dans l'innocence et la simplicité, et je me suis toujours tenu attaché à lui. Ce n'est point sans dessein qu'il prend pour exemple un enfant qui vient d'être sevré, il veut exprimer par là son affliction, ses gémissements, sa douleur, et la grandeur de ses maux. L'enfant qu'on vient de sevrer, ne s'éloigne pas de sa mère, il pleure, il gémit, il s'impatiente, il s'agite, il pousse des cris, il s'attache à sa nourrice, et ne peut souffrir qu'on l'arrache de ses bras. C'est ainsi, dit le psalmiste, que dans ma tribulation, dans mes souffrances, au milieu de mes malheurs multipliés, je suis resté constamment attaché à Dieu; si telle n'a pas été ma conduite, que mon âne reçoive ce qu'elle a mérité; c'est-à-dire, qu'elle soit condamnée au dernier supplice. "Qu'Israël espère dans le Seigneur, maintenant et dans les siècles des siècles. " Vous voyez, comme je vous le disais en commençant, que même sans qu'il y ait de motif, nous devons continuellement mettre notre gloire dans les choses qui ont rapport à la foi et aux vérités de la foi, et qu'il y a danger extrême pour celui qui ne le fait pas. Vous voyez également qu'il ne faut pas refuser de se glorifier de ses bonnes oeuvres, lorsque les circonstances le demandent. Quelles sont ces circonstances? Elles sont nombreuses et variées; j'en citerai une: c'est lorsque nous voulons instruire ceux qui nous écoutent. Le prophète le savait bien, et c'est pour montrer qu'il n'a point d'autre but en racontant ses vertus, que de porter ses auditeurs à les imiter, qu'il ajoute: "Qu'Israël espère dans le Seigneur, maintenant et dans les siècles des siècles." Quand les malheurs, les découragements, les guerres, les captivités, en un mot les calamités les plus imprévues, viendraient fondre sur vous, attachez-vous fortement à l'espérance en Dieu, attendez tout de Lui, et vous obtiendrez une fin heureuse, c'est-à-dire que Dieu récompensera votre espérance en vous délivrant de tous vos maux, en Jésus Christ notre Seigneur, à qui soit la gloire et le règne dans les siècles des siècles. Amen.



PSAUME 132 (Vulgate 131) "Souviens-Toi, Seigneur, de David et de toute sa douceur."

131 Ps 132 NV

1. Dans d'autres endroits, nous voyons les Juifs invoquer le souvenir de leurs ancêtres, comme un titre pour être sauvés; ici ils font appel à leurs mérites, et en particulier aux vertus de douceur, d'humilité, de mansuétude, vertus qui brillèrent aussi d'un vif éclat dans Moïse. Il était, dit l'Écriture, le plus doux de tous les hommes qui étaient sur la terre. Cependant quelques hérétiques ont cru devoir blâmer sa conduite, et s'inscrire en faux contre le témoignage qui lui est rendu. Comment, nous disent-ils, Moïse le plus doux des hommes, lui qui se jeta sur un Égyptien et le mit à mort, lui qui fut la cause de tant de meurtres et de tant de guerres parmi les Juifs; lui qui leur ordonna de tremper leurs mains dans le sang de leurs frères? N'est-ce pas lui encore qui obtint par ses prières que la terre s'entr'ouvrît, et que la foudre descendît des cieux? N'est-ce pas lui qui a submergé les uns et livré les autres aux flammes? Mais si c'est là être doux, que faudra-t-il faire pour être barbare et cruel? Arrêtez, toutes ces paroles sont inutiles. Je le dis, et ne cesserai de le répéter. Moïse était doux, et le plus doux des hommes, et si vous le voulez, je ne vous donnerai d'autres preuves de sa douceur que les faits mêmes que vous objectez. Je pourrais sans doute alléguer et le langage qu'il tint à Dieu au sujet de sa soeur, et la prière qu'il fit pour le peuple, toutes ces paroles vraiment apostoliques et dignes du ciel, enfin la douceur avec laquelle il traitait le peuple. Voilà des témoignages sur lesquels je pourrais m'appuyer, ainsi que sur beaucoup d'autres encore, mais si vous le voulez, laissons-les de côté, et prouvons que Moïse fut le plus doux de tous les hommes par les mêmes faits que quelques-uns objectent pour établir qu'il était dur, cruel et inhumain.
Comment démontrer cette vérité? En distinguant tout d'abord et en définissant bien ce qu'il faut entendre par douceur et par cruauté. Frapper un homme n'est pas nécessairement un acte de cruauté, de même que l'épargner n'est pas nécessairement un acte de douceur. L'homme vraiment doux est celui qui supporte patiemment les offenses qui lui sont personnelles, mais qui prend la défense des opprimés et se déclare le vengeur sévère de ceux qui sont victimes de l'injustice. Celui au contraire qui ne témoigne alors que de l'indifférence, de l'apathie, et qui n'agit pas plus que ne le ferait un mort, n'a rien de commun avec la douceur et la mansuétude. N'avoir que de l'indifférence pour ceux qui sont opprimés par l'injustice, n'éprouver pour eux aucune sympathie, ne point s'indigner contre leurs oppresseurs, ce n'est pas un acte de vertu, c'est une omission coupable; ce n'est pas de la douceur, c'est de la lâcheté. Une preuve invincible de la douceur de Moïse, c'est d'un côté cette ardeur qui le fait voler au secours des opprimés, cette colère qu'il ne peut réprimer, tant est grand son amour pour la justice; de l'autre, quand on l'outrage, cette patience qui ne lui permet ni de se venger, ni d'user de représailles et lui fait tout supporter avec une sage résignation. Or, s'il avait été si dur et emporté qu'on le suppose, cet homme si ardent, bouillant pour la défense des autres, aurait-il pu rester aussi calme devant les outrages qui lui étaient personnels? N'est-ce pas alors que sa colère n'eût point connu de bornes? Car vous savez que nos propres offenses nous sont bien plus sensibles que les offenses faites aux autres. Moïse, au contraire, tire vengeance de l'injustice faite à autrui, avec autant de vivacité que ceux qui en sont victimes, et il passe avec le plus grand sang-froid sur les offenses dont il est l'objet. Il nous montre ainsi réunies en lui ces deux qualités opposées, une haine prononcée contre l'iniquité et une longanimité à toute épreuve. Mais, dites-moi, que devait-il faire? Laisser impunis l'injustice qui se commettait sous ses yeux et un crime qui pouvait gagner le peuple tout entier? Ce n'est point la conduite que devait tenir le chef du peuple de Dieu. Ce n'est là ni de la patience, ni de la longanimité, c'est de la faiblesse, c'est de la lâcheté. Vous ne songez point à blâmer le médecin lorsqu'il retranche un membre gangrené et qui menace d'infecter le corps tout entier, et vous accusez de cruauté celui qui par un acte sévère a retranché un mal plus dangereux que la gangrène et qui se répandait par tout le peuple? C'est là un jugement souverainement inconsidéré. Le chef d'un si grand peuple, d'une nation d'ailleurs si dure, si indocile, si difficile à contenir, devait tout d'abord et dans le principe s'opposer au mal, le couper dans sa racine pour l'empêcher d'aller plus avant. Vous me direz encore: c'est à sa prière que la terre a englouti Dathan et Abiron. Que dites-vous? Fallait-il donc leur laisser fouler aux pieds le sacerdoce, renverser les lois de Dieu, et détruire l'institution première et fondamentale de leur religion, c'est-à-dire la dignité sacerdotale? Fallait-il ouvrir le sanctuaire à tous sans distinction, et par cette faiblesse sacrilège, laisser renverser à qui le voudrait les barrières sacrées, et autoriser ce désordre et le bouleversement dans les choses saintes? Mais encore une fois, ce n'eût point été de la douceur, mais de l'inhumanité, mais de la cruauté, que de voir d'un oeil indifférent un mal qui prenait de si grandes proportions, et que d'épargner deux cents hommes pour en perdre des milliers. Car enfin, dites-le-moi, qu'aurait-il dû faire, lorsqu'il leur ordonna de massacrer leurs proches? Dieu était irrité, l'impiété s'accroissait de jour en jour, et rien ne pourrait les garantir de la Colère divine. Devait-il laisser tomber le châtiment du ciel sur toutes les tribus, livrer sa nation à une destruction générale, et s'autoriser de ce supplice pour voir avec indifférence une faute devenue irréparable? Ne valait-il pas beaucoup mieux que la punition et la mort d'un petit nombre d'hommes fit disparaître leur péché, détournât la Colère divine et rendit Dieu propice à ceux qui avaient commis de tels crimes? Si vous vous placez à ce point de vue pour juger la conduite de cet homme juste, vous serez convaincu qu'il était vraiment le plus doux des hommes.

13102 2. Mais laissons ces considérations à méditer à ceux qui aiment à les approfondir, et pour ne point donner à l'accessoire des proportions plus grandes qu'au fond même de ce psaume, revenons à notre sujet. Quel était-il? "Souviens-Toi, Seigneur, de David et de toute sa douceur; comme il jura au Seigneur, et en fit le voeu au Dieu de Jacob." (Ps 132,2). Le psalmiste avait l'intention de parler de la douceur de David, il laisse donc de côté sa conduite à l'égard de Saül, de ses frères, de Jonathas; il ne dit rien de la patience dont il fit preuve envers ce soldat qui l'avait couvert d'outrages; il passe sous silence beaucoup d'autres faits encore, et s'arrête sur une circonstance qui fait ressortir le zèle ardent du saint roi. Pourquoi donc procède-t-il ainsi? Pour deux raisons. La première, c'est que Dieu se complaît surtout dans cette vertu. "Sur qui jetterai-Je les yeux, nous dit-Il, si ce n'est sur l'homme doux et tranquille et qui écoute mes paroles avec tremblement ?" (Is 46,2). La seconde, c'est que l'oeuvre la plus pressante, c'était de reconstruire le temple, de rebâtir la ville, de rétablir leurs anciennes institutions. C'est donc sur ce point qu'il insiste, en laissant de côté la première considération comme évidente et avouée de tous, c'est-à-dire la douceur de David, et en s'attachant à la seconde comme nécessaire au but qu'il se propose. Quel était en effet le désir des Juifs? C'était de voir leur temple reconstruit, et leurs saintes cérémonies rétablies, or, comme David s'était surtout rendu célèbre par son zèle pour le culte de Dieu, le psalmiste demande à Dieu la reconstruction du temple comme la récompense de ce zèle ardent. "Souviens-Toi, Seigneur, de David et de toute sa douceur": il en a fait le serment au Seigneur, et le voeu au Dieu de Jacob. Si j'entre dans l'intérieur de la maison, si je monte sur mon lit de repos. (Ps 132,3). Si je permets à mes yeux de dormir et à mes paupières de sommeiller. (Ps 132,4). Si je ne donne aucun repos à mes tempes, avant d'avoir trouvé un lieu pour le Seigneur, et un tabernacle pour le Dieu de Jacob. (Ps 132,5)." Mais quel rapport ce zèle de David a-t-il avec vous? Parce que je suis descendant de David, et qu'en récompense de ce zèle qui vous fût agréable, vous avez promis d'affermir sa race et son trône. Nous venons donc réclamer l'effet de ces promesses. Remarquez, il ne dit pas: Avant d'avoir bâti (car cette faveur ne lui fut pas accordée), mais: "Avant d'avoir trouvé un lieu pour le Seigneur, et un tabernacle." Il ne dit rien de celui qui doit construire ce temple, et ne parle que de celui qui a promis de le bâtir, pour vous apprendre l'excellence d'une intention vertueuse et la récompense que Dieu accorde toujours aux efforts de la bonne volonté. Voilà pourquoi le prophète parle ici de préférence de David, parce que c'est lui plutôt que son fils qui a bâti le temple. David avait promis, tandis que Salomon reçut l'ordre. Voyez quelle sainte activité ! Non seulement il n'entrera point dans sa maison, il ne montera point sur son lit de repos, mais il ne veut même pas jouir librement du repos que la nature nous rend nécessaire, jusqu'à ce qu'il ait trouvé un lieu et un tabernacle au Dieu de Jacob. N'est-ce pas le contraste que Dieu reprochait aux Juifs, lorsqu'il leur disait: "Vous habitez dans des maisons ornées de lambris, quand mon temple est désert ?" (Ag 1,4).
"Avant d'avoir trouvé un lieu au Seigneur, un tabernacle au Dieu de Jacob." Admirez de nouveau le zèle et la sollicitude extrême de David. C'est un roi qui parle ainsi: "Avant d'avoir trouvé un lieu pour le Seigneur, un tabernacle pour le Dieu de Jacob;" un roi qui voit tout marcher sous ses ordres. C'est qu'il n'avait pas seulement l'intention de bâtir un temple, mais qu'il voulait le faire dans le lieu le mieux choisi et le plus convenable à la sainteté du temple. Il fallait donc chercher, tant son âme déployait de vigilance. "Voici que nous avons ouï dire qu'elle était dans Ephrata, nous l'avons trouvée dans les champs de la forêt." (Ps 132,6). Le prophète raconte ici les faits anciens, et nous montre l'arche errante alors de longues années; et changeant continullement de place. Voilà pourquoi il dit: "Nous avons appris qu'elle était dans Ephrata," c'est-à-dire nos pères nous ont appris, et nous avons entendu leurs récits, que l'arche après avoir erré ainsi dans les champs et dans les campagnes, s'arrêta enfin dans une demeure certaine. Puisse la même chose s'accomplir encore aujourd'hui ! Ephrata figure ici la tribu de Juda au sein de laquelle l'arche fut portée après de longues pérégrinations. "Nous entrerons dans ses tabernacles, nous l'adorerons dans le lieu où il a posé ses pieds." (Ps 132,7). Vous le voyez, il se sert ici d'expressions matérielles et figurées, pour s'accommoder à l'intelligence grossière de ses auditeurs, et c'est pour cette raison qu'il leur parle du tabernacle de Dieu, de ses Pieds, du lieu où Il a posé les Pieds. Tous ces détails ont pour objet d'indiquer l'endroit où reposait l'arche, car c'est de là que Dieu faisait entendre ces oracles terribles sur les destinées des Juifs, oracles qui dissipaient les obscurités en même temps qu'ils prédisaient l'avenir. "Lève-Toi, Seigneur, pour entrer dans ton repos, Toi et l'arche de ta sainteté." (Ps 132,8). Une autre version porte: "De ta Force." Une autre: "De ta puissance." Ces deux interprétations sont également conformes à la vérité. L'arche était pour les Juifs une source de sainteté, et les inscriptions qui s'y trouvaient gravées produisaient à la fois dans l'âme la sainteté et la force.

13103 3. Rien de plus juste que ce langage du prophète, car Dieu se servit, non pas une ou deux fois, mais bien souvent de l'arche pour faire éclater sa Puissance; par exemple, lorsqu'elle fut prise par les habitants d'Azot et qu'elle renversa les idoles; quand elle frappa de mort ceux qui avaient osé la toucher; quand son retour fit cesser le fléau qui désolait les Philistins, et dans une foule d'autres prodiges opérés alors et où la Puissance de Dieu paraît avec le même éclat. Mais que signifient ces paroles: "Lève-Toi pour entrer dans ton Repos ?" C'est-à-dire, mets un terme à tes marches errantes, que l'arche cesse d'être portée de côté et d'autre, et qu'elle trouve enfin un lieu de repos. "Tes prêtres seront revêtus de justice." (Ps 132,9). Une autre version porte: "Qu'ils soient enveloppés." Une autre: "Qu'ils soient revêtus." Cette dernière version est plus claire, ce n'est point une prédiction, c'est une prière où l'on demande à Dieu la grâce de la vertu. Cette justice qu'il demande, c'est l'ensemble des rites sacrés du sacerdoce, du culte, des sacrifices, des offrandes, avec la sainteté de la vie, rigoureusement exigée des prêtres. "Et que tes saints tressaillent de joie," là où ces merveilles s'accomplissent. Vous le voyez, il ne demande ni la reconstruction de la ville, ni l'abondance des choses nécessaires à la vie, ni les autres genres de prospérité matérielle, mais il ne désire que la splendeur du temple, un lieu de repos pour l'arche sainte, la perfection de la vie dans les prêtres, les cérémonies sacrées, le culte, le sacerdoce. Mais comme en demandant à Dieu toutes ces choses, les Juifs étaient coupables d'un grand nombre de péchés, le psalmiste invoque encore le souvenir de son ancêtre. "En considération de David, ton serviteur, ne repoussez pas le visage de ton Christ," (Ps 132,10). Que signifient ces paroles: "En considération de David, ton serviteur ?" Non seulement en considération de sa vertu, et du zèle qu'il a fait paraître pour Te construire un temple, mais parce que vous le Lui avez promis, "En considération de David, ton serviteur, ne repousse pas le visage de ton Christ." Quel est ce Christ? Celui qui a reçu l'onction sainte et qui a maintenant la conduite et le gouvernement du peuple.
"Le Seigneur a fait à David un serment très véritable et Il ne le trompera point. J'établirai sur ton trône le fruit de tes entrailles." (Ps 132,11). Après avoir invoqué le souvenir de David, sa vertu, son zèle pour le temple, rappelé les faits d'autrefois et demandé à Dieu de faire revivre les vertus des anciens jours, il apporte à Dieu le motif le plus déterminant, les promesses de Dieu. Qu'avait-il promis? "Je placerai sur ton trône le fruit de tes entrailles." Toutefois ces promesses n'étaient point absolues, elles étaient soumises à une condition. Laquelle? Écoutez la suite: "Si vos enfants gardent mon alliance, et ces préceptes que Je leur enseignerai, et que leurs enfants les gardent aussi pour toujours, ils seront aussi sur ton trône." (Ps 132,12). Non content de ces conventions verbales, Dieu leur en remit les titres entre les mains et ils lui répondirent: "Nous ferons et nous écouterons tout ce que Dieu nous a dit," (Ex 24,7). Mais une des deux parties fut infidèle à ces conventions, le psalmiste en revient donc au sujet de son discours, et met tout en oeuvre pour répandre la consolation dans leur âme: "Car le Seigneur a choisi Sion, Il l'a choisi pour sa demeure." (Ps 132,13). C'est là pour toujours le lieu de mon repos. C'est là que J'habiterai, parce que Je l'ai choisi. (Ps 132,14). C'est-à-dire, ce n'est pas l'homme qui a choisi ce lieu, c'est Dieu Lui-même qui l'a désigné pour condescendre à leur faiblesse. Voici donc le sens complet de ces paroles: Tu as choisi ce lieu, Tu l'as désigné Toi-même, Tu as jugé qu'il réunissait les conditions voulues, ne le laisse donc pas tomber en ruine, ne le laisse pas détruire, puisque Tu as dit: "C'est là que j'habiterai."
Mais à cette promesse se trouvaient jointes des conditions. Quelles étaient ces conditions? "Si vos enfants gardent mon alliance." "Je donnerai à sa chasse une bénédiction abondante." (Ps 132,15). Une autre version porte: "Je bénirai sa nourriture." Cette chasse est ici le symbole de l'abondance des choses nécessaires à la vie, et de la fertilité de la terre, et le psalmiste demande à Dieu que tous ces biens coulent abondamment sur eux. En effet, telles étaient autrefois les conditions d'existence des Juifs. Ils ne ressentaient aucune des nécessités temporelles, tant que Dieu leur était favorable. On ne voyait chez eux ni disette, ni famine, ni peste, ni mort prématurée, ni aucun de ces accidents si fréquents parmi les hommes, mais tout coulait pour eux comme de source, sous la Main de Dieu qui suppléait Lui-même à l'impuissance des choses humaines. Voici donc ce que veut dire le psalmiste: Tu as promis de répandre tes Bénédictions sur sa chasse, c'est-à-dire de lui procurer l'abondance des choses nécessaires et de lui en assurer la jouissance. "Je rassasierai ses pauvres de pain, je revêtirai ses prêtres du salut, et ses saints seront transportés de joie. (Ps 132,16). C'est là que Je ferai paraître la puissance de David, J'ai préparé un flambeau pour mon Christ. (Ps 132,17). Je couvrirai de confusion ses ennemis, et Je ferai éclater sur lui la gloire de ma sainteté." (Ps 132,18). Vous voyez réunis tous les éléments de la prospérité: Ils ne manquent point de choses nécessaires à la vie, les prêtres sont en sûreté, le peuple dans la joie, le roi revêtu de puissance. Ce flambeau, c'est ou le roi lui-même ou la Protection divine, ou le salut, ou la lumière, toutes choses qui emportent avec elles une prospérité incomparable. Quel est donc ce bonheur? C'est de voir tous leurs ennemis réduits à se cacher, sans qu'un seul puisse les troubler dans la jouissance de ces biens. Il ne dit pas qu'ils seront anéantis, mais qu'ils seront couverts de confusion. Il veut les forcer à se cacher tout vivants, à s'ensevelir dans leurs retraites, et par cette triste nécessité à rendre témoignage à la force et au bonheur du peuple juif. "Je ferai éclater sur lui la gloire de ma sainteté." Qu'est-ce à dire sur lui? "Sur mon peuple." Au lieu de "sainteté," une autre version porte "force." Une autre: "Sa distinction." Une autre: "Le caractère qui le distingue." Quel est le sens de ces paroles? Le psalmiste veut parler ici du bonheur, de la sécurité, de la paix du peuple et de la royauté. Les biens que je lui ai réservés dès le commencement, seront toujours florissants, pleins de vigueur; on ne les verra jamais ni se flétrir, ni tomber. Ils seront immuables, mais aux conditions dont nous avons parlé plus haut. Quelles sont-elles? "Si vos enfants gardent mon alliance." Les promesses de Dieu ne suffisent pas pour nous assurer ses grâces, nous devons encore faire tout ce qui est en notre pouvoir pour les obtenir, et nous garder de les attendre dans la négligence et la tiédeur. Beaucoup de promesses divines restent sans effet, parce que les hommes à qui Dieu les a faites s'en rendent indignes; de même aussi que beaucoup de menaces ne sont pas suivies du châtiment, si ceux qui avaient irrité Dieu se convertissent et apaisent sa Colère. Instruits de ces vérités, prenons garde que les promesses ne nourrissent en nous la négligence si nous ne voulons contribuer à notre ruine; prenons garde que les menaces ne nous jettent dans le désespoir, mais convertissons-nous à Dieu. Nous obtiendrons ainsi les biens éternels par la Grâce et la Miséricorde de notre Seigneur Jésus Christ, à qui soient la gloire et le règne dans les siècles des siècles. Amen.





Chrysostome, Psaumes 128