Chrysostome sur Thess. 1000

HOMÉLIE 10 NOUS VOUS DEMANDONS, MES FRÈRES, DE RECONNAITRE CEUX QUI SE FATIGUENT PARMI VOUS,

1000 QUI VOUS GOUVERNENTSELON LE SEIGNEUR, ET QUI VOUS AVERTISSENT, ET D'AVOIR, POUR EUX, UNE AFFECTION SINGULIÈRE, A CAUSE DU TRAVAIL QU'ILS FONT; CONSERVEZ LA PAIX AVEC EUX. (1Th 5,12-18)

Analyse.

1. Sur les difficultés que rencontre toujours celui qui gouverne, qui contrarient surtout l'action du prêtre. — De la dignité du prêtre, et des sacrifices auxquels il se soumet. — Droits du prêtre à la reconnaissance. — De la réprimande, quel en doit être le caractère. — Différentes espèces de dérèglements et de vices.
2. Il faut toujours chercher le bien, rendre le bien, même pour le mal, se maintenir dans la joie, prier. — Les afflictions ne sont rien, c'est nous qui nous frappons nous-mêmes.
3. Contre l'avarice, source de tous les maux. — Contre les vains prétextes qu'on allègue pour la justifier. — Désintéressement de Jacob, d'Abraham. — La sollicitude paternelle, le besoin d'assurer des ressources à ses enfants ne saurait en rien excuser l'avarice. — Ne profanons pas l'admirable institution de Dieu, l'amour paternel, en l'appliquant à la défense de la cupidité.
4. Contre la rapine, le vol, le brigandage. Contre le mépris de l'homme pour l'homme. — L'avarice, plus effrontée, plus criminelle que le brigandage — Texte d'une verve admirable de vérité et de naturelle indignation.

1001 1. Celui qui commande est nécessairement exposé à une multitude de petites rancunes ; de même que les médecins nécessairement chagrinent plus d'une fois les malades, en leur donnant et des aliments et des médicaments, désagréables sans doute, mais d'une (234) grande utilité ; de même que les pères sont souvent à charge à leurs fils, de même arrive-t-il à ceux qui enseignent, et à ceux-là plus qu'à tous les autres, d'être importuns, à charge, odieux. Le médecin, dans le cas même où le malade l'a pris en haine, n'a qu'à se louer des parents du malade et de ses amis; et souvent le médecin n'a qu'à se louer du malade. Quant au père, qui a pour lui et la nature et le secours que lui prêtent d'ailleurs les lois, il lui est très-facile de gouverner son fils. Supposez l'enfant indocile, le père pourra le corriger et le châtier sans que personne s'y oppose; ajoutons que l'enfant même n'osera pas le regarder en face. Le prêtre, au contraire, doit surmonter de grandes difficultés. Et d'abord, il faut que son empire, que sa direction soit acceptée; ce qui rie se fait pas tout de suite ; car celui qu'on reprend et qu'on blême, quel qu'il soit, oublie qu'il doit savoir gré de la réprimande, et devient un ennemi

do même celui à qui on adresse des conseils, des avertissements, des prières. Si je vous dis : Versez votre argent entré les mains des pauvres, ce que je vous dis là, vous est à charge et désagréable; si je vous dis : Apaisez votre colère, éteignez le feu de votre coeur, réprimez un désir déréglé, supprimez quelque peu de vos délicatesses, autant de paroles désagréables, et qui sont à charge; si je châtie l'indolent et le lâche, que je l'écarte de l'Eglise, que je lui interdise la prière commune, il s'afflige, non pas de ce qu'il est déchu, mais de ce qu'il est publiquement exposé à la honte.

Car voilà encore ce qui accroît notre mal quand on nous interdit les biens spirituels, nous nous affligeons, non pas d'être privés de biens si précieux, mais d'être en spectacle, et forcés de rougir. Ce n'est pas la privation même que nous avons en horreur, que nous redoutons. — Paul fait entendre, à ce sujet, beaucoup de réflexions. Et le Christ, pour recommander la soumission à l'autorité religieuse, a été jusqu'à dire : « Les scribes et les pharisiens sont assis sur la chaire de Moïse; observez donc et faites tout ce qu'ils vous disent, mais ne faites pas ce qu'ils font » (
Mt 23,2); et ailleurs, après avoir guéri le lépreux, il disait : « Allez vous montrer au prêtre et offrez le don prescrit par Moïse, afin que cela leur serve de témoignage ». (Mt 8,4) — Mais, Seigneur, vous avez dit aussi vous-même aux scribes et aux pharisiens qu'ils font un prosélyte et qu'ils le rendent digne de l'enfer deux fois plus qu'eux-mêmes. — C'est pour cela que j'ai dit, répond le Christ : « Ne faites pas ce qu'ils font ». (Mt 23) Le Seigneur ôte par ces paroles tout prétexte à l'insoumission. Paul écrivait encore à Timothée : « Que les prêtres qui gouvernent bien, soient doublement honorés » (1Tm 5,17); il écrivait aux Hébreux: « Obéissez à vos conducteurs, et soyez-leur soumis ». Et ici encore : « Nous vous demandons, mes frères, de reconnaître ceux qui se fatiguent parmi vous, et qui vous à gouvernent selon le Seigneur ». Comme il a dit en effet : « Edifiez-vous l'un l'autre », ils auraient pu s'imaginer qu'il les élevait tous au rang de docteurs. Voilà pourquoi il ajoute des paroles qui reviennent à ceci Croyez bien que je vous ai recommandé de vous édifier réciproquement, car il n'est pas possible que le docteur dise tout, à lui tout seul.

« Ceux qui se fatiguent », dit-il, « parmi vous, qui vous gouvernent selon le Seigneur, et qui vous avertissent ». Si un homme vous prenait sous sa protection, vous défendait, vous feriez tout pour lui marquer votre reconnaissance; or voici maintenant un homme qui vous prend sous sa protection auprès de Dieu et qui vous défend, et vous ne lui avez pas de reconnaissance, n'est-ce pas absurde? Et comment cet homme, objecte-t-on, me défend-il? Parce qu'il prie pour vous, parce qu'il se met à votre service, en vous communiquant le don spirituel du baptême; Parce qu'il vous visite, vous exhorte, vous avertit; au milieu de la nuit, si vous l'appelez, il va vous trouver ; il ne fait pas autre chose que de parler pour vous, et il supporte les malédictions dont vous l'accablez parfois. Quelle nécessité l'y a contraint? A-t-il bien fait, ou mal fait? Vous, vous avez une femme, et vous passez toute votre vie dans les délices, vous consacrez toutes vos heures au commerce ; le prêtre n'a qu'une affaire; sa vie entière se passe attachée à l'Eglise. « D'avoir pour eux une affection singulière, à cause de l'oeuvre qu'ils font, conservez la paix avec eux ». Voyez-vous la connaissance qu'il a des discordes qui s'élèvent? Il ne dit pas seulement : Une affection, mais « une affection singulière », comme celle des fils pour leurs pères. En effet, ce sont pour vous des (235) pères, qui vous ont engendrés à la vie éternelle; c'est par eux que vous avez conquis votre royauté; ce sont leurs mains qui font tout; ce sont eux qui vous ouvrent les portes du ciel; pas de sédition, pas de querelle; celui qui aime le Christ aimera son prêtre, quel qu'il soit, parce que c'est par lui qu'il jouit des sacrements vénérables. Dites-moi, si vous vouliez voir un palais tout brillant d'or, tout resplendissant de l'éclat des pierreries, si vous alliez trouver celui qui a les clefs, et que sur votre demande il vous ouvrit aussitôt, et vous donnât les moyens d'entrer, cet homme-là, ne le préféreriez-vous pas à tous les hommes ? Ne l'aimeriez-vous pas comme vos yeux? Ne l'embrasseriez-vous pas? Le prêtre vous a ouvert le ciel, et vous ne le baisez pas, vous ne l'embrassez pas? Si vous avez une femme, ne chérissez-vous pas, au plus haut degré, celui qui l'a unie à votre destinée? Eh bien ! si vous chérissez le Christ, si vous chérissez le royaume du ciel, reconnaissez ceux à qui vous le devez. Voilà pourquoi il dit : « A cause de l'oeuvre qu'ils font, conservez la paix avec eux. Je vous prie encore, mes frères, reprenez ceux qui sont déréglés, consolez ceux qui ont l'esprit abattu, supportez les faibles, soyez patients envers tous (14) ».

1002 2. Ici, il s'adresse à ceux qui conduisent « Reprenez ceux qui sont déréglés », ce qui veut dire : Ne les gourmandez pas, en vous prévalant de votre pouvoir ; ne le faites pas avec insolence ; soyez équitables et doux. « Consolez ceux qui, ont l'esprit abattu, supportez les faibles, soyez patients envers tous». C'est que la réprimande amère produit le désespoir, l'effronterie, quand on la méprise; par ces raisons, l'apôtre veut que les exhortations soient douces, que le remède soit agréable. Mais quels sont les déréglés ? Ceux qui agissent sans consulter la volonté de Dieu. En effet, la hiérarchie militaire elle-même est moins harmonieuse que la hiérarchie de l'Eglise. Aussi celui qui fait entendre de mauvaises paroles est déréglé ; celui qui s'enivre est déréglé; de même l'avare, de même tous les pécheurs. En effet, ils ne s'avancent pas en bon ordre, de manière à former une phalange, mais ils vont en désordre, et voilà pourquoi ils sont renversés. Il est encore une autre espèce de vices qui ne sont pas de la même nature, mais c'est toujours une nature vicieuse. Quel est cet autre mal? La bassesse de l'âme; autant que l'indolence, elle est funeste. Qui ne supporte pas l'outrage, a l'âme basse; qui ne supporte pas la tentation, a l'âme basse ; de celui-là, l'âme est la pierre sur laquelle la semence est tombée. Autre espèce de vice; c'est la faiblesse. « Supportez les faibles ». Il entend les faibles selon la foi; car il y a une faiblesse selon la foi ; mais considérez qu'il ne veut pas qu'on les méprise. Ailleurs encore l'apôtre écrivait : « Supportez les faibles dans la foi ». (Rm 14,1) En effet, nous avons, dans nos corps, des membres faibles ; nous ne les laissons pas dépérir. « Soyez patients envers tous », dit l'apôtre. Eh quoi donc, même envers ceux qui sont déréglés? Sans doute; car il n'est pas de remède qui convienne mieux de la part de celui qui enseigne, et il n'en est pas de mieux fait pour ceux qui obéissent. Et ce remède a toute l'énergie capable de rappeler à la pudeur le plus farouche et le plus impudent.

« Prenez garde que nul ne rende à un autre le mal pour le mal (15) ». S'il ne faut pas rendre le mal pour le mal, à bien plus forte raison ne convient-il pas de rendre le mal pour le bien ; à plus forte raison encore, si l'on n'a reçu aucun mal, ne faut-il pas rendre le mal. Mais un tel, dit-on, est un être méchant; et il m'a, fait beaucoup d'injures. Voulez-vous le punir? Ne lui rendez pas la pareille ; laissez-le impuni. Est-ce assez ? nullement. « Mais cherchez toujours à faire du bien, et à vos frères, et à tout le monde ». Voilà la sagesse supérieure, qui ne se contente pas de ne pas rendre le mal pour le mal, qui veut, en outre, rendre le bien pour le mal. C'est là, en effet, la vraie vengeance, funeste pour celui qui en est l'objet, entièrement utile pour vous ; disons mieux, utile aussi pour l'autre, si sa volonté y consent. Et ne croyez pas qu'il s'agisse ici seulement des fidèles, car l'apôtre vous dit : « Et à vos frères, et à tout le monde ».

« Soyez toujours dans la joie (16) ». Ceci regarde les épreuves qui jettent l'âme dans la tristesse. Ecoutez, tous tant que vous êtes, qui êtes tombés dans la pauvreté; écoutez, vous tous qui êtes tombés dans l'infortune, car de là naît la joie. Quand nous sommes portés à laisser toute offense impunie, à faire du bien à tous les hommes, d'où viendrait, répondez-moi, l'aiguillon de la douleur qui percerait (236) notre âme? Celui que les mauvais traitements réjouissent, de telle sorte qu'il se venge par des bienfaits de celui qui le blesse, comment serait-il accessible au chagrin? Mais, me diton, un tel caractère est-il possible? Nous n'avons qu'à vouloir pour le rendre possible. L'apôtre continue et nous montre le chemin : « Priez sans cesse (17). Rendez grâces à Dieu en toutes choses, car c'est là la volonté de Dieu (18) ».

Toujours des actions de grâces, voilà la sagesse. Vous avez éprouvé quelque mal? Mais, si vous le voulez, il n'y a pas là de mal; bénissez Dieu, et le mal se transforme en bien dites-vous aussi, comme Job : « Que le nom du Seigneur soit béni dans tous les siècles ». (Jb 1,21) Car, répondez-moi, qu'avez-vous souffert qui ressemble à ce qu'il a souffert? La maladie est tombée sur vous? Il n'y a là rien d'étrange; notre corps est mortel et fait pour la souffrance. Mais la pauvreté vous a surpris; vous n'avez plus d'argent? Mais l'argent se gagne et se perd, il n'a d'usage qu'ici-bas. Vous avez été attaqué, calomnié par des ennemis? Mais ce n'est pas nous qui avons souffert, en cela, aucun mal; le mal est pour ceux qui nous ont fait injure. En effet, dit le Prophète, « l'âme qui commet le péché, mourra elle-même ». (Ez 18,20) Or, le pécheur, ce n'est pas celui qui a souffert, mais celui qui a fait le mal; donc il ne faut pas se venger de celui qui est dans la mort, mais prier pour lui, afin de l'affranchir de la mort. Ne voyez-vous pas que l'abeille meurt en frappant de son aiguillon ? Dieu se sert de cet animal pour nous montrer que nous ne devons jamais nuire aux autres hommes; c'est nous, en effet, qui nous frappons de mort. Il peut se faire qu'en les frappant, nous leur causions une petite douleur; mais nous, nous y perdons la vie comme l'abeille. C'est ce que dit l'Ecriture : « Combien l'abeille est travailleuse »; l'ouvrage qu'elle produit rend la santé aux rois et aux particuliers, mais ne la défend en rien de la mort; il faut absolument qu'elle périsse. Si le mal qu'elle fait n'est pas racheté par tant de services, il en est de même, à bien plus forte raison, pour nous.

1003 3. C'est vraiment ressembler aux bêtes les plus féroces que de commencer à nuire à quelqu'un sans provocation de sa part; et même c'est être pire que les bêtes féroces, car si vous les laissez dans leurs solitudes, si vous n'exercez contre elles aucune contrainte, aucune violence; elles ne vous feront jamais de mal, elles n'iront pas vous trouver, elles n'iront pas vous mordre, elles passeront leur chemin. Mais toi, ô homme, toi qui es doué de raison, qui as reçu en privilège tant de puissance, d'honneur et de gloire, tu n'imites. pas même la conduite des bêtes féroces envers les animaux de la même espèce, et tu commets l'injustice contre ton frère, et tu le dévores. Et comment pourras-tu t'excuser? N'entends-tu pas la voix de Paul: « Pourquoi ne souffrez-vous pas plutôt qu'on vous fasse tort? Pourquoi ne souffrez-vous pas plutôt qu'on vous trompe? Mais c'est vous-mêmes qui faites tort aux autres, et qui les trompez, et qui faites cela à vos frères ». (1Co 6,7) Voyez-vous que faire le mal c'est le subir, que savoir le supporter c'est éprouver un bien? En effet, dites-moi, je vous prie, supposez un homme qui attaquerait de ses injures les magistrats, qui insulterait les puissances, à qui ferait-il du tort? A lui-même ou à ceux qu'il attaquerait? Evidemment, il ne nuirait qu'à lui-même. Celui qui outrage les magistrats, n'outrage pas en réalité les magistrats, il n'outrage que lui-même; celui qui outrage un homme, par cela même n'outrage-t-il pas le Christ? Nullement, me réplique-t-on. Que dites-vous là? Celui qui lance des pierres contre les images de l'empereur, contre qui lance-t-il des pierres? N'est-ce pas contre lui-même? Si lancer des pierres contre l'image du souverain de la terre n'est pas autre chose que les lancer contre soi-même, outrager l'image du Christ (car l'homme est l'image de Dieu), n'est-ce pas s'outrager soi-même?

Combien de temps encore serons-nous amoureux des richesses; car je ne cesserai pas de les poursuivre de mes cris, voilà la cause de tous nos maux. Combien de temps encore nous montrerons-nous insatiables, impuissants à assouvir cette faim que rien n'apaise? Qu'y a-t-il donc de si beau dans l'or? Je ne reviens pas de ma stupeur; en vérité il faut qu'il y ait là je ne sais quel prestige, comment expliquer cette considération si profonde qui s'attache à l'or, à l'argent parmi nous. Nous ne faisons aucun cas de ces âmes qui sont nos âmes, mais nous sommes à genoux devant des images inanimées? D'où est venue, à la terre, cette maladie? Qui donc aura le pouvoir de la faire disparaître? Quel discours aura pour (237) effet d'exterminer cette bête monstrueuse, de l'anéantir, de la détruire de telle sorte qu'il n'en reste plus rien? Cette fureur insensée, elle est dans toutes les âmes, dans les âmes mêmes de ces hommes qui semblent adonnés à la piété ! Sachons donc rougir en nous rappelant les préceptes évangéliques; ce sont des mots qui se trouvent dans l'Ecriture,voilà tout, mais vous n'en voyez nulle part la pratique dans les actions. Mais enfin, quelles excuses spécieuses fait-on généralement entendre?

J'ai des enfants, dit l'un, et j'ai peur d'être réduit un jour à manquer de pain, à n'avoir plus loin à subir la honte de tendre la main aux autres, à mendier. Voilà donc pourquoi vous forcez les autres à mendier? Je ne puis pas, dit celui-là, supporter la faim. Voilà donc pourquoi vous la faites supporter aux autres ? Vous savez combien il est douloureux de mendier, douloureux d'être rongé par la faim ? Eh bien ! alors, épargnez vos frères. Vous rougissez d'avoir faim, répondez-moi, et vous ne rougissez pas de ravir le bien d'autrui ? Vous craignez que la faim ne vous ronge, et vous ne craignez pas que les autres soient rongés par la faim. Certes, il n'y a pas à rougir de souffrir la faim, il n'y a là aucun sujet de reproche, mais forcer les autres à la subir, ce n'est pas seulement une honte, mais un crime qui mérite le plus rigoureux des châtiments. Toutes vos raisons ne sont que vains prétextes, verbiage, puérilités. La preuve que vous ne pensez pas à vos enfants, c'est la foule innombrable de ceux qui n'ont pas d'enfants, qui n'en auront jamais, et qui cependant se tourmentent tout autant, et sont misérables, et entassent l'or, et grossissent leur fortune comme s'ils avaient des milliers d'enfants à qui ils voudraient la laisser. Non, ce n'est pas la préoccupation pour les enfants qui produit l'avidité, l'avarice, c'est une maladie de l'âme. Voilà pourquoi tant d'hommes sans enfants sont possédés de cette fureur des richesses, tandis que d'autres, avec une nombreuse famille, méprisent la fortune qu'ils ont: ceux-là seront vos accusateurs au dernier jour. Si la nécessité d'assurer l'existence de vos enfants était la seule cause de votre désir d'amasser, ceux-là aussi devraient éprouver ce même désir, cette même passion ; s'ils ne la ressentent pas, ce n'est pas notre inquiétude pour nos enfants, c'est notre amour de l'argent qui nous rend insensés.

Mais quels sont-ils donc, me demande-t-on, ceux qui ont des enfants et méprisent les richesses? lis sont nombreux, et partout ; si vous voulez, je vous parlerai des anciens hommes. Jacob n'avait-il pas douze enfants ? N'a-t-il pas mené la vie d'un mercenaire ? N'a-t-il pas eu à souffrir de la part de son beau-père ? N'a-t-il pas été obligé de lui faire des reproches? (Gn 31) Le grand nombre de ses enfants lui a-t-il jamais inspiré de mauvaises pensées? Et Abraham ? N'a-t-il pas eu, outre Isaac, un grand nombre d'autres enfants? (Gn 25,1-4) Eh bien ! ne faisait-il pas part de ses biens aux voyageurs? Ne voyez-vous pas que non-seulement il ne commettait pas l'injustice, mais qu'il savait renoncer à ses possessions, que non-seulement il faisait du bien, mais qu'il consentait au tort que lui faisait son neveu ? C'est que savoir souffrir, en vue de Dieu, le tort qu'on vous fait en vous ravissant ce qui est à vous, suppose une vertu encore plus haute que de faire simplement le bien. Pourquoi ? C'est que la vertu ordinaire est un fruit de l'âme, un fruit de la volonté, d'où il suit qu'elle coûte peu ; mais, dans le cas d'un vol, il ya insulte et violence. Et il en coûte beaucoup moins de donner spontanément dix mille talents qu'on jette sans la moindre peine, que de se voir enlever trois oboles qu'on ne s'attendait pas à perdre. Voilà pourquoi la résignation est l'effet d'une sagesse plus parfaite. C'est un exemple que nous trouvons dans la vie d'Abraham : « Loth considéra tout le pays », dit l'Ecriture, « et il était arrosé comme le paradis de Dieu, et il le choisit pour lui ». (Gn 13,10) Et Abraham ne fit aucune objection. Comprenez-vous que non-seulement il ne commettait pas l'injustice, mais qu'il la supportait? Pourquoi accuses-tu tes enfants, ô homme? Si Dieu nous a donné nos enfants, ce n'est pas pour piller le bien d'autrui. Prends garde d'irriter Dieu par tes pa. roles. Si tu dis que ce sont tes enfants qui font de toi un ravisseur, un homme cupide, j'ai peur que tu n'en sois privé comme d'ennemis conjurés pour te perdre. Dieu t'adonné tes enfants pour prendre soin de ta vieillesse, pour apprendre de toi la vertu.

1004 4. Voilà pourquoi Dieu a constitué la race des hommes telle qu'elle est : il a agencé deux ressorts des plus énergiques : d'une part, il a établi les pères pour maîtres et docteurs; (238) d'autre part il a inspiré un grand et naturel amour. En effet, si la Providence ne présidait pas à la génération des hommes, personne n'aurait d'affection pour personne. Si maintenant même qu'il y a des pères, des enfants et des petits enfants, tant d'hommes sont indifférents pour le plus grand nombre des hommes ; il en serait à bien plus forte raison de même, sans la parenté. Voilà pourquoi Dieu vous a donné des enfants : gardez-vous donc de les accuser. Et maintenant si ceux qui ont des enfants, n'en sont pas moins dépourvus de toute excuse, comment pourront-ils se défendre, ceux qui n'en ont pas, et qui se tourmentent tant pour faire fortune ? Ces derniers pourtant, eux aussi, ont leur excuse, absolument inadmissible. Quelle est-elle? Je n'ai pas d'enfants, je veux être riche, pour qu'on se souvienne de moi. Le ridicule, en vérité, est ici à son comble. Je n'ai pas d'enfants, dit cet insensé, ma maison sera l'immortel monument de ma gloire. Ce n'est pas de ta gloire, ô homme, mais de ton avarice qu'elle sera le monument. Ne vois-tu pas la foule qui regarde aujourd'hui ces splendides maisons, n'entends-tu pas ces discours : Que de machinations perfides n'a-t-il pas faites pour acquérir tant de richesses, que n'a-t-il pas pillé pour construire cette maison? et ce riche n'est plus aujourd'hui que cendre et poussière, et cette maison est passée en des mains étrangères. Ce n'est donc pas de ta gloire que tu laisses un monument, mais de ton avarice. Ton corps est caché au sein de la terre, mais tu ne veux pas que le souvenir de ton avarice puisse se perdre par la suite des temps; on le fouille, on le déterre, voilà ce que tu fais, grâce à ta maison. Car tant qu'elle a gardé ton nom, qu'elle a été ta propriété, il a bien fallu, de toute nécessité, que toutes les bouches s'ouvrissent pour t'accuser. Comprends-tu qu'il vaut mieux ne rien avoir, que d'être obligé de supporter une pareille accusation? Ces réflexions s'appliquent à notre condition ici-bas; mais maintenant là-haut,dites, je vous en prie, que ferons-nous, nous qui aurons tant possédé, mais rien donné, ou très peu de chose, des biens qui auront été en notre pouvoir? comment nous débarrasserons-nous des fruits de notre cupidité? Celui qui veut se débarrasser des fruits de sa cupidité, ne donne pas un peu de beaucoup, il donne beaucoup plus qu'il n'a ravi, et il cesse de pratiquer la rapine.

Ecoutez ce que dit Zachée . « Je rends, de ce que j'ai pris à tort, le quadruple ». (
Lc 19,8) Quant à toi, tu pilles dix mille talents, tu donnes quelques drachmes, à grand'peine encore, et tu crois avoir tout rendu, tu te regardes comme ayant dépassé tes rapines par le don que tu as fait. Or, voici ce qu'il faut faire: d'abord il faut rendre ce que tu as pris, et prélever sur ce qui t'appartient de manière à ajouter à ce que tu as rendu. Le voleur ne restitue pas ce qu'il a pris sans y rien ajouter pour se justifier, souvent il paie, en outre, de sa vie, souvent une transaction s'opère moyennant qu'il donne beaucoup plus : il en est de la cupidité comme du vol. L'avare, en effet, c'est un voleur, c'est un brigand d'une espèce beaucoup plus dangereuse, parce qu'elle est plus tyrannique. Le voleur fait ses coups en cachette, et de nuit; son crime est moins audacieux, il a honte, il a peur en le commettant; mais le cupide, l'avare, dépouillant toute honte, nu-tête, au beau milieu de la place publique, il pille la fortune de tous; c'est un voleur et un tyran tout ensemble; il ne fait pas de trous dans les murs, il n'éteint pas la lumière, il n'ouvre pas le coffre-fort, il n'efface pas les traces de son crime; mais que fait-il donc? Son effronterie a toute l'ardeur de la jeunesse: à la vue de ceux auxquels il vient enlever tout ce qu'ils ont, il ouvre la porte toute grande, il s'élance, rien ne le gêne ni ne l'intimide, il ouvre tout, il force les malheureux à se dépouiller eux-mêmes. Voilà jusqu'où va sa violence que rien n'arrête. L'avare est plus infâme que tous les voleurs ensemble, parce qu'il est plus effronté, parce que c'est un plus cruel tyran. Celui qui souffre des brigandages ordinaires, souffre sans doute, mais il peut goûter une puissante consolation, en ce qu'il est redouté par celui qui lui a fait du tort; mais la victime de l'homme cupide, il lui faut souffrir et l'injustice et les mépris; elle ne peut pas avoir recours à la force, elle n'en serait que plus exposée à la dérision. Dites-moi, un adultère se cache; un autre, au contraire, à la vue du mari, ne se cache pas du tout, lequel des deux fait la blessure la plus cruelle, la plus déchirante? Le dernier sans doute, il ne se contente pas de nuire, il joint à l'injure, le mépris : l'autre a au moins cela pour lui, qu'il redoute celui qu'il a offensé. Il en est de même pour les crimes qui concernent la richesse; celui qui se (239) cache, pour dérober, marque au moins quelques égards, en ce qu'il se cache; au contraire, celui qui pille ouvertement, publiquement, ajoute, au préjudice qu'il fait, même la honte de subir des mépris.

Cessons donc de piller le bien des autres, finissons-en, pauvres et riches. Car ce discours ne s'adresse pas seulement aux riches, mais je parle aussi pour les pauvres. Eux aussi pillent ceux qui sont plus pauvres; parmi les ouvriers, ceux qui ont plus de ressources et de pouvoir, vendent ceux qui sont plus pauvres et plus faibles, infâme commerce, des méchants vendent des méchants, et tous en pleine place publique. Si bien que ce que je veux, c'est exterminer partout l'injustice. Car ce n'est pas à la mesure des choses pillées ou volées qu'il faut juger du crime, il est tout entier dans la volonté libre du ravisseur.

Quant à cette vérité que, les voleurs les plus coupables, les plus tourmentés du mal de la Cupidité, sont ceux qui ne dédaignent pas les plus minces larcins, je sais, je me rappelle que je vous l'ai exposée, je suppose que vous vous en souvenez, vous aussi. Toutefois ne subtilisons pas. Considérons-les comme des riches. Corrigeons-nous, habituons-nous à modérer nos désirs, à ne rien souhaiter plus qu'il ne faut. En ce qui concerne les biens célestes, ne modérons jamais notre désir d'avoir plus, toujours plus encore, que ce désir ne quitte jamais aucun de nous; mais, pour ce qui est de la terre, que chacun se contente de ce qui doit suffire à son usage, et ne recherche jamais rien de plus, afin qu'il nous soit ainsi donné d'obtenir les vrais biens, par la grâce et par la bonté, etc., etc.


HOMÉLIE 11: N'ÉTEIGNEZ PAS L'ESPRIT, NE MÉPRISEZ PAS LES PROPHÉTIES;

1100 ÉPROUVEZ TOUT, ET RETENEZ CE QUI EST BON; ABSTENEZ-VOUS DE TOUT CE QUI A QUELQUE APPARENCE DE MAL. (1Th 5,19-23)

Analyse.

1. De la lumière que Dieu nous a donnée pour éclairer nos ténèbres. — Ce qu'en font les hommes. — Contre l'impureté qui l'éteint. — Des diverses passions mauvaises qui rendent la grâce inutile.
2. Du respect pour les prophéties. — De la sanctification. — De la prière. — Humilité de saint Paul demandant aux fidèles de prier pour lui. — Pourquoi le pasteur a raison de tenir aux prières de ceux qu'il dirige. — Amour de saint Paul pour les fidèles.
3. Histoire d'une servante. — Contre l'indifférence envers les pauvres et les malheureux. — Les pauvres, réduits, pour vivre, à faire le métier de prestidigitateurs, de bouffons, au lieu de prier Dieu pour nous ! Supériorité des mendiants, priants et résignés, sur les heureux de ce monde.
4 et 5. Utilité de la présence des pauvres dans les églises. — Ce sont les chiens qui gardent les palais du Seigneur. — Vanité des choses humaines. — De l'égalité devant Dieu.

1101 1. Une obscurité épaisse, des nuages ténébreux se sont répandus sur toute la terre, c'est ce que l'apôtre montrait par ces paroles « Nous n'étions autrefois que ténèbres » (Ep 5,8) ; et ailleurs . « Mes frères, vous n'êtes pas dans les ténèbres, pour être surpris de ce jour, comme d'un voleur». (1Th 5,4) Donc, puisque c'est la nuit, et, pour ainsi dire, une nuit sans lune; puisque c'est dans cette nuit que nous marchons, le Seigneur nous a donné une lampe brillante, la grâce du Saint-Esprit, qu'il a allumée dans nos âmes. Mais voici ce qui est arrivé de cette lumière : les uns l'ont reçue et l'ont rendue plus éclatante, plus resplendissante, comme ont fait et Paul, et Pierre, et tous ces glorieux saints; les autres, au contraire, l'ont éteinte ainsi les cinq vierges; ainsi ceux qui ont fait le naufrage dans la foi, comme le fornicateur de Corinthe, comme les Galates pervertis. Voilà pourquoi Paul dit maintenant : « N'éteignez pas l'Esprit », c'est-à-dire, la grâce. C'est son habitude d'appeler ainsi la grâce de l'Esprit; et ce qui l'éteint, c'est l'impureté. Supposez que, dans nos lanternes, on verse de l'eau, on mette de la terre : on éteindra la lumière; et il n'est même pas besoin de rien faire de semblable : il suffit d'ôter l'huile; il (240) en est de même de la grâce de l'Esprit; mêlez-y les choses terrestres, les soucis des affaires, vous éteignez l'Esprit, et, à défaut de ce que vous aurez pu faire, il suffit d'ailleurs d'une tentation survenant violemment pour éteindre, comme le fait le vent, la flamme qui n'est pas assez forte, ou qui n'a pas assez d'huile pour la nourrir, ou c'est que vous n'avez pas bouché les ouvertures, fermé la porte, et tout est perdu.

Les ouvertures, qu'est-ce à dire? Il en est de nous comme des lanternes: nos ouvertures sont les yeux et les oreilles. Ne souffrez pas que le vent de la perversité s'y engouffre, parce qu'il éteint la lumière; bouchez vos ouvertures, avec la crainte de Dieu; la bouche est une porte, fermez-la à- clef, et tirez le verrou, afin d'abriter la lumière et de n'avoir pas à craindre l'irruption du dehors. Exemple : on vous a outragés, on, vous a dit des injures : fermez votre bouche, parce que, si vous l'ouvrez, vous excitez le vent. Voyez ce qui se passe dans nos maisons, quand il y a deux portes directement en face l'une de l'autre, que le vent souffle avec violence; si vous fermez l'une, sans établir de courant d'air, le vent n'a pas de prise; toute sa force tombe ; il en est de même ici : les deux portes sont votre bouche et celle de l'homme qui vous outrage et vous injurie. Si vous fermez votre bouche, si vous n'établissez pas de courant d'air, vous faites tomber toute la force du vent; au contraire, ouvrez-la; vous ne pouvez plus maîtriser le vent; donc n'éteignons pas la grâce. Il arrive souvent que, même sans aucune irruption du dehors, la flamme s'éteint; c'est l'huile qui manque ; nous ne faisons pas l'aumône, l'Esprit s'éteint. En effet, l'aumône vient de Dieu vers vous ; elle voit qu'il n'y a, auprès de vous, aucun fruit à faire, et elle s'envole; elle ne reste pas dans une âme insensible à la pitié. Une fois l'Esprit éteint, vous savez ce qui arrive, ô vous tous qui avez marché dans une nuit sans lune. S'il est difficile de trouver, pendant la nuit, le chemin qui conduit d'une terre à une autre terre, comment pourrait-on se diriger; dans le chemin qui conduit de la terre au ciel? Ignorez-vous tous les démons répandus dans cet espace, tous les monstres, tous les génies de la perversité? Eh bien, si nous avons cette lumière dont je parle, ils ne peuvent en rien nous nuire; au contraire, si nous l'éteignons, vite ils se jettent sur nous, vite ils nous dévalisent. Vous savez bien que les brigands éteignent la lumière avant de commettre leurs brigandages. Ces esprits du mal voient clair dans ces ténèbres, parce que leurs oeuvres sont ténébreuses; mais nous, nous n'avons pas l'habitude de cette lumière. Gardons-nous donc de l'éteindre; toute action mauvaise l'éteint, toute querelle, toute mauvaise parole, quelle qu'elle soit. Tout corps d'une nature étrangère au feu en ruine l'essence ; ce qui allume le feu, c'est ce qui a de l'affinité avec lui. Il en est de même pour la lumière; ce qui est résistant, chaud, igné, embrase la flamme de l'Esprit ; n'y portons donc rien de froid, ni rien d'humide, car voilà ce qui éteint le feu spirituel.

On peut encore vous proposer d'autres réflexions. Grand nombre d'hommes, chez ces premiers chrétiens, prophétisaient ; les uns parlaient selon la vérité, les autres ne proféraient que des mensonges. Paul le dit encore dans son épître aux Corinthiens : « C'est pour cela », dit-il, « que Dieu a donné le discernement des esprits ». (1Co 12,10) L'esprit impur, le démon aurait voulu faire servir ce don de prophétie à la destruction complète de l'Eglise. Il y avait deux prédictions : celle du démon, celle de l'Esprit; la première remplie de mensonges, la seconde n'exprimant que la vérité. Impossible de les distinguer, de les reconnaître; on eût dit Jérémie et Ezéchiel. Quand le temps fut venu, Dieu permit de reconnaître, de distinguer les esprits. Il y avait donc à cette époque, chez les habitants de Thessalonique, un grand nombre de prophètes, que Paul désigne, dans un autre passage, par ces paroles : « Ne vous laissez ébranler ni par des discours, ni par des lettres supposées écrites par nous, de manière à croire que le jour du Seigneur est arrivé ». (2Th 2,2) C'est ce qui fait qu’après avoir dit ici : «N'éteignez pas l'Esprit », il a eu raison d'ajouter ce qui suit : « Ne méprisez pas les prophéties»; ce qui veut dire : S'il y a auprès de vous quelques faux prophètes, ce n'est pas une raison pour écarter les autres, pour vous éloigner d'eux. Gardez-vous d'éteindre les prophètes: Voilà ce que veut dire: «Ne méprisez pas les prophéties ».

1102 2. Comprenez-vous ce qu'il entend par « Eprouvez tout? » Comme il vient de dire (241) « Ne méprisez pas les prophéties », on pouvait s'imaginer qu'il accordait à tous les prophètes indistinctement, l'accès de la chaire. « Eprouvez tout », dit-il; « retenez ce qui est bon», c'est-à-dire les véritables prophéties : « Abstenez-vous de tout ce qui a quelque apparence de mal ». Il ne dit pas, de telle ou telle mauvaise apparence, mais : « De tout ce qui a quelque apparence de mal » ; mensonges, vérités, éprouvez tout, examinez, distinguez, pour vous abstenir dur mal, et pour vous attacher au bien. C'est ainsi que vous prouverez votre Daine sincère pour ce qui est mal, votre amour pour ce qui est bien. Ne vous contentez pas d'agir à la légère et sans examen ; ne faisons rien qu'après nous être rendu soigneusement un compte exact de tout.

« Que le Dieu de paix vous sanctifie lui-même, en toute manière, afin que tout ce a qui est en vous, l'esprit, l'âme et le corps, se conservent sans tache, pour l'avènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ (23) ». Voyez l'affection que montre le maître ; à l'exhortation il joint la prière, et non-seulement l'a prière parlée, mais la prière écrite c'est que le conseil ne suffit pas, il faut encore la prière. Voilà pourquoi, nous aussi, nous vous conseillons, et nous faisons pour vous des prières, ce que savent bien les initiés. Quant à Paul, certes, il avait raison d'agir ainsi, lui qui avait tant de droit de parler à Dieu en toute liberté. Mais nous, nous sommes couverts de honte, et nous n'avons pas auprès de Dieu cette liberté; mais comme nous avons été établis et ordonnés pour agir de cette sorte, malgré notre indignité, nous nous adressons à Dieu, quoique nous ne méritions pas d'être comptés parmi les derniers des disciples. Mais nous savons que la grâce opère, par le moyen des hommes indignes, non en vue d'eux-mêmes, mais en vue de ceux qui en retireront de l'utilité, et nous apportons ce qui dépend de nous. « Qu'il vous sanctifie », dit l'apôtre, « en toute manière, afin que tout ce qui est en vous, l'esprit, Pâme et le corps, se conservent sans tache, par l'avènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ ». Qu'entend-il ici par «Esprit ? » Cela veut dire, la grâce, le don gratuit; car si nous sortons d'ici emportant dans nos mains des lampes brillantes, nous entrerons dans la chambre de l'époux; si nos lampes s'éteignent; non. Voilà pourquoi il dit : « L'Esprit sans tache» ; car lorsque l'esprit demeure sans tache, la grâce aussi demeure. « L'âme », dit-il, « et le corps » ; si, dit-il, ni l'âme ni le corps ne reçoivent aucune souillure.

« Celui qui vous a appelés, est fidèle, et c'est lui qui fera cela en vous (24) ». Voyez l'humilité de l'apôtre : il a prié; ne croyez pas, dit-il, que ce soit un effet de mes prières ; c'est la suite du dessein qui fait que le Seigneur vous a appelés; car, s'il vous a appelés pour le salut, et si c'est le Dieu de vérité, il vous donnera certainement le salut qu'il veut vous donner. — « Mes frères, priez pour nous (26) ». Ah ! quelle humilité ! mais ce que Paul disait par humilité, nous 1e disons, nous, non pas par humilité, mais pour notre plus grande utilité, et parce que nous voulons recevoir de vous un grand profit; priez aussi pour nous, car, si vous ne recevez pas de nous de bien grands, d'admirables services, priez toutefois à cause de l'honneur que procure la prière; priez, en considération du titre que nous portons. Un homme avait des fils, il ne leur était d'aucune utilité ; mais, attendu qu'il était leur père, il leur disait : Un jour entier s'est passé sans que vous m'ayez appelé votre père. Voilà pourquoi nous vous disons, nous aussi, priez pour nous et ce ne sont pas là de vaines paroles; vos prières, je les désire vivement. Si c'est mon devoir de prendre soin de vous tous; si je dois un jour rendre dès comptes, à bien plus forte raison convient-il que j'obtienne vos prières. C'est à cause de vous que je dois un compte plus redoutable ; vous devez donc m'apporter un plus grand secours.

« Saluez tous nos frères, en leur donnant le saint baiser (26) ». Ah ! quelle ardeur ! Ah ! quel sentiment, quel coeur ! Etant loin dès frères, il ne pouvait pas les saluer en leur donnant lui-même le baiser, il le leur donne donc par correspondance, c'est ce que nous faisons, quand nous disons : Embrassez pour moi un tel. Faites de même, vous aussi, entretenez le feu de la charité. Il n'y a pas pour la charité de grands espaces, elle franchit les distances, elle se montré partout. « Je vous adjure, par le Seigneur, de faire lire cette lettre devant tous les saints frères (27) », paroles qui témoignent encore plus de l'ardeur de la charité que du zèle de l'enseignement. Je veux, dit-il, m'adresser à eux aussi; « l'a grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ soit avec vous. Amen (28) ». Il ne se contente pas de leur ordonner, il les adjure ardemment, afin (242) que dans le cas où ils seraient portés à négliger son ordre, cette considération, qu'il les adjure, les détermine à l'exécuter. Autrefois on n'écoutait qu'en tremblant ces adjurations, aujourd'hui on n'y prend pas garde. Il arrive souvent qu'un esclave, frappé de verges, adjure son maître au nom de Dieu et du Christ de Dieu; on l'entend s'écrier : Chrétien, que, tu meures, personne n'y fait attention, personne ne s'en occupe, personne n'en prend souci. Si au contraire on adjure par la vie d'un fils, aussitôt le maître se faisant violence, grinçant encore des dents, apaise sa colère. On voit un homme, traîné en prison, emporté à travers la place publique, en présence des grecs et des juifs, adjurer, de la manière la plus redoutable celui qui l'entraîne : personne n'y fait attention. Que ne diront pas les grecs, à la vue d'un fidèle adjurant un fidèle, un chrétien qui n'en tient aucun compte, qui de plus le dédaigne ?

1103 3. Voulez-vous que je vous raconte une histoire que j'ai entendue moi-même? Ce n'est pas une fiction que je vous apporte, j'ai entendu le fait de la bouche d'une personne tout à fait digne de foi. Une servante était mariée à un méchant homme, un scélérat, un esclave fugitif; ce malheureux avait commis de grandes fautes, et devait être vendu par sa maîtresse ; il s'était couvert de trop de crimes pour qu'elle pût lui pardonner ; c'était une veuve elle ne pouvait pas le châtier quand il ruinait sa maison, mais elle avait résolu de le vendre. Elle réfléchit ensuite qu'il n'était pas permis de séparer le mari de sa femme; et, quoique celle-ci fût honnête, et lui rendît des services, elle aima mieux la vendre avec son mari que de l'en séparer. La jeune servante se voyant donc dans cette situation, pleine d'angoisses, alla trouver une noble dame, amie de sa maîtresse, et c'est de cette dame que je tiens cette histoire; la servante, lui prenant les genoux et répandant des flots de larmes, et poussant mille cris lamentables, la pria de fléchir sa maîtresse en sa faveur. Après avoir fait entendre beaucoup de paroles, à la fin elle ajouta, comme le moyen le plus énergique de persuasion, une adjuration terrible. Or, voici quelle était cette adjuration : Puissiez-vous voir le Christ au jour du jugement, si vous ne méprisez pas ma prière, et à ces mots elle se retira. Celle à qui cette prière avait été adressée, distraite par quelque affaire, comme il arrive dans la vie, oublia un instant ces paroles ; mais plus tard, tout à coup, dans l'après-midi, à l'heure du crépuscule, elle se souvint de l'adjuration redoutable, et son âme en fut fortement touchée, et elle s'en alla, et elle s'acquitta avec soin de ce dont elle était priée. Cette femme, pendant la nuit, vit tout à coup le ciel ouvert, et Jésus-Christ lui-même; elle le vit comme le Christ pouvait être vu par une femme.

C'est parce qu'elle comprenait l'importance de ces adjurations, c'est parce qu'elle redoutait le Seigneur, qu'elle fut favorisée d'une pareille vision. Ce que j'en dis, c'est pour que nous,comprenions bien ce que les adjurations ont de redoutable, surtout lorsqu'on nous adjure de faire des bonnes oeuvres, de faire l'aumône, de pratiquer la charité. Voici, à terre, des pauvres, des mutilés, ô femme, et ils te voient franchir en courant ton chemin; leurs pieds ne peuvent te suivre ; alors ils se servent comme d'un hameçon pour t’attirer à eux, de l'adjuration; ils étendent les mains, et t'adjurent de leur donner une obole, deux oboles, rien de plus. Mais toi, tu continues ta course; toi qu'on adjure au nom du Seigneur ton Dieu ! Et je suppose qu'on t'adjure parles yeux, ou de ton mari en voyage, ou de ton fils, ou de ta fille; aussitôt tu cèdes, et ton coeur palpite, et ton sang s'échauffe ; si, au contraire on t'adjure au nom du Seigneur, tu poursuis ta course. Je connais beaucoup de femmes, moi, que le nom du Christ ne retient pas dans leur course; mais, qu'on loue leur beauté en s'approchant d'elles, elles fléchissent, elles s'attendrissent, et elles vous tendent la main; elles vont jusqu'à provoquer- chez les pauvres, chez ces infortunés, le rire -à leurs dépens. Comme les paroles passionnées ou sévères ne touchent pas le coeur de ces femmes, les pauvres emploient le moyen qui leur fait plaisir, et voilà le malheureux; celui que la faim tourmente, forcé par notre bassesse de faire l'éloge de leur beauté.

Et, s'il n'y avait pas d'autres désordres, mais il est un autre abus plus révoltant; voilà les pauvres forcés de faire le métier de prestidigitateurs, de bouffons, de personnages ridicules. Quand vous les voyez avec des coupes, des vases de bois de lierre, des gobelets, dans les doigts des timbales, des flûtes, chantant des chansons honteuses, exprimant les salés amours, vociférant, criant; autour d'eux s'arisasse la (243) foule, et les uns leur donnent un morceau de pain, les autres une obole, d'autres encore n'importe quoi, et on les arrête longtemps, et c'est un plaisir, un plaisir pour les hommes, un plaisir pour les femmes. Qu'y a-t-il de plus triste que cela? N'y a-t-il pas là une féconde matière de gémissements? C'est peu de chose, on regarde cela comme peu de chose, et voilà, dans nos moeurs, de grands sujets de péchés. Un chant obscène, une musique qui fait plaisir, amollit l'âme et cette mollesse produit la corruption. Et quand je pense que le pauvre, invoquant Dieu, lui demandant, pour vous, dans ses prières des biens innombrables, n'est auprès de vous en nulle estime, et qu'au contraire celui qui substitue aux prières de niais plaisirs, excite votre admiration !

Maintenant, il me vient à l'esprit quelque chose que je veux vous dire. Qu'est-ce? Quand vous serez tombés dans la pauvreté, dans la maladie, apprenez au moins des mendiants de nos ruelles à bénir le Seigneur. Ils passent toute leur vie à mendier et ils ne blasphèment pas, ils ne s'irritent pas, ils se résignent; toute leur existence de mendiants, ils se la racontent à eux-mêmes, en y mêlant des actions de grâces; ils célèbrent la grandeur et la bonté de Dieu ; et toi, qui vis dans la pleine abondance de toutes choses, tant que tu n'as pas tout attiré à toi, tu taxes de cruauté le Seigneur ! Combien le pauvre nous est supérieur, quelle condamnation un jour ne prononcera-t-il pas sur nous ! Pour nous enseigner à tous ce que c'est que le malheur, en même temps, pour nous consoler, Dieu, sur tous les points de l'univers, a envoyé les pauvres. Vous avez souffert un malheur qui vous afflige ? mais il n'y arien là de comparable au malheur de cet infortuné. Vous êtes borgne? mais il est aveugle. Vous avez eu à supporter une maladie longue? mais il a, lui, une maladie incurable. Vous avez perdu vos fils? mais, lui, il a perdu jusqu'à la santé de son propre corps. Vous avez éprouvé un grand dommage? mais vous n'avez pas encore été réduit à avoir besoin des autres. Donc, rendez grâces à Dieu ; voyez ces infortunés dans la fournaise de la pauvreté, adressant leurs demandes à tous, et recevant d'un si petit nombre. Donc, lorsque vous êtes fatigué de prier, que vous ne recevez rien, pensez en vous-même combien de fois vous avez entendu un pauvre vous appeler sans que vous l'ayez écouté; et ce pauvre ne s'est pas mis en colère, et il ne vous a pas outragé. Pour vous, ce que vous faites, c'est par cruauté ; Dieu, au contraire, c'est par bonté qu'il ne vous écoute pas. Eh quoi ! vous n'écoutez pas, par inhumanité, celui qui est votre compagnon d'esclavage, et vous ne trouvez pas juste que l'on vous réprimande ; et, lorsque par bonté le Seigneur ne vous écoute pas, vous, son esclave, vous le réprimandez ? Voyez-vous l'inégalité du jugement? Voyez-vous l'injustice criante ?

1104 4. Ne nous lassons pas de faire ces réflexions, de considérer ceux qui sont plus bas que nous, ceux qui souffrent de plus grands malheurs, et alors nous bénirons Dieu.. La vie est pleine d'exemples de ce genre, et le sage et l'esprit attentif y peut trouver un grand enseignement. Tenez, sans sortir de nos maisons de prière, voilà pourquoi; et dans les églises, et dans les chapelles élevées aux, martyrs, des pauvres se tiennent sous les vestibules; leur aspect peut nous être d'une grande utilité ; considérez que, dans les palais de la terre, aucun spectacle pareil ne frappe les visiteurs qui entrent; de tous côtés vous ne voyez que personnages considérables, des dignitaires magnifiques, des riches superbes, des hommes dont on vante l'esprit ; dans notre palais, à nous, je veux dire l'Eglise, à l'entrée de nos temples, de nos chapelles de martyrs, ce sont des démoniaques, des manchots, des mutilés, des pauvres, dès vieillards, des aveugles, et ceux qui ont les membres contournés; pourquoi ? pour que le spectacle qu'ils présentent vous soit un enseignement. Et d'abord vous pourriez rapporter du dehors quelque faste orgueilleux, jetez les yeux sur ces infortunés, déposez votre insolence, prenez un coeur contrit avant d'entrer, avant d'entendre la parole; (l’orgueilleux n'est pas écouté dans ses prières). A la vue d'un infortuné vieillard, vous cesserez d'être si fier, de vous applaudir de votre jeunesse ; ces vieillards aussi furent des jeunes gens. La profession des armes, un royal pouvoir 'enflent votre vanité ; réfléchissez que, parmi ces infortunés, il y en a qui furent glorieux dans les palais des rois. Votre santé vous donne de' la confiance; regardez ces malades et réprimez votre vanité. Celui qui fréquente assidûment l'église, tout sain de corps qu'il est, ne s'enorgueillira pas de sa santé; et celui qui souffre recevra une consolation puissante.

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Mais ce n'est pas là l'unique raison qui les fait asseoir sous nos portiques; ils eut là aussi pour vous faire pratiquer l'aumône, pour vous attendrir, pour vous apprendre à admirer la bonté de Dieu. Si Dieu n'a pas honte de ces infortunés, s'il les a introduits sous ces portiques, faites de, même à, bien plus. forte raison, vous; ils sont là pour vous apprendre à ne pas vous glorifier des royautés de la terre. Ne rougissez donc pas quand, un pauvre vous appelle ; s'il s'approche de vous, s'il vous prend les genoux, ne le repoussez pas. Les pauvres sont en quelque sorte d'admirables, chiens des palais du, Roi, et je ne leur adresse pas un outrage en les appelant des chiens, au contraire, je prétends par là faire d'eux un, noble éloge ils gardent, le palais du Roi ; donc nourrissez-les. L'honneur remonte jusqu'au Roi. Dans les palais tout est faste insolent, j'entends les palais de la terre; dans les palais du vrai Roi, tout est humilité. Les choses humaines ne sont rien ; les vestibules, des églises suffisent pour vous l'apprendre. La richesse n'a aucun charme, pour, Dieu ; ceux. que vous voyez assis là, suffisent pour vous l'apprendre. Cette assemblée qui séjourne là, c'est comme un avertissement, à la nature humaine, c'est une voix sonore et retentissante qui dit : Les choses humaines ne sont rien qu’ombre et fumée. Si les richesses étaient de vrais biens, Dieu n'aurait pas établi, des pauvres. à ses propres portes; s'il reçoit même des riches ; ne soyez pas étonnés ; ce n'est pas à cause de leurs richesses, qu'il les reçoit, ce n'est pas pour qu,'ils se conservent riches, mais, pour qu'ils. déposent leur vanité. Ecoutez ce que, leur dit, le Christ : « Vous ne pouvez, pas servir Dieu et Mamon (1) » ; et encore : « Il sera difficile aux riches, d'entrer dans le royaume des cieux, ». ; et, encore. : « Il est plus facile pour un câble d'entrer dans le trou d'une aiguille, que pour un


1 Mammon, dieu des richesses chez les Syriens,

S'il reçoit les riches, c'est pour qu'ils entendent ces paroles, pour leur apprendre à désirer les éternelles richesses, à soupirer après les biens du ciel. Etonnez-vous, qu'il ne dédaigne pas de les voir assis sous ces portiques, quand il ne dédaigne pas de les convier à sa table spirituelle, de les admettre au divin banquet; mais le boiteux, le mutilé, le vieillard en haillons, souillé, couvert d'ulcères, côte à côte avec le jeune homme élégant, le superbe décoré de la pourpre, et celui qui porte en tête le diadème, vient à la table prendre sa part, et il est admis au festin spirituel; et, les uns comme les autres, jouissent des mêmes biens sans différence, sans distinction.



1105 5. Eh quoi ! le Christ ne dédaigne pas, de les appeler à sa table, eu même temps que l'empereur ; ils sont, tous conviés en même temps Et toi peut-être, tu t'avises de faire le dédaigneux, tu ne veux pas qu'on te voie donnant aux pauvres, ou même leur adressant la parole. Ah ! quelle arrogance ! quel orgueil ! Prenez. garde qu'il ne vous; arrive la même chose qu'au. riche d'autrefois. Il faisait le dédaigneux, ce riche; il ne voulait pas voir Lazare, il ne daignait même pas lui donner un abri sous son toit; ce pauvre était dehors, gisant sous le vestibule, et on ne daignait pas lui adresser une parole. Mais voyez, aussi comme au jour où le riche eut besoin. de ce pauvre, il n'obtint pas son secours. Si nous rougissons de ceux dont le Christ n'a pas rougi; le Christ rougit de nous, qui rougissons de ses amis, emplissez votre table de boiteux,de manchots, et de mutilés ; ce sont eux qui font venir le Christ, ce ne sont pas les riches. Peut-être que mon discours vous fait rire, eh bien ! ce n'est pas moi qui parle ; écoutez le Christ lui-même et ne riez pas, mais frémissez : « Lorsque vous donnerez à dîner ou à souper, n'y conviez, ni vos amis, ni vos frères, ni vos parents, ni vos voisins riches, de peur qu'ils ne vous invitent ensuite à leur tour, et qu'ainsi ils ne vous rendent ce qu'ils avaient reçu de vos dons ; mais, lorsque vous faites un festin, conviez-y les mendiants, les pauvres, les aveugles, et vous serrez bienheureux, parce qu'ils n’auront pas de quoi vous rendre, car cela vous sera rendu, dans la résurrection, des justes ». (Lc 12,14)

Ajoutez, encore à cela une, gloire plus éclatante, si vous l'aimez cette gloire. Dans les festins du monde règnent l'envie, les jalousies, les accusations, les médisances, et la crainte excessive de manquer aux convenances ; et vous êtes là comme l'esclave du. maître, et; si l’on a invité des convives plus considérables que vous, vous redoutez leurs propos méchants ; dans les. banquets du Seigneur rien de pareil, quels que soient les mets que vous offriez aux pauvres, ils les reçoivent volontiers (245), et de 1à, pour vous, de grands applaudissements, une gloire plus éclatante, plus d'admiration; on n'applaudit pas autant aux banquets des riches que n'applaudissent aux festins des pauvres, ceux qui en entendent parler. Si vous refusez de me croire, faites-en l'expérience, ô riches, qui conviez des généraux et des chefs d'armée. Conviez des pauvres, remplissez-en votre table, voyez s'ils ne vous applaudissent pas tous, s’ils ne vous chérissent pas tous, s'ils ne vous regardent pas tous comme un père. Les festins du monde ne procurent aucun profit; ceux dont je parle assurent la conquête du ciel et de tous les célestes biens. Puissions-nous tous les obtenir, par la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient, comme au Père, comme au Saint-Esprit, la gloire, l'empire, l'honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.





Chrysostome sur Thess. 1000