Chrysostome sur Thess. 1400

HOMÉLIE 3: QUI SOUFFRIRONT LA PEINE D'UNE ÉTERNELLE DAMNATION,

1400 ÉTANT CONFONDUS PAR LA FACE DU SEIGNEUR ET PAR LA GLOIRE DE SA PUISSANCE, LORSQU'IL VIENDRA POUR ÊTRE GLORIFIÉ DANS SES SAINTS, ET POUR SE FAIRE ADMIRER DANS TOUS CEUX QUI AURONT CRU EN LUI. (2Th 1,9-12 2Th 2,1-5)

Analyse.

1. L'enfer, la géhenne n'est pas un supplice temporaire mais éternel. — Comment Dieu sera glorifié par les élus. — La gloire du fidèle, c'est l'affliction reçue à cause du Christ.
2. De l'avènement du Christ, et de notre réunion avec lui. — Des imposteurs qui montraient des lettres supposées de saint Paul. — De l'antéchrist.
3. De la nécessité où les fidèles mettaient l'apôtre de leur répéter, par écrit, ses enseignements donnés de vive voix. — L'effet de la prédication ne dépend pas uniquement des docteurs et des maîtres; il faut l'attention de ceux qui reçoivent la parole et l'application de leur mémoire. — Des passions qui s'opposent à l'effet de la prédication.
4. Contre l'avarice. — Les richesses et les épines; les riches et les chameaux. — Il faut, par tous les moyens, extirper de nos âmes l'amour des richesses. — Contre les riches qui viennent s'étaler dans les églises. — Texte d'une verve admirable sur les riches qui croient faire grand honneur à Dieu. — De la lecture de l'Ecriture sainte.

255

1401 1. Grand nombre d'hommes ont bon espoir; ce n'est pas qu'ils s'abstiennent du péché, mais c'est qu'ils regardent la géhenne comme moins rigoureuse qu'on ne le dit. Ils la croient plus douce que les menaces ne l'annoncent; temporaire, non éternelle, et ils font là-dessus beaucoup de dissertations. Quant à moi, non-seulement je ne la crois pas plus douce que les menaces ne nous l'annoncent, mais je la crois beaucoup plus terrible, et j'en puis donner un grand nombre de preuves, et conclure ce qui en est, des paroles mêmes qui nous annoncent la géhenne. Toutefois, je n'en veux rien faire, quant à présent; il suffit de la crainte, inspirée par les seules paroles, quand même nous n'en expliquerions pas le sens. Non, l'enfer n'est pas temporaire : écoutez ce que dit Paul de ceux qui ne veulent pas connaître Dieu, qui ne croient pas à l'Evangile. Ceux-là seront punis d'une mort éternelle. Ce qui est éternel peut-il être temporaire? « Confondus », dit l'apôtre, «,par la face du Seigneur ». Il indique par là la promptitude irrésistible du supplice. Ces riches si orgueilleux, il ne faut pas, dit l'apôtre, déployer contre eux un grand effort : il suffit que Dieu se présente et se montre, et les voilà tous eu proie aux châtiments, au supplice. La présence du Seigneur sera, pour les uns, la lumière; pour les autres, le supplice.

« Et par la gloire », dit l'apôtre, « de sa puissance, lorsqu'il viendra pour être glorifié dans ses saints, et pour se faire admirer dans tous ceux qui auront cru en lui ». Que dites-vous ? Dieu sera glorifié ? Sans doute ; « dans tous ses saints », dit l'apôtre. Comment cela? Quand ces orgueilleux, dit-il, verront ceux qu'ils frappaient, qu'ils méprisaient, qu'ils raillaient, se tenir auprès de Dieu, c'est alors qu'apparaîtra la gloire de Dieu, ou plutôt, et la gloire des élus, et la gloire de Dieu ; du Dieu, qui ne les a pas abandonnés, qui les a rendus glorieux et illustres; et la gloire des élus, qui auront été jugés dignes d'un si grand honneur. Comme ils composent sa richesse, parce qu'ils sont fidèles, de même ils sont sa gloire. parce qu'ils vont entrer dans la possession de ses biens. La gloire du bien suprême, c'est de pouvoir se répandre et se communiquer. « Et pour se faire admirer dans tous ceux qui auront cru en lui »; c'est-à-dire, par le moyen de ceux qui auront cru en lui. Voici encore une fois le mot « dans », signifiant « par le moyen de ». C'est par le moyen de ces fidèles que Dieu se rend admirable. En effet, quand ceux qui étaient dans la misère, dans l'abjection, éprouvés par des maux innombrables et qui ont gardé la foi, sont élevés par lui à une gloire si éclatante, c'est alors que sa puissance se montre. Ils paraissaient abandonnés, et les voilà dans la jouissance, dans la plénitude de la gloire. C'est alors surtout que se montre toute la gloire de Dieu et sa puissance. Comment cela maintenant? Ecoutez les paroles qui suivent : « Puisque le témoignage que nous avons rendu à la parole a été reçu dans l'attente de ce jour-là. C'est pourquoi nous prions sans cesse pour vous ». Ce qui veut dire Quand on voit apparaître des fidèles qui ont souffert des maux sans nombre pour ne pas abandonner leur foi ; quand ils ont résisté ; quand ils ont cru, Dieu est glorifié, et c'est alors que se montre aussi la gloire des fidèles. Un grand nombre simulent la foi, aussi ne dites de personne qu'il est bienheureux; attendez la mort; car c'est en ce jour que se montrent ceux qui ont cru : « C'est pourquoi nous prions sans cesse pour vous, et nous demandons à notre Dieu qu'il vous rende dignes de sa vocation, qu'il accomplisse, par sa puissance, tous les desseins favorables de sa bonté sur vous et l'oeuvre de votre foi (44) ».

« Qu'il vous rende dignes », dit l'apôtre, « de sa vocation », montrant par là qu'un grand nombre ont été rejetés. Voilà pourquoi il ajoute : « Qu'il accomplisse tous les desseins favorables de sa bonté ». Car celui qui était recouvert de baillons, a été, lui aussi, appelé, mais il n'est pas resté fidèle à sa vocation. D'où il résulte que ce malheureux ne s'est trouvé que plus écarté de la chambre de l'Epoux. Il y avait cinq vierges qui furent appelées. « Levez-vous », dit l'Ecriture, « voici l'Epoux » (
Mt 25,6) ; et elles s'apprêtèrent, mais elles ne sont pas entrées. Donc, pour bien faire entendre la vocation dont il parle, l'apôtre ajoute : « Et qu'il accomplisse tous les desseins favorables de sa bonté sur vous et l'oeuvre de votre foi par sa (256) puissance ». Voilà, dit-il, la vocation que nous cherchons. Voyez comme il leur insinue doucement la modestie. Il ne veut pas que l'excès des éloges les transporte, comme s'ils avaient fait de grandes choses, qu'ils tombent dans la négligence, et il leur montre ce qui leur manque encore dans ce genre de vie. C'est aussi ce qu'il écrivait aux Hébreux : « Vous n'avez pas encore résisté jusqu'à répandre votre sang, en combattant contre le péché ». (He 12,4) — « Tous les desseins favorables de sa bonté », dit-il; c'est-à-dire, son bon plaisir, ce qu'il est résolu à faire, ce qui est décidé; c'est comme s'il disait : De telle sorte qu'il arrive ce que Dieu veut résolument, ce qui lui plaît, à savoir que rien ne soit défectueux en vous, que vous soyez comme il veut vous voir. « Et l'oeuvre de votre foi ». Qu'est-ce à dire? La force qui supporté les persécutions; pas de relâchement, dit-il, pas de défaillance. « Afin que le nom de Notre« Seigneur Jésus-Christ soit glorifié en vous, et que vous soyez glorifiés en lui, par la grâce de notre Dieu et de Notre-Seigneur Jésus-Christ (12) ».

1402 2. Voyez : il a plus haut parlé de la gloire, il en parle encore ici. Il a dit qu'eux-mêmes sont glorifiés de telle sorte qu'ils puissent savourer cette gloire; il dit maintenant, ce qui est beaucoup plus considérable, qu'ils glorifient Dieu même; il dit qu'ils recevront cette gloire. Et maintenant, ce qu'il ajoute, c'est que, lorsque le maître est glorifié, les esclaves aussi sont glorifiés; car ceux qui glorifient le maître, sont bien plus glorifiés eux-mêmes, et, par ce seul fait et indépendamment de ce fait. Qu'est-ce en effet que la gloire ? L'affliction reçue à cause du Christ, et partout il l'appelle la gloire; et plus nous aurons supporté de honte et d'ignominie, plus nous mériterons l'illustration. Ensuite, montrant que cette illustration même est le don de Dieu, il dit : « Par la, grâce de notre Dieu et de Notre-Seigneur Jésus-Christ». C'est à lui-même que nous devons la grâce de le glorifier en nous, de le voir nous glorifier en lui. Comment est-il glorifié en nous? Par ce fait que nous ne lui préférons rien. Comment sommes-nous glorifiés en lui ? Par ce fait que c'est de lui que nous est venue notre force, le courage de résister à nos maux; car, quand la tentation arrive, Dieu est glorifié, et nous sommes glorifiés en même temps. Les hommes le glorifient de ce qu'il nous a ainsi fortifiés; les hommes nous admirent de ce que nous nous sommes montrés dignes du don de Dieu. Or, tout cela se fait par la grâce de Dieu.

«Or, nous vous conjurons, mes frères, par l'avènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et par notre réunion avec lui, que vous ne vous laissiez pas légèrement ébranler dans votre sentiment ». (
2Th 2,1) Quand sera la résurrection? Il n'en dit rien; mais qu'elle ne viendra pas tout de suite, il l'affirme. « Et par notre réunion avec lui », dit-il, voilà une parole qui est aussi digne d'attention. Voyez comme elle prouve encore, en nous glorifiant, en nous exhortant à la vertu, que le Seigneur nous apparaîtra pour nous sanctifier tous. II parle ici de l'avènement du Christ, et de notre réunion avec lui, car ces choses auront lieu ensemble. Il redresse les pensées, il leur dit de ne pas chanceler, de ne fias tomber trop vite dans l'incertitude. « Et que vous ne vous troubliez pas, en croyant, sur la foi de quelques prophéties, sur quelques discours, ou sur quelques lettres qu'on supposerait venir de nous, que le jour du Seigneur soit près d'arriver ». Il semble marquer ici qu'on portait une lettre supposée de Paul, qu'on se la montrait, en disant que le jour du Seigneur était proche; qu'il en était résulté qu'un grand nombre de personnes étaient tombées dans l'erreur. L'apôtre veut donc prévenir ces égarements; il écrit aux fidèles pour les raffermir, il leur dit . « Et que vous ne vous troubliez pas, en croyant sur la foi de quelques prophéties, sur quelques discours ». Ce qui revient. à ceci: Quand même un prophète vous dirait cela, ne le croyez pas ; quand j'étais auprès de vous, je vous ai avertis, vous ne devez pas abandonner la foi qui vous a été enseignée. — « De quelques prophéties»; il désigne par là les faux prophètes, parlant sous l'inspiration d'un esprit impur. Ces imposteurs, pour opérer la persuasion, n'avaient pas seulement recours à des raisonnements perfides, ce que l'apôtre indique en disant : « Sur quelques discours »; mais, de plus, ils montraient une lettre supposée de Paul, qui appuyait leur dire; voilà pourquoi l'apôtre ajoute : « Ou sur quelque lettre qu'on supposerait venir de nous ».

Donc, les voulant raffermir par tous les moyens, il leur dit : « Que personne ne vous séduise en quelque manière que ce soit, car (257) ce jour ne viendra point que l'apostasie ne soit arrivée auparavant, et qu'on n'ait vu paraître l'homme de péché, cet enfant de perdition, cet ennemi de Dieu qui s'élèvera au-dessus de tout ce qui est appelé Dieu, ou qui est adoré, jusqu'à s'asseoir dans le temple de Dieu, voulant lui-même passer pour Dieu (3, 4) ». Il parle ici de l'antéchrist, et il découvre de grands mystères. Qu'est-ce que « l'apostasie? » C'est l'antéchrist qu'il entend par l'apostasie, parce que l'antéchrist doit en perdre un grand nombre qui feront défection. « Jusqu'à séduire, s'il était possible », dit l'Évangile, « les élus mêmes ». (Mt 24,24) Il l'appelle de plus « l'homme de péché », car il en fera d'innombrables, et en fera faire aux autres de terribles ; il l'appelle de plus « cet enfant de perdition », parce qu'il faut que lui-même périsse. Maintenant, quel est-il? Serait-ce Satan? Nullement, mais un homme entreprenant l’oeuvre entière de Satan. « Et qu'on n'ait vu paraître cet homme », dit le texte, « qui s'élèvera au-dessus de tout ce qui est appelé Dieu, ou qui est adoré ». C'est qu'en effet il ne conduira pas les hommes au culte des idoles; mais ce sera un adversaire de Dieu; il détruira tous les dieux, et il ordonnera qu'on l'adore lui-même, en place de Dieu; et il siégera dans le temple de Dieu, non pas dans le temple de Jérusalem, mais dans le temple de l'Église, « voulant lui-même passer pour Dieu». L'apôtre ne dit pas : Se disant Dieu, mais : Essayant de passer pour Dieu. Car il fera de grandes oeuvres et montrera des signes admirables. « Ne vous souvient-il pas que je vous ai dit ces choses lorsque j'étais encore avec vous (5) ? »

1403 3. Comprenez-vous la nécessité de répéter ces choses, et de les reproduire dans les mêmes termes? En effet, ces fidèles à qui il avait donné de vive voix ces conseils, se trouvèrent avoir encore besoin d'avertissements. C'est ainsi qu'après l'avoir entendu parler sur les afflictions : « Car », dit-il, « lorsque nous étions parmi vous, nous vous prédisions que nous aurions des afflictions à souffrir » (1Th 5,4), ils oublièrent de même ces paroles, et on le voit forcé de leur écrire pour leur rendre la fermeté. De même, après l'avoir entendu parler sur l'avènement du Christ, ils eurent encore besoin de ses lettres pour se maintenir dans les voies de la sagesse. L'apôtre s'adresse donc à leur mémoire; il leur montre qu'il ne dit rien de nouveau, qu'il ne fait que reproduire ce qu'il a toujours dit. Voyez les laboureurs, ils ne jettent qu'une fois la semence, mais elle ne réussit pas toujours, il faut beaucoup de culture et de soins, il faut creuser la terre et recouvrir les graines que les oiseaux mangeraient. C'est notre histoire ; si le souvenir continué ne préserve pas ce que l'on a jeté dans nos âmes, tout se dissipe dans l'air. Le démon nous ravit la semence; notre négligence la perd, le soleil la dessèche, la pluie la supprime; les épines l'étouffent. C'est pourquoi il ne suffit pas de la jeter et de se retirer; pour assurer le fruit, grand besoin est d'assiduité; il faut chasser les oiseaux; il faut retrancher les épines ; il faut amasser de la terre sur le sol pierreux; il faut écarter, enlever tout ce qui est nuisible.

Mais, en ce qui concerne la terre, toute la tâche appartient à l'agriculteur, parce que la terre est inanimée, elle n'est que passive; en ce qui concerne notre terre spirituelle, il en est tout autrement, tout ne dépend pas uniquement des docteurs et des maîtres. Si ce n'est pas la plus grande partie de la tâche qui appartient aux disciples, c'en est au moins la moitié. A nous à jeter la semence; mais à vous à faire ce qui vous est dit; à montrer, par vos actions, les fruits de votre mémoire ; à arracher les épines jusqu'à la racine. Les épines, c'est l'amour de l'argent, passion stérile,.hideuse, qui ne produit que d'inutiles douleurs, importune à ceux qui l'éprouvent, et non-seulement stérile, mais, de plus, contraire à toute fructification. Voilà ce que sont les richesses; non-seulement incapables de porter des fruits pour. l'éternité, mais gênantes, embarrassantes pour quiconque voudrait porter de tels fruits. Ce sont des êtres sans raison qui se nourrissent d'épines, des chameaux ; aliment pour le feu, somptuosité inutile, voilà ce que sont les richesses; absolument inutiles, ne servant qu'à -embraser la fournaise, qu'à faire brûler ce feu du dernier jour, qu'à alimenter la déraison et toutes les passions qui troublent l'âme, la haine, la rancune et la colère. Tel est aussi le chameau qui mange les épines. Les personnes expérimentées dans ces sortes de choses, disent que parmi les animaux, nul n'est plus irritable, d'une colère plus méchante, nul n'est plus vindicatif que le chameau . tel est l'effet des richesses; elles nourrissent le délire des passions. Quant (258) à ceux qui ont la raison en partage, elles les piquent, elles les blessent; c'est ce que font les épines. Cette plante est dure et âpre, elle naît d'elle-même. Voyons comment elle naît, afin que nous l'extirpions. Elle naît dans les lieux abrupts, pierreux, secs, où il n'y a aucune source. Quand il se trouve un homme âpre, d'un caractère raboteux, escarpé, c’est-à-dire inaccessible à la pitié, là on voit naître l'épine. Maintenant, les laboureurs qui veulent, extirper ce fléau n'emploient pas le fer, que font-ils? Ils mettent le feu, c'est ainsi qu'ils purgent tout à fait la terre. En effet, il ne suffit pas de couper à la surface, en laissant la racine à l'intérieur; il ne suffit pas d'arracher la racine, parce qu'il resterait dans la terre un élément qui suffirait pour la vicier, de même qu'un mal qui s'est attaché au corps, y imprègne ses restes. Il faut que le feu, attirant à la surface le poison des épines, l'aspire hors des entrailles de la terre délivrée. Comme une ventouse appliquée sur la chair, fait sortir tout ce qui viciait le corps, de même le feu fait sortir tout ce qu'il y a de vicieux dans les épines, et purge la terre.

A quel propos cette réflexion ? C'est qu'il faut, par tous les moyens; extirper l'amour des richesses et purger notre âme. Nous avons à notre disposition un feu qui fait sortir ce poison de l'âme, c'est le feu de l'Esprit, allumons-le en nous, il ne détruira pas seulement les épines, mais il en desséchera le poison. Si nous les laissons en nous; tous nos efforts d'ailleurs sont inutiles. Tenez, regardez, voici un riche qui entre ici, un homme ou une femme, peu importe; son soin n'est pas d'entendre la parole de Dieu; ce qui l'occupe, c'est la manière de se montrer, de s'asseoir avec fracas, avec une prétention glorieuse. Cette femme se demande comment elle surpassera les autres par la magnificence de sa toilette; comment, par son extérieur, par son aspect, par sa démarche, elle excitera l'admiration, l'adoration de sa beauté. Et toutes ses pensées, et toutes ses inquiétudes ne vont que là ; une telle ou une telle m'a-t-elle vue ? Suis-je bien admirée? Suis-je bien parée? Et ce n'est pas là seulement ce qui la travaille, mais si ses vêtements allaient recevoir des taches, si sa robe allait être déchirée; et voilà toute son inquiétude. Et maintenant l'homme riche fait son entrée pour s'étaler devant le pauvre, et le frapper par la pompe de son costume et le grand nombre de ses serviteurs; ceux-là se tiennent auprès de lui, écartant le peuple, chose que cet orgueilleux ne daigne pas faire lui-même, chose tellement indigne d'un homme libre, que, malgré la vanité qui le gonfle, il n'ose pas faire cela lui-même, il s'en rapporte aux esclaves, qui lui font cortège. Car cette tâche exige qu'il y ait des esclaves, des esclaves impudents; et quand ce riche est assis, le voilà aussitôt assailli par les inquiétudes domestiqués tiraillant son esprit en tout sens; l'orgueil qui le possède, déborde tout autour de lui. Et il croit faire grand honneur, et à nous et au peuple, qui sait? et à Dieu peut-être, de ce qu'il est entré dans la maison de Dieu. Une pareille enflure n'est-elle pas incurable ?

1404 4. Dites-moi, un homme va trouver un médecin et ne demande aucun service à ce médecin ; mais il estime que c'est lui qui fait honneur a la médecine, et il oublie de demander un remède à son mal, pour ne s'occuper que de sa toilette. Quel bien lui en reviendra-t-il ? Aucun, ce me semble; or, maintenant je vous dirai la cause de tout cela, si bon vous semble; on s'imagine que c'est auprès de nous qu'on vient, lorsque l'on vient ici; on s'imagine que c'est nous qu'on entend, lorsque l'on entend notre parole; on ne remarque pas, on ne réfléchit pas que c'est auprès de Dieu que l'on est venu, que c'est Dieu lui-même qui parle. En effet, quand le lecteur se lève et dit : « Voici ce que dit le Seigneur » ; quand le diacre., imposant silence, ferme toutes les bouches, ce qu'il en fait, ce n'est pas par égard pour le lecteur, mais par respect pour Celui qui, par l'organe du lecteur, parle seul au peuple. Si ces vaniteux savaient que c'est Dieu qui parle par le Prophète, ils rabaisseraient tout leur faste. Quand les magistrats leur adressent la parole, ces riches se gardent bien d'avoir des distractions; à plus forte raison faut-il les. éviter quand Dieu parle. Nous sommes ses ministres, ô mes bien-aimés; nous ne vous disons pas nos pensées, mais les pensées de Dieu; le ciel vous envoie chaque jour les lettres qu'on vous lit. Voyons, répondez-moi, je vous en prie; nous sommes tous ici rassemblés. Je suppose que tout à coup arrive ici un homme avec une ceinture d'or, la tête haute, la démarche fière; il se dit envoyé par un des rois de la terre; il apporte une lettre pour entretenir la cité tout entière de (259) choses de la plus grande importance. Est-ce qu'aussitôt vous ne vous tourneriez pas tous de son côté? N'est-il pas vrai que, même sans la recommandation du diacre, vous feriez tous un grand silence? Pour moi, je n'en doute pas : j'ai entendu lire, ici même, des lettres de l'empereur. Eh bien ! pour l'envoyé d'un souverain de la terre vous êtes tous attentifs, et, pour un envoyé de Dieu, lorsque du haut du ciel retentissent les accents du Prophète, aucun de vous ne veut être attentif? Est-ce que vous ne croyez pas que c'est au nom de Dieu qu'on vous parle? Nos épîtres viennent de Dieu. Sachons donc entrer dans les églises avec le respect convenable, écouter la parole avec un saint respect. A quoi bon y entrer, me dit celui-ci, si je n'entends pas une voix (lui me parle? Voilà qui perd tout; quel besoin avez-vous d'un prédicateur qui vous parle? Ce besoin trahit notre lâcheté. Quel besoin avez-vous qu'on vous parle? Tout est simple et facile dans les divines Écritures. Tout ce qui est de nécessité, y est visible. Mais vous cherchez des plaisirs pour vos oreilles. Voilà pourquoi vous voulez des discours. Car enfin, répondez-moi, quelle était la pompe des discours de Paul, et cependant il a converti la terre. Quel était l'ornement de la parole de Pierre, un homme sans lettres?

Mais je ne sais pas, me répond-on, ce qu'il y a dans la divine Écriture; pourquoi ne le savez-vous pas ? Est-ce de l'hébreux, est-ce du latin, est-ce une langue étrangère, est-ce que l'Écriture ne vous parle pas grec ? mais c'est obscur, me répond-on. Où est l'obscurité? parlez; ne sont-ce pas des histoires? Vous comprenez celles qui sont claires; interrogez-moi sur celles qui ne le sont pas. Il y a des milliers d'histoires dans l'Écriture ; dites-m'en une de celles qui sont obscures. Mais vous n'en ferez rien. Vains prétextes, excuses mauvaises. Mais entendre chaque jour, me réplique-t-on, les mêmes choses ! Qu'est-ce à dire, répondez-moi? Et dans vos théâtres n'entendez-vous pas les mêmes choses? Et dans vos courses de chevaux? Et toutes les choses ne sont-elles pas les mêmes choses, et n'est-ce pas toujours le même soleil qui se lève ? Ne sont-ce pas toujours les mêmes aliments? Je veux vous faire une question, puisque vous dites que vous entendez toujours les mêmes choses, répondez-moi : De quel prophète est le passage qu'on vient de lire? De quel apôtre ou de quelle épître? Vous ne sauriez le dire ; vous me faites l'effet, bien au contraire, d'entendre des nouveautés. Mais, voilà, quand vous voulez céder à l'indolence, vous dites: Ce sont toujours les mêmes choses ; et quand on vous interroge, vous montrez que vous n'avez rien écouté. Puisque ce sont les mêmes choses, vous devriez les savoir, mais vous n'en savez rien. Etat lamentable et digne de toutes nos larmes : celui qui forge l'argent, prend une peine inutile. Ce que vous auriez dû remarquer précisément, c'est que, parce que ce sont les mêmes choses, nous ne vous imposons aucun travail, nous ne vous disons rien d'étrange, nous ne varions pas. Mais soit, l'Écriture vous fait toujours entendre les mêmes choses; mais nous, nous vous disons toujours des paroles nouvelles et qui doivent vous surprendre. En êtes-vous plus attentifs ? Nullement. Si nous disons : Pourquoi ne retenez-vous pas nos paroles? vous nous répondez Nous n'avons entendu,qu'une fois, et comment est-il possible; de tout retenir? Si nous disons : Pourquoi n'êtes-vous pas attentifs quand on lit la sainte Ecriture? vous répondez :C'est toujours là même chose, et je n'entends que des excuses à la négligence et des prétextes. Mais ces excuses ne seront pas toujours de mise, le temps viendra où les lamentations seront superflues et inutiles. Loin de nous ce malheur; mais, bien plutôt, faisons pénitence ; écoutons avec sagesse, avec piété, la parole; appliquons-nous aux bonnes oeuvres ; sanctifions tout à fait notre vie, afin d'obtenir les biens promis par Dieu à ceux qui l'aiment, par la grâce et par la bonté, etc.



HOMÉLIE 4: ET VOUS SAVEZ BIEN CE QUI EMPÊCHE QU'IL NE VIENNE, AFIN QU'IL PARAISSE EN SON TEMPS;

1500 CAR LE MYSTÈRE D'INIQUITÉ SE FORME DÈS A PRÉSENT: IL FAUT SEULEMENT QUE CELUI QUI LE RETIENT MAINTENANT, LE RETIENNE ENCORE, JUSQU'À CE QU'IL SOIT OTÉ DU MONDE, ET ALORS SE DÉCOUVRIRA L'IMPIE QUE LE SEIGNEUR JÉSUS DÉTRUIRA PAR LE SOUFFLE DE SA BOUCHE, ET QU'IL PERDRA PAR L'ÉCLAT DE SA PRÉSENCE. CET IMPIE QUI DOIT VENIR ACCOMPAGNÉ DE LA PUISSANCE DE SATAN. (2Th 2,6-17 2Th 3,1-2)

Analyse.

1. Raisons de l'obscurité dont l'apôtre s'enveloppe en parlant de l'antéchrist. — Pourquoi Dieu suscitera l'antéchrist.
2. De la sanctification qui conduit à la gloire. — De la foi due à la tradition de l'église. — Contre les hérétiques qui prétendent que le Fils est moindre que le Père. — Précepte d'humilité; tout est l'oeuvre de Dieu.
3. De l'efficacité de la prière. — Paul a demandé aux fidèles de prier pour lui,; l'orateur de Constantinople veut suivre l'exemple de Paul; lui aussi se recommande aux prières des fidèles, mais qu'on ne t’accuse pas de prétendre se comparer à Paul.
4. Combien l'église est intéressée à prier pour son chef. — Paroles touchantes du premier pasteur de l'église de Constantinople sur l'égalité d'honneurs et de biens entre son peuple et lui.

1501 1. La première question à s'adresser, c'est d'abord que signifie « Ce qui empêche? » On peut aussi se demander pourquoi Paul s'exprime d'une manière si obscure? Que signifie donc cette expression : « Ce qui empêche qu'il ne vienne, afin qu'il paraisse », c'est-à-dire, où est l'obstacle? Les uns disent que c'est la grâce de l'Esprit, les autres que c'est la puissance Romaine; pour moi, je suis fort porté à prendre ce dernier sens, pourquoi? C'est que s'il eût voulu dire l'Esprit, il ne l'aurait pas dit d'une manière obscure; il aurait dit ouvertement que ce qui l'empêche devenir, c'est la grâce de l'Esprit, c'est-à-dire les dons de l'Esprit. Il serait d'ailleurs déjà arrivé, s'il devait arriver lorsque les dons de l'Esprit cesseraient, car il y a longtemps qu'ils ont cessé de se manifester aux yeux. Mais comme il veut parler de la puissance Romaine, il s'enveloppe d'énigmes et il s'exprime d'une manière obscure; il ne voulait pas susciter des haines superflues, ni provoquer des dangers inutiles. S'il avait dit qu'on verrait bientôt la puissance Romaine détruite, on l'aurait sur-le-champ exterminé comme un homme pernicieux, et, avec lui, tous les fidèles vivant et combattant sous ses ordres.

Voilà pourquoi il s'exprime d'une manière obscure, pourquoi il ne dit pas nettement que cet antéchrist viendra prochainement, quoique d'ailleurs il dise l'équivalent. Que dit-il? «Afin qu'il paraisse en son temps, carde mystère d'iniquité se forme dès à présent » . C'est Néron qu'il désigne, car c'est le type de l'antéchrist. Cet homme en effet voulait être regardé comme un Dieu, et l'apôtre a raison de dire « le mystère » ; car Néron ne rejetait pas tous les voiles comme doit le faire l'antéchrist; il gardait encore quelque pudeur. Or, si, avant le temps de l'antéchrist, un homme s'est rencontré qui ne le cédait pas beaucoup à l'antéchrist pour la perversité, qu'y a-t-il d'étonnant que l'antéchrist doive bientôt paraître? Voilà, donc pourquoi l'apôtre parle ainsi d'une, manière obscure. S'il ne s'est pas exprimé clairement, ce n'est pas qu'il eût peur, mais il voulait nous apprendre à ne pas exciter contre nous des haines superflues, quand rien ne presse. Ainsi, voici ce qu'il dit : « Il faut seulement que celui qui le retient maintenant, le retienne encore jusqu'à ce qu'il soit ôté du monde». Cela veut dire : L'antéchrist viendra quand la puissance Romaine aura disparu, et l'apôtre a raison. En effet, tant que cette puissance inspirera la terreur, nul ne viendra s'y heurter; mais une fois cette puissance détruite, ce sera l'anarchie, et l'antéchrist essaiera de prévaloir contre les hommes et contre Dieu. De même' que, dans les âges passés, les empires ont été renversés, les Mèdes par les Babyloniens, les Babyloniens par les Perses, les Perses par les Macédoniens, les Macédoniens par les Romains; de même Rome sera renversée par l’antéchrist, et l'antéchrist par le Christ, et il n'y aura plus d'empêchement; c'est ce que Daniel nous enseigne avec une grande évidence.

« Et alors », dit l'apôtre, « se découvrira (261) l'impie », et après? Tout aussitôt, la consolation; car l'apôtre ajoute: «Que le Seigneur Jésus détruira par le souffle de sa bouche, et qu'il perdra par l'éclat de sa présence, cet impie qui doit venir accompagné de la puissance de Satan». Le feu s'attaquant de loin à de petits animalcules, même sans les approcher, de loin les saisit, les consume; de même le Christ, rien que l'ordre, la présence du Christ, exterminera l'antéchrist; il suffit que le Christ se montre, et tout cela périra; pour arrêter le cours de la perfidie, il lui suffira d'apparaître. Maintenant ce n'est pas tout l'apôtre fait voir ce que c'est que l'antéchrist « Qui doit venir accompagné de la puissance « de Satan avec toute sa force », dit-il, « avec des signes et des prodiges trompeurs », c’est-à-dire qu'il fera voir sa force, sa puissance, mais rien de vrai, tout pour tromper. Ces prédictions de l'apôtre ont pour but de prévenir les erreurs de ceux qui existeront alors. « Avec des prodiges trompeurs», dit l'apôtre, c’est-à-dire, soit l'effet d'un pouvoir menteur, soit préparant le mensonge. « Et avec toutes les illusions qui peuvent porter à l'iniquité ceux qui périssent (10) ».

Mais pourquoi, me dira-t-on, Dieu a-t-il permis l'antéchrist? Et quel est le dessein de Dieu? Et quelle est l'utilité de la venue de l'antéchrist, puisqu'il se propose de, nous perdre? Ne craignez rien, mon bien-aimé, écoutez la parole de Dieu même ; la force de l'antéchrist est dans ceux qui périssent, dans ceux qui, même s'il n'était pas venu, n'auraient pas accepté la foi. Quelle est donc l'utilité de son apparition? C'est qu'elle fermera la bouche à ceux qui doivent périr. Comment cela? Soit que l'antéchrist fût venu, soit qu'il ne fût pas venu, ces hommes n'auraient pas cru au Christ. L'antéchrist vient donc pour les confondre. Les incrédules auraient pu dire: C'est parce que le Christ se donnait pour Dieu, quoiqu'il ne l'ait dit nulle part ouvertement; c'est parce que ceux qui l'ont suivi ont prêché sa divinité, c'est pour cela que nous n'avons pas cru; parce que nous avons entendu dire qu'il n'y a qu'un Dieu d'où sortent toutes choses, voilà pourquoi nous n'avons pas cru. Eh bien, c'est ce prétexte que l'antéchrist leur enlèvera; car, quand il viendra, ne commandant rien de salutaire, ne commandant rien que d'injuste et de contraire à toutes les lois, ils croiront en lui, rien que sur la foi de ces signes, de ces signes mensongers, et voilà ce qui leur fermera la bouche. Car, si vous ne croyiez pas au Christ; à bien plus forte raison deviez-vous ne pas croire à l'antéchrist. Le Christ se disait envoyé par son Père, l’antéchrist vous dit le contraire; de là ces paroles que le Christ prononçait autrefois : «Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne m'avez pas reçu. Si un autre vient en son propre nom, vous le recevrez». (
Jn 5,43) Mais, diront-ils, nous avons vu des signes, des miracles. Mais le Christ en a fait de nombreux et de grands ; donc, à bien plus forte raison fallait-il croire en lui. Du reste, les prédictions n'ont pas manqué, annonçant cet impie; cet enfant de perdition, annonçant qu'il doit venir, accompagné de la puissance de Satan; pour le Christ, prédictions toutes contraires, c'est le Sauveur qui apporte des biens en foule. « Comme ils n'ont pas reçu la charité de la vérité; pour être sauvés, bien leur enverra des illusions si efficaces qu'ils croiront au mensonge, afin que tous ceux-là soient jugés, qui n'ont point cru à la vérité, mais qui ont consenti à l'iniquité (11)».

1502 2. «Soient jugés » ; il ne dit pas, soient punis. Il y a d'autres raisons encore pour lesquelles ils méritent d'être punis, mais l'apôtre dit « Soient jugés»,c'est-à-dire, soient condamnés dans le jugement terrible, soient trouvés sans excuse. Quels sont-ils? L'apôtre l'explique assez par ces paroles : « Qui n'ont point cru à la vé« rite, mais qui ont consenti à l'iniquité». Par « la charité de la vérité », c'est le Christ qu'il désigne; «parce que», dit l'apôtre, «ils n'ont « pas reçu la charité de la vérité». Ces deux motifs expliquent la venue du Christ; il est venu parce qu'il aime les hommes, et il est venu pour la vérité. « Mais qui ont consenti», dit l'apôtre, «à l'iniquité». En effet, l'antéchrist est venu pour la perte des hommes, pour leur faire du mal; car que ne fera-t-il pas? Il jettera toutes choses dans la confusion et dans le trouble, pour accomplir les ordres d'en-haut, et pour inspirer l'épouvante; il sera terrible de toutes les manières, par son pouvoir, par sa cruauté, par l'injustice de ses exigences; mais ne craignez rien, « sa force sera », dit l'apôtre, « dans ceux qui doivent périr ». — « Car Elie, à son tour, viendra aussi à cette heure, affermissant les fidèles ». (Ml 4,5) Et c'est ce que dit le Christ : « Elie viendra, et rétablira toutes choses ». (Mc 9,11) (262) Voilà pourquoi il a été dit, à propos de Jean : « Dans l'esprit, et dans la vertu d'Elie». (Lc 1,17) Sans doute il n'a pas fait de signes et de miracles comme Elie : « Car Jean », dit l'évangéliste, « n'a fait aucun miracle; mais tout ce que Jean a dit de celui-ci, était vrai». (Jn 10) Comment donc a-t-on pu dire « Dans l'esprit et la vertu d'Elie? » Cela veut dire, qu'il se chargera du même ministère, et de même que Jean a été le précurseur du premier avènement, de même Elie sera aussi le précurseur du second avènement, avènement glorieux, et il est réservé pour cette heure. Donc, ne craignons point : Paul a frappé l'esprit de ses auditeurs; cependant il n'a pas tant voulu inspirer la terreur et l'épouvante, que provoquer nos actions de grâces. Voilà pourquoi il ajoute : « Mais quant à nous, mes frères, chéris du Seigneur, nous nous sentons obligés de rendre pour vous à Dieu de continuelles actions de grâces, de ce qu'il vous a choisis comme des prémices pour vous sauver dans la sanctification de l'Esprit et dans la force de la vérité (12)».

Comment Dieu a-t-il choisi pour le salut? L'apôtre le montre en disant: « Dans la sanctification de l'Esprit», c'est-à-dire pour nous sanctifier, par l'Esprit et par la vraie foi; car voilà ce qui renferme notre salut. Ce ne sont nullement les couvres, nullement les vertus parfaites; c'est la foi en la vérité. Nouvel exemple de «dans» au lieu de «par ». — «Dans la sanctification de l'Esprit », dit-il, « vous appelant à cet état, par notre Evangile, pour vous faire acquérir la gloire de Notre-Seigneur Jésus-Christ (13) ». Faveur insigne, le Christ regardant notre salut comme sa gloire; la gloire de celui qui aime les hommes, c'est qu'il yen ait un grand, nombre de sauvés. Certes, il est grand Notre-Seigneur, de désirer à ce point notre salut; il est grand aussi l'Esprit-Saint, qui opère en nous la sanctification. Pourquoi n'a-t-il pas mis d'abord la foi, mais la sanctification? C'est- que là sanctification même nous laisse dans un grand besoin de la foi, afin que nous ne soyons pas ébranlés; voyez comme l'apôtre nous montre que rien ne vient de nous, que tout est l'oeuvre de Dieu.

« C'est pourquoi, mes frères, demeurez fermes et conservez les traditions que vous avez apprises, soit par nos paroles, soit par notre lettre (14) ». Passage qui prouve que tout l'enseignement n'était pas dans la correspondance par lettres, que beaucoup de points étaient communiqués de vive voix et cet enseignement oral aussi est digne de foi. Par conséquent regardons la tradition de l'Eglise comme digne de foi. C'est la tradition, ne cherchez rien de plus. L'apôtre montre ici qu'il y en a un grand nombre qui chancellent. — « Que Notre-Seigneur Jésus-Christ; et Dieu notre Père, qui nous a aimés, et qui nous a donné par sa grâce une consolation éternelle, et une si heureuse espérance, console lui-même vos coeurs, et vous affermisse dans toutes sortes de bonnes oeuvres et dans la bonne doctrine (15; 16) ». Encore la prière après l'exhortation; voilà ce qui s'appelle vraiment porter secours et consolation : « Qui nous a aimés », dit-il, « et qui nous a donné par sa grâce une consolation éternelle, et une si heureuse espérance ». Où sont-ils maintenant ceux qui prétendent que le Fils est moindre que le Père, parce qu'on ne le nomme qu'après le Père, dans la cérémonie du baptême? Voici en effet que nous Noyons ici le contraire; l'apôtre dit d'abord « Que Notre-Seigneur Jésus-Christ »; ensuite il ajoute : « Et que Dieu, et le Père de Notre-Seigneur, qui nous a aimés et qui nous a donné une consolation éternelle». Quelle est-elle, cette consolation? L'espérance des biens à venir. Voyez comme, par manière de prière, il excite leur pensée, en leur montrant les gages et les signes du soin ineffable de Dieu. « Console », dit-il, « vos coeurs, et vous affermisse dans toutes sortes de bonnes oeuvres, et dans la bonne doctrine »;c'est-à-dire, par toutes sortes de bonnes couvres et de bonnes doctrines. Car ce qu'il faut dire aux chrétiens, c'est de faire non-seulement le bien, mais ce qui plaît à Dieu. Voyez comme il rabaisse leur orgueil. « Qui nous a donné», dit-il, «par sa grâce, une consolation éternelle et une si heureuse espérance ». Et en même temps il leur inspire une bonne espérance pour l'avenir. En effet, si la grâce de Dieu nous a procuré des biens si considérables, à plus forte raison nous en ménage-t-elle d'autres pour l'avenir. Oui certes, dit l'apôtre, je vous ai annoncé tout cela, et maintenant tout cela est l'oeuvre de Dieu. C'est lui qui nous rassure, qui nous rend fermes, afin que nous ne devenions pas vacillants, chancelants; à nous la faiblesse; à lui la forcé. L'apôtre comprend donc ce qui concerne et les actions et les (263) doctrines; et il exhorte afin de raffermir; car tant qu'on échappe aux agitations qui ébranlent, quoi qu'il arrive, on supporte tout avec une grande patience; si, au contraire, l'âme est agitée, il n'en faut plus attendre d'actions bonnes ou généreuses. Comme la paralysie qui empêche l'action des mains, ainsi fait l'agitation dont est saisie l'âme qui manque de foi, et que ne soutient pas l'espérance d'un bien à venir. « Au reste, mes frères, priez pour nous, afin que la parole de Dieu se propage rapidement, et soit glorifiée partout, comme elle l'est parmi vous». (2Th 3,1)

1503 3. Il a prié pour eux, pour les voir se raffermir, et maintenant il leur demande à eux-mêmes de prier pour lui, non pour le mettre hors des dangers, car sa mission était de courir les dangers, mais: «Afin que la parole de Dieu se propage rapidement et soit glorifiée partout, comme elle l'est parmi vous ». A sa demande, il joint un éloge : « Comme elle l'est parmi vous», dit-il. « Et afin que nous soyons délivrés des hommes intraitables et méchants, car la foi n'est pas commune à tous (2»). Paroles qui expriment les dangers du moment, et, en même temps, paroles d'exhortation. « Des hommes intraitables et méchants », dit-il, « car la foi n'est pas commune à tous». Peut-être parle-t-il de ceux qui contredisaient la prédication, qui résistaient à la parole de Dieu, qui luttaient contre les dogmes; c'est à eux, sans doute, qu'il fait allusion par ces paroles : « Car la foi n'est pas commune à tous». Je ne crois pas qu'il fasse ici allusion à ses dangers; il veut parler des contradicteurs qui lui suscitaient des embarras, comme Hyménée, comme Alexandre, l'ouvrier en cuivre « Car il a fortement combattu la doctrine que nous enseignons ». (2Tm 4,15) Comme si quelqu'un faisant allusion à une noblesse héréditaire, disait qu'il n'est pas donné à tous de servir dans les palais des rois; c'est ainsi; qu'il parle des méchants dont il veut être .délivré : Tels sont ceux, dit-il, auxquels la foi a été refusée, et en même temps qu'il parle ainsi, il réveille l'ardeur des fidèles. Ils étaient donc de grands personnages aux yeux de Dieu, s'ils avaient la confiance de délivrer leur docteur de ses dangers, et de lui rendre la prédication facile.

Eh bien, nous vous adressons la même prière, et que personne ne nous accuse d'un excès d'arrogance; que personne de vous, par un excès d'humilité, ne nous prive d'un si précieux secours. Nous ne vous parlons pas en nous mettant à la place de Paul; car ce que voulait Paul, c'était consoler ses disciples; mais nous, ce que nous voulons, c'est obtenir un bien précieux et considérable, et nous croyons ardemment que, si vous voulez tous, d'un seul et même coeur, tendre vers Dieu vos mains en faveur de notre infirmité, tout nous réussira. Faisons ainsi la guerre à nos ennemis, par nos prières, par nos supplications; si en effet autrefois on combattait ainsi contre des ennemis en armes, à bien plus forte raison devons-nous combattre de la même manière ceux qui n'ont pas les armes à la main. C'est ainsi qu'Ezéchias a mis en fuite le roi d'Assyrie; c'est ainsi que Moïse a triomphé d'Amalech ; Samuel, des Ascalonites ; Israël, des trente-deux rois. Si, quand il fallait des armes, des combats, des batailles, répudiant leurs armes, ils avaient recours aux prières, combien n'est pas impérieuse, lorsque tout dépend des prières, la nécessité de prier! Mais autrefois, me répondra-t-on, c'étaient les chefs du peuple qui priaient pour le peuple, tandis que vous, ce que vous voulez, c'est que le peuple prie pour son chef. Je le sais bien, c'est qu'alors ceux qui obéissaient étaient des misérables, vils, abjects, et c'était la confiance en Dieu, fondée uniquement sur la vertu du chef de l'armée, qui procurait à,tous le salut; aujourd'hui, au contraire, la grâce de Dieu s'est augmentée; parmi ceux qui obéissent, il en est beaucoup, il en est, c'est la grande majorité, dont la vertu dépasse la vertu de celui qui commande. Ne nous privez donc pas de votre secours dans le combat que nous soutenons. Soulevez nos mains pour qu'elles ne retombent pas; ouvrez notre bouche, empêchez qu'elle ne se ferme; priez Dieu, priez-le à ces intentions. Cette prière que je vous demande pour nous, produit un effet général qui est à votre avantage; car c'est pour votre utilité que nous occupons notre place, et ce sont vos intérêts qui nous sollicitent. Voyez Paul disant aux Corinthiens : « Afin que la grâce que nous avons reçue, soit reconnue par les actions de grâces qu'un grand nombre rendront pour nous » (2Co 1,11); c'est-à-dire, afin que le Seigneur accorde sa grâce à un grand nombre. Si parmi les hommes il arrive que des condamnés soient conduits à la mort, que le peuple demande leur (264) grâce, que, par égard pour la multitude, l'empereur révoque la sentence, à bien plus forte raison Dieu se laissera-t-il fléchir, non par 1a multitude, mais par la vertu, car nous avons affaire à un ennemi violent.

Chacun de vous n'a de souci, n'a d'inquiétude que pour ses intérêts propres, mais nous, ce qui nous inquiète, c'est l'intérêt commun. Nous sommes debout, soutenant tout l'effort de la guerre, car c'est nous qu'attaque le démon avec le plus de violence. En effet, dans les combats, ce que l'on cherche avant tout à terrasser, c'est celui qui conduit lés bataillons opposés. Voilà pourquoi ce concours de toutes les forces, sur un même point, les uns réunissant leurs boucliers, les autres faisant des,efforts tumultueux pour s'emparer du chef, et les boucliers qui l'entourent de toutes parts, s'unissent pour conserver sa tête. Ecoutez les paroles que le peuple tout entier adresse à David (ce n'est pas que je me compare à David, ma démence ne va pas jusque-là; mais je veux montrer l'affection du peuple pour son chef) : « Nous ne souffrirons plus que vous veniez à la guerre avec nous, de peur que la lampe d'Israël ne s'éteigne ». (2R 21,17) Voyez comme ils tenaient à conserver le vieux roi. J'ai grand besoin de vos prières; que, nul d'entre vous, je vous l'ai déjà dit, par excès d'humilité, ne me prive de cette ressource et de ce secours. Si nous méritons l'estime et la gloire, vos affaires aussi seront plus brillantes. Si l'enseignement découle de nous avec une salutaire abondance, c'est à vous qu'en ira la richesse. Ecoutez le Prophète : « Est-ce que les pasteurs se paissent eux-mêmes? » (Ez 24,2) N'entendez-vous pas la voix de Paul réclamant perpétuellement ces prières? Ne savez-vous pas que si Pierre à été arraché de. sa prison, c'est parce que des prières assidues se faisaient pour lui ? (Ac 12,5) Oui, c'est ma conviction, vos prières auront un grand pouvoir, étant faites avec une telle unanimité. Quel avantage précieux, et combien cela est au-dessus de notre infirmité, de nous approcher de Dieu, et de prier pour un si grand peuple ! Si je n'ai pas la confiance qu'il me faut, quand je prié pour moi-même, je l'ai encore bien moins, en priant pour les autres. Il n'appartient qu'à ceux dont la vie est pure et la gloire sans tache, d'implorer pour les autres la clémence et la bonté de Dieu. C'est le droit de ceux qui ont mérité pour eux-mêmes la divine miséricorde; mais celui qui a personnellement offensé Dieu, comment peut-il le prier pour un autre? Toutefois, comme je ressens pour vous, dans mes entrailles, une affection paternelle, comme l'amour ose tout, ce n'est pas à l'église seulement, mais dans ma demeure aussi que je, prie avant toutes choses pour le salut de vos âmes, pour la santé de vos corps, car il n'est pas de prières qui conviennent tant au prêtre que celles qu'il adresse à Dieu quand il l'aborde, quand il s'entretient avec lui des biens qu'il lui demande pour le peuple tout entier. Si Job, des le matin, adressait tant de prières pour ses fils selon la chair, combien devons-nous davantage en faire entendre pour nos fils selon l'Esprit

1504 4. Et maintenant, à quoi bon ce discours? C'est que, si nous, malgré notre indignité, nous élevons vers Dieu pour vous tous, nos supplications et nos prières, à bien plus forte raison devez-vous nous rendre la pareille. Qu'un seul prie pour le grand nombre, c'est une grande audace, et qui suppose beaucoup de confiance; au contraire, qu'un grand nombre se réunissent, afin de prier pour un seul, il n'y a rien là qui choque la pensée. Chacun, en effet, se fie non en ses propres mérites, mais en la multitude, en l'unanimité, toujours si puissante aux yeux de Dieu; c'est là ce qui le touche et ce qui l'apaise, « car en quelque lieu que se trouvent deux ou trois personnes assemblées en mon nom », dit le Seigneur, « je m'y trouve au milieu d'elles ». (Mt 18,20) S'il se trouve avec deux ou trois personnes assemblées, à bien plus forte raison se trouve-t-il au milieu de vous. En effet, ce qu'un seul ne peut obtenir isolément, il l'obtiendra en priant avec la foule. Pourquoi? C'est parce que, même où la vertu propre fait défaut, l'accord a une grande force, « car en quelque lieu », dit le Seigneur, « que se trouvent. deux ou trois personnes assemblées ». — Pourquoi « deux? » Comment, une personne priera en votre nom, et vous ne serez pas là? — Je veux que tous soient réunis et non séparés. Donc fortifions-nous l'un l'autre, joignons notre charité, faisons-en un faisceau, que nul ne nous sépare. Si quelqu'un veut en accuser un autre, si quelqu'un a reçu un mauvais traitement, nous lui demandons d'oublier ce qu'il peut avoir sur le coeur soit contre le prochain, soit contre nous.

265

Voici la grâce que je vous demande: Si vous avez quelque chose contre nous, venez nous trouver, et recevez de nous notre excuse. « Reprenez votre prochain », dit l'Ecclésiaste, « sur ce qu'on l'accuse d'avoir dit, parce que peut-être il ne l'a point dit, reprenez-le sur ce qu'on l'accuse d'avoir fait, parce que peut-être il ne l'a point fait, et s'il l'a dit ou a fait, afin qu'il ne recommence pas ». (Qo 19,14) En effet, ou nous nous excusons, ou nous sommes convaincus, et nous demandons notre grâce, et plus tard nous faisons nos etforts pour ne pas retomber dans les mêmes fautes. Voilà ce qui est utile, et pour vous et pour nous. Il vous arrivera peut-être, après avoir accusé sans raison, une fois que vous aurez compris la réalité des faits, de corriger votre jugement; ou bien s'il arrive que nous ayons péché sans nous en apercevoir, nous nous en corrigerons en l'apercevant; pour vous, il vous est funeste de juger témérairement, car un châtiment a été établi contre ceux qui prononcent une parole inutile. Pour nous, nous repoussons les accusations, aussi bien celles qui sont vraies, que celles qui sont mensongères; les mensongères, en montrant qu'elles sont mensongères, les vraies, en ne nous y exposant pas davantage. Il est absolument nécessaire que celui qui a tant d'affaires à soigner, et ignore bien des choses, et pèche par ignorance. Si chacun de vous, ayant une maison à conduire, une femme, des enfants, des serviteurs, un peu plus ou un peu moins, dans tous les cas un bien petit peuple et facile à connaître, est exposé à une foule de fautes involontaires, soit qu'il ignore, soit qu'il veuille opérer quelque correction, à bien plus forte raison est-ce vrai de nous, qui sommes à la tête d'un si grand peuple.

Et que le Seigneur vous agrandisse encore et vous envoie ses bénédictions, sur les petits comme sur les grands. Car quelque accablante que soit la sollicitude que suscite un grand peuple, nous ne cessons pas pourtant de prier pour que notre sollicitude grandisse comme ce peuple, pour qu'il se multiplie, pour qu'il s'étende à l'infini. Les pères qui ont de nombreux enfants, et que souvent ces enfants tourmentent, ne consentent pourtant jamais à en perdre un seul. Entre vous et nous, c'est l'égalité, c'est le partage dès mêmes biens précieux.

Je n'ai pas une plus grande part, vous, une moindre part, à la table sainte ; vous et moi nous y participons également. Si je suis le premier, ce n'est pas une grande affaire; parmi les enfants, l'aîné est le premier qui porte la main vers les mets, sa part toutefois n'en est pas plus grosse ; entre nous, c'est l'égalité, le salut, la satisfaction de nos âmes; l'égalité d'honneur nous appartient à vous comme à moi. Je n'ai pas ma part d'un agneau; vous, votre part d'un autre agneau; c'est au même que nous participons tous ensemble; c'est le même baptême pour vous et pour moi ; c'est d'un seul et même esprit que nous recevons tous lés dons ; c'est à la même royauté que nous prétendons, vous et moi ; frères du Christ au même titre, toutes choses nous sont communes; en quoi donc ai-je plus que vous ? J'ai les soucis, les fatigues, les inquiétudes, les douleurs que je ressens pour vous; mais rien de plus doux que cette douleur. Une mère souffrant pour son enfant, trouve des charmes dans cette souffrance ; elle est inquiète pour ses enfants et elle se fait une joie de ses inquiétudes. C'est que, si l'inquiétude est par elle-même une chose amère, quand on l'éprouve pour ses enfants, on y trouve des délices. Il en est un grand nombre de vous que j'ai enfantés, et ensuite sont venues les douleurs de l'enfantement. Qu'est-ce à dire? Chez les mères selon le corps, les douleurs commencent et l'enfantement arrive; chez nous, au contraire, les douleurs durent jusqu'au dernier soupir, dans la crainte que l'enfant ne devienne un avorton, et voilà ce qui cause nos alarmes; car, si la génération vient souvent d'un autre, je n'en suis pas moins déchiré de soucis. En effet, nous n'engendrons pas de nous-mêmes, c'est l'oeuvre uniquement de la grâce de Dieu. Mais si nous sommes deux pour produire l'enfantement par l'Esprit, vous aurez raison de dire que mes enfants sont les enfants de celui qui coopère avec moi, et que les enfants de celui qui coopère avec moi sont mes enfants. Méditez sur toutes ces choses, et donnez-nous votre main pour être notre gloire, et pour que nous soyons la vôtre, au jour de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Puissions-nous tous le voir avec confiance, en Jésus-Christ Notre-Seigneur.




Chrysostome sur Thess. 1400