Chrysostome sur Gn 3600

TRENTE-SIXIÈME HOMÉLIE. Après ces paroles, la voix du Seigneur fut adressée à Abram pendant une vision dans la nuit,

3600
disant : « Ne crains rien, Abram, je te protège, ta récompense sera grande. » (
Gn 15,1-6)

ANALYSE.

1. Cette homélie parlera encore d'Abraham, tant la vie de l'admirable patriarche est une source intarissable de beaux exemptes. Il obéit sans murmure à Dieu qui, par deux fois, lui ordonne de quitter son pays et sa famille. — 2. Abraham en Egypte; la protection de Dieu ne lui manque jamais dans les circonstances critiques. — 3. Abraham refuse les présents du roi de Sodome et accepte ceux du prêtre Melchisédech. — 4-5. Nouvelle promesse de Dieu à Abraham. La foi du patriarche lui est imputée à justice. — 6. Exhortation à la foi, à la charité, à la paix.

3601 1. La vertu des justes ressemble à un trésor qui renferme une richesse immense. Celui qui peut s'emparer même d'une faible portion du trésor en retire une suffisante opulence; il en est de même pour celui qui peut acquérir quelque chose de la vertu du patriarche. Presque chaque jour, depuis quelque temps, notre instruction roule sur son histoire, et, malgré l'abondance avec laquelle nous vous offrons ce festin spirituel, nous n'avons pu vous raconter qu'une faible partie de ses belles actions, tant est grande l'abondance de ses vertus. Lorsqu'une fontaine s'épanche en larges ruisseaux, tout le monde s'y abreuve sans pouvoir tarir ses ondes, si bien que, plus on y puise, plus s'augmente l'abondance des eaux; c'est aussi ce que nous observons pour notre admirable patriarche. Depuis son époque jusqu'à la nôtre, combien se sont abreuvés à cette source de belles actions, et non-seulement ils ne l'ont pas tarie, mais ils en ont fait jaillir les actions saintes à flots plus abondants. Nous trouvons son histoire développée comme une chaîne d'or dans l'Ecriture sainte; dans chaque occasion, nous le voyons montrer toute sa sagesse, aussitôt suivie des récompenses de Dieu. Pour que vous en soyez convaincus, il faut résumer ce que nous avons déjà dit, vous rappeler la foi profonde du juste dans les promesses du Ciel et tous les bienfaits que Dieu lui prodigue en échange. Ce juste, à lui seul, suffit pour nous apprendre à tous à ne pas redouter les efforts que nous coûte la vertu, à nous confier dans les récompenses d'en-haut, afin que, connaissant toute la bonté du Seigneur à notre égard, nous supportions sans peine tout ce qui nous paraît affligeant dans cette vie, en aspirant à la rémunération céleste. Remarquez, je vous prie, que dès sa jeunesse il fit un bon usage de ses facultés et de ses notions naturelles; car, personne ne l'avait instruit, et il avait été élevé par des parents infidèles; mais sa foi le fit honorer d'une apparition divine. Comme dans son jeune âge il ne suivit point l'erreur de son père, mais qu'il montra sa piété envers la Divinité, il eut une vision céleste étant encore en Chaldée ; ce que saint Etienne nous explique clairement en disant : Le Dieu de gloire apparut à notre père Abraham, comme il était encore en Mésopotamie, avant qu'il habitât Charran. (Ac 7,2) Vous savez que cette vision lui ordonna de voyager. Il faut croire que la piété envers Dieu se joignait en lui au respect pour ses parents et qu'il s'était tellement concilié l'affection de son père, que celui-ci consentit, par amour pour son fils, à quitter son pays pour habiter une terre étrangère. Remarquez, je vous prie, comment cette visite que Dieu lui accorda à cause de sa vertu, fit encore briller davantage celle-ci. Il (246) était résolu à laisser le pays de ses pères, et à en habiter un autre, afin d'obéir à Dieu; il était même résigné à voyager sans parents, à ce qu'il semblait; mais, comme je l'ai dit, sa vertu et son amour pour ses parents furent cause que son père l'accompagna.

Arrivés à Charran, ils y dressèrent leur tente; après la mort de Tharra (c'était le nom de son père), Dieu lui ordonna encore de voyager. Quitte, lui dit-il, ta terre et ta famille, et viens dans la terre que je te montrerai. (Gn 12,1) Comme ils avaient émigré à Charran avec toute leur famille et leur maison, Dieu ajoute, dans ce nouvel ordre : Quitte ta terre et ta famille, voulant ainsi qu'il voyageât seul sans emmener son frère Nachor, ni personne autre. Il dit ta terre parce que sa famille l'habitait déjà depuis quelque temps et que ce domicile était pour elle comme une patrie. Malgré la perte récente de ses parents, malgré toutes les difficultés du voyage, il obéit de tout son coeur à l'ordre du Seigneur, et cela, sans savoir où devaient s'arrêter ses courses. Va, disait Dieu, non pas dans tel ou tel pays, mais dans la terre que je te montrerai. Cependant, malgré le vague d'un pareil ordre, il entreprit sans hésitation de l'exécuter; il emmena son neveu, montrant encore en cela sa vertu. Il avait peu à peu captivé ce jeune homme qui cherchait à imiter ses vertus, et qui, pour ne pas le quitter, voulut être son compagnon de voyage. Si mon père, disait-il, tout infidèle qu'il était, a consenti, pour l'amour de moi et pour m'accompagner, à quitter la maison paternelle où nous sommes nés et où nous avons grandi, puis à mourir sur la terre étrangère, à plus forte raison je ne laisserai pas ici le fils de mon frère, dont la jeunesse annonce tant de progrès dans la vertu.

3602 2. En toute occasion il faisait preuve de piété; ainsi quand il fit ce voyage qui le conduisit en Palestine et aux frontières des Chananéens, Dieu lui apparut pour fortifier son zèle et lui tendre la main, et lui dit : Je donnerai cette terre à ta race. (Gn 12,7) Ce qu'il souhaitait et désirait surtout, c'est-à-dire des fils pour lui succéder, cette récompense de tant de travaux lui est permise aussitôt. La nature ne lui avait pas donné d'enfant et son âge ne lui en laissait plus espérer, mais la promesse de Dieu relève le courage de l'athlète, le rajeunit et le prépare aux luttes à venir. Voyez après cette promesse quel combat le juste eut à soutenir.

Menacé par la famine et la disette qui régnait au pays de Chanaan, il se rend en Egypte, et pour fuir la famine il s'expose aux plus grands dangers. Près des frontières de l'Egypte, et sur le point d'y entrer, il dit à sa femme : Je sais que tu es belle (Gn 12,11), je connais l'éclat de ta beauté et je crains le libertinage des Egyptiens. S'ils te voient, et s'ils savent que c'est ma femme que je mène avec moi, ils te laisseront la vie pour assouvir leur fureur impudique, mais ils me tueront afin de se livrer sans obstacle au crime, afin qu'il ne reste personne pour les accuser d'adultère. Par conséquent, dis que je suis ton frère. Voyez quelle âme, mieux trempée que l'acier, aussi dure que le diamant ! Le malheur qu'il attendait n'a pu le troubler; il ne faisait pas en lui-même ces réflexions : N'ai-je montré tant d'obéissance en quittant mon pays pour une autre terre, qu'afin de tomber dans un pareil malheur? N'ai-je pas reçu cette promesse : je donnerai cette terre à ta race? et maintenant je suis tourmenté par la crainte de l'adultère et par celle de la mort. Il ne donnait accès dans son coeur à aucune de ces pensées, il ne songeait qu'à jouer cette douloureuse comédie, afin d'échapper du moins à l'un des dangers qui le menaçaient.

Quand il eut fait tout ce qui dépendait de lui par son courage et sa sagesse, sa femme aussi coopéra à ses projets par affection et par obéissance, et aida à ce qu'ils avaient décidé. Puis quand ils eurent fait tout ce qui dépendait d'eux, que tout fut désespéré humainement, et que l'oeuvre d'iniquité était presque consommée, alors Dieu déploya sur Abraham sa providence. Non-seulement il sauva la femme de l'outrage par la colère qu'il fit éclater sur le roi et toute sa maison, mais il fit retourner le patriarche d'Egypte en Palestine, avec de grands honneurs. Voyez comment, au milieu de toutes ces épreuves, le Seigneur, dans sa bienveillance, le soutient de sa force, et prépare son athlète à toutes les luttes à venir; jamais il ne le prive de son assistance, mais il dispose tout si bien, que la moindre coopération apportée par le patriarche à l'oeuvre de Dieu est récompensée par des bienfaits qui dépassent la nature humaine.

Vous connaissez la résignation du juste. Voyez maintenant, après son retour, jusqu'où vont son humilité et sa douceur ! En revenant d'Egypte, il avait une grande richesse que partageait son neveu qui vivait avec lui. Mais le (247) pays ne pouvait pas les contenir à cause de leurs grandes richesses (Gn 13,6) ; aussi une rixe s'éleva entre les bergers de Loth et ceux d'Abram. Alors le juste montrant la douceur de son âme et l'excès de sa sagesse, appela Loth et lui dit : Qu'il n'y ait pas de dispute entre toi et moi, ni entre tes bergers et les miens, car nous sommes frères, c'est-à-dire, rien de meilleur que la paix, rien de pire que les disputes. Pour supprimer toute cause de contestation, choisis le pays que tu voudras et laisse-moi l'autre, afin d'écarter de nous toute querelle, toute contention. Voyez quelle vertu ! Il laisse le choix au plus jeune et se contente du rebut. Mais, après cela, voyez quelle récompense il reçoit. Aussitôt après, Dieu lui dit, quand il s'est séparé de Loth : Lève les yeux et considère cette terre de côté et d'autre; toute cette terre que tu vois, je te la donnerai à toi et â ta race pour toujours. Voyez quelles largesses lui sont prodiguées pour le désintéressement qu'il a montré envers son neveu; ce qu'il a abandonné était peu de choix, ce qu'il obtient est bien plus considérable.

Au contraire, celui qui avait choisi à son gré, se trouva bientôt en danger : non-seulement son choix ne lui profita pas, mais il se vit tout à coup captif sans feu ni lieu; tout cela lui apprit à apprécier la vertu du juste, et à ne plus se conduire de même qu'auparavant. En effet, après qu'il eut commencé à habiter Sodome, il s'éleva une guerre terrible; les rois des nations voisines se levèrent avec de grandes forces, dévastèrent tout le pays, massacrèrent les géants, expulsèrent les Amalécites, mirent en fuite le roi de Sodome et celui de Gomorrhe, envahirent toutes les montagnes, enlevèrent la cavalerie du roi de Sodome, et s'en allèrent en emmenant Loth captif, avec les femmes et tout le butin.

3603 3. Mais admirez encore ici toute la providence de Dieu. Voulant délivrer Loth et illustrer le patriarche, il excite celui-ci à secourir son neveu. Sachant ce qui se passait, le juste, avec ses domestiques, fond sur les rois, les défait sans peine et ramène Loth et les femmes, ainsi que la cavalerie du roi. Des trophées si brillants montraient à tous que Dieu le protégeait, car il n'avait pu remporter une pareille victoire avec ses propres forces, mais appuyé sur le secours d'en-haut. Du reste, le patriarche cherchait encore à faire connaître la vraie religion aux gens de Sodome, comme on le voit par les paroles qu'il dit à leur roi. Le roi vient au-devant de lui pour lui rendre grâce et lui offrir les chevaux en se contentant des hommes : voyez avec quelle grandeur d'âme le juste lui prouve sa sagesse, lui montre qu'il est au-dessus de tous ces présents et lui fait connaître la vraie religion. Il ne lui dit pas simplement : je ne consens à rien recevoir de toi; je n'ai pas besoin d'un pareil paiement; mais il dit : J'étends ma main vers le Très-Haut, ce qui revient à dire : ce ne sont pas des dieux que tu adores, mais des pierres et du bois : il n'est qu'un Dieu, maître de l'univers. Il a créé le ciel et la terre : je le prends à témoin que je ne prendrai rien de toi depuis un cordon jusqu'à une courroie de chaussure, afin que tu ne puisses croire que c'est pour cela que j'ai tiré cette vengeance, ni dire que tu m'as enrichi. Car celui qui m'a donné la victoire et a triomphé avec moi, c'est lui qui me procure d'abondantes richesses.

Vous voyez que, si le roi avait voulu, il aurait profité des paroles du patriarche. Il avait appris à ne plus se fier à sa force, mais à connaître l'Auteur de toutes choses, à rire des dieux faits par la main des hommes et à n'adorer que le Dieu de l'univers, le Créateur de toutes choses, la source de tout bien. L'exemple du patriarche lui dévoilait toutes les vertus. Celui-ci, pour ne pas laisser croire qu'il refusât toutes ces offres par orgueil et arrogance, disait au roi : Je ne prendrai rien, car je n'ai besoin de rien; je ne tiens pas à ce que d'autres augmentent ma richesse. Je laisserai seulement ceux qui ont partagé mes dangers prendre leur part, afin qu'ils aient quelque récompense de leurs peines. Voilà ce que le juste répondit au roi de Sodome.

Lorsque Melchisédech, roi de Salem, lui offrit le pain et le vin, (c'était, dit l'Ecriture, un prêtre du Très-Haut) le patriarche accepta cette offre, et, en reconnaissance de sa bénédiction, lui donna la dîme du butin; en effet, Melchisédech lui avait dit : Abram est béni par le Très-Haut qui a livré tes ennemis dans tes mains. Voyez comme le juste montre partout sa piété: du roi de Sodome il ne voulait rien recevoir, depuis un cordon jusqu'à une courroie; mais il accepte l'offrande de Melchisédech, et lui donne en échange ce dont il peut disposer, ce qui nous montre qu'il faut avoir du discernement et ne pas recevoir de toutes mains. Les dons du roi prouvaient sa (248) reconnaissance, mais du reste, c'était un infidèle qui avait besoin qu'on lui enseignât la vertu; aussi le juste refusa-t-il ses présents, mais par son refus et par ses discours, il chercha à lui inspirer la piété. Il accepte avec raison l'offrande de Melchisédech, dont l'Ecriture sainte nous fait connaître la vertu en disant : C'était un prêtre du Très-Haut. Du reste, c'était là une figure du Christ et ces offrandes présageaient le mystère : aussi le patriarche, loin de les refuser, les accueillit et y répondit à son tour d'une manière qui prouvait toute sa vertu : il lui donna la dîme, ce qui faisait bien voir ses pieuses intentions. Je m'étends peut-être là-dessus, mais ce n'est pas sans raison. Nous avons résumé rapidement ce qui avait été dit depuis le commencement de ces instructions jusqu'à celle d'aujourd'hui sur le courage du juste, sa magnanimité, sa foi parfaite, la sagesse de ses pensées, l'excès de son humilité et de son mépris pour les richesses, enfin la bienveillance et la providence constante de Dieu à son égard; vous avez vu comment, dans chaque occasion, cette divine assistance le rendit plus célèbre et plus illustre. Maintenant, si vous y consentez et si vous n'êtes pas fatigués, arrivons à la lecture que l'on vient de vous faire : nous allons vous en développer quelque chose pour terminer ce discours, et vous verrez comment il est récompensé d'avoir refusé les dons du roi de Sodome. Que dit l'Ecriture? Après ces paroles, la voix du Seigneur fut adressée à Abram (
Gn 15,1). Pourquoi commencer ainsi? après ces paroles. De quelles paroles s'agit-il, dites-moi? n'est-il pas clair qu'il est question de celles qu'il a dites au roi de Sodome? Après son mépris des richesses, après qu'il eut refusé ses offres, après cet enseignement qu'il joignit à son refus pour amener le roi à reconnaître et à adorer le Créateur de toutes choses, après ces paroles, après qu'il eut offert la dîme à Melchisédech, enfin, quand il eut fait tout ce qui dépendait de lui, alors après ces paroles, la voix du Seigneur fut adressée à Abram pendant une vision dans la nuit, disant : Ne crains pas, Abram, je te protège; ta récompense sera très-grande.

3604 4. Voyez la bonté du Seigneur; comme la couronne suit de près l'athlète pour le récompenser et le préparer à affronter d'autres luttes avec une nouvelle vigueur. La voix du Seigneur fut adressée pendant une vision dans la nuit. Pourquoi dans la nuit ? Pour qu'elle fût plus distincte au milieu du silence et du repos. Elle dit : Ne crains pas, Abram. Voyez jusqu'où Dieu porte l'attention. Comme le patriarche avait repoussé tant de richesses et dédaigné les présents d'un roi, cela signifie: ne crains pas qu'après avoir refusé tout cela, tu sois réduit à voir diminuer ta fortune, ne crains pas. Ensuite, pour réveiller encore mieux son esprit, la voix ajoute encore son nom, et dit : Ne crains pas, Abram. En effet, le meilleur moyen d'éveiller quelqu'un, c'est de l'appeler par son nom. Puis elle ajoute: Je te protégerai. Voilà un mot qui signifie beaucoup. Moi qui t'ai fait venir de Chaldée, moi qui t'ai amené ici, moi qui t'ai délivré des dangers de l'Egypte et qui t'ai promis plus d'une fois de donner cette terre à ta race, moi je te protége ! Moi qui, de jour en jour, te fais briller davantage aux yeux de tous, je te protège : c'est-à-dire, je suis ton bouclier, je lutte et combats avec toi, je veille sur toi, je rends facile pour toi tout ce qui est difficile, je te protège. Ta récompense sera très-grande. Tu n'as pas voulu recevoir de rétribution pour les fatigues que tu avais subies, pour les dangers où tu t'étais exposé, tu as dédaigné ce roi et ces présents. Je te donnerai ta récompense, non-seulement telle que tu l'aurais reçue, mais grande et très grande. Ta récompense sera très-grande. Admirez la libéralité du Seigneur, et concevez l'importance de ses Paroles : voyez comme elles soutiennent la piété de l'athlète, et comme elles fortifient son âme. Lui qui connaît les secrets des coeurs savait que le juste avait besoin d'une pareille consolation, car voici ce qu'il répond après avoir été encouragé par ces paroles. Abram dit: Seigneur, que me donnerez-vous ? Je vais partir de cette vie sans enfants (Gn 15,2). Après avoir reçu cette promesse d'une grande récompense, il montre toute la tristesse de son âme et le regret qu'il éprouve depuis longtemps en se voyant sans enfants et il dit : Seigneur, accomplirez-vous ce désir? Me voici au terme de la vieillesse et je vais partir de cette vie sans enfants.

Voyez quelle philosophie le juste montrait dans ces temps reculés, puisqu'il appelait la mort un départ. Ceux qui ont mené une vie honnête et vertueuse, quand ils quittent ce monde sont affranchis de leurs luttes et délivrés de leurs liens : la mort n'est pour ceux qui ont bien vécu qu'un passage à un état (249) meilleur, de la vie périssable à une existence éternelle et immortelle. Le juste dit : Je vais partir de cette vie sans enfants. Et pour toucher encore le coeur de Dieu, il ne s'arrête pas là; mais que dit-il? Le fils de Masec, ma servante, sera mon héritier puisque tu ne m'as pas donné de progéniture. Ces paroles montrent toute la douleur de son âme ; c'est comme s'il disait à Dieu : Je n'ai pas été aussi heureux que mon esclave, je mourrai sans enfant et sans postérité; un esclave héritera des biens que tu m'as donnés, et cela après que tu m'as renouvelé cette promesse : Je donnerai cette terre à ta race. Remarquez ici, je vous prie, la vertu du juste qui, malgré ces pensées dont son âme était remplie, ne s'impatiente pas et ne dit aucune parole offensante. Maintenant, excité par ce que le Seigneur lui a dit, il lui parle avec franchise, lui montre le trouble de ses pensées et lui dévoile la plaie de son âme; aussi en reçoit-il promptement le remède. Aussitôt la voix de Dieu lui fut adressée (Gn 15,4). Voyez comme l'Ecriture explique tout exactement! aussitôt, dit-elle. Dieu ne laisse pas le juste un seul instant dans la peine, il se hâte de le consoler, et calme son chagrin par les paroles suivantes : Aussitôt la voix de Dieu lui fut adressée, disant : Ce n'est pas celui-là qui sera ton héritier, mais celui qui sortira de toi, celui-là sera ton héritier. Voilà, dit-il, ce que tu as craint? voilà ce qui trouble ton esprit, et ce qui te décourage? apprends donc que ce ne sera point là ton héritier, mais celui qui sortira de toi, celui-là sera ton héritier. Ne songe point aux difficultés de la nature humaine, ni à ta vieillesse, ne t'inquiète pas de la stérilité de Sara, mais aie confiance en la puissance de Celui qui te fait ces promesses, cesse d'être abattu et reprends tout ton courage, enfin, sois persuadé que ton héritier sera celui qui naîtra de toi.

Comme une pareille prédiction dépassait la nature et la raison humaine (en effet, il songeait avec effroi aux obstacles de la nature, à sa vieillesse, à la stérilité de Sara, dont les entrailles étaient mortes pour la maternité), Dieu développe encore cette prédiction afin que le juste prenne confiance dans la libéralité de celui qui peut prédire ainsi. Il l’emmena dehors et lui dit : Regarde le ciel et compte les astres, si tu peux les compter. Et il dit : Telle sera ta postérité. Et Abram crut au Seigneur, et sa foi lui fut imputée à justice (Gn 15,5-6). Pourquoi faire observer qu'il l'emmène dehors? parce qu'il a été dit plus haut que Dieu se montra pendant la nuit dans une vision, et parla au patriarche; maintenant il veut lui montrer combien les étoiles sont innombrables; il l'emmena dehors et lui dit : Lève les yeux au ciel et compte les astres, si tu peux les compter. Et il dit : Telle sera ta postérité. Quelle admirable prédiction ! quelle grande promesse ! mais si nous songeons à la puissance de Celui qui parle, rien ne nous paraîtra grand. Celui qui a fait un corps avec de la terre, Celui qui a tiré l'être du néant, et qui a créé tout ce que nous voyons, Celui-là peut bien accorder des grâces surnaturelles.

3605 5. Vous voyez la libéralité du Seigneur. Le patriarche lui dit : Je vais partir de cette vie sans enfants, comme s'il était aux portes du tombeau, et s'il ne pouvait plus avoir d'enfant; aussi ajoute-t-il : Le fils de Masec, ma servante, sera mon héritier. Aussi Dieu voulant relever son esprit et fortifier son âme, le délivre de la crainte qui le possédait, raffermit sa pensée par la grandeur de sa promesse, et en lui montrant la multitude des astres, enfin en lui annonçant une nombreuse postérité, il lui rend l'espérance. En voyant la prédiction du Seigneur, le sage ne s'arrête plus aux considérations humaines, il ne songe plus à son impuissance ni à celle de Sara, et ne s'inquiète pas des obstacles naturels; sachant que Dieu peut accorder des dons surnaturels, il a foi dans ses paroles, il n'admet plus aucun doute et croit fermement que tout s'accomplira. Voilà la véritable foi, celle qui se fie dans la puissance de l'auteur des promesses, même quand ces promesses sont extraordinaires et ne peuvent s'accomplir que d'une manière surhumaine. La foi, comme dit saint Paul, est le fondement des choses qu'on espère, et la preuve des choses invisibles (He 11,1) ; et il dit aussi : Quand une fois on a vu que reste-t-il à espérer? (Rm 4,3) Ainsi nous avons la véritable foi quand nous croyons à ce que nous ne voyons pas, en considérant l'autorité de celui qui nous fait la promesse. C'est ce qu'a fait notre juste, qui montra une foi sincère et parfaite à ce qui lui était annoncé; aussi l'Ecriture sainte fait-elle son éloge en ajoutant aussitôt : Abram crut au Seigneur, et sa foi lui fut imputée à justice. Vous voyez comment, même avant l'accomplissement des promesses, il fut récompensé de sa croyance. Car sa foi dans les (250) prédictions de Dieu lui fut imputée à justice, parce qu'il ne s'était pas arrêté aux raisonnements humains à propos des paroles divines.

Apprenons donc, nous aussi, je vous en conjure, d'après l'exemple du patriarche, à croire aux paroles de Dieu, à ajouter foi à ses promesses, à ne pas écouter uniquement la raison humaine, et à montrer une grande droiture d'esprit. C'est là ce qui nous mettra au nombre des justes et hâtera l'accomplissement des promesses divines. Dieu annonça à Abraham que sa race serait innombrable, et cette prédiction dépassait la nature humaine, aussi sa foi lui fut-elle imputée à justice. Les promesses qu'il nous a faites, si nous y réfléchissons, sont encore bien plus grandes et dépassent encore davantage la nature humaine; croyons seulement à la puissance qui nous fait ces promesses, afin d'être justifiés par notre foi, et de jouir des biens qui nous sont annoncés. En effet, tout ce qui nous est prédit est supérieur à la raison humaine et dépasse notre pensée, tant ces promesses sont immenses : elles ne s'étendent pas seulement au présent, à la vie d'ici-bas et à la jouissance des choses visibles; mais quand nous aurons quitté la terre après la corruption de nos corps, quand nos corps auront été réduits en cendres et en poussière, il nous a prédit que nous ressusciterions dans une gloire nouvelle. Il faut donc, dit saint Paul, que ce qu'il y a de corruptible en nous revête l'incorruptibilité, que ce qu'il y a de mortel revête l'immortalité. (1Co 15,53) Dieu nous a promis qu'après la résurrection de nos corps, il nous donnerait son royaume pour récompense, avec la société des saints, un repos éternel et des biens ineffables que l'oeil n'a pas vus, que l'oreille n'a pas entendus, et qui n'ont jamais pénétré dans le coeur humain. (1Co 11,9) Voyez quelles promesses immenses, quels dons infinis !

3606 6. Méditons à ce sujet, et sachant que Celui qui annonce tout cela ne peut mentir, supportons avec plaisir toutes les luttes de la vertu, afin de jouir des biens qui nous sont annoncés; ne préférons pas des avantages passagers à notre salut et à un pareil bonheur, et songeons aux récompenses de la vertu plutôt qu'aux efforts qu'elle coûte : ne regrettons pas nos richesses quand il faut en faire part aux pauvres, mais songeons au profit que cet abandon nous procure. Aussi l'Ecriture sainte compare l'aumône à une semence pour montrer que nous devons la répandre de bon coeur et avec joie. En effet, ceux qui confient la semence à la terre, l'enfouissent avec joie et sont pleins d'espérance, croyant déjà voir les gerbes remplir leur grenier : à plus forte raison, ceux qui peuvent répandre cette semence spirituelle doivent se réjouir et tressaillir d'aise, puisqu'ils moissonnent dans le ciel après avoir semé sur la terre. En dépensant un peu d'argent, ils obtiendront la rémission de leurs péchés et un motif de confiance devant Dieu; car grâce à ceux qui reçoivent leurs dons, ils jouiront d'un repos éternel et de la société des saints. Si nous choisissons la continence, n'examinons pas les efforts que coûte la vertu et ne nous disons pas que la virginité exige bien des luttes, songeons seulement à quelle fin nous sommes destinés; et grâce à cette pensée constante, nous mettrons un frein à la rage des mauvais désirs, nous résisterons aux révoltes de la chair, et l'espoir de la récompense adoucira nos peines. En effet l'espoir du bien suffit pour nous faire affronter les dangers; ne doit-il pas, à plus forte raison, nous faire supporter les fatigues qu'entraîne la vertu? Si vous réfléchissez que vos combats dureront peu de temps, si vous conservez dans tout son éclat la lampe de votre virginité, vous obtiendrez le bonheur éternel et vous entrerez avec l'époux. Il suffit de garder sa lampe allumée et d'avoir une suffisante provision d'huile, je veux dire de bonnes oeuvres : comment alors ne franchirez-vous pas facilement tous les obstacles, en songeant à ces paroles de saint Paul : Vivez en paix avec tout le monde, et recherchez la sanctification, sans laquelle personne ne verra le Seigneur. (He 12,14) Observez-vous qu'il joint la paix à la sanctification? C'est parce que Dieu ne demande pas seulement la pureté du corps, mais aussi la paix. L'Apôtre nous le rappelle avec raison et nous avertit sur ces deux points, nous recommandant le repos de la pensée, afin d'éviter le trouble et le tumulte de nos âmes, afin que notre vie soit calme et tranquille, que nous vivions en paix avec tout le monde, enfin, que nous soyons pleins de douceur, de mansuétude et de modération : alors on verra fleurir sur notre visage toutes les couleurs de la vertu. Nous pourrons dès lors mépriser la gloire de la vie présente en travaillant pour la véritable gloire; ne songez qu'à vous affermir dans l'humilité en dédaignant le bonheur d'ici-bas, afin de (251) jouir du bonheur véritable et solide, et pour que la vue du Christ soit notre récompense. Bienheureux ceux qui sont purs de coeur, car ils verront Dieu! (Mt 5,8) Purifions donc notre conscience, réglons notre existence avec soin, afin qu'après avoir marché pendant cette vie dans le sentier de toutes les vertus, nous méritions de recueillir la récompense de nos efforts actuels dans l'éternité future, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, auquel, ainsi qu'au Père et au Saint-Esprit, gloire, puissance et honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

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TRENTE-SEPTIÈME HOMÉLIE. Dieu dit à Abram : « Je suis le Dieu qui t'ai tiré du pays des Chaldéens,

pour te donner cette terre, afin que tu la possèdes. — Et il répondit : Seigneur, mon Maître, à quoi reconnaîtrai-je que je dois la posséder ? » (Gn 15,7-21)

ANALYSE.

1. Différence entre la Bible et les livres profanes : la Bible renferme beaucoup de pensées en peu de mots, c'est le contraire pour les livres profanes. — 2. Gage que Dieu donne à Abraham de l'accomplissement de ses promesses. — 3. Dieu prédit à Abraham la captivité de ses descendants dans la terre d'Egypte. — 4. Confirmation de l'alliance. Dieu indique à Abraham les limites qu'atteindra l'empire qui sera un jour fondé par sa postérité. — Exhortation. Il faut plutôt s'occuper d'orner l'âme que le corps.

3701 1. La puissance de l'Ecriture sainte est immense et ses paroles renferment un trésor de pensées. Il faut donc nous appliquer à l'étudier avec soin pour en retirer des avantages étendus. Aussi le Christ nous a donné ce précepte : Sondez les Ecritures (Jn 5,39) ; c'est-à-dire, ne nous bornons pas à une simple lecture, mais scrutons profondément les Ecritures pour en saisir le vrai sens. Tel est l'usage de l'Écriture; elle présente beaucoup d'idées dans peu de mots. Ce sont des instructions divines et non humaines, aussi diffèrent-elles complétement de la sagesse humaine, et je vais vous dire comment. D'un côté, c'est-à-dire dans la sagesse humaine, on ne songe qu'à l'arrangement des mots; de l'autre côté, c'est tout le contraire. L'Écriture ne tient aucun compte de la beauté des expressions ni de leur disposition : toutes ses paroles tirent leur beauté de l'épanouissement de la grâce divine. D'un côté, au milieu d'un immense bavardage, on rencontre à peine quelques idées; de l'autre, comme vous le savez, une phrase très courte est souvent un texte suffisant pour tout un sermon. Aussi hier, après avoir lu notre texte et en avoir commencé l'explication, nous avons trouvé une telle richesse de pensées que nous n'avons pas pu aller plus loin pour ne pas surcharger votre mémoire et de peur que la fin du sermon ne vous en fit oublier le commencement. Aussi je vais revenir sur ce sujet et rattacher le discours d'hier à celui d'aujourd'hui, afin que vous ne sortiez pas d'ici sans avoir entendu développer toute la lecture. Mais, je vous en prie, accordez-nous toute votre attention : car si la peine est pour nous, le profit est pour (252) vous; ou plutôt, il nous est commun à tous. Mais que parlé-je de notre peine? Non certes ! il n'y a ici qu'un don de là grâce divine. Recueillez donc avec soin ce que Dieu vous donne, afin que vous ne partiez d'ici qu'après en avoir fait votre profit pour le salut de votre âme. Si nous vous offrons chaque jour ce festin spirituel, c'est pour que nos fréquentes exhortations et la méditation des saintes Ecritures vous préservent des piéges du malin esprit. Car s'il voit en nous un grand zèle pour les occupations spirituelles, non-seulement il ne nous attaquera point, mais il n'osera même nous regarder, sachant que ses manoeuvres seront inutiles, et que les coups qu'il osera frapper retomberont sur sa tête.

Reprenons donc le sujet que nous traitions hier, et achevons de le développer. Hier de quoi avons-nous parlé? De la promesse que Dieu fit à Abram en lui disant de lever lesyeux au ciel et de regarder la multitude des étoiles. Compte, lui dit-il, les étoiles si tu peux les compter. Et il lui dit : Ta race sera aussi nombreuse (Gn 15,5). Ensuite l'Ecriture sainte nous montrant la piété du patriarche, et sa foi aux promesses de Dieu dont il considérait le souverain pouvoir, dit : Abram crut à Dieu, et cela lui fut imputé à justice (Gn 15,6). C'est là que nous en sommes resté hier et il nous a été impossible d'aller plus loin : maintenant il faut continuer. Que dit l'Ecriture? Le Seigneur dit à Abram : Je suis le Dieu qui t'ai retiré du pays des Chaldéens, pour te donner cette terre, afin que tu la possèdes (Gn 15,7) Voyez comme Dieu se prête à la faiblesse humaine, comme il veut fortifier la foi et persuader de l'effet de ses promesses, comme s'il disait : Souviens-toi que c'est moi qui t'ai fait sortir de ton pays! Ces paroles de Dieu s'accordent avec celles de saint Etienne qui dit que le Seigneur ordonna à Abraham de quitter la Chaldée et sa maison. (Ac 7) Le père d'Abraham, comme nous l'avons dit, partagea son destin, quoiqu'il fût lui-même infidèle; entraîné par son amour pour son fils, il fut son compagnon de voyage. Aussi Dieu rappelle ici à Abraham la protection dont il l'a toujours entouré, lui disant que s'il l'a fait ainsi voyager, c'était pour son avantage et pour accomplir ses promesses envers lui. Je suis le Dieu qui t'ai retiré du pays des Chaldéens, pour te donner cette terre, afin que tu la possèdes. Est-ce sans raison que je t'en ai appelé? est-ce en vain que je t'en ai retiré? Je t'ai fait venir en Palestine, je t'ai fait quitter la maison de ton père et t'établir dans cette terre, afin que tu la possèdes. Songe combien je t'ai protégé depuis ton départ de Chaldée jusqu'à présent; songe que de jour en jour tu es devenu plus illustre par mon appui, par mes soins, et fie-toi à mes paroles. Voyez quel excès de bonté ! voyez comme Dieu s'abaisse jusqu'à l'homme, comme il fortifie son âme et affermit sa foi, pour qu'il ne songe plus aux obstacles de la nature, mais qu'il se confie à Celui qui fait ces promesses, comme si elles étaient déjà accomplies.

3702 2. Voyez aussi comme le patriarche, enhardi par ces paroles, demande une assurance plus parfaite. Il dit : Seigneur, mon ?Maître, à quoi reconnaîtrai-je que je posséderai cette terre? (Gn 15,8) L'Ecriture sainte a commencé par lui rendre ce témoignage qu'il crut aux paroles de Dieu et que cela lui fut imputé à justice ; cependant, après avoir entendu ces mots : Je t'ai retiré du pays des Chaldéens, pour te donner cette terre, afin que tu la possèdes, il répond il m'est impossible de ne pas croire à ta parole ; cependant je voudrais apprendre de quelle manière je deviendrai possesseur de cette terre. Je me vois parvenu à l'extrême vieillesse; jusqu'à présent j'ai erré comme un vagabond, et la raison humaine ne peut me faire concevoir comment tout s'accomplira, quoique j'aie ajouté foi sans hésiter à tes paroles, toi qui peux tirer l'être du néant, tout créer et tout transformer. Si je t'interroge, ce n'est donc point par incrédulité : mais puisque tu me promets de nouveau la possession de cette terre, je voudrais un signe plus matériel et plus évident pour soutenir la faiblesse de mon intelligence. Que fait alors ce Maître si bon? Plein de condescendance pour son serviteur, il veut fortifier son âme quand il le voit avouer sa faiblesse, et malgré sa foi dans les promesses divines, en réclamer une confirmation ; il lui dit : Prends une génisse de trois ans, une chèvre de trois ans et un bélier, et une tourterelle et une colombe (Gn 15,9). Vous voyez que Dieu fait un traité avec un homme à la manière humaine. Quand nous promettons quelque chose à quelqu'un et que nous cherchons à lui donner confiance en nos promesses, afin qu'il ne doute point de notre bonne volonté, nous lui laissons une preuve et une marque dont la seule vue lui donne la certitude que nous ferons tout pour dégager notre parole. Ainsi, à cette question : Comment le (253) reconnaîtrai-je? ce bon Maître répond : en voici le moyen. Prends une génisse de trois ans, une chèvre de trois ans, et un bélier, et une tourterelle et une colombe.

Remarquez, je vous prie, à quelle condescendance matérielle arrive ce doux Maître pour rassurer le patriarche. Comme c'était l'usage des hommes de faire et de confirmer ainsi leurs traités, Dieu même agit comme eux. Il prit ces animaux, dit l'Ecriture, et les partagea par la moitié. Ce n'est pas sans raison que leur âge est indiqué : il fallait les prendre à trois ans, c'est-à-dire adultes et à leur taille. Il les partagea par la moitié et mit les deux parties en face l'une de l'autre; mais il ne partagea point les oiseaux (Gn 15,10). Il s'assit et veilla pour que les oiseaux qui volaient autour de ces animaux partagés ne pussent y toucher, et il resta ainsi tout le jour. Les oiseaux descendirent auprès de ces animaux ainsi partagés près desquels s'était assis Abram. Vers la chute du jour, Abram tomba en extase, et il fut saisi d’un grand effroi et enveloppé de ténèbres (Gn 15,11-12). Pourquoi vers le coucher du soleil, quand vient le soir? C'est que Dieu veut rendre le patriarche plus attentif : cette extase et cet effroi ténébreux l'envahissent pour que tout lui fasse comprendre la présence de Dieu. Du reste c'est ce que le Seigneur fait toujours. Plus tard quand il donna à Moïse, sur le mont Sinaï, la loi et les préceptes, l'obscurité et les ténèbres régnaient et la montagne était couverte de fumée. (Ex 19,18) Aussi l'Ecriture dit: Il touche les montagnes et elles fument. (Ps 103,32) Comme les yeux charnels ne peuvent voir le Dieu immatériel, c'est ainsi qu'il se manifeste à nous. Aussi après avoir frappé l'esprit du juste et l'avoir rempli de crainte par cette extase, il lui dit : Tu m'as demandé une confirmation de mes paroles, tu as voulu avoir une preuve que tu dois posséder cette terre. Je te la donne, car il te faut beaucoup de foi pour comprendre que je puis faire réussir ce qui semble désespéré. Et il dit à Abram : Sache certainement que ta race habitera dans une terre étrangère, qu'elle sera soumise aux gens du pays qui la maltraiteront et l'humilieront pendant quatre cents ans. Ce peuple auquel elle sera asservie, je le jugerai, et elle sortira de ce pays avec un grand appareil (Gn 15,13-14). Voilà des paroles bien graves; elles réclament un esprit énergique, capable de s'élever au-dessus de toutes les considérations humaines. Car si l'âme du patriarche n'avait pas été forte, courageuse et bien trempée, il y avait de quoi la troubler. Sache certainement que ta race habitera dans une terre étrangère, qu'elle sera soumise aux gens du pays qui la maltraiteront et l'humilieront pendant quatre cents ans. Ce peuple auquel elle sera asservie, je le jugerai, et elle sortira de ce pays avec un grand appareil.

3703 3. Ne t'étonne point, dit le Seigneur, de ta vieillesse, de la stérilité de Sara, de ses entrailles desséchées, et ne regarde point comme extraordinaire ce que je t'ai dit : Je donnerai cette terre à ta race. Non-seulement je te le prédis, mais j'ajoute qu'avant cela ta race ira dans une terre étrangère. Il ne lui dit pas que c'était l'Egypte et ne nomme point le pays, mais il dit : Dans une terre étrangère (Gn 15,13); elle subira la servitude et l'humiliation, et ses souffrances ne seront point courtes et bornées à peu d'années, mais dureront quatre cents ans. Sans doute j'en tirerai vengeance, je jugerai ce peuple oppresseur et je ferai revenir ici ta race et j'environnerai son retour de beaucoup d'éclat. Ainsi l'exactitude de cette prédiction sur la servitude des Juifs dévoile leur descente en Egypte, la haine des Egyptiens contre eux et leur glorieux retour. Elle montre au patriarche que ce n'est pas seulement à lui que doivent arriver des choses surnaturelles, c'est-à-dire l'accomplissement des promesses de Dieu malgré tant d'obstacles, mais que toute sa race sera également favorisée. Je te l'ai déjà dit, ajoute-t-il, afin que tu puisses, avant la fin de ta vie, connaître le sort de ta postérité. Tu iras rejoindre tes pères, après avoir prospéré dans une heureuse vieillesse (Gn 15,15). Il ne dit pas : tu mourras, mais, tu iras, comme on dit à un voyageur qui va quitter son pays pour une autre patrie. Tu iras rejoindre tes pères: il ne parle point des pères selon la chair. Comment serait-ce possible? puisque son père était infidèle et que le patriarche fidèle ne pouvait habiter le même séjour. Il y a, dit l'Ecriture, un grand abîme entre vous et nous. (Lc 16,26) De qui donc est-il dit rejoindre tes pères? Il s'agit des justes, tels qu'Abel, Noé et Enoch. Prospérant dans une heureuse vieillesse. Mais, dira-t-on, comment cette vieillesse peut-elle être heureuse après toute une existence de tribulations? Ne les considérez point; songez seulement à la gloire qui l'a suivi en toute occasion, pensez à l'éclat (254) dont a toujours brillé ce voyageur sans feu ni lieu et à la protection que Dieu lui a constamment accordée.

Il ne faut point juger d'après l'opinion actuelle, et dire qu'une belle vieillesse est celle qui se passe dans le luxe et la débauche au milieu d'immenses richesses, d'une foule de courtisans et d'un troupeau d'esclaves. Ce n'est pas là une belle vieillesse; au contraire, tout cela sert à condamner l'homme qui n'est pas continent, même dans sa vieillesse, qui, même à son dernier soupir, ne songe pas à ses vraies besoins, qui sacrifie tout à son ventre et passe sa vie dans les festins et dans l'ivresse au moment où il va rendre compte de ses actions. Celui qui a marché dans le sentier de la vertu, celui-là seul termine sa vie par une belle vieillesse et reçoit plus haut la récompense de ses travaux d'ici-bas. Aussi Dieu dit au patriarche: Voilà ce qui arrivera à tes descendants, mais tu quitteras la terre après avoir joui d'une heureuse vieillesse. Ici remarquez encore que si le juste n'avait pas eu un grand courage et une extrême sagesse, ces prédictions auraient pu troubler son esprit. A sa place, le premier venu aurait dit: Pourquoi me promettre une postérité si nombreuse puisque mes descendants supporteront tant de souffrances et tant d'années de captivité? quel avantage poissé-je y trouver? Le juste n'eut point cette pensée; il accepta en fidèle serviteur tout ce qui venait de Dieu, dont il préféra la volonté à la sienne. Du reste le Seigneur lui indique l'époque à laquelle ils reviendront de leur captivité : Ils reviendront ici à la quatrième génération (Gn 15,16).

Là-dessus on pourra demander pourquoi quatre cents ans de captivité sont prédits aux Hébreux, tandis qu'ils n'en ont point passé la moitié en Egypte. Aussi Dieu ne dit pas qu'ils doivent passer quatre cents ans en Egypte, mais dans une terre étrangère, si bien que l'on peut joindre aux années passées en Egypte, le temps même de la vie du patriarche, à partir du moment où il reçut l'ordre de quitter Charran. L'Ecriture nous montre évidemment qu'elle compte les années depuis cette époque, lorsqu'elle dit qu'il avait soixante-quinze ans quand il partit de Charran. (Gn 12,4) Depuis cet instant jusqu'au retour d'Egypte, si l'on fait le calcul, on trouve le nombre juste. D'un autre côté, l'on peut dire que le Seigneur plein de bienveillance, et qui proportionne toujours nos épreuves à notre faiblesse, voyant les Hébreux accablés de peines et cruellement traités par les Egyptiens, les vengea et les délivra avant l'époque qu'il avait fixée. En effet, c'est l'usage de Dieu qui cherche toujours notre salut; s'il menace de ses punitions, nous pouvons, en faisant preuve de conversion, le faire revenir sur ses arrêts; en revanche, s'il nous promet quelque avantage et que nous ne fassions point ce qui dépend de nous, il n'accomplit point ce qu'il avait annoncé, de peur de nous rendre pires que nous n'étions. Ceux qui étudient attentivement les saintes Ecritures pourront aisément s'en convaincre. Ils reviendront ici à la quatrième génération; car les iniquités des Amorrhéens ne sont pas encore au comble. Alors, en effet, il sera temps que les uns reviennent en liberté et que les autres, en punition de leurs nombreux péchés, soient chassés de cette terre. Tout arrivera en temps convenable, l'établissement des uns et l'expulsion des autres. Leurs iniquités ne sont pas encore au comble, c'est-à-dire ils n'ont pas encore assez péché pour mériter une pareille punition. En effet, Dieu dans sa bonté ne punit jamais plus, mais toujours moins qu'on ne mérite. Aussi montre-t-il une grande patience à l'égard des Amorrhéens, pour ne leur laisser aucune excuse, puisqu'ils seront eux-mêmes les auteurs de leur châtiment.

3704 4. Voyez comme le patriarche est exactement renseigné, comme sa foi doit se fortifier et quelle confiance les prédictions qui le regardent doivent lui inspirer pour celles qui sont relatives à sa postérité ; l'accomplissement des unes lui montrera la certitude des autres. Ensuite, quand la prédiction fut terminée, il vit un signe analogue à ceux qu'il avait déjà aperçus. Quand le soleil se coucha, il parut une flamme, une fournaise fumante et des lampes de feu qui passèrent à travers les animaux coupés en deux (Gn 15,17). La flamme, la fournaise et les lampes paraissaient pour faire connaître au juste l'indissolubilité de l'alliance, et la présence de l'énergie divine. Ensuite, quand tout fut terminé et accompli, quand le feu eut dévoré toute l'offrande, le Seigneur fit en ce jour une alliance avec Abram, en disant: Je donnerai à ta race cette terre depuis le fleuve d’Egypte jusqu'au grand fleuve de l'Euphrate, les Cinéens, les Cenézéens et les Cedmoniens; les Chettéens, les Phérézéens, ceux de Raphaïm et les Amorrhéens, les Chananéens, les Eviens, les Gergésiens et les Jébuséens (Gn 15,18-21). Voyez comme il confirme encore ce qu'il avait annoncé. Il fit une alliance, disant : Je donnerai à ta race cette terre.

Ensuite pour faire comprendre toute l'étendue des limites du pays donné à cette race, il ajoute: Du fleuve d'Egypte au fleuve Euphrate, là s'étendra ta race. Voyez comme il veut ainsi en indiquer la multitude innombrable. Il a déjà dit qu'on ne pourrait pas plus la compter que les étoiles; maintenant il indique les limites de son territoire pour faire voir jusqu'où doit s'étendre cette multitude. De plus, il donne la liste des peuples sur lesquels s'étendra la domination de cette race, afin que le juste soit bien informé de tout. Après tant de promesses Sara restait toujours stérile, la vieillesse s'étendait sur eux, afin qu'en donnant de leur foi la plus grande preuve possible, ils reconnussent la faiblesse de la nature humaine et l'immensité de la puissance divine.

Pour ne pas trop prolonger cette instruction, nous allons terminer en vous suppliant d'imiter le patriarche. Songez, mes bien-aimés, à ce qu'il disait au roi de Sodome, et, en général, à toutes ces autres vertus qu'il a montrées pendant toute sa vie, aux récompenses dont il a été honoré et à la condescendance de Dieu pour lui : Songez que le Seigneur nous a ainsi montré à tous, par ses bienfaits envers le patriarche, combien sa libéralité était immense. Pour peu que nous lui fassions offrande de quelques bonnes oeuvres, il enchérit au delà de toute expression et nous prodigue des récompenses infinies, pourvu que nous lui fassions voir, comme le juste, une foi sincère, et que loin de chanceler dans notre esprit, nous conservions une fermeté inébranlable. C'est ainsi que le patriarche a mérité tant d'éloges; écoutez saint Paul célébrant la foi qu'il a montrée dès l'origine : Abraham appelé à la foi, obéit et s'en alla dans un pays qu'il devait posséder, et partit sans savoir où il allait. (He 2,8) Il fait allusion à ces paroles de Dieu : Sors de ton pays et va dans la terre que je te montrerai. (Gn 12,1) Voyez quelle fermeté dans la foi, quelle sincérité dans l'esprit ! Imitons ces vertus, quittons par nos pensées et nos désirs les affaires de la vie présente et faisons route vers le ciel. Nous pouvons, si nous le voulons, nous y acheminer même ici-bas, si nos actions le méritent, si nous dédaignons les choses du monde, et si nous négligeons la vaine gloire pour élever nos regards vers la gloire véritable et éternelle; si nous mettons de côté le luxe des habits et l'ornement du corps, si nous laissons toute cette parure extérieure pour embellir notre âme dont la vertu doit être le vêtement; si nous méprisons la mollesse, si nous fuyons la gourmandise et si, loin de rechercher les festins et les banquets nous gardons la frugalité, d'après le précepte de l'Apôtre : Contentons-nous d'avoir la nourriture et le vêtement. (1Tm 6,8) Quel besoin, dites-moi, a-t-on de ces superfluités? pourquoi se gonfler l'estomac d'un excès de nourriture et perdre la raison dans l'ivresse? n'en résulte-t-il pas une foule de maux pour le corps et l'âme ? D'où viennent tant de maladies, tant de lésions dans nos organes ? n'est-ce pas de ce que l'estomac est plus chargé qu'il ne faudrait? D'où viennent l'adultère, le libertinage, le vol, l'avarice, le meurtre, le brigandage et toutes les corruptions de l'âme? n'est-ce pas d'une convoitise exagérée? Aussi Paul a dit que l'avidité était la racine de tous les maux. (1Tm 6,10) De même l'on peut dire avec raison que cette absence de modération, ce désir de dépasser la limite du besoin est la source de tous nos maux. Si nous voulions, en fait de nourriture, d'habits, de logement et de tout ce qui regarde le corps, n'aller jamais trop loin et nous contenter du nécessaire, l'espèce humaine serait délivrée de bien des maux.

3705 5. Mais je ne sais comment il se fait que chacun de nous est avide à sa manière et franchit toujours les bornes du besoin, malgré le précepte de l'Apôtre: Contentons-nous d'avoir la nourriture et le vêtement : nous faisons tout le contraire, sans songer que nous aurons à rendre compte d'avoir dépassé le nécessaire et abusé des biens du Seigneur. Car ces biens ne nous sont pas accordés seulement pour notre avantage, mais pour le soulagement de nos semblables. Quel pardon peuvent donc mériter ceux qui se parent des vêtements d'une noblesse extrême, qui recherchent les étoffes filées par des vers et qui, ce qu'il y a de plus déplorable, s'en glorifient, tandis qu'ils devraient se cacher, craindre et trembler, puisqu'ils ne les portent point par nécessité, mais par mollesse et fausse gloire, afin de se faire admirer du monde. Cependant leur semblable passe à moitié nu, sans avoir même un vêtement grossier: et eux, qui sont de la même nature, n'éprouvent aucune pitié, la conscience ne les porte point à secourir leur semblable ; la (256) pensée du jour terrible, la crainte de l'enfer, la grandeur des promesses, l'idée que le Seigneur commun de tous considérera comme fait à lui-même tout ce qu'ils auront fait pour leurs semblables, tout cela ne peut rien. Comme si leur coeur était de pierre et qu'ils fussent étrangers à notre nature, ils se regardent, à cause du luxe de leurs habits, comme supérieurs aux autres hommes, sans songer à toutes les peines qu'ils encourent en faisant un mauvais usage des biens que le Seigneur leur a confiés et qu'ils ne songent pas à partager avec leurs frères : ils aiment voir les vers ronger ce qu'ils possèdent et allumer pour eux-mêmes le feu de l'enfer. Si les riches distribuaient aux indigents tout ce qu'ils tiennent inutilement renfermé, cela ne suffirait pas encore pour leur faire éviter les peines qu'ils méritent pour le luxe de leur table et de leurs habits. Quelle punition méritent donc ceux qui mettent tous leurs soins à se montrer en public avec des vêtements de soie brodés d'or ou de diverses couleurs, et qui méprisent la nudité et l'indigence du Christ privé même du nécessaire? C'est surtout aux femmes que je m'adresse. C'est surtout chez elles que se trouve le désir et l'excès de la parure; l'or brille sur leurs habits, leur tête, leur cou et tout leur corps; et elles en tirent vanité ! Combien d'affamés pouvaient être rassasiés, combien de nudités pouvaient être couvertes, rien qu'avec le prix de leurs pendants d'oreilles qui ne servent à rien qu'à perdre leur âme ! Aussi le docteur de la terre, après avoir dit: Contentons-nous de la nourriture et du vêtement, s'adresse-t-il encore aux femmes : Qu'elles n'aient point de coiffures recherchées, d'or, de perles, ni d'habits somptueux. (1Tm 2,9) Vous voyez qu'il leur interdit ces ornements d'or, les perles et les habits somptueux : il veut qu'elles ne considèrent comme véritable parure que celle de l'âme; c'est aux bonnes oeuvres qu'il commande de l'emprunter. Il sait bien que celle qui a en tête ces vanités ne peut avoir qu'une âme souillée, flétrie, déguenillée, affamée, transie de froid ! Car cette ardeur pour parer le corps montre la laideur de l'âme, cette avidité sensuelle prouve qu'elle est affamée, et ce luxe de vêtements laisse voir sa nudité. Si l'on veille sur son âme et si l'on en cultive la beauté, on ne peut désirer cette parure extérieure ; de même, si l'on s'occupe de sa toilette, de ses brillants habits et de ses ornements dorés, il est complètement impossible de veiller sur son âme. Comment pourrait-on avoir une bonne pensée et s'occuper des choses spirituelles, si l'on s'est une fois livré aux choses d'ici-bas, si l'on ne fait que ramper à terre, pour ainsi dire, sans jamais relever la tête et accumulant toujours le fardeau de ses péchés? Il serait trop long maintenant de dire tous les maux qui en résultent : il me suffit de rappeler à toutes les personnes qui se sont livrées à ces goûts tous les désagréments qu'elles en éprouvent chaque jour. Il est tombé quelque chose d'une parure en or : aussitôt tempête et tumulte dans la maison : un domestique a dérobé un objet, tous sont fouettés, battus, emprisonnés; des larrons ont tout pillé en un clin d'oeil : chagrin immense et insupportable. Un revers survient qui réduit à une misère extrême, et alors la vie est plus pénible que la mort : qui pourrait dire tous les accidents auxquels on est exposé? En résumé une âme de cette nature ne sera jamais en repos ; de même que les vagues de la mer sont incessantes et innombrables, de même les agitations de cette âme ne peuvent se compter. Aussi, je vous en conjure, fuyons en toute chose l'avidité et l'abus. La véritable richesse, le trésor inépuisable, consistent à ne désirer que le nécessaire et à faire un bon usage du superflu. Celui qui agit ainsi ne peut craindre la pauvreté, n'éprouve ni accident ni trouble: il est au-dessus de la calomnie et des piéges; en un mot, il est toujours tranquille et vit dans le calme et le repos. Enfin, ce qui est le grand, le souverain bien, il est protégé de Dieu, et soutenu de la grâce d'en haut, comme un intendant fidèle des richesses du Seigneur. Heureux le serviteur que son maître trouvera agissant ainsi quand il le visitera ! (Lc 18,43) C'est-à-dire qu'il distribue ce qu'il faut à ses frères, au lieu de le renfermer dans des armoires et derrière les portes pour le laisser ronger aux vers : il soulage la misère des indigents et se montre bon et fidèle dispensateur des biens que le Seigneur lui a confiés, afin que, par cette largesse il reçoive une grande et juste récompense, et mérite les biens qui lui ont été promis, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui, ainsi qu'au Père et au Saint-Esprit, gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.


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TRENTE-HUITIÈME HOMÉLIE. Sara, la femme d'Abram ne lui donnait pas d'enfant, mais elle avait une servante égyptienne, nommée Agar.


Chrysostome sur Gn 3600