Bernard, tr. 5 sur Cluny


OEUVRES COMPLÈTES

DE
SAINT BERNARD
TRADUCTION  PAR M. L'ABBÉ CHARPENTIER
VIVÈS, PARIS 1866







Source : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/


Apologie





AVERTISSEMENT SUR LE CINQUIÈME OPUSCULE.

5000
I. Rien ne souleva plus les esprits contre saint Bernard, que son livre contre les moines de Cluny. Ils étaient alors en si grande odeur de sainteté dans le monde, et en si grand nombre qu'on ne pouvait les attaquer sans attaquer en quelque sorte l'univers entier et s'attirer un nombre infini d'adversaires. Cet ouvrage trouve encore aujourd'hui des censeurs qui le regardent comme le fruit d'un zèle outré, parce qu'ils ne font pas attention que saint Bernard a été inspiré et envoyé de Dieu pour laver l'Eglise de ses souillures, et surtout pour réparer les brèches faites à la discipline monastique, en faire renaître l'éclat et la splendeur et déclarer la guerre aux vices qui en altéraient alors la pureté première. Il n'est donc pas sans importance de savoir en quel temps et sous quel titre notre Saint a publié cet écrit, d'examiner si ce qu'il reproche aux Clunistes est effectivement mal ou bien, si ce ne sont que des usages qu'on pouvait tolérer, et enfin s'il le leur reprochait à tort ou à raison.

II. Quant au titre de cet opuscule, saint Bernard l'appelle lui-même, n. 15, une simple lettre en disant: «Je devrais terminer là cette lettre pour qu'elle conserve le caractère d'une lettre, etc.;» et, vers la fin, il le nomme un opuscule, en parlant d'Oger, qui ne voulait pas le quitter sans emporter avec lui «son dernier opuscule.» Geoffroy, dans sa Vie de saint Bernard, livre 3, chapitre 8, l'appelle son Apologétique.» Veut-on savoir, dit-il, combien fut ardent son zèle contre les vices des autres et contre les siens propres? qu'on lise l'écrit qu'il appelle Apologétique.» D'un autre côté, notre Saint l'a désigné lui-même sous le nom d'Apologie, dans sa lettre dix-huitième où, en donnant au cardinal Pierre la liste des ouvrages qu'il a composés, il dit: «J'ai écrit aussi une Apologie que j'ai dédiée à un de mes amis; j'y traite de quelques-unes de nos observances, c'est-à-dire des observances de Cîteaux et de celles de Cluny.» Saint Bernard ayant lui-même appelé cet opuscule son Apologie, nous lui conservons ce titre, que d'ailleurs on lui donne généralement.

III. D'après cette même lettre dix-huitième, qui fut écrite en 1127, on peut assez bien conjecturer à quelle époque saint Bernard écrivit son Apologie. D'abord, il est certain qu'elle est un de ses premiers écrits, il est même cité le troisième dans la liste qu'il donne de ses traités au cardinal Pierre, et vient après son livre de l'Humilité et ses quatre Homélies sur les gloires de la Vierge-Mère, sur ce passage de saint Luc «L'ange Gabriel fut envoyé....» et avant quelques lettres dont ce saint Docteur fait aussi mention. On peut donc la placer en 1125, vers les premiers temps de Pierre le Vénérable, qui succéda à l'abbé Hugues 2, en 1122, six mois après que l'abbé Ponce, sous qui la discipline régulière s'était considérablement relâchée, se fut démis de sa charge d'abbé. Il n'est donc pas étonnant que saint Bernard ait trouvé beaucoup à redire dans son Apologie qu'il rédigea à la prière de Guillaume, abbé de Saint-Thierry, qu'on croit avoir été de l'ordre de Cluny. Comme presque tous les monastères des moines noirs suivaient les usages de Cluny, à l'époque où se forma la congrégation de Cîteaux, qui en avait de tout différents, on les regardait comme étant tous de l'ordre de Cluny, quoiqu'ils n'y fussent pas tous agrégés, ainsi qu'on le voit par l'Apologie de saint Bernard, dans laquelle notre saint Docteur, s'adressant à Guillaume, dit: «Votre ordre (n. 1 et 30)», et compte (n. 30) le monastère de Saint-Nicolas de Laon parmi ceux de l'ordre de Cluny. C'est donc. à la prière de Guillaume, religieux de l'ordre de Cluny, que saint Bernard écrivit son Apologie et à l'époque où la discipline était le plus relâchée; mais avant de parler des Clunistes, il commence par s'adresser aux religieux de son ordre, c'est-à-dire aux Cisterciens, pour leur reprocher, avec une très-grande force, de décréditer les institutions de Cluny, sous prétexte d'une vie plus austère, et de manquer ainsi aux plus saintes lois de la religion. Pour opérer un rapprochement entre les religieux des deux ordres, notre saint Docteur expose, avec une grande sincérité, dans son opuscule, tout ce qu'il trouve de répréhensible chez les uns et chez les autres, convaincu «qu'en blâmant les vices des hommes et non point l'ordre où ils sont entrés, il combat pour l'ordre et non contre l'ordre (n. 15).»

IV. On ne saurait douter des désordres que saint Bernard signale dans son Apologie, car on ne peut ni l'accuser d'ignorance en cette matière, ni le soupçonner de mauvaise foi. D'ailleurs les statuts mêmes de Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, qui réunit dans son monastère un chapitre de l'Ordre entier, pour apporter un remède au mal, prouvent assez par eux-mêmes, que saint Bernard n'a rien avancé que de parfaitement exact. Nous rapporterons ces statuts dans les notes, lorsque l'occasion se présentera de le faire. Orderic Vital parle en ces termes, à l'année 1132, de ce chapitre général de Cluny auquel il assista: «Pierre, abbé de Cluny, envoya des courriers et des lettres dans toutes les maisons de son ordre, en convoqua les prieurs, tant d'Angleterre et d'Italie que des autres royaumes, et leur ordonna de se trouver à Cluny le troisième dimanche de carême, afin d'y recevoir des règlements monastiques plus austères que ceux qu'on avait observés jusqu'alors. Les personnes convoquées obéirent à l'ordre qu'elles avaient reçu, et, au jour fixé, deux cents prieurs se réunirent à Cluny. Il s'y trouva jusqu'à douze cent douze moines... Il (Pierre le Vénérable) augmenta les jeûnes de ses religieux, supprima les entretiens et certains secours pour les infirmités corporelles que, dans leur clémence et leur modération, les révérends Pères abbés avaient permis jusqu'alors. Les simples religieux habitués à obéir à leurs archimandrites et ne voulant point, par leur résistance, enfreindre les règles de la vie religieuse, reçurent ces décisions, toutes rigoureuses qu'elles fussent; toutefois ils lui remontrèrent que le Vénérable Hugues et ses prédécesseurs, Maïeul et Odilon, avaient suivi l'étroit sentier de la vie par lequel ils avaient tâché de mener au Christ les disciples de Cluny... Mais l'austère réformateur... s'attachant à imiter les moines de Cîteaux et les autres partisans de la nouveauté, poursuivit l'entreprise qu'il avait ébauchée et ne voulut point se désister, pour le présent, de ce qu'il avait commencé. Toutefois, il fléchit par la suite, et se rendit au sentiment de ses inférieurs, etc.» On peut voir sur ce sujet la lettre vingt-huitième du livre I, de Pierre le Vénérable, et celle du même auteur, qui se trouve la deux cent vingt-neuvième de la collection des lettres de saint Bernard.

V. On voit par là que les désordres blâmés par saint Bernard n'étaient que trop réels, mais au lieu de les regarder comme des abus, la plupart des religieux ne les considéraient que comme des concessions réclamées par la faiblesse humaine. Il est certain que dans le nombre il y en avait plusieurs qu'on pouvait regarder pour telles, et pour lesquelles, l'ornementation des églises, par exemple, on pouvait même faire valoir des raisons plausibles, mais la plupart des autres, comme on peut s'en convaincre en lisant saint Bernard, étaient regardées comme la conséquence d'un relâchement intolérable, même parmi les religieux les moins austères. Mais, dira-t-on peut-être, à propos de l'ornementation et de la magnificence des temples, les Cisterciens et saint Bernard lui-même n'en ont-ils pas élevé de superbes et de très-grands? Lorsque j'entends parler ainsi, je ne puis m'empêcher de me reporter, en esprit, à cet oratoire que notre Saint fit construire à Clairvaux. Grand Dieu! comme il était humble et de modeste apparence! mais qu'il était respectable dans sa misère même! Plus tard, il en construisit un autre plus grand et capable de contenir sept cents moines et quelques autres personnes encore, mais tout ornement en était absent, il ne brillait que par la seule beauté de son architecture. Car dans le principe, les Cisterciens bannirent toute peinture et toute sculpture de leurs églises et de tous les endroits réguliers de leurs monastères, «attendu que, pendant que l'esprit s'applique à ces choses, il arrive bien souvent qu'on ne peut retirer tout le bien possible de la méditation, et que la gravité de la discipline religieuse en soutire. Néanmoins, ils se permettaient des croix peintes, pourvu qu'elles fussent de bois. Mais dans le chapitre de l'année 1213, ils rejetèrent toutes superfluités et curiosités d'art, tant en sculpture qu'en architecture, en mosaïques et autres choses semblables, qui déforment l'antique beauté de l'Ordre, et ne conviennent point à la pauvreté religieuse (Inst. Cist. part., I, cap. 20).»

VI. Mais laissons de côté toutes ces controverses, et disons que cet opuscule de saint Bernard ne laissa pas d'être d'une très-grande utilité, puisque non-seulement l'ordre de Cluny, mais encore d'autres monastères qui n'appartenaient point à cet ordre, et notamment celui de Saint-Denis, auquel l'abbé Suger fit goûter ses pensées de réforme, furent ramenés, en les lisant, à une vie plus régulière et plus sainte; bientôt on vit, à l'exemple des moines de Cîteaux, non-seulement ceux de Cluny, mais encore tous les autres moines noirs réunir des chapitres généraux pour traiter de la correction des moeurs monastiques. Cet usage commença sous le pontificat d'Innocent 2, qui l'approuva, comme on le voit par une lettre d'un chapitre général des abbés de la province de Reims, au pape Adrien 3, contre l'abbé de Lagny, que nous avons rapportée plus haut.

VII. Bornons-nous à ces remarques sur l'Apologie de saint Bernard, que nous diviserons en deux parties: la première s'adresse aux Cisterciens dont elle blâme surtout les critiques à l'endroit des institutions des Clunistes, et la seconde aux Clunistes dont elle reprend les superfluités. C'est ce qui en fit faire deux lettres distinctes dans le manuscrit de Marmoutiers, où elle se trouve avec ce titre: «Apologétique de Dom Bernard contre les attaques des Clunistes, à l'abbé Guillaume, composant un traité en deux lettres.» Elle est précédée de la lettre quatre-vingt-quatrième qui lui sert de préface, comme s'exprime saint Bernard lui-même, dans ses lettres quatre-vingt-cinquième et quatre-vingt-sixième. Cet opuscule parut imprimé à Rouen, sans désignation d'année, avec les traités du Précepte et de la Dispense et les cinq livres de la Considération, sous ce titre: Libelle de Bernard, abbé, sur la Concordance des différents états religieux qui existaient de son temps. Le moine Guillaume le cite plusieurs fois sous ce titre, dans son livre des Fleurs de saint Bernard.




APOLOGIE DE SAINT BERNARD


ADRESSÉE A GUILLAUME, ABBÉ DE SAINT-THIERRY.



PETITE PRÉFACE.

C'est de bien grand coeur que, cédant à vos instances, je consens à composer un livre qui puisse faire cesser, dans le royaume de Dieu, les scandales qui le désolent, mais je ne me rends pas bien compte de ce que vous attendez de moi. En lisant et relisant votre si douce, lettre, ce que je fais toujours avec un nouveau plaisir, j'ai compris que vous désirez que je réponde à ceux qui m'accusent de parler mal de l'ordre de Cluny et due je leur montre combien ils ont tort de le croire et de le faire croire aux autres. Mais si, après cela, je me permets comme vous m'y engagez, de blâmer les superfluités des Clunistes dans le vêtement et dans le vivre, et dans tout ce que vous me signalez encore, je me mettrai évidemment en contradiction avec moi-même aux yeux de tout le monde, ce que je ne puis faire sans scandale. Je ne vois d'autre moyen que de faire l'éloge de l'ordre en lui-même, de blâmer ceux qui l'attaquent, tout en en condamnant moi-même les superfluités. Si ce plan vous agrée, veuillez me le faire savoir en termes plus clairs et, en même temps, priez Dieu, avec de nouvelles instances, pour que je fasse ce que vous souhaitez de moi, de la manière que vous le désirez. Je vous avouerai pourtant que tous ces écrits ne vont guère pour moi sans quelque préjudice; ils nuisent beaucoup à la piété en m'empêchant de me livrer à mon goût pour l'oraison, d'autant plus que je n'ai ni le temps ni l'habitude d'écrire.



CHAPITRE PREMIER. Saint Bernard proteste que lui et les siens sont très-éloignés de blâmer un ordre religieux quelconque.

Au vénérable Père Guillaume, le frère Bernard, serviteur inutile des frères de Clairvaux, salut en notre-Seigneur.
5001 1. Jusqu'à ce jour, ou je n'ai pas cédé à vos instances quand vous me pressiez d'écrire, ou bien je ne l'ai fait qu'à regret; ce n'est pas que je ne tinsse aucun compte de vos ordres, mais c'est qu'il y eût eu présomption de ma part, ignorant comme je le suis, de m'y conformer. Mais aujourd'hui, pressé de le faire par de nouveaux motifs, je me sens enhardi par la nécessité, et, cédant au besoin de satisfaire tant bien que mal .à ma douleur, je laisse de côté toutes mes anciennes appréhensions. Comment en effet pourrais-je vous entendre, en silence, vous plaindre de ce que, dit-on, nous qui sommes les plus misérables des hommes, semblables à ceux que l'Apôtre nous montre couverts de haillons, ceints d'une corde et vivant au fond des cavernes, nous nous permettions de juger le monde et, qui pis est, de nous attaquer à votre glorieux ordre et aux saints personnages qui y mènent une vie digne de louanges, et, du fond de notre obscurité, insultions aux lumières mêmes du monde? Est-il possible que, sous la peau des brebis, nous cachions ainsi, je ne dis pas des loups ravissants, mais des puces piquantes, des insectes destructeurs pour ronger en secret la vie de saints personnages que nous n'osons point attaquer en face, quand, au lieu e d'articuler nos blâmes à haute et intelligible voix, nous préférons recourir contre eux aux chuchotements de la détraction? Si cela est, que nous sert-il d'être tous les jours comme livrés à une mort inutile et semblables à des brebis destinées à la boucherie (Ps 43,22)? Oui s'il nous arrive de nous élever, par un orgueil pharisaïque, contre le reste des hommes et, qui pis est, contre des gens bien meilleurs que nous, à quoi bon nos abstinences, nos jeûnes, nos veilles, le travail des mains, ces vêtements pauvres et différents de ceux des autres et toutes les austérités de notre vie? Ne serait-ce donc que pour être vus des hommes que nous pratiquons tout cela? En ce cas, c'est de nous que le Christ lui-même a dit: «En vérité, je vous le déclare, ces gens-là ont reçu leur récompense (Mt 6,5).» Si nous n'espérons en Jésus-Christ que pour cette vie, n'est-il pas vrai que nous sommes les plus malheureux des hommes (1Co 15,19)? Or n'est-ce pas seulement pour cette vie que nous mettons notre espérance en lui, si nous n'attendons à son service rien de plus qu'une gloire temporelle?
5002 2. Quelle triste chose ce serait que de voir un néant comme moi se donner tant de mal et prendre tant de peine afin de n'être pas, ou s plutôt afin de ne point paraître semblable au reste des hommes, pour arriver à recevoir la même récompense, disons mieux, pour finir par être plus sévèrement puni qu'eux. N'y a-t-il donc pas un chemin plus facile pour aller à l'enfer? et, pour tant faire que d'y descendre, pourquoi ne pas prendre la voie que suit la foule, la voie large qui conduit à la mort? Pourquoi ne pas commencer par se donner du bon temps, en ce monde, au lieu de se préparer, par une vie de privations, à une vie de douleur? Combien moins à plaindre sont ceux qui ne songent même pas à la mort, que les maux présents touchent à peine, qui ignorent ce que c'est que la peine et les tourments que se donnent les autres hommes (Ps 72,4)! Tout pécheurs qu'ils sont et quoique destinés aux supplices de l'éternité pour les joies qu'ils ont goûtées dans le temps, toujours est-il que, dans cette vie, ils ont nagé au milieu de l'abondance et des richesses. Je plains ceux qui portent, non leur propre croix, comme le Sauveur, mais la croix. d'un autre, comme le Cyrénéen de l'Evangile (Mt 27,32). C'est un malheur de jouer de la guitare, non sur sa propre guitare, comme ceux dont il est parlé dans l'Apocalypse (Ap 14,2), mais comme les comédiens, sur des guitares étrangères. Pour moi, les pauvres orgueilleux sont bien des fois à plaindre, et je déclare deux et trois fois malheureux ceux qui portent la croix de Jésus-Christ, sans marcher â sa suite, et qui ne partagent point l'humilité de celui dont ils partagent les humiliations.
5003 3. En effet, n'est-ce pas un double supplice que de se tourmenter pendant cette vie pour une gloire temporelle et de se préparer, dans l'autre, par un secret orgueil, d'éternels châtiments? de souffrir avec Jésus-Christ et de ne point régner avec lui? de suivre le Sauveur dans sa pauvreté et de ne pas le suivre dans sa gloire? de boire au torrent pendant la route et de ne jamais lever la tête dans la patrie? enfin de pleurer maintenant et de ne devoir jamais être consolé? Mais il n'y a rien de plus juste qu'il en soit ainsi. Qu'est-ce, en effet, que l'orgueil vient faire sous les humbles livrées du Christ? La malice des hommes n'a-t-elle pas de quoi se parer sans toucher aux langes dont l'enfance du Seigneur se revêtit? Et puis, comment l'hypocrite arrogance peut-elle venir s'enfermer dans l'étable de Jésus et y remplacer les vagissements de l'innocence par les sourds murmures de la détraction? Ne trouvez-vous pas que ces monstres d'orgueil, comme parle le Psalmiste (Ps 72,6-7), dont l'iniquité semble née de leur graisse, sont mieux cachés sous leurs crimes et leur perversité que nous ne le sommes nous-mêmes sous les dehors d'une sainteté mensongère? Je ne sache rien de plus mal que de se donner des airs de sainteté quand on n'est qu'un impie; n'est-ce point, en effet, deux impiétés pour une, que d'ajouter le mensonge à l'impiété? Mais quoi? J'ai bien peur d'être suspecté d'un pareil vice, sinon par vous, mon frère, par vous, dis-je, qui me connaissez aussi bien qu'il est donné à un homme, dans les ténèbres de ce monde, d'en connaître un autre, et qui savez parfaitement, je n'en puis douter, quelle est au fond ma pensée sur le sujet qui nous occupe, du moins par ceux qui ne me connaissent pas aussi bien que vous et qui n'ont jamais eu l'occasion de m'entendre comme vous m'avez entendu vous-même. Ne pouvant aller me justifier auprès de tout le monde, je prends le parti de vous écrire ce qui a été bien souvent le sujet de nos entretiens, afin de vous mettre entre les mains le moyen de convaincre ceux qui m'accusent., de la vérité des sentiments que vous me connaissez; car je ne crains pas de mettre sous les yeux de tous, ce que je vous ai confié dans nos entretiens sur ce sujet.




CHAPITRE II. Saint Bernard se justifie et fait l'éloge de l'ordre de Cluny.

5004 4. Qui m'a jamais ouï parler mal de cet ordre, soit en public soit en particulier? Est-il un seul membre de cet ordre que je n'aie vu avec joie, reçu avec honneur, entretenu avec déférence et exhorté au bien avec humilité? J'ai toujours dit, et je le répète, que c'est un ordre saint et honorable qui ne se recommande pas moins par une pureté insigne que par sa grande distinction. Fondé par les Pères et préconçu par le Saint-Esprit lui-même, il est éminemment propre à sauver les âmes. Est-ce condamner ou mépriser un ordre que d'en parler ainsi? Je me rappelle que plusieurs fois j'ai reçu l'hospitalité dans des monastères de cet ordre, et je prie le Seigneur de récompenser ses serviteurs de l'empressement avec lequel ils ont pourvu, plus généreusement qu'il n'était besoin, aux nécessités d'un pauvre infirme comme moi, et des témoignages de déférence dont ils m'ont honoré beaucoup plus que je ne le méritais. Je me suis recommandé à leurs prières, et je me suis joint à eux dans leurs réunions, souvent même, soit publiquement et en plein chapitre, soit en particulier, dans les cloîtres; j'ai discouru avec plusieurs d'entre eux sur quelques passages des saintes Ecritures, ou sur les choses du salut. Me suis-je jamais permis de détourner personne ouvertement ou en secret d'entrer dans cet ordre, ou d'engager quelqu'un de ses membres à passer dans le nôtre? Bien au contraire, j'ai plutôt empêché ceux qui voulaient venir à nous d'exécuter leur dessein, et je n'ai point voulu leur ouvrir, quand ils sont venus frapper à ma porte. N'ai-je point, en effet, renvoyé le frère Nicolas à son monastère de Saint-Nicolas (a); et à vous-même, mon Père, j'en appelle à votre témoignage, ne vous ai-je point aussi renvoyé deux de vos frères? Ne pourrais-je pas, si je le voulais, vous citer les noms de deux abbés (b) de votre ordre que vous connaissez très-bien, et qui depuis lors n'ont pas cessé de m'être unis par les liens d'une étroite amitié, que j'ai dissuadés de quitter leur poste, comme ils le désiraient, et se préparaient même à le faire pour entrer dans un autre ordre, ainsi que vous le savez parfaitement vous-même? Comment donc peut-on penser et dire

a Le Nicolas pour qui saint Bernard écrivit la lettre quatre-vingt-quatrième, était un religieux du monastère de Saint-Nicolas du Bois, au diocèse de Laon.

b L'un de ces deux abbés était Guillaume lui-même, comme on le voit par la quatre-vingt-sixième lettre de saint Bernard,

que je blâme un ordre dans lequel je conseille à mes amis de rester, auquel je renvoie ceux de ses religieux qui le quittent pour venir à moi, dont je réclame avec tant d'ardeur, et reçois avec tant de bonheur les bonnes prières?




CHAPITRE III. La variété des ordres religieux ne doit en aucune façon rompre le lien de la charité.

5005 5. Est-ce que, par hasard, la raison pour laquelle vous me regardez d'un mauvais oeil, est que j'appartiens à un autre ordre que vous? S'il en est ainsi, vous vous trouvez dans un tort tout pareil par rapport à moi, puisque vous n'êtes pas du même ordre que moi. Avec ce principe, les personnes qui ont fait voeu de continence, et celles qui sont engagées dans le mariage, devront se regarder mutuellement comme damnées, puisque, au sein de l'Eglise, elles suivent les unes et les autres la loi de leur choix. De même les moines et les clercs réguliers se jetteront mutuellement la pierre, parce qu'ils se distinguent l'ut les uns des autres par des observances qui leur sont propres. Bien plus, avec votre raisonnement, Noé, Daniel et Job ne sauraient se trouver dans de un même royaume, puisqu'ils n'ont point suivi la même voie pour y parvenir, la chose pour nous est certaine; enfin il faudra dire de Marthe et de Marie ou qu'elles déplurent également au Sauveur, ou que l'une d'elles au moins ne lui plut point, puisque elles ont pris, pour lui être agréables, des moyens si différents. Mais s'il en est ainsi, il n'y aura ni paix ni concorde au sein même de l'Eglise; car elle renferme une foule d'ordres religieux qui différent les uns des autres, et on pourrait la comparer à cette reine du Psalmiste «qui était parée d'ornements de toutes sortes (Ps 44,10).» Où trouver un repos assuré et quel état nous offrira une sécurité complète, s'il faut que, qui conque fait choix d'un ordre en particulier, n'ait d'autre alternative que de mépriser tous ceux qui n'ont point choisi le même ordre que lui, ou de se voir l'objet du mépris des autres? Car enfin, il n'est pas

possible au même homme d'entrer dans tous les ordres en même temps, ni à un seul ordre de recevoir tous les hommes. Je ne suis pas si simple que je ne sache ce que représentait la robe de Joseph, non pas de celui qui sauva l'Egypte, mais du véritable Joseph qui sauva le monde, non plus de la famine qui ne mettait que la vie du corps en danger, mais de la mort qui frappe le corps et l'âme en même temps. Tout le monde sait en effet, qu'elle est de différentes couleurs, cette variété même en fait précisément la beauté; mais de plus elle est trempée dans le sang, non d'un chevreau qui est l'emblème du péché, mais d'un agneau qui est celui de l'innocence, c'est-à-dire trempée dans le sang du vrai Joseph, et non pas dans un sang étranger; car c'est lui qui est l'Agneau plein de douceur, l'Agneau qui garde le silence, non pas seulement sous la main de celui qui le dépouille, mais encore de celui même qui le tue, de l'Agneau qui ne fit pas le péché, mais qui effaça tous les péchés du monde. On fit dire à Jacob: «Voilà une robe que nous avons trouvée, voyez si ce n'est pas celle de votre fils (Gn 37,32);» et vous, Seigneur, voyez aussi si ce n'est point là la robe de votre Fils unique? Oui, Père tout-puissant, reconnaissez que c'est celle que vous avez faite de différentes couleurs, pour le Christ votre Fils, quand vous lui avez donné des apôtres, des prophètes, des évangélistes, des pasteurs et des docteurs, et mille autres ornements qui concourent à rendre sa robe d'une plus admirable beauté, pour la consommation des saints qui tendent à la perfection, selon la mesure de l'âge et de la plénitude du Christ (Ep 4,12). Oui, mon Dieu, daignez reconnaître la pourpre de ce sang précieux dont elle a été mouillée et, dans cette pourpre, le brillant insigne et la preuve glorieuse de l'obéissance de votre Fils, selon ces paroles: «Pourquoi donc vos vêtements sont-ils rouges? - C'est parce que j'ai été seul à fouler le vin, et de tous les peuples, pas un homme n'était avec moi (Is 43,2).»
5006 6. Eh bien donc! puisque le Fils s'est montré obéissant à son Père jusqu'au pressoir de la croix qu'il était seul à fouler, car il n'a trouvé d'appui que dans son bras, selon ces autres paroles du Psalmiste «Pour moi, je suis seul jusqu'à ce que je passe (Ps 111,10),» exaltez-le maintenant, mon Dieu, et donnez-lui un nom qui soit au-dessus de tous les noms, qu'on ne puisse entendre sans fléchir le genou, dans le ciel, sur la terre et dans les enfers (Ph 2,10). Qu'il s'élève dans les cieux, qu'il entraîne à sa suite la captivité captive, et qu'il répande ses dons sur les hommes (Ep 4,3). Mais quels dons, quels présents et quel héritage laissera-t-il à l'Eglise, son épouse? Qu'il lui laisse sa robe, sa robe, dis-je, de différentes couleurs, cette robe qui était d'un seul morceau et d'un seul tissu, depuis le haut jusqu'au bas. Cette variété de couleurs vient de la variété des ordres religieux qu'elle renferme, et qui sont comme autant de morceaux d'étoffes brillantes; et ce tissu sans couturé, c'est l'unité d'une indissoluble charité, selon ce mot de l'Apôtre: «Qui donc me séparera de l'amour du Christ (Rm 8,35)?» Quant à la diversité des couleurs dont elle brille, écoutez encore comment le même Apôtre l'explique: «Il y a diversité de grâces, dit-il, mais il n'y a qu'un même Esprit; il y a aussi diversité d'opérations, mais il n'y a qu'un même Seigneur (1Co 12,4).» Puis après avoir énuméré les diverses grâces qui sont comme les couleurs différentes dont elle brille, il continue pour montrer qu'elle est sans couture et d'un seul tissu, depuis le haut jusqu'en bas, en disant: «Or, c'est un seul et même esprit qui opère toutes ces choses, distribuant à chacun ses dons selon qu'il lui plaît (1Co 12,11).» En effet: «La charité a été répandue en nous par le Saint-Esprit qui nous a été donné (Rm 5,5).» Ne la divisons donc point maintenant, cette Eglise du Christ, et conservons-la entière et sans déchirures, car c'est d'elle que le Psalmiste disait: «La Reine s'est tenue à votre droite, dans un vêtement enrichi d'or, et parée de ses divers ornements (Ps 45,10).» Tous donc tant que nous sommes, Clunistes, Cisterciens, Clercs Réguliers, simples fidèles même, tout ordre quel qu'il soit, toute langue, tout sexe, tout âge, dans toute condition, en tout lieu et en tout temps, depuis le premier homme jusqu'au dernier, tous, dis-je, nous recevons des dons différents; chacun reçoit le sien, les uns d'une manière et les autres de l'autre. Voilà pourquoi encore la robe du Christ est une robe traînante; il faut qu'elle descende jusqu'aux talons, et, selon le mot du Prophète «qu'aucune partie du corps ne se dérobe à sa chaleur (Ps 18,7).» Elle est d'ailleurs à la taille de celui pour qui elle a été faite, puisque l'Ecriture nous le dépeint ailleurs en ces ternies: «Il atteint d'une extrémité du monde à l'autre avec une force infinie, et dispose tout avec une égalé douceur (Sg 8,1).»




CHAPITRE IV. Saint Bernard dit que s'il n'est que d'un ordre religieux par sa profession, il est de tous les ordres par la charité.

5007 7. Nous concourons donc tous également à faire la même tunique, de sorte qu'elle est une, quoique faite de tous; oui, une, dis-je, bien d s que tous nous concourions à la faire; car si ce qui la compose est multiple et varié, néanmoins, «ma colombe, dit l'Epoux, ma belle et parfaite amie est une (Ct 6,8).» Ainsi je ne suis pas seul et sans vous, mais vous non plus, vous n'êtes pas sans moi, ni tel ou tel non plus sans l'un ou l'autre de nous deux; mais tous ensemble nous faisons cette robe unique, si toutefois nous avons à coeur de conserver l'unité d'un même esprit par le lien de la paix (Ep 4,3). Non, dis-je, ce n'est ni notre ordre ni le vôtre qui forment seuls cette robe, mais le vôtre et le nôtre font en même temps partie de son tissu, à moins que, ce qu'à Dieu ne plaise, nous attaquant les uns les autres et nous jalousant réciproquement, nous ne nous déchirions mutuellement et nous ne nous mangions les uns les autres, ne permettant point ainsi à l'Apôtre de nous présenter à Jésus-Christ, comme une vierge pure et sans tache (2Co 11,2). Mais cette unique amie de l'Epoux dit dans le Cantique des cantiques: «C'est lui qui a réglé l'amour dans mon coeur (Ct 2,4),» pour nous donner à entendre que si elle est une, par la charité, elle est multiple, par les ordres qu'elle renferme. Eh quoi! parce que je suis Cistercien, damnerai-je les religieux de Cluny? Que Dieu m'en préserve! je les aime, au contraire, je les exalte et j'en parle avec éloge. En ce cas, me direz-vous peut-être, pourquoi n'entrez-vous point dans cet ordre que vous avez en si grande estime? Ecoutez, le voici, et c'est l'Apôtre lui-même qui vous répondra, en disant: «Chacun doit demeurer dans la vocation où Dieu l'a appelé (1Co 7,20).» Si vous continuez, en me demandant pourquoi je n'ai point choisi cet ordre dès le principe, puisque je le savais si bon, je vous répondrai encore avec l'Apôtre, «c'est que si tout m'est permis, tout ne m'est pas également avantageux (1Co 10,22).» Je ne veux pas dire par là que votre ordre ne soit ni juste ni saint, mais j'étais un homme charnel, vendu au péché et je comprenais que le mal dont mon âme était alors atteinte demandait un traitement plus rigoureux. Vous savez bien que les remèdes doivent varier avec les maladies, et qu'on doit recourir aux plus énergiques, quand la maladie est elle-même plus grave. Supposons deux hommes atteints l'un de la fièvre quarte, et!l'autre de la fièvre tierce. Si celui qui souffre de la fièvre quarte recommandait à celui qui a la fièvre tierce, l'eau, les poires et des potions rafraîchissantes, tandis qu'il s'en abstient lui-même et ne prend que du vin et des boissons excitantes, parce qu'elles conviennent mieux à son mal, celui-ci pourrait-il le blâmer et aurait-il raison de lui dire: Pourquoi ne buvez- vous pas vous-même de l'eau, puisque vous trouvez que c'est un si bon remède pour moi? Il aurait tort, et le premier ne manquerait pas de lui répondre. J'ai raison de vous la recommander, et je fais bien de mon côté de n'en pas boire.
5008 8. Me demandera-t-on enfin, pourquoi je ne suis pas de tous les ordres religieux, puisque je les loue tous? je répondrai: Je les loue et les aime tous, pourvu qu'ils vivent en piété et en justice dans l'Eglise, en quelque lieu du monde qu'ils se trouvent, et si je n'en embrasse qu'un seul dans la pratique, je les embrasse tous par la charité qui me procurera, je le dis avec confiance, le fruit des observances mêmes que je ne pratique pas; bien plus, si vous ne faites attention à vous, il peut arriver que vous suiviez en pure perte les observances que vous avez embrassées dans la pratique, tandis qu'il est absolument impossible que j'embrasse en vain, par la charité, le bien que vous faites. Quelle confiance donne la charité! L'un pratique sans charité et l'autre a la charité sans les pratiques; le premier perd ses peines, mais ce n'est point en vain que le second a la charité. Faut-il donc s'étonner si, dans ce lieu d'exil, tant que l'Eglise n'est point encore arrivée à la céleste patrie, il y ait en même temps, dans son sein, unité et multiplicité réunies si je puis parler de la sorte, quand on sait que dans la céleste patrie, alors même qu'elle triomphera, on retrouvera encore, en elle, des sortes de différences et d'inégalités? car il est dit: «Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père (Jn 14,2).» Eh bien de même que là haut il se trouve plusieurs demeures dans la même habitation, ainsi ici-bas il y a plusieurs ordres religieux dans l'Cglise qui n'en est pas moins une, de sorte que si, dans l'une, «il y a diversité de grâce et un seul esprit (1Co 15,4),» dans l'autre il y a différents degrés de gloire et une seule et même demeure. Or, ce qui fait l'unité tant ici-bas que là-haut, c'est la charité, et la diversité tient, sur la terre, à la différence des ordres et à la répartition des oeuvres, et, dans le ciel, à la seule différence des mérites et à leur classification parfaitement ordonnée. Aussi, l'Eglise qui comprend cette sorte de contradiction dans son sein, s'écrie-t-elle avec le Psalmiste: «Il m'a conduite par les sentiers de la justice, pour la gloire de son nom (Ps 22,3),» parlant «des sentiers» au pluriel et de «la justice» au singulier, pour ne point exclure la diversité des opérations sans nier l'unité de ceux qui opèrent. Mais en même temps, comme elle a devant les yeux cette unité multipartite des cieux qu'elle doit voir un jour, elle s'écrie dans les transports de sa joie et de son bonheur: «Tes places publiques, ô Jérusalem, seront pavées de l'or le plus pur et l'on chantera l'Alleluia au milieu de tous tes carrefours (Tb 13,22).» Or, par ces places publiques et ces carrefours, il faut entendre des couronnes et des gloires différentes, de même que par l'or, le seul métal dont l'écrivain sacré représente la sainte cité ornée, ainsi que par l'Alleluia qui doit y être chanté, on doit comprendre une beauté unique composée de plusieurs beautés différentes, et le même sentiment de bonheur partagé par une multitude d'esprits.
5009 9. Il n'y a donc point qu'un seul sentier, parce qu'il n'y a pas qu'une seule demeure où l'on doit tendre; c'est à chacun de voir quel sentier il doit prendre et à ne pas se tenir loin de la justice, parce qu'il y a plusieurs voies qui y conduisent; car à quelque demeure que le sentier où nous nous serons engagés-nous mène, ce sera toujours à la maison du père de famille qu'il nous aura conduits. Cela n'empêche pas que, de même que «entre les étoiles, l'une est plus éclatante due l'autre, il en soit ainsi de la résurrection des morts (1Co 15,41);» car si les justes doivent briller comme le soleil dans le royaume de leur Père, parmi eux, les uns brilleront plus que les autres, à cause (le la différence de leurs mérites. Pour ce qui est de ces mérites, il faut bien savoir qu'il ne nous est pas aussi facile dans cette vie qu'il le sera dans l'autre de les discerner, attendu qu'en ce monde, nous ne voyons que les oeuvres, et que, dans l'autre, nous verrons de plus le fond des coeurs; car alors le soleil de justice, répandant partout ses rayons, on verra distinctement apparaître le secret même des coeurs, et de même qu'aujourd'hui nul n'échappe à sa chaleur, ainsi plus tard, nul ne sera à couvert de sa splendeur (Ps 18,7). Et même, pour ce qui est des oeuvres visibles, non-seulement il n'est pas sûr, mais souvent il est dangereux de vouloir les juger, puisqu'il arrive bien souvent que ceux qui les accomplissent ne sont pas justes en proportion de la multitude de leurs oeuvres.




Bernard, tr. 5 sur Cluny