Thérèse EJ Carnet Jaune 829

29 août


1
Je lui lisais l'Evangile du dimanche: la parabole du Samaritain.

... Je suis comme ce pauvre voyageur « semivivo », à moitié morte, à moitié vivante Lc 10,30-33


2

C'est bien dur de souffrir sans aucune consolation intérieure.

Oui mais c'est une souffrance sans inquiétude. Je suis contente de souffrir puisque le bon Dieu le veut.


3

Ma petite Mère?

( Elle m'appelait )
Qu'est-ce que vous voulez?

Je viens de compter 9 poires au poirier près de la fenêtre. Il doit y en avoir bien d'autres. Je suis contente, vous en mangerez. C'est si bon, les fruits!


4

Elle nous a donné ce soir un petit baiser.


30 août


1
Elle a passé la nuit très paisiblement comme la nuit du 6 août; très heureuse de penser qu'elle allait peut-être mourir.

... Je joignais les mains bien gentiment attendant la mort.


2

Seriez-vous contente si l'on vous annonçait que vous mourrez sûrement dans quelques jours au plus tard? Vous aimeriez mieux cela tout de même que d'être avertie que vous souffrirez de plus en plus pendant des mois et des années?

Oh! non, je ne serais pas du tout plus contente. Ce qui me contente uniquement c'est de faire la volonté du bon Dieu.

3

On l'a mise sur le lit pliant et roulée jusqu'à la porte du choeur qui donne sous le cloître. On l'a laissée là toute seule assez longtemps. Elle priait avec un regard si profond vers la grille. Ensuite elle y a jeté des pétales de rose. On l'a photographiée avant de rentrer. 71
Le docteur La Néele est venu et lui a dit: « C'est pour bientôt, ma petite soeur, j'en suis sûr. » Alors elle l'a regardé avec un sourire de bonheur. M. Youf est venu aussi et lui a dit ces paroles qu'elle m'a rapportées:

« Vous avez plus souffert que vous ne souffrirez maintenant. Nous finissons ensemble notre ministère vous comme carmélite, moi comme prêtre. »


31 août


1
Nouvelle visite du Dr La Néele.


2

Si vous mouriez demain, n'auriez-vous pas un peu peur; ce serait si près!

- Ah! même ce soir, je n'aurais nulle peur, je n'aurais que de la joie.


3

Quel courage il me faut pour faire un signe de croix! ... Ah! mes petites soeurs! Ah! mon Dieu! mon Dieu! ... Mon Dieu, ayez pitié de moi!... Je n'ai plus que cela à dire.


4

Bientôt ce lit où nous vous voyons sera vide, quelle douleur pour nous!

Ah! A votre place, que je serais contente!


5

... J'ai de l'appétit pour toute ma vie. J'ai toujours mangé comme une martyre, et maintenant je dévorerais tout. Il me semble que je meurs de faim. ... Que Ste Véronique a dû souffrir!

( Elle avait lu que cette sainte était morte de faim. )


6

L'une de nous disait: « Comme elle est oppressée! Elle pourrait très bien mourir aujourd'hui.

« Qué bonheur! »


7

Dans l'après-midi. On me disait qu'elle dormait; elle ouvrit les yeux et me dit:

Mais non, avancez-vous, ça me fait tant de plaisir de vous voir!


8

Que j'ai besoin de voir les merveilles du Ciel! rien ne me touche sur la terre.


9

Pendant Matines:

Ah! c'est incroyable comme toutes mes espérances se sont réalisées. Quand je lisais St Jean de la Croix, 72 je suppliais le bon Dieu d'opérer en moi ce qu'il dit, c'est à dire la même chose que si je vivais très vieille; enfin de me consommer rapidement dans l'Amour, et je suis exaucée!


10

Après avoir regardé longuement la statue de la Sainte Vierge:

... Qui est-ce qui aurait pu inventer la Sainte Vierge?


11

A moi:

... Ah! si vous m'aimez, que je vous aime moi aussi!


12

Elle me raconta qu'autrefois pour se mortifier, elle pensait a des choses sales en mangeant.

... Mais après, j'ai trouvé cela plus simple d'offrir au bon Dieu ce que je trouvais à mon goût.


13

... Tantôt j'ai voulu faire un vrai dîner, alors j'ai pris un grain de raisin puis une petite gorgée de vin que j'ai offerts à la Sainte Vierge. Ensuite j'ai fait la même chose pour l'Enfant Jésus, et mon petit dîner a été fini.



Septembre

2 septembre

0

1
Vous mourrez bien sûr un jour de fête.

Ce sera une bien assez belle fête! Je n'ai jamais eu envie de mourir un jour de fête. 1


2

... Il y avait peut-être deux ans que j'étais ici quand le bon Dieu a fait cesser mon épreuve par rapport à Sr Marie des Anges, 2 et j'ai pu lui ouvrir mon âme... A la fin elle me consolait vraiment.


3

... Cela me coûtait beaucoup de demander à faire des mortifications au réfectoire, parce que j'étais timide, je rougissais, mais j'y étais bien fidèle mes deux fois par semaine. Quand cette épreuve de timidité s'est passée, j'g faisais moins attention et j'ai dû oublier plus d'une fois mes deux mortifications.


4

Nous lui disions qu'elle était le chef de la bande, qu'elle avait vaincu tous les ennemis, et qu'il n'y avait plus qu'à la suivre. Elle fit alors le geste bien connu pour nous de mettre ses mains l'une sur l'autre à une toute petite distance disant:

« Haute comme ça dans la famille! »

Puis faisant semblant de semer quelque chose:

Petit Poucet!


5

Sr Geneviève lui disait: « Quand on pense qu'on vous attend encore à Saïgon!

J'irai, j'irai prochainement; si vous saviez comme j'aurai vite fait mon tour!


6

... Quand on accepte l'ennui d'avoir été méchante, le bon Dieu revient tout de suite


7

J'ai surtout offert mon épreuve intérieure contre la foi pour un membre allié de notre famille qui n'a pas la foi. 3

( Mr Tostain )


8

... Oh! oui je désire le Ciel! « Déchirez la toile de cette douce rencontre » , ô mon Dieu! 4


3 septembre


1
Je lui rapportais ce qui m'avait été dit sur les honneurs rendus au Tzar de Russie en France.

Ah! ça ne m'éblouit pas tout ça! Parlez-moi du bon Dieu, de l'exemple des Saints, de tout ce qui est vérité...


2

Quand on pense que nous soignons une petite sainte!

Eh bien, tant mieux! mais je voudrais que le bon Dieu le dise.


3

La pauvre Mère C. de J.5 était de plus en plus exigeante et les infirmières se plaignaient d'être obligées de céder à ses manies.

... Ah! que j'aurais eu d'attrait pour tout cela!


4 septembre


1
On disait que Sr St Stanislas l'appelait un ange à cause des sourires et des caresses 6 qu'elle lui faisait pour le moindre service.

... C'est comme cela que j'ai pris le bon Dieu et c'est pour cela que je serai si bien reçue par lui à l'heure de ma mort.


2

Je suis bien contente que la viande me dégoûte, parce qu`au moins je n'y trouve pas de plaisir.

(On lui servait un peu de viande)


3

Au moment où je sortais de l'infirmerie pour le réfectoire.

Je vous « l' » aime!



4

On sonnait l'Angelus.

Faut-il que je décache mes petites mains?

Non, vous êtes même trop faible pour dire l'Angelus. Appelez seulement la Sainte Vierge en disant: « Vierge Marie! »
Elle reprit:

Vierge Marie, je vous aime de tout mon coeur.

Sr Geneviève lui dit: « Dites que vous l'aimez pour moi aussi. » Alors elle ajouta tout bas:

Pour « Mlle Lili », pour Maman, pour Marraine, pour Léonie, la petite Marie, mon Oncle, ma tante, Jeanne, Francis, « Maurice » , « le petit Roulland » et tous ceux que j'aime. 7


5

Elle avait eu envie d'un certain mets, bien simple d'ailleurs, et l'une de nous l'avait fait savoir à mon Oncle.

... C'est bien drôle qu'on fasse savoir ça dans le monde. Enfin je l'ai offert au bon Dieu.

Je lui dis que ce n'était pas ma faute, car en effet je l'avais défendu. Elle reprit en prenant le petit plat.

Ah! c'est offert au bon Dieu. Ça ne me fait plus rien. Qu'ils pensent ce qu'ils voudront!



Pendant Matines:

Ma petite Mère, oh! que je vous aime!

Avec un joli sourire en faisant effort pour parler:

Disons quelque chose tout de même, disons... ... Si vous saviez comme la pensée d'aller bientôt au Ciel me laisse calme. Pourtant je suis bien heureuse, mais je ne puis pas dire que j'éprouve une joie vive et des transports d'allégresse, non!


7

Vous aimez mieux tout de même mourir que vivre?

O ma petite Mère, je n'aime pas mieux une chose que l'autre, je ne pourrais pas dire comme Notre Mère Ste Thérèse: « Je me meurs de ne point mourir. » 8 Ce que le bon Dieu aime mieux et choisit pour moi, voilà ce qui me plaît davantage.


5 septembre


1
Vous n'avez donc pas de chagrin de quitter « maman »? ( d'un petit air enfantin: )

Non!... S'il n'y avait pas de vie éternelle, oh! oui!... mais il y en a une peut-être... et même c'est sûr!


2

Si l'on vous disait que vous allez mourir subitement, à l'instant même, auriez vous quelque frayeur?

... Ah! « qué bonheur! » Je voudrais m'en aller!

Alors vous aimez mieux mourir que vivre?

Non, pas du tout. Si je guérissais, les médecins me regarderaient ébahis et moi je leur dirais: « Messieurs, je suis très contente d'être guérie pour servir encore le bon Dieu sur la terre, puisque c'est sa volonté. J'ai souffert comme si je devais mourir; eh bien je recommencerai une autre fois! »


3

Me désignant du doigt son verre d'eau rougie, avec un petit air gai si gentil:

A boire, ma petite Mère s'il vous plaît. Il y a de la glace dedans, c'est bon!

Après avoir bu:

J'ai bu sans soif! Je suis un petit « boit sans soif ».

Je lui disais qu'elle avait moins souffert pendant le silence:

Oh! tout autant! beaucoup, beaucoup souffert! Mais c'est à la Sainte Vierge que je me suis plainte.


4

Visite du docteur La Néele qui après lui avoir affirmé à sa consultation précédente qu'elle était à la mort, qu'elle pouvait même mourir tout à coup en se tournant dans son lit, lui dit: « Vous êtes comme un vaisseau qui n'avance ni ne recule. » Elle fut d'abord stupéfaite.

Vous avez entendu, me dit-elle, vous voyez comme ça change! Mais moi je ne veux pas changer, je veux continuer de m'abandonner au bon Dieu entièrement.


6 septembre


1 ... Dites-moi quelques petites paroles douces, après ce qui m'est arrivé, hier. 9

Ah! comment faire pour vous consoler, ma pauvre petite? je suis bien impuissante.
... d'un air de paix:

Je n'ai pas besoin d'être consolée...


2

Elle pleura de joie dans l'après midi quand on lui apporta une relique du Bienheureux Théophane Vénard.
Elle m'offrit avec beaucoup de tendresse une petite pâquerette pour mon anniversaire.

Toute l'après midi, elle se montra pour nous très affectueuse , et ravissante de toutes manières. Je lui dis:
J'ai remarqué que dès que vous le pouvez, vous redevenez comme autrefois.

... Ah! c'est bien vrai! Oui, quand je le peux, je fais de mon mieux pour être gaie, pour faire plaisir.


3

Elle attendait M. Youf pour se confesser; il ne put venir et ce lui fut une vraie déception. Mais aussitôt elle reprit son bel air de paix.


4

On lui apporta un peu de nourriture: son estomac était mieux.

Hélas! d'où en suis-je donc de ma maladie? Voilà que je mange maintenant!!


7 Septembre


1
Elle ne n'avait pas dit un mot de la journée, et je pensais dans l'après-midi: Aujourd'hui je ne vais rien avoir à écrire. Mais elle me dit presque aussitôt:

Ah! il n'y a pas d'âme comme vous...

Après cela, elle se mit à verser de grosses larmes de la crainte qu'elle gardait de m'avoir fait de la peine dans une circonstance que je n'avais même pas remarquée.


8 septembre


1
Un petit rouge-gorge vint sautiller sur son lit. Léonie lui envoya la boîte à musique qu'on a conservée et les airs quoique profanes en sont si doux qu'elle les écouta avec beaucoup de plaisir.

Enfin on lui apporta une gerbe de fleurs des champs pour fêter l'anniversaire de sa Profession. Se voyant si comblée, elle pleura de reconnaissance et nous dit:

C'est à cause des délicatesses du bon Dieu à mon égard; à l'extérieur j'en suis comblée, et pourtant, à l'intérieur je suis toujours dans l'épreuve... mais aussi dans la paix.


9 septembre


1
On avait trop remonté la boîte à musique, elle semblait cassée.
Auguste 10 la répara, mais depuis il y manqua ( pour un certain air ) la plus jolie note. J'en avais du chagrin et je lui demandai si elle en avait aussi.

Oh! pas du tout, je n'en ai que parce que vous en avez.

... Ah! je sais ce que c'est que la souffrance!


10 septembre


1
A la consultation de M. de Cornière, il parut consterné de son état.
Eh bien, êtes-vous contente? Lui dis-je après le départ du docteur.

Oui, mais j'y suis un peu habituée, ils disent et dédisent!


2

Pendant qu'on arrangeait ses oreilles, le soir, elle appuya sa tête sur moi en me regardant avec tendresse. Cela m'a rappelé le regard de l'Enfant Jésus à la Sainte Vierge quand il écoute la musique de l'ange sur l'image où elle disait de la Sainte Vierge:
« C'est Pauline en idéal. » 11


11 septembre


1 C'est petite mère qui mourra la dernière, nous viendrons la chercher avec Théophane Vénard, Quand elle aura fini de travailler pour moi... ... à moins que les petites âmes n'aient besoin d'elle.


2

Je vous aime beaucoup, mais beaucoup! Quand j'entends ouvrir la porte, je crois toujours que c'est vous; et quand vous ne venez pas, je suis toute triste. Donnez-moi un baiser, un baiser qui fasse du bruit; enfin que les lèvres fassent « pit! » Il n'y a qu'au Ciel que vous saurez ce que vous m'êtes... Vous m'êtes une lyre, un chant... bien plus qu'une boîte à musique, allez! même quand vous ne dites rien.


3

Elle avait fait deux couronnes de bleuets pour la Sainte Vierge l'une était à ses pieds, l'autre à sa main.
Je lui dis:
Vous pensez sans doute que celle qu'elle tient c'est pour vous la donner.

Oh! non, c'est comme elle voudra, ce que je lui donne c'est pour son plaisir.


4

... J'ai peur d'avoir eu peur de la mort... Mais je n'ai pas peur d'après, bien sûr! Et je ne regrette pas la vie, oh! non. C'est seulement de me dire: Qu'est ce que c'est que cette séparation mystérieuse de l'âme et du corps? C'est la première fois que j'ai éprouvé cela, mais je me suis tout de suite abandonné au bon Dieu.


5

Voulez-vous me donner mon Crucifix afin que je le baise après l'acte de contrition, pour gagner l'indulgence plénière en faveur des âmes du Purgatoire. Je ne leur donne plus que cela! Donnez-moi maintenant de l'eau bénite. Approchez-moi les reliques de la Mère Anne de Jésus et de Théophane Vénard, je veux les embrasser.

Après cela elle fit une petite caresse à son image de la Vierge Mère; d'abord à l'Enfant Jésus puis à la Sainte Vierge. Elle ne pouvait s'endormir et me dit:

Je connais cela, c'est la malice du démon; il est furieux parce que je n'ai pas oublié mes petites dévotions. Quand, pour un motif ou pour un autre, je ne les ai pas faites, je m'endors et je me réveille quelques minutes après minuit. C'est comme pour se moquer de moi, parce que j'ai manqué l'indulgence plénière.


6

Faut-il que j'aie peur du démon? Il me semble que non parce que je fais tout par obéissance.


7

Oh! non, je ne désire pas voir le bon Dieu sur la terre. Et pourtant, je l'aime! J'aime aussi beaucoup la Sainte Vierge et les Saints et je ne désire pas les voir non plus. 12 Jn 20,29


12 septembre


1
C'était la fête du Saint Nom de Marie. Elle me demanda de lui lire l'Evangile du dimanche. Je n'avais pas le paroissien et lui dis simplement: C'est l'Evangile où Notre Seigneur nous avertit que « nul ne peut servir deux maîtres ».
Alors elle prit une petite voix d'enfant qui récite sa leçon et me le dit d'un bout à l'autre. Mt 6,24


13 septembre


1
Elle était bien plus malade et avait les pieds enflés de la veille. On ne pouvait faire le moindre mouvement autour d'elle, comme remuer un peu le lit et surtout la toucher sans la faire beaucoup souffrir, tant elle était faible. Nous ne le supposions pas à ce point, et Sr Marie du Sacré Cour, après moi, lui avait tâté le pouls assez longtemps. Elle ne manifesta d'abord aucun signe de fatigue pour ne pas nous faire de peine, mais à la fin, n'en pouvant plus, elle se mit à pleurer. Et quand on arrangea ensuite ses oreillers et son coussin elle gémissait, disant d'un ton si doux:

Oh! je voudrais... je voudrais...

Quoi donc?

Ne plus faire de peine à mes petites soeurs, et pour cela m'en aller bien vite.

A ce moment, elle regarda Sr Marie du Sacré Coeur et lui fit un ravissant sourire; c'était elle surtout qu'elle craignait le plus d'avoir contristée.

Comme on n'arrivait pas à bien disposer son coussin, car on n'osait trop la remuer, elle dit gentiment en s'appuyant sur les mains et essayant de le faire elle-même:

Attendez, je vais me pousser au fond du lit, en faisant les mouvements d'une petite sauterelle.


2

Une soeur 13 avait cueilli pour elle une violette au jardin, elle la lui offrit et se retira. Alors notre petite Thérèse me dit en regardant la fleur:

Ah! le parfum des violettes!

Puis elle me fit un signe comme pour savoir si elle pouvait le respirer sans immortification.


14 septembre


1
On lui apporta une rose; elle l'effeuilla sur son Crucifix avec beaucoup de piété et d'amour, prenant chaque pétale et en caressant les plaies de Notre Seigneur.

Au mois de septembre, dit-elle, la petite Thérèse effeuille encore « la rose printanière »

En effeuillant pour Toi, la rose printanière, Je voudrais essuyer tes pleurs! 14

Comme les pétales glissaient de son lit sur le plancher de l'infirmerie, elle dit très sérieusement:

Ramassez bien ces pétales, mes petites soeurs, ils vous serviront à faire des plaisirs plus tard... N'en perdez aucun...


2

... Ah! maintenant... « J'en ai l'espoir, mon exil sera court! » 15


3

Le docteur La Néele lui avait affirmé qu'elle n'aurait pas d'agonie, et comme elle souffrait de plus en plus:

... On m'avait pourtant dit que je n'aurais pas d'agonie!... ... Mais, après tout, je veux bien en avoir une.

Si l'on vous faisait choisir ou d'en avoir ou de ne pas en avoir?

Je ne choisirais rien!


15 septembre


1
Quand vous serez au Ciel, vos grandes souffrances d'aujourd'hui vous paraîtront peu de chose, allez!

Oh! même sur la terre, je trouve que c'est bien peu.


2

Le soir pendant la récréation:

Quand Sr Geneviève disait tantôt à Sr Marthe qui demandait de mes nouvelles: « Elle est bien fatiguée! » Je pensais en moi-même: C'est bien vrai, c'est bien cela! Oui, je suis comme un voyageur fatigué, harassé, qui tombe en arrivant à la fin de son voyage. ... Oui mais, c'est dans les bras du bon Dieu que je tombe!


3

Notre Mère m'a dit que je n'avais rien à faire pour me préparer à la mort, parce que j'étais préparée d'avance! 16


16 septembre


1
A moi seule, sur des questions que je lui posais:

Ce qui nous attire les lumières et le secours du bon Dieu pour guider et consoler les âmes, c'est de ne pas raconter ses peines à soi, pour se soulager; d'ailleurs ce n'est pas un vrai soulagement , il excite plutôt que d'apaiser.


17 septembre


1 Autour des malades il faut être gai:

(Nous lui exprimions notre chagrin)

Voyons, il ne faut pas se lamenter comme des personnes qui n'ont pas d'espérance.

D'un air un peu malin:

Vous finirez par me faire regretter la vie.

Oh! nous aurions bien du mal!

C'est vrai! J'ai dit cela pour vous faire peur. 1Th 4,13


2

En me parlant de son enfance elle me raconta qu'un jour on lui avait donné un petit panier et qu'elle s'était écriée dans son bonheur.

Maintenant je ne désire plus rien sur la terre!

Puis qu'elle s'était ravisée pour dire bien vite:

Si, je désire encore quelque chose, c'est le Ciel!


18 Septembre


1
Je lui disais que j'avais peur de la fatiguer en lui parlant:

Ma petite Mère, votre conversation m'est si agréable! Oh! non, elle ne me fatigue pas. C'est comme une musique pour moi... Il n'y en a pas douce comme vous sur la terre. Oh! que je vous aime!


2

En regardant par la fenêtre la vigne vierge toute rouge sur l'ermitage de la Sainte Face:

La Sainte Face est dans toute sa splendeur. Voyez, il y a des branches de vigne vierge jusqu'au dessus des marronniers

Je vais mieux cette après midi.

En effet elle s'intéressait à tout. Elle regardait avec plaisir la nappe que faisait St Geneviève pour l'autel de l'Oratoire, puis l'ornement de M. l'Abbé Denis! 17 Mais le matin, quand Sr Aimée de Jésus l'avait prise dans ses bras pour qu'on arrange un peu son lit, j'ai cru qu'elle allait mourir.


19 Septembre


1
On avait apporté du dehors un bouquet de dahlias. Elle les regarda avec plaisir et coula ses doigts dans leurs pétales avec une manière si gentille!
Après la première Messe de M. l'Abbé Denis, elle demanda à voir son calice. Comme elle regardait longuement le fond de la Coupe, on lui dit: Pourquoi donc regardez-vous si attentivement le fond du Calice:

Parce que je m'y reflète. A la sacristie, j'aimais à faire cela. J'étais contente de me dire: Mes traits se sont reflétés là où le sang de Jésus a reposé et descendra encore. Combien de fois ai-je pensé aussi qu'à Rome mon visage s'était reproduit dans les yeux du Saint Père. 18


20 septembre


1 Visite du docteur de Cornière qui nous dit qu'elle doit souffrir un vrai martyre. En sortant il s'exclamait sur son héroïque patience. Je lui en répétai quelque chose.

Comment peut-il dire que je suis patiente! Mais c'est mentir! Je ne cesse de gémir, je soupire, je crie tout le temps: Oh! la la! Et puis: Mon Dieu, je n'en puis plus! Ayez pitié, ayez pitié de moi!


2 Dans l'après midi, on la changea de tunique et nous fûmes frappées de sa maigreur, car son visage était resté le même. J'allai demander à Notre Mère de venir voir son dos. Elle tarda beaucoup et j'admirai l'air si doux et si patient de notre pauvre petite malade en l'attendant. Notre Mère fut péniblement surprise et dit avec bonté: Qu'est-ce que c'est qu'une petite fille aussi maigre?

Un « quelette! »


21 septembre


1
J'avais été sans rien dire vider son crachoir et je le posai près d'elle, pensant en moi-même: Que je serais contente si elle me disait qu'au Ciel elle me rendrait cela! Et aussitôt, se tournant vers moi elle me dit:

Au Ciel, je vous rendrai cela.


2

Quand je pense qu'elle va mourir, dit Sr Geneviève.

Ah! dame oui! du coup, j'y crois!


3

Dire qu'elle n'a pas de petite Thérèse à aimer!

... Il m'appelle sa petite Thérèse!

Qui?

Mais le P. Bellière!

Il venait d'écrire 19 et je voulus lui relire sa lettre, croyant lui faire plaisir en retrouvant cette parole, mais elle était trop fatiguée et me dit:

Oh! non, assez! je suis « fûtée » 20 de la petite Thérèse!

Puis se tournant vers moi avec un petit air calin:

Pas « futée » de la petite Pauline, aussi! Oh! non!


4

Je vais à la vaisselle, j'ai deux tours à faire. 21

Bien dur pour moi, oh! oui.


5

Sr Geneviève me demandait un crayon, j'en avais besoin aussi, mais je prêtai le nôtre quand même. Elle dit alors d'un petit ton net:

C'est gentil, ça.


6

Ah! qu'est-ce que c'est que l'agonie? Il me semble que j'y suis tout le temps!!...


7

En s'essuyant les yeux, quelques cils s'étaient détachés de ses paupières:

Prenez ces cils, ma petite Sr Geneviève, il faut qu'on en donne le moins possible à la terre.

Alors, faisant un jeu de mots sur le nom du Père Alaterre (un ouvrier), frère de Sr St Vincent de Paul.

Pauv'bonhomme pourtant, si ça lui fait plaisir!

C'est ainsi qu'elle était toujours gaie, malgré ses grandes souffrances d'âme et de corps.


22 septembre


1
Après lui avoir rappelé plusieurs circonstances de sa vie religieuse où elle avait été très humiliée, j'ajoutai: Oh! que de fois j'ai eu pitié de vous!

Il n'aurait pas fallu, je vous assure, avoir tant pitié de moi. Si vous saviez comme je surnageais au dessus de tout cela! Je m'en allais fortifiée des humiliations; il n'y avait pas plus brave que moi au feu.


2

Elle voulait me parler et ne pouvait pas.

... Ah! que c'est dur d'être dans une telle impuissance! ... avec vous! C'était si doux quand je pouvais vous parler! C'est cela qui est le plus dur.


3

Je disais en regardant l'image de Théophane Vénard: Il est là avec son chapeau bas, et pour en finir, il ne vient point vous chercher!
En souriant:

Oh | moi je ne me moque pas des saints... Je les aime bien.. Ils veulent voir...

Quoi? Si vous allez perdre patience?
D'un air malin et profond à la fois.

Oui!... surtout si je vais perdre confiance... jusqu'où je vais pousser ma confiance...


4

Elle avait appelé Sr Geneviève sa « bobonne », Sr Marie de la Trinité sa « poupée » parce qu'elle lui trouvait une figure de poupée. C'était pour nous distraire et jamais par dissipation ou par enfantillage. Mais on abusa de ces appellations et elle dit:

Il ne faut pas s'appeler de tous les noms. Tout de même ce n'est pas religieux! 22


5

Le temps doit vous sembler bien long?

Non, le temps ne me semble pas long; il me semble que c'est hier que je suivais la Communauté, que j'écrivais le cahier. (sa vie)


6

Quelle terrible maladie et combien vous avez souffert!

Oui!!! quelle grâce d'avoir la foi! Si je n'avais pas eu la foi, je me serais donné la mort sans hésiter un seul instant. 23


23 septembre


1 Oh! tout ce que je vous dois!... Aussi je vous aime!... mais je ne veux plus vous en parler, parce que je pleurerais...

( Cela lui faisait beaucoup de mal de pleurer )


2

Demain ce sera l'anniversaire de votre prise de voile, et sans doute le jour de votre mort.

Moi je ne sais pas quand, j'attends toujours, mais je sais bien que ça ne peut pas tarder.


3

Elle nous souriait souvent, à l'une ou à l'autre, mais nous ne nous en apercevions pas toujours.

... Bien des fois j'ai fait de beaux sourires perdus à « Bobonne » et à d'autres...


4

Le soir on avait entendu comme un roucoulement d'oiseau sur la fenêtre fermée. Nous nous demandions ce que cela pouvait être. L'une disait: C'est une tourterelle. L'autre: C'est peut être un oiseau de proie.

Eh bien, si c'est un oiseau de proie, tant pis! Les oiseaux de proie venaient bien manger les martyrs.


5

A propos d'une confidence de peu d'importance qu'une soeur lui avait faite en lui demandant le secret:

... Si les soeurs défendent, c'est sacré... Quand ce serait pour la moindre chose, il ne faudrait pas le dire.


6

Après un très long silence, en regardant Sr Marie du Sacré Coeur et moi qui étions seules à ce moment près d'elle:

Mes petites soeurs, c'est vous qui m'avez élevée!...

et ses yeux se remplirent de larmes.


24 septembre


1
Pour l'anniversaire de sa Prise de voile, j'avais fait dire la Messe pour elle.

Merci de la Messe!

Comme je la voyais tant souffrir, je répondis avec tristesse: Ah! vous voyez. vous n'êtes pas plus soulagée!

C'est donc pour mon soulagement que vous avez obtenu de faire dire la Messe?

C'est pour votre bien.

Mon bien, c'est sans doute de souffrir. 24


2

Elle me raconte une peine qu'elle avait eue autrefois, où, bien trop tard cette année là, on avait émondé les marronniers.

D'abord ce fut une tristesse amère et de grands combats en même temps . J'aimais tant les ombrages! et il n'y en aurait pas cette année. Les branches déjà vertes étaient en fagots à terre, plus rien que des troncs! Puis, tout à coup, je me suis mise au dessus en me disant: Si j'étais dans un autre Carmel, qu'est-ce que cela me ferait qu'on coupe, même entièrement les marronniers du Carmel de Lisieux! Et j'ai éprouvé une grande paix et une joie céleste.


3

Visite de M. de Cornière, de plus en plus édifié. Il dit à Notre Mère:
« C'est un ange! Elle a une figure d'ange, son visage n'est point altéré, malgré ses grandes souffrances. Je n'ai jamais vu cela. Avec son état d'amaigrissement général, c'est surnaturel.


4

... Je voudrais courir dans les prairies du Ciel...

... Je voudrais courir dans des prairies où l'herbe ne se foulerait pas, où il y aurait de belles fleurs qui ne se faneraient pas et de jolis petits enfants qui seraient des petits anges. 25

Vous n'avez jamais l'air fatiguée de souffrir. Au fond, est-ce que vous l'êtes?

Mais non quand je n'en peux plus, je n'en peux plus, et puis voilà!


5

J'avais envie de dire à M. de Cornière: Je ris parce que vous n'avez tout de même pas pu m'empêcher d'aller au ciel; mais, pour votre peine, quand j'y serai je vous empêcherai d'y aller de si tôt.
26

6

Je ne parlerai bientôt plus que le langage des anges.


7

Vous irez au Ciel parmi les Séraphins.

Ah! mais, si je vais parmi les séraphins, « je ferai pas » comme eux, tant pis! Tous se couvrent de leurs ailes devant le bon Dieu; moi je me garderai bien de me couvrir de mes ailes. Is 6,2


8

... Mon Dieu!... ayez pitié de la petite fi... fi... fille!

( En se tournant avec beaucoup de peine. )


9

Comme elle caresse son « Théophane » il est bien honoré:

- C'est pas des « honorations... »

- Qu'est-ce que c'est alors?

C'est des caresses, enfin!

( Elle caressait le portrait de Th. V. )


10

... Vous n'avez donc pas l'intuition du jour de votre mort?

Ah! ma Mère, des intuitions! Si vous saviez dans quelle pauvreté je suis! Je ne sais rien que ce que vous savez; je ne devine rien que par ce que je vois et sens. Mais mon âme malgré ses ténèbres est dans une paix étonnante.


11

Qui est-ce qui vous aime le mieux sur la terre?...


25 septembre


1
Je lui avais rapporté ce qui avait été dit en récréation, à propos de M. Youf qui craignait beaucoup la mort. Les soeurs s'étaient entretenues de la responsabilité de ceux qui ont charge d'âmes et qui ont vécu longtemps.

... Pour les petits, ils seront jugés avec une extrême douceur. Et on peut bien rester petit, même dans les charges les plus redoutables, même en vivant très longtemps. Si j'étais morte à 80 ans, que j'aurais été en Chine, partout, je serais morte, je le sens bien, aussi petite qu'aujourd'hui. Et il est écrit qu'« à la fin, le Seigneur se lèvera pour sauver tous les doux et les humbles de la terre ». Il ne dit pas « juger, » mais « sauver. » Sg 6,8 Ps 76,10


2

Elle m'avait dit un de ces derniers jours de terribles souffrances:

O ma Mère, c'est bien facile d'écrire de belles choses sur la souffrance, mais d'écrire ce n'est rien, rien! Il faut y être pour savoir!...

J'avais gardé de cette parole une impression pénible, quand, ce jour là, paraissant se souvenir de ce qu'elle m'avait dit, elle me regarda d'une façon toute particulière et comme solennelle, et prononça ces paroles:

Je sens bien maintenant que ce que j'ai dit et écrit est vrai sur tout... C'est vrai que je voulais beaucoup souffrir pour le bon Dieu, et c'est vrai que je le désire encore.


3

On lui disait: Ah! C'est affreux ce que vous souffrez!

Non, ce n'est pas affreux. Une petite victime d'amour ne peut pas trouver affreux ce que son Epoux lui envoie par amour.



Thérèse EJ Carnet Jaune 829