Thérèse EJ, Histoire d'une âme G 31

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que Jésus me le fait pressentir et désirer. Depuis bien longtemps j'avais un désir qui me paraissait tout à fait irréalisable, celui d'avoir un frère prêtre 152 , je pensais souvent que si mes petits frères ne s'étaient pas envolés au Ciel j'aurais eu le bonheur de les voir monter à l'autel; mais puisque le bon Dieu les a choisis pour en faire des petits anges je ne pouvais plus espérer de voir mon rêve se réaliser; et voilà que non seulement Jésus m'a fait la grâce que je désirais, mais Il m'a unie par les liens de l'âme à deux de ses apôtres, qui sont devenus mes frères... Je veux, ma Mère bien-aimée, vous raconter en détails comment Jésus combla mon désir et même le dépassa, puisque je ne désirais qu'un frère prêtre qui chaque jour pense à moi au saint autel.
Ce fut notre Ste Mère Thérèse qui m'envoya pour bouquet de fête en 1895 mon premier petit frère NHA 1126 153 . J'étais au lavage bien occupée de mon travail lorsque mère Agnès de Jésus me prenant à l'écart me lut une lettre qu'elle venait de recevoir. C'était un jeune séminariste inspiré, disait-il, par Ste Thérèse qui venait demander une soeur qui se dévouât spécialement au salut de son âme et l'aidât de ses prières et sacrifices lorsqu'il serait missionnaire afin qu'il puisse sauver beaucoup d'âmes. Il promettait d'avoir toujours un souvenir pour celle qui deviendrait sa soeur, lorsqu'il pourrait offrir le Saint Sacrifice. Mère Agnès de Jésus me dit qu'elle voulait que ce soit moi qui devînt la soeur de ce futur missionnaire.

Manuscrit C Folio 32 Recto.

Ma Mère, vous dire mon bonheur serait chose impossible, mon désir comblé d'une façon inespérée fit naître dans mon coeur une joie que j'appellerai enfantine, car il me faut remonter aux jours de mon enfance pour trouver le souvenir de ces joies si vives que l'âme est trop petite pour les contenir, jamais depuis des années je n'avais goûté ce genre de bonheur. Je sentais que de ce côté mon âme était neuve, c'était comme si l'on avait touché pour la première fois des cordes musicales restées jusque-là dans l'oubli.
Je comprenais les obligations que je m'imposais, aussi je me mis à l'oeuvre 154 en essayant de redoubler de ferveur. Il faut avouer que d'abord je n'eus pas de consolations pour stimuler mon zèle; après avoir écrit une charmante lettre pleine de coeur et de nobles sentiments pour remercier Mère Agnès de Jésus, mon petit frère ne donna plus signe de vie qu'au mois de juillet suivant, excepté qu'il envoya sa carte au mois de Novembre pour dire qu'il entrait à la caserne. C'était à vous, ma Mère bien-aimée, que le bon Dieu avait réservé d'achever l'oeuvre commencée 155 , sans doute c'est par la prière et le sacrifice qu'on peut aider les missionnaires, mais parfois lorsqu'il plaît à Jésus d'unir deux âmes pour sa gloire, il permet que de temps en temps elles puissent se communiquer leurs pensées et s'exciter à aimer Dieu davantage, mais il faut pour cela une volonté expresse de l'autorité 156 , car il me semble qu'autrement cette correspondance ferait plus de mal que de bien 157 , sinon au missionnaire du moins à la carmélite continuellement portée par son genre de vie

Manuscrit C Folio 32 Verso.

à se replier sur elle-même, alors au lieu de l'unir au bon Dieu, cette correspondance (même éloignée) qu'elle aurait sollicitée lui occuperait l'esprit; en s'imaginant faire monts et merveilles, elle ne ferait rien du tout que de se procurer, sous couleur de zèle, une distraction inutile. Pour moi il en est de cela comme du reste, je sens qu'il faut pour que mes lettres fassent du bien qu'elles soient écrites par obéissance et que j'éprouve plutôt de la répugnance que du plaisir 158 à les écrire. Ainsi quand je parle avec une novice, je tâche de le faire en me mortifiant, j'évite de lui adresser des questions qui satisferaient ma curiosité; si elle commence une chose intéressante et puis passe à une autre qui m'ennuie sans achever la première, je me garde bien de lui rappeler le sujet qu'elle a laissé de côté, car il me semble qu'on ne peut faire aucun bien lorsqu'on se recherche soi-même.
Ma Mère bien-aimée, je m'aperçois que je ne me corrigerai jamais, me voici encore partie bien loin de mon sujet, avec toutes mes dissertations, excusez-moi, je vous en prie et permettez que je recommence à la prochaine occasion puisque je ne puis faire autrement!... Vous agissez comme le bon Dieu qui ne se fatigue pas de m'entendre 159 , lorsque je Lui dis tout simplement mes peines et mes joies comme s'Il ne les connaissait pas... Vous aussi, ma Mère, vous connaissez depuis longtemps ce que je pense et tous les événements un peu mémorables de ma vie, je ne saurais donc vous apprendre rien de nouveau. Je ne puis m'empêcher de rire en pensant que je vous écris scrupuleusement tant de choses

Manuscrit C Folio 33 Recto.

que vous savez aussi bien que moi. Enfin, Mère chérie, je vous obéis et si maintenant vous ne trouvez pas d'intérêt à lire ces pages, peut-être qu'elles vous distrairont dans vos vieux jours et serviront ensuite pour allumer votre feu, ainsi je n'aurai pas perdu mon temps... Mais je m'amuse à parler comme un enfant, ne croyez pas, ma Mère, que je recherche quelle utilité peut avoir mon pauvre travail, puisque je le fais par obéissance cela me suffit et je n'éprouverais aucune peine si vous le brûliez sous mes yeux avant de l'avoir lu.
Il est temps que je reprenne l'histoire de mes frères qui tiennent maintenant une si grande place dans ma vie. - L'année dernière à la fin du mois de mai NHA 1127 160 , je me souviens qu'un jour vous m'avez fait appeler avant le réfectoire. Le coeur me battait bien fort lorsque j'entrai chez vous, ma Mère chérie; je me demandais ce que vous pouviez avoir à me dire, car c'était la première fois que vous me faisiez demander ainsi. Après m'avoir dit de m'asseoir, voici la proposition que vous m'avez faite: - " Voulez-vous vous charger des intérêts spirituels d'un missionnaire 161 qui doit être ordonné prêtre et partir prochainement" NHA 1128 et puis, ma Mère, vous m'avez lu la lettre de ce jeune Père afin que je sache au juste ce qu'il demandait. Mon premier sentiment fut un sentiment de joie qui fit aussitôt place à la crainte. Je vous expliquai, ma Mère bien-aimée, qu'ayant déjà offert mes pauvres mérites pour un futur apôtre, je croyais ne pouvoir le faire encore aux intentions d'un autre et que, d'ailleurs, il y avait beaucoup de soeurs meilleures que moi qui pourraient répondre à son désir. Toutes mes objections furent inutiles, vous

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m'avez répondu qu'on pouvait avoir plusieurs frères. Alors je vous ai demandé si l'obéissance ne pourrait pas doubler mes mérites 162 . Vous m'avez répondu que oui, en me disant plusieurs choses qui me faisaient voir qu'il me fallait accepter sans scrupule un nouveau frère. Dans le fond, ma Mère, je pensais comme vous et même, puisque "le zèle d'une carmélite doit embrasser le monde NHA 1129 163 " j'espère avec la grâce du bon Dieu être utile à plus de deux missionnaires et je ne pourrais oublier de prier pour tous, sans laisser de côté les simples prêtres dont la mission parfois est aussi difficile à remplir que celle des apôtres prêchant les infidèles. Enfin je veux être fille de l'Église NHA 1130 164 comme l'était notre Mère Ste Thérèse et prier dans les intentions de notre St Père le Pape, sachant que ses intentions embrassent l'univers. Voilà le but général de ma vie, mais cela ne m'aurait pas empêchée de prier et de m'unir spécialement aux oeuvres de mes petits anges chéris s'ils avaient été prêtres. Eh bien! voilà comment je me suis unie spirituellement aux apôtres que Jésus m'a donnés pour frères: tout ce qui m'appartient, appartient à chacun d'eux Lc 15,31 165 , je sens bien que le bon Dieu est trop bon pour faire des partages, Il est si riche qu'Il donne sans mesure tout ce que je lui demande... Mais ne croyez pas, ma Mère, que je me perde dans de longues énumérations.
Depuis que j'ai deux frères et mes petites soeurs les novices, si je voulais demander pour chaque âme ce qu'elle a besoin et bien le détailler, les journées seraient trop courtes et je craindrais fort d'oublier quelque chose d'important. Aux âmes simples, il ne faut pas de moyens compliqués, comme je suis de ce nombre, un matin pendant mon action de grâces, Jésus m'a donné un moyen simple d'accomplir ma mission. Il m'a fait

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comprendre cette parole des Cantiques: "Attirez-moi, nous courrons à l'odeur de vos parfums.166 " NHA 1131 Ct 1,3 O Jésus, il n'est donc même pas nécessaire de dire: En m'attirant, attirez les âmes que j'aime. Cette simple parole: "Attirez-moi" suffit. Seigneur, je le comprends, lorsqu'une âme s'est laissée captiver par l'odeur enivrante de vos parfums, elle ne saurait courir seule, toutes les âmes qu'elle aime sont entraînées à sa suite; cela se fait sans contrainte, sans effort, c'est une conséquence naturelle de son attraction vers vous. De même qu'un torrent se jetant avec impétuosité dans l'océan entraîne après lui tout ce qu'il a rencontré sur son passage, de même, ô mon Jésus, l'âme qui se plonge dans l'océan sans rivages de votre amour attire avec elle tous les trésors qu'elle possède... Seigneur, vous le savez, je n'ai point d'autres trésors que les âmes qu'il vous a plu d'unir à la mienne; ces trésors, c'est vous qui me les avez confiés, aussi j'ose emprunter les paroles que vous avez adressées au Père Céleste le dernier soir qui vous vit encore sur notre terre, voyageur et mortel. Jésus, mon Bien-Aimé, je ne sais pas quand mon exil finira... plus d'un soir doit me voir encore chanter dans l'exil vos miséricordes, Ps 89,2 mais enfin, pour moi aussi viendra le dernier soir 167 ; alors je voudrais pouvoir vous dire, ô mon Dieu: "Je vous ai glorifié sur la terre; j'ai accompli l'oeuvre que vous m'avez donnée à faire Jn 17,4; j'ai fait connaître votre nom à ceux que vous m'avez donnés: ils étaient à vous, et vous me les avez donnés Jn 17,6. C'est maintenant qu'ils connaissent que tout ce que vous m'avez donné vient de vous; car je leur ai communiqué les paroles que vous m'avez communiquées, ils les ont reçues et ils ont cru Jn 17,7-8 que c'est vous qui m'avez envoyée Jn 17,8. Je prie pour ceux que vous m'avez donnés parce qu'ils sont à vous Jn 17,9.

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Je ne suis plus dans le monde; pour eux, ils y sont et moi je retourne à vous. Père Saint, conservez à cause de votre nom ceux que vous m'avez donnés Jn 17,11. Je vais maintenant à vous, et c'est afin que la joie Jn 17,13 qui vient de vous soit parfaite en eux, que je dis ceci pendant que je suis dans le monde Jn 17,13. Je ne vous prie pas de les ôter du monde, mais de les préserver du mal Jn 17,15. Ils ne sont point du monde, de même que moi je ne suis pas du monde non plus Jn 17,16. Ce n'est pas seulement pour eux que je prie, mais c'est encore pour ceux qui croiront Jn 17,20 en vous sur ce qu'ils leur entendront dire Jn 17,20.
Mon Père, je souhaite qu'où je serai, ceux que vous m'avez donnés y soient avec moi Jn 17,24, et que le monde connaisse que vous les avez aimés comme vous m'avez aimée moi-même." NHA 1132 Jn 17,23
Oui Seigneur, voilà ce que je voudrais répéter après vous, avant de m'envoler en vos bras. C'est peut-être de la témérité? Mais non depuis longtemps vous m'avez permis d'être audacieuse avec vous 168 , comme le père de l'enfant prodigue parlant à son fils aîné, vous m'avez dit: "Tout ce qui est à moi est à toi.169 " NHA 1133 Lc 15,31 Vos paroles, ô Jésus, sont donc à moi et je puis m'en servir pour attirer sur les âmes qui me sont unies les faveurs du Père Céleste. Mais, Seigneur, lorsque je dis qu'où je serai je désire que ceux qui m'ont été donnés par vous y soient aussi Jn 17,24, je ne prétends pas qu'ils ne puissent arriver à une gloire bien plus élevée que celle qu'il vous plaira de me donner, je veux demander simplement qu'un jour nous soyons tous réunis dans votre beau Ciel. Vous le savez, ô mon Dieu, je n'ai jamais désiré que vous aimer, je n'ambitionne pas d'autre gloire.

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Votre amour m'a prévenue dès mon enfance, il a grandi avec moi, et maintenant c'est un abîme dont je ne puis sonder la profondeur. L'amour attire l'amour, aussi, mon Jésus, le mien s'élance vers vous, il voudrait combler l'abîme qui l'attire, mais hélas! ce n'est pas même une goutte de rosée perdue dans l'océan!... Pour vous aimer comme vous m'aimez, il me faut emprunter votre propre amour 170 , alors seulement je trouve le repos. O mon Jésus, c'est peut-être une illusion, mais il me semble que vous ne pouvez combler une âme de plus d'amour que vous n'en avez comblé la mienne; c'est pour cela que j'ose vous demander d'aimer ceux que vous m'avez donnés comme vous m'avez aimée moi-même NHA 1034 Jn 17,23 Un jour, au Ciel, si je découvre que vous les aimez plus que moi, je m'en réjouirai, reconnaissant dès maintenant que ces âmes méritent votre amour bien plus que la mienne, mais ici-bas je ne puis concevoir une plus grande immensité d'amour que celle qu'il vous a plu de me prodiguer gratuitement sans aucun mérite de ma part. Rm 3,24
Ma Mère chérie, enfin je reviens à vous, je suis tout étonnée de ce que je viens d'écrire, car je n'en avais pas l'intention, puisque c'est écrit il faut que ça reste, mais avant de revenir à l'histoire de mes frères, je veux vous dire, ma Mère, que je n'applique pas à eux, mais à mes petites soeurs, les premières paroles empruntées à l'Évangile: Je leur ai communiqué les paroles que vous m'avez communiquées, etc... NHA 1035 Jn 17,8 car je ne me crois pas capable d'instruire des missionnaires, heureusement je ne suis pas encore assez orgueilleuse pour cela! Je n'aurais pas davantage été capable

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de donner quelques conseils à mes soeurs, si vous, ma Mère, qui me représentez le bon Dieu, ne m'aviez donné grâce pour cela.
C'est au contraire à vos chers fils spirituels qui sont mes frères que je pensais en écrivant ces paroles de Jésus et celles qui les suivent: - "Je ne vous prie pas de les ôter du monde... je vous prie encore pour ceux qui croiront en vous sur ce qu'ils leur entendront dire." NHA 1036 Jn 17,15 Jn 17,20 Comment en effet pourrais-je ne pas prier pour les âmes qu'ils sauveront dans leurs missions lointaines par la souffrance et la prédication?
Ma Mère, je crois qu'il est nécessaire que je vous donne encore quelques explications sur le passage du Cant. des cant.: - "Attirez-moi, nous courrons." Ct 1,3 car ce que j'en ai voulu dire me semble peu compréhensible. "Personne, a dit Jésus, ne peut venir après moi, si mon Père qui m'a envoyé ne l'attire." NHA 1037 Jn 6,44 Ensuite par de sublimes paraboles, et souvent sans même user de ce moyen si familier au peuple, Il nous enseigne qu'il suffit de frapper pour qu'on ouvre, de chercher pour trouver et de tendre humblement la main pour recevoir ce que l'on demande... NHA 1038 Il dit encore que tout ce que l'on demande à son Père en son nom Il l'accorde. NHA 1039 Lc 11,9 Lc 11,13 Jn 16,23 C'est pour cela sans doute que l'Esprit Saint, avant la naissance de Jésus, dicta cette prière prophétique: Attirez-moi, nous courrons.
Qu'est-ce donc de demander d'être Attiré, sinon de s'unir d'une manière intime 171 à l'objet qui captive le coeur? Si le feu et le fer avaient la raison et que ce dernier disait à l'autre: Attire-moi, ne prouverait-il pas qu'il désire s'identifier au feu de manière qu'il le pénètre

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et l'imbibe de sa brûlante substance 172 et semble ne faire qu'un avec lui. Mère bien-aimée, voici ma prière, je demande à Jésus de m'attirer dans les flammes de son amour, de m'unir si étroitement Lui, qu'Il vive et agisse en moi. Ct 1,2-3 Ga 2,20 Je sens que plus le feu de l'amour embrasera mon coeur, plus je dirai: Attirez-moi, plus aussi les âmes qui s'approcheront de moi (pauvre petit débris de fer inutile, si je m'éloignais du brasier divin), plus ces âmes courront avec vitesse à l'odeur des parfums de leur Bien-Aimé, car une âme embrasée d'amour ne peut rester inactive 173 , sans doute comme Ste Madeleine elle se tient aux pieds de Jésus, elle écoute sa parole douce et enflammée. Paraissant ne rien donner, elle donne bien plus que Marthe qui se tourmente de beaucoup de choses NHA 1040 et voudrait que sa soeur l'imite. Ce ne sont point les travaux de Marthe que Jésus blâme, ces travaux, sa divine Mère s'y est humblement soumise toute sa vie puisqu'il lui fallait préparer les repas de la Ste Famille. C'est l'inquiétude seule de NHA 1041 174 son ardente hôtesse qu'il voudrait corriger. Lc 10,39-41 Tous les saints l'ont compris et plus particulièrement peut-être ceux qui remplirent l'univers de l'illumination de la doctrine évangélique. N'est-ce point dans l'oraison 175 que les St St Paul, Augustin, Jean de la Croix, Thomas d'Aquin, François, Dominique et tant d'autres illustres Amis de Dieu ont puisé cette science Divine qui ravit les plus grands génies? Un Savant a dit: "Donnez-moi un levier, un point d'appui, et je soulèverai le monde." Ce qu'Archimède n'a pu obtenir parce que sa demande ne s'adressait point à Dieu et qu'elle n'était faite qu'au point de vue matériel, Les Saints l'ont obtenu

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dans toute sa plénitude. Le Tout-Puissant leur a donné pour point d'appui: Lui-même et Lui seul. Pour levier: L'oraison, qui embrase d'un feu d'amour, et c'est ainsi qu'ils ont soulevé le monde, c'est ainsi que les Saints encore militants le soulèvent et que jusqu'à la fin du monde les Saints à venir le soulèveront aussi.
Ma Mère chérie, maintenant je voudrais vous dire ce que j'entends par l'odeur des parfums du Bien-Aimé. Ct 1,3 - Puisque Jésus est remonté au Ciel, je ne puis le suivre qu'aux traces qu'Il a laissées, Mc 16,19 mais que ces traces sont lumineuses, qu'elles sont embaumées! Je n'ai qu'à jeter les yeux dans le St Évangile 176 , aussitôt je respire les parfums de la vie de Jésus et je sais de quel côté courir... Ce n'est pas à la première place, mais à la dernière que je m'élance 177 , au lieu de m'avancer avec le pharisien, Lc 14,10 je répète, remplie de confiance, l'humble prière du publicain, Lc 18,13 mais surtout j'imite la conduite de Madeleine, son étonnante ou plutôt son amoureuse audace Lc 7,36-38 qui charme le Coeur de Jésus, séduit le mien 178 . Oui je le sens, quand même j'aurais sur la conscience tous les péchés qui se peuvent commettre, j'irais le coeur brisé de repentir me jeter dans les bras de Jésus, car je sais combien Il chérit l'enfant prodigue 179 qui revient à Lui NHA 1042 180 Lc 15,20-24. Ce n'est pas parce que le bon Dieu, dans sa prévenante miséricorde a préservé mon âme du péché mortel 181 que je m'élève à Lui

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par la confiance et l'amour 182 .






NOTES DU MANUSCRIT C


Note 1

Note: 1 Thérèse établit une corrélation directe avec son premier Manuscrit (cf. supra, MSA 2,1r , (!n.3>MsA 1003]). Elle ne cesse pas de chanter: les Manuscrits, comme les Poésies, sont un «cantique d'amour», une «mélodie du ciel» (MSC 18,2v cf. MSA 85,2v ).

Note: 2 Brûler revient quarante-huit fois dans les Ecrits.

Note: 3 Le 8/9/1890, jour de sa profession. Voir la lettre de Mère Marie de Gonzague, LD 840, en CG, pp. 580s.

Note: 4 Thérèse a toujours le sentiment de l'ineffable et de ce qui ne peut se dire (MSA 14,2v , MSA 26,1r; MSB 1,1r /1v ). Cf. Carmel, 1957, pp. 253-265.

Note: 5 L'élection difficile de Mère Marie de Gonzague au priorat, le 21/3/1896. Bien que Mère Agnès ne fût pas réélue, Thérèse se montra d'une loyauté à toute épreuve envers la nouvelle (et ancienne) prieure.

Note: 6 La simplicité de la colombe n'exclut pas la prudence du serpent . .. pour naviguer au milieu des écueils, entre ses deux Mères (cf. LT 190).

Note: 7 Thérèse définit en peu de mots ses rapports avec Mère Marie de Gonzague, qu'elle connaît depuis l'âge de neuf ans, et qui a cru à sa vocation (MSA 26,2v ); la prieure l'a traitée comme son enfant (CG pp. 135 et 145-146), bien qu'elle se montrât fort sévère pour Thérèse les premiers temps au Carmel (cf. MSA 70,2v ).

Note: 8 La nouvelle prieure n'a pas encore lu le Ms A cf. supra, MSA 69,2v et MSA 70,2v , n. 314.

Note: 9 Cf. MSA 28,2v et MSA 31,1r . Il faut une certaine audace pour oser dire à sa prieure que c'est par elle que «ce bienfait lui fut dispensé».

Note 10

Note: 10 Texte parallèle en CJ 21.7.4; cf. DE, p. 382.

Note: 11 La répétition de cet adverbe (treize fois dans le. Ms C; cf. DE, p. 43) montre combien Thérèse a conscience d'avoir atteint un point de non-retour, et le degré de liberté spirituelle où elle est maintenant parvenue.

Note: 12 En ayant confié à Thérèse la charge des novices (sans le titre de maîtresse), et en lui demandant d'écrire ses pensées (sur la confiance de Marie de Gonzague, cf. Marie de la Trinité, PA, pp. 494s. et PO, p. 471).

Note: 13 Thérèse insiste par trois fois dans le Ms C sur la liberté de Dieu (cf. MSC 10,2v et MSC 19,2v ). Thérèse a un sens équilibré de cette liberté qui n'a rien d'arbitraire, qui commande la «prédestination», mais qui ne lèse personne, puisqu'il y a la communion des saints, où tout le monde s'enrichit de la prédestination libre de chacun (cf. LT 36,2v; LT 57,1v; LT 103; MSA 2,1r /v )

Note: 14 Cf. MSA 32,1r , MSA 33,1r; LT 45,1v; LT 52,1v; LT 80; PRI 6,11; PN 20,5 RP 8,3v,4r; LC 77, en CG, p. 346; et CG, pp. 533s., Prières, p. 92.

Note: 15 Ce symbole privilégié de Thérèse depuis mars 1888 avait disparu depuis sa profession et reparaît ici (cf. infra, LT 45, n. 4 LT 104, n.2; CG, pp. 349 + d et 1170).

Note: 16 Un des grands ressorts de la pensée et de la vie de Thérèse MSA 71,1r; MSC 22,2v , MSC 31,1r; cf. LD 620 du 21/10/1887, CG, p. 251).

Note: 17 L'unique lieu, dans les Ecrits, où Thérèse parle d'une «petite voie»; elle n'emploie jamais l'expression célèbre de «l'enfance spirituelle».

Note: 18 Thérèse et Céline s'étaient bien amusées dans les ascenseurs pendant le voyage de Rome. Mais le mot n'apparaît pour la première fois que le 23/5/1897 (LT 229; cf. CG, p.989+c).

Note: 19 Cf. LT 258,2r .

Note 20

Note: 20 Cf. MSB 1,1r .

Note: 21 Le verbe «chercher» revient cent vingt-deux fois dans les Ecrits; cette ténacité est pour Thérèse une des clés de la perfection, comme le montre en particulier le présent passage (2v /3r ). Cf. MSA 20,2v , MSA 32,1r , MSA 48,1r , MSA 55,2v , MSA 61,1r; MSB 3,1r , 3v , MSB 4,1r , 4v; LT 104 LT 167; PN 23,1 RP 6,5v; RP 8,5r; PRI 2, etc.

Note: 22 Cf. le témoignage de Marie de la Trinité (PA, p. 488; cf. VT, n 73, p. 64).

Note: 23 L'expression se rencontre dans les écrits suivants, par ordre chronologique: LT 141,1v (cf. n. 2); LT 154,2v; RP 1,12v; PN 11,3 PN 13,5 PN 31,4 PN 45,4 PN 54,6 LT 242; et ici. Cf. CJ 18.4.1; 6.8.8; 7.8.4; 25.9.1; PO, pp. 467s.

Note: 24 Faire plaisir à Jésus: cf. supra, MSB 2,2v , n. 32 ; et MSA 44,2v, MSA 64,1r, MSA 73,2v, MSB 4,1r; MSC 8,1r , MSC 14,1r; LT 78,2v; LT 93,2v; LT 143,2v; LT 149,2v; LT 160,2r; LT 161,2v; LT 165,2v; LT 241 LT 257,2v; PRI 6; CJ 9.5.3 (et DE, p. 418); 15.5.2 30.7.3; 4.8.8..

Note: 25 Le pôle négatif de la doctrine des «mains vides», qui coexiste pour Thérèse avec le désir et la certitude de pouvoir «faire du bien sur la terre après sa mort» (CJ 13.7.17; 17.7). Cf. LT 221, 3r; PRI 17,18.

Note: 26 Auprès des novices, officiellement depuis le 21/3/1896. Mais Thérèse semble avoir refusé le titre de maîtresse des novices, par prudence vis-à-vis de la prieure et de la Communauté. En septembre 1893, elle avait demandé à prolonger son temps de noviciat (cf. CG, pp. 725 et 728 + h), où elle resta jusqu'à sa mort.

Note: 27 Les novices avec les professes.

Note: 28 Les derniers mots sont soulignés, comme pour avertir le lecteur, avant ce qui va suivre, que, malgré cela (maladie et épreuve de la foi), elle n'est «troublée de rien», grâce à la «Parole» de Dieu.

Note: 29 Cf. PN 54,16; LT 253 LT 254; DE, pp. 485, 500 (29.7.2).

Note 30

Note: 30 Mère Marie de Gonzague était donc au courant de cette tentation contre la foi, commencée en avril 1896, que Mère Agnès n'a connue qu'en 1897.

Note: 31 Pour adoucir le choc de son récit, en particulier sur Mère Agnès (cf. infra, notes de LT 231 LT 232 LT 233), Thérèse parle de ses hémoptysies dans un climat de joie; elle n'en est pas moins sincère, même si le récit est «plus beau que nature».

Note: 32 Cf. infra, le «Régime du Carmel de Lisieux en 1897».

Note: 33 Première hémoptysie dans la nuit du 2 au 3 avril 1896, seconde le soir du vendredi 3.

Note: 34 Reposoir du Jeudi Saint.

Note: 35 Réveil à 5 h 45 jusqu'à Pâques.

Note: 36 Imitation, .

Note: 37 Le Vendredi Saint, la prieure faisait, à la salle du chapitre, une allocution sur la charité, et les soeurs se demandaient pardon en s'embrassant.

Note: 38 Marie de la Trinité, qui incrimine durement Mère Marie de Gonzague au PO (p. 462), témoigne de l'état de Thérèse ce jour-là (cf. PA, p. 484).

Note: 39 Cf. LT 244 LT 258,1v; surtout RP 3,23r et Récréations, p. 339.

Note 40

Note: 40 Par exemple, M.Tostain, le mari de Marguerite Maudelonde (cf. LT 126, CG, p. 635+a; DE, p. 551). Rappelons que Leo Taxil s'est démasqué deux mois avant (cf. TrH, p. 114).

Note: 41 Cf. MSA 33,1r .

Note: 42 Sentir ( = expérimenter) par opposition à je croyais ( = je m'imaginais). Thérèse fait grand usage de ce verbe, spécialement dans le Ms C.

Note: 43 Le mot, pour Thérèse, a toute sa force johannique (Jn 1,5), déjà au moment de sa profession (MSA 76,1r ) et surtout huit fois dans le Ms C.

Note: 44 Cf. PN 46,4 PN 54,4. Depuis: «Mon premier enfant» pour Pranzini (MSA 46,2v ), on note le changement d'expression: le rapport s'approfondit.

Note: 45 C'est l'acceptation totale de la vocation pressentie en 1887 (MSA 45,2v ), confortée par l'affaire Pranzini. Jésus a donné l'exemple en mangeant à la table des pécheurs.

Note: 46 A l'heure où s'éclipse pour elle le «lumineux flambeau de la foi», une autre lumière se lève en son coeur, « le flambeau de la charité» (MSC 12,1r; cf. CG, p. 885 et CSG, pp.93-96).

Note: 47 Thérèse ne se décourage jamais; cf. MSB 3,2v; MSC 2,2v , MSC 6,2v , MSC 17,2v , MSC 31,1r , LT 26,2r , LT 143,2v , LT 150,2r; LT 202,2r; PRI 7 PRI 20; et surtout CJ 6.4.2; 20.7.1; 4.8.4; 6.8.8.

Note: 48 Au moment où elle va décrire l'expérience la plus rude, Thérèse adopte un langage poétique qui fait ressentir au lecteur l'acuité de cette épreuve, avec une finale dramatique qui tombe comme un couperet de guillotine.

Note: 49 Le parfum chez Thérèse dépasse de loin sa valeur sensuelle, comme le montrera la grande conclusion, brisée par la mort, du présent Manuscrit (en particulier MSC 36,1r /v ). Cf. Poésies, Il, pp. 215 et 337; Prières, p. 72.

Note 50

Note: 50 Cf. infra, PRI 19, introduction aux notes: CJ 10.8.7, n.35.

Note: 51 Cf. RP 7,2-4, scène 3; Récréations, p. 252. Dans le MSC 14,2v /15r , au lieu de se disputer avec soeur Marthe, elle préfère prendre la fuite, déserter.

Note: 52 Cf. PRI 19, et note.

Note: 53 Thérèse écrit également en juin 1897 (BT, p. 82) ce verset à la fin de l'Evangile qu'elle garde toujours sur elle; cf. CJ 13.7.16. Cf. infra, PN 45, introduction aux notes.

Note: 54 Deuxième anniversaire de l'Offrande à l'Amour Miséricordieux. La date au crayon, de Thérèse, paraît tardive. Cf. aussi CJ 9.6.2.

Note: 55 Cf. CJ 27.7.5, qui cite Jean de la Croix (Vive Flamme, I,6, et p. 157); DE, pp. 492-495.

Note: 56 Cf. CJ 13.7.13; 27.7.14; LT 258,1v . Thérèse a toujours aimé les saints et les martyrs jeunes: Cécile, Agnès, Jeanne d'Arc, Théophane Vénard, Tarcisius, Stanislas Kostka, les Saints-Innocents.

Note: 57 Cf. LT 213,2v; LT 218,1v; LT 220,1v ,2r . Cf. RP 8, infra, n. 20 RP 820; VT, n 99, p. 147. Travailler, c'est prier et s'immoler.

Note: 58 Le voeu de Thérèse, répétant les paroles de l'Imitation (MSA 36,2v ), a ainsi été comblé (MSA 30,2v ).

Note: 59 Cf. MSA 26,1r . Thérèse s'est tenue dans une grande réserve vis-à-vis de ses soeurs au Carmel. Cf. CJ 3.8.6; PA, p. 189; PO, p. 417.

Note 60

Note: 60 Le soulignement de «en famille» prouve que Thérèse veut insister sur le fait que sa famille, ce ne sont pas ses soeurs Martin, mais toutes les soeurs du couvent.

Note: 61 Thérèse a donc pensé depuis longtemps à partir en mission (CG, pp. 634+g; 728+d), au moins depuis sa profession en 1890. Ce qui correspondait d'ailleurs à un désir de jeunesse (PA, p. 231).

Note: 62 Cf. Imitation, .

Note: 63 Le P. Roulland s'embarquait à Marseille pour la Chine (cf. CG, pp. 855ss, 872-880).

Note: 64 Cf. BT, pp. 187-190.

Note: 65 En 1861 ou 1862. Cf. LT 221,2v et AL, n 641.

Note: 66 Thérèse rêve de la condition la plus dure qui soit («pauvreté, manque d'affection, exil du coeur»), correspondant à cette vie presque érémitique dont elle parlait jadis à Céline (cf. CG, p. 728+d). Cf. Imitation, , et PO, p. 467.

Note: 67 Thérèse passait pour lente et peu pratique, cf. par exemple CJ 15.5.6 et 13.7.18. Ce n'est pas pour prêcher ou «rendre des services» qu'elle désire partir en mission, l'idéal carmélitain reste identique: aimer, se «sacrifier».

Note: 68 C'est pour Thérèse la période ultime du plein abandon, qui remplit ces deux pages 10r /v .

Note: 69 Thérèse n'admettait pas que les novices critiquent la prieure (cf. PO, p. 453; VT, n 101, p. 45).

Note 70

Note: 70 On peut penser que la charge quasi officielle du noviciat (mars 1896), l'adoption effective de Maurice Bellière (première lettre en octobre), l'aide à Marie de Saint-Joseph (mars 1896) ont beaucoup appris à Thérèse au plan fraternel (cf. Récréations, p. 404, 4r , 9-13). Selon Mère Agnès, parler de la charité fraternelle fut la première idée de Thérèse, quand elle commença son Manuscrit (PA, p. 173). D'après Marie de la Trinité, elle aurait souhaité d'abord commenter le Cantique des Cantiques (CRM)

Note: 71 Le prochain n'est pas un mot du vocabulaire de Thérèse; il n'apparaît que dans ce passage et une fois dans CJ 9.5.2.

Note: 72 En écriture penchée, et soulignés, ces mots de Jésus (et essentiellement le 'comme') sont le levier de cette grande exégèse de la charité (cf. BT, pp. 245s. et PS 7 PN 61). Sentence inscrite sur l'un des murs du lieu de récréation, où Thérèse a pu la lire deux fois par jour pendant neuf ans.

Note: 73 Des antithèses bien thérésiennes: «la science, la Sagesse éternelle» qui fait de «pécheurs ignorants» ses amis, ses frères.

Note: 74 Thérèse donne une sorte de sommaire des pensées qu'elle va développer sur la vie en communauté.

Note: 75 Cf. les paroles rapportées par Marie de la Trinité, en VT, n 77, pp. 53s.

Note: 76 A nouveau Thérèse souligne " tous " pour insister. Remarque encadrée par deux déclarations symétriques: « ici, je suis aimée (... ) de toutes les soeurs» (MSC 10,1r ) et «plus j'aime toutes mes soeurs» (MSC 12,2v ).

Note: 77 Thérèse utilise chaque citation biblique comme un marchepied pour rebondir: elle ne peut aimer comme Jésus, si ce n'est Jésus qui aime en elle; et du même coup, voici qu'elle aime comme Jésus: «Lorsque je suis charitable, c'est Jésus seul qui agit en moi» (infra). Elle est bien dans la ligne de Ga 2,20 (cf. BT, p. 274). Cf. MSA 76,1r , MSA 78,1r; MSB 3,2v; MSC 12,2v , MSC 36,1r; PRI 7

Note: 78 Récit parallèle en CJ 6.4.3, qui nous donne en plus le nom des personnages. L'épisode se passe en décembre 1896.

Note: 79 Voir ce que Thérèse dit à Marie de la Trinité des récréations comme occasion d'exercer la charité (VT, n 73, p. 66), ainsi qu'à Marie de l'Eucharistie (VT, n 99, 146).


Thérèse EJ, Histoire d'une âme G 31