F. de Sales, Lettres 757

LETTRE CCXVIII, A SA SAINTETÉ LE PAPE PAUL V.

757

Annecy, le 7 mars 1612.

Beatum Amedaeum, Sabaudioe ducem tertium, in sanctorum numerum référendum docet.

Beatissime Pater.

Semper quidem opéras pretium fuit homines qui peculiari ac illustriori vitae sanctimoniâ Deum coluerunt, in sanctorum numerum publicà Ecclesiae auctoritate, solemnique ritu referri : sic enim Deus in sanctis suis uberius laudatur, sanctorum gloriam libentius enarrant populi, et lau-dem eorum splendidius annuntiat Ecclesia. Cum-que majore fiduciâ sanctorum mérita recolimus, majore quoque fructu eorum intercessionibus ad-juvamur, ac denique eorum exempla vehemen-tius nos provocant, de quorum sanctitate mentes nostrae nullatenus dubitant.

At verô, beatissime pater, hoc quod semper et ubique dignum et justum est, hisce nostris tem-poribus, non equidem salutare tantum, sed ferè necessarium videri débet; cum s'cilicet abundavit iniquitas, refrigescit charitas multorum, imô propemodum omnium : undè quoniam dèfecit sanctus à terra, ex iis qui redempti sunt de terra, revocandi sunt in memoriam et in médium Ecclesiae reducendi illi qui hactenus majore sanctita-tis splcndore claruerunt; ut sint, quemadmo-dum eorum non nemo dixit, in spéculum et exemplum, ac quoddain veluti condimentum vitee hominum super terrain, sicque apud nos ctiam post mortem vivant, et multos ex iis qui viventes mortui sunt ad veram provocent et revocent vi-tam.

Cum igitur scirem, beatissime pater, permul-tos ex istis omnium ordinum vros, à beatitudine vestrà expetisse ut beatum Amedaeum, Sabaudioe ducem tertium, sanctorum catalago adscribere dignaretur ; nolui sanè neque debui eomittere quin humillimis precibus id ipsum ab apostolicâ beatitudinis vestroe providentiâ postularem.

Quod dum facio, idem omnia mecum agere vi-dentur.

Postulat id, non precibus, sed jure, Dei om-nipotentis majestas, quoe in hoc beato principe clarius miraculis apparebit. Postulat Jérusalem illa.coelestis, mater nostra, quoe suum civem à nobis debitis honoribus celc-brari laetabitur.

Postulat hoee nostra Jérusalem inferior, cui beatitudo vestra proeest, quoe tanti filii nomen scriptum in coelis, gaudebit sanctificari in terris.

Postulat rerum proeclarè à sanctitate vestrâ ges-tarum séries, ut quia nuper ex principibus eccle-siasticis divum Carolum sanctis annumeravit, hune quoque ex soecularibus adjungat, ut utrius-que sortis homines habeant quod imitentur:

Postulat serenissimorum Sabaudiaî ducum fa-milia., quoe non solum fidei constantiâ, sed proe-claris etiam fortitudinis operibus, magnum fiWxa et deinceps Ecclesiae attulit et afferet solatium.

Postulat hoec universa Sabaudorum provincia, maxime vero hoec dioecesis Gebennensis, quae tanti principis nobilitata natalibus, magnam in ejus precibus spem meritô collocabit.

Postulant denique ipsius beati Amedaei mérita et miracula, quai pondère et numéro maxima sunt et illustrissima.

Age ergo, beatissime pater, et hanc quoque lucernam igné divino accensam ne diutius- sub modio relinquas ; sed pone eam super candelabrum, ut luceat omnibus qui in domo sunt : nomen ejus. sanctifica, qui" nomen Dei tantà cha-ritate sanctificavit, ac miraculorum multitu-dine collustravit : annuntia toti Ecclesiae quoe est in terris, quia Dominus mirificavit sanctum suum, in coelis, ut exaudiat nos cum clamaverimus. ad eum.

Hoec sunt vota ejus qui beatitudinem vestram diu ac féliciter christianis omnibus praeesse ac pro-clesse omnibus animi viribus exoptat.





Il lui représente qu'il est de la justice de canoniser le bienheureux Amédée III, duc de Savoie.



Très-saint Père,

1. Il a toujours été à propos que ceux qui ont servi Dieu plus fidèlement, et dont la sainteté a éclaté davantage pendant leur vie, fussent mis après leur mort au nombre des saints, et honorés d'un culte solennel par l'autorité publique de l'Église. Par ce moyen Dieu est plus glorifié dans ses saints, les peuples racontent plus librement leurs glorieuses actions, et l'Église publie plus magnifiquement leurs louanges ; nous ressentons aussi les effets de leur intercession, à proportion de la confiance avec laquelle nous les honorons ; enfin, les exemples de ceux sur la sainteté desquels il ne peut venir aucun doute, nous excitent plus puissamment et plus efficacement à la vertu.

Or, très-saint père, ce qui a été juste et louable dans tous les temps et dans tous les lieux, semble, au temps où nous sommes, non-seulement utile, mais nécessaire, parce que l'iniquité ayant été grande, la charité de plusieurs, et même de la plupart des chrétiens, s'est refroidie (cf.
Mt 24,12). Puis donc qu'il n'y a plus de saints sur la terre (Ps 11,2), il faut, parmi ceux qui en ont été rachetés (Ps 107,2), rappeler à notre mémoire, et faire revenir ici-bas, pour ainsi dire, quelques-uns de ceux qui s'y sont distingués jusqu'à présent par une plus grande sainteté; afin qu'ils soient, comme l'un d'entre eux s'est exprimé, le miroir, l'exemple, et comme l'assaisonnement de la vie des hommes sur la terre ; en sorte qu'ils vivent au milieu de nous après leur mort, et qu'ils ressuscitent à la vraie vie beaucoup de chrétiens qui sont morts, quoique vivants (cf. 1Tm 5,6).

2. Sachant donc, très-saint père, qu'un nombre considérable de personnes de différents états ont demandé avec instance à votre sainteté, qu'il lui plût écrire au catalogue des saints le bienheureux Amédée III, duc de Savoie, je n'ai ni voulu ni dû manquer de lui faire la même supplication.

Il me semble que tout m'invite à le faire, et le fait avec moi.

La majesté de Dieu tout-puissant, qui doit éclater plus évidemment par les miracles de ce bienheureux prince, le demande, non par des prières, mais par un droit qui ne peut lui être contesté.

La Jérusalem céleste, notre mère, le désire aussi, à cause de la part qu'elle prend à la gloire de son citoyen, et de la joie qu'elle aura des honneurs que nous lui rendrons.

Notre Jérusalem inférieure, à laquelle vous présidez, très-saint père, en fait de même, et sera charmée de glorifier sur la terre le nom d'un tel fils, déjà écrit dans le ciel.

La suite des belles actions que votre sainteté a faites jusqu'à présent exige qu'ayant canonisé depuis peu un prince de l'Église, qui est S. Charles Borromée, elle tienne la même conduite à l'égard d'un prince du siècle, afin que les personnes de l'une et de l'autre condition aient un modèle à imiter.

Vous en êtes encore sollicité, très-saint père, par la famille des sérénissimes ducs de Savoie, laquelle, par sa constance dans la foi et par ses glorieux exploits, a autrefois, et dans toute la suite des temps, apporté et apportera encore de grands avantages à l'Église.

Ajoutez à tout cela toute la Savoie et ses dépendances, mais principalement le diocèse de Genève, qui, ennobli par la naissance d'un si grand prince, prétend disputer à tout l'univers de la confiance qui est due à son intercession, et avec justice.

En un mot, rien n'est plus pressant que les mérites et les miracles du bienheureux Amédée, qui sont très-considérables, tant par leur qualité que par leur grand nombre.

Laissez-vous donc gagner, très-saint père ; ne souffrez pas que cette lampe embrasée d'un feu tout divin demeure plus longtemps cachée sous le boisseau ; mais placez-la sur le chandelier, afin qu'elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison de l'Église (Mt 5,15); exaltez le nom de celui qui a sanctifié le nom de Dieu par le zèle si actif de sa charité, et qui en a étendu la gloire par une multitude de miracles ; annoncez à toute l'assemblée des fidèles qui sont sur la terre, que le Seigneur a glorifié son saint dans le ciel, pour nous exaucer lorsque nous réclamerons son assistance (Ps 4,4). Ce sont là les voeux de celui qui désire de tout son coeur que votre sainteté préside longtemps et heureusement à l'Église chrétienne, pour le bien de tous ses enfants. Je suis avec le plus profond respect, très-saint père, de votre sainteté, etc.



LETTRE CCXIX., A SOEUR FAVRE, DE LA VISITATION.

758
Il lui recommande de ne point tourmenter son coeur, ains de le traiter doucement, l'encourager, et veiller sur lui.

10 mars 1612.

Nous parlons ici de vous si souvent, et avec tant de plaisir, ma chère fille, que vous ne devez pas avoir soin de nous en rafraîchir la mémoire. Mais ce n'est pas cela que je vous veux dire ; car j'ai d'autres choses à vous demander. Dites-moi donc vous-même, ma chère fille ; le pauvre coeur bienaimé, comme se porte-t-il? est-il toujours vaillant et vigilant pour s'empêcher des surprises de la tristesse ? Je le vous recommande au nom de notre Seigneur, ne le tourmentez point ; je dis même, quand bien il aurait fait quelque petit détour : mais reprenez-le doucement, et le ramenez en son chemin ; car il est bon, certes, ce chétif petit coeur de ma grande fille ; et pourvu qu'elle le traite bien, qu'elle demeure un peu soigneusement en attention sur lui, que souvent elle le rencourage par de petites oraisons jaculatoires, par de petites conférences de scâ bons souhaits avec notre mère et avec moi, par de petites bonnes cogitations faites sur ce sujet en diverses occasions, vous verrez, ma chère fille, que ce coeur deviendra un vrai coeur selon le coeur de Dieu. Seigneur Jésus, c'est pour cela que deux fois le jour je vous fais prière particulière. Vivez joyeuse, ma très-chère fille, Dieu vous aime, et vous fera la grâce que vous l'aimerez : c'est le souverain bonheur de l'âme pour cette vie et pour l'éternelle. Ma très-chère fille, je suis incomparablement tout vôtre.



LETTRE CCXX, A MADAME DE CHANTAL.

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Consolations sur les tentations contre la foi ; règles de conduite en cet état.

Chambéry, 28 mars 1612.

1. Or sus, ma très-chère fille, il est bien temps que je réponde, si je puis, à votre grande lettre. Hélas ! oui, ma très-chère, toute vraiment très-chère fille, mais si faut-il que ce soit en courant, car j'ai fort peu de loisir; et n'était que mon sermon, que je vais tantôt faire, est déjà tout formé dans ma tête, je ne vous écrirais autre chose que le billet ci-joint.

Mais venons à l'exercice intérieur, duquel vous m'écrivez. Ce n'est autre chose qu'une vraie insensibilité, qui vous prive de la jouissance, non-seulement des consolations et inspirations, mais aussi de la foi, espérance et charité. Vous les avez pourtant, et en fort bon état, mais vous n'en jouissez pas ; ains êtes comme un enfant qui a un tuteur qui le prive du maniement de tous ses biens, en sorte que, tout étant vraiment à lui, néanmoins il ne manie et ne semble posséder ni avoir rien que sa vie, et, comme dit S. Paul, étant maître de tout, il n'est pas différent du serviteur en cela (
Ga 4,1-2) : car ainsi, ma très-chère fille, Dieu ne veut pas que vous ayez le maniement de votre foi, de votre espérance et de votre charité, ni que vous en jouissiez, sinon justement pour vivre et pour vous en servir es occasions de la pure nécessité.

2. Hélas! ma très-chère fille, que nous sommes heureux d'être ainsi serrés et tenus de court par ce céleste tuteur ! et ce que nous devons faire n'est sans doute autre chose que ce que nous faisons, qui est d'adorer l'aimable providence de Dieu, et puis nous jeter entre ses bras et dedans son giron. Non, Seigneur, je ne veux point davantage de la jouissance de ma foi, ni de mon espérance, ni de ma charité, que de pouvoir dire en vérité, quoique sans goût et sans sentiment, que je mourrais plutôt que de quitter ma foi, mon espérance et ma charité.

Hélas! Seigneur, si tel est votre bon plaisir, que je n'aie nul plaisir de la pratique des vertus que votre grâce m'a conférées, j'y acquiesce de toute ma volonté, quoique contre les sentiments de ma volonté.

3. C'est le haut point de la sainte religion de se contenter des actes nus, secs et insensibles, exercés par la seule volonté supérieure, comme ce serait le supérieur degré de l'abstinence de se contenter de ne manger jamais, sinon avec dégoût, à contrecoeur, et non-seulement sans goût ni saveur.

Vous m'avez fort bien exprimé votre souffrance, et n'avez rien à faire pour remède que ce que vous faites, protestant à notre Seigneur, en pa^ rôles même vocales, et quelquefois encore chantant, que vous voulez même vivre de la mort, et manger comme si vous étiez morte, sans goût, sans sentiment et connaissance.

Enfin ce Sauveur veut que nous soyons si parfaitement siens, que rien ne nous reste, pour nous abandonner entièrement à la merci de sa providence, sans réserve.

4. Or, demeurons donc ainsi, ma très-chère fille, parmi ces ténèbres de la Passion. Je dis bien, parmi ces ténèbres : car je vous laisse à penser, Notre-Dame et S. Jean étant au pied de la croix, emmi les admirables et épouvantables ténèbres qui se firent, ils n'oyaient plus notre Seigneur, ils ne le voyaient plus, et n'avaient nul sentiment que d'amertume et de détresse ; et, bien qu'ils eussent la foi, elle était aussi en ténèbres, car il fallait qu'ils participassent à la déréliction du Sauveur. Que nous sommes heureux d'être esclaves de ce grand Dieu, qui pour nous se rendit esclave (Ph 2,7)!

Mais voilà l'heure du sermon ; adieu, ma très-chère mère, ma fille en ce Sauveur. Vive sa divine bonté ! J'ai une ardeur incomparable pour l'avancement de notre coeur, pour lequel je résigne tous mes autres contentements entre les mains de la souveraine et paternelle providence.

Bonsoir de rechef, ma très-chère fille. Jésus, le doux Jésus, coeur unique de notre coeur, nous bénisse de son saint amour ! Amen.




LETTRE CCXX1.

S. FRANÇOIS DE SALES, A UNE SUPÉRIEURE DE L'ORDRE DE LA VISITATION.

Conseils pour une personne qui désirait fonder un monastère de religieuses de la Visitation. Esprit de cet ordre..

22 avril 1612.

Ma très-chère fille, en peu de mots je vous dis que les âmes qui sont si heureuses que de vouloir employer les moyens que Dieu leur a donnés, à sa gloire, doivent se déterminer aux desseins qu'elles font, et se résoudre de les pratiquer conformément à cette fin. Si elles sont inspirées de faire un couvent de chartreux, il ne faut pas qu'elles veuillent qu'on y fasse les écoles, comme aux jésuites ; si elles veulent faire un collège de jésuites, il ne faut pas qu'elles veuillent qu'on y observe la solitude et le silence.

Si cette bonne dame, que vous ne nommez point, veut faire un monastère de religieuses de la Visitation, il ne faut pas qu'elle les charge de grandes prières vocales, ni de plusieurs exercices extérieurs : car ce n'est pas vouloir des filles de la Visitation.

Il doit, à mon avis, suffire que tout l'intérieur et l'extérieur des filles de la Visitation est consacré à Dieu ; que ce sont des hosties de sacrifice, et des holocaustes vivants ; et toutes leurs actions et résignations sont autant de prières et oraisons ; toutes leurs heures sont dédiées à Dieu, oui, même celles du sommeil et de la récréation, et sont des fruits de la charité. Cela, employé pour son âme, et la gloire qui revient à Dieu de la retraite de tant de filles, étant dédié pour l'accroissement de la charité de ce coeur, fait une somme presque infinie de richesses (spirituelles.

Voilà mon sentiment. De charger les monastères de la Visitation des pratiques qui divertissent de la fin pour laquelle Dieu les a disposés, je ne pense pas qu'il le faille faire. De vouloir tirer des olives d'un figuier, ou des figues d'un olivier, c'est chose hors de propos. Qui veut avoir des figues, qu'il plante des figuiers; qui veut avoir des olives, qu'il plante des oliviers.

Ma très-chère fille, vous êtes tout-à-fait de mon humeur. En la réception des filles, je préfère infiniment les douces et humbles, quoiqu'elles soient pauvres, aux riches moins humbles et moins douces, quoiqu'elles soient riches. Mais nous avons beau dire, Bienheureux sont les pauvres, la prudence humaine ne laissera pas de dire, Bienheureux sont les monastères, les chapitres, les maisons riches. Il faut en cela même cultiver la pauvreté que nous estimons, que nous souffrions amoureusement qu'elle soit mésestimée.

Vous avez reçu deux nouvelles mais anciennes filles de votre maison : le retour est toujours plus agréable aux mères que le départ des enfants. Je suis de tout mon coeur, ma très-chère fille, très-entièrement votre, etc.




LETTRE CCXXII, A M. MILLETET, CONSEILLER DU ROI AU PARLEMENT DE BOURGOGNE.

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Il sollicite sa protection pour un chanoine auquel on disputait la possession d'un bénéfice, sous le prétexte qu'il y avait abus dans les provisions.

Annecy, le 13 mai 1612.

Monsieur mon frère, ce porteur est chanoine de mon église cathédrale, sujet du roi, et régni-cole. Il est appelé devant la cour pour un abus que sa patrie prétend avoir été commis par moi en l'endroit d'une provision de la chapelle. Je crois que l'on considérera qu'il n'y a pas de loi au monde qui m'ait privé de l'usage de mon autorité ecclésiastique en la provision des bénéfices de mon diocèse ; et que, comme M. l'archevêque de Lyon pourvoit en Bourgogne-Comté, M.- l'évoque de Grenoble en Savoie et à Chambéri même, nonobstant leur résidence au royaume, de même dois-je jouir de l'autorité de pourvoir dans le royaume, quoique je sois habitant de Savoie.

Je me persuade que cela est, et néanmoins je crois que j'ai besoin de votre protection, laquelle pour cela je réclame, puisque je suis, monsieur mon frère, votre, etc.




LETTRE CCXXIII.

S. FRANÇOIS DE SALES, A MADAME DE CHANTAL.

( Tirée de la maison des dames de Miramion.) Lé saint lui donne avis de son retour à Annecy.

AGcx, 19 mai 1612.

Je manque à ma parole, ma très-chère fille, mais je ne manque pas au désir d'être ce soir à Annecy. Ce sera demain, Dieu aidant; car les affaires le requièrent ainsi. Or sus, en attendant, bonsoir, ma très-unique fille. Notre-Seigncur vous comble de son amour.



J'ai eu un peu de peine pour la maladie de la petite très-chère soeur, bien que j'en espère bon issue. Je salue toutes nos filles. Mais vrai, ma très-chère fille, vous êtes vraiment tout uniquement et véritablement moi-même. Vive Jésus ! Amen.




LETTRE CCXXIV.

S. FRANÇOIS DE SALES, A UNE DAME.

Le saint l'exhorte à être fidèle aux exercices spirituels et aux vertus, et à ne point s'inquiéter de sa foiblesse. De quelle manière il faut prendre son coeur lorsqu'il a failli.


28 mai 1612, en hâte.

Madame, il est vrai, je-désire fort que quand vous penserez tirer de la consolation en m'écrivant, vous le fassiez avec confiance. Il nous faut joindre ces deux choses ensemble : une extrême affection de bien exactement pratiquer nos exercices ; tant que de l'oraison que des vertus, et de nullement nous troubler, ni inquiéter, ni étonner, s'il nous arrive d'y commettre des manquements; car le premier point dépend de notre fidélité, qui doit toujours être entière et croître d'heure en heure ; le second dépend de notre infirmité, laquelle nous ne saurions jamais déposer pendant cette vie mortelle.

Ma très-chère fille, quand il nous arrive des défauts, examinons notre coeur tout à l'heure, et demandons-lui s'il n'a pas toujours vive et entière la résolution de servir à Dieu ; et j'espère qu'il nous répondra qu'oui, et que plutôt il souffrirait mille morts que de se séparer de cette résolution.

Demandons-lui derechef: pourquoi donc bronches-tu maintenant? pourquoi es-tu si lâche? il répondra : j'ai été surpris, je ne sais comment ; mais je suis ainsi pesant maintenant. Hélas ! ma fille, il lui faut pardonner : ce n'est pas par infidélité qu'il manque, c'est par infirmité; il le faut donc corriger doucement et tranquillement, et non pas le courroucer et troubler davantage. Or sus, lui devons-nous dire, mon coeur, mon ami, au nom de Dieu, prends courage, cheminons, prenons garde à nous, élevons-nous à notre secours et à notre Dieu. Hélas! ma chère fille, il nous faut être charitables à l'endroit de notre âme, et ne la point gourmander, tandis que nous voyons qu'elle n'offense pas de guet à pens.

Voyez-vous, en cet exercice nous pratiquons la sainte humilité : ce que nous faisons pour notre salut est fait pour le service de Dieu ; car notre Seigneur même n'a fait en ce monde que nôtre salut. Ne désirez point la guerre, mais attendez de pied coi. Notre Seigneur soit votre force. Je suis en lui, votre, etc.



LETTRE CCXXV, A MESSEIGNEURS DE LA CONGRÉGATION DES RITS.

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Il les supplie de se rendre favorables à la canonisation du bienheureux Amédée, troisième duc de Savoie (1).,

(1) Ce prince, Amédée ou AmélX du nom, était le troisième duc de Savoie, ceux qui l'avaient précédé ayant porté le titre de comte.


Annecy, 2 juin 1612.

Frà le maledette ed anatematisate opinioni, che dal nefando calvino furono insegnate con maggior veemenza ed impudenza, nella misera città di Ginevra, una fù il dispregio de santi, che con Cristo regnano in cielo, onde il nome loro cerco con ogni modo possibile di mettere fuor di memoria, di profanare le reliquie loro, burlarsi délie loro intercessioni, e bestemmiare contro li loro meriti e gli onori che ad essi si de-vono.

Per questo, come per via affatto opposta nel restante di questa diocesi li popoli catolici, con fervor particolare si esercitano in celebrare ed in-vocare li santi, frà quali li predecessori nostri ebbero grandissima divozione al B. Amedeo, duca terzo, come dalle onorate immagini sue in par-rechi luoghi si vide, che con le insegne di san-tità nelle chiese si vedono.

Ma perché egli non è canonizzato, non se gli fa quell onor pubblico e solenne che ail altezza e verità della santità sua è debito. E quantunque in varie occorrenze abbiano molti provato, quanto sia.la sua intercessione giovevole a chi, con vera fede in Dio, aile sue orazioni ricorre,'tuttavia al-tri non ardiscono invocarlo, s'in tantoche della santa Chiesa venga annumerato fra santi. Il che vedendo che da tutto lo stato del sere-nissimo duca di Savoja, vien con sommo affetto desiderato, e massime dalli reverendiss. arcivescovo di Torino et vescovo di Vercelli, vengo anch'io con tutte le forze dell animo mio a sup-plicare la santa sede apostolica, che si degni far questa grazia a tutti questi popoli circonvicini: e perché in queste occasioni S. beatitudine non suole fare cosa veruna senza in consiglio ed a's-senso délia sacra congregazione délie signorie vostre illustrissime e reverendissime, per questo vengo anco a supplicare che vogliano giovare e favorire quest opéra tanlo pia.

Opéra che agi inimici de santi farà gran confu-sione, alli devoti sarà di gran consolazione, alli principi sveglierà l'appetito d'imitazionc, cd a lutta la Chiesa darà materia di allegrezza e benedizione : ma in particolare a questa desolata diocesi, nella quale nacque e fù allevato quel gran principe, il quale, secondo il nome suo, fù tanto amato ed amatore d'Iddio.

Che si come egli con tutto il fervore magni-ficô il nome divino, cosi anco sua divina maestà, esaltô il suo con tanta multitudine di veri mira-coli, che quando se ne faranno le informazioni, si vederà chiaro che è providenza d'Iddio, che questa canonizzazione sia stata differita sin ades-so, ail eccesso abbondando il dispreggio de senti frà gli heretici di questi conto.rni.

Molto a proposito si metterà innanzi agl occhi loro questa lampada (cf.
Si 26,22 Mt 5,15) che fù accesa frà li predecessori loro, nella quale vedono una vita di mira-bile pietade, e miracoli di mirabile chiarezza. E cosi non dubbitando punto che le signorie loro illustrés, e reyerend. abbiano piacere di promovere un opéra tanto desiderabile, facen-dole umile riverenza, prego nostro Signore Id-dio che le dia la santa pienezza délie sue grazie.





Messeigneurs, le mépris des saints qui règnent avec Jésus-Christ dans le ciel, fut une de ces maudites et détestables opinions que l'impie Calvin enseigna dans la malheureuse ville de Genève avec plus de force et d'impudence. Ce perdu mit tout en oeuvre pour effacer jusqu'au souvenir de leurs noms, pour profaner leurs reliques, et pour tourner en ridicule leur intercession ; et il vomissait mille blasphèmes contre leurs mérites et le culte que nous leur rendons.

C'est pourquoi les peuples catholiques qui sont restés dans ce diocèse, par une conduite tout opposée, s'unissent avec une ferveur admirable pour célébrer et invoquer les saints, entre lesquels nos prédécesseurs ont eu une très-grande dévotion au bienheureux Amédée m, duc de Savoie. Nous en avons des preuves par ses images que l'on voit dans plusieurs églises, avec les attributs qui désignent la béatitude.

Mais parce qu'il-n'est pas encore canonisé, on ne lui rend pas encore l'honneur public et solennel qui est dû à la grandeur et à la certitude de sa sainteté ; et, bien qu'un grand nombre de personnes ayant eu recours à ses prières avec une vraie confiance en Dieu, éprouvent journellement en diverses occurrences quel est le pouvoir de son intercession, il y en a d'autres néanmoins qui ne l'invoquent pas, parce que le Saint-Siège ne l'a pas mis au nombre des saints.

Voyant donc avec quel empressement et quelle affection le demandent les états du sérénissime duc de Savoie, et principalement les révérendissimes prélats l'archevêque de Turin et l'évêque de Verceil, j'ai supplié de tout mon pouvoir le Saint-Siège apostolique qu'il daignât faire cette grâce à tous les peuples circonvoisins. Or, comme il n'est point d'usage que sa sainteté fasse aucune démarche en de semblables occasions, sans la participation et le consentement de la sacrée congrégation de vos seigneuries illustrissimes et révérendissimes, je lui présente ma très-humble requête à ce qu'elle veuille bien favoriser une oeuvre si sainte.

Il n'en faudra pas davantage pour rendre confus les ennemis des saints, pour donner une grande consolation aux personnes dévotes, pour exciter puissamment les princes à imiter les exemples de vertu, et pour fournir à toute l'Église une matière de joie et de bénédiction. Ce diocèse surtout, qui a été réduit à une si grande désolation, se sentira de cette joie, puisque c'est dans son sein que naquit et que fut élevé ce grand prince, qui, selon l'étymologie de son nom, aima si fort son Dieu, et fut tant aimé de lui.

Que s'il a exalté et béni le saint nom de Dieu, aussi la divine Majesté l'a si fort honoré par une multitude de miracles, que, quand les informations s'en feront, on verra clairement que la Providence a voulu que sa canonisation fût différée jusqu'à ce temps où le mépris des saints est porté à son comble par les hérétiques de ces contrées.

Il sera donc fort à propos que cette lampe soit mise sur le chandelier (cf. Si 26,22 Mt 5,15), pour éclairer à leurs yeux; cette lampe, dis-je, qui fut allumée au milieu de leurs prédécesseurs, et qui attira leur admiration sur une vie pleine d'une piété toute divine, et d'une éminente charité. Ainsi, ne doutant nullement que vos seigneuries illustrissimes et révérendissimes ne soient portées d'inclination à faire réussir un projet si désirable, je leur fais ma très-humble révérence, et prie notre Seigneur et notre Dieu de les combler de ses grâces. J'ai l'honneur d'être, avec un profond respect, messeigneurs, de vos seigneuries, etc.



LETTRE CCXXVI, A MM. LES CHANOINES COMTES DE LYON.

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Il s'excuse auprès d'eux de ne pouvoir prêcher l'avent et le carême dans leur cathédrale, sur la difficulté d'en obtenir la permission du duc de Savoie.


Annecy, 25 juin 1612.

Messieurs, je prends à tant d'honneur la recherche qu'il vous a plu de faire de mes prédications pour l'avent et le carême prochain, que si votre rang en l'Église, et le mérite de tant de personnes signalées desquelles votre compagnie est composée, ne m'avaient déjà obligé à vous honorer et respecter, je ne laisserais pas de l'être extrêmement par cette favorable semonce, que de votre grâce vous m'avez faite, à laquelle je vous supplie de croire que j'ai fidèlement correspondu par un sincère désir d'y satisfaire.

Et à cet effet, ne pouvant bonnement partir de cette province où ma charge me tient lié, sans l'agrément de son altesse, non-seulement j'ai fait supplication pour l'obtenir, mais j'ai conjuré un de ceux que je croyais être plus propres, afin d'en solliciter l'entérinement.

Or, voyant que jusqu'à présent je n'ai aucune réponse, et que si par aventure je la recevais négative dans quelque temps, la faveur que vous m'avez faite de me souhaiter serait suivie du déplaisir de n'avoir ni mes sermons, ni peut-être ceux des autres prédicateurs sur lesquels, à mon défaut, vous pourriez avoir jeté les yeux, d'autant que cependant ils se pourraient engager ailleurs; cela, messieurs, fait que je vous supplie de ne plus continuer envers moi l'honneur de votre attente, et de colloquer celui de votre choix en quelque autre qui ait plus de liberté que moi pour l'accepter. Vous ne pourrez que beaucoup gagner au change, si l'on a égard à la suffisance, puisqu'en cette partie-là je suis inférieur à tous les prédicateurs qui hantent les bonnes villes, et montent es grandes chaires comme la vôtre. Mais quant à l'affection de vous rendre du service et du contentement, je pense que malaisément éviteriez-vous de la perte, puisqu'en vérité j'ai le coeur tout plein d'amour et de révérence pour vous, et d'ardeur et de zèle pour l'avancement de la vraie piété en votre ville.

Que si, après ces longueurs, qui sont ordinaires es cours, la réponse de son altesse m'arrivait selon votre désir et le mien, et qu'il vous plût me conserver l'élection que vous aviez faite de moi pour une autre année, je vous assure, messieurs, que je vous conserverai de mon côté la volonté que j'avais prise de suivre la vôtre ; volonté que je vous offre dès maintenant avec bien humble remerciement, pour demeurer toute ma vie, messieurs, votre, etc.



LETTRE CCXXVII, A MONSEIGNEUR L'ARCHIDUC DE FLANDRE (D'AUTRICHE) ALBERT VII.

797
Rogat ut protectione suà pias quasdam virgines, religiosum vitoe genus méditantes, ab obvientibus impedimentis defendat.


Gex, 29 juin 1612 (éd. Annecy: 29 juillet).

Cum hoc tempus aestivum, augustissime princeps'r in recencendis rébus ecclesiasticis hujus regionis Gaïanae impenderem, ecce à finitimo op-pido Sancti-Claudii, vineae queedam parvuls, ut anteà suavissimum piètatis odorem, istae nunc amarum mentis suae dolorem dederunt.

Aliquot enim illius loci virgines devotissimse, cum summoperè cuperent religiosum vitae genus aggredi, viderentque se tam longé à monasteriis mulierum abesse, ut vix possent sperare se expe-titis sponsi coelestis nuptiis aliquando potituras, de monasterio ibi construendo cogitare coeperunt ; cumque res bonis omnibus grata jamjam initium habitura videretur, repente ab hominibus venit turbatio. Solemne namque est omnibus regnum " et gloriam Dei paulô pressius quxrentibus, peri-cula in mari, pericula in terra, sed maxime à fal-sis fratribus, hoc est, à vulpibus parvulis quae de-moliuntur vineas, experiri.

Ergo, serenissime princeps, congregatio illa virginum, quamvis institutum Ecclesiae judicio probatum, et in Burgundiâ jampridem incoeptum, colère vellet, multis tamen contradicentibus hujus soeculi filiis, qui et interdum, per horrendam as-tutiam, pietatem pietatis preetextu evellunt, nullà ratione hue usque negotium illud sacrum confi-cere valuit.

Verum in tantâ difficultate, etsi plerique sim-plieissimis virginibus desperationem injicerent, non potuerunt nihilominus illae non rectè sperare, dum videlicet in celsitudinis vestrae summam pic-tatem oculos mentis conjiciunt, arbitrât* sanè meritô se ab eà facile praesidium impetrare.posse, quo omnia impedimenta dispellantur.

Et quia sexui et virginitati pudor naturà indi-viduus cornes est, non sunt ausae ad pedes celsitudinis vestrae, nisi aliquo sacerdote duce, accedere : undè me, tanquam ex antistibus viciniorem, rogaverunt, ut eas earumque sanctum desiderium eidem piissimoe celsitudini vestroe per litteras com-mendarem;

Quod dum impensissimis precibus faciô, non certè proptcreà me velle ambulare in magnis (
Ps 130,8) existimare quisquam débet, ideô namque ambulo confidenter (Pr 10,3), quia ambulo simplicitcr, confisus nimirum préces meas à plerisque magnoe apud, vestram celsitudinem auctoritatis, intcrccssori-bus, auxilium accepturas. Postulabit cnim mecum id ipsum quod expeto, irinata vestroe celsitudinis benignitas, infusa religio, parta deyotio, ac déni--que horumtemporummiserandaconditio, quoe ea est, ut preces plurimas, ac proindè precatores multos requîrat.

Quarenovum hoc mysticum examen apum, ora-tionis mellificium meditantium, eo gratius celsitudini vestroe futurum duxi, quô locupletiorem et utiliorem huic oetati operam navare constituit. Vivepôrrô, celsissime et screnissimc princeps vive quàm diutissimè, quàmfelicissimè, acsanc-tissimè, et sacrarum.harum virginum humillima-ram faventibus oculis àspice, excipe, perfide vo-tum, quod humillimô exposuit serenissimoe celsitudini vestroe, etc.



Il le supplie d'interposer son autorité pour faire cesser l'empêchement que l'on mettait à un établissement de religieuses annonciades dans le bourg de Saint-Claude au comté de Bourgogne.


Monseigneur, pendant cette saison, lorsque j'étais au pays de Gex pour y régler les affaires ecclésiastiques, quelques filles de la ville de Saint-Claude, qui, semblables à des vignes en fleur, répandent partout la douce odeur de la piété, sont venues m'exposer la douleur amère de leur âme.

Elles ont un ardent désir d'être religieuses ; mais, voyant qu'elles sont si éloignées de tous les monastères de filles, qu'elles désespèrent de pouvoir jamais contracter la sainte alliance qu'elles souhaitent avec le saint époux de leurs âmes, elles ont dessein de faire bâtir un monastère en ce lieu. « La maison même est déjà commencée avec l'approbation de tous les gens de bien. Cependant on s'avise de les troubler ; car il est ordinaire à ceux qui cherchent le royaume et la gloire de Dieu, d'avoir des traverses sur mer et sur terre, et d'être persécutés par les faux frères (2Co 12,26), je veux dire par ces renardeaux qui détruisent les vignes de l'Église (Ct 2,15). Oui, monseigneur, quoique cette congrégation désirât choisir un institut approuvé par l'Église, et depuis longtemps établi en Bourgogne, néanmoins, à cause des oppositions que forment les enfants du siècle (Lc 14,8 Lc 20,34), qui souvent, par une ruse diabolique, détruisent la piété, sous prétexte de la piété même, cette oeuvre si sainte n'a encore pu réussir selon l'intention de ces pieuses filles.

Dans un si grand embarras, plusieurs, abusant de leur simplicité, ont tenté de les jeter dans le désespoir ; mais elles, considérant la grande piété de votre altesse, en ont auguré qu'elle pourrait leur procurer un libre accès auprès de vous, et elles se sont persuadées en même temps qu'elles en obtiendraient sans peine la protection nécessaire pour vaincre les obstacles que l'on met à leur établissement.

Or, comme la pudeur qui est naturelle au sexe est inséparable aussi de la virginité, elles n'ont pas eu la hardiesse d'aller vous faire la révérence sans avoir à leur tète un prêtre pour les introduire ; et, comme je suis l'évéque le plus voisin des environs, elles m'ont prié d'écrire en leur faveur, et d'appuyer leur requête de ma recommandation auprès de votre altesse.

Mais, quoique je me sois chargé de cette commission, et que je m'en acquitte par les plus instantes prières, l'on ne doit pas s'imaginer que je présume assez de moi-même pour croire que ma sollicitation auprès de vous soit suffisante (Ps 131,1-2); car ce qui fait mon assurance, c'est que je marche avec simplicité (Pr 10,9), et que mes prières seront soutenues de celles de plusieurs personnes qui peuvent beaucoup sur l'esprit de votre altesse; mais je compte encore plus sur sa bonté naturelle, sur la religion dont Dieu l'a gratifiée, et sur sa dévotion signalée par tant d'actions de piété. Enfin votre propre intérêt, qui se trouve attaché à cette oeuvre de charité, me répond de la protection de votre altesse ; car la malheureuse condition des temps où elle se trouve exige bien des prières, et par conséquent elle a besoin d'un grand nombre d'intercesseurs auprès de la majesté divine.

C'est pourquoi, monseigneur, j'ai pensé que ce nouvel essaim d'abeilles spirituelles, qui s'exercent à composer le miel de l'oraison, vous serait d'autant plus agréable, qu'elles ont résolu de travailler plus utilement et plus fortement, eu égard aux nécessités présentes. Grand et sérénissime prince, je vous souhaite une longue, heureuse et sainte vie, et je vous supplie de regarder favorablement, d'accepter et de combler les souhaits de ces très-humbles et très-dévotes filles, que vous a exposés, monseigneur, votre, etc.




F. de Sales, Lettres 757