Pie XII 1939 - RADIOMESSAGE A LA NATION ESPAGNOLE


ALLOCUTION A DES PÈLERINS BRÉSILIENS

(17 avril 1939) 1

Recevant en audience un groupe de catholiques du Brésil, venus en pèlerinage à Rome, le Saint-Père les accueillit avec ces paroles :



C'est avec une joie paternelle intense que Nous recevons la visite des représentants du lointain et grand Brésil.

Grand par le territoire, grand par le nombre des habitants, grand par son présent de travail et de progrès, grand par son avenir et grand surtout par sa foi catholique si sincèrement professée.

Nous avons Nous-même encore l'âme débordante des impressions reçues lors de la visite que Nous avons pu faire à votre patrie en 1934.

Jamais Nous ne pourrons oublier le spectacle éblouissant de votre belle nature et de l'accueil que tous Nous ont réservé, depuis le plus haut magistrat de la République jusqu'aux hautes autorités civiles et militaires, à l'assemblée législative, à la cour suprême et aussi aux humbles représentants du peuple.

Mais comme sur la rétine de Nos yeux, Nous gardons dans Notre esprit la vision incomparable de ce qui se déroule aux pieds du Christ Rédempteur sur le Corcovado.

C'est à lui, le Christ Rédempteur de l'humanité et l'unique Sauveur du monde, qu'élevé sans nul mérite de Notre part à la charge de son vicaire sur terre, Nous demandons l'abondance de toutes les grâces célestes pour vous, pour vos familles et pour tous ceux qui vous sont chers.

Une bénédiction très affectueuse pour Notre très cher cardinal Leme et pour tous ses Frères dans l'épiscopat.

Une grande bénédiction pour le chef de la nation, pour ses auxiliaires, pour le gouvernement et pour tout le peuple brésilien.






LETTRE AU SECRÉTAIRE D'ÉTAT POUR UNE GRANDE CROISADE DE PRIÈRES DANS LE MONDE ENTIER POUR DEMANDER LA PAIX

(20 avril 1939)1

Par la lettre suivante adressée à S. Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat, Sa Sainteté Pie XII lance, à l'occasion du mois de mai, une grande croisade de prières pour la paix.

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 154 ; cf. la traduction française de la Documentation Catholique t. XL, col. 617.



Vous qui Nous assistez de si près dans le gouvernement de l'Eglise catholique, vous savez avec quelle ardeur Nous souhaitons et Nous implorons de Dieu que, par un retour des âmes à des sentiments de justice et de charité, la paix chrétienne si désirée s'affirme enfin, profonde et durable, entre les nations et tous les peuples, aujourd'hui si agités et préoccupés. A peine élevé au suprême pontificat, ce fut justement cette paix, don sublime de Dieu, que Nous avons recommandée, avec un coeur tout paternel, non seulement à tous Nos fils dans le Christ, dispersés dans le monde entier, mais encore à toutes les nations et à leurs gouvernants : et dans la solennité de Pâques, de la basilique Saint-Pierre où Nous célébrions pon-tificalement le divin Sacrifice, entouré d'une multitude innombrable, Nous avons répété la même invitation et la même exhortation, implorant du Christ Jésus, qui vainquit la mort et distribue les grâces célestes, la concorde et la paix pour tous.

Et maintenant que s'approche le mois de mai, au cours duquel les fidèles ont l'habitude d'adresser de particulières prières à la Très Sainte Vierge, Nous désirons vivement que les plus ardentes supplications soient offertes spécialement à cette intention dans tous les diocèses et toutes les paroisses.

Mais, à cette croisade de prières, il Nous plaît de stimuler de façon spéciale ceux, qu'à l'exemple du divin Rédempteur, dont Nous tenons la place sur terre, Nous aimons avec la plus vive tendresse et affection : Nous voulons parler des enfants qui dans la fleur de l'âge font rayonner autour d'eux l'innocence, la douceur et la grâce. Par une pieuse coutume, les pères et mères de famille conduisent chaque jour leurs jeunes enfants, même les plus petits, à l'autel de la Vierge, les lui offrant avec les fleurs de leurs jardins et de leurs champs, et avec leurs prières et celles de leurs enfants. Et comment cette Mère du ciel n'accueillerait-elle pas tant de voix suppliantes, implorant la paix pour les citoyens, les peuples, les nations ? Comment pourrait-elle ne pas les accueillir, si aux prières des anges du ciel s'unissent celles des enfants, qui sont bien les anges de cette terre ? Assurément, invoquée par tant de prières, la Vierge Marie prendra en main cette question qui angoisse aujourd'hui le monde entier, et fléchissant son divin Fils, gravement offensé par tant de péchés, obtiendra de lui, dans une situation plus calme, la paix des coeurs et la concorde fraternelle entre les peuples.

Et Jésus, qui durant sa vie mortelle aimait d'une façon spéciale l'âge innocent, et qui par les paroles : « Laissez venir à moi les petits enfants, parce que le royaume de Dieu leur appartient » (Mc 10,14) reprochait aux apôtres d'arrêter les enfants qui venaient s'offrir à ses baisers, Jésus pourrait-il trouver des prières plus faciles à exaucer que celles des enfants qui, en un geste suppliant, lèvent vers lui et sa Mère leurs mains candides et innocentes ?

Le pape Léon le Grand, Notre prédécesseur d'immortelle mémoire, disait : « Le Christ aime l'enfance, lui qui fut d'abord enfant par le corps et l'âme ; le Christ aime l'enfance, maîtresse d'humilité, règle d'innocence, modèle de douceur »2. Si donc, dans toutes les villes, dans les bourgs, dans les plus lointains villages, partout où brille la lumière de l'Evangile, des groupes d'enfants vont prier dans les églises durant ce prochain mois de mai, Nous voulons espérer que, les inimitiés étant apaisées, les âmes pacifiées, et éteintes les discordes entre peuples, l'humanité, guidée par la Vierge Marie, verra lui sourire des temps meilleurs.

2 Migne, p. l., LIV, col. 258 c.

C'est pourquoi, Notre très cher fils, Nous vous chargeons, par la présente lettre, de rendre publics, de la façon que vous jugerez la meilleure, ces voeux paternels et ces vives exhortations, de telle sorte que, grâce aux initiatives des pasteurs diocésains, ils soient traduits dans la pratique.

Cependant, soutenu par ce doux espoir et goûtant par avance les fruits que Nous Nous promettons de cette croisade de prières, Nous accordons de grand coeur, à vous, Notre très cher fils, et à tous ces chers enfants qui répondront si volontiers à Notre appel, comme gage des faveurs célestes et de Notre paternelle bienveillance, la Bénédiction apostolique.






ALLOCUTION AU MINISTRE DE LA RÉPUBLIQUE DE L'EQUATEUR

(22 avril 1939)1

Répondant à S. Exc. M. Armand Lisimaco Guzman y Aspiazu, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de l'Equateur, venu lui présenter ses lettres de créance, le Souverain Pontife prononça l'allocution suivante :



Au moment de recevoir des mains de Votre Excellence les lettres par lesquelles S. Exc. M. le président de la République de l'Equateur l'accrédite comme envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire auprès du Saint-Siège, Nous saluons avec une profonde satisfaction les sentiments élevés avec lesquels Votre Excellence assume ses hautes et importantes fonctions, et qui ont reçu une expression si parfaite dans les nobles paroles qu'elle vient de prononcer.

La consolidation et le développement toujours plus grand des bonnes relations qui existent entre le Saint-Siège et la nation équa-torienne, que Votre Excellence a indiquées comme étant le but premier de son honorable mission, constituent aussi l'objet de Nos plus fervents désirs et aspirations. Intimement persuadé qu'il n'existe pas pour un peuple de plus grand bonheur ni de meilleure garantie d'un bien-être assuré, que l'harmonie entre sa mission présente et sa foi surnaturelle, Nous serons toujours disposé à accorder Notre appui et Notre assistance à tous les efforts qui se proposent un but si élevé. Ce faisant, Nous sommes convaincu de rendre le plus grand service pour favoriser à l'extérieur et à l'intérieur de l'Equateur un avenir prospère et salutaire, chose à laquelle tendent tout à la fois la responsabilité de Notre ministère apostolique et Notre amour paternel pour votre population catholique.

Nous implorons l'abondance des grâces célestes pour M. le président de la République, les membres de son gouvernement et Votre Excellence qui les représente si dignement, et Nous donnons avec des sentiments de particulière affection au peuple équatorien qui Nous est si cher la Bénédiction apostolique que Votre Excellence Nous a demandée.






ALLOCUTION A UN GROUPE DE PÈLERINS ALLEMANDS

(23 avril 1939) *

Recevant en audience spéciale un groupe de pèlerins allemands venant de différentes régions d'Allemagne, le Saint-Père leur adressa ces paroles :

Chers fils et filles d'Allemagne, Nous vous adressons la bienvenue dans la maison du Père commun.

Les liens spirituels qui Nous attachent aux catholiques allemands, Notre affection pour eux, comme pour le peuple allemand tout entier sont encore devenus plus forts et plus profonds aujourd'hui, qu'ils ne le furent dans les années où Nous eûmes l'avantage de pouvoir vivre en Allemagne.

Restez fidèles à votre foi catholique et faites tout votre possible pour la conserver intacte à vos enfants. Confessez cette sainte foi dans une intention si pure et un caractère si noble qu'il puisse être évident pour chacun que la lutte des catholiques allemands ne tend qu'à maintenir intacts les droits de Dieu et de l'Eglise du Christ. Personne ne doit pouvoir Nous reprocher que Nous ne désirons pas une Allemagne heureuse et en pleine prospérité, précisément parce que Nous luttons pour le maintien des valeurs spirituelles. Car c'est seulement sur celles-ci que peuvent se bâtir la grandeur, la prospérité et le bonheur durables des peuples.

Nous allons beaucoup prier — et tout spécialement durant ce mois de mai consacré à la Mère de Dieu — pour la paix, pour l'Eglise catholique en Allemagne et pour la jeunesse allemande.

Comme gage de la miséricorde, de l'amour de Jésus-Christ et de la protection de la puissante Vierge Marie, qui vous enveloppera sous son manteau, Nous vous accordons de tout coeur, à vous et à vos proches, la Bénédiction apostolique.






PREMIER DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX

(26 avril 1939)1

Ce discours aux jeunes époux est le premier d'une série de septante-neuf, que Pie XII prononcera à leur adresse depuis ce jour jusqu'au 12 mai 1943. A certaines époques de l'année, le Saint-Père a parlé aux nouveaux mariés de façon très régulière toutes les deux semaines.

Il ne s'agit pas de simples paroles d'encouragement ou d'exhortation ; chaque allocution traite d'un sujet différent faisant partie d'un programme suivi, dont l'ensemble renferme toute la doctrine de l'Eglise en ce qui concerne les multiples problèmes de la vie conjugale, familiale et domestique, et de la spiritualité du foyer2.



1 D'après !e texte italien de Discorsi e Radîomessaggi, t. I, p. 69 ; traduction française de Georges Huber, dans les « Discours aux jeunes époux », publiés en 2 vol. par les Editions Saint-Augustin, Saint-Maurice, t. I, p. 11.

2 Cf. ci-après pp. 82, 93, 102, 106, 109, 122, 126, 147, 168, 176, 191, 199, 325 , 336, 343 et 359.





Votre présence, chers fils et filles, remplit Notre coeur de joie, car, si les visites des enfants à leur père sont toujours belles et consolantes, il Nous est particulièrement agréable de Nous voir entouré de groupes de jeunes époux venus Nous faire participer à leur joie et recevoir de Nous une parole de bénédiction et d'encouragement.

Vraiment, vous devez vous sentir réconfortés, chers jeunes époux, à la pensée que le divin Instituteur du sacrement de mariage, Notre-Seigneur Jésus-Christ, a voulu l'enrichir de l'abondance de ses célestes faveurs. Le sacrement de mariage signifie, comme vous le savez, la mystique union de Jésus-Christ avec son Epouse, en qui et de qui doivent naître les enfants adoptifs de Dieu, légitimes héritiers des divines promesses. Et comme Jésus-Christ enrichit ses noces mystiques avec l'Eglise des perles précieuses que sont les grâces divines, ainsi il lui plaît d'enrichir d'ineffables dons le sacrement de mariage.

Ce sont en particulier les grâces nécessaires et utiles aux époux : pour conserver, accroître, perfectionner et sanctifier sans cesse leur mutuel amour ; pour observer la fidélité conjugale ; pour éduquer sagement leurs enfants, par leur exemple et leur vigilance ; pour porter chrétiennement les charges de leur nouvel état.

Ces vérités, vous les avez déjà comprises, approfondies, goûtées ; et si Nous vous les rappelons en ce moment, c'est pour participer, Nous aussi, en quelque manière à cette heure solennelle de votre vie et pour donner à la sainte liesse qui vous anime un fondement tou-jour plus solide et plus sûr.

Daigne le bon Dieu vous accorder la grâce de ne jamais ternir la grandeur de votre état, et de vivre toujours conformément à la haute dignité de vos devoirs sacrés.

Nous vous donnons du fond du coeur la Bénédiction apostolique, gage des faveurs de Dieu, et Nous souhaitons qu'elle vous accompagne durant les jours tristes ou joyeux de votre vie et que, témoin perpétuel de Notre paternelle bienveillance, elle demeure toujours avec vous.





DISCOURS AU III\2e\0 CONGRÈS NATIONAL DE L'ASSOCIATION DES PRÊTRES-ADORATEURS D'ITALIE

(28 avril 1939)1

A l'issue du IIIe Congrès national de l'Association des Prêtres-Adorateurs d'Italie, le Saint-Père reçut en audience l'importante assemblée de 3000 prêtres guidés par trois cardinaux et 150 archevêques et évêques, à laquelle il adressa en italien l'admirable discours dont voici la traduction :



La mission du bienheureux Pierre-Julien Eymard.

Quel spectacle offre à nos regards cette assemblée de prêtres dont le but, digne des anges, est d'adorer, d'une manière toute spéciale, ce Dieu qui a promis aux apôtres d'être avec eux jusqu'à la consommation des siècles ! Cette promesse, Nous la voyons réalisée en vous, Vénérables Frères et fils bien-aimés ; en vous qui continuez et perpétuez la mission apostolique d'instruire les nations, de les baptiser et de leur enseigner tout ce que le Christ a ordonné à ses apôtres. Le Christ n'a-t-il pas proclamé aussi que, là ou deux ou trois seraient réunis en son nom, il serait au milieu d'eux ? Le divin Sauveur est avec nous, non pas comme l'ombre fugitive de la célébrité et du nom gravé sur les tombeaux des grands hommes qui passent ; il est avec nous, non pas comme le Dieu présent avec sa dignité et son humanité, comme le Dieu caché sous le voile du pain transsubstantié : ombre qui, Nous semble-t-il, était figurée par les ténèbres du lac de Tiberiade, durant cette nuit où le Christ marchait sur les flots soulevés et que les disciples occupés à ramer péniblement prirent pour un fantôme. Non, il n'est pas un fantôme, le Dieu des tabernacles que nous adorons. C'est celui-là même qui dit alors aux disciples effrayés : « Ayez confiance ; c'est moi, ne craignez point. » C'est celui-là même qui dit : « Me voici avec vous tous les jours jusqu'à la consommation des temps. »

C'est celui-là même qui s'avance sur les flots des siècles, Maître des vents et des tempêtes humaines. Il marche sur les flots soulevés, à côté de son Eglise et devant elle ; il répond à ses ministres, qui l'appellent avec les paroles saintes que lui-même leur a enseignées ; et depuis vingt siècles, il convoque, il réunit autour de ses autels les nations et les peuples, les foules et les gouvernants, les martyrs et les vierges, les pontifes et les prêtres prosternés pour adorer sa présence, pour l'aimer sous le voile où il se cache, pour l'invoquer comme leur compagnon de route dans la joie et dans la douleur, dans la vie et dans la mort.

Mais nous apercevons un prêtre à qui, sous les ombres de la foi, s'est fait entendre avec plus de force la parole d'encouragement adressée aux apôtres. Vous le connaissez. C'est Pierre-Julien Eymard, qui répond à Jésus-Christ : « Seigneur, si c'est vous, ordonnez que je vienne à vous sur les eaux. — Viens, lui dit le Sauveur ». Et Pierre-Julien marcha sur les flots soulevés, pour aller à Jésus, pour se prosterner devant lui dans l'adoration perpétuelle et s'écrier : « Me voici avec vous, ô Seigneur, tous les jours jusqu'à la fin de ma vie ».

Telle fut bien la vocation et la mission du fondateur de la Congrégation du Très-Saint-Sacrement. Pour aller à Jésus, et pour se prosterner devant lui, ne marcha-t-il pas sur les eaux de tribulation ? Il avait bien saisi la promesse du Christ qui, à la manière d'un testament, termine et scelle l'Evangile du publicain Matthieu, et il en avait fait pour lui et pour les autres le mot d'ordre de son oeuvre et de son action : Ecce ego vobiscum sum omnibus diebus usque ad consummationem saeculi.

Au milieu du monde actuel, dans cet abandon du Christ par la société moderne, par la famille, par les moeurs, Pierre-Julien avait compris que ce même Christ ne cesse pas d'être présent sur son autel, bien que souvent ignoré, abandonné, et privé de l'hommage souverain qui lui est dû. Il avait compris qu'il est avec nous tous les jours, compagnon fidèle de son ministre et de son peuple, dans toutes les avenues et les parties de la cité, aussi bien dans les régions civilisées que dans les contrées encore sauvages du globe, partout où se trouvent un prêtre et un autel. Il avait compris que, aujourd'hui comme hier, le Christ est avec nous jusqu'à la consommation des siècles ; qu'il est avec son Eglise invincible et indéfectible prêtre et pontife des âmes pour l'éternité, roi immortel des siècles, souverain ordonnateur des vicissitudes humaines passées, présentes et futures. Cela, il le sentait profondément, et c'est pourquoi il se prosternait devant lui, dans cette adoration qui est un désir immense de le voir adoré, honoré, exalté, particulièrement par les âmes qui lui sont consacrées, et en premier lieu par les prêtres qui doivent être la lumière du monde, le sel de la terre, les maîtres et les ministres du peuple, les médiateurs entre Dieu et les hommes, entre le ciel et la terre.

Dans cette imposante réunion de prêtres-adorateurs d'Italie, venus pour se retremper dans l'esprit sacerdotal — réunion déjà hautement, sagement et magnifiquement illustrée par la parole, éloquente et sainte, d'éminentissimes cardinaux et d'illustres orateurs sacrés — la figure du bienheureux Eymard, le plus grand héraut, le champion du Christ présent dans les saints tabernacles, est, à l'égal de saint Jean-Baptiste, comme une lampe brillante et ardente qui illuminera et réchauffera nos coeurs, qui les fera vibrer de ces saintes ardeurs que suscite dans l'âme la triste vision de la guerre, de la négligence et de l'indifférence par laquelle l'homme répond à l'amour et aux bienfaits d'un Dieu fait homme dont les délices sont d'habiter avec nous.



I Sa foi dans l'Eucharistie

Le Dieu de l'autel est au milieu de nous, invisible, mais témoin fidèle, le premier-né d'entre les morts, le prince des rois de la terre, qui nous a aimés et nous a lavés de nos péchés dans son propre sang et nous a fait rois et prêtres de Dieu son Père ; le premier et le dernier, le vivant qui est mort et qui maintenant vit dans les siècles des siècles (Ap 1,5 Ap 1,17-18). Mais il est en même temps, au milieu de nous, le Dieu caché. Tombons à ses pieds, adorons-le dans le buisson ardent de son amour pour nous, puisqu'il ne nous est pas donné de le contempler comme l'évangéliste le vit dans son extase. C'est le mystère de la foi, le centre du divin sacrifice non sanglant, le secret jalousement gardé par l'Epouse du Christ, que « durant les premiers siècles de son éternelle jeunesse, elle cacha » sous le voile de l'arcane, même à ses plus chers enfants : arcane devenu mystère d'un mystère, secret caché depuis les siècles éternels en Dieu, et qui cache un Dieu. Devant ce mystère se sont prosternés, dans la poussière des catacombes, les apôtres et les martyrs ; dans les basiliques les pontifes ; dans les solitudes et les monastères les moines et les anachorètes ; dans les cloîtres les vierges ; sur les champs de bataille les armées ; dans les chaires les docteurs, et dans les cités les peuples. Le Christ était au milieu d'eux. Mais qui le vit, qui le reconnut ? « Bienheureux ceux qui crurent sans l'avoir vu », Beati qui non viderunt et crediderunt.

La foi perce tous les voiles, elle pénètre tous les secrets ; à mesure qu'elle se fait plus vive, elle acquiert plus de lumière, elle s'enflamme davantage, grandit en elle-même, et fait du mystère même le phare et le foyer de sa vie comme de son action. Telle fut bien la foi de Pierre-Julien au Dieu présent sous le voile eucharistique. Cette foi ne fut-elle pas le phare à la lumière duquel il regarda les flots et les tempêtes de notre siècle ? Ne fut-elle pas le feu qui embrasa son coeur et le poussa à faire de l'Eucharistie le drapeau de sa famille religieuse, à réunir au pied des saints autels les phalanges des prêtres-adorateurs ? A mesure que, au cours des siècles, le voile de l'arcane se soulevait dans la communion pascale, dans la solennité de la Fête-Dieu, dans la brillante exposition du Dieu caché, dans l'adoration réparatrice, le P. Eymard ne fut-il pas celui qui entrevit la nouvelle aurore de la Congrégation et des Confréries du Saint-Sacrement ? Ainsi, dans une atmosphère plus dégagée, prenait fin l'arcane antique du ciboire saint, et apparaissait l'ardent apôtre, suscité par Dieu, de la divine Eucharistie.



. est à l'origine de sa vocation.

Né dans une bourgade des environs de Grenoble, alors que le monde faisait silence en présence du fier César français qui, parti des rives de la Seine, avait parcouru avec ses armées toutes les régions de l'Europe et emporté rois et royaumes, Pierre-Julien, grâce à la piété de sa mère, avait grandi dans le rayonnement du saint tabernacle, et un jour, à l'âge de cinq ans, on l'avait trouvé appuyé contre l'autel, priant le Dieu voilé, désireux d'être plus près de lui et de l'écouter. Que dit alors à cet enfant innocent Jésus qui aime et qui caresse les petits qui viennent à lui ? Il imprima sans doute dans son âme une de ces paroles indélébiles qui mettent le sceau au caractère et à la mission des saints dans le monde, et fixent leur auréole dans le ciel de l'Eglise.

C'est cette parole qui deviendra la pensée dominante du prêtre Pierre-Julien Eymard, et qu'il exprimera dans la supplique au grand pontife Pie IX : « Voici cette pensée, écrira-t-il : à la vue de l'amour de Jésus-Christ en son adorable sacrement, de l'isolement dans lequel le laisse le peu de piété des fidèles, de l'indifférence de tant de chrétiens, de l'impiété toujours croissante des hommes du siècle ; à la vue des besoins si grands de l'Eglise, de tant d'idolâtres et d'hérétiques loin de la foi de Jésus-Christ, une pensée suave et forte en même temps me disait : pourquoi le plus grand des mystères n'aurait-il pas aussi son corps religieux comme les autres mystères ; pourquoi n'y aurait-il pas des hommes qui auraient une mission perpétuelle de prière aux pieds de Jésus-Christ en son divin Sacrement ? Pourquoi le Roi des rois n'aurait-il pas aussi sa garde d'honneur, veillant jour et nuit devant son divin tabernacle dans l'exercice perpétuel de l'adoration, de l'action de grâces, de l'amende honorable ?» — « C'est l'oeuvre de Dieu, répondra le Vicaire de Jésus-Christ, je désire qu'elle soit établie ». Et peu de temps après, lui-même la louera, puis l'approuvera.




II

La double présence du Christ sur terre.

Mais Jésus-Christ n'est pas seulement présent au milieu du monde, il s'approche encore de l'homme et demeure avec lui, il reste avec ses apôtres, avec ses fidèles, avec toutes les nations, qui sont la conquête obtenue par son sang. Sa présence est double. Il a une présence divine, par laquelle il soutient l'univers qu'il a créé, il suit les pas des hommes dans les voies du bien et du mal, il est témoin et juge de leurs actions, les inclinant au bien, les punissant lorsqu'ils font le mal. Il a aussi une autre présence divine et humaine à la fois, qui lui permet de dresser sa tente dans les catacombes, parmi nos demeures, dans les campagnes et dans les forêts, dans les vallées, sur les montagnes et au milieu des déserts, dans la neige, sur les glaces éternelles, partout où un prêtre, avec la parole toute-puissante qui vient de lui, élève un peu de pain et un calice, en adorant ce qu'il vient d'accomplir en mémoire de lui. Là il est avec son ministre, il marche avec lui, il se fait notre nourriture, le viatique des moribonds et des malheureux, notre frère, notre époux, notre père, notre médecin, le soutien et la vie des âmes, le pain des anges, le gage du bonheur éternel : Ecce ego vobiscum sum. Oh ! comme Nous souhaiterions ne pas vous parler Nous-même avec Nos pauvres paroles, mais que Pierre-Julien Eymard vous parle lui-même, lui qui a pénétré et scruté à fond ce mystère de foi et d'amour ; sa parole serait une flamme, un brasier qui brûlerait et embraserait vos coeurs d'adorateurs de ce Dieu qui habite avec nous et qui est tant oublié, tant offensé par les hommes.

Ne Nous demandez pas, ô vénérés prêtres, si la mission confiée par Dieu à Pierre-Julien Eymard lui coûta du sang, et si, à son serviteur prosterné devant les tabernacles de La Seyne-sur-Mer, de Lyon et de Paris, Dieu demanda comme à Abraham le sacrifice complet de ce qu'il aimait — et qui était certes un bienfait divin — pour le lui restituer avec la promesse renouvelée d'une descendance de choix. Dieu le mit à l'épreuve comme l'or est purifié dans la fournaise, comme la patience est une arme victorieuse ; comme la croix, qui scelle le sacrifice des martyrs, se lève sur nos autels et les domine, drapeau du Christ avec nous et avec ses saints. C'est pourquoi le tabernacle était son lieu de refuge ; du tabernacle il avait entendu la voix du Christ lui promettant d'être avec lui chaque jour, d'être son compagnon dans le chemin de l'épreuve pour la fondation de l'oeuvre eucharistique, entre l'opposition des confrères et la louange du pontife Pie IX, entre les angoisses d'un dilemme et la croix du sacrifice ; il avait entendu la parole de ce Dieu fait homme qui proclamait à ses disciples : Ecce ego vobiscum sum omnibus diebus usque ad consummationem saeculi.






III

Les fondations du P. Eymard.

De l'accomplissement de cette magnifique et si bienveillante promesse du Christ, durant le cours des siècles, personne plus que le prêtre, n'est le témoin fidèle et le coopérateur ; car, en sa qualité de ministre des sources de la grâce, il a reçu du Christ la sublime mission de renouveler, en mémoire de lui, à l'autel non sanglant, ce que lui -même a accompli la veille de sa Passion : Pro Christo ergo, vous dirons-Nous avec saint Paul, ô prêtres bien-aimés, legatione fungimur. Nous sommes les mandataires et les ambassadeurs du Christ, non seulement par la parole, mais encore par l'action. Cette mission de la parole et de l'action, avec quelle force le bienheureux Eymard l'a ressentie en son coeur ! Prêtre, il savait bien que le Christ est avec son Eglise et avec nous, tous les jours, par son autorité et par sa grâce, mais sachant aussi qu'il est présent, bien que voilé sur nos autels, et considérant combien sa qualité de Roi et de Pasteur de nos âmes est oubliée et ignorée, il voulait, par la parole et l'action, obtenir que le monde chrétien lui offrit l'adoration, l'action de grâces, la propitiation, la prière, tous les jours jusqu'à la fin des siècles.

Nous ne suivrons pas le fondateur de l'Adoration perpétuelle dans l'établissement de l'oeuvre de la première communion des adultes dans la capitale de la France, dans la fondation des maisons de son Institut à Marseille, à Angers, à Bruxelles et ailleurs ; Nous ne dirons pas comment naquirent l'Agrégation du Très-Saint-Sacrement, la Congrégation des Servantes du Très-Saint-Sacrement, comment fut honorée Notre-Dame du Saint-Sacrement ; comment, autour du serviteur de Dieu, se développa la famille religieuse guidée par lui, triomphant des obstacles de la pauvreté, des contradictions et des oppositions tant intérieures qu'extérieures. Le coeur des disciples du Christ crucifié ne peut jamais être exempt de peines et de douleurs, et sur le chemin de la sainteté on ne cueille pas les doux fruits et les fleurs de l'Eden. Croyez-vous que son martyre intime resta caché à tout le monde, et ne se manisfesta jamais par quelque parole de plainte ? Dans ses sermons et ses discours, dans ses conversations, dans sa direction spirituelle, il montrait d'une manière éminente l'ardeur de son amour pour le Dieu d'amour, et, dans les pages qui ont recueilli sa parole, résonne encore l'écho de cet amour.

Mais comme l'apôtre Paul, il se glorifiera dans ses tribulations, afin que la vertu du Christ habite en lui. Et la vertu du Christ qui mesure à la douleur la consolation que le monde est incapable de donner, le P. Eymard la trouva, abondante et opportune, à Rome, aux pieds du Vicaire du Christ, comme il l'avait ressentie, venant de Dieu même, auprès des saints autels. Trois fois Rome le vit en pèlerin dans ses rues, dans ses basiliques, aux tombeaux et aux arcosolia des martyrs, et, un jour, elle l'entendit à Saint-André délia Valle glorifier le divin Enfant. Rome, par la voix du grand pontife Pie IX, lui fut favorable ; elle loua son Institut eucharistique, plus tard elle en approuva les Constitutions, posant ainsi les fondements d'un avenir canonique et assuré.

Notre pensée s'arrête, à ce moment, devant l'oeuvre du patient et courageux adorateur et apôtre de l'Eucharistie, nous voyons le passé et l'avenir se relier au présent, et, dominant le flot des siècles, nous entendons la parole de Paul nous avertissant que, chaque fois que nous mangerons ce Pain et boirons ce calice, nous annoncerons la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne (1Co 11,26). Aussi longtemps que dans les sillons de nos champs germera un épi de blé, aussi longtemps que sur le cep de la vigne pendra une grappe de raisin, et qu'un prêtre montera à l'autel pour y offrir le Sacrifice, l'Hôte divin sera avec nous, et le fidèle inclinera, dans un acte de foi, son esprit et son corps devant l'Hostie sainte, comme les apôtres, à la dernière Cène, sous le pain et le vin consacrés que le Sauveur leur donnait en disant : « Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang », adorèrent le Christ, le Maître divin, avec cette foi pure et surnaturelle qui croit aux miracles de sa parole et dont se nourrit l'adoration intérieure, avec cette foi sans laquelle la génuflexion extérieure n'est qu'un signe sans vie. C'est de cette heure du Cénacle que datent les siècles du Dieu de l'Eucharistie ; le soleil, dans sa course, en a éclairé la marche avec ses aurores et ses couchants ; les entrailles de la terre ont entendu ses louanges ; dans les déserts, dans les cloîtres, dans les basiliques, sous les voûtes aériennes, les pasteurs et les peuples, les princes et les armées se sont inclinés devant lui. Ses hérauts et ses prêtres ont poussé ses conquêtes au-delà des mers et des océans ; et, de l'Orient à l'Occident, d'un pôle à l'autre, le Rédempteur fixe chaque jour ses tabernacles, continuant, malgré l'ingratitude des hommes, à faire ses délices d'habiter avec eux, n'ayant d'autre ambition que de répandre, pour leur salut, les trésors de ses grâces et de sa magnificence.



Leur apport providentiel à la piété moderne.

Si la piété des siècles a répondu à une telle condescendance et à une telle générosité divine par la commémoraison solennelle, renouvelée chaque année, des faits de la vie mortelle du Sauveur, et par l'établissement d'ordres et de congrégations religieuses qui en portent le nom, il était réservé, dans les conseils divins, aux temps modernes et à l'Adoration perpétuelle inaugurée par le zèle enflammé du bienheureux Eymard, de glorifier, par un culte solennel et continu, avec une magnificence qui ne s'était jamais vue dans les siècles passés, le Verbe de Dieu fait homme, vraiment, réellement et substantiellement présent dans le Sacrement de son amour. Il voulait le faire sortir de la solitude du tabernacle et l'élever dans la splendeur des autels, non seulement pendant quelques heures ou pendant quelques jours, mais omnibus diebus usque ad consummationem saeculi, comme le Roi de tous les siècles, car le Christ Notre-Seigneur ne cesse jamais d'être le Dieu qui a été élevé sur la croix pour attirer à lui l'univers. Et le prêtre ne l'élève-t-il pas, chaque jour, dans le sacrifice non sanglant, afin de le faire adorer et louer par les fidèles, afin qu'ils lui demandent pardon et le prient ? La messe n'est-elle pas le mystique holocauste dans lequel le Rédempteur, Prêtre et Victime éternelle, se rend présent sur le calvaire de l'autel, avec son Corps et son Sang, sous ces signes de mort ? Si l'autel est un Golgotha, proclamait notre bienheureux, exaltons le divin Triomphateur de la mort et de l'enfer qui s'y rend présent ; exaltons-le non point dans les ombres du soleil qui est à son déclin, mais dans la splendeur triomphale de la résurrection, sortant comme ressuscité du silence du tabernacle. Prosternons-nous devant lui, adorons-le, recourons à son Coeur doux et humble. De ce nouveau Golgotha glorieux, il lancera encore des rayons de bonté et de miséricorde, pour attirer à lui toutes les nations et tous les peuples, car il est venu afin que les hommes possèdent la vie, et une vie plus abondante.

Telle était la mission de Pierre-Julien Eymard dans l'Eglise du Christ : se prosterner perpétuellement devant lui dans l'adoration d'esprit, de coeur et des oeuvres, être l'apôtre de sa présence au milieu de nous et réunir autour du trône eucharistique une légion d'âmes qui lui rendraient hommage et le serviraient. Il y consacra sans réserve les deux derniers lustres de sa vie au milieu de déceptions et de contradictions, de souffrances et de peines ; et, à cinquante-sept ans, le champion du Saint Sacrement recevait la récompense de la couronne immortelle.



Le zèle admirable et infatigable du P. Eymard.

Infatigable dans son zèle pour promouvoir la gloire et le culte de l'Eucharistie, pour attirer et convoquer à la Table sainte les fidèles de tout âge et de toute condition, pour prodiguer les ardeurs de son apostolat dans les prédications aux fidèles et les retraites religieuses, il rentrait à Paris, après avoir parcouru les provinces de France et de Belgique, exténué, le coeur brisé de craintes intérieures et de luttes extérieures, sous le poids desquelles sa vertu, loin de fléchir ou de s'affaisser, devenait plus forte et, sinon imitable, du moins admirable dans son héroïsme. Mais Paris ne lui rendait pas la santé : il lui fallait l'air des montagnes du pays natal. Il céda aux insistances affectueuses de ses religieux et partit pour Lyon. A Grenoble, il montait pour la dernière fois au saint autel ; dans ce festin céleste, que dit-il à son Jésus, que lui demanda-t-il, que lui offrit-il ?

Le soir, il arrivait à la Mure, dans la maison paternelle, épuisé ; bientôt deux confrères vinrent l'y rejoindre. Le voilà donc au lieu de sa naissance, là où, près du tabernacle, il avait eu le premier colloque avec le Dieu caché, où il avait respiré l'air vivifiant de ses premières années ; mais cet air ne pouvait plus lui rendre les forces, il allait au contraire essuyer sur son visage les sueurs de l'agonie. Son humble couchette devenait une école de patience inaltérable et d'affection, de conseils et de sourire, de bénédiction et de prière, de calme et de douceur. A l'approche de l'heure suprême, le divin Amant, le céleste Ami vint encore une fois réconforter son adorateur et son apôtre bien-aimé ; sous les voiles eucharistiques, il descendit dans son coeur, aliment d'une vie qui ne s'éteint pas et se perpétue dans la joie du céleste amour.

Admirons, vénérons, ô dignes et pieux prêtres et ministres du Seigneur, cet héroïque porte-drapeau des adorateurs du Christ vivant avec nous sur les saints autels. Il nous a montré ce que peut, dans un prêtre, la foi vive et véritable, la sincère dévotion envers le sacrement qui est le plus auguste des liens religieux par lesquels nous sommes rattachés à Dieu ; il nous a montré comment se forment les vrais adorateurs qui adorent le Père en esprit et en vérité et sont les apôtres, les propagateurs de son règne dans le monde des âmes.

Tel est l'enseignement du bienheureux Eymard ; tel est son apostolat toujours vivant, comme s'il disait avec le psalmiste : Congregate illi sanctos ejus qui ordinant testamentum ejus super sacrificia (Ps 49,6). Réunissez autour de lui tous les saints qui exécutent son alliance par le moyen des sacrifices. Quels sont donc ces saints ? N'est-ce pas nous, ô prêtres, nous qui sommes consacrés non point pour offrir à Dieu des agneaux ou des taureaux privés de vie, mais pour renouveler le sacrifice non sanglant de la Victime divine, unique et éternelle ? Le calice de son Sang n'est-il pas l'alliance du testament nouveau et éternel ? Et ce congrès sacerdotal n'est-il pas l'assemblée des saints qui exécutent et sanctionnent par le sacrifice, ineffable à l'égal du mystère de la foi, l'alliance du Christ avec son nouveau peuple élu ?



Ses prêtres-adorateurs.

Dans cette solennelle assemblée de prêtres-adorateurs, Nous voyons les héritiers de l'esprit de Pierre-Julien Eymard, désireux de se sanctifier eux-mêmes pour communiquer la sainteté aux âmes de leurs frères. Du haut du ciel, il nous contemple, il nous suit du regard dans cette voie où celui qui est juste se justifie davantage, et celui qui est saint se sanctifie encore plus. Cet arbre de l'adoration, qui aujourd'hui étend ses rameaux et ses feuillages sur tant de régions du monde, ne fut-il pas planté par lui ? Ses enfants l'ont arrosé ; Dieu l'a fait croître. Et combien il s'est développé ! Admirez, comptez les multiples oeuvres eucharistiques, les maisons de la Congrégation du Très-Saint-Sacrement établies dans le monde entier, répandues en Europe et dans les deux Amériques ; souvenez-vous des triomphes des congrès eucharistiques internationaux, nationaux et diocésains : c'est en eux que se trouve le berceau de l'Association des prêtres-adorateurs. Car il est certain que, pour le triomphe du règne du Christ dans le monde, le fait de se réunir en son nom est non seulement comme une invitation que l'on fait au Roi du ciel, mais aussi le moyen d'incliner la volonté divine, laquelle veut bien subir cette violence qui est un sourire de la grâce divine. Qu'ils sont magnifiques tes pavillons, ô Eglise du Christ ! Qu'ils sont aimables tes tabernacles, ô Jésus ! Ils sont comme une vallée ombragée, comme un jardin arrosé de cours d'eau, comme le cèdre planté le long du fleuve (Nb 24,5). Ils sont le refuge assuré du prêtre, l'asile des grandes âmes dans l'amour et dans la douleur, la forteresse d'où s'élancent les champions de la vérité et de la vertu pour combattre, en cette vallée de larmes et de misères, les combats de Dieu contre les enfants des ténèbres, contre ceux qui s'égarent dans les voies de l'erreur, contre les impies, les ignorants, les ennemis du Christ et de son Eglise. Ah ! permettez que nous parcourions les champs où se livrent ces luttes saintes et se remportent ces victoires, que nous rassemblions, dans tous les pays, en deçà comme au-delà des océans, les glorieux trophées et les lauriers des congrès eucharistiques, des pieuses assemblées et des réunions sacerdotales, que nous réunissions les phalanges des adorateurs et des adoratrices, les légions des enfants si chers au Dieu d'amour, et que joignant tout cela à la couronne et aux fleurs de votre piété, de votre zèle, ô bien-aimés prêtres-adorateurs, nous le déposions devant la glorieuse figure du bienheureux Eymard, en hommage et en reconnaissance pour cette flamme ardente d'apostolat eucharistique qui, faisant de lui le héraut du Christ présent avec nous jusqu'à la consommation des siècles, nous montre en lui, de la manière la plus vive et la plus encourageante, comment nous pouvons trouver, dans le saint tabernacle, la force constante et puissante de la prière, de l'action et du sacrifice, cette force qui fera de nous, pour le bonheur des peuples et le salut des âmes trompées par l'erreur ou insouciantes de la religion, la divine lumière du monde et le sel de la terre, puis, comme de bons et fidèles serviteurs, nous élèvera devant Dieu dans la joie de la vision éternelle, où nous contemplerons à découvert le mystère de foi, de cette foi qui perce tous les voiles.

C'est en formant ce souhait, en exprimant ce voeu, que Nous accordons avec effusion de coeur, à tous et à chacun de vous, Vénérables Frères et fils bien-aimés, comme gage des plus abondantes grâces célestes pour vos oeuvres de zèle à la gloire du Dieu eucharistique, la Bénédiction apostolique.






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