Pie XII 1939 - DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A D'AUTRES GROUPES DE PÈLERINS


ALLOCUTION AU MINISTRE PLÉNIPOTENTIAIRE DE SLOVAQUIE

(7 juillet 1939) 1

A l'adresse d'hommage prononcée en latin par S. Exc. le Dr Charles Sidor, nouveau ministre plénipotentiaire de la République de Slovaquie, présentant ses lettres de créance, le Souverain Pontife répondit en ces termes :

Les paroles que vous avez prononcées, Excellence, en même temps que vous Nous remettiez vos lettres de créance qui vous constituent ambassadeur extraordinaire et ministre plénipotentiaire de la République de Slovaquie, témoignent pour Notre intime réconfort de la noblesse des sentiments et des desseins qui vous ont poussé à venir dans cette ville sainte, tête de la chrétienté, avec la confiance du chef de votre Etat ; ces sentiments et ces desseins ont pour but de former, développer et consolider les liens officiels entre le Siège apostolique et la nouvelle République de Slovaquie de telle manière qu'ils s'accordent en tout avec les voeux de votre peuple très attaché à la foi et à l'Eglise catholique. Notre époque, pleine de vicissitudes dont il est difficile de prévoir les développements, réclame de la part de la nation slovaque de nouvelles et même très lourdes charges et obligations. Dans cette conjoncture qui exige du peuple beaucoup de ressources spirituelles et matérielles, beaucoup de perspicacité et de prudence et enfin beaucoup de ce sentiment qui inspire les liens fraternels et mutuels et les sacrifices, il importe grandement de sauvegarder aux forces religieuses la plénitude de leur liberté. Celle-ci constitue la raison première et nécessaire qui, sous la conduite de la foi catholique, éduque et forme les moeurs de la vie chrétienne. Que Dieu fasse que les préceptes évangéliques, prêchés à vos ancêtres par saint Cyrille et saint Méthode que nous fêtons aujourd'hui, soient dans l'avenir pour les fils et les filles de votre peuple un héritage saint, un trésor conservé intact avec le plus grand soin et enfin une règle de conduite dans la vie pour qu'elle tende chaque jour à la plus grande perfection possible. Que sous l'autorité et la protection de la Croix qui orne le drapeau de votre pays et sous le patronage de la Vierge de douleur, mère de Dieu, à laquelle Nos prédécesseurs d'heureuse mémoire Benoît XIII et Pie XI ont dédié et consacré votre nation, la nouvelle République de Slovaquie puisse toujours diriger ses pas sur le chemin qui conduit à la prospérité et au bonheur d'une vraie nation.

Soyez assuré que de Notre part Nous n'épargnerons rien qui puisse établir et augmenter entre le Siège apostolique et votre pays les relations officielles réglées sur la confiance et l'accord mutuels. C'est pourquoi, Nous avons la consolation et la joie de savoir, Excellence, que vous Nous aiderez dans cette tâche de tous vos soins et de votre habileté.

Cependant, confiant que le Dieu tout-puissant mènera à une heureuse issue les projets et les voeux que Nous formons en cette heure solennelle, Nous vous adressons en retour du fond du coeur les voeux que vous Nous avez adressés si aimablement et Nous vous accordons bien volontiers la Bénédiction apostolique demandée pour toute la nation slovaque.





LETTRE POUR LE VI\2e\0 CONGRÈS INTERNATIONAL DE LA ROYAUTÉ DU CHRIST

(8 juillet 1939) 1

Le vendredi 28 juillet s'ouvrait à Ljubljana le VIe Congrès international de la Royauté du Christ, sous la présidence de S. Em. le cardinal Hlond, archevêque de Gniezno et Poznan et légat pontifical, auquel le Saint-Père avait écrit pour cette circonstance la lettre suivante :

1 D'après le texte italien de i'Osservatore Romano, du 29 juillet 1939.

2 S. Augustin, Lettre à Macedonïus.



A la fin de ce mois, ainsi que Nous l'avons appris avec plaisir, se tiendra à Ljubljana, insigne capitale de la Carniole, le VIe Congrès international en l'honneur du Christ-Roi. Cette solennelle commémoration de la puissance royale qui appartient pleinement au Fils unique de Dieu le Père apparaît spécialement opportune en ces temps anxieux et fiévreux et tout à fait à même d'apporter des fruits salutaires à la chrétienté d'abord ainsi qu'à la société humaine tout entière. En effet, ce n'est pas seulement sur ceux qui ont reçu l'eau du saint baptême que s'exerce l'empire pacifique du Christ, mais il embrasse aussi tous ceux qui n'ont pas la foi chrétienne, de telle sorte que l'universalité du genre humain est vraiment en la puissance du Fils de Dieu.

C'est Lui qui est la source du salut personnel et du salut commun : « Le salut n'est en personne d'autre, il n'est pas dans le ciel d'autre nom donné aux hommes, par lequel nous puissions être sauvés » (Ac 4,2) ; c'est Lui qui est pour les individus et pour les citoyens associés l'auteur de la prospérité et du vrai bonheur : « Ce n'est pas à des sources différentes que la société et l'homme puisent leur bonheur, la société n'étant pas autre chose que l'ensemble harmonieux des hommes. » 2.

C'est pourquoi, si les hommes voulaient bien reconnaître, en public comme en privé, la puissance royale du Christ, quels innombrables bienfaits se répandraient sur la société civile. « C'est alors — pour Nous servir des paroles que Notre prédécesseur Léon XIII adressait, il y a quarante ans, à tous les évêques de l'univers — qu'il sera possible de guérir tant de blessures, alors que le rétablissement de l'autorité reprendra force, que la paix retrouvera ses ornements, que les glaives seront émoussés et que les armes glisseront des mains, lorsque tous accepteront avec joie l'empire du Christ et lui obéiront, et que « toute langue confessera que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père » 3.

C'est pourquoi, Nous, qui avons tant à coeur que la paix sans tache unie à la justice triomphe partout, Nous désirons participer aux prochaines assises solennelles de Ljubljana, ainsi que Nous l'avons décidé précédemment, et d'y être en quelque sorte présent par Notre légat.

Aussi, cher fils, qui brûlez d'une telle piété et vénération envers le Christ-Roi, qui brillez par votre charge archiépiscopale et par votre dignité de Prince de l'Eglise, Nous vous choisissons pour Notre légat a latere et Nous vous donnons pouvoir, tenant lieu de Notre personne, en Notre nom et par Notre autorité, de présider le Congrès universel en l'honneur du Christ-Roi, qui va s'ouvrir à Ljubljana. Nous tenons pour certain que, de même qu'il y a quatre ans au Congrès eucharistique de Yougoslavie que vous avez présidé, vous remplirez cette charge toute à votre honneur, avec bonheur et avec fruit. Afin que cette solennité apporte de plus abondantes grâces de salut au peuple chrétien, Nous vous accordons la faculté de donner en Notre nom, au jour choisi, après la célébration de la messe pontificale, la Bénédiction aux fidèles présents, et de leur accorder le pardon complet des péchés commis, à obtenir selon les prescriptions de l'Eglise.

En outre, afin que les études et les travaux de tous se déroulent selon vos souhaits, Nous vous accordons de tout coeur dans le Seigneur, cher fils, ainsi qu'à l'évêque de Ljubljana, à son clergé et à son peuple, la Bénédiction apostolique.





LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT POUR LA XXXI\2e\0 SEMAINE SOCIALE DE FRANCE A BORDEAUX

(11 juillet 1939)1

D'après le texte français de la Documentation Catholique, t. XL, col. 982.



La XXXIe session des Semaines sociales de France s'est tenue à Bordeaux, du 24 au 30 juillet, sous la présidence de S. Exc. Mgr Feltin, archevêque de cette ville. Le Souverain Pontife lui a fait adresser la lettre suivante par S. Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat :



C'est avec un tout paternel intérêt que Sa Sainteté a pris connaissance du programme de la Semaine sociale de Bordeaux : Le problème des classes dans la communauté nationale et dans l'ordre humain. Un pareil sujet ne manque pas d'opportunité. On constate, à notre époque, un tel désarroi des esprits et des moeurs, que tout ce qui peut contribuer à rendre à la société une plus saine et plus raisonnable assiette, ainsi que l'ont pertinemment montré les enseignements pontificaux, doit être à bon droit retenu comme un essentiel facteur de paix. Or, à cet égard personne ne contestera que le problème des classes n'apparaisse l'un des plus importants.



Le problème des classes sociales...

En effet, que la société se compose de classes diverses, c'est une constatation qu'il ne viendra à l'esprit d'aucun observateur impartial de récuser, pas plus qu'on ne niera la diversité des membres d'un même corps. Ces classes sociales ont cependant des éléments constitutifs qu'il importe de bien distinguer. Elles ne sont pas, de fait, un mode quelconque d'association volontaire ; elles ne sont pas une caste hermétique, un clan, un parti, où les préjugés de naissance, de coutume ou de politique jouent un rôle prépondérant ; elles ne sont pas non plus, à proprement parler, un ordre, un état, une profession impliquant une organisation juridique bien définie.

La classe est quelque chose de plus naturel, de plus vaste et de plus profond ; elle résulte d'une similitude de conditions de vie et de travail, d'une communauté d'intérêts matériels et moraux, qui font spontanément s'assembler et se solidariser des hommes et des familles obéissant à d'identiques nécessités d'existence, partageant une même culture, les mêmes besoins, les mêmes aspirations ; par où se vérifie, d'ailleurs, une loi de nature qui se retrouve à tous les degrés de la création. On rencontre ainsi, par exemple, la classe ouvrière, la classe patronale, les classes moyennes, pour ne citer que celles-là.

La variété des classes composant le corps social a fait l'objet, surtout au cours du siècle dernier, d'études approfondies, alors que les doctrines libérales et le développement du machinisme devaient donner une physionomie si caractéristique — mais si peu humaine, si peu chrétienne ! — au monde du travail. Historiens et économistes, souvent d'inspiration matérialiste, analysèrent le fait des classes sociales, son contenu, ses effets. Cependant, leurs travaux dépourvus de spiritualité allaient nécessairement aboutir à de dangereuses conclusions. L'école marxiste, en particulier, n'ayant d'autre but que de renverser l'ordre existant au moyen de la révolution, et ne considérant, dans la variété des membres du corps social, que leurs oppositions et leurs antagonismes, érigea en dogme la lutte des classes. La grande encyclique de Pie XI sur le communisme athée ne nous a que trop renseignés sur les fruits de mort résultant de semblables expériences !

Au contraire, le titre seul de la prochaine Semaine sociale de Bordeaux montre assez comment et dans quel cadre doit se situer le problème des classes, qui n'a de sens et de vie qu'en fonction de la communauté nationale et de l'ordre humain.



et de leur collaboration à l'intérieur de la communauté nationale...

Car, de fait, si les classes nous apparaissent différenciées, c'est pour se trouver dans la situation des membres à l'égard du corps, ou des parties par rapport au tout. L'ordre résultant, comme l'expliquent si bien saint Thomas et l'encyclique Divini Redemptoris, de l'unité d'objets divers harmonieusement disposés, le corps social ne sera vraiment ordonné que si une véritable unité relie solidement entre eux tous les membres qui le constituent. Et qu'on remarque bien qu'il y va de la prospérité même de ceux-ci, car, comme dit encore le Docteur angélique, « de même que la partie et le tout sont en quelque manière une même chose, ainsi ce qui appartient au tout est en quelque sorte à chaque partie ».

Autrement dit, la santé du corps est la santé même des membres qui le composent. Cette règle se vérifie essentiellement en ce qui concerne les classes par rapport à la communauté nationale. Chacune d'elles a, sans doute, sa loi particulière, son caractère, ses fonctions propres, ses aspirations spécifiques, qui sont dans la nature, et donc inscrites par le Créateur.

Il ne peut pas être question, pour la sociologie catholique, de les méconnaître, encore moins de les contrarier ou de les supprimer, mais il lui incombe, au contraire, de les prévenir et guider sur le chemin des fécondes et intelligentes collaborations, évitant ainsi les déviations toujours possibles et même fréquentes, hélas ! dans l'état de l'humanité blessée par le péché originel. Ainsi, c'est en intégrant les classes avec tout le respect qu'elles méritent dans le cadre général de la société, que se réalisera, aussi bien pour celle-ci que pour celles-là, le plus grand progrès matériel et spirituel.



. et dans la communauté internationale.

Et non seulement les classes sont faites pour collaborer entre elles dans les limites de la communauté nationale, mais elles les débordent, comme le dit très justement la seconde partie de votre programme, pour s'étendre à l'ordre humain tout entier. En effet, l'instinct même des classes devait bientôt, l'histoire nous le prouve, leur faire franchir les frontières des pays particuliers pour se rejoindre et se solidariser sur le plan de la communauté humaine. Au reste, les communautés nationales ne sont-elles pas les membres de cette communauté humaine, comme les familles sont les éléments constitutifs de la nation ? Les classes, parties de la communauté nationale, devaient donc, en dernière analyse, relever de l'ordre humain, où elles trouvent un prolongement et exercent une collaboration à l'échelle même du monde. En un temps où les pays ont tendance à se replier sur eux-mêmes pour le grand malheur de tous, il convient de souligner les avantages d'une solidarité universelle des classes dont les mouvements sagement ordonnés — loin de s'arrêter aux barrières politiques d'un Etat — veulent par vocation s'étendre à la famille humaine tout entière.



La leçon de la Bible.

Aussi bien recevons-nous, à cet égard, une suprême et décisive leçon de nos Livres saints eux-mêmes, où l'on voit cette économie sociale élevée à l'ordre surnaturel, sublime exemplaire dont toutes les autres institutions doivent, pour leur bonheur et leur salut, s'inspirer. Depuis que la grâce de l'Incarnation et de la Rédemption a formé le Corps mystique du Christ et que l'Eucharistie, faite de la multiplicité des grains de blé, a réalisé dans le pain transsubstantié le mystère d'une transcendante unité, on peut dire en toute vérité avec saint Paul : « Unum corpus multi sumus, quia de uno pane participamus. » Loin de voir détruire leurs particularités légitimes, les classes se trouvent ainsi réunies par les liens de la divine charité. C'est dans sa première Epître aux Corinthiens que l'apôtre expose en détail cette ravissante doctrine : « Vous êtes le Corps du Christ, dit-il, et ses membres en particulier... Car, encore que vous soyez nombreux, vous ne faites partout qu'un seul corps... Et de grâce, que les membres soient remplis de sollicitude les uns pour les autres ! » Voilà, n'est-il pas vrai, le souverain modèle de la collaboration des classes dans la communauté nationale comme dans l'ordre humain ?



L'exemple de l'Action catholique.

Et l'apostolat contemporain, tel que l'a organisé Pie XI, d'immortelle mémoire, sous le nom d'Action catholique, ne vient-il pas précisément confirmer l'existence légitime des diverses catégories sociales qu'atteignent les mouvements spécialisés, tels que la Jeunesse ouvrière, la Jeunesse agricole, la Jeunesse de la bourgeoisie, etc., pour mieux les replacer sur le terrain d'une fraternelle collaboration et d'une inaltérable union ? C'est ce que S. S. Pie 12, glorieusement régnant, exposait à l'aube de son pontificat dans la grande audience accordée au pèlerinage de l'Union internationale des Ligues féminines catholiques : « L'apôtre, pour être écouté, disait-il, doit parler non pas à des représentants de quelque humanité abstraite, qui serait de tous les pays, de tous les temps et de toutes les conditions, mais à tel ou tel groupe de ses semblables, à tel âge, dans tel pays, à tel échelon de la hiérarchie sociale. C'est là une des règles d'or tracée par le pontife à jamais regretté, qui fut le grand promoteur de l'Action catholique et qui en reste maintenant l'invisible inspirateur ». Et le Saint-Père concluait : « Que par vous la multiplicité des groupes ethniques retrouve l'unité de la filiation divine et de la fraternité humaine !... Alors seulement se réalisera cette unité dans l'ordre, unitas ordinis, dont parle saint Thomas, et qui doit être l'idéal de vos âmes, le but suprême de vos efforts » 2.

Tel est bien aussi l'ardent souhait que Sa Sainteté vous adresse, faisant écho aux ultima verba du Sauveur, dont elle est ici-bas l'auguste Vicaire : * Ut omnes unum sint ; sicut tu Pater in me et ego in te, ut et ipsi in nobis unum sint... ; ut sint unum, sicut et nos unum sumus ! »

C'est donc dans cet esprit que la Semaine sociale abordera le difficile problème des classes et collaborera efficacement à leur mutuel accord, à leur généreuse compréhension dans la justice et la charité.

Cette pléiade de professeurs choisis qui viendront apporter leur pierre à l'édifice, sous la judicieuse et paternelle présidence de Son Excellence Révérendissime Mgr Feltin, est un gage du succès des prochaines assises bordelaises.

Mais il n'en faut pas moins appeler les grâces de l'Esprit Saint sur une entreprise si ardue et si délicate à la fois. Et c'est pour les assurer très abondantes que Sa Sainteté, ne se relâchant pas de prier aux intentions de l'Eglise et pour la paix du monde, en union avec tous ses fils, vous envoie, ainsi qu'aux collaborateurs et aux auditeurs de la XXXIe session des Semaines sociales de France, la Bénédiction apostolique.

Cf. ci-dessus, pp. 52 et 53.






DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A DES PÈLERINS ITALIENS

(12 juillet 1939) 1

Cette audience rassemblait autour du Souverain Pontife des couples de nouveaux époux, un pèlerinage de Terni et des prêtres du diocèse de Milan. A chaque groupe Pie XII adressa sa parole de père et de chef.

1 D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 247 ; cf. la traduction française des Discours aux jeunes époux, t. I, p. 38.



Aux jeunes époux :

Parmi les groupes de fidèles qui se relaient sans cesse devant le Vicaire du Christ, Nous remarquons toujours avec une particulière satisfaction les nombreux couples de jeunes époux. Don précieux, inestimable, que ces jeunes familles chrétiennes, qui viennent de naître d'un grand sacrement institué par Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même pour sanctifier les noces, et avec elles, la famille naissante, ses bourgeons et ses fruits.

Fondement et garantie de la famille chrétienne : le sacrement.

Nous désirons vous rappeler un enseignement du catéchisme : la famille chrétienne est fondée sur un sacrement. C'est dire qu'il ne s'agit pas d'un simple contrat, d'une simple cérémonie ou d'un appareil extérieur destiné à marquer une date importante de la vie ; au contraire, il y a là, au sens vrai et propre du mot, un acte religieux de vie surnaturelle, d'où découle comme un droit permanent d'obtenir de Dieu toutes les grâces, tous les secours nécessaires et utiles pour sanctifier la vie du mariage, pour accomplir les devoirs de l'état conjugal, pour en surmonter les difficultés, en maintenir les résolutions et en atteindre l'idéal le plus élevé 2.

Par l'élévation du mariage chrétien à la dignité de symbole permanent de l'indissoluble union du Christ et de l'Eglise, Dieu s'est porté garant de ces grâces. Nous pouvons par conséquent affirmer que la famille chrétienne, chrétienne en vérité et en vitalité, est une garantie de sainteté. Pareil à une rosée rafraîchissante, ce bienfaisant influx sacramentel fait croître autour de la table comme de nouveaux plants d'oliviers (Ps 128,3). Dans la famille chrétienne régnent l'amour et le respect mutuels ; les enfants y sont attendus et reçus comme des dons de Dieu, comme des dépôts à garder avec un soin vigilant. Si la douleur et l'épreuve entrent au foyer, elles n'y apportent pas le désespoir ou la révolte, mais la confiance sereine qui, tout en adoucissant les inévitables souffrances, en fait un moyen providentiel de purification et de mérite. Ecce sic benedicetur homo qui timet Dominum, « voilà comment sera béni l'homme qui craint le Seigneur » (Ps 128,4).

Ces fruits, vous ne pouvez les récolter que dans le foyer chrétien. La famille dépouillée de son caractère sacré, éloignée de Dieu et partant privée de la bénédiction divine sans laquelle rien ne peut prospérer, cette famille-là est ébranlée jusque dans ses fondements et exposée à tomber, tôt ou tard, dans 'la décomposition et la ruine, comme Nous le montre une continuelle et douloureuse expérience.

C'est parce que vous avez compris ces vérités que vous êtes venus demander et recevoir la bénédiction du Vicaire de Jésus-Christ. Vous voyez dans cette bénédiction comme le renouvellement et la confirmation de celle qui du ciel est descendue sur vous en la journée, récente encore, de vos noces. Vous en attendez un surcroît d'énergie et de secours, pour donner à vos familles ce caractère profondément chrétien qui est une garantie de vertu et de sainteté.

Lorsque vous tournez la pensée vers la maison qui vous vit naître et vers les premiers visages que vous avez rencontrés dans votre enfance, et lorsque de là vous remontez les années et repassez en esprit les vicissitudes de votre vie, tout ce que vous trouvez de bon en vous, vous sentez que vous le devez, pour une grande part, à un père sage, à une mère vertueuse, à une famille chrétienne.

Dans ces vifs et sincères sentiments de gratitude que vous éprouvez envers le Seigneur et envers vos parents, qui furent fidèles à leur mission, Nous aimons à voir un augure que vos familles, sur lesquelles Nous invoquons de tout cceur les bénédictions du ciel, seront, elles aussi, profondément chrétiennes.



Aux pèlerins de Terni :

A la piété des nouveaux époux, qui veulent que soit sanctifié par la bénédiction du Vicaire de Jésus-Christ le début de leur vie conjugale, s'associe la piété de Nos bons fils de Terni qui, sous la direction de leur zélé pasteur — prompt aux belles initiatives comme à l'éloquente parole — demandent au Père commun de bien vouloir consacrer par sa bénédiction leur pieux pèlerinage au sanctuaire de Pompéi.

Si leur bref arrêt de Rome qui leur donne le réconfort de se prosterner devant la tombe des Princes des Apôtres leur est agréable, non moins agréable est pour Nous cette visite par la circonstance qui en donne le motif. Elle permet à Notre particulière piété envers la Vierge bénie d'être comme présent au milieu d'eux dans ce tendre hommage à la Mère céleste et de porter à ses pieds, avec la plus grande confiance qui vient de la foi de tous, leurs intentions et les Nôtres.

Oui, bien-aimés fils, il Nous est cher de faire Nôtres vos intimes désirs, vos secrètes douleurs, vos ardentes espérances, et de présenter tout cela à Dieu avec une affection paternelle, par les mains de Notre commune avocate. Par le coeur qui ne connaît pas les distances, Nous sommes avec vous pour Lui recommander vos personnes, vos familles, votre cité. Pour chacun d'entre vous, Nous demandons par-dessus tout la grâce inestimable d'une vie chrétienne fervente, conforme aux principes que vous professez et par suite resplendissante des vertus évangéliques aux yeux du monde. Pour vos familles, Nous demandons l'union et la concorde, fruits de la compréhension mutuelle, de l'humilité sincère et de la douceur, de fréquents et volontaires sacrifices de Pégoïsme et des intérêts propres.

Pour votre cité laborieuse et qui ne connaît pas le repos, Nous demandons la gloire de pouvoir mettre toujours ses multiples activités industrielles au service des oeuvres de civilisation et de paix.

Pour tous, Nous demandons à Dieu, par l'intercession de la Vierge, le don de ce vif sentiment religieux, de cette foi éveillée et active qui sont pour les individus, pour les familles, pour les peuples, les premiers facteurs d'élévation morale, de vraie civilisation, de grandeur sans apparence, et qui portent tous avec eux et toujours (même dans les maux de la vie) le secret du bonheur.

Cependant, alors qu'il Nous est agréable d'exprimer ces voeux paternels et ces prières pour Nos chers pèlerins de Pompéi, Nous avons un message à vous confier dans votre pieux pèlerinage. Nous aussi, vous ne l'ignorez pas, Nous avons des douleurs, des désirs, des espérances qui ne touchent pas tellement Notre personne que Notre grande famille chrétienne, mais aussi toute la famille humaine (parce que le Seigneur est mort pour tous) ; douleurs par lesquelles Nous apportons l'accomplissement dans l'Eglise à ce qui reste des souffrances du Christ ; désirs qui sont ceux de tous les honnêtes gens, mais aussi de toute l'humanité saine ; espérances qui sont fondées sur Dieu bien plus que sur les hommes.

De ces besoins et de ces sentiments, Nous voulons que vous soyez Nos fidèles messagers auprès de PAuxiliatrice des chrétiens, pleinement confiants en Celle qui, sous le signe du Rosaire, a obtenu autrefois pour le peuple de Dieu de triompher de ses ennemis. Qu'elle obtienne, la céleste Reine, à ses fidèles dévots mais aussi à tous les hommes de triompher d'eux-mêmes, et, vainqueurs de leurs propres cupidités, passions et ambitions, de retrouver ou de trouver finalement la confiance réciproque, le sens de la modération, l'inestimable bienfait de la paix.

C'est avec ces souhaits que Nous vous remercions de votre visite et plus encore des prières que vous ferez pour Nous dans votre pèlerinage à Pompéi. Et anticipant avec vous sur la joie dont vous remplira certainement votre visite à la Vierge du Rosaire, Nous donnons de tout coeur à Notre bien-aimé Frère, votre pasteur, et à vous tous en particulier et à vos familles, à vos travaux et entreprises la Bénédiction apostolique.



Aux prêtres jubilaires de Varchidiocèse de Milan :

Et Nous voici à vous, chers vétérans du sacerdoce, que les vingt-cinq années ou les quarante années écoulées depuis votre sainte ordination font penser au passé, font penser à l'avenir. Si les souvenirs joyeux ou tristes vous reviennent à l'esprit, ils vous invitent surtout à une vue plus sérieuse de vos pénibles devoirs et de vos responsabilités devant Dieu et devant les hommes.

C'est là une date, la vôtre, qui est aussi la Nôtre, à laquelle plus que la fête s'impose le recueillement de l'esprit ; et, dans le recueillement, voici monter du fond de votre mémoire, oh ! combien de paroles d'avertissement et quelles paroles ! Celle-ci, par exemple : « Qui travaille au service de Dieu doit éviter de se mêler d'affaires séculières, afin de plaire à celui à qui il s'est dévoué » (2Tm 2,4). Et cette autre du même apôtre, dans la même lettre : « Je t'adjure de faire revivre la grâce de Dieu qui est en toi par l'imposition de mes mains » (2Tm 1,6). Et encore : « Ne néglige pas la grâce qui est en toi... Veille sur ta personne et sur ton enseignement ; persévère en ces dispositions. En le faisant, tu te sauveras toi-même et tu sauveras ceux qui t'écoutent. » (1Tm 4,14-16).

Heureux êtes-vous, bien chers frères, si, à ces appels de la diane, votre conscience n'a aujourd'hui que d'heureuses réactions ! De toute façon, bienheureux si, quelle qu'en doive être la réaction, les paroles de l'apôtre que Nous venons de citer, et d'autres encore, suscitent en vous, au vingt-cinquième ou au quarantième anniversaire de votre première messe, la résolution d'une plus ardente manière de vivre sacerdotale, animée d'une foi active, dans la charité, dans l'apostolat, dans le dévouement, dans le sacrifice, de sorte que plus rien ne se perde de votre sacerdoce dans la phase dernière et plus solennelle de son ascension.

Puissiez-vous dans cette dernière phase jouir chaque jour des saints enthousiasmes des prémices de votre sacerdoce ! Puissiez-vous vous sentir toujours et jusqu'à la dernière heure prêtres, dans la jeunesse du coeur et la maturité de l'esprit, ardents de bonne volonté ! Quelle plus grande récompense pour le prêtre de Jésus-Christ que de pouvoir dire au dernier jour : « J'ai combattu le bon combat, j'ai achevé ma course, j'ai conservé la foi » (2Tm 4,7).

Pour que cette récompense unique et inestimable vous soit réservée à tous, Nous élevons ici avec vous Nos voeux et Nos prières vers le Seigneur, pendant que de tout coeur Nous vous donnons à tous, comme aussi à ceux qui vous sont chers et aux âmes qui vous sont confiées, la Bénédiction apostolique.






ALLOCUTION A UN PÈLERINAGE CHILIEN

(12 juillet 1939) 1

A un groupe de pèlerins du Chili venus à Rome lui présenter leurs hommages filiaux, le Saint-Père adressa ces paroles d'encouragement et d'exhortation :

Nous voulons aujourd'hui adresser un salut spécialement cordial à Nos fils et filles très aimés que Notre Vénérable et très estimé Frère, l'évêque de Puerto Montt, a conduits jusqu'à Nous depuis le lointain Chili. Vous venez effectivement de terres lointaines, fils très chers. Cependant, Nous pouvons dire avec raison que plus lointaine est votre patrie, plus grande est Notre joie de pouvoir vous saluer dans cette maison du Père commun.

Pour vous et pour tous les fils de l'Eglise catholique au Chili, Nous voulons adresser aujourd'hui une parole de spéciale exhortation : reconnaissez l'importance et le sérieux que le moment présent revêt en la vie religieuse et la vraie félicité de votre peuple. Maintenez ferme et vaillante votre foi catholique et votre union en les portant dans la vie quotidienne jusqu'à ses dernières conséquences, parmi lesquelles se trouve aussi la vie sociale et publique. Assurez à votre jeunesse des écoles catholiques. Quand il s'agira de porter remède aux misères des pauvres et d'ouvrir le chemin à la justice et à la charité, signalez-vous entre tous comme les premiers, les premiers en esprit d'initiative et en esprit de sacrifice. Tel est le chemin que Nous ont montré Nos prédécesseurs, depuis que, votre indépendance politique à peine acquise, vous avez été la première république de langue espagnole à se rapprocher du trône de Pie VII, de sainte mémoire. C'est à vous qu'il revient maintenant de mettre ces conseils en pratique au Chili. Ainsi vous vous libérerez vous-mêmes et vous libérerez votre peuple des fausses maximes que l'erreur répand et vous arriverez à ramener au bercail les brebis égarées.

Nos espérances, Notre amour et Nos prières suivent de très près les vicissitudes de l'Eglise catholique chilienne. Nous désirons aujourd'hui la placer et vous placer sous la protection maternelle et puissante de la Vierge immaculée. Et à vous-mêmes, à tous ceux que vous portez dans votre esprit et dans votre coeur et à tout le peuple chilien qui Nous est si cher, Nous donnons du plus intime de Notre coeur, comme le gage de la force, de la vertu et de l'amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ, la Bénédiction apostolique.






LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT POUR LE CONGRÈS DE « PAX ROMANA »

(18 juillet 1939) 1

A l'occasion du Congrès international de « Pax Romana » tenu à fin juillet à Washington, le Souverain Pontife a fait parvenir ses encouragements par une lettre de S. Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat, à M. Rudi Salât, secrétaire administratif de l'association.



Il m'est bien agréable de transmettre aux dirigeants et aux membres de l'Association « Pax Romana », à l'occasion du Congrès international qui doit se tenir à Washington le mois prochain, les augustes encouragements du Saint-Père et ses voeux pour la réussite du Congrès et la réalisation toujours plus parfaite du programme que vous vous êtes tracé.

Sa Sainteté estime que votre activité peut procurer les meilleurs résultats dans le domaine de l'éducation chrétienne comme en ce qui concerne l'Action catholique dans les milieux universitaires.

Aussi est-ce avec les sentiments d'une toute paternelle complaisance que le Souverain Pontife accorde à l'Association, à son prochain congrès international, une grande et particulière Bénédiction apostolique, gage des divines grâces.






Pie XII 1939 - DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A D'AUTRES GROUPES DE PÈLERINS