Pie XII 1939 - DISCOURS AUX PÈLERINS DES TROIS VÉNÉTIES A L'OCCASION DU XXV\2e\0 ANNIVERSAIRE DE LA MORT DE PIE X


LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT POUR LE CONGRÈS DE L'OEUVRE DES COMMUNAUTÉS PAROISSIALES DE FRANCE

(19 août 1939)1

Le Saint-Père a fait parvenir, en une lettre adressée par S. Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat, à S. Em. le cardinal Verdier, archevêque de Paris, ses encouragements et ses voeux pour le Congrès de l'oeuvre des « Communautés paroissiales » pour les missions intérieures de France.



Les représentants des Communautés paroissiales de toute la France, qui vont se réunir prochainement sur la colline sacrée de Montmartre pour la célébration de leur dixième « Journée communautaire », pourront bien se réjouir de voir solidement affermie, après une expérience de dix ans, une oeuvre destinée à aider puissamment au travail urgent du relèvement religieux dans ce grand et cher pays.

En effet, ce qui est surtout nécessaire dans ce travail d'assainissement spirituel, au milieu de populations où toute préoccupation religieuse semble parfois à jamais éteinte, ce sont des apôtres à l'âme de feu, qui, étant animés de la flamme de l'évangélisation et abondamment nourris de vie intérieure puisée aux sources évangéliques, se consacrent au ministère pastoral sans calculs ni réserve, libres, autant qu'il est permis, des soucis encombrants de l'ordre temporel.

La « Communauté paroissiale », telle qu'elle a été établie dans plusieurs villes et centres ruraux de France, répond, paraît-il, à cette nécessité, puisqu'elle a rendu possible le recrutement et la formation de ces apôtres, et le rayonnement de son activité a eu comme résultat de faire revivre la foi et la piété chrétienne dans des régions d'où elles avaient été bannies.

Ce résultat est on ne peut plus encourageant. Aussi le Saint-Père aime-t-il à s'en réjouir avec tous ces chers prêtres missionnaires, et il est heureux d'élever à Dieu avec eux ses actions de grâces, pendant qu'il les engage à intensifier leur mission et à travailler de toutes leurs forces pour multiplier ces foyers providentiels de vie commune et apostolique.

En acceptant joyeusement les sacrifices qu'exige d'eux cette forme de ministère, ils assurent le meilleur rendement aux talents de leur vocation sacerdotale et ils trouvent en même temps les plus précieux moyens pour leur sanctification personnelle. C'est par celle-ci — personne ne l'ignore — que la vie du prêtre est surtout féconde ; et rien ne peut la remplacer dans l'exercice de l'apostolat pour en assurer les fruits.

Sa Sainteté se réjouit à la pensée que ceux-ci ne manqueront pas de stimuler toujours davantage le zèle de ces chers prêtres pour les porter à une action de plus en plus large et profonde. Elle implore dans ce but les plus abondantes lumières d'en haut ; et dans le ferme espoir que l'oeuvre des « Communautés paroissiales » ne cesse de progresser pour la plus grande gloire de Dieu à travers le travail, le sacrifice et la prière, envoie de tout coeur aux dirigeants des différentes « Communautés » et à chacun de leurs membres le réconfort de la Bénédiction apostolique.






RADIOMESSAGE AU MONDE ENTIER

(24 août 1939)1

Alors que les menaces d'un conflit mondial devenaient imminentes, le Pape lança par la Radio vaticane un message émouvant aux peuples du monde entier, en faveur de la paix. Les paroles vibrantes du Père commun furent diffusées en italien, en français, en allemand, en espagnol et en polonais.



Nouvel appel instant en faveur de la paix...

Une heure particulièrement grave vient de sonner pour la grande famille humaine : l'heure de délibérations redoutables dont Notre coeur ne peut se désintéresser, comme ne le doit pas l'autorité spirituelle qui Nous vient de Dieu pour conduire les âmes sur les voies de la justice et de la paix. Nous voici donc avec vous tous qui portez en ce moment le poids d'une si grande responsabilité, afin qu'à travers Notre voix vous écoutiez la voix de ce Christ de qui le monde a appris la plus haute école de vie, et dans lequel des millions et des millions d'âmes mettent leur confiance, dans une situation difficile où il n'y a que sa parole qui puisse dominer tous les bruits de la terre. Nous voici avec vous, chefs des peuples, hommes de la politique et des armes, écrivains, orateurs de la tribune et de la radio, et vous tous qui avez autorité sur les pensées et les actions de vos frères et qui répondez de leur sort.

N'ayant d'autre arme pour Nous que la parole de la vérité, étant au-dessus des contestations et des passions publiques, Nous vous parlons au nom de Dieu, « de qui procède toute paternité dans les cieux et sur la terre » (Ep 3,15) — au nom de Jésus-Christ, Notre-Seigneur, qui a voulu frères tous les hommes — au nom du Saint-Esprit, le Don du Très-Haut, source inépuisable d'amour dans les coeurs.

Aujourd'hui que, en dépit de Nos exhortations réitérées et de l'intérêt particulier que Nous portons à cette situation, les craintes d'un sanglant conflit international se font plus pressantes, aujourd'hui que la tension des esprits semble arrivée au point de faire considérer comme imminent le déchaînement du terrible ouragan de la guerre, Nous adressons d'un coeur paternel un nouvel et plus chaleureux appel aux gouvernants et aux peuples.

A ceux-là, pour qu'après avoir renoncé aux accusations, aux menaces et aux causes de la méfiance réciproque, ils tentent de résoudre les divergences actuelles par le seul moyen approprié, c'est-à-dire par des ententes loyales ; à ceux-ci, pour que, dans le calme et dans la sérénité, sans agitation désordonnée, ils encouragent les tentatives pacifiques de ceux qui les gouvernent. C'est par la force de la raison, et non pas par la force des armes, que la justice fera son chemin, et les empires qui ne sont pas fondés sur la justice ne sont pas bénis de Dieu. La politique affranchie de la morale trahit ceux-là mêmes qui veulent qu'elle soit ainsi.



...et de la négociation entre gouvernements.

Le danger est imminent, mais il est encore temps. Rien n'est perdu avec la paix. Tout peut l'être avec la guerre. Que les hommes recommencent à se comprendre. Qu'ils recommencent à négocier. En faisant ces pourparlers avec bonne volonté et dans le respect des droits réciproques, ils s'apercevront qu'un succès honorable n'est jamais exclu des négociations loyales et actives. Ils se sentiront grands — de la véritable grandeur — si, faisant taire les voix de la passion, aussi bien collective que privée, et faisant droit à la raison, ils épargnent le sang de leurs frères et soustraient leur patrie à la ruine.

Dieu veuille que la voix de ce Père de la famille chrétienne, de ce serviteur des serviteurs qui porte indignement, mais réellement, parmi les hommes la personne, les paroles, l'autorité de Jésus-Christ, trouve un accueil prompt et empressé dans les esprits et dans les coeurs. Que les forts Nous écoutent pour ne pas devenir faibles dans l'injustice. Que les puissants Nous écoutent s'ils veulent que leur puissance n'amène pas la destruction, mais qu'elle soit un appui pour les peuples et une protection pour la tranquilité de ceux-ci dans l'ordre et dans le travail.

Nous les supplions, par le sang du Christ dont la force qui vainquit le monde fut la douceur même dans la vie et dans la mort. Et en les suppliant, Nous savons et Nous sentons que Nous avons avec Nous tous les hommes au coeur droit, tous ceux qui ont faim et soif de justice, tous ceux qui souffrent déjà toutes sortes de douleurs par suite des maux de la vie. Nous avons avec Nous le coeur des mères qui bat avec le Nôtre ; les pères qui devraient abandonner leur famille ; tous ceux qui travaillent et ne savent pas ; les innocents sur lesquels pèse la terrible menace ; les jeunes, chevaliers généreux des idéaux les plus purs et les plus nobles.

L'âme de cette vieille Europe qui est l'oeuvre de la foi et du génie chrétien est aussi avec Nous, de même l'humanité tout entière qui attend la justice, la paix, la liberté, et non pas le fer qui tue et détruit. Avec nous est le Christ qui a fait de l'amour fraternel son commandement fondamental et solennel la substance de sa religion, la promesse du salut pour les individus et pour les nations.

Nous souvenant enfin que les oeuvres humaines n'aboutissent à rien sans le secours divin, Nous invitons tous les chrétiens à diriger leurs regards vers le très-Haut et à demander au Seigneur par des prières ferventes que sa grâce descende en abondance sur ce monde bouleversé, qu'il apaise les ressentiments, qu'il réconcilie les âmes et qu'il fasse resplendir l'aube d'un avenir plus serein. C'est dans cette attente et dans cet espoir que Nous donnons à tous, de tout coeur, Notre Bénédiction paternelle.






NOTE AUX GOUVERNEMENTS ANGLAIS, FRANÇAIS, ALLEMAND, ITALIEN ET POLONAIS

(31 août 1939) 1

Le jeudi 31 août, veille de l'agression allemande contre la Pologne, le Saint-Père fit encore de suprêmes efforts pour tenter d'enrayer le terrible fléau de la guerre. Après un long entretien avec S. Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat, il lança un ultime appel à la paix et fit remettre aux ambassadeurs d'Allemagne, de France, d'Italie, de Pologne, et au ministre d'Angleterre, la note que voici :



Le Souverain Pontife ne veut pas renoncer à l'espoir que les négociations en cours puissent aboutir à une solution juste et pacifique, telle que le monde entier ne cesse de l'implorer.

Sa Sainteté supplie, par conséquent, au nom de Dieu, les Gouvernements d'Allemagne et de Pologne de faire ce qui leur est possible afin d'éviter tout incident, et de s'abstenir de prendre toute mesure susceptible d'aggraver la tension actuelle. Elle prie les Gouvernements d'Angleterre, de France et d'Italie d'appuyer sa demande.





LETTRE AUX ÉVÊQUES DE HOLLANDE A L'OCCASION DU XII\2e\0 CENTENAIRE DE LA MORT DE SAINT WILLIBROD

(9 septembre 1939) 1

A l'occasion des fêtes organisées par les êvêques de Hollande pour le douzième centenaire de la mort de saint Willibrod, le Saint-Père leur a adressé la lettre suivante :



C'est avec joie que Nous apprenons, Vénérables pasteurs de Hollande, que des solennités doivent être célébrées en l'honneur de saint Clément Willibrod par vous et par vos fidèles, à l'occasion du XIIe centenaire de sa mort au monastère d'Echternach. La piété de l'obéissance religieuse et le devoir d'un respect reconnaissant demandent que vous rappeliez le souvenir de l'apôtre de votre région par de nouvelles célébrations et une joie inhabituelles. Si, en effet, l'honneur des enfants est la dignité du père, c'est à bon droit que vous vous glorifiez de ce saint né dans la généreuse Bretagne qui, poussé par une inspiration de Dieu, traversa la mer avec onze disciples, et porta la lumière de l'Evangile et l'estime de l'humanité et de l'urbanité aux Frisons qu'il aimait beaucoup. Qui pourra raconter les travaux auxquels il s'est consacré, les peines qu'il a supportées, les combats qu'il a soutenus, afin de porter à vos ancêtres l'Evangile du Christ ?

Aimé de Dieu et des hommes, et dont la mémoire est en bénédiction (cf. Si 45,1), il est apparu sur cette terre comme père, maître, législateur, et a donné l'exemple des plus hautes vertus. C'est à lui que les Hollandais doivent le précieux héritage d'une foi sainte et vive, brûlante de charité, établie sur une sévère discipline, et qui les entraîne de façon exemplaire dans des entreprises missionnaires, afin que les signes vainqueurs de la croix salutaire soient portés aux régions infidèles et que la lumière de la vérité venue du ciel soit semée en long et en large.

Plût au ciel que ceux qui sont éloignés de l'Eglise et qui honorent avec vous saint Willibrod comme père et chef reconnaissent aussitôt que possible ce Siège apostolique, « racine et mère de l'Eglise catholique et maître incapable de se tromper » 2, avec lequel il était en relations très étroites.

Que tous ceux qui portent le nom de catholique, mus par le zèle de la religion et entraînés par vos exhortations et vos exemples, accordent un soin attentif et persévérant afin de ramener par un effort persuasif de doctrine, de charité et de probité, à l'unique bercail du Christ, à la plénitude de la foi immaculée et à l'heureuse restauration de la communauté fraternelle, ceux que l'Eglise déplore comme ayant été éloignés d'elle par le dérèglement d'une époque malheureuse.

Mû par cet espoir, Nous encourageons les fidèles par de paternelles exhortations à retirer des solennités qui seront célébrées à la mémoire et en l'honneur de saint Willibrod de nouveaux et vigoureux encouragements à pratiquer la vertu. Que dans leurs vies, nulle dissension ne s'élève, nulle discorde n'apparaisse ; qu'avec la simplicité qui s'épand par de purs sentiments ils reproduisent à l'extérieur les moeurs que la foi leur enseigne à l'intérieur. Qu'ils mènent le bon combat du Christ contre les subtiles embûches de la dissipation spirituelle et les séductions du monde par lesquelles beaucoup sont pris imprudemment et attendent la bienheureuse espérance du bonheur de l'éternité, à l'exemple de saint Willibrod, au patronage duquel vous avez grande confiance et dont vous avez expérimenté l'efficacité à travers tant de difficultés actuelles. « (En effet), l'immensité du ciel dilate les coeurs au lieu de les fermer, réjouit les esprits au lieu de les rendre insensibles ; elle ne contraint pas les affections, mais les étend ! Qu'à la lumière de Dieu, le souvenir soit rendu serein et non point obscur. » 3

Que les supplications et les prières de votre céleste patron intercèdent auprès de Dieu afin que la chère Hollande resplendisse de plus en plus de splendeur et de sagesse chrétienne ; qu'une ferme et durable concorde de ses citoyens permette d'entreprendre de grands projets, infuse les hauts principes de la justice et de l'honnêteté dans la société et garde ses frontières de toute attaque ennemie.

C'est en souhaitant du fond du coeur que les saintes célébrations qui vont commencer soient source de salut et de joie que Nous accordons volontiers aux fidèles de Hollande l'indulgence plénière du Jubilé dont Nous vous envoyons les lettres en forme brève comme la chose l'exige.

Il Nous reste, Vénérables Frères et évêques de Hollande, à vous accorder affectueusement dans le Seigneur, ainsi qu'à l'ensemble de vos fidèles au bien desquels vous consacrez vos soins et vos pensées, la Bénédiction apostolique, témoignage et messagère de Notre grande affection.

2 S. Cyprien, Ep. 48 ad Cornelium.

3 S. Bernard, In natali S. Victoris, Sermo II.






RÉPONSE AU FILIAL HOMMAGE DU SACRÉ COLLÈGE

(11 septembre 1939)1

S. Em. le cardinal Granito di Belmonte, doyen du Sacré Collège, a fait parvenir au Saint-Père, le 1er septembre, une adresse de filial hommage au nom de tous les cardinaux. Voici la réponse pontificale :



Dans les heures anxieuses que nous traversons du fait des très graves événements qui nous pressent et que n'ont pu conjuguer Nos implorations répétées, Nous ne pouvions pas ne pas sentir plus que jamais serré autour de Nous avec toute sa piété filiale, son absolu dévouement, la conscience élevée de ses devoirs, le bien-aimé Sacré-Collège, Notre principal réconfort et soutien dans les soucis du ministère apostolique.

Mais, le voir venir à Nous comme d'une façon sensible à travers votre parole vénérée et Nous ouvrir son âme émue pour mêler son amertume à la Nôtre et pour offrir avec un libre et fervent élan à Nos angoisses les richesses de ses talents, de ses énergies spirituelles, de son coeur enflammé d'amour pour les intérêts de Jésus-Christ et de son Eglise, est un acte qui remplit Notre âme de tendresse et Notre coeur de profonde gratitude envers le Seigneur, toujours prêt à adoucir les douleurs de ses fils par d'intimes consolations.

Nous sentant par cet hommage beaucoup plus fort dans l'accomplissement des devoirs délicats que les circonstances Nous imposent, Nous vous exprimons à vous, Vénérable Frère, et à chacun de vos collègues dont vous traduisez si bien la pensée et le sentiment, Notre paternelle et très vive satisfaction.

Particulièrement heureux de vous sentir unis à Nous dans la prière confiante, Nous la sollicitons par-dessus tout ardente et incessante de votre charité. En elle, vous le savez, est le motif le plus solide de Nos espérances. Et tandis que, appuyé sur la prière, Nous implorons avec instance de Dieu avec vous et avec tous les gens de bien la paix stable tant désirée par les hommes, Nous vous accordons de tout coeur à vous, Vénérable Frère, et au Sacré Collège tout entier la Bénédiction apostolique.






ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR DE BELGIQUE

(14 septembre 1939) 1

Le 14 septembre, le Souverain Pontife reçut en audience le nouvel ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de Belgique, S. Exc. M. Adrien Nieuwenhuys, venu lui remettre ses lettres de créance. A l'adresse d'hommage, le Saint-Père répondit en exprimant à nouveau son désir de paix pour toute la famille humaine :



C'est une vive satisfaction pour Nous de recevoir des mains de Votre Excellence les lettres par lesquelles Sa Majesté le roi des Belges l'accrédite auprès de Nous comme son ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire. Nous voyons dans ces lettres une expression nouvelle de l'intérêt particulier que votre auguste souverain attache au maintien des étroites et confiantes relations unissant heureusement la nation belge à ce Siège apostolique : relations qui tournent à l'avantage tout ensemble de l'Eglise et de l'Etat. Les paroles, dont Votre Excellence a accompagné cet acte solennel, sont pour Nous une garantie (Nous l'attendions avec pleine certitude, mais Nous n'en sommes pas moins touché), que les intentions élevées de Sa Majesté trouveront en vous la plus entière et la plus fidèle correspondance. En retour, soyez assuré, Monsieur l'ambassadeur, que Nous, qui voici bien des années déjà avons eu l'occasion de connaître et d'apprécier vos belles qualités d'esprit et de coeur, Nous vous donnerons bien volontiers tout Notre appui dans l'accomplissement de la haute tâche qui vous est confiée.



Rappel des efforts tentés par le Saint-Père en faveur de la paix.

Les débuts de cette mission coïncident avec une heure de tension tragique, qui emplit Notre coeur d'une profonde tristesse. Ce qui depuis le dernier conflit mondial était l'angoisse et la terreur des peuples est à nouveau une réalité — la réalité d'une catastrophe incommensurable ! Car cette guerre nouvelle, qui déjà ébranle le sol de l'Europe, et particulièrement celui d'une nation catholique, aucune prévision humaine ne peut calculer ni quel effroyable potentiel de carnage elle porte en elle, ni quelles seront son extension et ses complications successives. Votre Excellence rappelle à bon droit les efforts accomplis par son souverain, jusqu'à la dernière minute, pour sauver la paix menacée et pour préserver les peuples d'Europe des plus graves calamités. Mais qui donc pouvait être plus ardemment disposé à aider ces généreuses tentatives que le Père commun de la chrétienté ? Placé par les devoirs de Notre ministère apostolique au-dessus des conflits particuliers, et soucieux, dans Notre sollicitude paternelle, du vrai bien de tous les peuples, Nous voyions, avec un douloureux serrement de coeur, s'approcher de jour en jour le cataclysme qui suivrait, comme une conséquence inéluctable, l'abandon du principe des négociations et le recours à la force des armes. Nous n'avons pas à redire Nous-même comment la prévision d'un si grand malheur Nous a accompagné sans cesse depuis le premier jour de Notre pontificat ; comment, jusqu'à l'instant suprême qui précéda l'explosion des hostilités, Nous n'avons rien omis de ce que Nous pouvions tenter — soit par des prières et des exhortations publiques, soit par des démarches confidentielles, réitérées et précises — pour éclairer les esprits sur la gravité du péril et pour les amener à de loyales et pacifiques négociations sur les bases, les seules solides et durables, de la justice et de l'amour : justice rendue au plus faible non moins qu'au plus fort ; amour qui se maintienne à l'abri des égarements de l’égoïsme, de sorte que la sauvegarde du droit de chacun ne dégénère pas en oubli, ou négation, ou violation positive, du droit des autres.



Nouvel appel.

Aujourd'hui, malheureusement, le grondement du canon, le tumulte des armées combattantes et la rapide succession des faits de guerre, sont sur le point de couvrir toutes les autres voix. Les hostilités déjà engagées, dans certains secteurs avec des effets foudroyants, semblent actuellement barrer aux champions de la paix les routes qui, hier encore, pouvaient paraître accessibles à une bonne volonté réciproque. Dans un tel état de choses, Nous élevons Nos prières vers Dieu, qui tient dans sa main les coeurs des hommes afin qu'il abrège les jours de l'épreuve, et qu'il ouvre aux peuples, menacés de malheurs indicibles, des voies nouvelles vers la paix avant que l'incendie actuel ne soit transformé en conflagration universelle.

Puisque Nous sommes, bien qu'indigne, le Vicaire de Celui qui est descendu sur la terre comme le Princeps pacis (le Prince de la paix) ; — Nous sentant soutenu en outre par les prières des fidèles et réconforté par l'intime certitude d'avoir avec Nous d'innombrables âmes de bonne volonté — Nous ne cesserons pas d'épier attentivement, pour les seconder de tout Notre pouvoir, les occasions qui s'offriraient, avant tout, d'acheminer à nouveau les peuples, aujourd'hui soulevés et divisés, vers la conclusion d'une paix honorable pour tous, en conformité avec la conscience humaine et chrétienne, une paix qui protège les droits vitaux de chacun et qui sauvegarde la sécurité et la tranquillité des nations ; — et puis, tant que cela n'est pas possible, tout au moins de soulager les terribles blessures déjà infligées ou celles qui le seront dans l'avenir. A ce propos, il Nous plaît de rappeler certaines déclarations, par lesquelles les puissances belligérantes au commencement du conflit ont publiquement affirmé leur volonté d'observer, dans la conduite de la guerre, les lois de l'humanité et de se conformer aux stipulations des accords internationaux. Nous voulons donc espérer d'une manière spéciale que les populations civiles seront préservées de toute opération militaire directe ; que, dans les territoires occupés, seront respectés la vie, la propriété, l'honneur et les sentiments religieux des habitants ; que les prisonniers de guerre seront traités humainement et pourront sans obstacles recevoir les réconforts de la religion ; que sera exclu l'usage des gaz asphyxiants et toxiques.

Chez un peuple qui a donné à l'Eglise de si admirables héros de la charité chrétienne, Nous sommes sûrs que Notre appel pour la paix du Christ, pour la justice et la charité dans les relations internationales, trouvera toujours des esprits attentifs et bien disposés, des coeurs prêts au sacrifice, des mains secourables. Animé de cette consolante confiance, Nous invoquons la toute-puissante protection de Dieu sur Sa Majesté le roi et sur toute la famille royale, sur le gouvernement et la nation belge ; et Nous implorons en particulier les bénédictions divines sur Votre Excellence, afin qu'elles l'accompagnent au cours de sa haute mission.




ALLOCUTION A DES PÈLERINS MEXICAINS

(20 septembre 1939)1





Recevant en audience un groupe de prêtres et de fidèles du Mexique, le Saint-Père leur adressa ces paroles de bienvenue et de remerciement pour l'initiative qu'ils ont prise de faire placer dans les jardins du Vatican une statue représentant l'apparition de Notre-Dame de Guadeloupe :

Il n'y a pas de mot qui puisse exprimer quelle joie et quelle consolation Nous donne la divine Providence en Nous accordant la possibilité de vous saluer en Notre maison, fils et filles du Mexique.

Vous venez d'une terre chère, dans laquelle les disciples fidèles de Jésus se sont trouvés dans la tribulation et la peine et où ils ont souffert la persécution pour la foi et pour le nom de Jésus.

Dites chez vous à vos frères et à vos soeurs que le Seigneur a dû récompenser avec surabondance votre fidèle constance en la foi. Les sacrifices qu'ils ont supportés pour le Christ-Roi sont la semence divine qui rend des fruits au centuple.

Vous avez élevé sur notre territoire un monument à la Très Sainte Vierge de Guadeloupe : Nous vous en remercions. Une confiance sans limites dans l'amour maternel et dans la puissante protection de la Vierge Immaculée Nous unira à vous.

Nous devons invoquer Marie pour qu'elle vienne à Notre aide dans toutes les menaces et les oppressions, pour qu'elle inspire le courage aux faibles, pour qu'elle intercède pour tout votre peuple et qu'elle obtienne de son divin Fils des prêtres saints, des hommes craignant Dieu, des mères pieuses, des jeunes fermes et constants dans la foi.

Comme gage de ceci, Nous vous accordons à vous et à tous vos parents, à tous ceux que vous portez dans l'esprit et dans le coeur, à tous Nos chers fils et filles de votre belle patrie, à tout votre peuple, une très spéciale et paternelle Bénédiction apostolique.

Nous bénissons en même temps et Nous enrichissons d'indulgences tous les objets religieux que vous avez apportés avec vous.






ALLOCUTION A DES PÈLERINS ALLEMANDS

(26 septembre 1939) 1

Le 26 septembre, le Saint-Père reçut en audience un groupe de pèlerins allemands auquel il adressa ces paternelles paroles :



Chers fils ! Nous vous souhaitons une cordiale bienvenue. Vous savez quel profond intérêt Nous vouons à toutes les causes et manifestations de la vie religieuse et du salut des âmes du peuple allemand.

Vous venez vers Nous dans une heure grave. Elle est si grave, et l'avenir paraît si sombre que nous autres hommes ne pouvons pour l'instant voir et dire qu'une seule chose : pour tous les peuples qui s'y trouveront entraînés, la guerre qui vient d'éclater est un terrible fléau de Dieu.

Pour le prêtre, il s'agira maintenant, plus que jamais, de savoir s'élever au-dessus des passions politiques et nationales, de réconforter, de rendre courage, de secourir, d'exhorter à la prière et à la pénitence et de prier lui-même et de faire pénitence. Priez, afin que Dieu dans sa miséricorde abrège le fléau de guerre, qu'il conduise à la paix, une paix qui soit pour les belligérants une paix dans l'honneur et dans la justice et une vraie réconciliation, qu'il accorde aussi à l'Eglise catholique dans votre chère patrie des jours plus heureux et une plus grande liberté.

En gage de l'amour, de la grâce, de la force et de la longanimité de Jésus-Christ, à vous chers fils et à tous ceux qui vous sont confiés, Nous accordons de tout coeur la Bénédiction apostolique.






ALLOCUTION A S. EM. LE CARDINAL HLOND, ARCHEVÊQUE DE GNIEZNO ET POZNAN ET AUX POLONAIS RÉSIDANT A ROME

(30 septembre 1939) 1

Conduit par S. Em. le cardinal Hlond, archevêque de Gniezno et Poznan, un groupe de Polonais de Rome fut accueilli par le Saint-Père avec ces paroles de consolation et de confiance :



Vous êtes venus ici implorer Notre Bénédiction en un moment particulièrement douloureux pour votre patrie, à une heure tragique de votre vie nationale. Aussi avons-Nous bien rarement senti en Nous, intime et ardent autant qu'aujourd'hui, le désir de Nous montrer en fait et en paroles ce que, par un choix mystérieux de la Providence, Nous sommes appelé à être ici-bas : le Vicaire et le représentant de Jésus-Christ, l'image vivante de ce Dieu incarné, dont saint Paul a pu dire : * Apparuit benignitas et humanitas » (Tt 3,4). Oui, c'est la compassion infiniment tendre du Coeur divin lui-même que Nous voudrions en ce moment vous faire voir, entendre, sentir, à vous tous, enfants de la Pologne catholique.

Vous êtes venus sous la conduite de votre vénéré cardinal-primat et accompagnés de plusieurs de vos prêtres, comme pour témoigner que votre attachement traditionnel à vos pasteurs, gage de votre dévouement au Pasteur suprême, n'a rien perdu sous le coup des adversités qui vous frappent et ne se laissera pas ébranler par celles qui vous menaceraient encore.

Vous êtes venus, non pour formuler des revendications, ni pour exhaler des lamentations bruyantes ; mais pour demander à Notre coeur, à Nos lèvres, une parole de consolation et de réconfort dans la souffrance. Notre devoir de père est de vous la donner ; et personne assurément n'aurait le droit de s'en étonner. L'amour d'un père s'intéresse à tout ce qui touche ses enfants ; combien plus s'émeut-il de ce qui les blesse ! A chacun d'eux il voudrait dire le mot de saint Paul aux Corinthiens : « Qui de vous peut souffrir sans que je souffre avec lui ? » Quis infirmatur et ego non infirmor f (2Co 11,29).



Compassion du pape pour les victimes de la guerre.

Or, il y a des milliers déjà, des centaines de milliers de pauvres êtres humains qui souffrent, victimes atteintes dans leur chair ou dans leur âme par cette guerre, dont tous Nos efforts, vous le savez, ont si obstinément, si ardemment — mais si vainement, hélas ! — tâché de préserver l'Europe et le monde. Devant Nos yeux passe maintenant, vision d'épouvante affolée ou de morne désespoir, la multitude des fugitifs et des errants, tous ceux qui n'ont plus de patrie, plus de foyer. Jusqu'à Nous montent, déchirants, les sanglots des mères et des épouses, pleurant les êtres chers qui sont tombés sur le champ de bataille ; Nous entendons la plainte désolée de tant de vieillards et d'infirmes, qui restent trop souvent sans doute privés de toute assistance, de tout secours ; les vagissement et les pleurs des tout petits, qui n'ont plus de parents ; les cris des blessés et le râle des moribonds, qui n'étaient pas tous des combattants. Nous faisons Nôtres toutes leurs souffrances, toutes leurs misères, tous leurs deuils. Car l'amour du pape envers les enfants de Dieu ne connaît pas de limites, pas plus qu'il ne connaît de frontières. Tous les fils de l'Eglise sont chez eux quand ils se pressent autour de leur Père commun ; tous ont une place dans son coeur.

Mais cette tendresse paternelle, qui fait une part de choix aux affligés, qui voudrait s'arrêter sur chacun d'eux — et dont vous pouvez recevoir aujourd'hui l'immédiat témoignage — n'est pas l'unique bien qui vous reste. Aux yeux de Dieu, aux yeux de son Vicaire, aux yeux de tous les hommes de bonne foi, il vous reste d'autres richesses ; de celles qui ne se gardent pas dans les coffres de fer ou d'acier, mais dans les coeurs et dans les âmes. Il vous reste d'abord le rayonnement d'une bravoure militaire, qui a rempli d'admiration vos adversaires eux-mêmes, et à laquelle loyalement ils ont rendu hommage.



Appel à l'espoir pour la Pologne chrétienne...

Il vous reste, nuée lumineuse dans l'actuelle nuit, tous les grands souvenirs de votre histoire nationale, dont dix siècles bientôt révolus ont été consacrés au service du Christ et maintes fois à la magnanime défense de l'Europe chrétienne. Il vous reste surtout une foi qui ne veut pas se démentir, digne aujourd'hui de ce qu'elle fut jadis, de ce qu'elle était hier encore. Sur les chemins tour à tour tragiques et glorieux qu'a suivis la Pologne, il a coulé déjà bien des fleuves de larmes et des torrents de sang ; il y a eu des abîmes de douleur ; mais il y a eu aussi des cimes ensoleillées de victoire, des plaines et des vallées pacifiques, illuminées de toute les splendeurs de la religion, de la littérature et des arts. Dans sa vie mouvementée, ce peuple a connu des heures d'agonie et des périodes de mort apparente ; mais il a vu aussi des jours de relèvement et de résurrection. Il y a une chose qu'on n'a pas vue dans votre histoire, et votre présence ici Nous assure qu'on ne la verra jamais : c'est une Pologne infidèle ou séparée de Jésus-Christ et de son Eglise.

Le pays de saint Casimir et de sainte Hedwige, le pays des deux saints Stanislas, de saint Jean de Kenty et de saint André Bobola a pu perdre, au cours des âges, plus ou moins longtemps son territoire, ses biens, son indépendance ; jamais il n'a perdu sa foi. Jamais il n'a perdu sa tendre dévotion envers la Vierge Marie, cette « Reine » puissante et douce « de la Pologne » dont l'image miraculeuse est depuis des siècles, dans le sanctuaire de Czestochowa, la consolatrice des douleurs de toute une nation et la confidente de ses indestructibles espérances.

C'est pourquoi Nous sommes assuré, très chers fils et filles, que des sentiments si solidement ancrés dans vos âmes ne faibliront pas. Nous voulons d'ailleurs espérer que Dieu, dans sa miséricorde, ne permettra pas que l'exercice de la religion soit entravé dans votre pays ; Nous voulons même espérer malgré bien des raisons de craindre, inspirées par les desseins trop connus des ennemis de Dieu, que la vie catholique pourra continuer, profonde et féconde parmi vous ; que vous pourrez renouveler les cérémonies du culte, les manifestations de piété envers l'Eucharistie et d'hommage à la royauté du Christ dont vos villes et vos campagnes donnaient récemment encore le magnifique spectacle ; que la presse catholique, les institutions charitables, les oeuvres sociales, l'enseignement religieux jouiront de la liberté qui leur est due. C'est pourquoi Nous exhortons spécialement vos pasteurs spirituels à poursuivre, à accroître encore, leurs initiatives dans le champ qui, Dieu aidant, pourra rester ouvert à leur zèle. Quelles que soient les circonstances nouvelles où ce zèle s'emploiera, le premier devoir de tous, pasteurs et brebis, est de persévérer non seulement dans la prière mais courageusement aussi dans les oeuvres, avec une inébranlable confiance.



et confiance en la Providence.

Car c'est précisément aux heures où la Providence divine semble pour un temps se cacher, qu'il est beau, et méritoire, et bon, de croire en elle ! Dans les malheurs qui vous atteignent, dans ceux qui peut-être encore surviendraient, vous ne cesserez donc jamais de voir cette Providence, qui ordonne tout à ses fins, qui « ne se trompe jamais dans ses conseils, Deus cujus providentia in sui dispositione non fallitur2 » et qui, lorsqu'elle laisse peser sur ses enfants une lourde croix, n'a en vue que de les faire plus semblables à leur Sauveur bien-aimé, de les associer plus intimement à son oeuvre rédemptrice, et par conséquent de les rendre plus chers à son Coeur. Comme ces fleurs de vos pays, qui sous l'épaisse couche des neiges hivernales attendent les souffles tièdes du printemps, vous saurez attendre, dans une prière confiante, l'heure des consolations célestes.

Votre douleur, ainsi tempérée d'espérance, ne sera donc point mêlée de rancune, moins encore de haine. Que votre élan vers la justice reste conforme, car il peut et doit l'être, aux divines lois de la charité. C'est par la justice et la charité, en effet — et par elles seules, comme Nous ne cessons pas de le redire — que pourra être enfin rendue au monde aujourd'hui convulsé cette paix que, parmi le tumulte des armes, appelle si anxieusement la clameur des peuples, et pour laquelle, d'un bout du monde à l'autre, des millions d'âmes sincères, même de celles qui ne professent pas la foi catholique, élèvent leurs prières vers Dieu, seul Maître souverain des hommes et des choses.

Nous ne vous disons pas : « Séchez vos larmes ! » Le Christ, qui a pleuré sur la mort de Lazare et sur la ruine de sa patrie, recueille, pour les récompenser un jour, les larmes que vous répandez sur vos chers morts, et sur cette Pologne qui ne veut pas mourir. Pour le chrétien, qui sait le prix surnaturel de ces perles, les larmes elles-mêmes peuvent donc avoir leur douceur. Et n'y a-t-il pas d'ailleurs, en chacun de vous, un peu de l'âme de votre immortel Chopin, dont la musique a réalisé ce prodige, de faire de la joie profonde et intarissable avec nos pauvres larmes humaines ? Si l'art d'un homme a pu aller jusque-là, où n'iront-elles pas, dans l'art de bercer nos douleurs intimes, la sagesse et la bonté de Dieu ?

Comme gage des faveurs célestes, que Nous implorons pour vous, très chers fils et filles, Nous vous donnons, avec effusion de coeur, Notre Bénédiction apostolique. Nous étendons cette bénédiction à tous les enfants de la nation polonaise, et plus particulièrement aux personnes que chacun de vous a présentes dans ses intentions ou ses souvenirs.

Orat. Lit. Missae Dom. VII p. Pent.






Pie XII 1939 - DISCOURS AUX PÈLERINS DES TROIS VÉNÉTIES A L'OCCASION DU XXV\2e\0 ANNIVERSAIRE DE LA MORT DE PIE X