Pie XII 1939 - ENCYCLIQUE « SERTUM LAETITIAE » AUX ÉVÊQUES DES ÉTATS-UNIS


DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A DES JEUNES DE L'ACTION CATHOLIQUE

(8 novembre 1939) 1

Ce jour, le Souverain Pontife reçut en audience générale les jeunes époux et de nombreux jeunes de l'Action catholique italienne ayant participé au concours de culture religieuse. Parlant d'abord aux jeunes époux, le Saint-Père leur rappela leurs nouveaux devoirs et leurs responsabilités personnelles.



C'est avec une bienveillance toute particulière que Nous vous saluons, chers jeunes époux, vous que votre esprit de foi a conduits aux pieds du Père commun pour recevoir sa bénédiction à un moment pour vous si important, et par les obligations que vous avez assumées, et par les grâces que vous avez reçues.

Le mariage vous impose en effet des devoirs nouveaux. Jusqu'ici bon nombre d'entre vous ont vécu sous le toit paternel, sans responsabilités personnelles, et leur tâche se bornait à aider, selon leur âge et leurs forces, un père et une mère bien-aimés, qui leur assurait une place au foyer et à la table de famille. Mais voilà que vous avez fondé une nouvelle famille, dont vous-mêmes serez responsables devant Dieu et les hommes. Faites que votre foyer, dès les premiers jours, soit chrétien et se montre franchement tel. Qu'il ait le Sacré-Coeur de Jésus pour Roi ; que les images du Sauveur crucifié et de la très douce Vierge Marie y tiennent une place d'honneur. Cela pour témoigner aux yeux de tous que votre foyer sert Dieu et que les amis et visites doivent, comme vous-mêmes, en bannir tout ce qui peut violer sa sainte loi : propos impudiques, mensonges ou coupables faiblesses ; mais aussi et surtout pour vous rappeler à vous-mêmes que Jésus et Marie sont les témoins les plus fidèles, les plus aimants, les compagnons pour ainsi dire des événements de votre famille, les compagnons des joies, que Nous vous souhaitons nombreuses, les compagnons des douleurs et des épreuves, qui, elles non plus, ne manqueront point. Oui, vous aurez, comme tout le monde ici-bas, vos heures de tristesse. Vous vivez peut-être maintenant dans un doux rêve ; mais quel rêve résiste à la réalité quotidienne ? La grâce du sacrement vous prémunira contre les inévitables désillusions, contre les difficultés inséparables de la vie conjugale. En toute circonstance joyeuse ou triste de votre vie, le grand devoir du mariage chrétien demeure pour vous ferme et inébranlable. Le mariage n'est pas pour vous, chrétiens, un pacte seulement humain ; il est un contrat où Dieu tient une place, la seule qui lui convienne, c'est-à-dire la première. Vous vous êtes unis devant son autel non seulement pour vous alléger le poids de la vie, mais pour collaborer avec Dieu à la continuation de son oeuvre créatrice, conservatrice et rédemptrice. En même temps qu'il recevait et bénissait vos promesses, Dieu vous a conféré une grâce spéciale pour vous rendre toujours plus facile l'accomplissement de vos devoirs nouveaux.

C'est avec ces sentiments et ces voeux que Nous vous accordons de tout coeur, en gage des grâces célestes les plus abondantes, Notre Bénédiction apostolique.



Après les exhortations adressées aux jeunes époux, le Saint-Père s'adressa aux jeunes gens d'Action catholique qui ont reçu des prix dans le concours de culture religieuse.

A côté des jeunes époux, Nous avons la joie de voir aujourd'hui une troupe d'élite de la Jeunesse catholique italienne. En ces jours d'automne qui, au moment où tant d'arbres rendent leurs feuilles à la terre, nous rappellent la caducité des choses, votre présence, très chers fils conduits par Nos Vénérables Frères les évêques d'Avel-lino et de Segni, par vos maîtres zélés et savants et par vos assistants ecclésiastiques, Nous apparaît, par contraste, comme une vision du printemps qui a fleuri en vous au souffle vivifiant de la famille chrétienne, aux zéphyrs de la piété et de l'instruction religieuse, à l'ombre sainte des tours et des campaniles de vos paroisses. Au milieu de votre couronne de frais et souriants visages, Notre âme paternelle semble rajeunir avec vous, parce que vous n'êtes pas une lugubre couronne de fleurs d'automne, mais une guirlande de fleurs en bourgeons croissant à la douce saison dans le jardin de l'Eglise du Christ, de ce Jésus que vous avez appris à connaître, à adorer, à aimer, à servir, à invoquer, de ce Jésus dont il est écrit qu'« il croissait en sagesse, en âge et en grâce devant Dieu et devant les hommes. »

Croître en âge, ce que vous faites maintenant, très chers jeunes gens, est une bénédiction et un don de Dieu ; mais croître en âge seulement dans son corps serait une croissance digne des plantes et des animaux sans raison, si l'homme, élevé au-dessus des animaux sans raison et des plantes et de toute la nature par l'image et la ressemblance divine qui sont imprimées sur son front par le Créateur, ne croissait pas aussi en âge dans son âme devant Dieu et devant les hommes. Bienheureux êtes-vous, si vous croissez en cette sagesse qui imprime dans votre esprit comme un sceau indélébile et précieux et comme un rayon lumineux de vos vertes années, la foi en Dieu, l'espérance en Dieu, l'amour de Dieu, avec la prière et les vertus chrétiennes, avec l'attachement filial à l'Eglise, votre Mère, avec ce courage qui ne craint pas le respect humain, qui procède de l'adhésion intime à son appel, de la vénération et de la conviction aux enseignements reçus d'elle, de cette profondeur du coeur où dans le cours de votre jeunesse vous êtes en train de poser les fondements de votre caractère de fils de Dieu et de l'Eglise conscients et dévoués.

Voilà la très haute sagesse de la culture religieuse : sagesse qui vous rend plus sages que les plus grands philosophes de l'antiquité païenne et que les philosophes et chercheurs aux opinions discordantes de l'âge moderne. Une vieille petite femme, écrivait le prince des théologiens, saint Thomas d'Aquin, en sait plus long aujourd'hui des choses de la foi que tous les philosophes en sauront un jour.

C'est dans cette sagesse chrétienne, chers fils, que vous êtes en train de croître grâce au concours annuel de culture religieuse. C'est un concours saint, une émulation sacrée, une course religieuse qui vous fait avancer vers la connaissance des mystères divins, de la vie du Rédempteur, des saints sacrements, de la maternité et de l'autorité de l'Eglise, de la paternité du Vicaire du Christ, des vertus et de la morale catholique, du chant sacré. C'est un concours et une course pour la couronne incorruptible de la vie éternelle du Ciel. Le grand Apôtre des gentils vous l'enseigne : « Ne savez-vous pas, s'écrie-t-il, que ceux qui courent dans le stade, courent vraiment tous, mais un seul remporte le prix ? Courez de manière à ce qu'il soit vôtre. Mais tous ceux qui luttent dans l'arène s'abstiennent de tout ; et eux c'est pour obtenir une couronne corruptible ; mais nous, pour une couronne incorruptible. » Dans le stade des cours d'instruction catéchistique, toutes les associations paroissiales ont rivalisé et concouru par diocèses et par régions ; et Nous avons la joie de voir rassemblés autour de Nous les plus valeureux parmi les valeureux qui dans cette sainte course et dans ce concours de sagesse chrétienne se sont tellement mis en avant qu'ils ont cueilli la palme et ont pu se présenter à Nous, honorés du prix.

Ce privilège qui vous est échu, ô très chers fils, exalte les nombreuses légions de vos compagnons des paroisses, des diocèses ou des régions où le Seigneur vous a fait la grâce d'obtenir la première place, mais sans humilier aucun de ceux qui ont pris part au concours parce que le concours est une course d'émulation qui met sur le même rang sur le terrain de la lutte tous les concurrents et honore la valeur et l'audace de tous.

C'est pourquoi Notre parole, en s'adressant à vous ici présents, vise toutes les jeunes troupes de vos associations et étend jusqu'à elles Notre éloge, Notre paternel applaudissement ; parce que ce prix, qui fut pour vous l'éperon qui vous a poussés à la victoire, est aussi pour eux un honneur pour leur émulation. Nous visons aussi à vos côtés vos émules d'une culture religieuse plus développée, les vainqueurs des associations internes d'étudiants dans les collèges, qui, dans un concours à un degré plus élevé sur le Nouveau Testament, ont démontré avec éloge quelle puissance peut avoir sur les coeurs et les esprits d'une jeunesse gentille et cultivée, le progrès dans l'acquisition de la sagesse religieuse et dans l'amour de la connaissance du Christ.

Dans cet accroissement de science et d'instruction religieuse, les aspirants que vous comptez parmi vous, dans le cours de l'année qui se termine, ont visé à l'étude de la prière et de la vertu. Oh ! très chers fils, la prière n'est pas seulement le devoir des aspirants, mais de tous, jeunes et anciens, petits et grands. Voir un enfant qui prie, c'est voir un ange qui supplie en adoration près du saint Tabernacle. Priez, ô jeunes gens bien-aimés, priez pour vous, pour ceux qui vous sont chers, pour l'Eglise, pour Nous, pour votre patrie, pour la paix du monde. Le ciel écoute les innocents ; le ciel prend la défense des innocents. Quand vous retournerez chez vous, au milieu de vos compagnons, portez-leur le souvenir que Nous vous laissons, celui de la prière ; dites-leur à eux et à vos familles qu'à Rome vous avez vu un Père vêtu de blanc qui vous aime, qui les invite tous à prier, qui les bénit tous et qui invoque sur tous la protection et les faveurs divines.






ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR EXTRAORDINAIRE DE LA RÉPUBLIQUE D'HAÏTI

(10 novembre 1939) 1

A S. Exc. M. Abel Nicolas Léger, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de la République d'Haïti, qui lui remettait ses lettres de créance, le Saint-Père répondit :



D'une nation lointaine par sa situation, mais proche de Nous par son attachement à l'Eglise, d'une île restreinte en étendue, mais célèbre devant l'histoire pour avoir la première, entre les terres d'un nouveau monde, reçu de l'illustre navigateur génois et de son équipage espagnol les éléments de la civilisation latine et de la foi romaine, Votre Excellence vient aujourd'hui, avec l'autorité d'une mission officielle, affirmer et affermir encore le traditionnel dévouement du peuple haïtien à la religion du Christ.

L'âme de ce peuple, comme le notait Votre Excellence, est profondément pénétrée d'esprit chrétien. Aussi le gouvernement qu'il s'est donné se fait-il sagement un devoir de reconnaître à l'Eglise dans la prédication de la doctrine évangélique, dans l'éducation de la jeunesse, dans l'exercice de son activité bienfaisante pour le progrès religieux, moral et social de toutes les classes de la nation, cette liberté d'action qui tourne finalement à l'avantage de la société, non moins que de l'Eglise elle-même.

Avec la joie que Nous éprouvons de vous accueillir, forment un douloureux contraste les événements extérieurs, source universelle de préoccupations, dont les conséquences économiques se font sentir jusque par-delà les continents et les mers. L'unité de la grande famille humaine, celle surtout des fidèles dans le Christ font aux peuples heureusement préservés de la guerre une obligation de s'intéresser à ceux qui souffrent et de multiplier leurs appels à la miséricorde de Dieu, afin que sa main toute-puissante rende au monde l'ordre et la paix.

Mais, comme Nous l'avons souvent dit, cette paix désirée et l'ordre qui en est la condition indispensable, le monde n'en jouira que si les hommes responsables du gouvernement des peuples et de leurs relations mutuelles renoncent au culte de la force employée contre le droit ; si, reconnaissant pour insuffisante et précaire une morale aux fondements purement humains, ils acceptent l'autorité suprême du Créateur comme base de toute morale individuelle ou collective ; s'ils rendent à ce Père qui est dans les cieux l'hommage voulu par lui d'une fraternelle concorde entre ses fils de tout pays et de toute langue. Alors seulement ils arriveront à réaliser et à parfaire une organisation internationale stable et féconde, telle que la souhaitent les hommes de bonne volonté : organisation qui, parce qu'elle respectera les droits de Dieu, puisse assurer l'indépendance mutuelle des peuples grands et petits, imposer la fidélité aux accords loyalement consentis et sauvegarder, dans l'effort de chacun vers la prospérité de tous, la saine liberté et la dignité de la personne humaine.

Que ces pensées soient les vôtres, Monsieur le ministre ; qu'elles inspirent votre action diplomatique, Nous en avons l'assurance dans les lettres par lesquelles S. Exc. M. le président de la République a bien voulu vous accréditer près le Saint-Siège. En outre, la personnalité de Votre Excellence, qui Nous était déjà connue par les hautes fonctions qu'elle a remplies, Nous donne, pour la continuation des bons rapports entre ce Siège apostolique et la République d'Haïti, la plus confiante espérance.

L'Eglise, de son côté, tendre Mère de toutes les âmes rachetées par le sang de Jésus-Christ et gardienne attentive de la vie spirituelle parmi les peuples, non moins que dans les individus, a manifesté en plusieurs occasions déjà l'intérêt particulier qu'elle portait à la nation dont Votre Excellence est le digne représentant. Nous serons heureux de pouvoir toujours montrer les mêmes dispositions bienveillantes. Aussi Nous est-il agréable de déclarer que Nous faciliterons, par tous les moyens en Notre pouvoir, l'accomplissement de la mission qui vous est dévolue.

Nous vous prions, Monsieur le ministre, d'en donner l'assurance à S. Exc. M. le président de la République, en lui offrant aussi l'expression des souhaits très cordiaux que Nous formons pour le bonheur de sa personne et pour la prospérité de la République haïtienne. Enfin, Nous appelons, du plus intime de Notre coeur, sur la nation tout entière, sur ses chefs et spécialement sur Votre Excellence, l'abondance des bénédictions divines.






LETTRE APOSTOLIQUE ABOLISSANT LES PRIVILÈGES DE L'ORDRE « PIANUS »

(11 novembre 1939) 1

Par la lettre apostolique scellée sous l'anneau du Pêcheur le 17 juin 1847 et de même par décret du palais du Quirinal daté du 11 novembre 1856, Notre prédécesseur le pape Pie IX créa et institua l'ordre des chevaliers, appelé « Pianus », qui comprenait trois classes de chevaliers. Or par cette lettre apostolique les statuts prévoyaient que les chevaliers cooptés dans la première classe de cet ordre jouiraient du privilège de transmettre leur noblesse à leurs fils, tandis que ceux qui, appartenant à la seconde classe, étaient de condition honorable, jouiraient seulement de leur noblesse à titre personnel. Or cette disposition, compte tenu surtout de notre époque, paraît moins opportune, alors que les autres ordres de chevaliers même les plus élevés dont les insignes sont conférés par les pontifes romains, ne jouissent d'aucun titre de noblesse. C'est pourquoi, après avoir mesuré attentivement toute l'importance de la situation, pour mettre cet ordre « Pianus » sur le même plan que les autres ordres de chevaliers pontificaux, Nous décidons motu proprio que, les dispositions prises par la lettre apostolique déjà citées étant abolies, à partir d'aujourd'hui et à l'avenir les chevaliers, en général et en particulier, appartenant à n'importe laquelle des trois classes de l'ordre « Pianus» précité, ont le pouvoir et la possibilité d'user licitement et de jouir des insignes et du titre propre de leur classe sans aucun droit et privilège de noblesse. Nonobstant toutes choses contraires, Nous décrétons que la présente lettre soit et demeure ferme, valide et efficace, qu'elle sorte et obtienne son effet plein et entier et qu'en conséquence il faut penser et juger qu'à partir d'aujourd'hui sera nulle et non avenue toute disposition qui pourrait être faite à son encontre par qui que ce soit, par n'importe quelle autorité, sciemment ou par ignorance.





RADIOMESSAGE AUX CATHOLIQUES DES ETATS-UNIS POUR LE 50e ANNIVERSAIRE DE L'UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE WASHINGTON

(13 novembre 1939) 1

Voici la traduction du radiomessage que le Souverain Pontife adressa, en anglais, aux catholiques des Etats-Unis d'Amérique, à l'occasion du 50e anniversaire de la fondation de l'Université catholique de Washington :



1 D'après le texte italien des A. A. S., XXXI, 1939, p. 678 ; cf. la traduction française des Actes de S. S. Pie 12, t. I, p. 19.



Nos lèvres s'ouvrent à votre adresse, ô chers fils des Etats-Unis d'Amérique, Notre coeur se dilate pour vous dire avec quelle paternelle affection Nous voulons être présent à la célébration du cinquantenaire de votre belle Université catholique.

Notre satisfaction est d'autant plus profonde et directe que Nous avons eu la bonne fortune de voir personnellement — bien que trop brièvement — l'oeuvre admirable construite par vous, pour la gloire de Dieu et le salut de votre pays.

Depuis que, en 1889, elle fut fondée par les évêques des Etats-Unis, sous le pontificat de ce grand mécène des études que fut le pape Léon XIII, votre jeune Université s'inséra, pleine de vigueur et de promesse, dans la longue série des glorieux et anciens instituts chrétiens. Sur leur exemple, en adhérant de la plus heureuse façon aux pures traditions de la pensée chrétienne, elle produisit des fruits si consolants qu'elle mérita des éloges de Notre prédécesseur immédiat d'heureuse mémoire, comme un centre fécond de la culture catholique aux Etats-Unis.

Nous sommes vraiment heureux de prendre à Notre compte cet éloge afin que soit encouragée, en des temps aussi difficiles et pour que soit continuée avec ardeur, la mission honorable mais ardue qui fait partie des buts de l'Université.

Jamais comme aujourd'hui l'éducation de la jeunesse chrétienne n'a revêtu une importance plus décisive et plus vitale, se trouvant, comme elle l'est, en face des erreurs déconcertantes du naturalisme et du matérialisme, qui sont en train de précipiter le monde dans une épouvantable guerre, preuve cruelle de la fausseté d'une philosophie reposant sur des bases essentiellement humaines.

On pourrait perdre la confiance en Dieu en considérant l'aggravation de ces maux, si l'on n'était pas secouru par le sentiment de Notre confiance en l'aimable providence de Dieu, qui est d'autant plus sûre et consolante que les trahisons du monde sont plus nombreuses.

Mais, après Dieu, Notre espoir repose largement sur les anciennes et modernes institutions de culture chrétienne, parmi lesquelles votre Université catholique tient une place exemplaire, parce que, toute adonnée au service de la vérité, elle sait dans son enseignement accorder justement la place qui leur est due aux sciences naturelles et à la métaphysique, à l'intelligence et au coeur, au passé et au présent, à la raison et à la Révélation.

C'est pour cette raison que, dans l'austère méditation de vos salles de travail, alternant le silence de vos réflexions et de vos études avec la voix de vos prières, vous préparez les jeunes gens de demain à être — contre la fausse science et ses funestes conséquences — les généreux paladins de ces principes de civilisation qui, conservés dans l'Evangile du Christ et enseignés par l'Eglise infaillible, sont vraiment l'esprit et la vie.

En face de ces abondantes promesses, les catholiques des Etats-Unis et tous ceux qui sont régis par un esprit droit ne peuvent pas ne pas sentir la singulière signification que revêt aujourd'hui l'anniversaire de leur Université ; de même ils ne peuvent pas ne pas penser que cette dernière est confiée pour ses meilleurs succès à leur coeur, à leurs prières et à leur zèle.

Votre Université, comme d'ailleurs, tous les autres instituts culturels bien connus des Etats-Unis d'Amérique, est votre gloire dans le présent et un gage de succès pour l'avenir.

Quant à Nous, tandis que Nous formulons Nos voeux les plus chaleureux pour les développements de votre Université et que Nous invoquons sur elle l'abondance des faveurs divines, Nous bénissons de tout coeur l'épiscopat des Etats-Unis — dont l'Université est le fruit qu'a produit leur zèle éclairé — les professeurs, les élèves et tout le peuple fidèle, et spécialement ceux qui, d'une façon ou d'une autre, contribueront au développement fécond de cette noble institution.






DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX

(15 novembre 1939) 1

Penant occasion de la fête de la Dédicace des basiliques des saints apôtres Pierre et Paul, le Saint-Père parla aux jeunes époux de la maison chrétienne, temple familial.



Vous êtes venus à Rome, chers jeunes époux, précisément dans la semaine où l'Eglise fête la Dédicace des basiliques des saints apôtres Pierre et Paul, que vous avez sans doute visitées ou que vous ne manquerez pas de visiter. Le terme de basilique signifie d'après son origine, la « maison du roi », et la dédicace est le rite solennel par lequel on consacre un temple à Dieu, Roi et Seigneur suprême, pour en faire sa demeure ; chaque temple reçoit alors pour titre le nom du mystère ou du saint à la mémoire ou en l'honneur duquel il a été construit.

Certes, les basiliques elles-mêmes les plus merveilleuses ne sont pas dignes d'accueillir le Roi des rois. Et pourtant — vous le savez — Il ne dédaigne pas de demeurer parfois dans de pauvres chapelles, dans les misérables cabanes des pays de missions ! Songez à cette condescendance et à cet amour, vous qui êtes venus recevoir du Vicaire du Christ une bénédiction spéciale pour vous-mêmes et pour votre nouveau foyer domestique. Rappelez-vous ce que dès votre enfance disait à votre coeur cette parole : la maison ! Là était tout votre amour, concentré sur un père, sur une mère, sur des frères et soeurs. Un des plus grands sacrifices que Dieu demande à une âme, lorsqu'il l'appelle à un état supérieur de perfection, c'est de quitter la maison : « Ecoute, ma fille..., oublie la maison de ton père. » (Ps 54,10). « Quiconque aura quitté sa maison... à cause de mon nom... aura la vie éternelle. (Mt 19,29).

Or voici qu'à vous aussi, qui cheminez dans la voie ordinaire des commandements, un amour nouveau et impérieux a fait entendre un jour son appel : Quitte — a-t-il dit à chacun de vous — la maison de ton père, parce que tu dois en fonder une autre qui sera la « tienne ». Et dès lors votre ardent désir a été de trouver, d'établir ce qui pour vous sera « la maison ».

C'est que, selon l'Ecriture Sainte, « l'essentiel pour la vie de l'homme, c'est l'eau, le pain, le vêtement et la maison » (Si 29,28). N'avoir pas de maison, être sans toit ni feu, comme cela arrive à trop de malheureux, n'est-ce pas le symbole de la gêne et de la misère ? Et pourtant vous vous rappelez certainement que Jésus, Notre Sauveur, s'il connut sous l'humble toit de Nazareth les douceurs de la vie de famille, voulut être dans la suite, durant sa vie apostolique, comme un homme sans maison : « Les renards ont leur tanière et les oiseaux du ciel leur nid ; mais le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête » (Mt 8,20).

En considérant cet exemple du divin Rédempteur vous accepterez plus facilement les conditions de votre vie nouvelle, même si elles ne correspondaient pas tout de suite ou tout à fait à ce que vous avez rêvé.

Quoi qu'il en soit, vous vous appliquerez, vous surtout, jeunes épouses, à rendre aimable et intime votre foyer, à y faire régner la paix, dans l'harmonie de deux coeurs loyalement fidèles à leurs promesses, et, si Dieu le veut, dans une joyeuse et glorieuse couronne d'enfants. Il y a longtemps déjà que Salomon a dit, conscient de la vanité des richesses terrestres et désabusé : « Mieux vaut un morceau de pain sec avec la paix qu'une maison pleine de viande avec la discorde » (Pr 17,1).

Mais, ne l'oubliez pas, tous vos efforts seraient vains et vous ne trouveriez pas le bonheur à votre foyer, si Dieu ne construisait la maison avec vous (cf. Ps 126,1) pour y demeurer avec sa grâce. Vous aussi, vous devez faire, pour ainsi dire, la « dédicace » de cette « basilique », vous devez consacrer à Dieu, sous l'invocation de la Vierge Très Sainte et de vos saints patrons, votre petit temple familial où, dans la fidèle observation des commandements de Dieu, l'amour mutuel sera le roi pacifique.

Avec ces voeux de bonheur vrai et chrétien et en gage des grâces de Dieu, Nous vous donnons de tout coeur, chers jeunes époux, Notre paternelle Bénédiction apostolique.






ALLOCUTION A UN PÈLERINAGE CROATE

(15 novembre 1939) 1

1 D'après le texte latin de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 385.



Plus de dix siècles se sont écoulés depuis que Notre prédécesseur Jean VIII, en 979, adressa par lettre les mots suivants à la nation croate : « Les bras étendus Nous vous embrassons, Nous vous accueillons en père aimant et Nous voulons toujours vous réchauffer de Notre bienveillance apostolique »2. A cet instant, tandis qu'aujourd'hui il Nous est permis d'avoir la très grande joie, fils et filles très chers dans le Christ, de vous accueillir ici en personne dans la maison paternelle, Nous ne pouvons vous saluer d'aucune autre façon qui puisse exprimer plus exactement les sentiments de Notre coeur ; vous, disons-Nous, qui, descendance de cette souche très ancienne, représentez d'une certaine mesure le peuple croate, plein de forces et de solides vertus.

Conduits par Nos Vénérables Frères, vos métropolitains et vos évêques, poussés par votre attachement au Siège apostolique, vous êtes venus ici pour témoigner votre fidélité qui ne s'est jamais relâchée pendant treize siècles — depuis le temps du pape Jean IV d'heureuse mémoire, d'origine dalmate — au siège du bienheureux Pierre et à l'Eglise romaine que vous avez célébrée par ces louanges : « interprète infaillible de l'éternelle vérité, puissante protectrice de la justice sociale, auxiliaire infatigable de la concorde entre les nations » ; ainsi vous vous êtes montrés dignes de l'éloge que Notre immortel prédécesseur Léon X décerna à votre peuple quand il l'appelait à bon droit : « rempart de la chrétienté ». Peu après que ce Souverain Pontife eut ainsi décerné ce magnifique éloge, non seulement votre foi catholique mais aussi celle des Hongrois furent menacées des plus graves périls par les violentes attaques de l'Islam.



2 Mon. Germ. Hist., Ep. VII, 165-167.



Et Nous savons qu'à la fin de cette période où la puissance turque vous dominait et où vous aviez combattu pour vous en affranchir, vous aviez surmonté magnifiquement et heureusement cette situation critique. Ceci donc nourrit Notre espoir ferme et assuré que vous aussi, au moment où d'âpres discussions sur la religion et les règles naturelles de la vertu en même temps qu'une lutte acharnée à propos de la foi chrétienne et des richesses de la vie éternelle, qui concourent à la béatitude éternelle, troublent tellement l'ensemble des peuples et toutes les classes sociales, par la fidélité et la constance de vos coeurs, vous ne vous écarterez jamais ni de la doctrine catholique et des lois chrétiennes, ni de l'Eglise et de son chef suprême. Ainsi que les exemples du bienheureux Nicolas Tavilik renaissent en vous chez qui la foi catholique brûla comme une flamme sacrée et que la consécration de sa sainteté, si elle est le fruit du mystérieux dessein de Dieu, Nous comble de joie autant que vous.

Votre caractère et votre génie rappellent et reproduisent d'une certaine manière la rude et solide fermeté de vos montagnes. Que ce caractère d'une ténacité absolument indomptable vous tienne attachés à la foi ancestrale. Que cette même foi soit ferme et fidèle à elle-même et, comme vos montagnes de Velebith, qu'elle ne soit pas troublée ni par les pluies ni par les tempêtes.

La foi chrétienne et l'union la plus étroite avec le Vicaire de Jésus-Christ doivent être considérées comme le fondement et le sol nourricier d'où la vie s'épanouit pour nourrir et modeler l'action sociale, les oeuvres de charité et enfin la sainteté personnelle. Utilisez vos instituts et associations ecclésiastiques et particulièrement l'Action catholique pour faire affluer les bienfaits de la foi chrétienne dans tous les domaines de la vie publique. Nous vous encourageons d'autant plus aujourd'hui à poursuivre ce but que brille l'espoir qu'à l'avenir l'Eglise et l'Etat puissent être dans votre patrie plus convenablement unies et avec profit par une action commune et pour l'utilité de tous.

Après avoir posé ces fondements dont Nous venons de parler, Nous vous exhortons avant tout de tout Notre pouvoir à faire fleurir et prospérer chez tous la sainteté de la vie intérieure. Par des prières quotidiennes adressées à Dieu et des supplications faites en commun à l'intérieur des familles devant l'image de Jésus-Christ mis en croix, ouvrez et facilitez l'accès des préceptes divins et de la perfection chrétienne dans vos âmes. Faites-le et par la simplicité d'une vie honnête « en toute piété et chasteté » (1Tm 2,2) et par une union plus étroite avec le divin Rédempteur, principalement dans l'Eucharistie, pour modeler sur lui vos pensées et en même temps vos paroles et vos actes, et enfin par une dévotion ardente envers la Vierge Mère de Dieu, dévotion à nourrir d'un esprit d'amour filial.

Instruisez et éduquez votre jeunesse pour qu'elle grandisse bien formée et distinguée par son respect de Dieu ; pour elle expressément préservez l'intégrité des écoles catholiques. Ce sera alors la seule façon pour vous de voir la paix pénétrer dans les foyers et l'astre de votre patrie briller d'un vrai et durable bonheur.

Nous estimons en outre que Nous ne pouvons pas terminer Notre allocution d'une façon plus convenable qu'en renouvelant le salut et la bénédiction donnés par Notre prédécesseur Jean VIII dans la lettre déjà citée : « Nous faisons mémoire de vous continuellement devant Dieu par nos saintes prières, et par nos mains élevées vers le Seigneur nous vous confions à Dieu et nous vous bénissons de toutes les bénédictions spirituelles dans le Christ Jésus Notre-Seigneur pour que vous soyez bénis pour l'éternité dans vos corps et dans vos âmes et que vous soyez toujours dans la joie en présence du Seigneur. » Poussé par ces sentiments, Nous accordons paternellement et du fond du coeur la Bénédiction apostolique à vous, à vos familles, et à toute la nation croate, et particulièrement à votre jeunesse.






LETTRE AUTOGRAPHE A S. EM. LE CARDINAL SUHARD, ARCHEVÊQUE DE REIMS

(21 novembre 1939) 1

1 D'après le texte français de la Documentation Catholique, t. XLI, col. 121.



Au filial message que lui a envoyé S. Em. le cardinal Suhard, archevêque de Reims, après la parution de l'encyclique « Summi Pontificatus » 20 octobre, le Saint-Père a daigné répondre par une lettre autographe un intérêt particulier pour la France et dont voici le texte :



Comme vous l'avez très bien compris, Nous ne pouvons voir sans être ému avec quel empressement et quelle docilité est accueillie Notre première encyclique. En elle et par elle, Nous voulions, disions-Nous, « rendre témoignage à la vérité » pour accomplir le devoir de Notre charge. Parce que Nous étions affligé et effrayé de voir se répandre chaque jour davantage parmi les nations des doctrines et des manières de faire contraires aux droits souverains de Dieu et à la grande loi de la charité chrétienne. Nous avons voulu remettre en lumière, pour qu'elles fussent remises en honneur, les simples mais sublimes leçons du Décalogue et de l'Evangile ; car Nous croyons, d'accord avec l'enseignement de l'Eglise et le témoignage de l'histoire, que seul le retour à une morale foncièrement chrétienne est encore capable d'arrêter le monde dans sa descente vers un abîme de calamités.

Ce devoir, Nous l'avons accompli « sans nous laisser influencer par des considérations terrestres, ni arrêter par des défiances et des oppositions, par des refus et des incompréhensions ». Il Nous est donc d'autant plus agréable de rencontrer dans le peuple fidèle, avec une totale et filiale adhésion des esprits, une généreuse disposition des coeurs à marcher résolument dans les voies que Nous traçons. Bien plus, Nous avons la satisfaction d'apprendre que des multitudes d'âmes droites, même étrangères à la foi catholique, rendent spontanément hommage à la loyauté de Nos intentions et à la sincérité de Nos efforts, en vue de l'apaisement universel.

Mais, ce qui surtout Nous console, c'est de constater que les évêques « établis par l'Esprit Saint pour régir l'Eglise de Dieu » s'accordent à reconnaître le bien-fondé de Nos admonitions et la franche netteté de Nos déclarations, remarquant en même temps l'accent d'une charité profondément paternelle, dont Nous avons en effet voulu imprégner, jusque dans ses moindres paroles, l'expression de Nos graves mais nécessaires avertissements.

Entre tous ces témoignages de clairvoyante compréhension, votre lettre, cher fils, Nous a particulièrement touché. Elle vient d'un pays qui Nous est cher, et d'un siège métropolitain illustré, depuis saint Remi, par une si longue série d'évêques insignes et méritants ! Elle vient surtout d'un pasteur dont Nous avons déjà souvent apprécié l'attachement aux saines doctrines et le dévouement à son troupeau.

Avec vous encore, Nous pensons que si, d'une part, les Français peuvent à bon droit se réjouir de voir affirmés dans l'encyclique certains principes qui leur sont légitimement chers — d'y voir réprouvées certaines idées qu'ils réprouvent, et blâmés certains procédés qu'ils condamnent comme la principale source des maux actuels — ils sauront aussi, avec leur esprit habituel de logique et de franchise, avec leur coeur si épris d'équité, discerner dans les lumineux enseignements de l'Eglise ce qui peut leur être utile à eux-mêmes pour favoriser l'oeuvre courageusement entreprise par eux de redressement moral et d'union nationale.

Enfin, Nous accueillons avec joie l'espoir que vous exprimez de venir à Rome l'année prochaine, souhaitant vivement avec vous que d'ici là soit rendu aux nations, par la miséricorde de Dieu et la sagesse des gouvernants, un état de choses plus favorable aux fraternelles relations des peuples entre eux, parce que plus conforme aux éternels principes de la justice et du droit.

Dans cette espérance, Nous vous accordons de grand coeur, pour vous-même, pour votre clergé et pour vos ouailles, Notre Bénédiction apostolique.






Pie XII 1939 - ENCYCLIQUE « SERTUM LAETITIAE » AUX ÉVÊQUES DES ÉTATS-UNIS