Pie XII 1939 - DISCOURS A L'ACADÉMIE PONTIFICALE DES SCIENCES


DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX

(6 décembre 1939)1

Ce discours a pour thème la splendeur de l'Immaculée Conception et la chasteté conjugale.



Vous venez de vous unir par de saintes promesses qui entraînent de nouveaux et graves devoirs, chers jeunes époux, et vous voilà en présence du Père commun des fidèles, pour recevoir ses exhortations et sa bénédiction.

Nous souhaitons que vous tourniez aujourd'hui vos regards vers la très douce Vierge Marie, dont l'Eglise après-demain célébrera la fête sous le titre de l'Immaculée Conception. Titre suave, prélude de toutes les autres gloires de Marie, privilège unique, au point de sembler quasi identifié avec sa personne même : « Je suis, dit-elle à sainte Bernadette dans la grotte de Massabielle, je suis l'Immaculée Conception ».

Une âme immaculée ! Lequel d'entre vous, au moins en ses meilleurs moments, n'a pas désiré l'être ? Qui n'aime point ce qui est pur et sans tache ? Qui n'admire la blancheur des lys qui se mirent dans le cristal d'un lac limpide, ou les cimes neigeuses qui reflètent l'azur du firmament ? Qui n'envie l'âme candide d'une Agnès, d'un Louis de Gonzague, d'une Thérèse de l'Enfant-Jésus ?

L'homme et la femme étaient immaculés lorsqu'ils sortirent des mains créatrices de Dieu. Souillés par le péché, ils durent commencer par le sacrifice expiatoire de victimes sans tache l'oeuvre de purification que seul « le précieux Sang du Christ, celui de l'Agneau sans défaut et sans tache » (1P 1,19), rendit efficacement rédemptrice. Et pour continuer son oeuvre, Jésus-Christ voulut que l'Eglise, sa mystique épouse, « fut sans tache, sans ride... sainte et immaculée » (Ep 5,27). Chers époux, tel est précisément le modèle que le grand apôtre Paul vous propose : « Maris, écrit-il, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l'Eglise » (Ep 5,25), car ce qui fait la grandeur du sacrement de mariage, c'est son rapport avec l'union du Christ et de l'Eglise (Ep 3,32).

Vous penserez peut-être que l'idée d'une pureté sans tache s'applique exclusivement à la virginité, idéal sublime auquel Dieu appelle non pas tous les chrétiens, mais seulement des âmes d'élite. Vous connaissez de ces âmes, mais, tout en les admirant, vous n'avez pas cru que telle fût votre vocation. Sans tendre vers le sommet du renoncement total aux joies terrestres, vous avez, en suivant la voie ordinaire des commandements, le légitime désir de vous voir entourés d'une glorieuse couronne d'enfants, fruits de votre union. Et pourtant l'état de mariage, voulu par Dieu pour le commun des hommes, peut et doit avoir sa pureté sans tache.

Est immaculé devant Dieu quiconque accomplit ses devoirs d'état avec fidélité et sans faiblesse. Dieu n'appelle pas tous ses enfants à l'état de perfection, mais Il invite chacun d'eux à la perfection de son état. « Soyez parfaits, disait Jésus, comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5,48). Vous connaissez les devoirs de la chasteté conjugale. Ils exigent un réel courage, héroïque parfois, et une confiance filiale en la Providence ; mais la grâce du sacrement vous a été donnée précisément pour faire face à vos devoirs. Ne vous laissez donc pas dérouter par des prétextes trop en vogue et des exemples malheureusement trop fréquents.

Ecoutez plutôt les conseils de l'ange Raphaël au jeune Tobie qui hésitait à prendre pour épouse la vertueuse Sara : « Ecoutez-moi, et je vous apprendrai quels sont ceux sur qui le démon peut prévaloir : ce sont ceux qui entrent dans le mariage en bannissant Dieu de leur coeur et de leur pensée » (Tb 6,16-17). Et Tobie éclairé par cette exhortation angélique dit à sa jeune épouse : « Nous sommes les enfants des saints et nous ne pouvons pas nous unir comme les païens qui ignorent Dieu » (Tb 8,5). N'oubliez jamais que l'amour chrétien a un but bien supérieur à une fugitive satisfaction.

Ecoutez enfin la voix de votre conscience, qui répète au fond de vous-mêmes l'ordre donné par Dieu au premier couple humain : « Soyez féconds et multipliez-vous » (Gn 1,22). Alors, selon l'expression de saint Paul, « le mariage sera honoré de tous et le lit conjugal exempt de souillure » (He 13,4). Demandez cette grâce spéciale à la Sainte Vierge au jour de sa prochaine fête.

Pour devenir la digne Mère de Dieu, Marie fut immaculée dès sa conception. Aussi l'Eglise prie-t-elle dans sa liturgie, où résonne l'écho de ses dogmes : « Dieu, qui par la conception immaculée de la Vierge avez préparé à votre Fils une demeure digne de Lui... » 2. Cette Vierge Immaculée, devenue Mère par un autre unique et divin privilège, saura donc comprendre vos désirs de pureté intérieure et les joies familiales auxquelles vous aspirez. Plus votre union sera sainte et exempte de péché, plus Dieu et sa Mère très pure vous béniront, jusqu'au jour où la Bonté suprême unira à jamais dans le ciel ceux qui se seront chrétiennement aimés sur la terre.

C'est en formant ces voeux que Nous vous accordons de tout coeur, chers époux, à vous et à tous les fidèles ici présents, la Bénédiction apostolique, gage des grâces divines les plus abondantes.

2 Collecte de la messe de l'Immaculée Conception.






ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR D'ITALIE

(7 décembre 1939) 1

Le 7 décembre, S. Exc. le Dr Dino Alfieri, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire d'Italie, remettant ses lettres de créance, rappelait au Saint-Père les bienfaits procurés à l'Italie par les accords du Latran : unité spirituelle, paix intérieure et union des esprits. Sa Sainteté répondit ainsi :

La présentation solennelle des lettres de créance par lesquelles S. M. le roi-empereur accrédite près de Nous Votre Excellence comme ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire, haute charge où vous succédez à d'illustres personnages, dont les remarquables qualités et l'activité féconde laisseront toujours ici un reconnaissant souvenir, a lieu en une période historique de singulière importance, comme Votre Excellence elle-même le relevait fort bien à l'instant, en soulignant les divers aspects de la situation.

Avant toute autre considération, se présente cette heureuse circonstance que, cette année même, s'achève le dixième anniversaire de la conclusion de ces accords de Latran qui, dans la conscience du peuple italien, signifièrent et apportèrent la réalisation providentielle d'une paix anxieusement attendue pendant les nombreuses années de la douloureuse dissension qui troublait les âmes et entravait pratiquement les énergies d'un grand nombre des meilleurs fils de cette terre glorieuse et privilégiée d'Italie, tandis que dans la conscience du monde catholique ces mêmes accords, tant souhaités, signifièrent la reconnaissance nouvelle, solennelle et déclarée de la souveraineté réelle et effective et de l'indépendance du Chef suprême de l'Eglise.

Dès lors, si Nous entendons avec plaisir le voeu, ou mieux la certitude joyeuse, exprimée par Votre Excellence, que les rapports

1 D'après le texte italien des A. A. S., XXXI, 1939, p. 704 ; cf. la traduction française de la Documentation Catholique, t. XLI, 1940, col. 449.


AMBASSADEUR D'ITALIE

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de cordiale et confiante entente entre l'Eglise et l'Etat en Italie, fondés sur l'oeuvre de paix du Latran, continueront à se développer dans un esprit de fidèle respect, ainsi également de Notre côté, Nous donnerons à ces hautes intentions de votre auguste souverain et de son gouvernement tout ce bienveillant appui que requièrent l'élévation d'un tel but et ses effets bienfaisants pour le développement pacifique et la prospérité du peuple italien.

Dans les difficultés de l'heure présente, quand les autorités des Etats, dans le cadre de leur activité intérieure et extérieure, se trouvent en face de tâches qui imposent d'extraordinaires efforts à leurs énergies de décision et d'action ; quand l'accomplissement de si lourdes charges de gouvernement, en raison du poids des sacrifices exceptionnels qui y sont inséparablement unis, rend plus que jamais nécessaire la confiance profonde et la loyale adhésion de la masse du peuple, masse populaire qui, aujourd'hui comme toujours, est constituée surtout par ceux qui portent la croix le long de la voie douloureuse que l'humanité doit de nouveau parcourir ; en de telles circonstances, disons-Nous, l'harmonie entre les deux pouvoirs et la paix intérieure qui en découle comme son fruit sont le remède le plus efficace pour alléger les difficultés, et en même temps le meilleur présent que l'Etat puisse faire à lui-même et à ses citoyens.

En ce moment où Votre Excellence inaugure son honorable mission, l'action du Saint-Siège en faveur de la paix et de l'entente entre les peuples apparaît comme un devoir urgent, certes, mais non moins difficile et épineux. Difficile surtout parce que les idées fondamentales de justice et d'amour, qui font non seulement le bonheur des individus, mais aussi la noblesse et le progrès de la vie sociale, sont tombées, sous bien des aspects — par un faux processus de pensée et d'action qui humanise le divin et divinise l'humain — dans un oubli et un mépris qui, en certains endroits, se manifestent dans une mesure toujours plus préoccupante. Un si faux développement, ou plutôt un tel renversement des principes de la justice et des devoirs de la morale a entendu et voulu substituer à la conception chrétienne de la vie, de la communauté et de l'Etat, des doctrines et des pratiques dissolvantes et destructrices qui placent le progrès civil et humain dans le rejet des obligations du droit naturel et de la révélation divine, dont la lumière éblouissante resplendit de cette Rome sacrée sur le monde entier.

Chacune de ces erreurs, comme en général toute erreur, a ses périodes : son temps de croissance et son temps de décadence ; son midi et son crépuscule ou son couchant précipité. Deux périodes : l'une, quand l'enivrant poison des doctrines séductrices emporte et rend folles les masses et les enchaîne à son pouvoir ; l'autre, quand les fruits amers mûrissent, quand les yeux des masses, ou du moins des hommes plus sensés et réfléchis les considèrent, atterrés, se souvenant des calculs et des promesses, qui s'avèrent fallacieux, par lesquels ils ont été attirés dans l'erreur. Aujourd'hui combien de regards s'ouvrent et se rouvrent, jusqu'ici demeurés fermés !

Mais d'une façon spéciale, l'assentiment que Votre Excellence, en des paroles élevées, a manifesté à l'égard des pensées fondamentales de Notre récente encyclique pour la tranquille et fraternelle union des âmes et pour la paix dans la justice, Nous donne l'heureuse espérance que Nos sollicitudes ultérieures pour un but si élevé trouveront toujours un écho fidèle dans le vaillant, fort et laborieux peuple italien, que la sagesse des gouvernants et sa propre impulsion intime ont jusqu'ici heureusement préservé de se trouver impliqué dans la guerre, le plaçant ainsi même dans la situation la plus favorable pour mieux collaborer à l'avènement et au rétablissement d'une vraie paix, fondée sur les nobles principes de la justice et de l'humanité.

Et tandis que du fond de Notre coeur Nous supplions le Tout-Puissant d'assister de ses lumières et de sa protection l'Italie et ses gouvernants, Nous accordons très volontiers à S. M. le roi-empereur et à toute la famille royale, à S. Exc. le chef du gouvernement, à tout le peuple italien, qui Nous est si voisin et si cher, et en particulier à Votre Excellence la Bénédiction apostolique implorée.


EXHORTATION APOSTOLIQUE AUX PRÊTRES ET AUX CLERCS APPELÉS AUX ARMÉES

(8 décembre 1939) 1

Conscient de certaines circonstances tragiques, conséquences de la guerre, le Souverain Pontife adressa aux prêtres et aux clercs appelés aux armées ses recommandations et conseils pour la nouvelle vie à laquelle ils sont astreints :

Parmi les dures angoisses et préoccupations qui émeuvent Notre âme, à la suite de cette guerre que Nous avons vainement tenté de conjurer par tous les moyens, votre sort et la situation qui vous est faite Nous affligent plus profondément, très aimés prêtres et clercs, vous que la tempête a soudainement saisis et obligés à quitter votre ministère sacré et vos paisibles maisons d'études pour vous mobiliser et jeter au milieu des armées.

Non habitués au genre de vie que vous menez maintenant à l'improviste, vous avez été amenés à servir dans les casernes, dans les hôpitaux, dans les ambulances et même parmi les unités combattantes, les uns en qualité d'aumôniers militaires, les autres — et c'est le grand nombre — pour remplir des fonctions auxquelles votre vocation ne vous destine point.

Partout où vous vous trouvez, les Vicaires aux armées ou aumôniers en chef vous accompagnent de leur sollicitude attentive, vigilante, paternelle. Nous avons pleinement confiance dans leur travail parce qu'il est sagement organisé, incessant, appuyé sur de salutaires conseils. Aussi, il n'est pas douteux qu'ils n'accomplissent, chacun dans sa patrie, une oeuvre qu'on doit regarder comme importante à tous égards et riche en fruits de salut, du fait que, mus par

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 696 : cf. la traduction française de la Documentation Catholique, t. XLI, 1940, col. 161.

le sentiment de leur devoir, ils sont prêts à remplir les tâches les plus ardues. Cette sollicitude toujours agissante leur vaut Notre pleine confiance, et Nous vous la rappelons volontiers pour que vous soyez reconnaissants envers ceux qui s'occupent de vous et que vous leur obéissiez avec docilité : les supérieurs peuvent, en effet, s'acquitter aisément des charges qui leur sont confiées si leurs subordonnés exécutent de bon gré leurs ordres.

Afin que les réconforts spirituels ne manquent ni à vous ni aux hommes confiés à votre ministère, Nous avons l'intention d'ajouter à tous les pouvoirs déjà accordés par Nous aux Vicaires aux armées ou aumôniers en chef dans les nations ou régions où existe ou bien existera soit l'état de guerre, soit la mobilisation, d'autres pouvoirs extraordinaires. Cela vous manifestera plus ouvertement l'amour paternel que Nous vous gardons dans ces souffrances et ces angoisses où vous avez été jetés 2.

Mais cette charge que Nous avons confiée aux Vicaires aux armées ou aux aumôniers en chef ne Nous dispense pas de l'obligation qui Nous incombe de vous faire connaître directement Nos sentiments, de vous exhorter en ce moment si grave à regarder attentivement et à remplir avec ardeur, entraînés par la conscience et l'esprit de votre vocation, ce qu'exige votre nouveau genre de vie.

Garder l'esprit sacerdotal.

Encore que vous ayez changé de costume, vous ne devez pas vous dépouiller de l'esprit qui présidait à votre activité habituelle. Qu'il vous inspire au milieu des camps, comme il vous inspirait lorsque chez vous vous accomplissiez les fonctions sacerdotales. Le même Père céleste qui vous a appelés à l'autel a permis que vos habitudes d'étude et de labeur sacré soient interrompues. Il vous a appelés à lui, souvenez-vous-en, non pas seulement pour le service du culte divin dont l'accomplissement n'est certainement pas le seul but du sacerdoce de l'Eglise catholique, mais aussi pour que vous soyez des hérauts de la parole de Dieu, des semeurs de l'Evangile, des ambassadeurs du Christ que vous devez faire connaître, faire désirer, faire aimer le mieux possible. Qu'il soit vôtre le programme du bienheureux apôtre Paul qui se glorifiait de ne rien savoir d'autre, de ne rien porter d'autre aux nations que le

2 Cf. ci-après, p. 401, le document de la Sacrée Congrégation Consistoriale, accordant aux. Ordinaires aux armées de nouveaux pouvoirs.

Christ et le Christ crucifié. Le Christ, il le portait autant par le témoignage de sa vie que par sa prédication, en tout lieu, en tout temps, en public et en privé, aussi bien lorsqu'il pouvait regarder la voûte azurée du ciel que lorsqu'il était en captivité. C'est de sa prison, où il recevait ceux qui venaient à lui et prêchait librement le royaume de Dieu, qu'il écrit aux Philippiens : « Frères, je désire que vous sachiez que ce qui m'est arrivé a plutôt tourné au progrès de l'Evangile » (Ph 1,12).

Demeurer apôtres sous l'uniforme.

Aujourd'hui, Dieu a permis que vous quittiez vos occupations ordinaires, qu'à l'armée vous soyez mis en contact avec des hommes qui diffèrent par l'éducation, les moeurs, la science, la profession, la foi religieuse, souvent éloignés de Dieu, ne connaissant ni Jésus-Christ ni l'Evangile, dépourvus même des rudiments de la foi, préoccupés par toutes sortes d'affaires plus que par ce qui regarde leur âme et leur salut éternel. Voici que la miséricorde de Dieu vous envoie vers ceux qui peut-être vous méprisaient, qui refusaient de recevoir de vous la parole du salut et la grâce de Jésus-Christ notre Sauveur ! Elle les amène à vous, en les rendant compagnons de vos occupations et de vos dangers, de vos peines et de vos souffrances.

Sachez apprécier à sa juste valeur ce qu'apporte l'heure qui passe. Ne jugez pas d'après des vues et des normes humaines les circonstances auxquelles est due la situation pénible d'aujourd'hui ; mais voyez-y la volonté toujours excellente et adorable du Père céleste qui tire le bien du mal et qui, en vous appelant sous les armes, désire par votre moyen au milieu de tant de ruines conduire les égarés, ceux qui font fausse route, au chemin de la vraie foi et à la pratique d'une vie chrétienne. Si vous travaillez, tout peut vous venir en aide, car plus le zèle apostolique pousse le prêtre à agir avec vaillance, plus aussi ce prêtre profite des occasions propices qui s'offrent plus fréquentes, plus il trouve de voies plus largement ouvertes à son ministère.

Mais, avant tout, en servant votre patrie sous l'uniforme militaire, servez aussi l'Eglise de telle sorte que resplendisse sous une forme vivante l'apostolat du Christ. Et tels vous serez, même sans parler, si d'abord par la pratique fidèle de vos devoirs et par la conduite la plus irréprochable vous faites honneur à votre vocation.

Nous vous adressons donc l'exhortation par laquelle l'apôtre saint Paul poussait les Philippiens, encore mêlés aux païens par leur communauté de vie sociale, à honorer, par l'éclat des vertus, la foi qu'ils professaient : « Conduisez-vous d'une manière digne de l'Evangile du Christ » (Ph 1,27). Et encore : « Agissez en tout sans murmures ni hésitations afin que vous soyez sans reproche, sincères, enfants de Dieu irrépréhensibles au milieu de ce peuple pervers et corrompu, au sein duquel vous brillez comme des flambeaux dans le monde » (Ph 2,14-15).

Donner l'exemple.

Que toujours transparaisse en vous le caractère de ministres de Dieu. Puisque vous êtes cela, soyez très attachés à votre devoir ; dans l'obéissance à vos chefs, en sauvegardant bien entendu la loi divine, soyez des modèles ; supportez joyeusement les choses pénibles, mais en aucune façon, à aucun moment, ne prenez part à ce qui vous apparaît léger, corrompu, blâmable dans le milieu où vous êtes. Avec une conduite morale austère, n'admettant avec le mal ni compromis, ni flatterie, ni concessions, votre exemple sera la condamnation des fautes d'autrui. Cette austérité de vie, en parfait accord d'ailleurs avec la discipline militaire dont le courage sans peur est la note caractéristique, ne vous empêche nullement, avec la douceur évangélique comme associée, de vous faire tout à tous pour les gagner tous à Jésus-Christ. A la vérité, vous devez l'emporter sur tous les autres par le courage, afin de montrer partout ouvertement que vous êtes prêtres ou candidats au sacerdoce.

Si donc, sous l'impulsion de l'esprit de l'Evangile, qui est un esprit de liberté, vous vous faites, comme l'Apôtre des gentils, serviteurs de tous, quoique libres à l'égard de tous, afin d'en gagner un grand nombre (1Co 9,19), il faut également vous rappeler fréquemment, car ils doivent diriger votre conduite et votre activité, les conseils salutaires et pleins de sagesse du même apôtre : « Tout m'est permis, mais tout n'est pas expédient ; tout m'est permis, mais tout n'édifie pas » (1Co 10,22-23).

Vivant de ces pensées, vous exercerez une autorité salutaire sur les hommes de votre milieu et — consciemment ou à votre insu — vous introduirez dans l'intime des âmes un peu de cette bonne semence qui, jetée en terre, comme l'atteste le Seigneur, germe et grandit, même si le semeur ne s'en occupe plus (Mc 4,26 sq.). Vous aurez ainsi conscience de n'avoir point négligé la mission confiée à votre foi et d'avoir, selon vos forces, rendu témoignage à Jésus-Christ, votre divin Maître, devant les diverses classes de la société.

Grâce à vous, les hommes de toutes les classes sociales, ceux qui ont une profession libérale, aussi bien que les ouvriers, les savants et les ignorants, les esprits dociles et les caractères difficiles, tous connaîtront, dans le tumulte des camps, le message évangélique de rédemption et de salut, et vous ne commettrez pas la faute d'amener vos compagnons d'armes à penser que chez les disciples du Christ, et même chez ceux qui guident les autres pour qu'ils arrivent à la vie éternelle, la conduite est en désaccord avec l'enseignement. Vous gagnerez à l'Eglise l'estime et la sympathie de beaucoup d'hommes, et vous-mêmes, tout en servant dignement votre pays, vous vous ferez de nombreux amis qu'il vous sera facile d'amener dans le chemin de la foi ou d'enrôler parmi vos collaborateurs.

Enfin, n'oubliez jamais l'exhortation adressée par l'apôtre saint Paul aux fidèles dans ce siècle glorieux où le triomphe de l'Eglise s'affirmait grâce aux souffrances et aux tortures : « Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais triomphe du mal par le bien » (Rm 12,21).

Tirer profit de l'expérience présente.

Voyez donc, chers fils, quel immense champ de travail la divine Providence réserve à votre apostolat généreux, après vous avoir éloignés de l'accomplissement paisible de votre ministère sacerdotal et des saints séminaires ecclésiastiques. Il y a là une raison de vous en glorifier en toute sincérité et de puiser en votre mission actuelle de nobles consolations capables sinon de supprimer complètement, du moins d'adoucir les épreuves et les sacrifices que la guerre vous impose.

Du reste, n'est-ce pas la souffrance qui donne à nos paroles, à notre enseignement, à notre action, la fécondité ? En souffrant, certes, bien plus qu'en agissant, nous rendons à la Vérité le bon témoignage.

En outre, considérable est le profit personnel que vous retirerez pour vos âmes de la situation présente. Quelle expérience des hommes et des choses vous pouvez acquérir à travers les vicissitudes variées et pénibles de la vie militaire ! Cette expérience rendra votre conduite plus riche de sagesse et apportera une certaine maturité de force virile dans votre labeur apostolique. Cette période qui, dans le cours de votre vie, semble être dangereuse, sera pour votre sacerdoce non pas nuisible, mais avantageuse, à la condition toutefois que vous restiez prudents, que vous marchiez en la présence du Seigneur, que jamais vous n'abandonniez sa main toujours digne d'être bénie qui vous conduit à travers une terre déserte, aride, impraticable, vers les sommets et les biens meilleurs.

Cependant, marcher en la présence de Dieu et ne jamais quitter la main du Guide divin, ce n'est pas autre chose — vous le savez bien — que pratiquer avec soin la piété chrétienne, grâce à laquelle l'âme s'élève et s'enflamme du désir continuel de bien agir. Est-il possible que la fleur de la piété évangélique répande ses parfums au milieu des armes et des camps ? Il en est cependant ainsi. Sans en donner d'autres preuves, rappelez-vous ces hommes auréolés de sainteté et qui appartenaient à l'état militaire. Astreints à une discipline semblable à la vôtre, ils ont vécu pour Dieu et très unis à lui, ne cherchant par-dessus tout qu'une chose : accomplir la volonté de Dieu en satisfaisant à tous leurs devoirs. Appliquez-vous partout et toujours à chercher avec soin le bon plaisir de Dieu et à y adhérer de toutes vos forces, malgré les répugnances de la nature. Que ce soit votre travail de chaque jour ; que par cette voie courte, facile et sûre, vous arriviez à cette piété qui, dans la situation et la condition présentes, servira de rempart assuré à votre vocation sacerdotale et sera un stimulant puissant, tout le long de votre vie, pour vous pousser aux plus saintes entreprises.

Sauvegarder les exercices de piété.

Mais pour que vous soyez remplis de ce désir continuel et généreux d'accomplir la volonté divine, il faut — qui peut en douter ? — que l'esprit de prière, loin de languir et de s'engourdir en vous, entravés par l'accomplissement de nouveaux devoirs, grandisse sous l'action du feu intérieur bien enflammé. Vous le nourrirez assidûment tant par la pieuse célébration du sacrifice eucharistique et par la fervente réception du Pain des forts, que par tout ce que la constante expérience des fidèles, sous l'impulsion de la grâce du Saint-Esprit, a montré comme éminemment efficace pour éloigner les âmes du péché et leur faire chercher toujours des vertus plus solides. Il peut difficilement arriver que les fidèles et surtout les prêtres soient, en raison des affaires, dans une situation telle qu'ils soient empêchés, en rentrant en quelque sorte en eux-mêmes, de se livrer fréquemment à de pieuses méditations, de faire attentivement leur examen de conscience, de venir dans l'ardeur de leur amour adorer, devant le tabernacle souvent, hélas ! délaissé, le Maître et le Seigneur divin qui a -coutume, par la grâce qu'il donne, d'éclairer et de réconforter ceux qui viennent à lui.

Dans la mesure du possible, très chers fils, tâchez d'acquérir cette piété et de vous en enrichir. Avec elle comme compagne, vous obtiendrez une grande abondance de mérites en sachant bien accepter les dangers où vous vous trouvez par la permission de Dieu, et vos frères, compagnons d'armes, recueilleront de nombreux fruits de salut, car le ministre de l'Evangile, soit par l'aide de son travail, soit par la miséricordieuse indulgence de son âme, est toujours disposé à tout donner à son prochain.

De partout les hommes vous observent avec des regards attentifs et curieux ; honorez votre sacerdoce, honorez l'Eglise dont vous portez un si grand poids de responsabilités. Ainsi vous aurez bien mérité de votre patrie en réconfortant par la très grande valeur de votre exemple vos concitoyens à l'heure grave du danger, en calmant leur esprit, en les poussant à agir avec intrépidité et à remplir les tâches plus ardues qui leur sont imposées. Elles vous remercieront à l'envi, les mères et les épouses que vous aurez consolées, en venant nombre de fois au secours de ceux qui leur sont chers. Vous aurez pour récompense la conscience du bien accompli ; elle vous dira tout bas, à l'intime de votre âme, que votre sacerdoce, loin de s'amoindrir dans cette tempête, se sera enrichi, par l'action du Saint-Esprit, d'un apostolat plus efficace, d'une piété plus développée. Et par-dessus tout — ce qui doit être le plus apprécié — vous aurez l'approbation de Dieu qui ne sait pas tromper, et, dans votre humilité, vous tressaillirez d'une joie sans mélange en entendant, comme un prélude de votre couronnement futur, les paroles de la promesse évangélique de Jésus : « Celui donc qui m'aura confessé devant les hommes, moi aussi je le confesserai devant mon Père qui est dans les cieux » (Mt 10,32).

Dans la ferme confiance que Notre désir et Notre attente seront réalisés, Nous vous accompagnons, chers fils, de Nos voeux paternels, souhaitant ardemment pour vous une parfaite santé de corps et d'âme et que vous échappiez toujours aux dangers. Et en priant Dieu d'abréger pour vous et pour tous les hommes ce temps cala-miteux de la guerre et, la paix internationale rapidement restaurée, de vous rendre aux postes tranquilles de votre ministère sacerdotal ou à vos chères études des sciences sacrées, Nous vous accordons de tout coeur et volontiers, comme gage de Notre paternelle bienveillance, la Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION AU CHAPITRE DE LA BASILIQUE SAINTE-MARIE-MAJEURE

(8 décembre 1939) i

Nous éprouvons une grande reconnaissance envers vous, chers fils, pour la parfaite courtoisie de votre accueil à Notre entrée dans le temple de la Vierge et pour vos compliments respectueux. Nous disons aussi Notre gratitude aux Vénérables Frères et à Nos autres Fils bien-aimés pour avoir rendu cette heure plus solennelle par la majesté de leur pourpre romaine. Nous disons aussi la reconnaissance que Nous devons au collège des chanoines et au clergé de cette basilique patriarcale et à tous les chrétiens ici présents dont l'assistance et Paffluence aimées sont pour Nous une cause de grande joie. Mais Nous voulons dire d'une manière particulière Notre sentiment de reconnaissance à vous qui avez voulu Nous offrir en présent l'image, à Nos yeux si précieuse, de la Très Sainte Vierge peinte en cinabre avec art en souvenir de Notre première célébration du sacrifice eucharistique.

C'est toujours pour Nous un rayon de joie que le jour sacré de la conception de la Mère de Dieu sans la tache de la faute originelle, ce jour qui amène par la merveille d'un mystère reconnu l'aurore de la rédemption des hommes et apporte en plénitude les prémices d'une joie universelle. Cette année il se fait plus joyeux parce qu'ici avec vous Nous célébrons la mémoire de Notre entrée dans le sacerdoce il y a huit lustres. Nous avons aimé dès Notre enfance ce temple magnifique de la Vierge bienheureuse ; il Nous a charmé en effet parce qu'au milieu de Notre ville natale, il s'ouvre comme une maison maternelle où la Reine qui règne sur les anges et les hommes règne par sa miséricorde, commande avec douceur, accorde


BASILIQUE SAINTE-MARIE-MAJEURE

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ses grâces, donne son secours ; il Nous a charmé parce qu'il protège l'aimable logis où, selon une pieuse tradition, le Sauveur enfant a vagi, parce qu'il garde le culte de la dépouille du Souverain Pontife cinquième de Notre nom, parce qu'il l'emporte par la sainteté qu'on y respire, la magnificence, le charme, la grâce. Voilà pourquoi, après Notre entrée dans le collège des prêtres et pour offrir la première fois le saint sacrifice, Nous avons choisi ce temple et dans la chapelle des Borghèse Nous avons célébré les divins mystères pour Nos parents, Nos proches et Nos amis tressaillants d'une sainte allégresse. Le doux souvenir de cet heureux événement pénètre souvent Notre esprit. En témoignage agréable et sincère de cet acte Nous reconnaissons que Notre sacerdoce, reçu sous les auspices de la Mère de Dieu, a progressé grâce à elle. En effet, si Nous avons fait tout au long de Notre vie le bien, la justice et ce qui est utile à la foi catholique, ce n'est pas en Nous mais en Dieu et en Notre-Dame que Nous Nous en glorifions et voilà pourquoi la juste joie de cette cérémonie Nous anime. Quand Nous Nous sommes réfugié dans la foi à Marie et sous sa protection, dans les doutes et les angoisses, où bien souvent Nous Nous sommes trouvé, Nous avons fait appel à Notre Mère très douce, et sans que jamais n'ait été déçu l'espoir confiant que Nous avions placé en Elle, c'est d'Elle que Nous avons reçu lumière, secours, consolation.

Puisse cette très fidèle protectrice continuer par sa bonté et son indulgence de protéger son enfant ; chargé du fardeau du ministère apostolique, il a besoin de son plus puissant secours. Qu'il invoque la Mère de Dieu dans la prière, lui qui, à son autel, a sacrifié pour la première fois au Dieu immortel. Qu'Elle accorde à son adorateur et fidèle pour la gloire de la divinité céleste et la sienne et pour le salut de l'Eglise d'acquérir la sagesse dans les décisions, l'habileté dans le travail, un amour de Dieu tel qu'il ne soit atteint par aucune opposition et une foi invincible telle qu'elle ne vacille pas dans les combats et qu'elle ne s'attiédisse pas dans les victoires. Puisse-t-elle, elle qui se réjouit d'être appelée le Salut du Peuple romain, regarder, Nous l'en supplions, cette ville très chère qui grâce à Elle s'est acquise tant de gloire et de beauté ; que par sa faveur le génie de ses enfants se dresse et brille de pureté et d'innocence comme la neige, qui selon la tradition pendant la chaleur brûlante dessina les plans de la construction de sa résidence ; que sous sa conduite les desseins des Romains deviennent fermes, clairs et purs comme les colonnes de marbre de ce temple, et que leur charité brille sans interruption comme la mosaïque qui en décore l'abside avec un art si consommé et comme l'or de ce magnifique plafond ; enfin que les affaires privées et publiques de tout genre soient florissantes et prospères.

Mais Notre esprit, s'arrachant à la joie présente, s'envole là où sur des terres chrétiennes se déchaîne une guerre qui fauche tant de jeunes et engendre ruines et larmes. Nous sommes frappé de tant de deuils et Nous souffrons d'une tristesse profonde et sans mesure. Les annales de l'histoire chrétienne rapportent que la Mère de clémence et de miséricorde a souvent écarté tous les malheurs qui fondaient sur ses fils. Que son regard miséricordieux fasse disparaître les tristesses des combats et, la haine déposée, de la concorde renouée revienne la bonne paix qui unisse les hommes par des liens réciproques et solides et la soumission à Dieu et que la fidélité dans la garde des commandements de Dieu l'affermisse. Apaise la mer, Etoile de la mer.

Au milieu des solennités pontificales, Nous offrons à Dieu ces voeux suppliants pour que par l'entremise de la Vierge bienheureuse soient chassées les nuées obscures et que le bonheur d'un âge meilleur sourie bientôt. Nous le souhaitons à tous ardemment, mais à vous qui maintenant Nous entourez d'une couronne de fête et de joie, en vous bénissant avec une ardente charité, Nous vous souhaitons avec ferveur l'indulgence et la faveur de la Vierge immaculée pour que vous ayez en surabondance la justice, la confiance, la joie : « Que l'âme de Marie soit en chacun pour qu'il glorifie le Seigneur, que l'esprit de Marie soit en chacun pour qu'il exulte en Dieu. » 2


Pie XII 1939 - DISCOURS A L'ACADÉMIE PONTIFICALE DES SCIENCES