Pie XII 1940 - ALLOCUTION AUX DIRIGEANTS DE L'ACTION CATHOLIQUE ITALIENNE


LETTRE APOSTOLIQUE POUR LE CONGRÈS EUCHARISTIQUE NATIONAL D'ARGENTINE

(14 septembre 1940) 1

Voici la traduction de la lettre apostolique par laquelle Sa Sainteté Pie XII a nommé légat pontifical S. Em. le cardinal Copello, archevêque de Buenos Aires, pour le Congrès eucharistique national d'Argentine, tenu au mois d'octobre à Santa Fe :

Nous avons appris avec le plus grand plaisir qu'au mois d'octobre prochain sera célébré une très grande solennité dans la belle ville de Santa Fe, un Congrès eucharistique de toute la République d'Argentine. Intention excellente et grandement salutaire ! Quoi de plus apte et de plus utile en effet que ces genres de congrès pour favoriser et aiguillonner la piété et la dévotion du peuple chrétien envers l'auguste sacrement de l'Eucharistie ? Si le Christ Jésus a voulu cacher sa nature divine et sa nature humaine sous les voiles eucharistiques, c'est pour demeurer en permanence avec nous et pour continuer à répandre sur nous les trésors les plus doux de sa charité et de sa miséricorde.

C'est pourquoi, Nous vous adressons les plus vives félicitations tant pour votre projet que pour le soin avec lequel se préparent ces solennités afin que, par le nombre et la ferveur des fidèles, soient rendus les plus grands honneurs au Roi des Cieux, humilié sous les espèces eucharistiques.

Pour donner plus de solennité à cette célébration, Nous désirons vivement y participer non seulement par un éloge bien mérité et par Notre recommandation, mais aussi par la présence de Notre légat.


CONGRÈS EUCHARISTIQUE D'ARGENTINE

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C'est pourquoi, cher Fils, honoré de la magnificence de la pourpre romaine, pasteur de cette noble et insigne Eglise, qui brillez par l'exemple des louanges et des vertus, Nous vous constituons et proclamons Notre légat a latere afin que, tenant lieu de Notre personne, vous présidiez en Notre nom et avec Notre autorité aux rites et cérémonies solennels du Congrès eucharistique de toute votre nation qui va s'ouvrir prochainement dans la ville de Santa Fe.

Il ne fait pas de doute que les pieux fidèles retireront de cette célébration d'heureux fruits de salut. Depuis longtemps, Nous connaissions par expérience la piété du peuple argentin, et de Nos yeux Nous avons constaté cette piété active et fervente lorsque, il y a six ans, Nous avons présidé le Congrès eucharistique international dont le doux souvenir ne s'effacera jamais de Notre mémoire.

Que la Bénédiction apostolique que de tout cceur Nous vous accordons dans le Seigneur à vous, Notre cher Fils, à l'insigne archevêque de Santa Fe et à tous les fidèles qui prendront part à ce congrès soit le présage et le gage des lumières et des dons célestes et le témoignage de Notre particulière bienveillance.


LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT POUR LE CONGRÈS MARIAL D'ESPAGNE

(26 septembre 1940)1

A l'occasion du Congrès mariai national d'Espagne, organisé à Saragosse pour le centenaire de l'apparition de Notre-Dame dei Pilar, S. Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat, a fait parvenir la lettre suivante à S. Exc. l'archevêque de Saragosse :

Il a été particulièrement agréable au Saint-Père d'apprendre par votre récente lettre votre intention de célébrer prochainement un congrès mariai à Saragosse, cette ville si célèbre par sa réputation religieuse et par sa gloire civile.

Le Souverain Pontife, plein de confiance dans le patronage de la Mère de Dieu et dans son secours en ces temps troublés, applaudit à une intention si salutaire et se réjouit à la pensée du triomphe que la noble nation espagnole, la patrie étant heureusement restaurée, va procurer à la très douce Mère de tous, reine des cieux et des hommes. Pour que ce triomphe soit agréé de la Mère de Dieu, il est nécessaire, et c'est sans nul doute votre désir et celui des évêques d'Espagne, qu'il se manifeste par une foi ardente et par la pureté des coeurs et qu'il inspire aux fidèles des sentiments d'une généreuse et sincère piété, qui ne languisse pas avec le temps et qui se traduise en bonnes oeuvres. Nous vénérons dignement en effet la Mère de grâce et de miséricorde non seulement en louant ses vertus, mais en les imitant et en faisant passer dans nos moeurs par une application assidue sa manière de vivre brillante dans tout son éclat.

Ainsi donc, mettez tout en oeuvre pour que ceux qui prendront part à ces solennités expient leurs fautes dans les larmes de la pénitence et, sortis de la fange du péché, implorent le ciel de leurs - 293 - voeux fervents, mettent leurs pensées et leurs actions en accord avec la loi évangélique et prennent la ferme résolution, en suivant les traces de leur Mère, d'orner leurs coeurs de la charité, de l'humilité et de la douceur des moeurs.

Heureux les Espagnols qui se glorifient d'être sous la tutelle de Marie, s'ils continuent à obtenir son secours maintenant et toujours, en aimant ce qu'elle aime et en repoussant tout ce qui mérite la puniton divine et lui déplaît !

Animé d'une particulière bienveillance pour ses fils d'Espagne, le Saint-Père vous souhaite tous ces biens et les désire ; il invoque la Mère de Dieu avec instance pour qu'elle répande sur leur terre la pluie des libéralités célestes et qu'elle la rende toujours plus riche des richesses de la vraie foi et des dons d'une belle prospérité.

A vous, ainsi qu'à tous ceux qui de quelque façon auront contribué au succès de ce congrès mariai ou y auront pris part, le Saint-Père accorde très affectueusement la Bénédiction apostolique.


DISCOURS POUR L'INAUGURATION DE LA NOUVELLE ANNÉE JUDICIAIRE DE LA SACRÉE ROTE ROMAINE

(Ie' octobre 1940) 1

Après la sainte messe, célébrée dans la chapelle Pauline pour l'ouverture de l'année judiciaire du Tribunal de la Sacrée Rote romaine, le Saint-Père a reçu les membres de ce Tribunal et leur a adressé l'allocation suivante :

Tandis que le tumulte du monde et de ses luttes terribles accroît en Nous l'anxiété de cette juste paix que Nous désirons voir renaître et refleurir parmi les peuples, votre rassemblement autour de Nous, chers fils, et la sage voix de votre doyen Nous remet en pensée et Nous ramène à la contemplation de ces controverses qui sont l'arène où le Tribunal de la Sacrée Rote romaine travaille pour que la justice et la paix s'embrassent. Du bas de l'autel devant lequel vous avez invoqué la divine assistance de l'Esprit qui est l'amour du Père et du Fils, vous êtes venus à Nous pour implorer Notre bénédiction et inaugurer la nouvelle année judiciaire des décisions que le monde catholique demande à votre illustre collège ; c'est avec la plénitude de Notre affection paternelle qu'il Nous est doux de vous la donner, afin qu'elle puisse promouvoir et valoriser cette paix dont votre tribunal veut être, par la justice et par le droit, le médiateur dans les conflits.

De votre sollicitude et de vos travaux si méritants pour le triomphe de la justice et de la paix, les sages paroles de votre digne doyen sont le témoignage et la confirmation. Lui qui, en Nous exposant les motifs de satisfaction, le déroulement des travaux, le nombre, la qualité et les décisions des causes traitées dans l'année judiciaire qui vient de s'écouler, indique le chemin du passé comme le seuil où doivent commencer et procéder l'avenir et la route de la nouvelle année de la Sacrée Rote romaine. Certes, vous n'agissez pas comme « l'enfant rétif, qui, lorsque sa mère l'arrache à ses jeux, avance lentement et regarde en arrière »2. Mais imitez 1°. grand apôtre Paul qui, oubliant ce qui était en arrière, allongeait le pas, puis tendant de toutes ses forces vers les choses qui se tenaient devant lui courait vers le but : Unum autem ; quae quidem retro sunt obliviscens, ad ea vero, quae sunt priora, extendens meipsum, ad destinatum persequor, ad bravium supernae vocationis Dei in Christo Jesu (Ph 3,13-14).

La mission de la Rote.

Votre vocation est aussi une vocation supérieure de Dieu dans le Christ pour la récompense éternelle ; par cette vocation vous dirigez ici-bas le service de la justice, non pas avec lenteur, mais avec cette diligence et cette promptitude qui ne tourne pas les yeux en arrière pour s'arrêter dans le chemin, mais seulement pour tirer davantage de lumière et de conseil des trésors de sagesse du passé. Pour récolter de nouveaux mérites, vous mettez en branle votre esprit et votre intelligence avec l'année judiciaire que vous inaugurez aujourd'hui ; cette science perspicace et prudente qui a rendu illustre et renommé votre Tribunal, et pour laquelle sont recherchés les nombreux volumes de ses décisions et sentences, sera pour vous une compagne et un guide pour la recherche du vrai dans la nouvelle arène et dans les questions difficiles, parce que la justice, si elle doit se faire mère de la paix, veut être fille de la vérité. C'est pourquoi à la fin du Digeste vous lisez que res iudicata pro veritate accipitur 3. Nulle autre joie ne satisfait, tranquillise et libère l'âme humaine que la vérité.

La source de cette vérité, qui est la justice, c'est Dieu créateur et souverain du monde, qui siège là-haut sur un trône inaccessible avec la tiare, sublime règne de la divinité, de la justice et de la miséricorde ; la miséricorde qui n'empêche pas la justice, mais la complète et l'exalte4. Vous vous êtes inclinés devant ce Dieu de justice et de miséricorde en adorant et en invoquant son

2 Monti, Bassvilliana, canto i.
3 Fr. 207 D. de div. regulis iur. ant., 50, 17.
4 Summa Theol., I 21,3 ad 2 um.

Esprit d'amour, parce que l'Eglise qui fut vivifiée par ses flammes au Cénacle est une mère qui, en rendant à chacun son Fils, possède aussi une tiare d'autorité divine, de justice et de miséricorde qui en orne le front. Fille de l'Eglise, la Sacrée Rote romaine sait aussi joindre la justice et la miséricorde, compagne de la justice ; elle n'ignore pas l'infirmité, la timidité et la malice des hommes ; elle concède une ample liberté à la défense et assiste le pauvre, elle n'entrave pas le chemin à l'incorruptible et impartiale application de la loi, qui fait la jurisprudence. Cette jurisprudence vous l'admirez dans un des tableaux de la voûte de la Chambre de la Signature : Raphaël a peint une femme tenant dans sa main l'épée élevée pour la séparation du tort et du droit, et dans la main gauche la balance aux deux plateaux égaux : ius suum unicuique tribuit. Votre tribunal, auquel on recourt et on fait appel de toutes les régions du monde catholique, est une louange et un honneur du Siège apostolique et le Vicaire même du Christ lui soumet les solutions de causes particulières, de telle sorte que vous êtes appelés à prendre part à cette sollicitude de toutes les Eglises qui est le devoir du Pasteur universel.

La sainteté du mariage et de la famille.

Et puisque dans votre Tribunal prédominent les causes matrimoniales, la Sacrée Rote romaine possède la gloire d'être le tribunal de la famille chrétienne, humble ou élevée, riche ou pauvre, dans laquelle entre la justice pour faire triompher la loi divine dans l'union conjugale, vengeresse du lien indissoluble, de la pleine liberté du consentement dans l'unité de vie et dans la sainteté du sacrement. C'est pourquoi, vous examinez et vous pesez avec un soin extrême les dépositions des parties, les témoignages, les rapports des compétences, les documents, les indices, afin de dévoiler les fraudes possibles et d'empêcher ainsi la violation du lit nuptial, où le Créateur a placé la source de la multiplication du genre humain, des époux des anges bienheureux jusqu'à la consommation des siècles, lorsque les troupes innombrables des fils d'Adam se présenteront au tribunal du Christ, juge des vivants et des morts, pour rendre compte de leurs oeuvres bonnes et mauvaises.

C'est dans la famille que naît la société humaine, que prennent vigueur et grandissent les noms de père et de mère, que l'arbre de la maison trouve ses rejetons, la patrie ses défenseurs, l'Eglise ses ministres. De cette manière la Rote romaine resplendit dans l'ordre judiciaire comme le rempart des saintes noces, et c'est pour vous une grande louange que le Studium de la Rote et les salles de votre tribunal deviennent une haute école de procédure et de discussions juridiques par le nombre croissant de prêtres, de religieux et de laïcs de toute région et de toute langue de l'univers catholique, qui s'y rassemblent et y apprennent comment la Rome chrétienne ne cesse de se présenter aux nations comme la maîtresse du droit, l'héritière et l'émule de cette sagesse sévère et scrutatrice qui rendait célèbres les jurisconsultes des Césars.

Mais si la Sacrée Rote est la gardienne et le palladium de l'indissolubilité du mariage, elle sait aussi bien distinguer le mariage contracté invalidement et qui, par conséquent, n'a jamais existé. En ce cas, le droit naturel accorde aux époux qui n'ont pas été volontairement causes de l'empêchement ou de la nullité, le droit de mettre en cause le mariage ; droit auquel correspond chez le juge lorsqu'il est arrivé ex actis et probatis à se former la certitude morale de l'invalidité du mariage l'obligation de le déclarer nul en prononçant la sentence.

Permettez enfin que Notre pensée et Notre cceur retournent à la source de Notre douleur dans la contemplation des fils en armes et en guerre les uns contre les autres, comme s'ils n'étaient pas frères d'une même foi et d'une même espérance. L'histoire jugera comme elle voudra cette lutte ruineuse et destructrice ; mais la pensée et le jugement de l'homme ne sont pas le jugement et la pensée de Dieu. C'est à son tribunal que les familles des nations, au cours des siècles, écoutent une sentence qui s'accomplit infailliblement : consilium Domini in aeternum manet (Ps 32,11); et tandis que le Seigneur dissipat consilia gentium, reprobat autem cogitationes populorum et reprobat consilia principum avec justice et miséricorde abat et fait naître, donne et enlève les empires, en change et en ensevelit les noms sous la mousse des ruines et sous les sables des déserts, comme il dispersait déjà à tous les vents le reste d'Israël sur la face de la terre (Ez 5,1-4 et Ez 5,12 Ez 9,8-11). Nous Nous tournons vers ce Dieu de miséricorde et de justice, dont la miséricorde triomphe en toutes ses oeuvres, en invoquant sa bonté ; parce qu'à son tribunal de justice, seule la prière à laquelle sa miséricorde donne toute sa valeur peut faire appel des péchés des hommes.

Prions, chers fils ; implorons la piété et la clémence divines, afin que la tempête déchaînée sur la pauvre humanité s'apaise, que le ciel se rassérénère et que resplendisse l'aurore de la paix espérée.




ALLOCUTION AUX JEUNES FILLES DE L'ACTION CATHOLIQUE

(6 octobre 1940) 1

Le 6 octobre, environ 20 000 jeunes filles appartenant à la Jeunesse féminine italienne d'Action catholique étaient rassemblées dans la cour Saint-Damase pour offrir leurs dons au Souverain Pontife et recevoir sa bénédiction. Vivement ému, le Pasteur suprême prodigua à la vibrante assemblée ses directives et ses encouragements dans le discours que voici :

Ce vivant spectacle de milliers de voiles blancs et de vêtements blancs, symbole de la candeur de vos âmes, fait naître en Nous la vision d'un jardin aux mille fleurs printanières, miraculeusement écloses à l'aurore rougeoyante d'un jour d'automne : fleurs parmi lesquelles, Nous le disons volontiers, Nous voyons dominer les lys dans les plus grandes d'entre vous ; s'ouvrir les marguerites dans les Benjamines et dans les Piccolissime (les toutes petites), et près d'elles sourire comme des gouttelettes de rosée tremblotant aux rayons du soleil les Angioletti de l'Action catholique. Mais dans ce beau jardin Nous saluerons aujourd'hui spécialement les primevères. Ont droit à ce nom celles parmi vous qui s'ouvrent au printemps de la vie consciemment libre et responsable. Nous entendons parler des Aspirantes qui forment une plate-bande riche des plus joyeuses promesses.

L'Eglise universelle est un jardin plus grand avec des régions immenses, des arbres élevés, de vastes vignobles et olivettes, des bois pour le repos dans la solitude, des retraites pour la contemplation, des champs d'exercices, sentiers et chemins divers pour l'action qui conduisent à des jardins plus petits où s'élèvent des arbrisseaux et des fleurs à transplanter dans un autre terrain,

1 D'après le texte italien des A. A. S., 32, 1940, p. 409 ; cf. la traduction française de» Actes de S. S. Pie XII, t. II, p. 188.

parce que là ils feuilleront, fleuriront et donneront leurs fruits. Soyez des fleurs gracieuses, jeunes Aspirantes qui désirez grandir pour être transplantées et devenir membres effectifs de la jeunesse féminine dans l'Action catholique. Le nom d'Aspirantes vous convient essentiellement, en tant qu'il désigne des âmes avides de mouvement et de montée spirituelle. Celui qui désire ardemment n'aspire pas à s'arrêter ou à redescendre vers le bas.

Préparer l'avenir.

1. — Dans l'Action catholique votre section célèbre son vingtième anniversaire. Aucune d'entre vous n'a pu être témoin de sa fondation : les plus grandes parmi vous ne peuvent célébrer que leurs quinze ans, et peut-être à cause de cela vingt ans vous semblent être un temps ancien. Illusions que le vol de la vie se charge de dissiper ! Les années s'envolent ; encore que certaines paraissent comme être immobiles ou durer plus que d'autres, comme retenues par le nombre ou par le poids des événements qu'elles incorporent à elles et qu'elles portent. Fixant le regard sur l'Europe et sur le monde, Nous voyons de fait qu'en vingt ans peuvent se produire de profonds bouleversements qui valent des siècles, et qui, non seulement changent la structure politique des nations et leurs rapports mutuels, mais modifient jusqu'aux idées morales et sociales de l'humanité. De ce spectacle parfois réconfortant, plus souvent attristant, il Nous est agréable de porter le regard sur l'oeuvre accomplie dans ces vingt années par votre groupement dont la charmante et vivante « histoire » que vous voulez Nous offrir, ne peut probablement raconter qu'une petite partie. De toute façon, le passé Nous incite à bien augurer de l'avenir.

L'avenir, c'est ce demain vers quoi se tourne votre désir. Mais que vaut le désir sans un vouloir énergique ? Et à quoi sert un vouloir énergique si l'on n'entreprend pas hardiment ? C'est pourquoi une Aspirante est une élève ou une apprentie qui s'exerce dans la pratique d'un métier pour se rendre habile et rapide au travail de demain.

Demain ! Parole dont Dieu seul pénètre, gouverne et prévoit le mystère et qui cause en raison de l'obscurité du futur une certaine angoisse au regard de l'homme. Pas dans votre regard cependant. Les yeux de la jeunesse riche d'avenir ne regardent qu'en avant et jouissent de contempler dans la lumière du futur la réalisation de ses « aspirations » ; les yeux de l'homme dans sa maturité et

spécialement dans sa vieillesse, obscurcis par les visions du passé, en projettent les souvenirs, comme un voile d'ombre, sur les perspectives de l'avenir.

Heureuse jeunesse ! Empressez-vous de tirer profit de l'ardeur et de la confiance de votre âge 2. Préparez-vous aux devoirs que Dieu vous réserve et qui sont bien grands grandis enim tibi restat via « car le chemin est long pour toi » (m Rois, 19, 7). Mais tandis que le Seigneur vous les impose, il vous donne aussi comme au prophète Elie, un pain céleste qui vous fortifiera le long du chemin ; l'Eucharistie, source de zèle pour l'apostolat, source de dévouement courageux jusqu'à l'héroïsme, comme le déclare votre programme : Eucharistie, Apostolat, Héroïsme.

L'heure présente est une heure de dévastation. Mais d'autant plus elle est pour vous heure de travail confiant et intense au profit de la chère patrie et de vos semblables, frères et soeurs dans la charité du Christ. Si, demain, le monde ne veut pas rester enseveli pour toujours dans l'ombre de la mort, il devra s'efforcer de relever et de réparer ses ruines. Alors ce sera l'heure de votre collaboration, ô jeunesse catholique ! Que de belles oeuvres attendent votre concours ! Reconstruire la société sur des bases chrétiennes ; remettre en estime et en honneur l'Evangile et sa morale ; refaire la famille en rendant au mariage l'auréole de sa dignité sacramentelle, en redonnant aux époux le sens de leurs obligations et la conscience de leurs responsabilités ; raffermir à tous les échelons de la société la notion authentique de l'autorité, de la discipline, du respect des règles sociales, des droits et des devoirs réciproques de la personne humaine. Voilà votre demain.

Se préparer à répandre la doctrine chrétienne

2. — L'une de vos grandes tâches consistera à répandre la doctrine du Christ. Dans le monde présent domine largement le « laï-cisme » qui représente l'effort de l'homme pour se passer de Dieu ; tendance vaine et entreprise impie qui revêt, selon les temps et les pays, divers aspects et divers noms : indifférence, négligence, mépris, révolte ou haine. Ces derniers et plus mauvais sentiments ne se trouvent pas, grâce à Dieu, du moins fréquemment, au sein des familles italiennes imprégnées et nourries de christianisme depuis des siècles ; mais trop souvent, même ici, comme en d'autres pays, le développement, le progrès, la diffusion des sciences et des arts

2 S. Thomas, la Hae p., q. 40, a. 6.

mécaniques, le progrès du bien-être matériel n'ont pas été sans faire naître chez beaucoup l'indifférence croissante à l'égard de Dieu et des choses divines. En se croyant, pour avoir conquis de plus grands biens ici-bas, moins dans la dépendance immédiate du Créateur et du souverain Maître, les hommes ingrats oublient que tout est un don de Dieu, même les forces de la nature qu'ils subjuguent, ainsi que leurs facultés intellectuelles et leurs bras qui sont les armes de leurs succès et de leurs victoires.

En d'autres temps — non exempts eux aussi de faiblesses et de déviations — la foi religieuse pénétrait et envahissait la vie sociale et encore plus la vie familiale avec les murs ornés du crucifix, d'images et souvenirs pieux. La littérature et les arts du foyer domestique s'inspiraient des récits bibliques ; les noms des saints protecteurs désignaient les cités et les bourgades, les montagnes et les sources ; les routes des campagnes et les coins des rues présentaient au regard des passants les images du Christ en croix et de sa Mère bénie. Il semblait que tout, l'air lui-même, parlât du Seigneur : en sorte que l'homme vivait comme en contact avec Dieu dans la pensée de son universelle présence et de sa souveraine puissance. La cloche de l'Eglise le réveillait, l'invitait au divin sacrifice, à la triple salutation angélique, aux cérémonies sacrées ; elle réglait l'ordre des travaux quotidiens comme la voix du prêtre en assurait le consciencieux accomplissement. Alors, on n'aurait pas trouvé de foyer qui ne possédât le cathéchisme, l'histoire sainte, souvent aussi les vies des saints pour chaque jour de l'année. Par contre, aujourd'hui que de maisons plus ou moins encombrées de livres aux titres divers, de romans et de récits d'aventures, manquent peut-être de ces livres ! Combien de parents, désireux à juste titre que leurs enfants apprennent et connaissent les règles d'hygiène, se préoccupent bien peu de l'enseignement religieux !

L'ignorance de la doctrine religieuse ainsi que les graves dommages qui en découlent pour les âmes ont été très sauvent déplorés et dénoncés au monde par Nos vénérés prédécesseurs ; c'est pourquoi l'Action catholique toujours docile à la voix des pontifes romains, considère comme un de ses buts essentiels, outre la formation religieuse et morale de ses membres, leur préparation pédagogique à l'enseignement du catéchisme, livre fondamental de la science et de la vie chrétiennes. Pour cela Nous saluons avec joie les lauréates du concours national de culture religieuse. Toutes sont jeunes, certaines très jeunes. Leur vue nous rappelle l'aimable sainte Thérèse de PEnfant-Jésus, qui, étant encore la petite Thérèse

Martin, avait mérité d'être appelée par le prêtre catéchiste « son petit docteur » 3. Les jeunes qui désirent ardemment aujourd'hui fonder une famille chrétienne (et n'est-ce pas le rêve de beaucoup d'entre vous ?) doivent se préparer et se former à être, sinon des docteurs, au moins des professeurs de religion ; plus d'une d'entre vous s'apercevra un jour qu'elle devra, avec une délicatesse infinie et une sage patience, rappeler à son mari les vérités de la foi et les préceptes de la morale évangélique. De toute façon, elles devront remplir cette charge à l'égard de leurs enfants ; mais un aussi grand devoir ne leur causera ni hésitation ni crainte, si elles en ont acquis de bonne heure dans l'Action catholique l'expérience et la pratique.

... à se donner

3. — Enseigner, instruire une âme c'est en même temps donner et se donner ; chose qui correspond à l'une des belles aspirations de votre sexe et de votre âge. La jeune fille, la femme, devenue institutrice du vrai et du bien, donne aux autres quelque chose des trésors de son esprit et de son coeur ; grâce à sa parole, elle se donne elle-même et se donne pour une vie spirituelle, à l'instar d'une mère qui sait se dévouer à la vie corporelle de son enfant, parfois jusqu'au sacrifice héroïque de sa propre vie. Généreuse, la femme l'est aussi en donnant le travail de ses mains : l'histoire connaît et loue la femme forte, non la femme avare. De cette largesse et de ce besoin de donner, Nous voyons une preuve parmi tant d'autres dans ce riche assortiment de vêtements sacrés que vous Nous avez apportés pour les églises pauvres et pour les missions.

Jésus-Christ a voulu vivre dans le tabernacle comme un mendiant d'amour. D'autres parmi vos soeurs, par amour pour lui, s'occupent de recueillir et de moudre le grain, d'extraire des grappes dorées le vin, offrande à mettre dans les mains du prêtre pour le grand mystère d'amour que le Christ réalise des milliers et des millions de fois sur le Calvaire non sanglant de nos autels. Pour revêtir la pauvreté eucharistique du Dieu du tabernacle qui s'est fait, dans sa richesse infinie, pauvre pour nous, vous, vous lui avez offert les ornements sacrés pour l'autel de son sacrifice mystique. Ce don n'a pas été seulement prélevé sur vos ressources budgé

3 Histoire d'une âme, p. 63.

taires, peut-être modestes. Vous avez aussi donné au Christ votre temps, votre travail, votre repos ; vous avez mis en chaque point de couture et d'ornement, dans chaque détail de broderie ou de dentelle, un acte de foi dans sa présence sacramentelle et comme un baiser d'amour réparateur sur ses plaies. Le divin prisonnier d'amour n'est jamais celui qui se laisse vaincre dans la générosité des dons. A son tour, dans chacun des tabernacles des églises pauvres ou des chapelles des missions, devant lesquels ces présents sacrés, oeuvres exquises de votre amour et de votre art, revêtiront Notre-Seigneur Jésus-Christ dans la personne de son prêtre, Il vous bénira doublement du fond de son divin Cceur.

... par l'exemple de la pureté

4. — Linge d'autel, nappes d'autel, ces fins travaux sont sortis blancs et purs de vos mains ; blancs et purs ils serviront aux saints mystères qui ne supportent pas de contact impur. Regardez l'autel et le tabernacle : l'un entièrement recouvert d'une nappe de lin retombant sur les deux côtés ; l'autre voilé du conopée. Vous donc qui revêtez si pieusement l'autel et la demeure de Jésus-Christ, n'oubliez jamais que vous portez Dieu en vous par la grâce qui revêt votre âme ; n'oubliez pas que cette divine présence fait, non seulement de votre âme, mais aussi de votre corps, un temple saint. « Ne savez-vous pas, écrivait l'apôtre saint Paul dans sa première lettre aux Corinthiens, que vos corps sont les membres du Christ ?... Ne savez-vous pas que vos membres sont le sanctuaire de l'Esprit Saint, qui habite en vous, auquel vous appartenez de la part de Dieu, sans plus vous appartenir à vous-mêmes ? (1Co 6,15 et 19). La pensée consciente de cette inhabitation divine, de cette incorporation au Christ, a fait naître et a développé à travers les siècles chez les peuples dociles à l'Evangile un religieux respect du corps qui se traduit dans un ensemble d'arrangement de la personne, des manières, du maintien, des paroles sagement réglées et mesurées : la modestie. Et dès le commencement de l'Eglise le même apôtre voulait que les femmes portassent le voile dans les réunions sacrées et disait dès lors aux Corinthiens : « Jugez-en donc par vous-mêmes : convient-il à la femme de prier Dieu la tête découverte ?... C'est une gloire pour la femme d'entretenir sa chevelure ; parce que les cheveux lui ont été donnés par manière de voile » (1Co 11,13 et 15).

Vous avez inscrit cette année en tête de vos projets et de vos initiatives la grande croisade de la pureté, cette pureté dont la gardienne est la modestie. Comme la nature a mis en chaque créature un instinct qui la pousse et la porte à défendre sa propre vie et l'intégrité de ses membres, ainsi la conscience et la grâce qui ne détruit pas mais perfectionne la nature, infusent dans les âmes comme un sens qui les met en garde vigilante contre les dangers qui menacent leur pureté. Cela est spécialement caractérisé chez la jeune fille chrétienne. On lit dans la Passion des saintes Perpétue et Félicité, considérée à bon droit comme un des plus précieux joyau de l'ancienne littérature chrétienne, que, lorsque dans l'amphithéâtre de Carthage la martyre Vibia Perpétue lancée en l'air par une vache très féroce retomba dans l'arène, son premier soin et son premier geste furent de rajuster sa tunique, qui s'était déchirée, sur le flanc pour le recouvrir, plus attentive encore à la pudeur qu'à la douleur, pudoris potius memor quam doloris *.

... et de la modestie.

Mode et modestie devraient bien aller et marcher ensemble comme deux soeurs, puisque les deux mots ont la même étymologie, du latin modus qui veut dire juste mesure, en deçà et au-delà de laquelle ne peut se trouver le juste ou le raisonnable5. Mais la modestie n'est plus de mode ! Semblable à ces pauvres aliénés qui, ayant perdu l'instinct de la conservation et la notion du danger, se jettent dans le feu ou dans les fleuves, bien des âmes féminines, oublieuses dans leur ambitieuse vanité de la modestie chrétienne, courent misérablement au-devant des dangers où leur pureté peut trouver la mort. Elles subissent la tyrannie de la mode, même immodeste, d'une manière telle qu'elles paraissent n'en même plus soupçonner l'inconvenance ; elles ont perdu le sens même du danger, l'instinct de la modestie. Aider ces malheureuses à reprendre conscience de leurs devoirs sera votre apostolat, votre croisade au milieu du monde : « Que votre modestie paraisse à tous les regards » (Ph 4,5).

Votre apostolat agira avant tout par l'exemple. Il appartiendra à votre très aimée présidente, à vos sages dirigeantes de vous apprendre comment avant de porter un vêtement vous devez demander à votre conscience de quelle façon le jugera Jésus-Christ ; de vous

5 Hor. Serm. I, 1, 106-107.

avertir qu'avant d'accepter une invitation, vous devez considérer si votre invisible et céleste ange gardien pourra vous suivre en semblable rendez-vous sans se couvrir la face de ses ailes. Elles vous indiqueront quels spectacles, quelles compagnies, quelles plages vous devez éviter ; elles vous montreront comment une jeune fille peut être moderne, cultivée, sportive, pleine de grâce, de naturel et de distinction, sans se plier à toutes les vulgarités d'une mode malsaine, conservant un visage qui ignore les artifices comme l'âme dont il est le reflet, un regard sans ombres ni intérieures ni extérieures, mais à la fois réservé, sincère et franc. Pour la défense, généreusement active, de votre pureté, Nous vous recommandons par-dessus tout la prière et d'une façon spéciale le culte de la sainte Eucharistie et de la Vierge immaculée à laquelle vous êtes consacrées.

Dans l'Eucharistie vous trouverez Dieu qui est la pureté même, parce qu'il est l'infinie perfection quand il se donne à vous. Il Nous plaît de répéter les paroles du prophète — comme « le froment des élus et le vin qui fait germer les vierges » (Za 9,17), Notre-Seigneur « qui est le resplendissement de la lumière éternelle et le miroir sans tache » (Sg 7,26) purifie votre âme et ses facultés, votre corps et ses sens. Plus une créature s'approche de Dieu et s'unit à Lui, plus elle est pure : plus elle aspire vers la pureté, plus elle tend vers l'Etre infiniment pur.

Quand le Verbe voulut s'incarner et naître d'une femme, il jeta son regard sur la créature la plus idéalement parfaite ; une enfant dans la grâce de sa virginité. Après qu'à cette grâce vint s'ajouter, par un miracle unique, celle de la maternité divine, elle apparut d'une si sublime beauté que les artistes, les poètes, les saints tentèrent ardemment, mais toujours en vain, d'en faire le portrait. L'Eglise et les anges la saluent des noms de Reine et de Mère ; les titres dont la piété des fidèles a ceint son front comme d'un diadème aux mille feux ou rayons, sont innombrables. Mais entre tous ces noms et titres de gloire, il en est un qui lui est particulièrement cher et qui suffit à la désigner : la Vierge.

Puisse cette Vierge des Vierges, Marie, Reine du très saint Rosaire, être votre modèle et votre force, dans toute votre vie de jeunes catholiques et spécialement dans votre croisade de la pureté.

Avec ce souhait et comme gage de sa protection maternelle et des plus abondantes grâces divines, de tout cceur Nous donnons à vous, et aussi aux personnes, aux oeuvres, aux saintes entreprises pour lesquelles vous l'avez demandée, Notre Bénédiction apostolique.


Pie XII 1940 - ALLOCUTION AUX DIRIGEANTS DE L'ACTION CATHOLIQUE ITALIENNE