Augustin, Annot. sur Job - Prolog.

26
Jb 26,2-14

CHAPITRE 26. - Job connaît la grandeur de Dieu; ce n'est ni à lui ni à Baldad à donner des conseils au Tout-Puissant. - Paroles de Job.

2. «Pour qui viens-tu, et à qui veux-tu porter secours?» Les croyant injustes, il s'indignait contr'eux et voulait que Dieu les punît; mais réfléchissant en lui-même, il revient à de meilleures pensées et laisse à Dieu le soin de les juger. Il ne prétend point l'aider ni lui porter secours, comme s'il était trop faible pour arrêter à punir les coupables; il ne veut point non plus lui tracer sa conduite à son égard, ni le suivre et rechercher pourquoi il laisse vivre les trompeurs; car les secrets de sa puissance sont impénétrables à toutes les recherches de notre intelligence. Il veut encore moins lui apprendre ce que sont ces hommes, car c'estde lui que l'homme tient le souffle, lorsqu'il exprime quelque pensée.

5. «Les géants seront-ils anéantis?» Ne nous étonnons point si Dieu épargne ceux-ci, puisqu'il

1 Jn 1,9. - 2 Mt 6,1. - 3 1Co 1,31.

613

n'a pas anéanti les géants. Et pour qu'on ne lui objecte pas qu'ils sont précipités en enfer, il ajoute que Dieu voit les enfers. Cependant il leur a assigné cette place qu'ils occupent selon leurs mérites; connu e il établit les justes, soit où ils sont aujourd'hui, soit où ils doivent- être un jour. Mais jamais il ne les éloigne de sa présence, car à ses yeux tout est à découvert. Il faut donc ici entendre dans le même sens, et les géants dont il vient de parler, et les orgueilleux consolateurs. «Sous les eaux aussi ceux qui leur ressemblent;» après ces mots, «sous les eaux,» faut-il sous-entendre: sont retenus, ou quelqu'autre expression analogue?

6. «Et la perdition n'est point pour lui voilée. Même ce qui se perd n'échappe point à son regard.

7. «Il lance l'aquilon dans le vide.» L'aquilon peut signifier ici le démon, et la terre le pécheur, car ni pour l'un ni pour l'autre il n'y a aucune solide, espérance. «Il suspend la terre sur le néant;» dans l'air.

8. «Il retient les eaux dans ses nuées.» Ce sont les obscurités des prophéties. «Et les nuées ne se sont point divisées sous sa main.» La vérité contenue dans la nuée n'a point échappé à ceux qui out l'intelligence des Écritures. Il n'y a en elles aucune contradiction, comme le prétendent ceux qui n'en ont point l'intelligence.

9. «Il tient cachée la face du soleil (1).» Pour que les impies ne connaissent point le soleil de justice. «Et il étend sur lui sa nuée;» la chair qu'a revêtue Notre-Seigneur.

10. «Il a partout répandu sa loi sur la surface des eaux.» Parmi les peuples. «Jusqu'où finit la lumière;» jusqu'à la fin de cette vie, c'est-à-dire, jusqu'à la fin du monde, ou jusqu'à ce que soient consommés, c'est-à-dire perfectionnés ceux à qui il a été dit: «Vous étiez autrefois ténèbres, vous êtes maintenant lumière dans le Seigneur (2).»

11. «Les colonnes du ciel ont tremblé; elles se sont ébranlées au bruit de ses menaces.» Ce qui est arrivé à Pierre par la voix de Paul (3).

12. «Sa puissance a calmé la fureur des flots.» Il a mis fin dans le monde à l'acharnement des persécuteurs contre l'Eglise. Ces mots: «Les colonnes du ciel ont tremblé au bruit de ses menaces,» peuvent signifier: Les plus courageux

1. Le manuscrit à saint Augustin était sans doute fautif,car le Grec porte thronu, solii, du trône, et non pas solis, du soleil. - 2 Ep 5,8. - 3 Ga 2,11.

dans l'Église ont tremblé pour les plus faibles, quand Dieu a permis les épreuves de la persécution. Une de ces colonnes s'écriait: «Qui est faible, sans que je sois faible avec lui? Qui est scandalisé, sans que je brûle (1)? - Sa main habile a blessé la baleine.» C'est la douleur qui blesse au vif le démon, quand les justes lui ont résisté.

13. «Et les secrets du ciel l'art redouté.» Ce sont les anges, ou ceux qui tiennent les clefs du royaume des cieux. «Il a commandé, et soudain est tombé le dragon apostat.» Il en a dit autant de la baleine, mais ici il montre comment, celui-ci a été blessé; c'est quand on l'abandonne et qu'on accepte les divins commandements.

14. «Tout ceci n'est qu'une partie de la route,» qui conduit à Dieu. «Et qui connaîtra la puissance de son tonnerre, quand il le fera gronder?» Son tonnerre est la voix qui retentira au jour des manifestations, ou bien encore cette parole qu'il nous a révélée par le fils du tonnerre «Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu et le Verbe était Dieu» (2); de sorte que ordre de la phrase serait celui-ci: «Quand il fera entendre soit tonnerre,» quelqu'un pourra-t-il «en connaître la puissance?»

27
Jb 27,3-23

CHAPITRE 27. - Grandes leçons de Job.

3. «Et dans mes narines le souffle de Dieu.» Il montre ici que tontes ses paroles lui sont inspirées d'en haut, et que cette lumière divine lui découvre la mauvaise foi de ses consolateurs.

5. «Que Dieu me garde jusqu'à mon dernier soupir de croire à votre justice!» Quand même vous me persécuteriez jusqu'à la mort, à cause de ma liberté à vous condamner. «Et jamais je «ne cesserai de soutenir mon innocence.» Je ne soutiendrai pas la vôtre.

6. «Car je ne sens en moi le reproche d'aucun crime.» Ordinairement on pardonne beaucoup aux autres, quand on craint pour soi-même quelque reproche mérité.

8. «Quelles sont les espérances de l'impie? C'est qu'il attend.» De peur qu'on ne l'accuse, de faire contre ses ennemis de coupables imprécations, il nous découvre l'intention qui le fait ici parler. Il veut que leur impiété soit confondue, et leur orgueil anéanti, ce qui arrive, quand une âme enchaînée, par son crime est enfin

1 2Co 5,29. - 2Jn 1,1.

614

délivrée des liens de l'impiété: ces liens sont brisés par l'aveu de l'homme repentant et la grâce du Dieu qui pardonne. Donc, demande-t-il, «quelles sont les espérances de l'impie?» Il répond: «C'est qu'il attend: il met sa confiance en Dieu, afin d'être délivré.»

9. «Et que le Seigneur exauce sa prière.» On peut encore donner un autre sens à ces paroles; mais il.s'accordé moins avec l'ensemble du livre et les principes de la foi. Il consiste à dire que le désespoir est la seule,cause que l'impie vît sans espérance; or le contraire est écrit danse passage: «Si quelqu'un croit en Celui qui justifie le pécheur, sa foi lui est imputée à justice (1).» Par conséquent ce qui suit paraît s'appliquer à la grâce divine «Ou il se trouve pressé par la nécessité.» Nous devons donc attendre la grâce de Celui qui pardonne. Est-ce que dans la nécessité, c'est-à-dire dans la tentation, il a mis sa confiance en des mérites acquis devant Dieu.?

10. «Ou s'il l'invoque, sera-t-il exaucé?» Puisqu'il a mis sa confiance en ses oeuvres qui ne sont rien.

11. «C'est pourquoi je vous dirai ce que Dieu tient réservé en ses mains;» ce qu'il prépare.

12. «Vous le savez tous désormais, vous avez «inutilement tenu de vains discours.» C'est pour cela qu'il faut implorer votre pardon. Comment pourra-t-il présenter les mérites de ses actions, celui qui ne dit que des choses vaines

13. «Et par la volonté du Tout-Puissant, ils sont devenus le partage des forts;» pour être au pouvoir des forts, du démon et de ses anges. Il les appelle les forts, parce qu'en suivant la vanité, les autres se sont affaiblis et laissé dominer par les, chefs et les princes de la vanité:le Seigneur aussi ne parle du fort armé (2), que parce qu'il tient les faibles enchaînés.,

14. «Si ses fils sont nombreux, ils seront mis à mort.» Il appelle ses fils ceux qui l'imitent, et cherchent à séduire, en propageant les faux enseignements de la perdition. «Et s'ils grandissent, ce sera dans la misère,» c'est-à-dire, sils s'affermissent dans l'erreur, ils seront malheureux; et leur vanité ne pourra les rassasier.

15. «Et tous ceux qui l'entourent auront la mort en partage. Ses plus fidèles imitateurs dans la voie de la séduction. «Nul n'aura pitié de leurs veuves.» Ce sont les populations séduites comme eux, et laissées sans secours comme

1 Rm 4,5. - 2 Lc 11,21.

me les:femmes qui ont perdu leur mari; car ils avaient cimenté entr'eux, dans ces promesses de l'erreur, une fidélité semblable à celle des époux.

16. «S'il amasse l'argent comme la poussière.» Si les prudents et les sages, encore semblables à la terre et à la boue, à cause de leurs rêveries insensées, suivent ses conseils, plus tard éclairés par leur châtiment, ils se tourneront vers les justes.

18. «Leur maison sera pareille à celle du ver, ou de l'araignée qui a su conserver.» C'est leur coeur ou leur conscience; ou bien il appelle . leur maison les retranchements derrière lesquels ils s'abritent; ils sont habilement élevés et pleins de détours, mais excessivement fragiles, pareils à l'enveloppe où se cache le ver-à-soie, au trou où s'enferme l'araignée, après l'avoir fermé de toutes parts. «Qui a su conserver;»; se conserver elle-même dans cette retraite, car toutes les araignées ne le font point. On fait ici allusion à la corruption si subite et si profonde des pensées coupables, et aux oeuvres inutiles que l'impie se plaît à conserver dans sa demeure.

19. «Le riche dormira sans rien ajouter.» Après sa mort, il ne pourra ajouter les richesses à son impiété. «Il a ouvert les yeux et il n'est plus.» A la résurrection il ne se verra plus au sein des richesses, comme il se l'était promis. «Ce vent l'emportera et il disparaîtra.» Ce mot désigne ou l'agitation des flots de la mer, c'est-à-dire les inquiétudes de ce monde, ou bien ce vent brûlant qui dessèche les herbes dénuées de racines profondes. «Il le jettera loin de sa place;» loin de ses espérances, ou bien Dieu le vannera, pour qu'il n'occupe plus sa place parmi le peuple où Dieu a daigné habiter.

22. «Dieu frappera sur lui à coups redoubles et sans aucune pitié.» Tous les maux tomberont sur lui.

23, «Il applaudira à son supplice,» comme il est écrit: «Et moi je rirai de leur ruine (1);» car il ne déplorera point la perte des impies.

28
Jb 28,1-27

CHAPITRE 28. - L'homme méconnaît la vraie sagesse, elle réside en Dieu.

1. «Il est un lieu qui produit l'argent.» Ce sont les prudents, ceux de la vie active: «Il en est un autre où l'or s'épure.» Ce sont les sages, plus adonnés à la contemplation.

2. «Car le fer est le produit de la terre.» Ces différents métaux doivent être indistinctement

1 Pr 1,26.

615

pris dans un sens favorable. Si le fer est ici désigné, c'est qu'il importe peu qu'il l'ait été plus haut; quoiqu'il puisse figurer tes forts. La sagesse est la même chez tous les hommes; elle s'y trouve seulement à des degrés,différents. «L'airain en est extrait comme la pierre,» parce qu'il est purifié de tout mélange avec la terre. Il veut montrer que les bons ne sont mêles aux méchants que pour un temps: ils en sont séparés, ils sont même purifiés par leur contact, comme les métaux nécessaires aux arts aux constructions. Ils ont besoin d'être confondus et formés avec la terre, dont ils doivent ensuite être séparés; alors la terre, ainsi dégagée, occupe la place et le rang qui lui sont assignés; les impies sont réprouvés également d'après la perversité de leurs actes.

3. «Il a lui-même découvert la fin de toutes choses:»le terme où il devait conduire chacune d'elles. «Il a découvert,» est mis pour il a établi. «La pierre des ténèbres, et l'ombre de la

mort.» La pierre, c'est-à-dire, l'ancien Testament a été donné aux ténèbres et aux ombres de la mort, au peuple qui recherchait les biens charnels, tout en les espérant du vrai Dieu. Aussi ces superbes ne divisaient point les eaux du torrent, ils .ne pouvaient parvenir à rien de durable en s'élançant au-delà des biens temporels; mais ils étaient entraînés par les flots.

4. «Et le torrent a été séparé par la cendre:» par celui qui avoue ses péchés, et ne se confie as au mérite de ses actions. C'est l'effet produit par la grâce du nouveau Testament. «Le torrent séparé par la cendre,» séparé par les hommes. «Ils ont été ébranles par les hommes,» par les flatteurs, sans que Dieu les reprit, alors que pour ces biens temporels qui leur étaient promis, ils perdaient le premier rang.

5. La terre d'où est venu le pain.» Comme s'il y avait: Je dis que seront ébranles ceux mêmes du milieu desquels est sorti, comme d'une terre féconde, le pain du Seigneur. «. Et il doit la livrer aux flammes;» y livrer l'infidèle au jour du jugement.

6. «Parmi ses pierres se trouve le saphir;» il est là, et il désigne ces âmes pures qui sont nécessaires pour former l'édifice de la sainte cité. «Et l'or pour lui s'est amoncelé.» Il h'est point pour lui en petite quantité, il en a de véritables monceaux.

7. «Son sentier que n'a point connu l'oiseau.» C'est l'humilité de Notre-Seigneur. «Que n'a point aperçu le regard du vautour;» celui du démon.

8. «Le lion n'y passe point;» celui que la force enflé d'orgueil.

9. «Il a étendu sa main sur le roc le plus dur.» La puissance divine peut, des pierres mêmes, susciter des enfants à Abraham (1).

10. «Il a détruit la rive des. fleuves,» pour tout submerger. Les fleuves sont ici les prédicateur de sa parole. Ils voulaient d'abord se contenir dans leurs rives et ne prêcher qu'aux circoncis. «Et mon regard a découvert tout ce qu'il y a de précieux;» mon regard humain, celui du Verbe fait chair. «Il a découvert la profondeur des fleuves.» Le courage nécessaire pour supporter les souffrances du martyre est caché dans les profondeurs de l'âme, jusqu'à ce que l'épreuve de la persécution le fasse connaître. «Il fait paraître au grand jour sa puissance;» dans ceux à qui il a été dit: «Vous êtes la lumière du monde (2):» et dont le ministère a servi à convertir beaucoup de Juifs mêmes.

14. «L'abîme a dit: Elle n'est point en moi.» C'est pourquoi ries hommes plongés dans l'abîme ne pourront la trouver, puisqu'elle n'est point en lui.

15. «Elle ne se donne point en échange de à l'or enfermé avec soin;» pour des trésors.

16. «Elle n'est point inférieure à l'or d'Ophir.» Comme s'il disait: Cherchez-la comme l'or d'Ophir, puisqu'elle ne lui est point inférieure.

17. «L'or et le verre ne sauraient lui être comparés.» Il faut entendre ceci d'un verre d'une beauté parfaite: ou bien l'auteur veut dire qu'il y a des hommes qui préfèrent l'éclat du verre à la beauté de la sagesse. «Et les vases d'or donnés en échange.» C'est-à-dire: Ne sont point «donnés en échange.»

18 «Pour elle on oubliera le Gabis et ce qu'il y a de plus exquis.» Tout cela comparé à la sagesse sera mis de côté. Ou bien encore: le Gabis et ce qu'il y a de plus exquis, image des orgueilleux, sont complètement oubliés, afin de tirer la sagesse de l'obscurité, par l'humilité.

20. «D'où vient donc la sagesse?» L'homme en effet ne peut la trouver qu'avec le secours de la grâce, aussi son coeur doit se tourner vers Dieu.

21. «Elle se dérobe aux regards de tous.» Elle n'est pas pour les indifférents.

22. «La perdition et la mort ont dit:» les

1 Mt 3,9. - 2 Mt 5,14.

616

hommes livrés à la perdition et à la mort, en vivant dans les délices.

23. «C'est le Seigneur qui lui a tracé sa voie.» L'humilité, qui est cachée aux oiseaux du ciel. «Et il connaît son séjour.» Quel est le siège de la sagesse, sinon le Père? Car il est écrit

«Je suis en lui, et lui en moi (1).» Ils sont l'un pour l'autre comme une demeure réciproque.

24.«Il a vu tout ce qui est sous le ciel.» Il connaît tout, comme il a tout créé, d'une manière invisible.

25. «Le mouvement des vents et la mesure des eaux (2).» Il désigne sous un de ses aspects la création tout entière. N'est-il pas écrit que tout a été fait avec nombre, poids et mesure (3 )? A ces traits nous reconnaissons le Créateur.

26. «En créant, il a compté comme il a vu.» Pour créer, il n'a point regardé au-dehors, mais en lui- même, comme le véritable architecte. «Et la voie au bruit des tempêtes.» Les tempêtes désignent ici les tentations, et les tentations, ceux qui sont éprouvés par elles; comme on dirait les cris du naufrage, pour les cris des naufragés.

27. «Alors il l'a vue, et l'a manifestée.» Dieu en prédestinant les hommes a vu dans quelle voie ils s'engageraient au moment de la tentation. «Il l'a préparée et recherchée;» en prédestinant et non en agissant.

29
Jb 29,2-25

CHAPITREXXIX. - Retour sur sa vie passée.

2. «Qui me ramènera aux mois de mes premiers jours?» Ceci parait s'appliquer à l'Eglise unie à Jésus-Christ son chef; comme si elle se trouvait au temps où abondent les tribulations et les épreuves, en ces jours annoncés par le Seigneur en ces termes: «Les jours viendront où vous désirerez voir un des jours du Seigneur, et vous ne le verrez point (4).» En effet quand le Sauveur était sur la terre, nulle inquiétude ne venait trouer le peuple chrétien naissant: il se composait des premiers croyants, parmi lesquels plus de cinq cents frères, à qui, d'après le témoignage de l'Apôtre, le Seigneur daigna apparaître après sa résurrection (5). On n'avait point alors à redouter de voir l'Eglise mal gouvernée, ni divisée par les trahisons de l'hérésie ou du schisme. Elle n'avait pas non plus à souffrir les persécutions extérieures: il n'y avait encore pour elle aucune épreuve ni au dedans,

1 Jn 10,38. - 2 Le texte de saint Augustin porte le mouvement des vents et leur mesure: en Grec on lit: a emon stathmon udatos metra, 57 - 3 Sag. 11,21. - 4 Luc, 17,22. - 5 1Co 15,6.

ni au dehors. Job parle donc ici au nom de l'humanité, c'est-à-dire du peuple du nouveau Testament, désirant revoir ces jours, comme le lui avait prédit le Sauveur. Il les appelle des mois et non pas des années, parce que depuis le moment où le Christ choisit ses disciples, jusqu'à sa mort, on ne peut guère compter que des mois, et non pas des années.

3. «Lorsque sa lumière brillait au-dessus de ma tête.» C'est le Seigneur visible en sa chair, ou sa parole rendue sensible par cette présence corporelle.

4. «Pendant que 1a parole de Dieu gardait ma maison,» pour en conserver pure la conduite.

5. «Et que mes serviteurs autour de moi.» Ceux qui, humbles et soumis, savaient pourvoir à tous mes besoins,

6. «Pendant que le beurre coulait le long de mes voies.» Mes moeurs faisaient éclater ma foi et mes bonnes oeuvres. «Et que pour moi le lait coulait en abondance des montagnes.» Que les prophètes étaient parfaitement compris des petits.

7. «Lorsque le matin je parcourais la ville.» Ou bien lorsque la lumière chassait les ténèbres de la crainte, ou bien veut-il dire qu'au berceau de son Eglise il n'était ni assez caché, ni assez connu? «Et sur la placé publique un siège m'était préparé.» La multitude me donnait l'autorité pour instruire.

8. «A ma vue les jeunes hommes se cachaient:» ceux qui suivaient leurs mauvais désirs. «Mais les vieillards se levaient,» les prudents.

9. «Et les puissants cessaient de parler:» ceux qui se prévalaient d'une vaine science.

11. «L'oreille qui m'a entendu m'a proclamé bienheureux.» Un peuple que je n'ai point connu, m'a servi, il a prêté une oreille attentive à ma voix (1). «Et l'oeil qui me voyait s'est détourné.» Celui des Juifs qui n'ont point voulu croire.

13. «Et la langue de la veuve a proclamé mes louanges.» L'âme qui a renoncé à l'alliance du démon. Voilà qu'on sortait un mort, fils unique d'une mère qui était veuve (2).

14. «Je me suis vêtu de la justice, comme d'un manteau.» Lorsque tu préfères aux actions

1 Ps 17,45. - 2 Lc 7,12 .

617

charnelles les oeuvres spirituelles, que ta main gauche ignore ce que fait ta droite (1), qu'elle ignore l'intention qui t'a dirigé. La main gauche demeure fermée sous le manteau, la droite reste ouverte; ainsi agissons-nous, lorsque nous savons À qui il faut rapporter nos actions.

16. «J'ai médité avant de juger ce que j'ignorais.» Voilà que nous avons tout quitté pour vous suivre; qu'y aura-t-il pour nous (2)? Il se croit heureux d'avoir pu interroger quelqu'un sur le jugement à venir.

17.. «J'ai brisé la mâchoire des méchants,» afin qu'ils cessent de dévorer le peuple qui était devenu leur pâture.

18. «Je parviendrai à la vieillesse, et comme le palmier je vivrai de longues années.» Ma vie sera prolongée, je serai toujours en honneur comme le palmier, justement admiré pour ma droiture et mon élévation.

19. «Et la rosée reposera sur mes moissons.» On appelle moisson ce qui croit dans un. champ depuis qu'il est ensemencé.

20. «Et ma gloire me sera conservée toujours nouvelle;» celle du nouveau Testament. «Et mon arc en mes mains continuera son oeuvre.» J'accomplirai ce que je commande.

22. «Ils n'ont rien ajouté à mes discours.» Il désigne ici la perfection de l'Evangile. La Loi donnée à la Synagogue dut être complétée. «Mais ils se réjouissaient de m'entendre.» La Loi ancienne inspirait la crainte; la Loi nouvelle, l'amour.

24. «Si je souriais devant eux, ils ne le croyaient point.» Il disait en paraboles des choses qui n'étaient point comprises, et dans lesquelles pourtant on entrevoyait plus de grandeur qu'il n'en paraissait. C'est le rire de Sara (3); il indiquait que tout ce qui se passait avait un sens prophétique. Ainsi en est-il, quand on parle en figures.

25. «J'ai choisi leurs voies, et je me suis assis à la première place.» Ou en me faisant homme, ou en mangeant avec les publicains et les pécheurs; mais toujours j'étais au premier rang pour leur salut. «Et j'étais comme un roi entouré de ses vaillants défenseurs;» de ceux qui ont tout quitté pour me suivre. «Et je consolais ceux qui étaient tristes.» Il parle de ceux à qui l'espérance donnait de la joie, au milieu des tristesses de la vie présente, comme il est écrit: «Bienheureux ceux qui pleurent (4),»

1 Mt 6,3. - 2 Mt 19,27. - 3Gn 18,10. - 4 Mt 5,5.

et ailleurs: «Nous paraissons tristes, mais toujours nous sommes dans la joie (1).» Ils ne peuvent encore atteindre cette haute perfection dont il est dit: «Celui qui pratiquera et enseignera, sera appelé grand dans le royaume des cieux (2).»

30
Jb 30,1-31

CHAPITRE XXX. - Changement de fortune; la vue de ses malheurs attendrira le Seigneur.

1. «Et maintenant les plus faibles me tournent en dérision; les plus jeunes me reprennent de mes fautes.» C'est que dans la suite l'Eglise eut de tels enfants; ils font peu de progrès. «Ils me reprennent,» est-il dit; car revêtus des honneurs de l'Église, ils ont reçu le pouvoir de prêcher au peuple ce qu'ils ne font point eux-mêmes. «Ceux dont je méprisais les pères.» Il leur donne pour pères ceux dont ils sont les fils par imitation, et à qui il a été dit: «Malheur à vous, Scribes et Pharisiens hypocrites (3).»

2. «Et la force de leur bras n'était rien pour moi,» la puissance de leurs pères, qui alors ont pu crucifier le Seigneur . «En eux la vie s'en allait tout entière.» Car jusqu'à la fin ils refusèrent de se convertir.

8. «Sans cesse en proie à la faim et à la misère,» tourmentés par une foule d'insatiables désirs. «Hier encore ils fuyaient dans le désert,» cherchant sans cesse à éluder la Loi qu'ils ne voulaient point entendre avec droiture. «Fuyant hier dans le désert,» parce qu'ils l'avaient reçue dans le désert. Si aujourd'hui s'applique au nouveau Testament, hier s'applique à l'Ancien. C'est du Nouveau qu'il est dit: «Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, n'endurcissez pas vos coeurs (4);» et ailleurs: «Vous êtes mon fils, je vous ai engendre aujourd'hui (5).»

4. «Ils rongeaient l'écorce des arbres.» Ils avaient pour nourriture les figures de la Loi qui en voilaient les réalités. «La racine des plantes était leur nourriture;» les mystères qu'ils devaient célébrer d'une manière charnelle, quine paraissaient pas s'élever de terre:toutefois une intelligence droite pouvait en tirer des fruits de salut, et s'élever de terre, vers la vraie liberté, mais eux n'ont pu y parvenir. «Sans honneur, sans considération, et privés de tout bien.» L'honneur du premier rang était perdu pour eux, avec les espérances de la promesse. Ils ont par leur propre faute perdu les bénédictions temporelles, et le royaume des cieux n'est point à eux. «Pressés

1 2Co 6,10. - 2 Mt 5,19. - 3 Mt 23,13. - 4 Ps 94,8. - 5. Mt 11,7

618

ses par la famine, ils dévoraient la racine des arbres.» Ce qui est dit de la racine des plantes pour le froment, il faut l'appliquer à la racine des arbres pour le vin et l'huile. Car ces produits s'entendent des biens spirituels de l'Eglise. Leurs racines plantées en terre étaient les rits sacrés que les Juifs devaient extérieurement célébrer, tels que le sabbat, la circoncision, les sacrifices et tous les autres actes destinés à alimenter la piété.

5. «Les voleurs se sont levés contre moi.» Ceux qui par la fraude et le mensonge obtiennent injustement les honneurs réservés aux justes:

6.» Leurs habitations étaient les antres des rochers.» Ils voulaient justifier leurs coupables désirs par les passages obscurs des Livres saints.

7. «Ils criaient parmi les arbres.» Leurs péchés paraissaient au grand jour, malgré leurs efforts pour les cacher sous les obscurités des Ecritures, comme sous le feuillage des forêts. Aussi est-il écrit: «Les cris des habitants de Sodome sont montés jusqu'à moi (1).» En plusieurs endroits, l'Ecriture parle des clameurs du péché, pour en signifier la publicité. En ce sens la parole est la pensée coupable conçue au fond du coeur, le cri est l'action extérieure. «Ils s'abritaient sous les tiges dans la terre:» ceux qui accomplissent la Loi d'une manière charnelle, s'abritent non pas seulement sous les tiges, mais sous les, tiges les plus basses. Ces tiges onces troncs d'arbres ne sont point les fruits eux-mêmes, mais c'est sur eux,que poussent les branches à fruits, soit des plantes, soit des arbres, si toutefois il s'agit d'arbres fruitiers, puisque les arbres qui ne portent pas de fruits ont aussi des tiges.

8. «Enfants d'hommes insensés, et vulgaires.» Des Juifs, que plus haut il leur a donnés pour pères, parce qu'ils les ont imités: car eux aussi se glorifient du nom d'un Dieu qu'ils ne servent point. Il appelle les Juifs insensés et vulgaires eux au contraire se vantent non-seulement d'être les guides des aveugles, mais encore d'être les fils d'Abraham, et tirent vanité de cette noble origine. Dans ces paroles: «Ils sont aveugles, et guides d'aveugles (2),» ils voient leur sottise démasquée; et ces autres: «Si vous êtes fils d'Abraham, faites les oeuvres d'Abraham (3),» les montrent dégénérés et avilis. «Leur nom et

1Gn 18,20. - 2 Mt 15,14. - 3 Jn 8,39.

leur honneur ont disparu de la terre.» Ils existaient, mais ils ont disparu.

9. «Et maintenant je suis l'objet de leurs chants,» de ce derniers, dont les autres sont les pères; ma voix retentissait à leurs oreilles, elle ne touchait point leurs coeurs. «Ils me tournent en dérision;» s'ils partent de moi, s'ils entendent mes enseignements, leurs discours, leur attention sont inutiles et complètement perdus.

10. «Ils m'ont en horreur, et fuient loin de moi.» Ils se sont éloignés de la sainteté, en commettant l'iniquité et en repoussant de leurs coeurs corrompus les préceptes de la sagesse. «Ils ont osé me cracher au visage.» Ils maudissent réellement le visage du Christ, ceux qui repoussent avec méprisses commandements; ou bien leur vie dépravée a empêché que je fusse bien connu.

11. «Il a ouvert son carquois pour me percer;» les secrets de la nature, sources de tentations. «Et ils ont mis un frein à ma bouche,» afin que malgré moi je les approuve, que je les porte où il leur plaît de me conduire, vers l'objet de leurs honteuses passions.

12. «Ils ont grandi en s'élevant à ma droite.» Pour contenter leurs désirs ils sont venus, la bonté sur les lèvres, la douceur dans les paroles, sans recourir a la violence. «Ils ont retenu mes pieds par des entraves:» par les dignités ecclésiastiques qui les empêchaient de fuir.

13. «Mes sentiers sont rompus;» on veut qu'ils ne soient plus connus des,justes qui savent y marcher sans rechercher leurs intérêts, mais ceux de Jésus-Christ (1). «Il m'a dépouillé de ma robe;» de mon ancienne autorité, devant laquelle tout doit plier. C'est ce qui arrive, quand les péchés sont devenus trop nombreux, et sont passés en habitude. «Il m'a blessé de ses traits,» de ses préceptes qui me découvrent l'iniquité, sans que je puisse l'arrêter.

14. «Il m'a traité au gré de ses caprices.» Dieu fait servir, comme il l'a voulu, mon malheur et ma misère au triomphe de la justice. «Je suis enveloppé de douleurs:» je souffre en moi et dans autrui; au-dehors les combats, les terreurs au-dedans (2); qui languit, sans que je languisse moi-même (3)?

15. «Mes douleurs sont sans relâche, et mon espérance a été emportée comme le souffle.» Uniquement occupés des espérances du temps,

1 Ph 2,20. - 2 2Co 6,5. - 3 2Co 11,29.

619

ils tiennent pour rien ce que je promets. «Et mon bonheur a passé comme un nuage.» L'attachement au bonheur présent les a détournés des promesses de celui de l'éternité.

16. «Mon âme se répandra au-dessus de moi,» par la prière.

17. «La nuit mes os ont été brisés.» Il enseigne que sa force d'autrefois lui a été ravie. «Et mes nerfs se sont affaiblis:» ses actions passées.

18. «Il a saisi avec force ma robe:» pour manifester sa puissance, il m'affligeait, puis me soutenait. «Il m'a entouré comme les bords de mon vêtement.» Il m'a laissé un peu de mon autorité.

19. «Mon partage est dans la poussière et la cendre.» Dans la pénitence, parce que c'est la fin de ma vie.

20. «Ils se sont arrêtés, pour mieux me considérer.» Devant mon humiliation les orgueilleux se sont arrêtés, cherchant à me condamner.

22. «Et vous m'avez enlevé tout espoir de salut.» Il plaint ceux qui n'espèrent plus être régénérés.

23. «La terre est la demeure de ce qui est mortel.» Il craint la mort, parce que sa conversation ne serait pas dans le ciel (1); comme celle des méchants, qui dans l'Eglise mènent une vie toute charnelle.

24. «Que ne puis-je donc me faire mourir!» Que je meure à ce monde! «Ou conjurer un autre de me donner la mort!» un ange meilleur que moi, ou Dieu pour me rendre meilleur.

26. «J'espérais les biens.» Il s'afflige parce que ces maux lui sont arrivés subitement.

27. «Un feu dévore mes entrailles, et ne peut s'éteindre:» l'intérieur de son âme, ou sa mémoire qui lui rappelle et son passé et l'affliction qui le fait gémir.

28. «Je me suis arrêté en criant au milieu de l'assemblée.» Car on ne l'entendait pas dans la foule de ceux qui ne voulaient point devenir meilleurs.

30. «Ma peau a été toute noircie,» à cause de mes maux extérieurs.

31. «Ma harpe n'a chanté que le deuil;» la harpe désigne les bonnes oeuvres qui me faisaient louer Dieu avec joie.

1 Ph 3,20.

31
Jb 31,1-40

CHAPITRE XXXI. - Job a observé toute la Loi.

1. «J'ai fait un pacte avec mes yeux.» Ai-je jamais espéré en ce monde visible? «Pour ne point arrêter mes pensées sur une vierge.» Comme s'il disait: que cela ne m'arrive jamais. Ici il commence à retracer le triomphe de l'Eglise, en ceux qui persévèrent jusqu'à la fin, malgré les plus grandes tentations, pendant que l'iniquité abonde, et que la charité d'un grand nombre se refroidit (1). «Et je n'arrêterai pas mes pensées sur une vierge,» conduit par une sagesse et une sainteté incorruptibles.

2. «Quelle autre part pourrai-je attendre du «Très-Haut?» Il faut sous-entendre: je n'y penserai point; ou bien, quelle part, si ce n'est celle-ci?

5. «Si donc j'ai fréquenté d'impies railleurs.» Il est bien difficile aux justes dans l'Eglise de ne point vivre avec eux. «Si j'ai hâté mes pas vers la fraude.» C'est l'hypocrisie.

8. «Que je sème, et que d'autres recueillent les fruits.» Ainsi qu'il est arrivé aux Juifs. Ils ont enseigné ce que d'autres ont mieux accompli. «Que je sois sans postérité:» que je sois rapidement desséché. Celui-là est ici-bas fermement établi sur la pierre, qui rend sa vie conforme à ses discours.

9. «Si les attraits d'une femme ont séduit mon coeur.» S'il a voulu chercher parmi le peuple de Dieu, à qui seul est due toute gloire. «Ou si j'ai veillé à sa porte;» si j'ai. habilement exploité les désirs de son peuple ou ses craintes, pour le porter à m'obéir plutôt qu'à Dieu.

10. «Que ma femme aussi soit séduite par un autre:» que mon honneur appartienne au démon, à qui nous sommes agréables en offensant Dieu, car il se réjouit de notre malheur. «Et que mes enfants soient méprisés de tous;» mes actions ou mes imitateurs.

11. «Il y a dans mon coeur une passion indomptable, qui me pousse à corrompre la femme d'un autre,» et de la garder près de moi.

13. «Si j'ai refusé de rendre justice à mon serviteur ou à ma servante, lorsqu'ils étaient jugés en ma présence,» selon cette parole «Si vous avez des procès pour les intérêts de ce «monde (2).» Il appelle ses serviteurs, ceux du peuple encore attachés aux biens temporels.

14. «S'il vient me visiter, que lui répondrai-je?» Dans la tribulation que me dira ma conscience, puisque j'ai méprisé ces avertissements?

15. «Est-ce qu'ils n'ont pas été conçus comme

1 Mt 24,12-13. - 2 1Co 6,4.

620

moi dans le sein d'une mère?» enfantés par les sacrements: tous ont reçu les mêmes enseignements, c'est la même foi pour tous. «Tous, n'avons-nous pas été formés de la même manière?» L'un ne renonce pas au péché autrement que l'autre, quand c'est pour servir Dieu sans partage.

18. «Et dès le sein de ma mère j'ai été leur guide.» Dès son berceau l'Eglise a opéré ces merveilles.

19. «Si j'ai laissé sans le vêtir, l'homme nu près d'expirer.» Si je n'ai point inspiré la confiance en la rémission des péchés, et que je n'en- aie point couvert comme d'un vêtement la honteuse nudité du pécheur près de périr. Car la multitude de ses péchés le conduit au désespoir. De là cette parole: «Et dont les péchés ont été couverts (1).»

20. «Si les épaules. du malade ne me bénissent point.» L'espérance de l'immortalité les a couverts comme un manteau; mais de peur que la confiance produite par le pardon des péchés ne leur fasse oublier les peines passées, et, ne les porte à désirer les biens temporels, il ajoute: «La toison de mes brebis les a réchauffés.» Les espérances du monde n'attiédiront plus leur âme, si ces réflexions les conduisent à mépriser les biens temporels, à l'exemple des brebis dépouillées de leur toison (2).

21. «Si j'ai levé le bras contre l'orphelin,» qui ne rencontrant plus son père, pouvait suivre un homme ou une créature quelconque. «Fier de la puissance dont j'étais environné;» voulant m'élever au-dessus de tous.

22. «Que mon épaule tombe séparée de mon corps.» Ainsi arrive-t-il à ceux qui se.séparent de l'Eglise. Pendant qu'ils veulent s'imposer au peuple, ils sont eux-mêmes retranchés. L'épaule ou le bras désigne ici les actions.

23. «La crainte m'a retenu,» pour ne point lever le bras contre l'orphelin. «Et je ne pourrais en soutenir le poids,» si je voulais opprimer l'orphelin. .

24. «Si j'ai placé dans l'or ma puissance ai-je présumé de la science ou de la sagesse de Dieu? «Si j'ai mis ma confiance en.mes pierreries,» c'est-à-dire en mes oeuvres.

25. «Si j'étais au comble de la joie, en voyant s'accroître mes revenus;» comme si tout venait de moi, car celui qui se glorifie doit se glorifier dans le Seigneur (3). «Si j'ai fait reposer le

1 Ps 30,1. - 2 Ct 4,2. - 3 2Co 10,17.

bonheur de mon âme en mes innombrables richesses;» parce que j'étais aimé de tous. Après ces quatre membres de phrases, il faut sous-entendre: «que mon épaule tombe séparée de mon corps.»

27. «De secrètes déceptions ont affligé mon coeur.» Voici l'ordre de la phrase: «Si j'ai fait reposer le bonheur de mon âme en mes innombrables richesses, de secrètes déceptions ont aussi affligé mon coeur.» Si j'ai écouté les pensées d'une aussi coupable présomption. «Si j'ai porté la main à la bouche, pour la baiser:» si j'ai mis toute ma complaisance en mes propres.actions.

29. «Si j'ai triomphé de la ruine de mon ennemi.»Ainsi les ennemis de l'Eglise se réjouissent de ses malheurs.

30. «Que mon oreille entende les malédictions prononcées contre moi .» Que ces malédictions me pénètrent de douleur. «Que je sois un objet de mépris parmi mon peuple:» parmi le peuple saint qu'il en soit séparé avec dérision.

31. «Si mes servantes ont souvent répété:» les flatteurs. «Qui nous rassasiera de ses chairs? tant j'étais bon!» lis enviaient cette prospérité temporelle qu'ils voyaient en moi. On ne doit pas toutefois me rendre responsable de leur langage; car ce n'était point pour le leur inspirer que je me montrais bon.

32. «L'étranger ne restait point mouillé à ma porte:» je recevais celui qui était étranger dans le monde.

33. «Si après avoir. péché volontairement, j'ai caché mon péché.» Nos péchés sont volontaires depuis que nous avons connu la vérité (1).

34. «Ou si j'ai laissé sortir le pauvre les mains vides de ma maison:» s'il est sorti de ma maison, parce que rien n'a été déposé dans ses mains.

35. «Qui me donnera quelqu'un:pour m'entendre?» Qui pourra me faire écouter? «Si je n'ai pas redouté la main du Seigneur:» celle qui a écrit: «Si vous ne pardonnez pas, votre Père ne vous pardonnera pas (2). - Si j'ai ma sentence écrite:» Voici l'ordre: «Si j'ai ma sentence écrite;

36. «Et si je ne l'arrache point au-dessus de mes épaules, elle sera ma couronne, et je la lirai en l'élevant au-dessus de mes épailles:» j'en serai couronné et je la lirai publiquement, c'est-à-dire contre moi-même. «Je t'exposerai à tes propres yeux (3).» Je serai confondu par le

1 He 10,25. - 2 Mt 7,15. - 3 Ps 49,21.

621

peuple qui m'entoure, parée que je n'ai point accompli le précepte du Seigneur, comme je l'avais annoncé: j'ai d'abord refusé d'entendre la sentence qui m'a depuis été mise sous les yeux.

38. «Si jamais la terre a gémi sous mes pas:» les serviteurs de l'Église, parce que je suis mauvais. «Si avec elle pleurent les sillons,» où est répandue la semence, et où naissent les moissons, parce que je suis mauvais et que j'ai répandu de mauvaises semences; voilà pourquoi il est dit: «avec elle.»

39.«Si j'ai seul épuisé les ressources, sans rien donner,» sans avoir cette bonté avec laquelle celui qui est instruit donne de ses biens à celui qui l'instruit (1). «Seul,» c'est-à-dire, ne laissant rien à celui qui donne. «Si j'ai par cette dureté contrasté le Maître de la terre:» en ne me rendant pas digne des souffrances de Celui qui pour moi a donné sa vie. Ne contrastez pas en vous l'Esprit-Saint (2).

40. «Qu'elle produise pour moi des orties au lieu de froment.» Au lieu de ces docteurs inspirés de Dieu, que j'aie pour maîtres d'indignes flatteurs, dont les disputes pernicieuses révèlent la corruption de leurs coeurs, et leur éloignement pour la vérité (3). «Et des épines pour de l'orge.» A la place des hommes charnels qui m'étaient soumis, que j'aie à combattre des pécheurs opiniâtres. «Job était juste à ses yeux;» dans sa conscience.


Augustin, Annot. sur Job - Prolog.