Pie XII 1941 - DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX


ALLOCUTION AUX JEUNES FILLES DE L'ACTION CATHOLIQUE DE ROME MEMBRES DE LA CROISADE DE LA PURETÉ

(22 mai 1941 j1

La jeunesse féminine d'Action catholique italienne ayant entrepris en 1940, en Italie, une « croisade de la pureté » contre l'immoralité de la mode, le Saint-Père félicita la délégation de 3000 de ses membres et leur rappela les principes chrétiens qui doivent présider à la parure féminine et l'attitude que doivent avoir les jeunes filles chrétiennes en face de l'immoralité.

Notre joie est vive, chères filles, de bénir à nouveau en vous la sainte « croisade de la pureté » que vous avez si opportunément entreprise et que vous poursuivez courageusement sous la puissante protection de la Vierge toute pure, Marie immaculée.

La « croisade de la pureté »

Le digne et heureux nom de croisade que vous avez choisi et imposé à votre belle et grande campagne arbore une croix brillante, phare de salut pour le monde, et évoque les glorieux souvenirs historiques des Croisades des peuples chrétiens, saintes expéditions et batailles livrées sous les drapeaux sacrés pour la conquête des Lieux saints et pour la défense des pays catholiques contre les invasions et les menaces des infidèles. Vous aussi vous entendez défendre un domaine catholique, la terre de la pureté, y conquérir et conserver ces lis qui, comme un nuage chargé de la bonne odeur du Christ, répandent leur parfum dans les familles, les réunions d'amis, les rues, les assemblées, les spectacles, les divertissements publics et privés.

C'est une croisade contre les ennemis de la morale catholique, contre les périls que créent dans le calme courant des bonnes moeurs des peuples les flots puissants de l'immoralité qui débouchent par les rues du monde et envahissent toutes les classes sociales.

rendue nécessaire par l'immoralité actuelle

Qu'aujourd'hui un tel péril existe partout, l'Eglise n'est pas seule à le dire. Même parmi les hommes étrangers à la foi chrétienne, les esprits les plus clairvoyants et les plus soucieux du bien public en dénoncent hautement les menaces terribles pour l'ordre social et pour l'avenir des nations. Ces excitations à l'impureté qui se multiplient à l'heure actuelle empoisonnent les racines de vie, alors que le frein du mal est encore plus affaibli par l'indulgence, qu'on appellerait mieux une négation, d'une partie de plus en plus étendue de la conscience publique qui se montre aveugle en face des désordres moraux les plus répréhensibles.

Cette immoralité est-elle plus grande aujourd'hui qu'à d'autres époques antérieures ? Il serait peut-être imprudent de l'affirmer, en tout cas, c'est là une question oiseuse. Déjà, l'auteur de 1'« Ecclé-siaste » écrivait cet avertissement : « Ne dis pas : d'où vient que les jours anciens étaient meilleurs que ceux-ci ? car une telle question est sotte. Toutes les choses sont difficiles. Ce qui a été, c'est ce qui sera, et ce qui s'est fait, c'est ce qui se fera ; et il n'y a rien de nouveau sous le soleil » (Qo 7,11 i, Qo 8-10).

La vie de l'homme sur terre — même dans les siècles chrétiens — est toujours une bataille. Nous devons sauver nos âmes et celle de nos frères dans notre temps et, aujourd'hui, le péril est certainement plus grand car les artifices qui excitent les passions ont extraordi-nairement augmenté, alors qu'en d'autres temps ils étaient confinés dans des cercles restreints. Le progrès de la presse, les livres à bon marché comme les livres de luxe, les photographies, les illustrations, les reproductions artistiques de toute espèce et de toute couleur et de tout prix, les cinémas, les spectacles de variétés et cent autres moyens trompeurs et secrets propagent les attraits du mal et les mettent dans les mains de tous, grands et petits, femmes et filles. N'y a-t-il pas une mode qui s'étale aux yeux de tous, audacieuse et malséante à une jeune fille élevée chrétiennement ? Le cinéma ne fait-il pas assister à des représentations qui, autrefois, se réfugiaient dans des enceintes où l'on n'aurait jamais osé mettre le pied ?

En face de ces périls, les pouvoirs publics ont pris en plusieurs

pays des dispositions d'ordre législatif ou administratif pour endiguer le débordement de l'immoralité. Mais, dans le domaine des moeurs, l'action extérieure des autorités, même les plus puissantes, pour louable, utile et nécessaire qu'elle soit, ne réussira jamais à obtenir à elle seule ces fruits sincères et salutaires qui guérissent les âmes sur lesquelles doit opérer une force plus puissante.

... dans de nombreux domaines.

L'Eglise doit travailler sur les âmes, et à son service l'Action catholique, votre action, en étroite union et sous la direction de la hiérarchie ecclésiastique, en combattant les périls de l'inconduite dans tous les domaines qui vous sont ouverts : dans celui de la mode, du vêtement et de l'habillement, de l'hygiène et du sport, dans le domaine des relations sociales et des divertissements. Vos armes seront votre parole et votre exemple, votre amabilité et votre maintien, armes qui témoignent aussi auprès des autres et rendent possible et louable le comportement qui vous honore et honore votre activité.

Nous ne Nous proposons pas de retracer ici le triste tableau trop connu des désordres qui se présentent à vos yeux : vêtements si exigus ou tels qu'ils semblent faits plutôt pour mettre davantage en relief ce qu'ils devraient voiler ; parties de sport qui se déploient dans des conditions de vêtements, d'exhibition et de camaraderie, inconciliables avec la modestie même la moins exigeante ; danses, spectacles, auditions, lectures, illustrations, ornements, où le désir du divertissement et du plaisir accumule les périls les plus graves. Nous entendons plutôt vous rappeler et remettre sous vos yeux les principes de la foi catholique qui, en ces matières, doivent éclairer votre jugement, guider votre conduite et vos pas, inspirer et soutenir votre lutte spirituelle.

La pureté ne se garde que par la lutte contre les tentations

Car c'est bien d'une lutte qu'il s'agit. La pureté des âmes vivant de la grâce surnaturelle ne se conserve ni ne se conservera jamais sans combat. Heureuses êtes-vous d'avoir reçu dans vos familles, à l'aube de votre vie, depuis le berceau, avec le baptême, une vie plus élevée, la vie divine. Enfants inconscientes d'un si grand don et d'un si grand bonheur, vous n'avez alors point eu à combattre — comme des âmes plus mûres, moins heureuses que vous — pour la conquête d'un si haut bien ; mais vous-mêmes ne le conserverez point sans lutte.

Si la grâce purifiante et sanctifiante qui vous a réconciliées avec Dieu comme filles d'adoption et héritières du ciel, a effacé dans votre âme le péché originel, elle n'en a pas moins laissé en vous le triste héritage d'Adam, qui est ce déséquilibre intérieur, la lutte que sentait même le grand apôtre saint Paul qui, tout en prenant plaisir à la loi de Dieu selon l'homme intérieur, voyait dans ses membres une autre loi du péché (Rm 7,22-23), loi des passions et des inclinations désordonnées, qui ne se laissent jamais pleinement dompter, et avec lesquelles, allié de la chair et du monde, conspire un ange de Satan, dont les tentations molestent les âmes. Telle est la guerre qui se livre entre l'esprit et la chair si ouvertement attestée par la Révélation divine qu'à l'exception de la Vierge bienheureuse il est vain d'imaginer une vie humaine qui puisse être à la fois pure et vécue sans vigilance et sans combat. Ne donnez point dans l'illusion de croire votre âme insensible aux excitations, invincible aux attraits et aux périls. Il est vrai que l'habitude souvent réussit à rendre l'esprit moins sujet à de telles impressions, surtout lorsqu'il en est détourné, absorbé dans ses forces vives par l'exercice d'une activité professionnelle ou intellectuelle plus élevée. Mais s'imaginer que toutes les âmes, si enclines aux passions, puissent se rendre insensibles aux excitations provoquées par les images qui, colorées des attraits du plaisir, attisent et retiennent sur elles l'attention, serait supposer et estimer que la maligne complicité que ces périlleuses instigations trouvent dans les instincts de la nature humaine déchue et désordonnée puisse jamais cesser ou diminuer.

... que l'action de la « croisade » a pour but de soutenir.

Cette lutte inévitable, vous l'accepterez courageusement et chrétiennement. Le but de votre action commune ne peut donc être de la supprimer totalement, mais elle doit tendre à obtenir que ce combat spirituel nécessaire ne soit pas rendu pour les âmes plus difficile et plus périlleux par les circonstances extérieures, par l'atmosphère dans laquelle les coeurs qui en souffrent les assauts doivent le soutenir et le poursuivre. Sur les champs de bataille de l'Eglise, ou s'affrontent la vertu et le vice, vous rencontrerez toujours quelques caractères auxquels Dieu a donné une trempe intrépide, héroïque. Soutenus par la grâce, ils ne se laissent ni ébranler ni renverser par aucune impulsion ; ils savent ouvertement se maintenir sans corruption et purs au milieu de la fange qui les entoure, pareils à un levain de bonne fermentation et de régénération pour ce grand nombre d'âmes — rachetées, elles aussi, par le sang du Christ — qui font masse autour d'eux. Dès lors, le but de votre lutte est que la pureté chrétienne, condition de salut pour les âmes, devienne moins ardue pour toutes les bonnes volontés, de sorte que les tentations, nées de contingences extérieures, ne dépassent pas les limites de cette résistance qu'avec la grâce de Dieu, la médiocre vigueur de beaucoup d'âmes est capable d'opposer.

Pour réaliser des résolutions aussi saintes et aussi vertueuses, il convient d'agir sur les milieux et les courants d'idées que peut influencer assez efficacement une action commune, alors qu'une action individuelle et isolée a une efficacité limitée ou nulle. Si l'union fait la force, seul un groupe compact et aussi nombreux que possible d'esprits chrétiens résolus et sans crainte, saura, là où leur conscience parle et l'exige, secouer le joug de certains milieux sociaux, se libérer de la tyrannie, plus forte aujourd'hui que jamais, des modes de toute sorte, modes du vêtement, modes dans les usages et les relations sociales.

Conception chrétienne de la mode.

La mode n'a, en elle-même, rien de mauvais. Elle naît spontanément de la sociabilité humaine, suivant l'impulsion qui incline à se mettre en harmonie avec ses semblables et avec les habitudes des personnes parmi lesquelles ont vit. Dieu ne vous demande point de vivre en dehors de votre temps, de rester indifférentes aux exigences de la mode au point de vous rendre ridicules en vous habillant à l'encontre des goûts et des usages communs de vos contemporaines, sans vous préoccuper jamais de ce qui leur plaît. Ainsi, Pangélique saint Thomas d'Aquin affirme-t-il que dans les choses extérieures dont l'homme fait usage il n'y a pas de vice, mais que le vice vient de l'homme qui en use immodérément par rapport aux usages de ceux avec lesquels il vit, en se distinguant d'une façon étrange d'avec les autres, ou en usant des choses d'une façon conforme ou non conforme aux usages établis, mais avec un sentiment désordonné, par surabondance de vêtements superbement ornés, ou portés avec complaisance ou recherchés avec une sollicitude exagérée, alors que la modestie et la simplicité suffiraient à satisfaire au décorum nécessaire 2. Le même saint docteur ajoute enfin qu'il y a acte méritoire

2 Summa IheoL, lia Hae, q. 169, a. 1.

de vertu dans la parure féminine quand elle est conforme à l'usage, conforme à l'état de la personne et dans une bonne intention. Lorsque les femmes portent des ornements décents en harmonie avec leur état et leur dignité, lorsqu'elles suivent en cela avec mesure les coutumes de leur pays, alors se parer est aussi un acte de cette vertu de la modération qui imprime une mesure à la démarche, à l'attitude, au vêtement et à tous les mouvements extérieurs. 3

Attitude qu'elle commande aux jeunes filles

Dans l'attitude à observer à l'égard de la mode, la vertu tient le juste milieu. Ce que Dieu vous demande est de vous souvenir toujours que la mode n'est pas ni ne peut être la règle suprême de votre conduite, qu'au-dessus de la mode et de ses exigences, il y a des lois plus hautes et impérieuses, des principes supérieurs et immuables qui, en aucun cas, ne peuvent être sacrifiés au gré du plaisir ou du caprice et devant lesquels l'idole de la mode doit savoir abaisser sa fugitive toute-puissance. Ces principes ont été proclamés par Dieu, par l'Eglise, par les saints et les saintes, par la raison et par la morale chrétienne. Ce sont des signaux qui marquent les limites au-delà desquelles ne fleurissent pas les lis et les roses, où la pureté, la modestie, la dignité et l'honneur féminins n'exhalent plus leurs parfums, mais où souffle et règne un air malsain de légèreté, de langage équivoque, de vanité audacieuse, de fatuité dans le coeur tout autant que dans l'habillement. Ce sont ces principes que saint Thomas d'Aquin énonce et rappelle touchant la toilette de la femme 4 en indiquant quel doit être l'ordre de notre charité et de nos affections : le bien de notre âme l'emporte sur celui de notre corps, et nous devons préférer à l'avantage de notre propre corps le bien de l'âme de notre prochain 5. Dès lors, ne voyez-vous pas qu'il existe une limite qu'aucune forme de mode ne peut permettre de dépasser, une limite au-delà de laquelle la mode se fait source de ruines pour l'âme de la femme et pour l'âme d'autrui ?

... qui doivent connaître les tentations qu'elles peuvent provoquer.

Certaines jeunes filles diront peut-être que telle façon déterminée de se vêtir est plus commode et aussi plus hygiénique ; mais si elle

3 Saint Thomas, Expositio in Isaiam prophetam, ch. III in fine.

4 Summa Theol., lia Hae, q. 169, a. 2.

5 Ibid., lia Hae, q. 26, a. 4-5.

devient pour le salut de l'âme un péril grave et prochain, elle n'est certainement pas hygiénique pour votre esprit et il est de votre devoir d'y renoncer. La volonté de sauver leur âme a rendu héroïques les martyres, telles les Agnès et les Cécile, au milieu des tourments et des lacérations de leur corps virginal. Vous, leurs soeurs dans la foi, dans l'amour du Christ et dans l'estime de la vertu, vous ne trouveriez pas au fond de votre coeur le courage et la force de sacrifier un peu de bien-être, un avantage physique, si l'on veut, pour garder saine et pure la vie de vos âmes ? Et si, pour un simple plaisir personnel, nul n'a le droit de mettre en péril la vie corporelle des autres, n'est-il pas encore moins permis de compromettre le salut, donc la vie même de leurs âmes ? Si, comme le prétendent certaines, une mode audacieuse ne produit sur elles aucune impression mauvaise, que savent-elles de l'impression que les autres en ressentent ? Qui les assure que les autres n'en retirent pas de mauvaises incitations ? Vous ne connaissez pas le fond de la fragilité humaine ni de quel sang corrompu ruissellent les blessures laissées dans la nature humaine par le péché d'Adam avec l'ignorance dans l'intelligence, la malice dans la volonté, l'avidité du plaisir et la faiblesse à l'égard du bien ardu dans les passions des sens, à tel point que l'homme, souple comme la cire pour le mal, « voit ce qui est mieux et l'approuve, et s'attache au pire » 6, à cause de ce poids qui toujours, comme du plomb, l'entraîne au fond. Oh ! combien justement on a observé que si certaines chrétiennes soupçonnaient les tentations et les chutes qu'elles causent chez les autres par leur toilette et les familiarités auxquelles, dans leur légèreté, elles accordent si peu d'importance, elles s'épouvanteraient de leur responsabilité !

Conseils aux mères chrétiennes...

A quoi Nous n'hésitons pas d'ajouter : O mères chrétiennes, si vous saviez quel avenir d'angoisses et de périls intérieurs, de doutes mal réprimés, de hontes mal contenues vous préparez à vos fils et à vos filles, en les accoutumant imprudemment à vivre à peine couverts, en leur faisant perdre le sens délicat de la modestie, vous rougiriez de vous-mêmes et vous redouteriez la honte que vous vous faites à vous-mêmes et le tort que vous causez à ces enfants que le ciel vous a confiés pour les élever chrétiennement. Et ce que Nous disons aux mères, Nous le répétons à nombre de femmes croyantes

6 Cf. Ovide, Métamorphoses, 7, 20-21.

et même pieuses qui, en acceptant de suivre telle ou telle mode audacieuse, font tomber par leur exemple les dernières hésitations qui retiennent une foule de leurs soeurs loin de cette mode qui pourra devenir pour elles une cause de ruine spirituelle. Tant que certaines toilettes provocantes demeurent le triste privilège de femmes de réputation douteuse et comme le signe qui les fait reconnaître, on n'osera pas les adopter pour soi. Mais le jour où ces toilettes apparaissent portées par des personnes au-dessus de tout soupçon, on n'hésitera plus à suivre le courant, un courant qui entraînera peut-être aux pires chutes.

et aux membres de la « croisade ».

S'il convient que toutes les femmes chrétiennes aient le courage de se mettre en face de si graves responsabilités morales, vous, chères filles, à cause de ce vif sentiment que vous avez puisé dans votre foi et dans la candeur de la vertu, vous avez la gloire de vous être unies, paladines de la pureté, dans votre sainte croisade. Isolées, votre hardiesse serait de peu de valeur pour s'opposer à l'invasion du mal qui vous entoure ; étroitement unies et encadrées, vous serez une légion suffisamment forte et puissante pour imposer le respect des droits de la modestie chrétienne. Votre sens de jeunes catholiques, sens affiné et soutenu par la sagesse de la foi et la pratique consciente d'une vie solidement pieuse, vous fera voir et discerner, à la lumière de l'Esprit de Dieu, avec l'aide de sa grâce obtenue par la prière et aussi avec le secours des conseils demandés à ceux que Jésus-Christ a placés comme guides et maîtres à vos côtés, ce qui, dans les modes, dans les usages et dans les bienséances sociales qui se présentent à vous, est pleinement acceptable, ce qui est seulement tolérable, ce qui est tout à fait inadmissible. La connaissance claire et profondément sentie de votre devoir vous rendra courageuses et loyales dans l'appui mutuel, pour l'accomplir sans hésitation, mais avec une résolution digne de votre ardeur juvénile.

Belle est la vertu de pureté et suave la grâce qui brille non seulement dans les faits, mais aussi dans la parole qui n'outrepasse jamais les règles de la bienséance et de la politesse et qui assaisonne d'amour l'avis et l'avertissement. La génération chaste est aussi éclatante de grâce devant Dieu que devant les hommes. Aux jours d'épreuves, de souffrances, de sacrifices et d'austères devoirs où nous sommes, elle ne craint pas de s'élever de tout son pouvoir à la hauteur des graves obligations que lui impose la Providence. Aujourd'hui, chères filles, la croisade pour vous n'est point dans l'épée, le sang ou le martyre, mais dans l'exemple, la parole et l'exhortation. Contre vos énergies et vos desseins se dresse, tel un ennemi capital, le démon de l'impureté et de la licence des moeurs. Levez hautement la tête vers le ciel, d'où le Christ et la Vierge immaculée, sa Mère, vous contemplent. Soyez fortes et inflexibles dans l'accomplissement de votre devoir de chrétiennes. Prenez la défense de la pureté en marchant contre la corruption qui amollit la jeunesse. Rendez à votre chère patrie ce service d'une valeur inappréciable en travaillant et en coopérant efficacement à répandre dans les âmes plus de pureté et de candeur ; par là, vous les rendrez plus prudentes, plus vigilantes, plus droites, plus fortes, plus généreuses.

De grâce, que la reine des anges, victorieuse du serpent insidieux, toute pure, toute forte de sa pureté, soutienne et dirige vos efforts dans cette croisade qu'elle vous a inspirée ! Qu'elle bénisse votre étendard et la couronne des candides trophées de vos victoires ! Nous la supplions dans ce sens, pendant qu'au nom de son divin Fils Nous vous accordons de grand coeur la Bénédiction apostolique, pour vous et pour toutes celles qui se sont unies et s'uniront à vous dans votre courageuse campagne.

PRIÈRE EN L'HONNEUR DE SAINT EUGÈNE I\2er\0, PAPE



(31 mai 1941) 1

Le Saint-Père a composé cette prière à l'occasion de la fête de son patron, saint Eugène.

O Jésus, suprême Pontife du nouveau et de l'éternel Testament, qui êtes assis à la droite du Père comme notre perpétuel Avocat et qui vous plaisez à demeurer ici-bas chaque jour, de siècle en siècle, avec votre épouse bien-aimée, l'Eglise, et avec votre Vicaire qui la gouverne, Vous, divin Prince des Pasteurs de votre troupeau daignez glorifier sur le siège de Pierre votre serviteur et pontife Eugène et, au milieu de la perversité des temps, le rendre doux parmi les assauts des ennemis, ferme dans la défense de la foi, père bienfaisant et maître vigilant dans sa fonction pastorale. Que par ses mérites, qui sont votre grâce et votre gloire, vous accordiez une oreille bienveillante à son intercession auprès de vous et vous exauciez Notre prière. Que votre règne arrive, ô Roi immortel des siècles ; que parvienne jusqu'aux extrémités de la terre la vérité que vous nous avez apportée du ciel et qu'enflamme tous les coeurs le feu que vous avez ardemment désiré voir s'allumer dans le monde. Telle est l'angoisse qui étreint le coeur paternel de votre Vicaire, l'angoisse de la réconciliation des hommes avec vous, l'angoisse de la vérité et de la bonté dans les âmes, l'angoisse de réconfort pour les larmes de tant de mères et de tant d'enfants, l'angoisse de la concorde et du pardon parmi les peuples, l'angoisse de la justice et de la paix. Illuminez votre Vicaire, ô Jésus, réconfortez-le dans ses douleurs et dans sa sollicitude pour le monde entier, renouvelez en lui l'esprit du saint pontife qui intercède pour lui auprès de vous. Dites, ô Seigneur, cette parole puissante qui change les esprits ; transformez la haine en l'amour ; refrénez la fureur des passions des hommes ; adoucissez les souffrances et essuyez les larmes des malheureux ; accroissez la vertu et la résignation des familles ; pacifiez les nations et les peuples ; de telle sorte que l'Eglise fondée par vous sur Pierre pour réunir tous les peuples autour de votre autel de vie et de salut, vous invoque, vous adore et vous exalte dans la paix durant les siècles et les siècles. Ainsi soit-il. 2

2 La Sacrée Pémtencene Apostolique, à l'approcha de la Saint-Eugène, a concédé les indulgences suivantes aux conditions habituelles aux fidèles qui réciteront dévotement la prière ci-dessus : 1) une indulgence partielle de 500 jours chaque fois ; 2) une indulgence plénière une fois le mois pour qui la récitera chaque jour durant le mois entier.


ALLOCUTION AU SACRÉ COLLÈGE A L'OCCASION DE LA FÊTE DE SAINT EUGÈNE

(1" juin 1941) 1

Répondant aux voeux de fête qui lui furent présentés par le doyen du Sacré Collège entouré de vingt cardinaux, le Saint-Père annonce qu'il adressera au monde entier un radiomessage pour célébrer l'anniversaire de l'encyclique « Rerum novarum » ;

La fête de la Pentecôte.

L'Eglise fête aujourd'hui la très grande solennité de la descente de l'Esprit rénovateur sur les apôtres et les premiers fidèles réunis dans le Cénacle et y persévérant là dans la prière et dans l'attente de la force d'en haut. Cette solennité, Vénérables Frères et chers Fils, élève aussi Notre esprit vers les choses célestes, de la profonde amertume de l'heure présente, dans laquelle le dessein impénétrable de la divine Providence — qu'elle soit toujours bénie et adorée dans ses éternels desseins de consolation comme d'affliction ! — a voulu Nous placer, ainsi que Notre pontificat. Sur le bord des eaux du lac de Tiberiade, apaisé dans les tempêtes et fécondé par le Christ en vue des filets apostoliques, l'Eglise est née avec Pierre, pasteur des agneaux et des brebis ; mais le feu de l'Esprit qui devait réaliser son baptême, l'Eglise le reçut entre les murs paisibles du Cénacle, afin que se réalisât aussi en elle la surnaturelle naissance ex aqua et Spiritu Sancto, à la ressemblance de son divin fondateur et époux, sur lequel, lorsqu'il sortait des eaux du Jourdain, du ciel entrouvert descendit l'Esprit de Dieu sous forme de colombe, et la voix du Père proclama ce Fils bien-aimé objet de ses complaisances. Le Père, le Fils et l'Esprit-Saint aiment l'Eglise et sont avec elle ; ils la rendent, comme chante un grand poète, « mère des saints » et « le camp de ceux qui espèrent ».

La Saint-Eugène.

A la joie solennelle de la Pentecôte, vous avez voulu par vos souhaits joindre la fête anniversaire de Notre céleste patron, saint Eugène. Fête de pure et sereine joie familiale, dans laquelle la « mère des saints » se trouve exaltée, Notre espérance ravivée et réconfortée, et bien qu'enveloppée de ce vent de tristesse dont la note a accompagné également les paroles jaillies du coeur et des lèvres du vénéré doyen du Sacré Collège, si aimé et si estimé de vous et de Nous, quand tantôt il Nous adressait, au nom de tous, vos félicitations et vos voeux.

Si, jusqu'à présent, les terreurs de la guerre ont été épargnées à la Ville éternelle, toutefois l'écho de la cruelle et dévastatrice action belliqueuse, les lamentations sur les morts, l'angoisse au sujet des dispersés, la nostalgie des prisonniers, la plainte des veuves et des orphelins, l'exil des déportés, la misère et l'indigence des évacués sans habitation, cherchent et trouvent dans les péripéties de leur aventure la route pour parvenir en toutes les langues et avec des mots déchirants jusqu'à Nous, à Nos oreilles et à Notre coeur. Ils Nous dévoilent et placent sous Nos yeux chaque jour, et comme heure par heure, l'immense et ténébreux abîme de souffrances et d'angoisses dans lequel le présent ouragan a entraîné et entraîne sans arrêt la pauvre humanité non moins que la vigne du Seigneur.

Cependant, dans cette situation si angoissante d'épreuves et de douleur, l'Eglise ne cesse pas d'être « le camp de ceux qui espèrent ». Devant Notre regard — vision réconfortante et lumineuse — se présente la douce et secourable figure du saint pontife dont le nom Nous fut imposé au baptême. Alors que Nous contemplons son exemple, route et stimulant pour Notre âme, Nous implorons de l'éternel Prêtre de l'autel sublime du Golgotha, centre d'attraction de l'univers, une étincelle de cette flamme exubérante d'amour pour les pauvres et les miséreux, qui resplendissait parmi les autres nobles qualités dans saint Eugène2. Nous le prions de Nous obtenir du Seigneur que, dans une mesure toujours plus grande — grâce à la

-' Cf. Liber Pontificalis, n. LXXVII.

généreuse coopération de tant d'âmes d'élite qui, mues par la charité , du Christ, viennent au secours de l'insuffisance de Nos moyens matériels — il Nous soit donné de faire parvenir aussi à l'avenir aux victimes de la guerre et à la foule de ceux qui souffrent les preuves les plus efficaces de Notre affection et de Notre sollicitude paternelle jamais lassée.

La douleur et le travaU : lot de l'homme sur terre.

Si l'Eglise, née de la passion du Christ, se penche, pleine de compassion, sur la douleur pour la soulager avec les mots et le secours qui sont en son pouvoir et dans une méritoire conformité à la volonté divine, elle n'ignore pas cependant le travail, ennobli d'une façon sublime par le Christ dans l'humble atelier de l'artisan de Nazareth. La douleur et le travail ne sont-ils pas les deux compagnons donnés par Dieu à nos premiers parents, dans le chemin de la vie, après leur chute, quand il les chassa de l'Eden ? « Je multiplierai tes souffrances, et spécialement celles de tes conceptions : tu enfanteras des fils dans la douleur », dit-il à la femme. « C'est par un travail pénible... que tu mangeras l'herbe des champs. C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain », dit-il à l'homme. Depuis ce jour fatal, quelle terrible succession de douleur et de travail accompagne les pas de la famille humaine sur la surface de la terre maudite par Dieu à cause de l'oeuvre de l'homme (Gn 3,16-19) ! La douleur et le travail ne sont jamais ainsi séparés et propres l'un à la femme, l'autre à l'homme, qu'ils ne leur deviennent communs dans la terre des vivants.

Le travail et la condition des travailleurs magnifiés par saint Paul et Léon XIII dans l'encyclique « Rerum novarum »...

Mais pour l'homme le travail n'est pas seulement celui de la terre qu'il baigne de sa sueur : l'homme sue aussi dans les travaux domestiques, dans les usines, dans les arts, dans les métiers, dans mille tâches et emplois. L'Eglise, depuis ses origines, considère et estime le travail : l'apôtre Paul, pour gagner son pain, a consacré ses mains et sa parole au travail ; il en est venu à proclamer : « Si quelqu'un refuse de travailler, qu'il ne mange pas non plus... » (2Th 3,8-10).

Mais l'immense champ du travail humain et de la condition des travailleurs est, pour Nous et pour le monde catholique, éclairé dans la présente année d'une lumière toute particulière, et réchauffé par un souvenir reconnaissant, juste et honorable, qui dérive d'un acte important de l'un des plus grands papes de notre époque ; un acte dont il Nous est agréable d'exalter la profonde signification sociale et l'influence qui dure encore aujourd'hui, pour le commémorer et pour qu'il soit commémoré, non pas tant par des fêtes et des solennités bruyantes que dans un profond recueillement intérieur qui pousse à un examen de conscience sur le passé, à d'activés réalisations dans le présent et à une virile résolution pour l'avenir. Nous entendons parler de l'immortelle encyclique Rerum novarum, de Notre très sage prédécesseur, Léon XIII, encyclique dont le cinquantième anniversaire tombe cette année.

... dont le 50' anniversaire sera marqué par un message radiophonique du pape.

Sur ce fécond événement historique, Nous Nous proposons d'adresser prochainement à Nos fils du monde entier un message radiophonique personnel, pour stimuler leurs consciences et leurs énergies à se montrer dignes, dans la pensée et dans l'action, du précieux héritage contenu dans ce chef-d'oeuvre d'un pape qui fut un enquêteur avisé et comme prophétique et un juge loyal et pondéré des impulsions et des aspirations de son temps et de l'avenir. C'est pour cela que Nous sommes heureux dans cette entrevue que Nous avons avec vous, Vénérables Frères et chers Fils, Nos valeureux et fidèles collaborateurs et sages conseillers, de vous avoir entendu souhaiter que dans toutes les parties du monde chrétien se lèvent des esprits ouverts à la vérité, des coeurs palpitants d'un profond amour, des âmes virilement décidées à tout sacrifice qui, en suivant la lumière que Léon XIII, il y a dix lustres, a fait briller, et dont son incomparable successeur, Pie XI, a augmenté beaucoup l'éclat, mettent tout en oeuvre et aillent hardiment et avec persévérance porter secours à ce monde dévoyé et plongé uniquement dans les pensées et dans les passions du présent, oublieux de Dieu et de la la vie future. Que ces âmes s'efforcent d'éclairer ce monde, de lui indiquer le chemin et de le reconduire aux autels du Seigneur, Dieu de justice et d'amour, en le détournant de principes et de méthodes, fruit malheureux d'une évolution erronée et trompeuse qui se déguise sous l'aspect d'un progrès intellectuel et spirituel, civil et social, dont, à la fin de notre siècle, Léon XIII exprimait dans une poétique inspiration le tragique destin dans les vers classiques de son Carmen secolare :

Malheur aux lois séparées de la divinité ! Quelle honnêteté, quel crédit reste-t-il dans la loi ? Les droits, une fois éloignés des autels, chancellent

et, ébranlés, s'écroulent. 3

Confiance en l'avenir malgré les tristesses de l'heure.

L'avenir des peuples et de la vie des hommes est sombre, mais la croix demeure debout pendant la marche du monde. Notre prière constante, Vénérables Frères et chers Fils, Nous la faisons monter avec la vôtre vers le ciel : « que le Pasteur éternel n'abandonne pas son troupeau, mais qu'il le garde et le protège continuellement par ses bienheureux apôtres ». Peut-être les temps à venir deviendront-ils plus sombres encore ; mais le soleil de justice ne cessera pas de briller dans les ténèbres ; l'astre qui toujours nous guidera aussi dans la nuit sera l'astre de la foi, de l'espérance et de l'amour du premier pape : Nunc scio vere... et de l'Apôtre des gentils : Scio cui credidi. Dans cette ferme et consolante confiance, avec une vive reconnaissance pour vos pieux souhaits et pour les ferventes prières que vous présentez à Dieu et à Notre céleste patron, pour Notre humble personne et Notre ministère, en implorant sur tous et sur chacun de vous les dons de l'Esprit-Saint, en cette solennité de la Pentecôte, Nous vous donnons cordialement, avec la même affection que par le passé, la Bénédiction apostolique.

3 l.éon XIII. A leim Chrittn tnemntlt taermll ftfspiria


Pie XII 1941 - DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX