Pie XII 1943 - DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX


DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX

(14 avril 1943) 1

Voici le troisième discours de Pie XII sur les vertus du foyer domestique. Il fait suite à ceux que le pape a prononcés les 27 janvier et 7 avril (cf. ci-dessus, PP 29 et 82):

III. — Pourquoi cultiver les vertus ?

De tous les trésors que vous vous êtes apportés l'un à l'autre, ? chers jeunes époux, et que vous mettez en commun pour en embellir votre foyer domestique et pour les transmettre aux enfants et aux générations qui naîtront de vous, il n'en est point qui enrichisse, féconde et orne autant la demeure et la vie familiales que le trésor des vertus : bonnes dispositions naturelles héritées de vos parents, de vos aïeux, et transformées en vertus par des actes répétés ; vertus surnaturelles reçues au baptême où vos parents vous portèrent après votre naissance.

Ces vertus, qu'on aime à comparer aux fleurs — le lis de la pureté, la rose de la charité, la violette de l'humilité — il faut les cultiver dans le foyer et pour le foyer.

Mais voici que certains esprits peu instruits ou superficiels, ou simplement indolents et uniquement soucieux de s'épargner tout effort, vous diront : « Pourquoi tant se fatiguer à cultiver les vertus ? Elles sont surnaturelles, elles sont un don gratuit de Dieu : quel besoin ont-elles du travail de l'homme et de quelle efficacité peut être son action, du moment que l'oeuvre est divine et que nous n'avons sur elle aucun pouvoir ? »

C'est là un faux raisonnement ; vous le sentez vous-mêmes, et vous répondrez avec saint Paul : « C'est par la grâce de Dieu que

1 D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggî, t. V, p. 29 ; traduction française des Discours aux jeunes époux, t. II, p. 265.

je suis ce que je suis, et sa grâce envers moi n'a pas été vaine » (1Co 15,10). Sans doute, c'est Dieu seul qui verse dans l'âme les vertus essentiellement surnaturelles de foi, d'espérance et de charité ; c'est lui seul qui peut greffer sur les vertus naturelles la vertu du Christ, laquelle leur communique sa vie divine et en fait autant de vertus surnaturelles. Mais qui voudrait comparer ces fleurs divines aux pauvres fleurs artificielles, fleurs de papier ou de soie, fleurs sans vie, sans parfum, sans fécondité ? Ces dernières, il est vrai, ne se fanent pas ; elles restent telles qu'elles ont été faites ; elles ne meurent pas, puisque pour mourir il faut d'abord avoir la vie. Au contraire, les fleurs naturelles de nos jardins sont bien autrement délicates : le vent les dessèche, le gel les brûle, elles sont sensibles aussi bien à l'excès qu'au manque de soleil ou de pluie. Il faut que le jardinier mette un soin vigilant à les protéger. Elles ont besoin qu'il les cultive.

Pareillement — puisque les choses terrestres sont une image, toujours bien imparfaite sans doute, des choses divines — les fleurs surnaturelles dont le Père céleste orne le berceau du nouveau-né exigent, elles aussi, des soins empressés pour ne pas mourir — à plus forte raison pour vivre, pour éclore et pour produire leurs fruits. Mais, bien qu'elles soient exposées à la mort, elles ont sur les fleurs naturelles des jardins d'ici-bas l'avantage d'être destinées à une vie d'immortalité, à un épanouissement sans limite, à une fécondité sans la triste rançon de la flétrissure, à une croissance qui ne s'arrêtera qu'au moment où il plaira au divin jardinier de les cueillir pour en orner et en parfumer le jardin du paradis.

Et comment ?

Comment faut-il donc cultiver les vertus ? De la même manière que les fleurs. Il faut les défendre, ces fleurs, contre les causes de mort, seconder leur éclosion et leur développement ; une sage et habile culture va jusqu'à faire passer en elles les qualités et les beautés des autres fleurs. Il en va de même de la culture des fleurs surnaturelles que sont les vertus. N'avez-vous pas, jeunes maris, depuis le jour de vos fiançailles jusqu'à celui de vos noces, n'avez-vous pas eu soin d'offrir des fleurs à vos fiancées ? Fleurs brillantes ou modestes, détachées de la plante et mises en un vase d'eau limpide, où, malgré tout, elles se fanaient bien vite, et vous apportiez alors d'autres fleurs plus fraîches. Demain, dans votre foyer, dans un coin du jardin, peut-être seulement à votre fenêtre, dans une humble

caissette, vous remuerez un peu de terre, vous y déposerez la graine et vous l'arroserez ; puis, avec une curiosité presque anxieuse, vous guetterez la sortie d'une légère pointe verte, de la tige, des fleurs, le sourire du premier bouton, enfin Péclosion de la fleur. Et cette fleur, de quels soins vous l'entourerez !

Sans doute, à l'infidèle non plus Dieu ne refuse pas sa grâce ; bien plus, Seigneur et maître de ses dons, il peut même lui donner de quoi accomplir des actes extraordinaires de vertu. Mais, selon l'ordre normal de sa Providence, la vraie vie vertueuse fleurit et mûrit là où le baptême a infusé les vertus dans l'âme de l'enfant et c'est dans cette bonne terre qu'elles se développeront progressivement, pourvu qu'on les y cultive avec soin.

De même que Dieu a créé la terre avec ses matières nutritives, avec le soleil pour éclairer et réchauffer les plantes, avec la pluie et la rosée pour la rafraîchir, ainsi il a créé la nature humaine, c'est-à-dire l'âme unie au corps formé dans le sein maternel ; et cette nature est un terrain riche de bonnes dispositions et de ressources. Dans cette nature il met la lumière de l'intelligence, la chaleur et la vigueur de la volonté et du sentiment ; il dépose dans cette terre, sous cette lumière et cette chaleur, les vertus surnaturelles comme des germes cachés qu'il anime de la vie divine ; et il enverra le soleil, la pluie et la rosée de sa grâce, afin que l'exercice des vertus, et par là les vertus elles-mêmes, s'affirment et se développent. Seulement, il faut aussi que le travail de l'homme coopère avec les dons et avec l'action de Dieu. Ce sera tout d'abord et dès le premier instant, l'éducation de l'enfant par le père et la mère ; ce sera ensuite, au fur et à mesure qu'il devient un adolescent et un homme, la coopération personnelle de l'enfant lui-même.

Si la collaboration des parents avec la puissance créatrice de Dieu dans le don de la vie à un futur élu du ciel, est une des plus admirables dispositions de la Providence pour l'honneur de l'humanité, leur collaboration dans la formation d'un chrétien n'est-elle pas encore plus admirable ? Cette coopération est si réelle et si efficace qu'un auteur catholique a pu écrire un délicieux ouvrage sur les mères des saints. Quels parents dignes de ce nom hésiteraient à apprécier un si grand honneur et à y correspondre ?

Les parents doivent d'abord cultiver leurs propres vertus

Mais en vous-mêmes aussi, ou plutôt avant tout en vous-mêmes, il faut que vous cultiviez les vertus. Votre mission, votre dignité l'exige. Plus l'âme des parents est parfaite et sainte, plus est, à coup sûr, délicate et riche l'éducation qu'ils donnent à leurs enfants. Les enfants sont « comme un arbre planté près d'un cours d'eau, qui donne son fruit en son temps et dont le feuillage ne se flétrit point » (Ps 1,3). Mais quelle influence n'aura pas sur eux, chers époux, votre propre conduite, cette vie qu'ils auront sous les yeux dès leur naissance ! N'oubliez pas que l'exemple agira sur ces petites créatures dès avant l'âge où elles pourront comprendre les leçons qu'elles recevront de vos lèvres. Même à supposer que Dieu supplée par des faveurs exceptionnelles au défaut d'éducation, comment seraient-elles vraiment des vertus du foyer, ces vertus qui seraient, au moment même où elles fleurissent dans le coeur de l'enfant, fanées ou desséchées dans le coeur du père ou de la mère ?

Or le jardinier a une double tâche : il doit mettre la plante en état à la fois de tirer profit des conditions extérieures et de n'en pas souffrir, et il doit travailler la terre et la plante elle-même pour en favoriser la croissance, les fleurs et les fruits.

. préserver ensuite leur foyer des influences néfastes.

Par conséquent, vous avez le devoir de préserver votre enfant, et de vous préserver vous-mêmes, de tout ce qui pourrait porter atteinte à votre vie honnête et chrétienne, et à la vie de vos enfants, de tout ce qui pourrait obscurcir ou ébranler votre foi et la leur, de tout ce qui pourrait ternir la pureté, l'éclat, la fraîcheur de votre âme et de leur âme. Qu'ils sont à plaindre, ceux qui n'ont pas conscience de cette responsabilité, ceux qui ne considèrent point le mal qu'ils se font à eux-mêmes et à ces innocentes créatures mises par eux à la lumière d'ici-bas. Ils méconnaissent le danger de tant d'imprudences dans les lectures, les spectacles, les relations, les usages ; ils ne se rendent pas compte qu'un jour l'imagination et la sensibilité feront revivre dans l'esprit et dans le coeur de l'adolescent ce que ses yeux avaient entrevu dans son enfance, sans le comprendre ! Mais il ne suffit pas de préserver : il faut aller délibérément au soleil, à la lumière, à la chaleur de la doctrine du Christ, il faut chercher la rosée et la pluie de sa grâce pour en recevoir la vie, le développement, la vigueur.

Davantage encore. Sans le péché originel, Dieu aurait demandé aux pères et mères de famille, comme à nos premiers parents, de travailler la terre, de cultiver les fleurs et les fruits, de telle sorte toutefois que le travail eût été agréable et non pénible à l'homme 2. Mais le péché, que l'on oublie si souvent et que pratiquement on nie effrontément, a rendu le travail austère. La nature humaine demande comme la terre à être labourée, à la sueur de notre front : il faut la travailler sans cesse, il faut sarcler, déraciner les mauvaises inclinations et les germes de vices, il faut combattre les influences nocives, il faut émonder et tailler, c'est-à-dire redresser les déviations même des meilleures tendances ; il faut tantôt stimuler l'inertie et l'indolence dans la pratique de certaines vertus, tantôt freiner ou régler l'élan naturel, la spontanéité dans l'exercice des autres, afin d'assurer l'harmonieux développement de l'ensemble.

C'est une oeuvre de tous les instants de la vie ; elle s'étend même à l'accomplissement des autres travaux journaliers, qui en reçoivent la seule valeur qui compte, et leur beauté, leur charme, leur parfum. Que grâce à vos soins, votre foyer se rapproche de plus en plus de celui de la sainte famille de Nazareth et qu'il soit un jardin intime où le Maître aime à venir cueillir des lys (Ct 6,1). Nous souhaitons que sur votre foyer descende la féconde rosée de la bénédiction divine et Nous vous en donnons de grand coeur un gage dans Notre paternelle Bénédiction apostolique.

2 Cf. S. Thomas, Summa Tbeol., Ia, q. 102, a. 3.


LETTRE AU SECRÉTAIRE D'ÉTAT POUR PRESCRIRE DES PRIÈRES PUBLIQUES EN FAVEUR DE LA PAIX

(15 avril 1943) 1

Comme les années précédentes, le pape a prié, par la lettre suivante, S. Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat, de demander aux évêques d'inviter tous leurs fidèles, et spécialement les enfants, à prier durant le mois de mai la Sainte Vierge pour la paix.

Chaque année, depuis que la conflagration d'une guerre très cruelle a embrasé presque toute la terre, Nous avons exhorté, par votre intermédiaire, à l'approche du mois de mai, tous les chrétiens et particulièrement les enfants innocents qui Nous sont très chers, à demander instamment à la Vierge Mère de Dieu, par une sainte émulation de prières, que sa bonté obtienne de Dieu la paix si désirée par tous. Que si n'a pas encore pris fin cette lutte meurtrière qui détruit et ensanglante par un massacre fratricide non seulement les armées, mais même les cités pacifiques, il ne faut pas se décourager pour autant ni cesser les pieuses supplications : bien au contraire, plus la somme d'épreuves douloureuses ne cesse de croître de jour en jour, plus la violence de la haine qui brûle les coeurs de beaucoup augmente, plus il faut recourir, par la prière et la pénitence, à Dieu qui peut seul donner la lumière de la charité chrétienne aux âmes exacerbées par la haine et, les flots agités étant apaisés, amener tous les peuples à rétablir la concorde.

Cependant, il ne suffit pas, vous le savez bien, de prier Dieu de nous être propice ; il ne suffit pas d'invoquer l'aide et le patronage de la Très Sainte Mère de Jésus-Christ et la nôtre. Cette des

1 D'après le texte latin des A. A. S., 35, 1943, p. 103 ; cf. la traduction française des Actes de S. S. Pie XII, t. V, p. 57.

truction effroyable et continuelle qui semble ébranler les fondements mêmes de la société humaine et menace de conduire à la ruine complète toute la communauté des nations requiert assurément de nous tous autre chose.

leçon de la guerre.

Il est tout d'abord nécessaire que tous réfléchissent et reconnaissent qu'une telle guerre, la plus grande peut-être depuis la création du monde, n'est, en définitive, que le châtiment bien mérité en violation de la justice divine. On voit, en effet, trop souvent, à notre époque, la raison humaine, enorgueillie par sa puissance, refuser l'obéissance qui est due à l'éternelle divinité ; et, dès lors, les hommes ou négligent ou méprisent tout à fait la religion très sainte, rejettent les préceptes de la sagesse évangélique comme périmés et indignes d'un siècle adulte et, enfin, oublieux de la vie éternelle, cherchent uniquement à obtenir que la vie présente périssable leur apporte commodités, richesses et plaisirs en abondance. Mais si l'on repousse la suprême et éternelle raison de Dieu qui ordonne et défend, quelle autre loi pourra diriger les moeurs privées et publiques ? Quelle autre règle pourra constituer et rendre fermes les principes et les normes de la communauté humaine ? Aucune, certainement, car « si l'on enlève la droiture et la religion, le résultat est la perturbation de la vie et une grande confusion » 2.

Si donc l'on a erré, il faut revenir au droit chemin ; si les apparences d'une fausse doctrine ont attiré et trompé les esprits de beaucoup, il faut dissiper les ténèbres de l'erreur par la lumière de la vérité ; si enfin un grand nombre se sont laissés trop distraire par les biens terrestres, ont négligé les saintes obligations de la vertu chrétienne et du culte divin, il faut qu'ils se reprennent et qu'ils appliquent leurs forces et dirigent leur activité avant tout vers l'acquisition des biens supérieurs de la vie éternelle. Voilà ce que doit être la sainte et commune croisade qui doit tendre à conformer les moeurs privées et publiques aux enseignements de Jésus-Christ et à faire observer le plus possible ses préceptes dans la pratique de la vie. Que tous s'y emploient, non seulement ceux qui ont à coeur leur salut, mais encore ceux qui ont à coeur que la paix, la tranquillité, la prospérité resplendissent enfin un jour dans la

Cicéron, De natura deorum, 1, 2.

société humaine. Que si tous s'efforcent d'accomplir ce devoir, chacun selon ses forces, alors, sans aucun doute, les prières adressées à Dieu et à la Très Sainte Mère de Jésus-Christ seront plus agréables et mieux accueillies.

La prière à Notre-Dame.

Animés de ces résolutions salutaires, que tous s'approchent de l'autel de la Vierge Mère de Dieu pendant le mois prochain qui lui est particulièrement consacré ; qu'ils y apportent non seulement les fleurs des champs et des jardins, non seulement leurs prières suppliantes, mais la résolution d'une vie plus réformée et plus parfaite, certains que rien ne plaît davantage au divin Rédempteur et n'est plus agréable à sa Sainte Mère.

Au mois d'octobre dernier 3, Nous avons voué, confié et consacré au Coeur Immaculé de la Bienheureuse Vierge la sainte Eglise, Corps mystique de Jésus-Christ, déchiré par tant de blessures, et en même temps l'univers entier qui, consumé par la haine et aigri par les divisions, expie la peine de ses propres iniquités. Nous avons appris avec une très grande consolation pour Notre coeur paternel que cet acte de dévotion avait été presque partout renouvelé par les évêques, les prêtres et la multitude du peuple chrétien. Mais si presque tous les chrétiens se sont voués spontanément et volontiers au Coeur Immaculé de la Vierge Marie, il faut aussi que volontiers et résolument ils se conforment à lui s'ils désirent réellement que la Mère de Dieu reçoive leurs prières avec bonté. Et, ainsi disposés, avec générosité et amour, que ce ne soient pas seulement ceux qui, dans la fleur de leur enfance, resplendissent d'innocence et de grâce, mais tous les fidèles qui demandent, pendant le mois de mai prochain, par des prières instantes à notre Mère du ciel que la haine une fois détruite, la charité fraternelle triomphe et grandisse dans les coeurs des hommes ; que les vices fassent place aux vertus, les armes à la justice, et la violence déchaînée à la raison d'une âme sereine, et qu'un jour enfin, une fois apaisée la tempête qui sévit aujourd'hui, toutes les nations reviennent à la paix, à la concorde, au Christ qui seul peut, par sa doctrine infaillible, rendre fermes et immuables les fondements de la société civile, lui qui, seul, « a les paroles de la vie éternelle » (Jn 6,69).

3 Radiomcssage au peuple portugais, du 31 octobre 1942 ; cf. Documents Pontificaux 1942, p. 275.

Nous avons une très grande confiance dans cette sainte croisade de prière et Nous vous confions cette année encore, cher Fils, Nos paternelles exhortations, pour que vous les communiquiez, de la meilleure façon que vous le jugerez, à tous, principalement aux pasteurs de tout l'univers catholique qui auront certainement le souci de notifier avec soin la chose aux fidèles qui leur sont confiés et de la faire exécuter avec un très grand zèle.

En attendant, comme présage des grâces célestes et en témoignage de Notre bienveillance paternelle, Nous vous accordons avec le plus grand amour dans le Seigneur, à vous, cher Fils, et à tous ceux qui répondront de bon coeur et volontiers à Notre lettre d'exhortation, et spécialement à la foule des enfants qui Nous sont très chers, la Bénédiction apostolique.


DISCOURS AUX JEUNES FILLES DE L'ACTION CATHOLIQUE ITALIENNE

(24 avril 1943) 1

A l'occasion du XXVe anniversaire de la fondation de l'Action catholique des jeunes filles italiennes venues lui demander ses conseils, le Saint-Père a adressé le discours suivant sur la transformation de la condition sociale de la femme dans le monde moderne, des dangers qu'elle lui fait courir et de la formation qu'elle exige.

Joie et dons du vingt-cinquième anniversaire.

La joie qui brille dans vos yeux et se manifeste dans vos voix, chères filles, est comme une franche effusion de vos âmes. Elle Nous semble être en même temps comme un rayonnement de ce jour que le Seigneur a fait, un écho de l'alléluia que l'Eglise chante aujourd'hui : Haec est dies quam fecit Dominus ; exultemus et laetemur in ea, « voici le jour qu'a fait le Seigneur ; exultons et réjouissons-nous en lui » (Ps., cxvn, 24). Vous exultez et vous vous réjouissez : et vous avez voulu traduire cette allégresse à la façon des âmes nobles et généreuses ; elle ne vous aurait pas paru pleine et parfaite si vous n'étiez venues Nous présenter aussi vos dons avec tout votre coeur loyal et joyeux, en sorte que chacune de vous peut redire : In simplicitate cordis mei, laeta obtuli universa, « j'ai fait volontairement toutes ces offrandes dans la droiture de mon coeur » (1Ch 29,17). Nous vous en sommes vivement reconnaissant. Nous savons que ces offrandes, fruits de vos privations, de vos efforts tenaces, de vos saintes industries, symbolisent d'autant mieux le don que vous faites de vous-même à Dieu en vous dévouant au Vicaire du Christ et au service de l'Eglise.

1 D'après le texte italien des A. A. S., 35, 1943, p. 134 ; cf. la traduction française des Actes de S. S. Pie XII, t. V, p. 63. Les sous-titres sont ceux du texte original.

Cette joyeuse assemblée qui est là devant Nous est aussi votre alléluia particulier ; vous l'avez chanté dans l'hymne vibrante de votre XXVe anniversaire, tout en y ajoutant la joie affectueuse de célébrer en même temps le XXVe anniversaire de votre présidente centrale, à l'infatigable et multiple activité bénie de Dieu et des Pontifes romains de qui on doit principalement le progrès et le développement de votre association. A elle et à toutes celles qui ont travaillé avec elle — certaines depuis le commencement — dans cette bonne oeuvre, va aujourd'hui l'éloge reconnaissant du Père commun. Vous êtes venues sous leur direction ; vous désirez, maintenant, au terme des cinq premiers lustres d'existence de votre grande famille et au seuil des cinq suivants, vous désirez recevoir Notre paternel encouragement et Notre bénédiction.

Gravité et devoirs de l'heure présente.

La date des jubilés est déterminée par le cours inexorable des années ; années et temps qui varient selon la succession des événements et des conditions intérieures des peuples et des nations. Ainsi le doux anniversaire jubilaire de votre association, qui naît et se développe au sein du peuple, qui participe à sa vie, qui en partage les joies et les douleurs, l'agitation et la tranquillité, le passé et l'avenir, aurait pu tomber dans une période calme et pacifique, sans devoir être un appel et une invitation à d'exceptionnelles entreprises. Au contraire, cet anniversaire tombe en une heure de grandes résolutions et de vastes obligations, résolutions et devoirs qui vous atteignent aussi, chères filles, vous qui connaissez et sentez la gravité de cette même heure, ainsi que la demande imposante de coopération de la part de tous. En de pareilles circonstances, votre filial désir aussi bien que Notre impulsion personnelle Nous portent à vous dire une parole qui vous servira de guide et de réconfort, d'avertissement et de soutien.

Notre première pensée va naturellement à la guerre et à l'après-guerre, deux périodes qui exigent au suprême degré que vous soyez prêtes à donner votre prompte sollicitude, votre générosité, vos facultés, votre travail, votre amour, votre abnégation. Votre programme pour l'année sociale 1943-1944 n'a-t-il pas déjà tracé largement le champ de votre travail et de cette contribution au bien commun que vous réclament les vicissitudes de la guerre et du temps qui la suivra ? Notre âme veut, sans doute, s'ouvrir à l'espérance et demande au ciel que la paix dans la justice revienne bien

vite dans le monde et que cesse le sanglant conflit dévastateur. Mais pour ce champ de travail, une réflexion se présente plus vivante à Notre esprit.

La virginité chrétienne, honneur et soutien pour le travail de l'apos-dat et pour le triomphe de la civilisation.

Au cours des vicissitudes de l'histoire, l'Eglise a rarement comme aujourd'hui souhaité trouver avec plus d'ardeur parmi ses fils et ses filles une phalange de vocations qui, renonçant librement aux noces terrestres par amour du Christ, consacreraient toutes leurs forces aux ministères du soin des âmes, de l'éducation chrétienne, de la charité et des missions. Telle est la haute mission de l'Eglise, voulue dans sa fondation par le Christ, Fils de Dieu et d'une Vierge Mère, et qui, parmi le peuple chrétien, face à la Rome païenne autour du temple de Vesta, suscita l'appel et l'ardeur du martyre et de la sainteté virginale, tandis que, dans les amphithéâtres et dans les cirques, des vierges chrétiennes, sans crainte des tourments, rougissantes sous les regards, se cachaient à elles-mêmes cette beauté qui s'épanouissait dans leur personne pour la voiler avec leur sang. Vous n'ignorez pas le sacrifice que les familles font de leurs fils et de leurs filles dans les séminaires, dans les monastères, dans les congrégations religieuses, où le coeur se dilate pour embrasser le monde chrétien et païen, et y apparaître pères et mères en virginité de corps et d'esprit, sans autre considération que le bien et le salut des âmes rachetées dans le sang du Christ. Aussi pouvez-vous comprendre et voir combien, aujourd'hui, parmi tant de périls et de ruines spirituelles, le célibat ecclésiastique et la virginité religieuse ont de prix et quel urgent soutien ils sont pour l'oeuvre et la mission de l'Eglise, soit qu'on considère leur importance mystique, en tant que libre renonciation en union avec le sacrifice du Sauveur, alors que tous doivent se soumettre à des privations indiciblement graves, soit qu'on considère le ministère apostolique et le concours social, afin de préparer d'opportunes et continuelles énergies pour Yopus grande (Ne 6,3), qu'est la diffusion de la foi dans le monde, et pour le triomphe de la civilisation chrétienne que le Seigneur avec les signes des temps confie à l'Eglise. Qui potest capere capiat, « comprenne qui pourra » (Mt 19,12), voilà ce que Nous voudrions crier aux jeunes gens et aux jeunes filles catholiques, en prenant les paroles du Christ dans le sens d'un appel et d'un encouragement.

Transformation de la vie féminine dans le peuple.

De la considération de la gravité de l'heure où s'achève votre jubilé, il convient d'étendre votre pensée par-delà la guerre, sur un phénomène de progrès social favorisé et accéléré par les circonstances de la guerre, mais déjà commencé depuis un certain temps, phénomène qui réclame une attention vigilante et une intervention de l'Eglise avec ses forces spirituelles ; évolution de grande importance religieuse et morale que celle qui est le changement ou le bouleversement de la vie de la femme dans le peuple.

L'ancienne figure de la femme.

Le caractère de la vie et l'initiation à la culture de la femme s'inspiraient, selon une tradition très ancienne, de l'instinct naturel qui assignait à la femme la famille comme royaume et théâtre particulier de son activité quand, par amour du Christ, elle n'avait pas préféré la virginité. A l'écart de la vie publique et en dehors des professions ou des charges publiques, la jeune fille, comme une fleur en croissance, gardée et protégée, était destinée par sa vocation à devenir épouse et mère. Aux côtés de sa maman, elle apprenait les travaux ménagers réservés aux femmes, la tenue et le ménage de la maison ; elle participait à la surveillance de ses petits frères et soeurs, développant ainsi ses forces, son esprit, et apprenant l'art de gouverner le foyer domestique. Manzoni nous présente dans la figure de Lucie la plus haute et la plus vive expression littéraire de cette conception. Les façons simples et naturelles selon lesquelles le peuple vivait, l'éducation religieuse profonde et pratique qui animait tout jusque bien avant dans le XIXe siècle, l'habitude de se marier assez tôt, encore possible dans ces conditions sociales et économiques, la prééminence que la famille gardait dans la vie du peuple, tout cela joint à d'autres circonstances qui, entre-temps, se sont radicalement modifiées, constituait le premier aliment et le premier soutien du caractère et du mode de culture de la femme.

Le caractère moderne de la culture féminine.

Aujourd'hui, au contraire, l'ancienne figure de la femme se transforme rapidement. Vous voyez la femme, et surtout la jeune fille, sortir de sa retraite et entrer presque dans toutes les professions qui étaient auparavant exclusivement réservées aux hommes comme champ de vie et d'action.

Commencements d'abord timides, puis toujours plus vigoureux de cette transformation, on les a vus se manifester depuis assez longtemps, produits principalement par le développement de l'industrie avec le progrès moderne. Mais depuis quelques années, semblables à la rivière qui renverse les digues et arrive à bout de toute résistance, les femmes paraissent avoir envahi tout le domaine de la vie du peuple. Que si ce courant ne s'est pas encore également répandu partout, il n'est pas difficile d'en rencontrer la présence même dans le village de montagne le plus écarté. Dans le dédale des grandes cités, comme dans les ateliers et les entreprises industrielles, l'ancien usage ou façon de faire a dû céder, sans conditions, la place et la voie au mouvement moderne.

nouvelle condition sociale de la femme.

Devant cette nouvelle condition de la femme, que devait faire l'Eglise ? Pouvait-elle nier ou ignorer l'événement et ne pas s'en soucier ? Dans une autre occasion, en en considérant le côté moral, Nous avons montré les conséquences qui en découlent pour la vertu de chaque personne. Nous avons dit que cette nouvelle complication de vie n'est pas un mal en soi, mais ordinairement ne va pas sans dangers. Nous ne pouvons ni exclure ni diminuer ces périls même quand, comme Nous le faisons aujourd'hui, Nous Nous proposons d'examiner la situation moderne de la femme en rapport au bien commun et aux moeurs futures de Notre propre pays et des autres peuples.

La structure actuelle de la société, qui a pour fondement l'égalité presque absolue entre la femme et l'homme, s'appuie sur un présupposé fallacieux. Il est vrai que l'homme et la femme, pour ce qui regarde la personnalité, sont égaux en dignité, honneur, prix et estime. Mais ils ne sont pas égaux en toutes choses. Certaines qualités, inclinations, dispositions naturelles ne sont propres qu'à l'homme ou à la femme, ou leur sont attribuées à des degrés divers, les unes davantage à l'homme, les autres davantage à la femme, de telle sorte que la nature leur a donné des champs d'activité et des fonctions distincts. Il ne s'agit pas ici de capacité ou dispositions naturelles secondaires, comme seraient certaines inclinations ou aptitudes aux lettres, aux arts ou aux sciences ; mais de qualités d'efficacité essentielle dans la vie de la famille et du peuple. Or, qui ne sait que la nature, même chassée avec violence, reviendra toujours, tamen usque recurret f II reste donc à voir, en attendant, si elle n'imposera pas, quelque jour, une correction à l'actuelle structure sociale.

Peut-être dira-t-on qu'un pareil défaut constitue sans doute un danger, mais seulement à longue échéance ; un danger qui ne menace pas la société et ne se présente pas comme immédiat, surtout dans les cas particuliers ; un danger sur lequel, si l'on examine spécialement les conditions difficiles du temps présent, il convient pour le moment de jeter seulement un regard et de passer. Cependant, ce qui donne à penser est la considération des circonstances dans lesquelles se produit ce renversement ou cette transformation du caractère et de la vie de la femme. D'un côté, l'humanité se trouve, depuis plusieurs décades, dans les pays plus civilisés, à un haut degré de culture et d'activité matérielle qui est peut-être sans précédent dans l'histoire. De fait, si en d'autres temps brillèrent des jours lumineux de grandeur matérielle éclatante, comme fut, aux premiers siècles de l'ère chrétienne, l'apogée de la grandeur de l'Empire romain, qui ne voit pourtant comment on peut difficilement mettre ces siècles en parallèle avec notre époque ? De fait, des découvertes de ces deux derniers siècles, du progrès scientifique, civil et économique, est née, en temps normal — Nous ne voulons naturellement pas parler de l'état présent de guerre qui est exceptionnel — une condition de vie moyenne, un état de commun bien-être, tels qu'on n'aurait pu les imaginer aux époques antérieures. En même temps, d'un autre côté — non par suite de nécessité intrinsèque, mais de toute façon par concomitance historique — s'est manifesté un affaiblissement du sens religieux, de la force de la foi, de l'accueil du surnaturel et du souci de l'âme. S'étant rencontrées, ces deux tendances se sont renforcées réciproquement. Certes non pas chez tous. Une dense et généreuse légion d'âmes surgit et répond à cette superculture matérielle par une conviction religieuse encore plus profonde.

Mais beaucoup semblent à ce point aveuglés par l'éclatante splendeur de la science et du bien-être matérialiste que leur appréciation intérieure et intellective pour ce qui est suprasensible et surnaturel s'affaiblit et diminue de plus en plus. Le vide et l'abîme spirituel qui s'ouvrent en eux, ils essaient de le combler par les quotidiennes représentations et manifestations de la culture terrestre, par une philosophie de rêves, par tout ce que le monde, même dans la dure existence d'aujourd'hui, offre de distractions, de luxe, de plaisirs et de jouissances.

Un triple danger.

De là, vous voyez surgir le triple danger qui distingue notre temps.

a) Pour la femme.

1° Avant tout, un péril concernant la femme. Indiquons-le tout de suite dans sa forme extrême. Vous connaissez le sort des jeunes filles qui, spécialement dans les grandes villes, laissent leur famille, au moment de l'adolescence, pour trouver une place. Le mirage est hallucinant : indépendance de toute sujétion, possibilité de faire montre de luxe, liberté sans réserve, facilité de nouer des amitiés, de fréquenter les cinémas, de faire du sport, de partir le samedi en joyeuse compagnie en revenant le lundi et en échappant toujours aux regards de la famille. Le gain élevé qu'elles réalisent fréquemment est le plus souvent le prix de la perte de leur innocence et de leur pureté. Les forces de la nature qui étaient réservées en elles pour fonder plus tard une famille où vont-elles finir ? Elles se dissipent dans les plaisirs et dans le péché. Naturellement, à côté de ce cortège de jeunes étourdies et infortunées, il en est une catégorie d'autres qui sont toujours moins la proie d'un si grand mal, jusqu'à celles qui, parmi tous les périls, savent se maintenir pures et fortes. Ce serait cependant une illusion de croire que la catégorie extrême n'existe que dans de lointaines régions et villes du monde. Vous la trouverez malheureusement au milieu de notre bon peuple et vous en voyez le fatal cheminement.

b) Pour le mariage.

2° De cela, naît un autre danger pour le mariage. Des jeunes femmes, comme celles qu'on vient de décrire, ne sont pas ordinairement choisies pour le mariage, encore moins pour le mariage selon la loi du Christ. Ce sont elles-mêmes, souvent, qui le repoussent comme une chaîne. Et combien d'autres, quoique dans un moindre degré, sont contaminées par le même mal ! D'autre part, comment l'homme qui dans la vigueur de sa jeunesse a mené une vie dissolue pourrait-il réaliser ensuite dans la fidélité conjugale un saint et « chaste mariage » ? 2

Vous connaissez bien l'idéal des noces chrétiennes, que Nous Nous efforçons d'enseigner aux jeunes époux qui viennent Nous voir. Comment donc cet idéal pourrait-il resplendir et prospérer,

2 Encycl. Casu connubii, de Pie XI, du 31 décembre 1930.

si son fondement, l'empreinte chrétienne de la vie et de l'éducation, tendait toujours plus à disparaître ? c) Pour le peuple.

3° Enfin, le troisième danger concerne le peuple qui a toujours puisé sa force, son progrès, son honneur dans une famille saine et vertueuse. Si celle-ci vient à être ébranlée dans ses bases religieuses et morales, n'ouvre-t-on pas la voie aux pires dommages pour les institutions sociales et pour la patrie elle-même ?

Programme pour la Jeunesse féminine de l'Action catholique italienne : maintien et défense de la famille chrétienne.

Vous attendez maintenant, chères filles, la parole du Vicaire du Christ pour le second laps de vingt-cinq ans de la Jeunesse féminine de l'Action catholique italienne. Après tout ce que Nous avons dit, cette parole ne peut avoir d'autre son que celui d'une impulsion à travailler au maintien, à la préservation, à la défense de la famille chrétienne. Votre action peut fort bien viser toute une variété d'autres buts et s'efforcer de les atteindre. Mais votre premier soin doit présentement se tourner vers la famille, comme vous l'indiquez vous-mêmes dans votre programme. C'est une campagne urgente et, en même temps, riche d'espérances. Le peuple italien possède encore de puissantes forces religieuses et à un haut degré le vouloir et le sentiment catholique. Soutenues et guidées par cette pensée, ce doit être pour vous un honneur et une vive consolation de collaborer pour conserver et renforcer dans votre patrie la solide et austère vigueur de la famille.

Education chrétienne de la jeunesse.

Mais comment et par où commencer ? Vous l'avez déjà fixé dans vos intentions pour les prochains vingt-cinq ans. Il faudra commencer par l'éducation chrétienne de la jeunesse, qui est le fruit et la racine de la famille. Pouvons-nous différer davantage, dans l'attente incertaine que les forces saines de la nature et le progrès social aient trouvé un équilibre idéal entre l'antique forme de vie féminine et son extrême contraste actuel ?

Il faut, au contraire, travailler à assurer le mieux possible à la grandeur de la famille chrétienne et à ses éléments essentiels et toujours indispensables selon l'antique tradition catholique, leur force même dans les nouvelles conditions de vie. Suffit-il pour obtenir cela d'enseigner et d'expliquer aux jeunes mariés, à l'occasion de leurs noces, le sens et la dignité du mariage chrétien et les devoirs des époux catholiques ? Pour importants et efficaces que soient un tel ministère et un tel enseignement, ce n'est que quand les jeunes gens auront été en temps voulu formés et éduqués à la foi vive, à la pureté morale, à la domination de soi-même qu'ils en retireront un profond et durable profit.

Formation de la jeunesse.

a) A la foi vive.

D'abord formation à la foi, et à une foi vive. Nous donnons à ce mot un double sens. En premier lieu, le sens d'une foi consciente et sentie. Mais l'exercice de la foi et sa vigueur peuvent varier chez les hommes comme selon les temps et les diverses conditions de la société. Au temps de vos aïeux on était comme porté et entraîné par le large courant de vie religieuse à se montrer catholique et à agir ouvertement comme tel. Aujourd'hui, sinon en tous les pays et en toutes les régions — très spécialement dans cette Italie aux traditions catholiques profondes et nobles — du moins en beaucoup d'endroits, l'influence publique de la foi est affaiblie. Aussi convient-il que la jeunesse ne soit pas ignorante, mais pénétrée de sa foi, et sente fortement dans sa conscience la dignité d'être et de vivre catholique et puisse dire dans son âge mûr : Scio cui credidi, « je sais en qui j'ai mis ma foi » (2Tm 1,12).

Mais, de plus, la foi, principalement chez les jeunes, doit être vive, vive par l'espérance, vive par la charité au moyen de laquelle elle agit. C'est le second sens dans lequel nous prenons le mot foi. Qui se propose de mener une vie entièrement catholique doit être en état de grâce, adonné à la prière et en intime union avec le Christ. N'est-ce pas le souffle du Saint-Esprit qui ressuscite et ranime aujourd'hui sensiblement dans la chrétienté le zèle de la prière, et appelle et pousse les fidèles aux sources eucharistiques de la grâce qui purifient et maîtrisent le ferment des passions naissantes et alimentent les racines de toutes les vertus ? Que votre parole éducatrice soit donc une invitation, un stimulant, de façon que dès l'enfance les adolescents goûtent la pratique de la prière comme un délice du coeur qui jaillit d'un grave devoir quotidien.

b) A la pureté morale : dignité de la femme.

De la foi, si c'est une foi vive, procédera la pureté morale. Au sujet du mystère de la vie et de ses sources naturelles, il faut entraîner la jeunesse à de saintes pensées, rappelant que la vie est oeuvre du Créateur et considérant que le Christ a élevé le mariage à la dignité de sacrement et, par sa demeure dans le sein de la Vierge, a sanctifié la maternité et lui a conféré une si haute noblesse. De là vous pouvez déduire quelle doit être l'attitude forte, active, constante de la jeune fille catholique contre les publications et représentations où ne se trouvent qu'audacieuse sensualité, intrigues et violations de la fidélité conjugale, paroles équivoques, quand ce ne sont pas des scènes impudentes et provocantes. Pour s'opposer à de pareilles manifestations qui, au moins dans beaucoup de cas, sont en même temps une transgression des lois sages de l'Etat, il y a toujours une arme puissante : l'abstention absolue. Si déjà votre travail, votre apostolat auprès de la jeunesse, votre zèle et votre prudence obtenaient ce résultat, vous remporteriez une grande victoire qui couronnerait vos efforts pour la sauvegarde et la sainteté du mariage et donc pour le bien même de votre pays.

Eduquez donc la jeunesse féminine catholique dans cette haute et sainte dignité où gît une si forte et solide préservation de l'intégrité physique et spirituelle. Cette vertueuse et indomptable dignité et fierté est d'un grand prix pour l'esprit qui ne se laisse pas réduire en esclavage ; qui renforce la vigueur morale de la femme, laquelle dans son intégrité ne se donne qu'à son mari pour la fondation d'une famille ou à Dieu ; et qui voit son mérite et sa gloire dans la vocation surnaturelle et éternelle, comme saint Paul l'écrivait déjà aux premiers chrétiens : Empti estis pretio magno. Glorificate et portate Deum in corpore vestro, « vous avez été achetés à un prix très élevé. Glorifiez donc Dieu et portez-le dans votre corps » (1Co 6,20).

Dignité et liberté de la femme qui ne se fait jamais esclave, pas même de la mode ! C'est un sujet délicat, mais urgent, où votre action incessante se promettra d'heureux et bienfaisants succès. Cependant, votre zèle contre les vêtements et la tenue immodestes ne doit pas seulement être une réprobation, mais une édification, montrant pratiquement au monde féminin comment une jeune fille peut bien harmoniser dans sa toilette et son comportement les lois supérieures de la vertu avec les normes de l'hygiène et de l'élégance. Il faut espérer qu'une bonne partie des femmes italiennes, celles du moins, et elles sont nombreuses, qui se sont conservées saines de pensée et de coeur, ne tarderont pas et n'hésiteront pas à suivre votre exemple.

c) A la maîtrise de soi.

De la foi vive et de la pureté morale doit enfin naître et grandir cette maîtrise de soi que tant de bambins, de garçons, de fillettes, souvent des classes entières ou des instituts Nous ont montrée en diverses occasions, fièrement et à qui mieux mieux, en Nous offrant comme riche trésor spirituel leurs petits renoncements et mortifications, renoncements et mortifications que souvent ils racontaient avec des paroles de filiale affection. Leurs gestes Nous ont profondément ému. Ces enfants avaient appris d'une sage éducation chrétienne comment l'on combat et l'on se vainc soi-même dans les désirs, les inclinations, les appâts, conquérant la palme qui les confirme dans le progrès du bien et de la vertu, pour grandir, avec l'aide de la grâce qui ne leur fera jamais défaut, et se former un caractère franc et tenace de résolution et d'action qui les maintienne fidèles à Dieu, dévoués à l'Eglise, utiles à la patrie et à la famille. Non, on ne fait pas de grandes choses sans sacrifices. Les vils et les pusillanimes ne conquièrent pas le ciel. Saint Ambroise s'écrie avec raison : Non enim dormientibus divina beneficia, sed observantes deferentur, « les bienfaits divins seront donnés non à ceux qui dorment, mais à ceux qui sont vigilants » 3.

Un regard sur le passé et sur l'avenir.

Après ce programme d'éducation, jetez enfin, chères filles, un regard sur le passé et sur l'avenir. Dans votre passé, que voyez-vous ? Voici qu'un torrent de force, jaillissant pendant ces vingt-cinq ans d'intentions excellentes, de vouloir loyal, de généreux renoncement, de riche activité, de magnifiques succès, s'est déversé sur vous. De ce torrent, avec vos souvenirs, avec la vénération pour celles qui vous ont précédées et pour ce qu'elles ont fait, avec la fidélité à vos buts et à votre idéal, vous tirez votre robustesse et la fécondité de votre multiple et bienfaisante activité féminine. Cette activité se tourne et vous pousse vers l'avenir. Regardez sans crainte cet avenir si obscur et caché soit-il. Mais dans cette nuit, une chose resplendit en toute clarté : c'est la mission que vous avez à remplir. Que chacune de vous s'avance, en donnant l'exemple, et avec serviabilité accompagne et stimule les autres ! Toutes ne pourront sans doute pas tout, ni chacune n'opérera dans la même mesure et avec le

S. Ambroise, Exposit. in Lucam, 1. IV, n. 49 ; Migne, P. L., t. XV, col. 17)1.

même succès ; mais chacune d'entre vous possède cet art charmant et puissant qui arrive à conquérir les âmes à la bonne cause de Jésus-Christ.

Exhortation finale.

Allez donc, confiantes et joyeuses, allez votre chemin au nom du Seigneur ! Le Christ-Roi et la Vierge Immaculée sont avec vous. Confiance ! Le Christ a vaincu le monde. Qu'il daigne infuser dans vos coeurs, avec une surabondante plénitude, le réconfort, le courage, l'ardeur, l'espérance inébranlable de la victoire qui sont autant de dons resplendissants et vivifiants de sa triomphale Résurrection, qui doit nous tranquilliser d'autant plus que la tristesse des temps trouble et émeut davantage l'humanité en conflit. C'est dans cette confiance que Nous vous donnons avec une paternelle affection, comme gage d'abondantes faveurs célestes, la Bénédiction apostolique.


Pie XII 1943 - DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX