Pie XII 1943 - DISCOURS AUX TRAVAILLEURS D'ITALIE


LETTRE APOSTOLIQUE APPROUVANT LES CONSTITUTIONS REVISÉES DE LA CONGRÉGATION DE CASAMARI DE L'ORDRE CISTERCIEN

(13 juin 1943) 1

Comme, en vertu de la fonction du souverain pontificat dont Nous sommes revêtu par la bienveillance de Dieu, Nous sommes tenu de pourvoir au bien de toutes les associations et ordres religieux, c'est avec d'autant plus de zèle que Nous devons porter Notre attention sur ce qui concerne leur régime. Les familles religieuses, spécialement les familles monastiques suscitées par la Providence selon l'opportunité des temps pour la dignité et l'honneur de notre sainte Mère l'Eglise, resplendissent comme des luminaires par les monuments éclatants de leur piété et de leur travail. En observant avec soin et régularité leurs règles, elles donnent aux fidèles l'exemple des vertus chrétiennes. Les conditions primitives de leur fondation ayant changé, un nouveau Code de droit canon ayant été promulgué, la nécessité s'imposait d'adapter leurs règles et leurs constitutions et de mettre en conformité leurs propres règles monastiques avec les prescriptions du nouveau Droit. Afin de mieux répondre aux nécessités des temps modernes, les ordres religieux même les plus anciens ont eu à coeur de se mettre à l'oeuvre soit en supprimant ce qui était suranné, soit en adaptant d'autres points aux exigences du temps, soit en introduisant d'utiles innovations, ouvrant ainsi la porte au zèle et à l'activité de leurs membres pour établir un mode d'agir nouveau et plus adapté dans la culture du champ du Seigneur.

D'après le texte latin des A. A. S., 35, 1943, p. 390.
Histoire de la Congrégation de Casamari.

Parmi ces sociétés religieuses, vraiment digne de mémoire et de louange est la Congrégation de Casamari de l'ordre cistercien qui, selon la tradition tient son origine de saint Bernard de Clairvaux lui-même aux temps de Notre prédécesseur le pape Eugène III, lequel substitua dans le monastère de Casamari les frères cisterciens aux moines de l'ordre de Saint-Benoît qui, dès le début du XIe siècle, occupaient ce monastère enrichi entre-temps de privilèges et de précieuses indulgences. Au XIIIe siècle, l'ancien édifice souffrait de vétusté ; les cisterciens le reconstruisirent complètement dans le nouveau style gothique, dont maintenant encore il présente aux amateurs d'art un témoignage important dans la région du Latium. Mais la famille religieuse de Casamari donna à tous un exemple encore plus grand soit de sa fidélité à la vie monastique qu'elle eut à coeur de maintenir dans son intégrité et de relever de ses faiblesses, soit de sa soumission à l'égard du Saint-Siège qu'elle servit fidèlement dans les temps passés par l'oeuvre active et habile de ses religieux. Les troubles et les guerres causèrent à cet ordre de graves dommages et de lourdes pertes ; après avoir surmonté ces tourments et ces épreuves, avec l'aide de Dieu non seulement il parvint heureusement aux temps actuels, mais il se développa encore en établissant dans son monastère l'OEuvre pour les moines catholiques autochtones d'Ethiopie ou Abyssinie. Rien d'étonnant alors que Notre prédécesseur de récente mémoire, le pape Pie XI, ait érigé et constitué l'archi-monastère de Casamari avec ses maisons filiales en congrégation indépendante et que, dans ces derniers temps, les Constitutions de cette congrégation aient été approuvées déjà par le pape Pie IX le 7 décembre 1864, puis le 23 février 1872 et, par le pape Pie XI le 15 août 1929, et que maintenant, après qu'on y eût apporté, aux termes du Code de droit canon, les modifications exigées par les circonstances et les nécessités actuelles, elles aient été proposées à l'examen et au jugement de la Sacrée Congrégation des Religieux, pour en recevoir l'honneur d'une nouvelle approbation pontificale.

Voici la teneur de ces constitutions, dont un exemplaire en langue latine authentiqué par la dite Sacrée Congrégation est déposé dans ses registres : « Constitution de la Congrégation de Casamari du saint ordre cistercien ». Première partie : De l'institution et du régime de la Congrégation de Casamari, première abbaye ou archimonastère de Casamari et maisons régulières... (et les autres).

Répondant aux voeux de l'abbé de Casamari et de tous les mem-


CONGRÉGATION DE CASAMARI

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bres de cette congrégation, afin qu'ils remplissent leur ministère de salut sur cette terre avec des fruits plus abondants, après avoir pris l'avis de Notre cher Fils le cardinal de la Sainte Eglise romaine préfet de la Congrégation des Religieux, les avantages de la chose bien considérés, de Notre science certaine et après mûre délibération, dans la plénitude de Notre puissance apostolique, en vertu des présentes lettres, Nous approuvons pleinement les susdites Constitutions de la Congrégation de Casamari de l'ordre cistercien et Nous y ajoutons le poids de Notre sanction apostolique. C'est pourquoi Nous faisons le voeu que Dieu dans sa grande bienveillance conserve cette congrégation monastique et lui accorde ses faveurs afin que ses membres suivant la trace de leurs prédécesseurs et observateurs diligents des nouvelles constitutions recueillent des fruits abondants et dans leur avancement en sanctification et dans l'accomplissement du saint ministère des âmes. C'est ainsi que Nous l'établissons décidant que les présentes lettres soient et demeurent toujours fermes, valides et efficaces, qu'elles produisent et obtiennent leurs effets pleinement et intégralement et que dès maintenant et à l'avenir elles apportent le soutien le plus complet à cette Congrégation de Casamari ; ainsi en doit-il être jugé et défini ; et que dès maintenant soit nul et sans effet s'il arrivait que quelque chose soit attenté contre les présentes par qui que ce soit, par quelque autorité que ce soit, sciemment ou par ignorance.

Nonobstant Constitutions ou Ordonnances apostoliques et toute autre chose contraire.


LETTRE A MGR EUGÈNE MÉRIO DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L'OEUVRE DE LA SAINTE-ENFANCE

(13 juin 1943) 1

Dans cette lettre au directeur général de l'OEuvre de la Sainte-Enfance, le Saint-Père rappelle les encouragements donnés par les papes à cette belle oeuvre.

Parmi les oeuvres remarquables qui contribuent largement à propager la foi, émerge assurément l'OEuvre de la Sainte-Enfance, dont l'heureuse naissance à Paris remonte maintenant à un siècle 2. Cette oeuvre, en effet, se propose de susciter dans l'âme délicate des enfants avec un dévouement marqué à l'égard des petits païens malheureux, les saints désirs de l'apostolat.

Il est certes admirable de voir la compassion dont sont animés les jeunes innocents instruits du sort réservé à tant de petits êtres qui, dénués de tout, abandonnés par leurs parents et exposés à la mort, ressemblent à ces fleurs chétives qui s'étiolent prématurément et, de ce fait, se trouvent plongés dans une situation des plus critiques pour leur vie et leur salut éternel. Ces enfants chrétiens, d'un coeur généreux, répondent naturellement aux charmes de la charité et sacrifient bien volontiers leurs maigres économies, péniblement recueillies, pour racheter les corps des enfants des infidèles et aussi gagner leurs âmes à Jésus-Christ. De plus, en lisant avec avidité les histoires des missions ou en entendant raconter les vaillants exploits des hérauts de l'Evangile, ils apprennent à connaître la noblesse et la grandeur de l'apostolat sacré, puis, à mesure qu'ils croissent en âge et que les

1 D'après le texte français de la Documentation Catholique, du 7 juillet 1946, col. 681.

2 Le centenaire de l'OEuvre de la Sainte-Enfance tombait en 1943. En raison de la guerre, la célébration officielle de ce centenaire a été reportée après les hostilités. Elle a eu lieu à Paris, le 27 novembre 1947.

ressources le leur permettent, ils apportent une aide plus efficace et plus généreuse à la Propagation de la foi. Parfois même, l'exemple et les vertus des missionnaires les enthousiasment au point de leur faire découvrir en eux-mêmes les germes d'une vocation apostolique parmi les peuples infidèles.

Aussi, quel éloge attribuer à l'OEuvre de la Sainte-Enfance qui se révèle d'une si grande importance et d'une si haute valeur morale, quand on la considère soigneusement dans l'ensemble de ses heureux résultats !

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les Souverains Pontifes, au cours de ce siècle révolu, ont accordé à cette oeuvre leur bienveillance et leur appui. Tout d'abord, à son berceau, Grégoire XVI lui a été très favorable. Pie IX, par sa lettre en date du 18 juillet 1856, sous forme de bref : Quum aetate qualibet, l'approuvait et exhortait les évéques du monde entier à l'établir et à la développer dans leurs diocèses. Léon XIII concéda maints privilèges à ses associés. Pie XI daigna l'élever au rang des oeuvres pontificales. Nous-même n'avons cessé d'aimer cette oeuvre, toute d'humanité et de charité ; élevé à la dignité cardinalice, Nous en étions le protecteur. Investi par la suite des fonctions de légat pontifical aux fêtes solennelles de Lisieux, en l'an 1937, c'est avec la plus grande joie que Nous avons visité son siège central, à Paris. Nous sommes particulièrement heureux de saisir l'occasion de son centenaire pour féliciter cordialement l'OEuvre de la Sainte-Enfance de ses travaux féconds et constants, et tous ceux, autant qu'ils sont, qui, par leur zèle et leur concours à la soutenir ou à la développer, se sont montrés dignes d'une estime bien méritée. Ainsi Nous gardons pleine confiance que tous ceux qui s'honorent du nom de catholiques, encouragés par les solennités de ce centenaire, ne manqueront pas à ce devoir de bienfaisance qui Nous tient tant à coeur, qu'ils ne supporteront pas de voir tant de bébés païens privés du bienfait de la régénération chrétienne, mais qu'ils travailleront avec zèle et persévérance pour qu'un plus grand nombre encore, purifiés par le saint baptême, grandissent, avec l'aide de Dieu, dans le sein de l'Eglise, ou, en danger de mort, soient susceptibles de jouir de l'éternelle félicité.

En attendant, comme messagère et dispensatrice des dons célestes, et aussi comme gage de Notre particulier attachement, Nous vous accordons très affectueusement dans le Seigneur la Bénédiction apostolique, à vous, Notre cher fils, à vos collaborateurs, ainsi qu'à tous les directeurs particuliers et aux associés de l'OEuvre de la Sainte-Enfance.


DISCOURS A L'ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE ET MINISTRE PLÉNIPOTENTIAIRE DE FINLANDE

(26 juin 1943) 1

En réponse à l'adresse du nouvel envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de Finlande, S. Exe. M. Harry Holma, venu lui présenter ses lettres de créance, le Souverain Pontife a prononcé l'allocution suivante :

Une année à peine s'est écoulée depuis le rétablissement des relations officielles entre le Saint-Siège et la République de Finlande : ce laps de temps si court, mais si plein de graves événements, a pourtant suffi pour porter ces relations à un degré élevé de mutuelle compréhension et de confiance réciproque. Dans Notre joie de constater ce fait, également avantageux pour l'Eglise et pour l'Etat, Nous ne voudrions pas laisser passer l'occasion que Nous offre la solennelle inauguration de votre haute et importante charge d'envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire, sans en exprimer Notre intime satisfaction et sans donner aux voeux de bienvenue que Nous adressons à Votre Excellence, une empreinte de cordialité qui corresponde aux rapports heureusement existants entre les deux puissances.

En Nous manifestant par votre intermédiaire son adhésion à Nos efforts incessants, en vue de la restauration de la félicité du monde sur ses véritables bases qui, posées par le Créateur lui-même, demeurent immuables en dépit de la variété des formes et des organisations sociales, S. Exc. M. le président de la République a usé de termes qui Nous ont vivement réjoui. Nous trouvons, en effet, dans ses paroles une preuve que les yeux des gouvernants, qui veillent aux destinées de la noble nation finlandaise au milieu

1 D'après le texte français des A. A. S., 35, 1943, p. 256.


ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE DE FINLANDE

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des difficultés actuelles et sous le lourd fardeau des responsabilités, tiennent leur regard fixé sur les problèmes moraux essentiels dont la solution marque le premier pas vers le salut des individus, des peuples et de la communauté des nations.

Ces principes, brillant comme l'étoile polaire dans la nuit ténébreuse des événements présents, révèlent aux peuples errants et désorientés les desseins de l'Eternel ; de leur claire intelligence, de la résolution de les traduire dans la pratique en vue de l'avenir prochain, dépendra en dernière analyse que le démon de la discorde, aujourd'hui souverain, cède la place à l'ange de la concorde sincère et de la bienfaisante fraternité.

Nous avons tout particulièrement apprécié, dans la déclaration du chef de l'Etat finlandais, le fait, souligné en son nom par Votre Excellence, que l'activité déployée par le Saint-Siège pour la cause de la paix et la prospérité de tous les peuples rencontre l'unanime assentiment de la nation. La chaleureuse émotion qui anime tout spécialement cette partie de votre discours Nous est le témoignage du sens moral, sérieux et délicat, avec lequel votre peuple reconnaît et veut mettre en vigueur ces lois, ces valeurs spirituelles, fruit précieux de la conception chrétienne de la vie.

Nous faisons les voeux les plus ardents pour que, au terme de la lutte gigantesque, source d'indicibles douleurs pour le coeur de tant de ses fils, la nation finlandaise, après avoir, dans sa longue et souvent pénible marche au cours des siècles, surmonté toutes les difficultés, tous les obstacles, se trouve enfin en présence d'une conscience mondiale qui, instruite par l'expérience des erreurs passées, aspire uniquement à la paix fondée sur les principes éternels d'une justice franche et loyale, résolue à réagir contre le mensonge et la funeste primauté de la force, à user d'une même mesure pour le respect des droits d'autrui et pour la revendication de son propre droit.

L'avènement et la préparation d'une telle disposition des esprits fait l'objet de Nos continuelles préoccupations. C'est dans cette atmosphère sereine que, tout à la fois, les nécessités de l'espace vital et les exigences des relations de bon voisinage vaudront également pour les grands et pour les petits, pour les forts et pour les faibles. La conquête spirituelle de cette saine conception juridique, purifiée de toute trace des instincts indomptés de la violence et du lucre, doit d'abord et avant tout mûrir à l'intérieur d'un peuple pour qu'il puisse ensuite espérer voir, au-delà de ses frontières, les coeurs accueillir ce message élevé et salutaire, mais qui exige des sacrifices.

Avec la confiance que la bénédiction du ciel ne manquera pas à l'effort tendu vers un idéal si haut et si difficile à atteindre, Nous répondons de tout coeur par Nos propres voeux à ceux que S. Exc. M. le président de la République Nous a exprimés pour Notre personne et pour l'exercice de Notre charge apostolique, et Nous invoquons la protection du Tout-Puissant sur toutes les classes de la nation finlandaise et d'une manière particulière sur la jeunesse, sur tous ceux qui ont leur part plus grande dans les douleurs et les sacrifices de cette guerre.

Quant à vous, Monsieur le ministre, soyez bien assuré que dans l'accomplissement de votre haute mission, vous trouverez auprès de Nous toute la compréhension, la bienveillance et le concours empressé qu'est en droit d'attendre le très digne et docte représentant d'une nation si noble, si éprouvée et si chère à Notre coeur.



ALLOCUTION AU COMITÉ NATIONAL ITALIEN A L'OCCASION DU JUBILÉ ÉPISCOPAL DU SOUVERAIN PONTIFE

(4 juillet 1943) 1

Un Comité national s'êtant constitué en Italie pour faire célébrer par des prières le XXVe anniversaire de la consécration episcopale du pape et lui ayant offert un volume portant l'hommage de plus de deux cents écrivains et artistes italiens, le Saint-Père a répondu aux membres de ce Comité qui le lui ont présenté par l'allocution suivante :

La gratitude du pape pour l'action du Comité et du peuple italien.

Si, toujours ému et reconnaissant, Nous exprimons Notre contentement pour les visites que Nous rendent avec une filiale dévotion les multiples groupes de fidèles, en ce jour et à cette heure, du fond de Notre coeur monte plus vive et plus grande Notre allégresse, car elle jaillit du souvenir, ineffaçable comme le caractère sacerdotal, de Notre consécration episcopale, souvenir qui résume dans Notre esprit toute Notre vie et toutes les circonstances qui l'ont accompagnée. Le très méritant Comité national italien, dont vous, Vénérables Frères et chers fils, avez fait partie, a voulu pénétrer dans les profondeurs de Notre coeur et triompher du silence dans lequel Nous eussions aimé cacher les sentiments de Notre âme en méditant la grandeur et la miséricorde de Dieu envers Nous. Comment donc pourrions-Nous ne pas saluer avec une satisfaction et une gratitude particulières ceux qui, réunis ici autour de Nous et conduits par le vénérable cardinal doyen du Sacré Collège, c'est-à-dire la présidence et les membres du Comité qui, en des temps difficiles, a fait preuve de tant d'initiative et d'activité qu'il a obtenu en Italie un très large concours dans ses efforts pour aviver le respect envers la Chaire de Pierre, pour préparer l'érection d'un temple à Notre saint prédécesseur et patron, Eugène Ier, pour publier un volume unissant harmonieusement l'art, la science et la religion. M. le cardinal Lavitrano, président du Comité, dans son dévot et très noble message, a parlé éloquemment de ces preuves d'affection pour Nous et d'exaltation de l'Eglise. Oh ! pourquoi n'est-il pas présent ? Son éclatante et courageuse sollicitude pour le peuple confié à ses soins l'a retenu dans son archidiocèse où, pasteur infatigable, il réconforte son troupeau si durement frappé et éprouvé. Cependant, même loin d'ici, il met un sceau à la clôture de l'année qui rappelle la plénitude de Notre sacerdoce ; il est présent au milieu de nous par son esprit, tandis qu'il interprète ouvertement la pensée, les aspirations, les vifs désirs du peuple catholique italien.

L'année qui vient de s'écouler Nous élève vers Dieu, et, comme dans une vision, Nous fait contempler, au milieu des tempêtes des événements humains, une source abondante de faveurs célestes et de biens surnaturels, d'autant plus appropriés aux besoins actuels et d'autant plus implorés du ciel que les âmes ont été plus oppressées par toutes sortes d'angoisses et de souffrances.

Devant cette vision, Nous faisons, d'une part, monter un cantique de reconnaissance pour l'infinie libéralité et la providentielle générosité du Seigneur qui ne permet pas que la tribulation dépasse nos forces, mais veut que nous retirions de la tentation un profit spirituel ; d'autre part, Nous vous adressons, à vous, membres du Comité national, et à vos collaborateurs, un merci affectueux et paternel, et Nous vous félicitons pour la multiple et filiale activité, l'entier dévouement, l'entente fraternelle avec lesquels vous vous êtes consacrés, suivant Notre intention, à faire de cette année un annum placabilem (cf. Isaïe, lxi, 2), une année de réveil et de renouveau religieux, de purification et d'élévation spirituelle. Destinée à apaiser la justice divine, une telle année ne devait pas s'écouler en des choses extérieures, en des manifestations publiques de joie ou de sentiments que d'autres années tranquilles auraient permises, mais elle voulait être une année de perfection toute intérieure, toute pénétrée de la grâce de Dieu et soutenue par lui, de sorte que le progrès spirituel du peuple apparût dans l'exercice de la piété, de la vertu, de la charité envers le prochain, de l'union avec Dieu et avec l'Eglise.

Notre prière a été exaucée.

De mille manières se sont manifestées une noblesse de sentiments et une générosité pratique, qui ont fait mûrir des fruits bienfaisants dans d'innombrables coeurs, à commencer par la Ville éternelle jusqu'à la localité la plus reculée du monde catholique ; avec une véhémence inaccoutumée, l'Esprit-Saint a fait sentir l'ardeur et le feu de l'amour et de la ferveur en tous lieux, à telle enseigne que les oeuvres entreprises et poursuivies ont été si nombreuses que Nous pouvons faire Nôtres, dans un sens différent, en exaltant la bonté du Seigneur, les paroles suivantes : In nationes gratia Spiritus Sancti effusa est (Ac 10,45).

Bienfaits de cette année jubilaire pour l'Italie.

Au milieu des nations, l'Italie tant aimée de Nous à cause de sa foi qui n'a jamais failli à travers les siècles depuis la venue de Pierre à Rome a, malgré les difficultés de l'heure présente, donné l'impulsion à de très hautes ascensions de pensées et d'actes vertueux. Les innombrables manifestations de foi prête à toutes les épreuves, de tendre amour jaillissant des sources les plus profondes du coeur, de confiance, que la dureté des temps, loin d'affaiblir, a plutôt revigorée et affermie, vous les avez non seulement enregistrées et consignées dans les actes du Comité central, mais encore imprimées et gravées d'une façon indélébile dans Notre âme. Cette dernière exulte à la pensée qu'une aussi fervente rénovation spirituelle a ranimé tant de coeurs dans toutes les régions de la péninsule, des Alpes jusqu'à la mer qui l'entoure, des demeures des riches aux chaumières des pauvres, et, dans une magnifique harmonie, a fait renaître et dominer, au-dessus de toutes les diversités de classes et de rang, le rythme mélodique d'un amour qui s'adressait à la Chaire de Pierre avec une impétuosité semblable à celle des ondes écumantes qui se hâtent et courent, pour venir enfin se reposer sur le rivage.

En cette année, plus qu'en tout autre temps, Nous avons expérimenté combien l'Italie catholique maintient vivants et puissants les liens sacrés qui l'attachent au rocher de Pierre et à Celui qui a la mission de garder et de faire prospérer son saint héritage. Ces liens ne viennent pas de la terre, mais du ciel, de cette foi, de cette espérance et de cette charité qui l'enlacent au Christ et à l'Eglise. N'avez-vous pas vu comment, parmi les meilleurs de ce peuple, membres de l'épiscopat, du clergé et du laïcat catholique, éminents personnages, artistes et savants remarquables dont les noms célèbres et

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vantés franchissent les frontières nationales, ne connaissent pas de plus noble gloire que celle de joindre, dans une unité compacte et indissoluble, l'attachement à leur peuple avec la providentielle mission confiée à Rome d'être le Siège de la Chaire de Pierre, le centre vital de l'Eglise universelle ?

La Rome chrétienne.

Qui ne revoit aussi ici, à Rome, l'admirable scène du Christ ressuscité apparu sur les rives du lac de Genesareth, qui accomplit la promesse faite à Pierre d'édifier sur lui son Eglise et, en présence des autres disciples, le crée Pasteur des agneaux et des brebis ? (Jean, xxi, 15-17.) En vertu d'un conseil divin, l'Apôtre a fait de Rome le dernier terme de ses fatigues et de son martyre ; il y a apporté la croix qui devait se dresser sur le Capitole, à la place de l'aigle romaine, comme une aigle nouvelle à la conquête impérissable. La croix, aux bras étendus comme deux ailes, porte une inscription renfermant un nom qui triomphe et triomphera de toute l'histoire du genre humain pour entrer glorieux dans l'éternité. Après que la barque de Pierre eût fait voile vers la ville, alors maîtresse et dominatrice du monde entier, on assista à des événements singulièrement mystérieux ; à la victoire fulgurante de la croix sur le sceptre des Césars ; à la silencieuse germination de la semence chrétienne qui transforma les consciences, les arrachant aux conceptions païennes et les tournant vers les règles surnaturelles de l'Evangile ; à la naissance d'une nouvelle Rome qui, envoyant ses apôtres annoncer à toutes les nations la parole du salut, reconstruisait un empire indestructible, gardait jalousement et répandait parmi les futures générations tout ce qu'il y avait de noble et de grand dans la tradition de la Rome ancienne.

Témoignage de l'attachement des catholiques italiens au Saint-Siège.

Aussi, vous comprendrez quelle consolation — pour laquelle Nous remercions avec émotion le Seigneur qui dirige et illumine les coeurs — ce fut pour Nous de voir comment la pensée intime, l'amour et la fidélité concernant la mission de l'Eglise sont profondément imprimés dans l'âme des catholiques italiens. Ils ont atteint un tel degré de conviction et d'ardeur qu'on peut les comparer avec ceux de toute autre époque de l'histoire. Ceux qui sont accoutumés a regarder, par-delà les apparences, jusqu'au fond des choses, verront sans peine dans ce réveil de dévotion plus sentie et plus intense envers l'Epouse du Christ une attitude singulièrement bienveillante de la divine Providence, tandis que de plus en plus se révèlent dans le monde la caducité des puissances et des institutions purement terrestres ainsi que l'inefficacité des interventions et des moyens humains pour la communauté civile elle-même.

Nous sommes heureux de constater une preuve manifeste de ces sentiments dans l'album — qu'on Nous a remis tout récemment — qui contient les dévots messages de magistrats et d'autorités diverses, non moins que dans la large contribution apportée à la souscription pour la construction de l'église Saint-Eugène, contribution à laquelle riches et pauvres, rivalisant noblement en générosité et en amour, ont voulu participer. La pierre fondamentale de cette église, bénie par Nous sur le tombeau du premier pape, provient des mystérieuses profondeurs des grottes vaticanes ; elle a été extraite de l'antique basilique constantinienne dans les vénérables nefs de laquelle s'avançait la majestueuse et pieuse figure d'Eugène Ier. Par l'inscription qui y est gravée, elle prêche aux générations d'aujourd'hui et de l'avenir l'indissoluble continuité spirituelle entre le passé et le présent ; basée sur l'inébranlable fondement des apôtres, elle exhorte à demeurer fidèles, à veiller, à lutter ; elle promet de nouvelles victoires et de nouvelles couronnes comme récompense d'épreuves et de souffrances courageusement supportées.

Le volume, souvenir du jubilé épiscopal.

Cependant, un témoignage hautement précieux de 'l'attachement profond au premier siège Nous est fourni par le volume, magnifique aussi par sa typographie, qu'on vient de Nous présenter, dans lequel la science, l'art et le travail s'unissent à la religion comme dans un hymne solennel de foi et où triomphent la splendeur de la vérité chrétienne et la majesté de la sagesse humaine. Nous exprimons à leurs auteurs Nos compliments bien mérités en même temps que Notre estime et Nos remerciements. Un seul coup d'oeil rapide que Nous avons pu jeter ici même sur le contenu du volume qui commence par le chapitre Tu es Petrus et finit par celui relatif à la mission universelle de l'Eglise, Nous a permis d'apprécier la grande valeur du don, précieux monument érigé par l'esprit et par le coeur d'un groupe choisi d'illustres collaborateurs, monument auquel le prestige de la profession, la hauteur de la pensée et la splendeur de l'art ajoutent une autorité et une beauté singulières. Ni le libre choix des sujets ni le franc exposé des propres convictions n'ont jamais diminué la vivacité de la foi et la flamme de l'amour pour la Sainte Eglise apostolique romaine, foi et amour qui, rayonnant de l'abondante et multiple matière traitée dans le volume, éclaireront ceux qui le parcoureront d'un oeil loyal et sans préjugés et qui, rappelant leurs souvenirs, compareront les temps troublés encore proches avec les nouveaux courants d'aujourd'hui 3.

Nous serons heureux de lire tout le volume et Notre satisfaction s'accroîtra en entendant résonner l'écho de l'antique et constante tradition de l'âme italienne ; tradition renforcée et enracinée immuablement au milieu des divers événements au cours des siècles denses d'histoire et de faits ; tradition défendue et maintenue contre toutes les embûches, les perfidies et les assauts par lesquels on tentait d'ébranler la fermeté commune et l'unité de la foi. Ces pages aviveront en Nous la confiance que la réaffirmation d'aujourd'hui d'adhésion et d'attachement au fondement et à la colonne de la vérité, qui se dresse à Rome à l'instar d'un phare qui éclaire le monde, sera le soutien et le rempart efficaces contre les mensonges qu'on pourrait inventer et les luttes qu'on viendrait à attiser au préjudice de son divin patrimoine.

Mission de l'Eglise dans le monde de demain.

N'est-il pas vrai que l'Eglise et l'univers tout entier sont dans les mains de Dieu qui gouverne tout ? C'est seulement en s'élevant au-dessus des perturbations de la sphère terrestre et des contestations humaines et en fixant le regard sur Dieu, qu'il est possible d'assurer l'harmonie et la tranquillité des peuples et des nations, d'établir et de consolider la grandeur et la prospérité des sociétés politiques, profondément attachées et indissolublement liées à la civilisation qui tire son nom du Christ, Rédempteur du genre humain et rénovateur de la vie sociale : civilisation qui a son centre à Rome et dont ont vécu l'Europe et une très grande partie du monde. Protégé par ce rempart spirituel, éduqué suivant la conception de la séculaire sagesse romaine et chrétienne, en sûreté et sans crainte dans cette forteresse commandée et défendue par de généreux esprits et des coeurs vaillants,

3 Le volume, édité par les soins du Comité national italien pour commémorer le XXVe anniversaire de la consécration episcopale de Pie XII, est un livre de 418 pages in-folio. C'est l'hommage de plus de 200 écrivains et artistes italiens au pape pour cet anniversaire. (Voir l'Osservatore Romano, 5-6 juillet 1943).

le peuple italien revivra le zèle ardent des premiers siècles de l'Eglise et saura se préserver de toute contamination et de toute erreur.

Quand la tempête et la bourrasque qui sévissent aujourd'hui sur les océans et les continents s'apaiseront et se calmeront sous la main de Dieu qui fait tourner en bien le mal lui-même, alors comme tous les peuples, le peuple italien lui aussi sentira le besoin d'une lumière supérieure qui l'éclairé sur l'ensemble des grands devoirs devant lesquels il se trouvera, devoirs qui requerront limpidité de pensée, pureté de conception morale et juridique, amour et entente fraternelle, pardon et oubli des offenses.

L'Eglise, gardienne de la justice et de la paix non seulement entre les peuples mais encore entre les classes d'un même peuple, partout où elle en aura la possibilité, exercera sa mission surnaturelle de messagère de vérité, de tutrice des normes du droit, de protectrice de la sainte discipline et de l'honnêteté morale, d'éducatrice sage et maternelle de la jeunesse, de promotrice de la concorde au sein de la communauté sociale, de courageuse promulgatrice d'une conception de vie consciente et responsable de ses propres devoirs. Vous verrez alors croître des générations de jeunes gens et d'hommes qui ne craignent pas les épreuves, à l'héroïque valeur desquels la patrie n'hésitera pas à faire appel dans les temps sereins et tranquilles comme aux jours sombres et orageux pour le pays.

Sentiments de reconnaissance, prières et voeux du Souverain Pontife.

Ces considérations vous font comprendre combien les souvenirs que vous avez ravivés en Notre âme sont pour Nous un réconfort qui Nous élève jusqu'à la bonté de Dieu. Quant à Nous, du fond du coeur, Nous vous en sommes reconnaissant et Nous embrassons en vous le peuple italien de toutes les régions. Ce que vous avez dit, ce que vous avez fait restera non seulement dans Nos plus douces pensées, mais encore en vous, qui apporterez aux diverses classes sociales l'assurance de Notre gratitude et vous continuerez dans cette efficace activité de foi, de charité, de secours qui, en Italie aussi, s'exerce au milieu de tant de souffrances et de consolations.

L'an qui vient de s'écouler a été réellement un annus placabilis, un an de bienveillance et de grâces divines. Oh ! puisse-t-il apaiser vraiment la justice de Dieu ! Que les bonnes oeuvres accomplies par vous, que la ferveur religieuse réveillée, que la sainte émulation de vie spirituelle, même dans la douleur et dans les larmes, montent jusqu'au trône du Très-Haut ; qu'elles ouvrent les trésors de ses faveurs et de ses bénédictions ; qu'elles ramènent aux sentiments et à la pratique de la foi ceux qui en sont encore éloignés ; que là où régnent la désolation et la ruine elles fassent reparaître le soulagement et la sérénité de la paix ; que là où les pleurs ne cessent de couler survienne la résignation qui tranquillise ; que là où il y a l'espérance s'ajoute la joie de la réalisation ; que là où la charité se multiplie sous mille formes l'abondance de la récompense divine lui tresse les couronnes méritées.

En formant le souhait qu'à vous, avant-garde spirituelle d'un peuple conscient de sa tradition religieuse, il soit bientôt accordé de vivre et d'agir dans une atmosphère de paix, conforme aux principes de l'humanité, de la justice et de la fraternité, Nous vous donnons, avec un profond amour paternel, Vénérables Frères et chers fils, ainsi qu'au peuple italien tout entier, et surtout à ceux qui, par suite des épreuves croissantes de la guerre et des souffrances qu'elle cause, ont un titre particulier à Notre sollicitude et à Notre tendre et bienfaisante compassion, la Bénédiction apostolique.


Pie XII 1943 - DISCOURS AUX TRAVAILLEURS D'ITALIE