Pie XII 1943 - RADIOMESSAGE AUX FIDÈLES DU PÉROU


LETTRE DÉCRÉTALE PROMULGUANT LA CANONISATION DE SAINTE MARGUERITE DE HONGRIE

(19 novembre 1943) 1

Parmi les charges les plus importantes qu'en vertu du ministère apostolique qui Nous a été confié quoique sans mérite Nous avons à remplir, il n'en est sans doute pas de plus grave ni de plus douce et qui ne Nous donne plus de consolation au milieu des nombreux soucis et des anxiétés qui Nous accablent que de décerner les honneurs suprêmes de culte à ces fidèles qui, durant leur vie, ont brillé en tout genre de vertus jusqu'à la perfection, qui, surtout après leur mort, ont resplendi de l'éclat des miracles obtenus du Dieu Tout-Puissant par leur intercession et qui ont ainsi mérité à juste titre une renommée constante de sainteté. C'est ce que les Pontifes romains, sous l'inspiration du Saint-Esprit, ont accompli jusqu'aux temps actuels à l'applaudissement de tout le monde catholique avec d'autant plus de sollicitude et plus fréquemment que le peuple chrétien paraissait avoir besoin de plus nombreux intercesseurs auprès de Dieu et de plus éclatants exemples de vertu.

C'est à bon droit que Nous estimons juste d'inscrire parmi eux cette bienheureuse vierge, gloire de la catholique nation de Hongrie, Marguerite, fille du roi Béla IV, moniale de l'insigne ordre de saint Dominique. Son culte jouissant d'une antique possession, les historiens dignes de foi témoignant unanimement de ses vertus héroïques et de ses miracles et la renommée de ses miracles se maintenant, elle paraît être digne d'être proclamée sainte par Notre sentence suprême et inscrite au catalogue des saints bien que ce ne soit pas par une canonisation solennelle et en forme habituelle.

Enfance de sainte Marguerite.

Marguerite naquit dans la famille royale de Hongrie des Arpads, qui à elle seule et dans le même XIIIe siècle a donné naissance pour l'Eglise de Dieu à quatre autres femmes d'une sainteté de vie admirable : sainte Elisabeth, inscrite au nombre des saints en l'an 1235 par Notre prédécesseur d'heureuse mémoire Grégoire IX, la bienheureuse Agnès de Prague, sa cousine, et les filles du roi Béla IV, Cunégonde et Yolande, dont le culte a été confirmé par le Siège apostolique.

C'est vers l'an 1242, alors que les Tartares, sous la conduite de leur chef Batou, dévastaient par le fer et le feu la Pologne et la Pannonie et que la Hongrie, arrosée du sang de tant de chrétiens, subissait les plus sauvages dévastations, que naquit la bienheureuse Marguerite de pieux parents, Béla IV roi de Hongrie et la reine Marie Lascaris, réfugiés alors dans une forteresse dalmate. Dès la conception de l'enfant, ses parents l'avaient consacrée à Dieu, pour le cas où ce serait une fille, comme une offrande pieuse pour la libération du royaume et pour leur salut ; leurs prières et leurs voeux furent exaucés ; car, la paix s'étant rétablie subitement, ils purent regagner Buda avec la nouveau-née Marguerite. Son excellente mère, se souvenant de leur promesse et de la faveur reçue, conduisit sa fille, ange tutélaire du royaume paternel dès le sein de sa mère, avant même l'âge de quatre ans au monastère des religieuses de Veszprim de sainte Catherine, vierge et martyre de l'ordre de saint Dominique afin de la former aux habitudes régulières dès son jeune âge et pour mieux servir Dieu. Devenue de coeur disciple de la Croix, ayant totalement perdu de vue la maison royale, Marguerite brilla tellement par sa docilité et son obéissance, que les moniales l'avaient dans la plus grande affection ; elle pratiquait, d'une manière au-dessus de son âge, une piété angélique envers Jésus-Christ et la Vierge Mère de Dieu ; elle se fit aussi remarquer par la simplicité de ses moeurs et par la candeur de son caractère ; et elle mérita que le Roi des rois voulût l'avoir en sa présence sans retard.

A peine âgée de cinq ans, elle voulut comme les autres soeurs recevoir la discipline, jeûner et porter le cilice. C'est pourquoi son père, ayant assuré la protection de son royaume contre les incursions des Tartares, dans le but d'attirer avec plus de sécurité et d'efficacité le secours divin sur lui-même et son royaume, fit édifier dans une île du Danube appelée auparavant île des Lièvres, maintenant de Sainte-Marguerite, un monastère en l'honneur de la bienheureuse Vierge

Marie. Il y fit installer de pieuses vierges qui devaient comme des hosties vivantes se vouer à Dieu seul et chanter ses louanges et les louanges de la Mère de Dieu ; il y fit entrer aussi sa fille Marguerite qu'il aimait entre tous ses enfants d'une affection d'autant plus tendre qu'il voyait en elle les signes les plus sûrs d'une vie pieuse agréable à Dieu.

Son entrée dans la vie religieuse.

Entre-temps, cette sainte jeune fille qui semblait avoir fait siennes les paroles de l'Apôtre : « J'estime que tout est méprisable hors la science éminente de mon Seigneur Jésus-Christ et c'est pour lui que j'ai tout méprisé et que je considère tout comme de vils objets, afin de pouvoir gagner le Christ » ayant refusé un honnête mariage avec un prince de Pologne, prononça à l'âge de douze ans ses voeux solennels devant le Maître général de l'ordre Humbert. Ottokar, roi de Bohême, la demanda aussi en mariage. Pour écarter toutes ces instances importunes et afin de conserver de toutes ses forces intacte la foi donnée au divin Epoux, elle voulut manifester publiquement qu'elle était l'épouse du Christ et elle demanda avec force qu'on lui imposât le voile sacré ; c'est avec la plus grande joie qu'elle le reçut au tombeau de sainte Elisabeth sa tante, le 14 juin 1261, des mains de l'archevêque d'Esztergon, assisté des évêques de Vacz et de Neutra et de nombreux ecclésiastiques. Ainsi consacrée à l'Epoux des vierges, elle chercha sans répit à se rendre semblable au Roi des martyrs par le mépris d'elle-même et du monde et par la mortification de la chair. Toujours revêtue des vêtements les plus simples, recherchant les charges les plus humbles, elle faisait ses délices de balayer la maison, nettoyer les ordures, préparer les aliments, se charger de pesants fardeaux. Alors que les autres craignaient la contagion, elle se mettait au service des soeurs et même des servantes malades avec une telle charité et un tel désir d'abaissement qu'elle arrivait à se charger elle seule de tous les services les plus pénibles et les plus humbles.

Ses vertus.

Ne tenant aucun compte de ses mains qui souffraient du froid, les coudes et les genoux enflés et blessés par le long contact avec le sol, son corps déjà affaibli par les jeûnes fréquents, elle le torturait encore plus violemment par le cilice, la flagellation et les nuits de veille, surtout les vendredis et la veille des jours de fête du Seigneur et de la Mère de Dieu, et durant la quinzaine précédant le mystère de la Passion et brûlait du désir du martyre. Elle priait partout et presque sans interruption, répandant son coeur de préférence et plusieurs heures par jour devant le Christ Jésus caché sous les voiles eucharistiques ou sur la croix, ajoutant fréquemment à l'office divin prescrit le psautier entier, des prières à Dieu le Père ou au Saint-Esprit, ou des Ave à la Vierge Mère de Dieu qui lui était si chère. La tradition rapporte qu'elle pratiqua toutes les vertus avec application principalement les vertus théologales à un degré héroïque et qu'elle persévéra dans leur pratique jusqu'à la mort avec tant de fidélité que pour tous elle était le plus vivant encouragement à la vertu.

La vertu de Marguerite brilla encore davantage lors de la violente guerre qui éclata entre son père le roi Béla IV et son frère Etienne pour le gouvernement du royaume et la succession au trône, guerre qui dura environ quatre ans, pendant laquelle « tout ordre de justice étant confondu et toute crainte de Dieu mise de côté aussi bien par les évêques que par les barons, plusieurs milliers d'innocents périrent victimes de ces iniquités ». Une si funeste calamité crucifia tellement l'âme de Marguerite que les larmes devinrent son pain quotidien : elle voyait en effet sa famille paternelle si violemment déchirée par les jalousies et les querelles, le peuple en péril opprimé sans distinction de sexe ni d'âge, la sainte Eglise elle-même, non seulement dans ce royaume, mais aussi dans toutes les parties de la chrétienté, foulée aux pieds et déchirée par la tyrannie, les cloîtres et les monastères déserts et dans la désolation, tout droit divin et humain mêlés injustement. Afin d'apaiser la colère du Dieu Tout-Puissant et d'attirer la clémence divine sur son peuple, Marguerite « versait des larmes encore plus abondantes et, vêtue du cilice, macérait son corps par des jeûnes, comme si elle voulait pleurer les péchés de tous ceux qui agissaient si indignement envers Dieu ; déplorant les malheurs qui frappent les opprimés, tout entière plongée dans la prière, elle insistait auprès de Dieu pour que par la droite de sa puissance soit arrêtée et réprimée la puissance des méchants et que le Seigneur Jésus-Christ prenne la défense des innocents et de sa sainte Eglise, rachetée par son Précieux Sang ».

Mais Marguerite ne restreignit pas son action à ses prières instantes et à une dure pénitence. Elle n'hésita pas à reprocher ouvertement leur iniquité à qui que ce soit, fût-il revêtu de la plus haute autorité ou dignité ; aussi attira-t-elle sur elle la colère du roi son père, négligeant la flatterie elle accepta de subir sa persécution ; elle n'en eut aucune crainte et la supporta avec intrépidité sans cesser de reprocher aux hommes leurs iniquités tout en cherchant à pacifier les esprits des adversaires.

Les prières qu'elle répandit avec tant d'abondance vers Dieu, jointes aux macérations qu'elle fit subir à son corps virginal furent enfin exaucées par le Très-Haut ; la paix fut rétablie entre le père et le fils et solennellement sanctionnée dans l'île des Lièvres, dans le monastère même sanctifié par Marguerite, en l'an du Seigneur 1266.

Pour assurer de plus en plus la tranquillité de son royaume, le roi Béla pensa unir sa famille par une alliance avec le comte Charles d'Anjou devenu roi de Naples en 1266. Dans ce but, il proposa à sa fille Marguerite de l'épouser, ajoutant qu'il se faisait fort d'obtenir du pape Clément IV la dispense des voeux de religion. Marguerite refusa net ces noces, les troisièmes qu'on lui proposait, répondant librement qu'elle voulait conserver sa virginité au Seigneur Jésus-Christ. Le divin Epoux toujours fidèle et plus généreux, qui s'était fait une demeure agréable dans le coeur de sa servante, la combla abondamment des dons célestes, l'associa à sa Passion et lui fit partager sa consolation et sa puissance durant sa vie comme après sa mort.

On rapporte d'elle en effet que dès son enfance elle avait le don de prophétie, que pendant le saint sacrifice elle était coutumière de l'extase, qu'elle connaissait les secrets des coeurs et qu'il ne lui était pas rare d'accomplir par la permission divine des guérisons et des miracles.

Sa réputation de sainteté.

Pressentant l'approche de la mort, elle demanda ardemment et selon son désir reçut plusieurs fois les derniers sacrements de l'Eglise avec une angélique piété ; comme un joyau ajouté au diadème du Christ, Marguerite entra au Ciel en l'an 1270, en la fête de sainte Prisque, à peine âgée de trente ans. Répandant un suave parfum comme une parure anticipée de sa future résurrection, son corps virginal déposé solennellement au tombeau devint bientôt le remède aux maladies de tous ceux qui venaient la supplier ; nombreux sont les miracles qu'on rapporte d'elle et nombreuses les grâces accordées jusqu'aux temps présents par l'intercession de la servante de Dieu.

Il n'y a donc rien d'étonnant que le nom de Marguerite soit devenu très célèbre en Hongrie et bien connu même au-dehors ; d'une part elle a illustré sa patrie terrestre par l'éclat de ses héroïques vertus, par la lumière de sa sainte vie et par la renommée de ses miracles ; d'autre part, en dehors des confins de sa patrie, principalement par l'influence de l'ordre illustre des Frères Prêcheurs qui se glorifie de la protection particulière de la bienheureuse ; son nom devint glorieux soit par les légendes répandues aussitôt après sa mort qui présentaient Marguerite comme une sainte, soit surtout par le procès apostolique ouvert six ans après la mort de cette royale vierge, procès auquel les témoins donnaient fréquemment à Marguerite le titre de bienheureuse ou de sainte, titre reconnu même par l'autorité ecclésiastique suprême.

Le culte rendu à cette servante de Dieu aussitôt après sa mort précieuse, brillant toujours d'une nouvelle lumière, parvint jusqu'à notre époque. En effet, il apparaît plus clair que le jour soit des biographies publiées en diverses langues, soit des monuments, parmi lesquels il existe une précieuse tapisserie donnée, dit-on, à Notre basilique de Saint-Pierre en 1343, par Elisabeth, reine de Hongrie : cette tapisserie représente, avec l'image de la bienheureuse Vierge Marie et des saints apôtres Pierre et Paul, les images de quatre saints de la famille royale de Hongrie, dont Marguerite, fille du roi de Hongrie, portant elle aussi le titre de sainte. Ce culte se constate encore de la vénération des fidèles envers le tombeau et les reliques de la servante de Dieu, ainsi que des diverses peintures représentant la bienheureuse qui se multiplie au cours des âges, manifestant ainsi ce culte public de vénération. Il se manifeste enfin par la solennité par laquelle le peuple hongrois célèbre la mémoire de la bienheureuse et lui témoigne son ardente dévotion.

Ce culte se dégage principalement de la faculté accordée par le Siège apostolique de réciter l'office et de célébrer la messe de cette bienheureuse vierge, accordée d'abord au diocèse de Transylvanie par Notre prédécesseur le pape Pie VI, en 1789, faculté étendue en 1804 par le pape Pie VII à tout l'ordre des Frères Prêcheurs ; en suite de quoi, le 26 janvier de l'année suivante, pour la première fois en Notre ville, la fête de la bienheureuse fut célébrée en grande pompe dans la basilique de Sainte-Marie de la Minerve.

La canonisation équipollente.

Les conditions requises pour la canonisation équipollente de la bienheureuse Marguerite selon les normes très sagement établies par Notre prédécesseur le pape Benoît XIV paraissant réunies, Notre cher Fils Justinien Seredi, cardinal de la Sainte Eglise romaine, prince primat de Hongrie et archevêque d'Esztergom, au nom de tous les évêques de Hongrie, Nos chers fils les dirigeants et princes du royaume de Hongrie et la nation presque entière, ainsi que le Maître général de l'ordre des Frères prêcheurs et de très nombreux cardinaux, évêques et familles religieuses de l'univers catholique Nous ont demandé très instamment de daigner, en vertu de la plénitude de Notre pouvoir apostolique, inscrire au catalogue des saints la bienheureuse vierge Marguerite. Agréant ces voeux avec bienveillance, Nous avons remis très volontiers cette cause à la Sacrée Congrégation des Rites pour l'étudier pleinement et lui donner son cours, et cela d'autant plus volontiers que ces voeux répondent parfaitement à Notre propre voeu, voeu que, lors du magnifique XXXIVe Congrès eucharistique international célébré à Buda dont le souvenir le plus reconnaissant ne sortira jamais de Notre mémoire, comme légat a latere du pape Pie XI d'heureuse mémoire, Nous désirions appuyer de tout coeur.

La Sacrée Congrégation des Rites, avec toute la diligence convenable fit examiner par sa section historique selon les règles de la critique historique, tous les documents présentés par Notre cher fils Benoît Lenzetti, postulateur général de l'ordre des Frères Prêcheurs et très zélé procurateur de cette cause et déclara que ces documents avaient force de preuves ; elle fit aussi de très amples recherches sur la vie de la bienheureuse Marguerite, sur sa réputation de sainteté et de miracles et son culte public et liturgique au cours des siècles et en fit la preuve.

Tout cela ayant été préalablement fixé, dans la séance du 13 juillet de cette année de la même congrégation, on entendit le rapport de Notre cher Fils le cardinal C. R. Rossi ponent de la cause, rapport par lequel il constate très amplement de la sainteté de vie de la bienheureuse Marguerite, de ses vertus pratiquées à un degré héroïque dont principalement la charité, l'assiduité à la prière et la plus austère pénitence sont éclatantes, du culte rendu à la bienheureuse par le peuple dès le jour de sa mort jusqu'à nos jours et du culte liturgique accordé par le Siège apostolique ainsi que de la renommée de miracles dont elle jouit ; on recueillit aussi les votes des prélats membres de la même Sacrée Congrégation. Tout cela mûrement pesé et discuté, Nos Vénérables Frères les cardinaux de la Sainte Eglise romaine qui sont à la tête de cette Sacrée Congrégation émirent leur voeu de proposer à Notre décision d'agréer les prières des suppliants.

Sur le rapport qui Nous fut présenté sur tout cela par Notre Vénérable Frère le cardinal Charles Salotti, évêque de Palestrina et préfet de la Sacrée Congrégation des Rites, le 23 juillet suivant, Nous avons jugé bon d'agréer la sentence de cette Congrégation. Tout cela étant donc mûrement pesé, de science certaine, en vertu de la plénitude de Notre pouvoir apostolique, à teneur des présentes, Nous décidons solennellement : « la bienheureuse Marguerite vierge, de la royale famille des Arpads, moniale de l'ordre de saint Dominique, est sainte et doit être inscrite au catalogue des saints parmi les saintes vierges et Nous décidons que sa mémoire doit être rappelée au martyrologe romain chaque année à son jour de naissance le 18 janvier ».

Ayant ainsi consacré la mémoire de cette sainte chère à Dieu, Nous avons assurément pleine confiance que cette fille de la famille du saint roi et apôtre Etienne, famille si féconde en saints, reprenne sa mission d'hostie propitiatoire auprès de Dieu, non seulement pour sa chère patrie qui à juste titre est considérée comme le bouclier de la foi catholique et du nom chrétien, mais aussi pour toutes les nations encore engagées entre elles dans de si violents conflits. Nous avons également confiance que par ses prières assidues et puissantes elle obtienne du Seigneur très clément, Père des miséricordes et Dieu de toute consolation en faveur du genre humain soumis au joug suave de l'Evangile la tranquillité et la paix sur le fondement solide de la justice et de la charité du Christ.

Toutes les raisons entrant en considération ayant été bien examinées, de Notre science certaine, en vertu de la plénitude de Notre autorité apostolique, tout ce qui a été dit ci-dessus en tout et en chaque chose Nous le confirmons, le fortifions, le décidons enfin et ordonnons de le porter à la connaissance de toute l'Eglise catholique.

Nous ordonnons que ces lettres décrétales soient expédiées en double exemplaire original ; et Nous voulons qu'il soit donné aux copies ou extraits, aussi aux imprimés pourvu qu'ils soient souscrits de la main d'un notaire apostolique et munis de son sceau, la même foi qui serait donnée aux présentes lettres si elles étaient exhibées ou montrées.

Si quelqu'un avait la présomption d'enfreindre ou de contrevenir ou d'attenter témérairement à ces lettres, portant Nos déclarations, décret, mandat et volonté, qu'il sache qu'il encourt l'indignation du Dieu Tout-Puissant et des bienheureux apôtres Pierre et Paul.


LETTRE AU SECRÉTAIRE D'ÉTAT POUR PRESCRIRE DES PRIÈRES PUBLIQUES EN FAVEUR DE LA PAIX

(25 novembre 1943) 1

A l'occasion du premier anniversaire de la consécration du genre humain au Coeur Immaculé de Marie, le Saint-Père demande à nouveau à S. Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat, de prescrire des prières publiques en faveur de la paix.

Bien que cette guerre cruelle, la plus grande de mémoire d'homme, sévisse chaque jour avec plus d'acharnement et qu'elle cause d'innombrables désastres et d'innombrables ruines sur terre, sur mer et dans les airs, beaucoup d'hommes cependant — ce que Nous voyons avec la plus vive douleur — vivent tellement dans l'oubli de leur devoir envers Dieu qu'ils négligent ses lois très saintes ou même les traitent avec un certain mépris et les enfreignent ouvertement.

Tous, sans doute, déplorent unanimement les deuils incessants, la condition très dure de la vie et le manque terrible de denrées en de nombreux endroits ; tous, sans doute, sont dans l'inquiétude et la crainte devant les dangers présents et futurs ; mais tous, émus et effrayés devant ces malheurs, ne se recueillent pas et ne considèrent pas avec attention que le genre humain est très justement puni à cause de l'abandon funeste, par beaucoup, de Dieu et de ses commandements, et qu'il faut, dès lors, nécessairement, après avoir pleuré leurs fautes, que tous reviennent au droit chemin de la vertu. Aussi, Nous qui avons à coeur, comme Notre divin Rédempteur, le salut de tous les hommes, et qui partageons d'un coeur paternel les douleurs et les angoisses de tous, Nous avons jugé utile d'exhorter de nouveau, par votre entremise, comme Nous l'avons déjà fait plusieurs fois auparavant, tous et chacun des fils que Nous avons dans le Christ, à prier et à faire cette pénitence « qui met en fuite les vices, embellit les vertus, protège et fortifie l'âme, guérit tout, rétablit tout, réjouit tout » 2. Alors qu'au milieu d'un tel crépitement des armes, d'un tel déchirement de haine, la voix de la charité fraternelle s'est tue ou, si elle s'élève, est étouffée ; alors que les préceptes évangéliques, qui seuls peuvent unir les peuples dans un pacte amical, sont, hélas ! oubliés un peu partout, il est nécessaire, cher Fils, que tous les chrétiens, unis par l'amour envers Dieu et le prochain, réveillent en chacun d'eux la foi et, reprenant la pratique de la vertu, non seulement demandent le pardon de leurs fautes par de pieuses prières, mais s'efforcent aussi d'expier les péchés d'autrui en s'adonnant volontairement aux oeuvres de la pénitence chrétienne. Nous le recommandons instamment et de plus en plus à tous, par votre intermédiaire, car Nous avons la confiance que par ce moyen il sera permis d'obtenir enfin, un jour, de Dieu apaisé et favorable, ce que tous et Nous-même par-dessus tout désirons : la paix ; mais une paix, disons-Nous, sincère, appuyée non sur les armes, ni sur la force, ni la haine, mais sur le droit, la vérité, la justice et la charité fraternelle.

Mais, puisque depuis le début de cette guerre, Nous avons mis Notre espoir et Notre confiance dans le patronage très puissant de la Vierge, Mère de Dieu, et que déjà une année se termine depuis que, dans la majestueuse basilique de Saint-Pierre, environné par un peuple nombreux, Nous avons de nouveau voué et consacré au Coeur Immaculé de la Vierge Marie le genre humain tout entier, Nous désirons qu'en ce même jour qui est proche, consacré à l'Immaculée Conception, des prières publiques aient lieu dans tous les pays à cette intention. Et veuille la très bonne Mère, inclinée à la miséricorde et à la bonté par tant de prières et d'oeuvres d'expiation, obtenir de son divin Fils les grâces qui feront revivre et fleurir dans la vie privée et dans la vie publique la vertu chrétienne, qui rétabliront heureusement la concorde des peuples si misérablement brisée, qui enfin permettront à l'humanité, développée et fortifiée, d'entreprendre avec confiance la très heureuse rénovation des esprits et des choses.

Nous vous demandons, cher Fils, de faire connaître à tous cette exhortation paternelle et Nos voeux de la manière la mieux appropriée aux circonstances actuelles, et spécialement de les notifier aux évêques qui auront la douce obligation de les communiquer chacun à son troupeau.

En attendant, comme gage des grâces célestes et comme témoignage de Notre bienveillance, Nous vous accordons avec amour dans le Seigneur, à vous, cher Fils, et à tous ceux qui obéiront filialement et volontiers à Notre exhortation, la Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION POUR LA CLOTURE DES EXERCICES SPIRITUELS AU VATICAN

(4 décembre 1943)1 ;

A la fin des Exercices prêches par le R. P. Fiocchi, S. /., le Saint-Père a pris la parole pour mettre en lumière la mission de l'Eglise dans le monde et la reconnaissance envers la Providence.

Au cours de ces pieux exercices que nous terminons ce matin, nous tous, Vénérables Frères et chers Fils, nous avons écouté la voix de Dieu, dont la Providence toujours bienveillante nous a conduits dans la solitude pour parler à notre coeur, pendant que dans le monde extérieur les orages de l'heure présente troublent les esprits et ne laissent tranquille aucun coin de la terre. Nous avons fait en nous le silence pour pénétrer dans tous les replis de notre coeur, en faire l'introspection spirituelle et pouvoir entendre ce que Dieu devait nous dire, car la solitude a coutume d'être mère de la méditation et inspiratrice des grandes pensées et des saintes résolutions.

L'indéfectibilitê de l'Eglise.

Le Seigneur qui dirige l'univers nous gouverne nous aussi et dirige toutes les destinées du genre humain par ses conseils impénétrables. Parmi les mystères de la Providence inscrutables à notre intelligence, il en est un que Dieu veut que nous touchions pour ainsi dire du doigt : le mystère visible de l'indéfectibilitê de l'Eglise dans le monde pendant que, à ses côtés, se sont écroulés, oh ! combien de trônes, d'empires, d'institutions publiques, laissant leurs ruines et les ruines de leur grandeur sur le sentier que l'Eglise suit depuis vingt siècles,

afin de conduire au divin Pasteur les brebis errantes ou égarées sur les chemins de l'erreur, de purifier, de perfectionner et de sanctifier celles qui vivent déjà dans le bercail du Christ et se nourrissent de son corps et de son sang. Cette mission qu'elle assigne avec amour à ses prêtres, leur impose surtout aujourd'hui de très graves obligations à l'égard d'eux-mêmes, de responsabilité et de très hauts devoirs à l'égard des fidèles confiés à leurs soins.

L'Eglise catholique est le grand mystère visible parce que visible est son Chef sur la terre, le Vicaire du Christ, visibles sont ses ministres, visible sa vie, visible son culte, visibles son oeuvre et son action pour le salut et la perfection des hommes. Visible aussi son indéfectibilité, en ce qu'elle est historiquement démontrable, et que son passé est garant de son avenir. D'où un grand historien non catholique du siècle passé, après avoir reconnu contre son gré que l'Eglise catholique est restée « pleine de vie et de force juvénile » observait : « Si nous réfléchissons aux assauts terribles auxquels elle a survécu, nous trouvons difficile de concevoir de quelle manière elle pourrait périr. » 2 Mais si cette indéfectibilité peut se montrer par la voie de l'expérience, elle est tout de même un mystère parce qu'elle n'est pas explicable naturellement, mais seulement par le fait que nous connaissons par la révélation divine que le Christ, son Fondateur, est avec elle dans toutes ses épreuves jusqu'à la consommation des siècles.

Reconnaissance envers la Providence.

Cette retraite spirituelle c'est donc une grâce signalée que dans sa prévoyance Dieu nous a accordée en ce temps de tant de misères intellectuelles et morales, nous isolant comme en sécurité sur un rocher, alors que tout autour grondent tempêtes et ouragans sur toutes les régions de la terre et que frémissent les vagues qui frappent avec violence toutes les plages et tous les ports. C'est une grâce qui vise à notre sanctification personnelle dans ces jours qui se suivent pleins d'angoisse, une grâce qui nous a fait rentrer en nous-mêmes et examiner comment nous avons accompli nos devoirs dans le passé, les déficiences et les négligences dans lesquelles nous sommes tombés pour les réparer à l'avenir à la lumière des enseignements du Christ, qui nous a appelés au noble service de son Epouse immaculée l'Eglise et à nous immoler pour le salut des âmes. Parlant à notre coeur, il nous a donné des lumières pour suivre saintement notre chemin. Il nous aide pour affermir notre esprit, Lui qui dans son Eglise par ses charismes a déposé toute la somme des consolations pour nos douleurs et des remèdes pour nos défauts. Confions-nous en Lui qui a vaincu le monde et reste avec nous tous les jours jusqu'à la consommation des siècles sur nos autels, par le sacrifice non sanglant qui précéda au Cénacle son sacrifice sanglant sur la Croix et se répète chaque jour au cours des âges et chez tous les peuples.

De toute éternité, le Verbe divin avait destiné l'Eglise à être la dispensatrice des grâces pour notre sanctification dans tous les combats et les épreuves auxquelles nous devions être soumis et il avait disposé que dans sa vie de Fils de Dieu fait homme et dans sa doctrine enseignée au monde, nous trouvions en Lui l'exemple et le guide pour vaincre les ennemis de notre âme et progresser toujours plus devant Lui dans notre sanctification et dans le service de son Eglise. Songez à la manière dont la Providence qui depuis vingt siècles veille sur l'Epouse du Christ au milieu de tant d'oppositions, de luttes et de périls, dont témoigne l'histoire, nous protège nous aussi en nous réconfortant par cette abondance de grâces et de faveurs dont nous avons fait l'expérience et qu'elle nous prépare encore pour l'avenir, si nous ne cessons pas d'être unis à Dieu et de placer dans son amour toute la vigueur de notre foi et de notre espérance.

L'amour de Dieu envers nous est tout-puissant et nous demande en retour un ardent amour filial, amour que nous pouvons apprendre et obtenir du Coeur doux et humble du Christ par la prière, par l'abnégation de nous-mêmes, par les oeuvres de pénitence, par les renoncements que nous devons accepter pour Lui dans l'accomplissement exact et sans défaut de notre devoir. Le Christ lui-même, Fils de Dieu, ne nous a-t-il pas enseigné cet amour filial en nous apprenant à invoquer Dieu notre Père qui est dans les cieux. Le prêtre est un homme d'oraison et l'union à Dieu dans la prière sera pour nous d'un grand fruit, parce que comme prêtres nous avons été choisis pour les choses de Dieu et de telle sorte que nous puissions transformer toutes nos peines en mérite et offrande de prière, et, rendant meilleure notre action, en corriger les défauts, croître en ferveur et en un tel ardent amour filial qui tourne aussi au bien et au soulagement des fidèles. Le monde chrétien a les yeux tournés vers la Curie romaine et vers cette Cité du Vatican et les regarde parce que c'est d'ici que doivent venir non seulement le gouvernement et la doctrine catholique, mais aussi l'exemple de l'esprit de charité et de sacrifice, au milieu de tant de dures privations et d'amères souffrances des pauvres et des peuples, non moins que la splendeur de toutes les vertus dont les croyants doivent faire leur règle.

Dans la considération de ces salutaires vérités, Dieu et sa divine Providence se sont fait entendre à nous en ces jours par la voix de l'éminent prédicateur, maître d'ascétique et de sagesse philosophique, qui, tout en suivant fidèlement les Exercices spirituels de saint Ignace comme guide, a élevé notre âme, notre pensée et notre volonté au mystère de la divine Providence, laquelle règle et ordonne tous les événements humains, même les douloureux, pour que nous tirions à notre profit spirituel ces résolutions qui doivent nous soutenir dans les présentes épreuves.

Pour lui qui nous a dirigés avec tant de zèle dans nos méditations et dans le renouvellement de notre esprit, que la prière que nous adressons au Seigneur afin qu'il comble et étende l'efficacité de son ministère sacerdotal par l'abondance de ses grâces soit un témoignage de gratitude.

Que sur vous, Vénérables Frères et très chers Fils, descende enfin Notre Bénédiction apostolique. Que le Père des lumières « de qui vient tout vrai bien et tout don parfait » (Jc 1,17), le Christ son Fils bien-aimé, le Saint-Esprit, Esprit d'amour que nous avons reçu, soient en nous, opèrent en nous les merveilles de leur infinie miséricorde, afin que, le Christ vivant toujours plus intimement en nous, nous puissions parvenir à cette perfection de l'amour qui nous fait un avec le Christ, avec l'Esprit d'amour et avec le Père qui nous a donné son Fils unique en gage de son amour infini et avec le Fils, le Saint-Esprit, la Personne de l'amour qui prie, qui opère, qui aime en nous pour pouvoir nous submerger dans l'océan immense de la Très Sainte Trinité et vivre la vraie vie de l'amour de notre Dieu. Ainsi soit-il.


Pie XII 1943 - RADIOMESSAGE AUX FIDÈLES DU PÉROU