Pie XII 1944 - LETTRE APOSTOLIQUE AU VICAIRE GÉNÉRAL DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS ET DIRECTEUR DE L'ASSOCIATION DE L'APOSTOLAT DE LA PRIÈRE


DISCOURS AU CARDINAL PRÉFET DE LA S. CONGRÉGATION DE LA PROPAGANDE

ET AUX DIRECTEURS DES OEUVRES PONTIFICALES MISSIONNAIRES

(24 juin 1944) 1

A l'occasion de la réunion annuelle des directeurs des OEuvres pontificales missionnaires, à laquelle participait S. Em. le cardinal Fumasoni-Biondi, préfet de la Sacrée Congrégation de la Propagande, le Saint-Père a prononcé cette importante allocution où il trace un tableau de l'évolution des missions catholiques, loue le mérite des missionnaires et dit sa confiance pour leur essor dans l'après-guerre :

Il Nous est très agréable, Vénérables Frères et chers fils, de Nous trouver au milieu de vous, non seulement parce que Nous connaissons et estimons hautement votre collaboration toujours fidèle et dévouée, et parce que vous prenez votre part des soucis de Notre ministère pastoral dans un secteur si vaste et si noble de l'apostolat, mais encore à cause de la signification particulière et de la valeur spéciale que revêt votre présence en un moment si grave. En effet, en opposition avec le déchaînement de la plus gigantesque lutte de peuples que se rappelle l'histoire, votre caractère international et la fraternité de travail font apparaître, avec une évidence presque palpable, le signe distinctif de l'Eglise catholique, qui est la négation complète et la contradiction vivante des discordes qui agitent et enveloppent toutes les nations : Nous voulons parler de l'universalité de la foi et de l'amour qui s'élève au-dessus de tous les champs de bataille, des frontières des Etats, de tous les continents et de tous les océans, qui vous stimule et vous entraîne vers le but de vos efforts, à savoir, faire coïncider les frontières du royaume de Dieu avec celles du monde.

Cette note caractéristique peut bien souffrir sous l'influence des événements et de la propagande de guerre quelque obscurcissement dans les sentiments de quelques fidèles. Mais elle est tellement une propriété essentielle de l'Eglise comme société qu'aucune force contraire ne pourrait l'affaiblir ni la diminuer, car « il n'est plus question de Grec ou de Juif, de Barbare, de Scythe, d'esclave, d'homme libre ; il n'y a que le Christ qui est tout et en tout » (Col 3,11).

La guerre a eu au moins cette conséquence : elle a dégagé en grande partie les formes extérieures et visibles de cette catholicité. Car Nous-même, depuis plusieurs années, Nous avons dû subir avec peine le manque de contact personnel et direct avec un grand nombre de pays. C'est pourquoi il Nous est d'autant plus agréable de pouvoir saluer en vous comme une représentation et le symbole de l'Eglise universelle.

L'histoire des missions, OEuvre d'amour universel.

1. Y a-t-il une manifestation plus évidente de la profonde conscience que l'Epouse du Christ possède de sa mission pour tous les pays et tous les peuples que son action missionnaire pendant ces derniers siècles ? Une chose certaine, c'est que l'idée de catholicité a toujours été vivante dans l'Eglise qui, fidèle au commandement de son divin Fondateur : « Allez dans le monde entier, prêchez l'Evangile à toute créature» (Mc 16,15), a mis la main au travail missionnaire toujours et partout où des portes jusqu'alors fermées à la prédication évangélique se sont ouvertes devant elle.

Ainsi, après être devenue maîtresse de vérité à l'égard des nations de l'ancien Empire romain, elle gagna à la foi et à la charité du Christ les peuples germaniques et anglo-saxons, et ensuite les diverses populations slaves, magyares et finnoises. Déjà, avant le XVIe siècle, elle avait fondé les premières Eglises en Chine, en Extrême-Orient, comme au Groenland, aux îles Canaries ou Fortunées, en Extrême-Occident. Mais l'oeuvre d'évangélisation ne put naturellement avoir son plein développement qu'à l'époque des grandes et définitives découvertes — aux environs de 1500 — où elle donna naissance à un grand mouvement proprement et spécifiquement missionnaire qui, dans la suite, soit dans l'ancien, soit dans le nouveau monde, est allé croissant et s'épanouissant toujours davantage, au point de devenir un mouvement populaire puissant, attirant


OEUVRES PONTIFICALES MISSIONNAIRES

m dans son orbite toutes les classes — particulièrement les plus humbles — de la société chrétienne, et entraînant tous les enfants de l'Eglise à contribuer dans les formes les plus diverses à la propagation de la foi.

Ce mouvement Nous rappelle l'enthousiasme pour les Croisades qui, depuis la fin du XIe siècle presque jusqu'à la fin du XIIIe, tint dans une attente anxieuse l'Occident chrétien. Et cependant il Nous semble que l'histoire de l'avenir placera l'oeuvre missionnaire de l'ère moderne encore au-dessus des gestes des Croisés du moyen âge. Les Croisades tendaient à atteindre leur but surtout par les armes de la guerre ou de la politique. L'oeuvre missionnaire travaille avec le « glaive de l'Esprit » (Ep 6,17), de la vérité, de l'amour, de l'abnégation, du sacrifice. Les Croisades se proposaient de délivrer la Terre Sainte, et spécialement le sépulcre du Christ des mains des infidèles, but sans aucun doute des plus nobles et des plus élevés. En outre, elles devaient historiquement servir à défendre la foi et la civilisation de l'Occident chrétien contre l'Islam. L'oeuvre missionnaire ne se borne pas à défendre et à protéger ses positions. Son but est de faire du monde entier une Terre Sainte. Elle vise à porter le règne du Rédempteur ressuscité, à qui a été « donnée toute puissance dans le ciel et sur la terre » (Mt 28,18), c'est-à-dire son empire sur les coeurs, à travers tous les continents, jusqu'à la cabane la plus reculée et à l'homme le plus lointain qui habite notre planète.

Les missions, sublime témoignage de charité.

A cette auguste et sainte tâche a collaboré tout ce qui constitue et anime la mère patrie catholique. Considérons seulement le total des multiples bonnes oeuvres et des renoncements héroïques que des millions et des millions d'âmes, depuis l'enfant jusqu'au vieillard, accomplissent ou ont accomplis, et dont l'histoire des missions est si riche : les prières, les aumônes et les offrandes, l'holocauste de leur personne que les missionnaires et les religieuses missionnaires, font sans limitation ni réserve, non point pour un mois ou un an, mais jusqu'à la mort, et en de nombreux cas jusqu'à la mort violente pour l'amour du Christ ; et tout cela dans le but de faire participer à la Rédemption et au salut dans le temps et l'éternité, à la paix avec Dieu et avec eux-mêmes, à la dignité du chrétien, qui seule représente la pleine dignité, des peuples étrangers et inconnus, vivant dans des terres et des continents lointains. Nous voyons alors et Nous sentons que le passé et le présent n'ont à présenter que peu de choses qui puissent, en fait de générosité, de courage, d'efficacité en profondeur et en étendue, de bénédiction abondante et éternelle, être comparées et équivaloir à ces gestes de respect véritable et d'amour pour les hommes. Un tel amour, selon la parole de l'apôtre saint Jean (1Jn 4,7), ne peut venir que de Dieu, et Nous n'hésitons pas à affirmer que l'oeuvre catholique des missions dans l'ère moderne constitue à elle seule une preuve admirable de la divinité de l'Eglise.

En un temps où les doctrines impies et athées conduisent à de nombreuses violations des droits et de la dignité de la personne humaine et de la mutuelle charité chrétienne, Notre coeur ressent intimement le besoin d'adresser à cette oeuvre d'amour universel une parole de reconnaissance, de louange et de gratitude.

Le développement des missions dans l'entre-deux-guerres.

2. Une parole de louange et de gratitude, mais en même temps aussi d'espérance et de réconfort, pour ceux qu'angoisse la pensée de l'avenir des missions. Pendant la première guerre mondiale, que de coeurs ont été aussi troublés par cette inquiétude ! Mais aux doutes angoissés et aux craintes d'alors, la période d'entre les deux grandes guerres a fourni une réponse favorable qui a dépassé toutes les prévisions. L'oeuvre missionnaire, aussi bien dans les pays déjà éclairés par la lumière de l'Evangile, que dans le champ même des missions, a bénéficié d'une telle impulsion, d'un développement si large à l'extérieur et d'une telle vigueur à l'intérieur, que l'histoire des missions n'offre peut-être pas d'exemple d'une pareille intensité.

Notre prédécesseur immédiat, de glorieuse mémoire, n'a pas érigé moins de 221 nouvelles circonscriptions missionnaires ; le nombre des ouvriers missionnaires a plus que doublé pendant son pontificat ; le clergé indigène a presque doublé ; le nombre des enfants des deux sexes qui fréquentent les écoles dans les territoires des missions a triplé. En 1889, année de la fondation de l'OEuvre de Saint-Pierre-Apôtre, les missions catholiques comptaient 870 prêtres et 2700 séminaristes indigènes. Le cinquantième anniversaire de la fondation de cette oeuvre voyait déjà ce nombre multiplié par huit et, par ailleurs, les circonscriptions ecclésiastiques confiées aux évêques indigènes dépassent actuellement soixante-dix. Est-il ensuite nécessaire de rappeler quelles hautes espérances offre le champ missionnaire dans l'Asie orientale ? Et si Nous tournons le regard vers le conti-


OEUVRES PONTIFICALES MISSIONNAIRES

«3

nent africain, la poussée de ces peuples vers l'Eglise, surtout au Congo belge, est allée en croissant et en se développant, au point de représenter des résultats qui jamais jusqu'ici n'ont encore été atteints.

Il en a donc été dans la première guerre mondiale comme si le Seigneur avait, avec sa main toute-puissante, soulevé et conduit l'oeuvre des missions au-dessus et au-delà des abîmes. Alors que beaucoup croyaient et redoutaient que la guerre n'exerçât contre elle son influence destructrice à la façon d'un terrible cataclysme, la Providence divine faisait fleurir un printemps missionnaire tel que l'Eglise n'en a peut-être jamais connu de plus prometteur.

Confiance dans leur avenir.

C'est pourquoi Nous n'hésitons pas, aujourd'hui encore, au cours de ce second et plus formidable conflit, à regarder l'avenir d'un oeil rassuré ; bien plus, Nous avons les meilleures raisons d'avoir confiance. En effet, le travail accompli dans l'intervalle des deux guerres s'est inspiré de l'idée consciente de donner aux missions le caractère d'institutions qui ne soient pas étrangères, mais autochtones. De là est né le besoin d'un clergé et de soeurs indigènes ; de là aussi la consigne de sauvegarder le caractère, les traditions et les coutumes indigènes dans la mesure où ils sont conciliables avec la loi de Dieu. Le missionnaire est apôtre de Jésus-Christ. Il n'a pas mission de transplanter la civilisation proprement européenne dans les pays de missions, mais bien de disposer ces peuples qui jouissent parfois d'une culture millénaire à accueillir et à s'assimiler les éléments de vie et de moeurs chrétiennes qui doivent s'harmoniser naturellement et sans difficulté avec toute civilisation saine, et qui confèrent à celle-ci la parfaite capacité et la force d'assurer et de garantir la dignité et le bonheur de l'homme. Les catholiques indigènes doivent être réellement des membres de la famille divine et citoyens du royaume de Dieu (Ep 2,19) sans pour cela cesser de demeurer en même temps des citoyens de leur patrie terrestre.

Le grand but des missions est d'établir l'Eglise en de nouveaux pays et de faire qu'elle y jette de profondes racines, de façon à pouvoir un jour y vivre et s'y développer sans le soutien de l'oeuvre des missions. Cette dernière ne trouve pas sa fin en elle-même, elle tend avec ardeur vers son noble but et elle se retire dès qu'il a été atteint.

Une autre considération renforce aussi Notre espérance. Les

indicibles misères causées par la guerre en beaucoup de pays de missions ont trouvé la charité catholique à la hauteur de son devoir et prête à tout secourir ; bien plus, malgré la détresse dont souffrent beaucoup de pays, elle s'est considérablement accrue. Ce qui a été accompli en Asie orientale au cours de ces longues années d'opérations de guerre restera inscrit dans les annales de la bienfaisance de l'Eglise. Nous pensons avec une particulière complaisance à Nos fils et filles du lointain Orient, aux missionnaires et aux soeurs, aux chrétiens indigènes, à leurs oeuvres, à leur foi, à leur charité, à leur ministère et à leur patience (Ap 2,19). Tout cela est d'un bon augure pour l'avenir, car rien ne rapproche autant l'Eglise du peuple que son action charitable.

Si Nous devions choisir une devise pour caractériser le mouvement missionnaire depuis le XVIe siècle, Nous n'en trouverions pas de plus expressives que les sublimes paroles de saint Paul : O altitudo divitiarum sapientiae et scientiae Dei ! Quam incomprehensibilia sunt iudicia eius et investigabiles viae eius ! « O profondeur inépuisable de la sagesse et de la science de Dieu ! Que ses jugements sont insondables et ses voies incompréhensibles ! » (Rm 11,33). Mais les secrets desseins de la Providence s'illuminent peu à peu et s'éclairent pour celui qui s'efforce de considérer la succession des choses humaines sous le très sage et tout-puissant gouvernement de Dieu, si bien qu'il Nous est donné de tirer des enseignements du passé des prévisions pour l'avenir. Telle est la raison pour laquelle Nous espérons que le siècle présent — encore que, enfant d'orgueil et de présomption, il ait accumulé désillusions sur désillusions, ruines sur ruines — apportera cependant dans le champ des missions catholiques une riche moisson, après des semailles faites dans les larmes au cours des siècles de travail (cf. Ps., cxxv, 5).

Afin que le Seigneur, dont les miséricordes incommensurables ne sont pas moins profondes que les justes jugements, daigne accorder cette grâce, Nous donnons à tous et à chacun d'entre vous, et en premier lieu à l'éminentissime cardinal préfet de la Sacrée Congrégation de la Propagande, si dévoué à l'oeuvre des missions, et à votre très digne et très zélé président, à tous vos collaborateurs, à tous ceux qui vous soutiennent de leurs offrandes ou sont confiés à vos soins, à tous les missionnaires et aux religieuses missionnaires, à tous les Ordinaires, aux prêtres et aux fidèles indigènes, de la plénitude de Notre coeur paternel, la Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION A DES AUMONIERS MILITAIRES AMÉRICAINS

(30 juin 1944) 1

De nombreux aumôniers militaires de la Ve armée et d'autres unités américaines donnent l'occasion au Souverain Pontife de magnifier le rôle de l'aumônier.

Nous avons accordé maintes audiences des plus agréables pendant les semaines dernières ; mais celle-ci, comme vous le comprendrez facilement, remplit Notre coeur paternel d'une joie et d'une consolation toutes particulières. Car vous êtes Nos fils bien-aimés d'une façon toute spéciale. Le Pontife suprême, héritier de ces paroles simples et solennelles du Christ adressées à son premier Vicaire sur la terre : « Pais mes agneaux, pais mes brebis », doit supporter un fardeau de responsabilités qui n'est placé sur aucune autre épaule humaine. Le Christ Jésus a payé du prix infini de son propre Sang très précieux le rachat de tous les hommes ; son Vicaire est chargé de la tâche d'amener les hommes à profiter de cet acte miséricordieux de salut ; et vous, fils bien-aimés, sous la conduite pleine de sollicitude de vos évêques, vous partagez avec Nous cette tâche vraiment divine, vous êtes Nos auxiliaires, vous êtes Notre joie et Notre couronne. A cette heure tragique de l'histoire humaine, venus de la vie régulière d'une paroisse ou de la calme retraite de l'étudiant et du professeur, vous vous êtes jetés, avec un zèle ardent et désintéressé, à la poursuite des âmes qui ont été entraînées dans le tourbillon de la guerre et placées dans les périls du combat et les tentations de la vie de soldat. Ce ne sont pas des pasteurs des âmes ordinaires qui sont nécessaires ici. Vos évêques et vos supérieurs

1 D'après le texte anglais de Discorsi et Radiomessaggi, t. VI, p. 55 ; cf. la traduction française des Actes de S. S. Pie XII, t. VI, p. 160.

religieux savent de quelle importance extrême et combien pénible est cet apostolat, et ils ont donné ce qu'ils avaient de meilleur pour cela. Apostolat pénible, très éprouvant parfois, pour l'âme aussi bien que pour le corps. En de tels moments, renouvelez votre résolution de vous consacrer de tout votre coeur à votre sainte mission. Gagnez les coeurs et les âmes de vos hommes par l'intégrité et la sainteté de votre vie, et par un dévouement à leur bien spirituel qui ne compte pas avec la peine. Gardez toujours les yeux sur le divin Pasteur, ce très ardent amant des âmes ; prenez inspiration et courage des grands apôtres Pierre et Paul ; et tandis que vous continuez votre magnifique apostolat en faveur de vos chers soldats, soyez assurés que Nos prières vous accompagnent ; et pour gage de l'aide divine et de la grâce céleste, Nous vous donnons, à vous et à vos familles, avec la profonde affection de Notre coeur paternel, la Bénédiction apostolique.

ALLOCUTION AUX OFFICIERS ET SOLDATS CATHOLIQUES DU XXIIe RÉGIMENT DE L'ARMÉE CANADIENNE

(4 juillet 1944) 1

Le Saint-Père s'adresse tout d'abord aux Canadiens d'expression française dans leur langue :

Grande est Notre joie de vous accueillir en ce moment, chers fils canadiens français. Votre présence évoque le souvenir épique des plus magnifiques efforts accomplis pour le progrès matériel et moral des immenses contrées qui bordent le Saint-Laurent. Mais surtout, fidèles à la foi et aux traditions de vos pères, vous vous êtes montrés, au milieu de toutes les vicissitudes de votre histoire, fiers de marcher le regard, l'esprit, le coeur, tendus vers Rome. Néanmoins, la voir de vos propres yeux, fouler son sol sacré, y entendre la voix du Vicaire de Jésus-Christ, du Père commun, pour combien de vous, c'eût été naguère plutôt un rêve qu'une espérance ! C'est aujourd'hui une réalité. Admirez donc les voies de la Providence : à l'instant où le monde semblait emporté vers l'abîme dans une course de plus en plus vertigineuse, le tourbillon même ramène au contraire cette pauvre humanité si diverse, si dispersée, si déchirée, des régions les plus éloignées, vers le centre d'où le règne du Christ rayonne sur tout l'univers pour le plus grand bien et la plus grande prospérité même temporelle des nations.

De retour sur le sol de votre chère patrie, redites à tous et méditez vous-mêmes ces grandes leçons de fidélité à l'Eglise de Rome, d'union et de charité universelle, de confiance dans les dispo

1 D'après Je texte français et anglais de Discorsi e Radiomessaggi, t. VI, p. 59 ; cf. la traduction française des Actes de S. S. Pie XII, t. VI, p. 161.

skions de la Providence divine. Tel est Notre voeu, telle est Notre prière, que Nous présentons à Dieu par l'intercession de la Vierge Marie et des glorieux martyrs, dont le sang a si merveilleusement fécondé votre terre. Et, tandis que, après avoir donné des preuves éclatantes de votre héroïque courage, vous partez pour de nouvelles fatigues et de nouveaux dangers, Notre coeur vous accompagne pour vous donner, à vous, à tous ceux qui vous sont chers, à la très aimée patrie canadienne, Notre Bénédiction apostolique.

Et il poursuit en anglais par ces paroles :

Presque tous ceux qui sont ici présents viennent de la province historique de Québec, des rives du Saint-Laurent, sanctifiées par le souvenir pieusement conservé de ces héroïques apôtres qui, les premiers, implantèrent le christianisme sur votre sol.

Mais, au cours de l'histoire, le Canada a étendu sa domination bien au-delà, par-delà des champs fertiles à l'aspect illimité, ajoutant à son charme la grandeur de pics élevés et la calme beauté de lacs et de cours d'eau innombrables ; et sa progression a porté le message du Christ d'un océan à l'autre et, vers le nord, jusqu'aux postes de l'Arctique enserrés dans les glaces. Nos voeux, en même temps que Notre affection, embrassent l'ensemble du Canada. Nous prions pour que, sur chacun des êtres qui composent ce peuple travailleur et craignant Dieu, les plus hautes bénédictions du ciel puissent descendre, apportant à leurs âmes la prospérité, cette paix que le monde ne peut ni donner ni ôter, et que possèdent ceux qui servent Dieu d'abord et toujours, et qui, pour Dieu, servent leur prochain et leur pays.


ALLOCUTION A DES SOLDATS CANADIENS DE LANGUE ANGLAISE

(6 juillet 1944) 1

Après avoir reçu en audience privée le général Burns, commandant en chef du Corps expéditionnaire canadien, le Saint-Père a adressé l'allocution suivante aux six généraux, aux officiers et aux soldats canadiens de langue anglaise qui en faisaient partie :

Nous vous adressons la bienvenue de toute l'affection de Notre coeur. Le Canada fait penser tout de suite à l'étendue, à la richesse, à la beauté et à la grandeur de la nature, à quelque chose aussi d'encore inexploré, quelque chose d'une promesse qui doit encore atteindre son parfait accomplissement. Ses possibilités sont si vastes, son progrès si impressionnant. Sans nul doute, le Dieu de la nature a été très prodigue dans les dons qu'il a faits à ses créatures sur cette terre. Ces dons sont la preuve éloquente de son amour pour tous les hommes ; et c'est cet amour qui embrasse toute chose qu'il désire voir imitée par l'homme. Oh ! si le monde était plein de l'amour fraternel, de l'amour entre les individus, entre les peuples et les nations, quel don vraiment royal ce serait pour l'homme ! Mais ce don, à la différence des richesses matérielles de la terre, de la mer et des airs, dépend de l'acceptation de l'homme. Vous devez travailler et vous devez prier pour que, quand la tragédie présente sera passée, avec ses pleurs, ses peines et ses horreurs, les hommes acceptent et étreignent ce don divin de 'l'amour universel de tous les peuples, le pressent sur leur coeur et le gardent pour toujours.

C'est Notre très instante prière à cette heure ; souvenez-vous-en souvent, répétez-le à d'autres quand vous retournerez dans votre pays bien-aimé. A cette prière Nous ajoutons cette autre : que Dieu bénisse abondamment le Canada et vous en particulier, et tous les chers vôtres que vous avez laissés à la maison.

1 D'après le texte anglais de Discorsi e Radiomessaggi, t. VI, p. 63.


ALLOCUTION A UN GROUPE DE RELIGIEUSES ESPAGNOLES APRÈS UN SÉJOUR TEMPORAIRE A ROME

(7 juillet 1944) 1

Des religieuses espagnoles appartenant à treize ordres ou congrégations et à quelques monastères et maisons des environs de Rome, qui s'étaient réfugiées à la fin de la guerre au Collège pontifical espagnol et à l'Eglise nationale de Notre-Dame de Montserrat, étant venues présenter leur hommage filial au Saint-Père avant de rentrer dans leurs maisons, le pape leur a adressé l'allocution suivante :

Au milieu des amertumes et des consolations dont la douce main de la Providence fait la trame de Notre vie, il Nous était réservé aujourd'hui, fils et filles bien-aimés, la joie profonde de vous voir auprès de Nous et de vous adresser ces quelques paroles, en témoignage de Notre paternelle affection. Grâce à Notre intuition de père, Nous croyons découvrir dans vos regards une joie et une affection pareilles à celles que Nous ressentons Nous-même.

Les desseins de Dieu sont insondables. Tel désagrément paraissait simplement une déchirure de nuage et voilà qu'il devient un tourbillon déchaîné d'une telle violence qu'il est capable de vous arracher à la douce et silencieuse paix de vos cloîtres, au bruyant bourdonnement et au tapage du petit monde de vos écoles, à la pacifique et sainte activité de tous vos travaux.

La charité du Christ vous a ménagé le refuge nécessaire, mais le Seigneur, dans sa bonté infinie, a voulu vous accorder quelque chose de plus. Lui, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation vous a préparé la joie de la rencontre d'aujourd'hui qui sans les contretemps survenus n'aurait pas eu lieu, du moins pour quelques-

1 D'après le texte espagnol de Discorsi e Radiomessagfii, t. VI, p. 67.


RELIGIEUSES ESPAGNOLES

121

unes d'entre vous. Qu'il en soit béni et qu'il vous comble de ses grâces pour votre filiale affection à Notre égard et pour les prières et les sacrifices que vous avez offerts pour la santé de Notre humble personne et pour Notre charge apostolique. Qu'il vous bénisse pour votre fidélité à demeurer fermes au milieu des dangers, sous la protection toute-puissante de Pierre, dans votre patrie si chère à Notre coeur, qui vous offre, avec son vigoureux renouveau spirituel et matériel, un refuge sûr et tranquille.

Retournez, bien chers fils et bien chères filles, les unes aux labeurs silencieux de vos études, les autres aux tâches bruyantes mais si fécondes de vos écoles, les autres à la prière et aux pénitences de vos cloîtres, les autres aux chevets de vos malades, c'est-à-dire aux mille manières dont votre zèle ingénieux coopère à Notre ministère pastoral. Continuez à offrir, à Nos intentions, tout ce que vous faites. Continuez à prier pour la paix. Nous vous remercions une fois de plus de vos prières et de vos sacrifices de tous les jours et de votre présence actuelle à Rome, qui représente, en raison des dangers et des fatigues du voyage, un touchant témoignage de votre filiale dévotion. C'est pourquoi, Nous implorons aussi pour le chevaleresque et digne chef de votre nation et sa noble épouse, bien connue dans toutes vos maisons religieuses pour sa fervente et inlassable charité. Nous les implorons pour tous vos instituts respectifs, avec toutes les personnes qui s'y dévouent et y travaillent au prix de fatigues bien méritoires. Nous les implorons surtout pour Notre Collège espagnol de Saint-Joseph et pour l'Eglise nationale de Notre-Dame de Montserrat avec toutes les personnes si dignes qui les dirigent. Nous voulons les remercier de l'hospitalité qu'elles vous ont accordée si généreusement, comme si elles Nous l'avait donnée à Nous-même. Enfin Nous demandons la protection divine pour la catholique et très chère Espagne, consolation du coeur du Vicaire du Christ, qui montre au monde avec éclat les inépuisables ressources que la divine Providence a placées dans la doctrine chrétienne vraiment pratiquée pour la construction et la reconstruction des nations.

Avec toutes ces intentions, fils et filles bien-aimés, Nous vous bénissons de tout coeur, affectueusement et paternellement.


ALLOCUTION A DES SOLDATS ET OFFICIERS D'ANGLETERRE, D'ECOSSE ET D'IRLANDE

(9 juillet 1944) 1

Fils bien-aimés qui venez de Grande-Bretagne et d'Irlande, Nous vous souhaitons la bienvenue à Rome et dans Notre Etat de la Cité du Vatican, oui en vérité et dans cette maison même du Père commun de la chrétienté. Vous avez observé que, grâce à une faveur de la Providence, qui a utilisé la compréhension généreuse et la bonne volonté des chefs des nations et des commandants militaires, Rome a été presque entièrement préservée de la destruction des édifices du fait de la guerre. De cela, le monde est reconnaissant. Nous disons le monde, car Rome est le dépôt de trésors qui appartiennent au patrimoine, non d'une cité seulement, mais de toute civilisation ; ses tombeaux et ses sanctuaires sacrés ont été, de génération en génération, un attrait, une consolation, et ont inspiré des actes de foi solide et d'héroïsme chrétien.

Car l'héroïsme vrai est nécessaire dans le combat pour la vertu chrétienne plus encore que dans le choc des armes. Les principes du Christ sont écrits, clairs et précis, dans le Sermon sur la montagne : principe de foi en Dieu et d'obéissance à sa loi, principes de pureté de la vie, de justice, de charité, d'un amour qui embrasse tout le genre humain et commande un effort uni pour le plus grand bien commun de tous. Mais l'homme ne peut aspirer à façonner sa vie selon ces principes sans une lutte soutenue qui exige la contrainte et le sacrifice de soi. Et, de plus, à moins que les hommes, à moins que les nations n'acceptent ces principes du Christ pour leur guide et leur norme, vains seront leurs espoirs d'une paix digne et durable.

1 D'après le texte anglais de Discorsi e Radiomessaggi, t. VI, p. 71 ; cf. la traduction française des Actes de S. S. Pie XII, t. VI, p. 162.


SOLDATS D'ANGLETERRE, D'ECOSSE ET D'IRLANDE

123

Tendez vos énergies spirituelles en vue de remporter cette victoire splendide sur le péché et l'égoïsme dans le monde, et Dieu vous bénira, comme Nous aussi Nous vous bénissons maintenant avec la profonde affection de Notre coeur. Et tandis que Nous remercions Dieu pour la protection spéciale accordée à Rome, Nous n'oublions pas que votre patrie bien-aimée est un de ces pays qui n'ont que trop connu la désolation et les souffrances de la guerre. Nous avons prié pour elle et Nous demandons à Dieu de la bénir, elle et tous les êtres chers qui vous y attendent.

REMERCIEMENTS AUX REPRÉSENTANTS DE FAMILLES NOBLES

DE ROME POUR LEUR GÉNÉREUSE OFFRANDE

(11 juillet 1944) 1

Chers fils et chères filles, tout en vous exprimant Notre vive gratitude pour la généreuse offrande que vous Nous avez remise en soulagement de tant d'indicibles misères humaines, par les mains de S. A. révérendissime le prince Chigi Albani délia Rovere, grand Maître de l'Ordre souverain militaire de Jérusalem de Malte, il Nous est agréable de Nous féliciter avec vous de cette nouvelle preuve que les plus distinguées familles de la noblesse de Rome ont voulu donner de leurs traditionnels sentiments de charité ; cette preuve vient s'ajouter à toutes les autres que beaucoup d'entre elles donnent avec un esprit de solide vertu chrétienne uni à un sens moderne sain, éclairé et sage, à toutes les formes les plus avancées et providentielles de l'assistance sociale. Heureux que Nous sommes de vous adresser les louanges que vous méritez par votre générosité et par un si noble exemple de compréhension de la gravité et du sérieux de l'heure, Nous appelons sur vous la récompense que seul le Seigneur sait et peut donner et Nous vous donnons de tout coeur à vous tous, à vos chères familles et à tous ceux pour qui vous la désirez, Notre paternelle Bénédiction apostolique.

D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggi, t. VI, p. 75.


ALLOCUTION AU PRÉSIDENT ET AUX MEMBRES DU CONSEIL MUNICIPAL DE ROME

(12 juillet 1944) 1

Comme l'avait fait le peuple de Rome le 6 juin, le 12 juillet le président et les membres du Conseil municipal de Rome sont allés remercier le Souverain Pontife d'avoir sauvé Rome de la destruction. C'est en réponse à leurs hommages reconnaissants que Pie XII a prononcé l'allocution suivante :

Soyez les bienvenus, vous qui, de la colline du Capitole qui fut pendant tant de siècles le centre de la vie politique et le symbole de la puissance de Rome, avez dirigé vos pas vers ce Mons Vaticanus, dont Horace nous rappelle l'écho 2, et qui, par le sang de l'apôtre Pierre, est devenu le centre et le coeur du nouvel empire de l'esprit parmi les peuples : vous, Monsieur le prince, digne défenseur de la tradition romaine et catholique de votre illustre maison, et vous, Messieurs les assesseurs, qui vous proposez de collaborer d'une manière efficace à l'administration des affaires publiques à Rome. Dans votre présence et dans votre hommage, Nous croyons voir une manifestation de respect pour les valeurs culturelles et religieuses sans lesquelles il n'est pas possible de comprendre l'histoire et la grandeur de la ville de Rome. Nous sommes sûr que le peuple romain — dont le fait d'être l'un de ses fils représente pour Nous un honneur, mais en même temps un devoir plus strict de rechercher avec plus d'application son bien véritable — vous sera reconnaissant de cette attestation de vos sentiments.

1 D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggi, t. VI, p. 79 ; cf. la traduction française des Actes de S. S. Pie XII, t. VI, p. 166.

2 L'ode XX du livre Ier des Carmina est un billet en strophes saphiques, par lequel Horace invite Mécène à un frugal repas. Il en profite pour rappeler un événement flatteur, antérieur de quelques années : les acclamations qui accueillirent Mécène au théâtre de Pompée, alors qu'il relevait d'une grave maladie. L'écho (imago) de ces applaudissements parvint jusqu'à la montagne du Vatican située sur l'autre rive du Tibre.

A l'heure présente, alors que, grâce à une intervention particulière de la divine Providence, s'éloigne de cette illustre cité le danger de se voir transformer en un théâtre de guerre, d'une guerre exterminatrice des souvenirs les plus sacrés et les plus chers à tout le monde civilisé, voici que vous avez été appelés à Capitolia celsa conscendere, à gravir les hauteurs du Capitule 3, avec la charge aussi élevée que difficile de mettre avec probité et persévérance l'administration municipale au service de la grande oeuvre de reconstruction et d'acheminement progressif vers une situation normale dans la vie économique, sociale et culturelle, en puisant inspiration et force >dans ses glorieuses traditions millénaires.

Quiconque peut avoir une connaissance, même seulement approximative, de la somme des dommages matériels et spirituels que cette guerre — la plus dévastatrice et la plus destructrice de toutes les guerres — a infligés aussi à la ville de Rome, devra reconnaître le courage et apprécier la détermination et l'énergie des hommes qui, se plaçant aujourd'hui au-dessus des différences d'opinions et de tendances politiques, s'efforcent de donner, sur le sol de cette même Rome, phare de civilisation chrétienne, une forme nouvelle et une nouvelle vertu créatrice à l'antique maxime romaine : Salus populi suprema lex esto, « Que le salut du peuple soit la loi suprême » 4.

Que le Seigneur Dieu, auteur de tout bien, accorde à votre pensée et à votre oeuvre la clarté d'un regard qui voit loin, cette sage modération, cette juste impartialité et cette sage magnanimité qui sont seules en mesure de faire surgir de la confusion inextricable des fiévreuses et stériles passions de parti — incapables de quoi que ce soit, sinon d'aggraver les maux présents déjà si profonds et si étendus — un esprit de fraternité chrétienne et de concorde, à la lumière duquel le peuple, après les dures épreuves des dernières années, pourra se relever vers une vie nouvelle, dans la fécondité du travail pacifique, qui donne aux hommes et aux familles pain, dignité et vigueur et, avec le renforcement des principes moraux, une vraie prospérité et une vraie grandeur aux nations.

Avec ce souhait dans le coeur, Nous accordons avec une affection paternelle une Bénédiction apostolique spéciale à ceux qui Nous sont unis dans la foi et, en même temps, Nous implorons sur vous tous, sur vos familles, sur les personnes qui vous sont chères, les lumières et les secours du ciel.

3 Cassiodore, Variarum libri duodecim, 7, 6. * Cicéron, De legibus, 3, 3.


Pie XII 1944 - LETTRE APOSTOLIQUE AU VICAIRE GÉNÉRAL DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS ET DIRECTEUR DE L'ASSOCIATION DE L'APOSTOLAT DE LA PRIÈRE