Pie XII 1944 - ALLOCUTION AU PRÉSIDENT ET AUX MEMBRES DU CONSEIL MUNICIPAL DE ROME


LETTRE

AU PRÉSIDENT DE L'INSTITUT DE CULTURE SUPÉRIEURE RELIGIEUSE DE L'UNIVERSITÉ PONTIFICALE GRÉGORIENNE

(18 juillet 1944) 1

A l'occasion du vingt-cinquième anniversaire de la fondation de l'Institut de culture supérieure religieuse de l'Université pontificale grégorienne, le Saint-Père a fait parvenir à son président, le R. P. Gaetani S. ]., la lettre suivante :

C'est avec un intérêt particulier et avec un sentiment de joie que Nous avons parcouru, dans 'le rapport que Nous a fait le regretté Père Garagnani, l'histoire des premiers vingt-cinq ans de laborieuse activité vécus par l'Institut de culture supérieure religieuse, si sagement dirigé pendant de nombreuses années par ce même Père et ensuite par vous, cher fils, avec un zèle et un dévouement égaux à l'importance de l'oeuvre entreprise.

Nous sommes Nous-même reconnaissant au Seigneur des avantages si évidents que cette prévoyante institution a procurés à la cause de Jésus-Christ par son travail adapté aux exigences intellectuelles et scientifiques de notre temps. Il n'y a pas à dire avec quelle satisfaction et avec quelle confiance Nous faisons suivre Notre parole de félicitation pour une oeuvre qui donne tant d'éclat à la Rome catholique et dont les buts nobles et saints ont été et sont encore si bien poursuivis.

Reconnaissant d'autre part à l'égard de ses vaillants dirigeants, dignes en tout de leur traditionnel zèle apostolique, Nous ne doutons pas que l'heureuse célébration de ce vingt-cinquième anniversaire,

1 D'après le texte italien de VOsservatore Romano, du 17 novembre 1944.

si elle est pour eux-mêmes un motif de légitime satisfaction du travail accompli, sera davantage encore un stimulant pour persévérer dans leur entreprise avec une ardeur redoublée, maintenant que le devoir de servir la cause de la religion et de l'Evangile par toutes les voies et tous les moyens se fait plus urgent afin de coopérer tous de la meilleure manière à préparer pour la société martyrisée un avenir plus chrétien et de rendre moins incertaine la paix des esprits et des coeurs.

C'est dans ces sentiments que Nous formons le voeu que l'Institut de culture supérieure religieuse reste le foyer bienfaisant et recherché de cette foi et de ce sentiment religieux dont le divin Maître nous a donné la consigne immortelle ; et en même temps que Nous adressons Notre pensée affectueuse à la chère mémoire de l'inoubliable Père Garagnani, Nous formons pour vous Nos voeux paternels et, à vous-même, à chacun de vos collègues et à ceux qui fréquentent les cours, Nous accordons de coeur, en gage de Notre particulière bienveillance, le réconfort de la Bénédiction apostolique.


DISCOURS AUX DIRIGEANTS, AUX DÉLÉGUÉS ET AUX DIVERSES COMMISSIONS DU CERCLE DE SAINT-PIERRE

(23 juillet 1944) 1

Les dirigeants du Cercle de Saint-Pierre, société d'apostolat et de bienfaisance, étant venus présenter leurs hommages et le plan de leur activité au Saint-Père, à l'occasion du LXXVe anniversaire de la fondation du Cercle, le pape leur a répondu par le discours suivant :

Tandis que les soucis et les angoisses indicibles, que les années de guerre ont accumulés l'une après l'autre, pèsent sur Notre âme, votre présence, Messieurs les cardinaux, vénérables prélats, et vous tous, chers fils et chères filles, ici réunis avec votre président très zélé et votre ardent assistant ecclésiastique, en ce LXXVe anniversaire de la fondation de votre Cercle, est pour Nous une source de joie réconfortante et sainte. Soixante-quinze années d'existence ! Que de nobles entreprises suscitées par la foi la plus ardente ! Que d'oeuvres de miséricorde corporelle et spirituelle, nées de la ferveur de l'apostolat ! Que de preuves de dévotion et d'attachement au Saint-Siège l'histoire de votre institution a enregistrées au cours de ces années !

Le Cercle de Saint-Pierre peut avancer saintement fier d'un passé glorieux dont le livre d'or porte à la première page, inscrite en caractères indélébiles, comme le résumé et le sceau de ses mérites envers l'Eglise et la papauté, l'action virile et constante en faveur de la cause catholique.

Le double engagement des membres du Cercle de Saint-Pierre.

Un signe caractéristique de l'esprit qui doit animer vos rangs apparaît dans la « profession de foi » que les membres actifs émettent aussitôt après leur admission, et dans laquelle se trouve affirmée à plusieurs reprises la confession de la foi catholique.

« Je promets solennellement, y est-il déclaré, de professer et de pratiquer avec franchise et courage la religion catholique. » Le nouveau membre s'engage solennellement, avec la conscience et le sentiment de responsabilité de l'homme mûr, à ce qui, dans le sacrement de la confirmation, fut signifié par le signe de croix tracé sur son front, à savoir : à « ne pas rougir de confesser la foi du Christ et à mépriser pour la défendre toute considération humaine ». En outre, le jeune champion dans le bataillon groupé sous l'étendard de Pierre promet en particulier « de défendre en toute circonstance et sans considération humaine les droits » du Vicaire de Jésus-Christ et Chef suprême de l'Eglise, et « de s'employer à raviver dans les autres le respect et la soumission qui lui sont dus ».

Mais ce qui fait à juste titre votre gloire, c'est, par-dessus tout, le fait que vos prédécesseurs — comme vous-mêmes aujourd'hui — ont été en tout temps fidèles à leur étendard et à leur promesse. Lorsque, en des jours désormais lointains, l'on se battit dans les rues de Rome autour de la dépouille d'un vénéré Pontife, les hommes et les jeunes gens de votre association étaient là — symbole et expression irréfutable de toute votre attitude — à l'endroit le plus exposé. Et chaque fois qu'il s'est agi, dans la Ville éternelle, de défendre les droits de Dieu, la liberté de l'Eglise, la dignité et l'indépendance de son Chef visible, les traditions chrétiennes de la ville, vous avez été, sentinelles vigilantes, au poste d'honneur et en première ligne.

Pénible situation de la papauté au temps de sa fondation.

Et cependant, quelles étaient les conditions religieuses et sociales dans les débuts du Cercle de Saint-Pierre, dans ces années où ses fondateurs et ses premiers membres lui gagnaient le respect et rendaient manifeste sa fermeté vigoureuse contre des oppositions et des difficultés qui exigeaient, pour être vaincues, un courage et une abnégation remarquables ? C'étaient des temps où l'atmosphère était très tendue dans toute la vie publique. Mais aussi des temps qui ne préparaient ni ne laissaient présager pour l'Eglise des triomphes visibles. Tout au contraire, la papauté dut supporter alors de très dures épreuves. Selon les calculs purement humains, en de telles

circonstances, il fallait s'attendre, non point certes à des victoires, mais bien à des sacrifices seulement, et pour longtemps. Les membres de votre Cercle en avaient pleine conscience, mais parce qu'ils étaient mus par des sentiments de foi vive, non par des buts et des pensées terrestres, cet état de choses ne faisait qu'aviver la fermeté de leurs résolutions et la flamme de leur zèle. Et cependant, non seulement la vision surnaturelle, mais encore la considération elle-même, purement historique, des grands événements dont fut riche le temps qui a suivi, ont justifié entièrement leur action. Puisse la grandeur d'âme avec laquelle ils sont restés, en des moments graves, étroitement unis à Pierre et à ses successeurs, être toujours la lumière, le modèle et la loi écrite dans le coeur des membres de votre Cercle !

Ses oeuvres d'apostolat et de bienfaisance.

Si Nous tournons maintenant le regard vers les oeuvres d'apostolat et de charité auxquelles, chers fils : membres vétérans et jeunes gens audacieux ; et vous, chères filles : dames à la main gracieuse et religieuses vives et prêtes à tous les sacrifices, vous consacrez votre dévouement infatigable et toujours en progrès à mesure qu'augmente le nombre des misères à secourir, misères du corps, misères de l'âme, misères du coeur, Nous voyons que votre triple idéal : prière, action, sacrifice, dont la manifestation suprême est la charité vivante de la vie du Christ qui, se déployant sous l'inspiration et la conduite maternelle de l'Eglise, a été vraiment votre titre de noblesse et votre programme.

Un programme ? Plus et mieux qu'un programme est l'histoire d'un passé magnifique de trois quarts de siècle ; c'est, dans le présent, le tableau de votre activité charitable intense ; histoire et tableau qui ne veulent être que l'annonce et le gage d'un avenir encore plus beau et plus fécond.

Venue à une époque où la Passion du Christ se renouvelait, une fois de plus après tant d'autres dans la personne de son Vicaire, ' votre société est née de la charité divine dans ses effusions les plus hautes et les plus délicates, et elle s'est développée dans l'amour du Christ et de l'Eglise. Mais lorsque la charité remplit le coeur, nécessairement elle déborde. Comme un torrent qui renverse les obstacles, comme un fleuve qui inonde et féconde la plaine, comme un lac aux eaux tranquilles dont le trop-plein se déverse doucement au-dessous de lui dans les plus petites fentes de la roche pour y pénétrer, dans les dépressions les plus légères du sol pour les recouvrir, de même, il n'était aucune misère, aucune détresse qui pût échapper à la vigilance attentive du groupe, alors naissant ; aucune barrière n'arrêtait son élan, aucune forme du bien ne lui restait étrangère.

Durant soixante-quinze années, le progrès s'est continué sans interruptions, sans crises, sans incertitudes, sans ralentissements, parce que la source inépuisable de cette charité se trouve dans le coeur même de Dieu. Durant toute cette période, que de noms ont laissé dans l'histoire de votre association leur trace lumineuse, en même temps que de nombreux et chers souvenirs dans votre coeur et dans le Nôtre !

De vos oeuvres multiples vous avez voulu, et c'est une heureuse pensée, Nous donner une image vivante, et pour ainsi dire une synthèse, en amenant ici, avec vous et avec vos collaboratrices infatigables, les délégations de ceux et de celles dont vous êtes les bienfaiteurs : jeunes filles qui trouvent dans vos asiles plus qu'un refuge, une seconde famille ; jeunes gens que forme l'Oratoire pour assurer à la société un avenir meilleur ; membres souffrants du Christ, à qui vous procurez dans les divers quartiers de la ville, le vivre et le couvert. Ces frères très chers forment votre grande famille, et ils sont aussi les fils que le Christ Nous a confiés et que Nous pressons dans Nos bras avec une affection paternelle et, en même temps qu'eux, tous ceux à qui vous prodiguez votre oeuvre d'infatigable charité chrétienne.

Son infatigable et multiple charité.

Ainsi vous avez fait vôtre la belle pensée d'un fervent chrétien et grand bienfaiteur de l'humanité, Pasteur : « En fait de bien à répandre, le devoir ne cesse que là où le pouvoir manque. » Avec quel coeur le Cercle de Saint-Pierre, depuis soixante-quinze ans, assure et remplit une si noble tâche ! Il contemple les angoisses d'une grande partie du peuple et, les voyant sous les aspects les plus divers, il varie pareillement, pour les étendre à tous, les industries de sa charité ; remarquant à certaines époques que ces misères augmentent et montent comme la marée aux grands jours du flux, il puise dans l'amour des forces nouvelles pour écarter et éloigner de soi toujours davantage les limites où son pouvoir viendrait à cesser, sans jamais vouloir admettre qu'il les aurait atteintes. Dans les heures graves — comme celles dans lesquelles nous-mêmes nous vivons — beaucoup de malheureux, qui ont connu l'aisance, et peut-être même l'opulence, errent aujourd'hui sans maison ni toit, torturés par la faim, humiliés de montrer dans leurs haillons mêmes les vestiges tristement ironiques de leur splendeur passée. On lit dans leur regard, plus qu'on ne l'entend sur leurs lèvres, le douloureux Salvum me fac du psalmiste : « Sauve-moi, ô mon Dieu, car les eaux me sont entrées jusqu'à l'âme. J'enfonce dans la bourbe du gouffre, et rien qui tienne ; je suis entré dans l'abîme des eaux et les flots me submergent. Je m'épuise à crier, ma gorge brûle, mes yeux sont consumés d'attendre mon Dieu » (Ps 68,1-4).

La main de Dieu se fait visible en vous, chers fils et chères filles ; par le moyen de votre ministère charitable, elle assure aux malheureux la table des cuisines économiques et à un bon nombre aussi la table de famille, le lit de vos dortoirs, les vêtements de votre garde-robe. Des témoins superficiels aiment à rendre à toutes ces formes délicates d'assistance l'hommage de leur admiration, et en cela ils ont raison. Toutefois, ils n'en pénètrent pas le côté le plus admirable, ils n'en scrutent pas ni n'en comprennent l'élément le plus précieux.

Son souci du bien des âmes.

Mais même dans ces oeuvres appelées de miséricorde corporelle à cause de leur objet immédiat, vous regardez plus haut que l'aide matérielle, vous réveillez, pour la rassasier ensuite, la faim de l'âme, et Dieu sait quel avantage spirituel offrent déjà et offriront toujours davantage les messes dominicales, les prédications et les retraites instituées par vos soins.

Plus durable et plus profond encore est le bien qui s'accomplit en silence dans les coeurs des petites filles et des enfants, dans ces maisons de famille, dans ces cures d'air et de soleil, véritables oasis de pureté, de piété, de paix et de joie, centre d'hygiène physique et morale, où les corps, les esprits, les coeurs se font plus actifs et plus forts, et d'où tant de jeunes filles, employées et ouvrières, sortent pour aller où le devoir les appelle, immunisées autant qu'il est possible contre la contagion et portant avec elles, pour la communiquer aux autres, une atmosphère de santé et de vigueur.

Que dire aussi des oeuvres par lesquelles votre Cercle exerce, d'une manière discrète, mais efficace, son influence directe sur les âmes ? C'est l'enseignement, la pénétration de la doctrine de vérité, grâce à la diffusion des Evangiles du dimanche, aux cours de catéchisme dans l'oratoire de Saint-Grégoire, à l'oeuvre des premières communions. C'est le secrétariat du peuple où chacun trouve non seulement l'appui nécessaire et offert gratuitement pour tant de démarches administratives et légales, mais encore les conseils affectueux qui aident à marcher avec plus de sécurité dans la bonne voie.

Combien conservent ainsi dans leur coeur un souvenir reconnaissant de vos bienfaits ! Nous-même, Nous tenons à vous exprimer aujourd'hui Notre gratitude pour l'aide que vous Nous apportez, lorsque, recueillant avec dévouement l'obole du Denier de Saint-Pierre, vous Nous mettez en mesure de satisfaire plus largement Notre désir de sécher tant de larmes, d'apaiser tant de douleurs.

Son âme et sa vie intime.

Lorsque, au milieu de la foule qui s'agite, un homme passe, calme et tranquille, en faisant silencieusement le bien, les regards des spectateurs se portent de ses mains, qui sèment les bienfaits, à son front, qui irradie la lumière ; ils sont avides de lire, à travers ses yeux limpides, jusqu'au fond de son coeur, le secret de cette bonté souriante qui charme et attire tout le monde.

C'est de la même manière que le peuple romain voit les oeuvres extérieures de votre association, dont le nom est béni des déshérités qui en reçoivent soutien e4 réconfort ; mais il est néces3aire d'en connaître l'âme, si l'on veut en pénétrer et en comprendre le secret. C'est là que réside sa beauté, là que s'orne avec une riche variété le vêtement de ses actions bienfaisantes.

La vie intime de votre Cercle ! Que pourrions-Nous en dire d'autre, sinon qu'elle est la réalisation pratique, réelle et cons-- tante des conseils de l'apôtre saint Paul aux Colossiens (in, 12-17) ? « Vous donc, les élus de Dieu, ses saints et ses bien-aimés, revêtez des sentiments de tendre compassion, de bienveillance, d'humilité, de douceur, de patience... Et puis par-dessus tout ayez la charité, en laquelle se noue la perfection. Avec cela que la paix du Christ règne dans vos coeurs : tel est bien le terme de l'appel qui vous a rassemblés en un même Corps... Que la parole du Christ réside chez vous en abondance : instruisez-vous en toute sagesse par des admonitions réciproques. Chantez à Dieu de tout votre coeur avec reconnaissance, par des psaumes, des hymnes et des cantiques inspirés. Et quoi que vous puissiez dire ou faire, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus, rendant par lui grâces au Dieu Père. » Monter vers Dieu pour descendre parmi les hommes, telle est la voie de la charité : alpinisme, si vous voulez, mais alpinisme divin, nécessaire et substantiel pour assurer votre vie et votre oeuvre.

Exhortation.

Restez donc fidèles à votre esprit ! Certainement les méthodes de travail peuvent, pour vous aussi, requérir des adaptations particulières aux changements des conditions de vie qui se produisent dans les temps et dans les choses. Celles-ci ne sont-elles pas, à l'heure actuelle, incomparablement plus compliquées qu'il y a soixante-quinze ans ? C'est pourquoi la charité chrétienne a su et voulu, même sous le rapport technique, perfectionner son oeuvre. N'appartient-il pas à l'essence de l'apostolat, de se conformer aux améliorations apportées par l'expérience et par les progrès sur le terrain de l'organisation, afin qu'il se maintienne toujours à la hauteur de sa tâche et toujours prêt à porter secours ? Mais que cette force intime et ce souffle surnaturel, qui font de vous des hommes d'une piété solide, pleins d'entrain pour suivre l'âpre et dur sentier de leur propre sanctification intérieure ; que cet élan, qui est le vôtre, vers tout ce qui est juste et droit, conforme à la foi, à la charité, à la patience, à la mansuétude (cf. 1Tm 6,11), que tout cela demeure toujours votre esprit, le même esprit qui a animé vos prédécesseurs, cet esprit que l'on sent flotter dans cette salle, plus puissant que toute parole, plus vif que toute étincelle ! Il vous préservera aussi de tomber dans les erreurs — chose facile et fréquente en des temps agités et confus — que Nous devons avec douleur déplorer en plusieurs de Nos fils, qui Nous sont très chers, et qui, pourtant, tout en continuant à s'appeler cathdliques, se montrent ignorants ou peut-être oublieux des enseignements les plus clairs de l'Eglise.

C'est pourquoi, Nous ne pouvons vous souhaiter ni demander pour vous à Dieu rien de plus désirable ni de plus efficace que la persévérance et l'avancement sur le chemin que vous parcourez, guidés par le Christ et par son Vicaire, sous la protection de la Vierge immaculée, en qui résident toute la grâce de 'la voie et de la vérité, toute l'espérance de la vie et de la vertu (cf. Eccli., xxiv,

Et avec l'espoir confiant qu'une telle faveur vous sera accordée avec abondance, Nous vous donnons de tout coeur à chacun et à chacune d'entre vous, chers fils et chères filles, à vos familles, à toutes les personnes et à toutes les choses qui vous sont chères, à votre association tout entière et à ses oeuvres, Notre paternelle Bénédiction apostolique.


DISCOURS AUX DÉLÉGATIONS DE L'ARMÉE ET DU PEUPLE DE POLOGNE

(28 juillet 1944) 1

Le général en chef des forces armées polonaises, de nombreux généraux et aumôniers, et d'autres personnalités polonaises, étant venus remercier Pie XII des sentiments d'affection qu'il n'avait cessé de manifester à la Pologne durant la guerre, le Saint-Père leur a répondu par ce discours :

Les souffrances de la Pologne en guerre.

Il Nous serait bien difficile de trouver les paroles aptes à vous exprimer comme Nous la sentons la vive et profonde émotion qui Nous étreint en ce moment, fils très chers de la Pologne bien-aimée. Depuis les toutes premières alertes de l'horrible tourmente et à mesure que celle-ci, une fois déchaînée, sévissait de plus en plus furieuse, le regard du coeur tendu vers votre héroïque nation, Nous suivions jour par jour, heure par heure, pourrions-Nous dire, dans la douleur et l'anxiété, le cours des événements qui l'accablaient, à peine ressuscitée et consolidée, de nouvelles et toujours plus dures épreuves. Mais pas plus que vous, Nous n'avons un seul instant désespéré d'une nouvelle résurrection de votre patrie, répétant avec vous le cri inspiré du juste souffrant : Etiam si occiderit me, in ipso sperabo, « me tuerait-il, en lui j'espère » (Jb 13,15).

Qui eût pu prévoir que ces vicissitudes mêmes dussent vous amener aujourd'hui avec vos illustres chefs du champ de bataille à la demeure du Père commun, après avoir donné des exemples magnifiques de religion et de piété, portant sous l'habit de vaillants guerriers le coeur des plus dévots pèlerins, pour offrir au successeur de Pierre le filial hommage de votre peuple.

A vous voir maintenant, pressés autour de Nous, Notre souvenir se reporte, cinq ans en arrière, à ce 30 septembre 1939, où la colonie polonaise de Rome venait, au milieu de ses angoisses, Nous apporter le témoignage de son imperturbable confiance et recevoir en retour Nos pardles de consolation et d'encouragement. Ce n'était alors pourtant que le prélude des douleurs, initia dolorum (cf. Mt 24,8) et le flot de ces douleurs, montant, montant toujours, a submergé votre patrie : Intraverunt aquae usque ad animam meam (Ps 68,1). Malgré tout, après ces cinq longues années d'agonie, Nous pouvons, aujourd'hui comme alors, lire dans vos yeux la même confiance, la même fidélité, mais Nous y voyons briller, cette fois, la belle flamme de la noble fierté et de l'espérance.

En réalité, quoique votre sol national soit tout rouge du sang qui l'inonde, votre droit est si certain, que Nous avons le ferme espoir que toutes les nations prendront conscience de leur dette envers la Pologne, théâtre et trop souvent enjeu de leurs conflits, et que quiconque garde au coeur une étincelle de sentiment vraiment humain et chrétien tiendra à revendiquer pour elle toute place qui lui est due, selon les principes de la justice d'une véritable paix.

Eloge de la Pologne

La vie des peuples est une succession continuelle d'ombre et de lumière ; nul plus que le vôtre ne présente ce clair-obscur dans son tragique passé. Parmi tant de vicissitudes, vos excellentes qualités : votre bravoure, votre esprit de sacrifice, votre patriotisme vous ont sauvés dans les dangers extrêmes et jusque sur le bord de l'abîme. Rélisez vos annales et retenez l'enseignement que vous verrez jaillir de l'histoire des temps meilleurs, comme celui du grand roi Casimir ; vous y trouverez qu'en ceci réside le précieux secret de la force nationale : un pouvoir qui n'a en vue que le vrai bien du peuple et, réciproquement, un peuple unanimement soumis avec confiance à ses chefs en vue du bien commun.

... de ses femmes

Mais Nous voyons surtout deux sources qui, aux heures les plus périlleuses, maintiennent chez vous la vie saine et forte. C'est d'abord l'énergie et la prudence de vos admirables femmes qui se sont montrées si souvent, dans le temps de la détresse, les fermes soutiens de votre espérance. Vos mères, vos soeurs, vos épouses, vos fiancées, au

cours de ces années sombres, comme elles ont travaillé, comme elles ont souffert, comme elles ont prié pour vous et en union avec vous !

... et de sa foi.

Et puis, c'est la vitailité de votre foi catholique bientôt millénaire : elle date de cette année 966 où votre prince Mieszko Ier la reçut de l'Eglise romaine et du Souverain Pontife. Depuis, votre fidélité au Christ, à son Eglise, à son Vicaire est demeurée indéfectible ; elle a franchi la période troublée du XVIe siècle sans de graves dommages. Elle vous a coûté bien des combats soutenus avec intrépidité, bien des souffrances portées avec courage.

En dépit des problèmes, des préoccupations qui peuvent obscurcir encore l'horizon, Nous avons confiance que la Providence divine, en récompense de ces mille ans, vous fera goûter enfin la douceur d'une paix durable dans une heureuse prospérité. Elle vous en donne comme un avant-goût en cet instant même qui vous réunit auprès de Nous.

Souhaits de paix dans la dignité.

Halte bien brève au milieu de vos pénibles tribulations et de vos dures fatigues ; bien brève, oui, mais qui, Nous n'en doutons pas, vous laissera au coeur un parfum, un baume dont le bienfait ne passera pas aussi vite. Car ici, à Rome, en cette « Cité de Dieu » sur la terre, choisie par lui pour centre de son Eglise, tous les lieux, toutes les pierres parient un langage auquel nul esprit chrétien ne saurait demeurer insensible. « Cité de Dieu », dont tous les citoyens, en dépit des divisions, des conflits d'intérêts, par-dessus les heurts inévitables en ce bas monde, sont tous frères, de la grande et véritable fraternité dans la charité du Christ, parce que tous sont également fils du Père qui est aux cieux, tous également frères et cohéritiers du Fils qui en est le fondateur, le sauveur et le roi.

C'est que, connaissant comme Nous le connaissons le noble coeur de votre peuple, Nous avons la conviction que l'amour du Christ saura vous inspirer ce que déjà la sagesse pdlitique vous suggère ; il vous fera planer bien au-dessus des calculs purement humains et dédaigner les âpres satisfactions des représailles et de la vengeance pour leur préférer la sublime tâche de faire valoir vos légitimes revendications, de relever et reconstituer votre patrie, de travailler en commun avec toutes les âmes droites, qui sont nombreuses en toutes les nations, à rétablir les relations fraternelles entre les membres de la grande famille de Dieu.

C'est en plaçant sous la protection de la Vierge Marie, Reine et Patronne de la Pologne, cette espérance d'un heureux avenir et en lui confiant Notre prière que, du fond du coeur, Nous vous donnons à vous, à vos familles, à vos camarades, à tous ceux qui vous sont chers, à ceux qui, dans la patrie ou dans l'exil, attendent votre retour, à tout le peuple polonais enfin, en témoignage de Notre affection et en gage des faveurs divines, Notre Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION A DES SOLDATS BRITANNIQUES CATHOLIQUES

(1er août 1944) 1

Fils bien-aimés, vos coeurs sont remplis, Nous en sommes sûr, d'un sentiment de joie et de gratitude pour cette occasion que vous avez de visiter le centre vital de la chrétienté, où le Prince des apôtres gouverna jadis la Sainte Eglise jusqu'à ce que le martyre scellât son amour et sa loyauté envers le Christ. C'est une visite qui doit éveiller bien des émotions salutaires. L'une d'elles est suscitée par la liturgie de ce jour même, où l'Eglise commémore un événement de la vie de cet apôtre au coeur généreux, le premier Vicaire du Christ sur la terre. Au temps où Herode avait jeté Pierre en prison, espérant ainsi affaiblir et tuer l'Eglise naissante, un ange du Seigneur pénétra dans le cachot, les chaînes se détachèrent du prisonnier, et l'ange le conduisit jusqu'à la liberté. Mais c'était la liberté de travailler, de prêcher aux hommes la révélation de Dieu et d'administrer sans peur les sacrements, la liberté de souffrir, la liberté enfin de mourir pour le Christ et son Epouse immaculée. Avec quels sentiments de reconnaissance et quelles actions de grâces les fidèles doivent-ils se rappeler la toute-puissante et infiniment sage Providence de Dieu qui, depuis le commencement à travers les siècles, a protégé l'Eglise, cette Eglise qu'il a fondée sur Pierre et qui, reposant sur les successeurs de Pierre, doit continuer, toujours la même, jusqu'à la fin des temps ! Combien leur amour de l'Eglise et leur obéissance à ses lois doivent être augmentés par la connaissance de ce fait que le bras de Dieu qui la dirige et la protège la soutient toujours !

SOLDATS BRITANNIQUES CATHOLIQUES

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Vous allez maintenant prier au tombeau de saint Pierre. Priez pour l'Eglise ; priez pour Nous, qui Nous réjouissons, oh ! si profondément, de pouvoir vous saluer ici, vous accueillir et vous dire de Nos propres lèvres que l'amour et la sollicitude du Christ pour son troupeau battent toujours dans le coeur de son Vicaire, pour partager les souffrances et les chagrins de tous, leurs craintes, leurs espoirs et toutes les petites joies simples qui se présentent dans leurs vies. Vous aurez, dans vos prières, une intention grave et recueillie, spécialement en ces jours, pour votre propre pays, votre terre natale que vous aimez, et pour ceux qui y sont en péril ; et avec une charité chrétienne vous inclurez dans vos prières tous ceux qui, de par le monde, sont victimes, des victimes innocentes et impuissantes, de cette guerre redoutable. Pour eux, Nous aussi, Nous élevons Notre âme dans une supplication vers Dieu, tandis qu'avec toute l'affection de Notre coeur paternel Nous bénissons votre pays bien-aimé, et que Nous vous donnons, à vous et à vos familles, la Bénédiction apostolique.


RADIOMESSAGE AUX POPULATIONS SUD-AFRICAINES ET AUX PRISONNIERS ITALIENS DÉTENUS EN CES RÉGIONS

(3 août 1944) 1

Le ministre de Grande-Bretagne près le Saint-Siège s'étant fait l'interprète du vif désir manifesté par les forces armées de l'Afrique du Sud d'obtenir de Sa Sainteté une attention spéciale pour leur pays, Pie XII a adressé le radiomessage ci-dessous aux populations de l'Afrique du Sud, qu'il a fait suivre d'un message aux 80 000 prisonniers italiens qui se trouvaient en ces contrées :

Nous Nous adressons aujourd'hui pour la première fois à l'Afrique du Sud. Au-delà des mers et des déserts, aujdelà des monts et des cataractes, Notre voix vous parvient, à vous qui habitez sous les étoiles de la Croix du Sud, et elle vous apporte à tous l'expression sincère de Notre paternelle bénédiction et de Notre affection profonde ; à tous, jeunes et vieux, riches et pauvres ; à ceux qui sont malades et souffrent dans leur corps et à ceux dont les âmes sont déchirées par l'angoisse et le chagrin au sujet d'êtres chers qui jamais ne reprendront leur place dans le cercle familial ; aux dirigeants du pays, aux chefs d'industrie, et à ceux dont le dur labeur et la coopération loyale sont nécessaires pour le bien et le progrès général de la nation. Que Dieu le Père tout-puissant et qui aime tous les hommes vous protège, vous guide et vous enrichisse de ses dons temporels et spirituels, afin que la prospérité, la vertu et la paix puissent apporter le bonheur à vos foyers et vous assurer une place honorable parmi les peuples de la terre.


POPULATIONS SUD-AFRICAINES

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Responsabilités de la richesse vis-à-vis des droits de l'homme et de sa suprême destinée : Dieu.

Il y a seulement un siècle, l'Afrique était dans sa plus grande partie un mystère ignoré et inexploré ; aujourd'hui nul ne méconnaît la grandeur sauvage et la richesse du continent africain, et tout particulièrement de votre Afrique du Sud ; richesse des sources naturelles de force que l'homme commence tout juste à exploiter, richesse des trésors cachés que la terre accorde à la fatigue et à la sueur du labeur humain ; et cette richesse, créée par Dieu, pour le bien commun, est une promesse de prospérité matérielle qui devrait permettre à chacun de vos concitoyens de passer sa vie dans des conditions conformes à sa dignité d'homme, et de s'élever jusqu'à l'accomplissement, dans une liberté raisonnable, de cette somme de devoirs permanents dont il est directement responsable devant son Créateur.

Mais pour assurer et sauvegarder ces droits primordiaux et inaliénables de l'individu, il faut résoudre des problèmes sociaux et économiques, d'autant plus graves dans une société complexe comme la vôtre, et Nous sommes persuadé que vos chefs spirituels et temporels sont décidés à les affronter avec un courage éclairé et à apporter à leur solution une compréhension généreuse et une étude patiente.

Car la richesse comporte des responsabilités, et la richesse d'une nation entraîne des responsabilités pour la nation. « C'est par conséquent la noble prérogative et la mission de l'Etat, écrivions-Nous dans Notre première encyclique, que de contrôler, aider et régler les activités privées et individuelles de la vie nationale, pour les faire converger harmonieusement vers le bien commun, lequel ne peut être déterminé par des conceptions arbitraires, ni trouver sa loi primordiale dans la prospérité matérielle de la société, mais bien plutôt dans le développement harmonieux et dans la perfection naturelle de l'homme, à quoi le Créateur a destiné la société en tant que moyen. » 2

Et cette fin, cette suprême destinée de l'homme, quelle est-elle ? Sûrement elle ne reste pas confinée dans les limites étroites de cette vie fragile et passagère. « Dieu nous a créés pour lui ; et notre coeur ne sera jamais en paix avant de reposer en lui. » Ces paroles de saint Augustin ont formulé la conviction des plus grands esprits de tous les temps ; elles traduisent réellement le sentiment le plus

2 Encycl. Summi Pontificatus, du 20 octobre 1939 ; Documents Pontificaux 1939, p. 282.

profond et le plus sincère de tout coeur raisonnable. Qui ignore que si la vie — que ce soit 'la vie de l'individu, de la famille ou de l'Etat — n'est pas réglée par les principes de justice et de charité, il ne peut exister de vraie prospérité ni de vrai bonheur parmi les hommes ? Et cependant justice et charité hors de Dieu sont semblables à des mots écrits sur le sable inconsistant. Passer sous silence l'autorité de Dieu, tout comme s'il n'y avait pas de Dieu, ou comme s'il se désintéressait de ses créatures, ou comme si les hommes, pris individuellement ou liés par les rapports sociaux, ne devaient rien à Dieu, c'est saper les bases nécessaires de moralité et de religion sans lesquelles la société humaine ne peut espérer subsister ; c'est une attaque hostile contre le coeur même d'un peuple.

Et c'est pourquoi Nous voulons saisir l'occasion qui Nous est donnée d'exprimer Notre profond sentiment de gratitude envers les centaines de prêtres et de Frères religieux et envers les religieuses, au nombre de près de cinq mille, qui consacrent leur vie à l'éducation chrétienne des générations montantes. Ils apprennent aux petits enfants à connaître, à aimer et à servir leur Dieu et Créateur ; ils versent dans leurs coeurs innocents et impriment dans leurs esprits malléables une claire compréhension des devoirs de l'homme dans la vie ; leur rappelant que l'homme a une destinée tout à fait indépendante de toutes les vicissitudes et des institutions humaines de ce monde, et que rien ne devrait le faire s'écarter du chemin qui y mène ; qu'il doit respecter les droits de ses frères, être bon et charitable envers eux, car chacun d'entre eux, quelle que soit sa situation raciale ou sociale, partage avec lui la même destinée noble et éternelle donnée par Dieu. Les jeunes apprennent à faire passer ces principes du Christ d'abord du catéchisme dans leur vie de tous les jours au foyer, puis plus tard dans la vie commerciale, professionnelle et politique. Ils deviendront alors le véritable rempart et la défense de la grandeur propre du pays qu'ils aiment comme le leur. C'est l'honneur et le bonheur que Nous appelons par Nos prières sur vous tous, fils bien-aimés d'Afrique du Sud.

S'adressant aux prisonniers italiens d'Afrique du Sud, le pape a poursuivi en italien :

Et maintenant, à vous aussi, fils très aimés, prisonniers italiens dans cette partie extrême de l'immense continent africain, Nous voulons que parvienne, paternellement affectueuse, Notre parole de consolation et d'espérance.


Pie XII 1944 - ALLOCUTION AU PRÉSIDENT ET AUX MEMBRES DU CONSEIL MUNICIPAL DE ROME