Pie XII 1945 - ALLOCUTION A DES REPRÉSENTANTS DES GRANDS ORGANES DE LA PRESSE ET DE LA RADIODIFFUSION DES ÉTATS-UNIS


ALLOCUTION A DES PROFESSEURS DE SPORTS

(29 juillet 194Ï)1

Aux professeurs de l'Ecole centrale des sports des Forces armées des Etats-Unis, reçus par le Saint-Père à la fin d'une semaine d'étude qu'ils avaient tenue à Rome, Pie XII a rappelé le sens chrétien du sport.

En vous souhaitant cordialement la bienvenue, Nous Nous rendons compte que vous êtes un groupe exceptionnel. En tant que directeurs et instructeurs de l'Ecole centrale des sports, vous représentez l'effort qui tend à développer les forces physiques de l'homme et à former son caractère. En tant que diplômés de plusieurs universités américaines, vous représentez l'effort que fait l'homme pour atteindre les valeurs élevées symbolisées par le nom même de l'université. Et enfin, comme une unité sous l'autorité militaire, vous incarnez la discipline qui tend à unir le spirituel et le physique, le corps et l'âme, dans l'harmonie de l'homme complet.

Le sport, bien dirigé, développe le caractère, rend l'homme courageux, généreux dans la défaite et aimable dans la victoire. Le sport affine les sens, donne plus de pénétration intellectuelle, renforce la volonté et l'endurance. Et alors il n'est pas seulement un développement physique. Le sport bien compris est une occupation de l'homme tout entier ; tandis qu'il perfectionne le corps en tant qu'instrument de l'esprit, il transforme également l'esprit en un instrument plus affiné pour la recherche et pour la transmission de la vérité. Il aide l'homme à réaliser le but auquel doivent être subordonnés tous les autres et qui est le service et les louanges de son Créateur.

C'est pour cette raison que Nous devons Nous réjouir de constater que la direction de l'Ecole centrale des sports est entre les mains d'universitaires. Car d'un côté vous insisterez sur l'aide considérable que le sport apporte à l'homme dans la lutte pour la vie, tandis que votre association académique vous mettra en garde contre la tendance très commune, hélas ! aujourd'hui à envisager le sport comme un but en lui-même, ce qu'il ne peut jamais devenir.

L'harmonie entre le développement physique de l'homme, d'une part, et son éducation intellectuelle et morale, de l'autre, n'est pas facile à atteindre. De là la nécessité pour vous d'inculquer à vos élèves l'importance de la discipline, non pas d'une discipline purement extérieure, mais d'une discipline de rigoureuse maîtrise de soi-même, qui est aussi nécessaire dans le domaine du sport qu'elle l'est dans l'ordre moral et intellectuel.

Convaincu que vous vous efforcerez d'enseigner à vos élèves ces valeurs élevées du sport, Nous vous donnons avec joie Notre Bénédiction, ainsi qu'à vos élèves, à tous vos proches et à tous ceux qui vous sont chers.

A six mille ouvrières catholiques d'Italie reçues en audience à l'occasion de leur congrès réuni à Rome pour l'étude du travail féminin, le Saint-Père a rappelé les normes qui doivent régler leur conduite par rapport à la famille, à la vie publique et à l'Eglise.

Vous voici rassemblées très nombreuses autour de Nous, ce matin, chères filles, empressées à Nous affirmer votre inébranlable adhésion aux vérités de la foi catholique et votre filial hommage au Vicaire du Christ. C'est avec une intime satisfaction que Nous vous saluons au nom de Celle qui est la gloire, la joie, l'honneur de toutes les femmes, la Très Sainte Vierge Marie, Mère de Dieu, dont l'Eglise célèbre aujourd'hui solennellement l'Assomption. Assomption de Marie en corps et en âme dans le ciel ! Cela signifie la fin atteinte, le terme, l'achèvement définitif, l'allégresse, le bonheur « qui ne lui sera pas enlevé » (Lc 10,42). Nous marchons tous, chères filles, avec une foi sans défaillance et une ardente espérance vers notre fin, nous ne l'avons pas encore atteinte ; nous sommes encore en route, errant dans cette réalité terrestre, réalité si pénible et si angoissante. C'est pourquoi vous désirez entendre de Nos lèvres une parole qui vous guide et vous réconforte, afin que vous ne défailliez point le long de la route, mais que vous puissiez atteindre en toute sécurité le but où vous aspirez.

Nous Nous proposons, s'il plaît au Seigneur, de parler dans une prochaine occasion de la condition et des devoirs de la femme dans la vie actuelle. Mais Nous avons hâte d'exposer dès aujourd'hui


DISCOURS AUX OUVRIÈRES CATHOLIQUES D'ITALIE

(15 août 1945)1

devant vous, ouvrières catholiques, quelques idées simples et brèves qui doivent régler votre conduite par rapport à la famille, à la vie publique, à l'Eglise.

Devoirs de l'ouvrière par rapport à la famille

La femme est le coeur de la famille. Le soin de la maison, où elle est reine, constitue le centre et le terrain de son activité principale. Mais dans cet ordre de choses, l'industrie avec ses prodigieux développements a déterminé une transformation sans précédents dans l'histoire de la civilisation humaine. Elle s'est annexé — vous le savez bien — une partie considérable des travaux domestiques qui reviennent naturellement à la femme, et, vice versa, elle a obligé les femmes à sortir en très grand nombre du foyer domestique et à apporter leur concours dans les ateliers, dans les bureaux, dans les administrations. Beaucoup déplorent un tel changement ; mais c'est un fait accompli dont il est présentement impossible de s'affranchir.

D'autres fois déjà, Nous avons indiqué les profondes répercussions qu'un tel changement a produites dans le peuple italien. Car ici, plus peut-être qu'en d'autres pays, la traditionnelle limitation de l'activité féminine au cercle de la famille était un élément fondamental de la santé et de la moralité de la nation, de sorte que ce changement a pu prendre l'aspect d'une véritable révolution sociale.

Quel est donc votre devoir dans une pareille situation ? Faites qu'aujourd'hui, plus que jamais, la famille soit le sanctuaire de votre vie. Que celles d'entre vous qui ne sont pas mariées demeurent, en principe, dans l'intimité de la maison paternelle ! Qu'elles consacrent de bon coeur leur gain et leurs heures libres, en premier lieu à ceux qui leur sont chers — parents, frères, soeurs — même si cela implique le renoncement à une vie plus indépendante et aux plaisirs auxquels tant de leurs compagnes s'abandonnent inconsidérément. Il s'agit ici, chères filles, de nager contre le courant pour demeurer fidèles à un devoir chrétien. Aussi bien l'accomplissement de ce devoir vous assurera le contentement et la paix du coeur, il attirera de plus sur votre avenir, comme une pluie printanière, les bénédictions du ciel.

Et maintenant, Nous disons à celles d'entre vous qui sont déjà épouses et mères : Nous savons parfaitement combien il est difficile de remplir, en restant fidèles à la loi de Dieu, et ses devoirs d'ouvrière dans une entreprise publique et, en même temps, ceux

de mère de famille ; Nous n'ignorons pas que beaucoup ne résistent pas et succombent à la tension qui provient de cette double charge. Les efforts de l'Eglise en faveur d'un salaire qui suffise à l'entretien de l'ouvrier et de sa famille ont eu et ont précisément aussi ce but (souvent bien difficile à atteindre) de ramener l'épouse et la mère à sa vocation propre au sein du foyer domestique.

Chères filles, si vous devez aussi gagner le pain quotidien dans les usines ou dans les administrations, donnez à votre mari et à vos enfants, dans les heures qui vous restent pour la maison, avec une ardeur redoublée le réconfort du bon exemple, des soins affectueux, de l'amour constant. Faites que votre demeure devienne, pour employer les termes de l'apôtre saint Paul, un endroit de « vie tranquille et paisible, en toute piété et dignité » (1Tm 2,2). Soyez toujours animées de l'intention d'assurer vous-mêmes à votre famille, en connaissance de cause, ces résultats bienfaisants que les anciennes moeurs chrétiennes, aujourd'hui disparues, procuraient presque inconsciemment. Dans la sanctification des fêtes, la pieuse assistance au saint sacrifice de la messe, la communion fréquente, vous puiserez le courage dans la profession de votre foi, la constance généreuse dans les adversités et les tribulations de la vie, la force pour conserver l'intégrité de l'âme et des moeurs, la fidélité conjugale, l'amour maternel prêt à n'importe quel renoncement. Par-dessus tout, la grâce de Jésus-Christ viendra avec abondance en vous, dans votre famille, dans vos compagnes de travail, afin que la droiture et la loyauté, le respect du droit et de la dignité d'autrui, la promptitude à s'aider réciproquement deviennent les qualités caractéristiques de vos rapports mutuels.

. dans la vie publique

Ce que Nous disions dans l'audience du 11 mars dernier 2, aux associations chrétiennes des travailleurs italiens au sujet de leurs droits et de leurs devoirs dans la vie sociale vaut aussi pour vous, chères filles. C'est pourquoi Nous Nous bornerons à traiter ici seulement deux points.

En premier lieu, Nous n'avons pas besoin de vous rappeler à vous qui avez une vaste expérience en matière sociale, comment l'Eglise a toujours soutenu le principe que, pour la même prestation

Voir ci-dessus, pp. 63 et suiv.

de travail, à égalité de rendement, l'ouvrière a droit au même salaire que l'ouvrier et combien il serait injuste et contraire au bien commun d'exploiter sans ménagement le travail de la femme, seulement parce qu'on peut l'avoir à plus bas prix, au préjudice non pas uniquement de l'ouvrière, mais encore de l'ouvrier, qui se trouve ainsi exposé au danger du chômage !

Pareillement, il est à peine nécessaire de vous rappeler que, lorsqu'il s'agit des fondements moraux de la famille et de l'Etat, des droits de Dieu et de l'Eglise, tous, hommes et femmes, de toute classe ou condition, sont strictement tenus de faire usage de leurs droits politiques au service de la bonne cause.

Mais il y a une chose que Nous vous recommandons particulièrement. En Italie, comme on sait, a été établi le syndicat unique, auquel ont adhéré même les catholiques, bien qu'ils fussent au courant non seulement des avantages escomptés mais aussi des dangers que ce syndicat pourrait présenter. Lors de sa fondation, on reconnut expressément la très haute valeur de l'influence que le souffle de la spiritualité évangélique exercerait dans l'oeuvre de la confédération. Cette prévision réconfortante s'est-elle vérifiée ? Nous n'oserions l'affirmer. Quoi qu'il en soit, personne plus que vous, ouvrières catholiques, n'est appelé à faire en sorte que les belles paroles prononcées alors ne demeurent pas un son vain et stérile, bientôt dispersé par les vents des passions politiques, mais qu'elles deviennent effectivement la force éclairante et tutrice de l'activité syndicale. Avec ce courage et cette confiance qui sont la gloire de la jeune génération ouvrière féminine, veillez à ce que le syndicat ne sorte pas du terrain qui lui est propre et ne se transforme en instrument de lutte de classe ou d'intérêts de parti.

... dans l'Eglise.

Ce troisième point, que Nous avons déjà touché d'autres fois, peut se résumer dans ces mots : l'Eglise est l'avocate, la protectrice, la mère des travailleurs. Qui voudrait affirmer le contraire et élever artificieusement un mur de séparation entre l'Eglise et le monde ouvrier serait amené à nier des faits d'une lumineuse évidence.

Si gloriari oportet (s'il faut se glorifier), dirons-Nous avec saint Paul (11 Cor., 11, 30), qui peut présenter un programme social aussi solidement fondé, aussi riche de contenu, aussi vaste et en même temps aussi mesuré et juste que celui que présente l'Eglise catholique ? Depuis qu'il existe un prolétariat de l'industrie, qui a

u combattu comme l'Eglise, en lutte loyale, pour défendre les droits humains des travailleurs ? Dans une lutte loyale : parce que c'est une action à laquelle l'Eglise se sent obligée devant Dieu par la loi du Christ. Dans une lutte loyale : non pour exciter la haine de classe, mais pour garantir à la classe ouvrière une situation sûre et stable que possédaient déjà les autres catégories de personnes, et afin que la classe ouvrière arrive à faire partie de la communauté sociale avec des droits égaux à ceux des autres membres.

Visitez les pays où l'Eglise catholique peut vivre et agir en liberté, même si ses fidèles, comme par exemple aux Etats-Unis d'Amérique, au Canada, en Angleterre, ne sont qu'une minorité ; là, pénétrez dans les grandes agglomérations de la vie industrielle ; vous n'y trouverez aucune trace d'opposition entre l'Eglise et le monde du travail. De même en Allemagne, antérieurement à 1933 — c'est-à-dire avant le début du régime national-socialiste — les organisations sociales catholiques dans les fiefs industriels les plus puissants — Nous pensons à la Rhénanie et surtout à la Ruhr — représentaient une force grandement bienfaisante, autant pour la protection de l'ouvrier que pour un juste et équitable règlement des conflits économiques. Ce n'est que là seulement où l'Eglise est opprimée et empêchée de vivre et de travailler que le peuple ignorant peut être amené à croire à l'inimitié de l'Eglise à l'égard des travailleurs.

Ouvriers et ouvrières d'Italie, enfants d'une patrie et d'une civilisation où surabondent plus qu'en aucune autre les rencontres et les contacts entre l'Eglise et le peuple, où la pensée catholique a si profondément au cours des siècles pénétré d'ans la conscience et dans la vie des populations, où ['Ecclesia Mater (la Mère Eglise) trouve une si admirable résonance, patrie dans laquelle les temps antiques se fondent harmonieusement avec le présent plein de vie, ne vous laissez tromper ou égarer par aucune propagande déloyale ! Pensez seulement aux dernièXcchs0 res ann es de l'effroyable guerre. L%Eglise vous a-t-elle abandonnés ? L'Eglise et le peuple ne sont-ils pas restés unis ? Le peuple qui souffrait et l'Eglise qui a voulu et qui, souvent, a pu ebficacement venir àXcchs0 son secours.

Mais avec vous, chères filles, Nous n'avons pas besoin d'insister sur ces vérités. Vous les connaissez et, avec une sainte fierté, vous suivez le drapeau social de l'Eglise. Votre présence autour de Nous témoigne clairement que vous espérez et que vous n'attendez la rénovation de la société que du Christ, de son esprit et de son amour.

Demeurez fidèles à vos convictions. Professez-les courageusement, et portez-les, pour autant qu'il dépend de vous, jusqu'à leurs conséquences dernières. En un temps apocalyptique comme le nôtre, ont seules autorité et valeur les âmes intègres, droites, résolues ; elles seules réussissent à surmonter tout obstacle, à entraîner les autres à leur suite. Et vous avez de votre côté et pour votre aide Dieu, 'la vérité, l'éternité.

Chères filles, Nous ne pouvons terminer Notre discours sans faire monter jusqu'au Dieu tout-puissant les plus ferventes actions de grâces pour la cessation du conflit mondial. A l'annonce de la fin de la guerre, en ce jour si cher à Marie, vos coeurs particulièrement sensibles et si longtemps torturés de femmes, d'épouses, de mères, de soeurs, de fiancées ont dû, même s'ils étaient déjà frappés par les deuils et les angoisses, se consoler et se réjouir. Les massacres monstrueux, les carnages horribles, les destructions inhumaines ont cessé. Que cesse également tout sentiment de haine, toute ambition de dominer, toute arrogance des puissants, toute oppression des faibles ! Que le monde ressuscite à une nouvelle vie dans une paix de vérité et de justice, qui rende les peuples et les nations tranquilles et unis comme des frères !

Avec ces sentiments et en vous remerciant de la joie que Nous a apportée votre présence, vos voeux et vos résolutions, Nous appelons sur vous-mêmes, sur vos familles, sur vos travaux, les plus abondantes faveurs célestes et, comme présage de ces dernières, Nous vous accordons de grand coeur Notre paternelle Bénédiction apostolique.


LETTRE AUX ÉVÊQUES DE BAVIÈRE

Xplain (15 août 1)45)l

Le Saint-Père a adressé ,a lettr% suivante aux évêques de Bavière, comme il l'avait déjà fait pour les évêques de France, de Hollande et de Pologne.

C'est avec joie que Nous avons reçu la lettre que vous et les autres évêques de Bavière, réunis à Eichstâtt en assemblée annuelle comme jadis et animés d'un zèle nouveau, avez eu l'aimable attention de Nous écrire. Nous avons été, en effet, grandement satisfait de constater par cet envoi combien vous et vos fidèles êtes exemplairement dévoués et attachés au Siège apostolique, et quels sentiments de particulière déférence vous nourrissez à Notre égard. Il Nous a été, à la vérité, très agréable d'apprendre que vous avez délibéré ensemble, toujours zélés à rechercher et à prescrire tout ce qui vous semble utile aux brebis confiées à vos soins et au développement de la religion catholique, au moment où, la guerre terminée, il s'agit de résoudre chez vous de graves questions, à la fois épineuses et compliquées.

Hommage à la fidélité des catholiques bavarois.

Heureusement, les temps de très dures persécutions lancées chez vous contre le nom chrétien ont pris fin ; l'ouragan s'est apaisé, le torrent impétueux s'est desséché, le cèdre qui s'élevait insolemment a été brisé, et l'on ne peut même plus en retrouver la place. Quant à l'Eglise, elle continue de survivre dans toute la Bavière couverte de glorieuses blessures ; les combats soutenus sont non seulement à son honneur, mais ils promettent pour demain une force et une vigueur encore plus grandes ; car il faut attendre une belle récolte du champ qui fut arrosé du sang des vaillants et il n'est pas possible que la foi languisse ni que la vertu dépérisse là où tombèrent, pour la défense de la foi chrétienne, de valeureux héros. Ces héros étaient bien de chez vous, tandis que les persécuteurs, que la méchanceté ou la crainte avaient rendus si nombreux, n'étaient pas de chez vous ; ils étaient parmi vous et contre vous, bien plus, contre le peuple bavarois, qui a tant souffert et devra encore tant pâtir des crimes commis par ces scélérats. Il convient que Nous fassions aujourd'hui mention, pour leur honneur, de plusieurs millions de catholiques de l'un et l'autre sexe et de toute condition qui, chez vous, ont courageusement lutté contre les forces du mal, fermement attachés à leurs évêques, dont les sévères avertissements n'ont jamais cessé de retentir jusqu'à la fin de la guerre. Collaborateurs empressés de leurs prêtres, ces catholiques pleins de constance et d'intrépidité ont opposé aux impies et aux orgueilleux leur conduite personnelle imprégnée d'une foi profonde, d'une honnêteté parfaite et rayonnante, entièrement conforme aux préceptes de la religion catholique. Au spectacle admirable de cette invincible ténacité, Nous ne pouvons Nous empêcher de vous assurer encore une fois qu'il n'est ni juste ni conforme à la réalité et à la vérité d'imputer à la nation tout entière les crimes perpétrés par les gens d'un parti.

Lorsque Nous réfléchissons aux ruines et aux dévastations accumulées par une guerre atroce dans tant de villes bavaroises connues et aimées de Nous, que leurs monuments religieux et historiques et leurs richesses artistiques classaient parmi les cités les plus remarquables, l'amour Nous presse, de chers souvenirs Nous commandent d'exprimer aux survivants de ces villes Nos sentiments de paternelle commisération et de pleurer avec eux leurs morts auxquels va l'aide de Nos prières. Nous remplissons surtout ce triste devoir à l'égard des villes episcopales, comme Munich, Augsbourg, Wiirzbourg, Ratis-bonne, et aussi d'autres villes, comme Nuremberg, Aschaffenbourg, Ludwigshafen qui, Nous a-t-on dit, ont subi dans la guerre d'immenses dommages.

Encouragement pour les tâches du redressement.

Dans la tâche qui vous incombe de remédier aux maux entassés par deux guerres, maux dont l'étendue vous effraie, non sans motif, gardez-vous de défaillir ou de manquer de courage. Eh quoi ! les

choses que la perversité des temps rend difficiles à accomplir, est-ce que Dieu ne peut les faciliter par son intervention toute-puissante, à la condition que notre foi soit renforcée par une pleine espérance et par une charité, compagne de la sagesse, toujours prête à l'action ? C'est pourquoi efforcez-vous à l'envi de faire par votre zèle revivre chez vous la préoccupation des choses divines ; que la justice évan-gélique, gage de promesses éternelles et souverainement utile même à l'obtention de la prospérité ici-bas, soit en honneur chez tous, que l'on entretienne et développe le plus possible la connaissance et l'amour de la religion catholique, dans le giron de laquelle il faut aussi, usant d'une douce persuasion, faire revenir ceux qui s'en sont écartés, quelle qu'en soit la raison. L'Allemagne ne connut-elle pas une ère de prospérité telle qu'elle prit le pas sur un grand nombre de nations, à l'époque où, chez vous, l'Eglise, mère de votre culture et de votre civilisation, était en vénération et où ses droits sacrés, fidèlement respectés, s'harmonisaient splendidement et puissamment avec la vie sociale ? La situation pénible de votre pays redevient d'ordinaire la situation glorieuse d'autrefois quand votre pays, réparant ses fautes, revient à son passé, et fait retour aux principes qui furent siens. Il ne faut donc aucunement désespérer si les Allemands, mettant en Dieu leur confiance et pratiquant les vertus d'anran, ce dont Nous avons eu par expérience plus d'un témoignage, ceux qui aussi se sont éloignés de la vraie foi, se pressent en masse au pied de la croix, source de salut, et conforment leur vie à l'Evangile, foyer de vie éternelle.

Promesses d'aide.

A ce sujet, il convient que Nous vous adressions Nos justes louanges, cher Fils, ainsi qu'aux autres évêques bavarois ; avec l'aide de la grâce divine, vous avez tout mis en oeuvre pour parvenir, avec vos troupeaux engagés à votre suite dans la voie royale et salutaire de la croix, à une paix solide, c'est-à-dire à une paix fondée sur la vérité et sur la justice qui, écartant les différends et les haines, rassemble les peuples en une ligue fraternelle sous la loi tutélaire du Christ. Mais en attendant, à l'heure où vous supportez tant de souffrances et d'adversités, Nous sommes d'autant plus près de vous par Notre affection et Nos prières que Nous vous savons accablés sous lê poids de très lourdes tâches. Nous ne manquerons donc pas d'intervenir auprès des nations alliées, anglaise et américaine, en faveur de votre pays, bien que les démarches de ce genre rencontrent d'ordinaire beaucoup de difficultés. Vivement désireux d'apporter aide et soulagement à vos concitoyens, dans la mesure où les dures circonstances le permettent et le requièrent, Nous aurons grandement à coeur d'aider vos prisonniers, maintenant surtout, afin qu'ils reçoivent des nouvelles de leurs familles, et qu'à leur tour ils leur fassent parvenir leurs propres messages. Souhaitant enfin vivement que votre labeur incessant réponde d'une façon féconde à l'attente commune et soit à la hauteur des difficultés d'une situation ardue, Nous levons Notre regard vers le ciel et supplions Dieu de vous accorder ses lumières en proportion de la rigueur des temps, Nous le supplions aussi de vous donner des forces de jour en jour plus grandes. Animé à votre égard d'une particulière affection, Nous vous donnons à vous, cher Fils, ainsi qu'à tous les autres évêques bavarois et à tous les fidèles au profit desquels se consacre votre zèle paternel, spécialement aux jeunes gens en qui repose une grande espérance et qui, naguère, ont souffert pour le nom du Christ des affronts de tout genre, Notre paternelle Bénédiction.


ALLOCUTION A DES PARLEMENTAIRES AMÉRICAINS

(21 août 1945) 1

Le Saint-Père a adressé l'allocution suivante à une Commission des représentants du Congrès des Etats-Unis en voyage en Europe, en Asie et en Afrique, pour l'étude des diverses activités d'assistance aux différentes nations frappées par la guerre :

C'est un plaisir pour Nous de vous saluer, honorables membres du Congrès. Nous espérons que votre voyage à travers l'Europe malheureuse et blessée a été satisfaisant.

Son vrai but montre comment l'attention des gouvernants et des hommes d'Etat doit se tourner maintenant loin des dures exigences de la guerre toujours si destructrice, mais jamais autant qu'aujourd'hui, vers les demandes non moins exigentes de la reconstruction et de la réorganisation. La structure tout entière de 'la société a été déchirée ; la société humaine a été secouée jusqu'en ses fondements. Familles, peuples, Etats, qui peut dire l'histoire des agonies qu'ils ont endurées et que beaucoup souffrent encore à l'heure actuelle ? La commune nature qu'ils partagent avec la grande famille humaine demande à grands cris l'aide des moins malheureux afin de ne pas périr ; ce cri doit être entendu promptement et généreusement pour le bien de toute l'humanité. Ce que saint Paul dit du corps humain trouve aussi son application dans le monde international : « Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui » (1Co 12,26). Une grave injustice ne peut être perpétrée impunément envers une nation sans que les droits des autres nations soient mis en danger. Si un peuple est accablé et broyé par force jusqu'à la mort, qui osera promettre au reste du monde la sécurité dans une paix durable ? La

1 D'après le texte anglais de Discorsi e Radiomessaggi, t. VII, p. 141.



justice doit être placée comme fondement de toute oeuvre de reconstruction et de réorganisation ; alors la charité peut mener son travail jusqu'à l'accomplissement et la stabilité.

Puisse votre comité du Congrès contribuer efficacement à assurer cette justice et cette charité envers tous, surtout envers les faibles et ceux qui sont effondrés. Si vous le faites, le monde entier sera votre débiteur. Que la lumière et la force de Dieu vous guident et vous soutiennent, vous et vos collègues, dans vos efforts pour atteindre ce but ; et que ses bénédictions les plus choisies descendent sur vous, sur ceux qui vous sont chers dans votre patrie et sur votre pays tout entier, dont la générosité sans bornes envers ceux qui sont dans le besoin est bien connue du monde entier.


ALLOCUTION AUX ÉLÈVES DE L'ÉCOLE TECHNIQUE DE POLICE DE ROME

(22 août 1945) 1

Recevant six cents élèves de l'Ecole technique de police de Rome à la fin de leur stage de préparation, le Saint-Père a exposé l'utilité de la police et les qualités nécessaires à ses agents.

Parmi les groupes innombrables et extrêmement variés de fidèles qui sont tous Nos chers fils venus de toutes les parties du monde et que Nous avons eu la joie de saluer ici dans la maison du Père commun, votre troupe hardie présente un caractère tout à fait singulier : vous êtes un corps de jeunes élèves de la royale Ecole technique de police de Rome qui, arrivés au terme du cours suivi pour leur formation, sont sur le point de commencer leur service pratique dans les différentes villes d'Italie à un moment et dans des conditions, sans aucun doute, extraordinaires. Vous devez être les témoins et les gardiens de cette tranquillité et de cette paix, dans la vie publique et dans la vie privée, qu'après tant d'angoisses Nous voudrions voir éclairer et rasséréner les esprits de tout le peuple italien, de cette tranquillité, de cette paix, de cette union des esprits et des coeurs qui doivent ramener et relever la nation pour une prospérité renaissante et durable.

La police représente visiblement l'autorité de la loi.

En effet, en quoi consistent l'essence et la caractéristique de la police ? Celle-ci représente, en quelque manière, quotidiennement et visiblement, l'autorité de la loi. D'après la manière de faire et de procéder de chacun des agents de police comme de l'organisation tout entière, le peuple a l'habitude de juger l'Etat lui-même dont la police est l'instrument. D'où l'importance de votre fonction : être en dehors et au-dessus des partis politiques les défenseurs de la tranquillité, de la sécurité et de l'ordre public, pour les protéger contre tous les troubles et tous les dangers, contre toute oppression injuste et toute violence. Plus les forces de police montreront d'impartialité et de savoir-faire, de fermeté et de courage dans l'exercice de leur mission, et plus se manifestera la confiance que spécialement les masses d'un peuple épris de tranquillité et de travail nourriront à l'égard de l'Etat.

Qualités nécessaires à l'agent de police.

Or, pour que chacun de vous se montre toujours capable et digne d'une telle fonction, surtout en des temps d'agitations politiques et de misères publiques, il est nécessaire que vous possédiez quelque chose de plus qu'une simple formation professionnelle, si considérables que soient les qualités que celle-ci requiert à juste titre. Avec la capacité technique doivent marcher de front les qualités morales ; et bien plus celles-ci doivent donner sens et vie à celle-là. Ces qualités morales trouvent leur point culminant dans trois vertus que Nous vous souhaitons de posséder au plus haut degré : loyauté et droiture, fondées sur le respect absolu et une inaltérable soumission à la loi de Dieu ; fidélité incorruptible à l'égard de l'Etat, au service duquel vous êtes ; union avec le peuple, qui naît du sentiment social et d'une claire compréhension de tout ce dont le même peuple honnête et laborieux a besoin pour sa sécurité et pour son bien-être. Les temps sont passés où les forces de police étaient considérées comme un élément étranger au peuple, comme une tutelle vexatoire ou une dure oppression. La police, en veillant à faire observer la loi, en servant l'Etat, sert aussi le peuple dont elle est, avec une abnégation de jour et de nuit, la protectrice assidue et vigilante et de la part de qui elle est en droit d'attendre la reconnaissance et le respect.

Maintenant, votre présence autour de Nous, chers fils, Nous est un agréable témoignage de toute la profondeur de votre sentiment austère du devoir, auquel vous ont formés à la fois la parole de vos excellents chefs et instructeurs et la foi chrétienne qui vous anime et qui vous accompagne sur votre route. Appliquez-vous à vous-mêmes l'invocation que le psalmiste adresse au Seigneur : « J'ai juré

— et j'y serai fidèle — d'observer vos justes décrets. Dirigez mes pas selon votre parole, et ne permettez pas que je me laisse dominer par quelque iniquité » (Ps., cxvm, 106, 133). Vous posséderez alors la force intime de combattre toutes les fois que pourra l'exiger votre devoir, dans toutes les conjonctures et en face de quiconque, pour la loi et pour le droit, contre la rébellion et contre l'injustice.

Formant le souhait que le Tout-Puissant vous donne avec libéralité l'abondance de ses grâces et guide les débuts de votre activité vers d'heureux développements, Nous vous accordons de tout coeur, à vous tous, à vos familles, à vos compagnons, à toutes les personnes qui vous sont chères, Notre paternelle Bénédiction apostolique.



LETTRE A S. ÉM. LE CARDINAL SCHUSTER ARCHEVÊQUE DE MILAN POUR LE IVe CONGRÈS EUCHARISTIQUE DE L'ARCHIDIOCÈSE DE MILAN

(24 août 1945) 1

Cher Fils, Nous avons reçu avec joie, Nous avons lu avec plus de joie encore la lettre par laquelle vous Nous annonciez que se préparait à Monza, avec l'activité dont vous avez coutume, le IVe Congrès eucharistique de tout l'archidiocèse de Milan ; d'ores et déjà vous prévoyez qu'il sera remarquable par la splendeur des rites sacrés, par le nombre de prélats et 'de clercs qui y participeront, par la foule nombreuse qui y accourra et par l'excellence des discours qui y seront prononcés. De ces fêtes consacrées à l'auguste Sacrement vous augurez beaucoup de bien pour les oeuvres de la paix si urgente à rétablir à la fin de cette guerre qui a accumulé sur le sdl d'Italie tant de destructions et de massacres mais qui, par la volonté de Dieu, a épargné la plus grande partie des régions lombardes, bien que, là aussi, se ressentent les effets de ce long conflit et que de nombreuses familles soient endeuillées par la perte de bien des soldats disparus. Acceptez l'éloge que vous méritez pour avoir pris cette salutaire décision, preuve nouvelle de votre zèle pastoral que vous a certainement inspirée le Prince de la paix, lui qui est aussi le plus sûr gage de paix. C'est « le soleil de justice qui se lèvera sur vous » (Ml 4,2) dans votre Congrès de Monza et vous réconfortera par de nouveaux rayons de lumière et de chaleur, maintenant que les horreurs de la guerre sont passées ; vous pourrez expérimenter dans une atmosphère de joie combien il est doux d'être attiré par le Christ, de suivre ses préceptes et d'abonder dans sa grâce. Après avoir déposé les armes meurtrières, il faut que les hommes s'unissent à nouveau par les liens d'une sainte union, et après avoir souffert des durs maux de la discorde, qu'ils s'unissent à nouveau entre eux pour être unis à Dieu. Mais qui peut le mieux faire naître et conserver cette union de charité fraternelle que le Très Saint Sacrement de l'Eucharistie, qui est le lien le plus solide de la charité ? Par cet honneur complet rendu à la sainte Eucharistie, il se produit spontanément et tout naturellement que chaque fidèle, les familles et les cités retrouvent la vigueur de leur foi et que la vertu tende toujours à s'accroître en eux. Que si les institutions humaines vieillissent et dépérissent par suite de l'égoïsme immodéré et avide, ces mêmes institutions sont ennoblies par la vertu et l'excellence du sacrifice qui jamais n'émane et ne jaillit plus efficace que par la méditation des mystères de la mort du Seigneur. Ce n'est pas sans une profonde douleur que Nous avons appris que dans bien des parties du pays des Insubres s'accroissait le nombre de ceux qui méprisent les saints préceptes moraux, mettent sur le même pied le bien et le mal, se jettent dans l'abîme des plaisirs et suivent les pires doctrines de l'ordre social : Nous avons appris en outre qu'ici ou là l'ardeur des haines et des vengeances n'était pas encore totalement étouffée. C'est pourquoi, afin que les égarés soient ramenés dans le bon chemin à l'occasion du Congrès eucharistique, il importe de faire tous les efforts pour attirer sur eux par la miséricorde de Dieu les lumières et les secours d'une grâce d'en haut plus abondante ; efforcez-vous aussi de continuer à préparer des missions avec le plus grand soin, dans le but de ranimer la piété du peuple ; efforcez-vous enfin pour que tous ceux qui, surtout les ouvriers, se disent et doivent être catholiques non seulement de nom mais de fait soient convenablement instruits de leurs devoirs, que la question dite sociale soit résolue conformément à la doctrine catholique et que la cité soit gouvernée selon ces principes.

Par son histoire et par ses monuments sacrés et profanes qui la rendent célèbre, Monza n'est-elle pas à même de nous présenter d'heureux auspices pour porter remède aux maux du temps présent ? A Monza n'est pas près de disparaître le souvenir de la reine Théo-delinde, brillante de l'éclat d'une royauté humaine, inspirée des conseils d'une sagesse sereine et qui fut le soutien fidèle du pape Grégoire Ier. Elle adoucit par les lois de l'Evangile les moeurs cruelles des Lombards et eut à coeur de les rapprocher des indigènes latins. Suivant les traces de cette très noble princesse que tout le pays des

Insubres, qui garde le souvenir de ses anciennes vertus et de son ancienne gloire au milieu des Italiens travaillés par la désunion et les discordes, soit une oasis de paix, qu'il sème la paix, qu'il conserve la paix, en montrant par son exemple que la véritable liberté n'est solide que si elle est fondée sur la justice et sur le respect des droits du Maître d'en haut.

C'est pourquoi Nous souhaitons grandement que ce congrès réponde pleinement à vos voeux et qu'il soit un moyen pour favoriser la piété de tous ceux qui avec vous se rendront à Monza pour vénérer la sainte Eucharistie, un moyen aussi pour augmenter le zèle pour la cause catholique. Pour rendre plus abondants les fruits spirituels de la grâce, Nous vous accordons la faculté de donner au jour que vous voudrez, après l'office pontifical solennel, la bénédiction en Notre nom et avec Notre autorité à tous les fidèles présents avec indulgence plénière à gagner aux conditions habituelles. Il ne Nous reste plus, Notre cher Frère, qu'à vous accorder à vous, aux pasteurs, au clergé et à la foule des fidèles qui seront présents en gage des faveurs divines la Bénédiction apostolique.



Pie XII 1945 - ALLOCUTION A DES REPRÉSENTANTS DES GRANDS ORGANES DE LA PRESSE ET DE LA RADIODIFFUSION DES ÉTATS-UNIS