Pie XII 1947 - 1. — UNE FOI VIVE ET SURNATURELLE


2. — PAS DE FAUX SPIRITUALISME

Si Nous touchons cette question ce n'est pas que Nous croyons nécessaire de vous mettre en garde sur ce point ; Nous sommes, Dieu merci, pleinement rassuré à votre sujet.

Sous couleur de défendre l'Eglise contre le risque de se fourvoyer dans la sphère du « temporel », un mot d'ordre, lancé il y a quelque dizaines d'années, continue de s'accréditer dans le monde : retour au pur « spirituel ». Et l'on entend par là la confiner étroitement sur le terrain de l'enseignement strictement dogmatique, l'offrande du saint sacrifice, l'administration des sacrements, lui interdire toute incursion, tout droit de regard même, sur le domaine de la vie publique, toute intervention dans l'ordre civil ou social.

Comme si le dogme n'avait rien à voir dans tous les champs de la vie humaine, comme si les mystères de la foi avec leurs richesses surnaturelles devaient s'abstenir de maintenir et tonifier la vie des individus et, par conséquence logique, d'harmoniser la vie publique avec la loi de Dieu, de l'imprégner de l'esprit du Christ ! Pareille vivisection est tout simplement anticatholique.

Le mot d'ordre doit être, tout au rebours : pour la foi, pour le Christ, dans toute la mesure du possible, présence partout où sont en cause les intérêts vitaux, où sont en délibération les lois qui regardent le culte de Dieu, le mariage, la famille, l'école, l'ordre social, partout où se forge, par l'éducation, l'âme d'un peuple. Et malheureusement, l'on n'a que trop souvent à y déplorer l'absence des organisations catholiques. Lourde est, par conséquent, la responsabilité de quiconque, homme ou femme, jouit du droit politique d'élection, là surtout où les intérêts religieux sont en jeu ; l'abstention, en ce cas est, en soi, qu'ils le sachent bien, un grave et fatal péché d'omission. Faire au contraire usage, et bon usage, de ce droit, c'est travailler effectivement pour le vrai bien du peuple, c'est agir en loyaux défenseurs de la cause de Dieu et de l'Eglise.


3. — FIDÉLITÉ DANS L'ACTIVITÉ SOCIALE AU PROGRAMME SOCIAL DE L'ÉGLISE

A maintes reprises Nous avons, ces derniers temps, insisté sur cette recommandation. C'est que, jusque dans les rangs des catholiques, certaines tendances se font jour qui voudraient assimiler la doctrine de l'Eglise à des théories inconciliables avec la pensée chrétienne.

En maintenant la ligne de démarcation entre la conception chrétienne et de telles théories, l'Eglise a toujours en vue le vrai bien du peuple entier, le vrai bien commun. Dès lors qu'il s'agit de justes revendications sociales, elle est toujours en tête pour les promouvoir. Et celle en particulier que vous-mêmes, chères filles, articulez expressément dans votre programme : une plus équitable répartition des richesses, a toujours été et reste toujours un des objectifs principaux de la doctrine sociale catholique. Nous pouvons en dire tout autant de « la parité du salaire, à travail et rendement égal, entre l'homme et la femme », réclamation que l'Eglise a faite sienne depuis longtemps.

4. — LA PLACE ET LE ROLE DE LA FEMME

DANS LA VIE POLITIQUE

Reste enfin le domaine de la vie politique. En bien des circonstances, Nous en avons déjà touché certains points. Ce domaine a plusieurs aspects distincts : la sauvegarde et le soin des intérêts sacrés de la femme par le moyen d'une législation et d'un régime respectueux de ses droits, de sa dignité, de sa fonction sociale ; la participation de quelques femmes à la vie politique en vue du bien, du salut et du progrès de toutes.

Votre rôle, à vous, est d'une manière générale de travailler à rendre la femme toujours plus consciente de ses droits sacrés, de ses devoirs, de sa puissance soit sur l'opinion publique dans les relations quotidiennes, soit sur les pouvoirs publics et la législation par le bon usage de ses prérogatives de citoyenne.

Tel est votre rôle commun. Il ne s'agit pas en effet pour vous d'entrer en masse dans la carrière politique, dans les assemblées publiques. Et vous devrez, du moins la plupart d'entre vous, donner le meilleur de votre temps et de votre coeur au soin de la maison et de la famille. Nous ne perdons pas de vue que l'édification d'un foyer où tous se sentent à l'aise et heureux, l'éducation des enfants sont, en réalité, une contribution de première valeur au bien commun, un service appréciable dans l'intérêt du peuple entier. Et Nous trouvons un grand motif de joie dans ce fait, vous-mêmes le remarquez avec raison, que, au sein des familles rurales, c'est-à-dire dans une grande partie de l'humanité, l'action de la femme au foyer domestique coïncide encore fort heureusement avec sa coopération à l'économie familiale et nationale.

Celles d'entre vous qui, plus libres de leur personne, plus aptes et mieux préparées, assumeront ces lourdes tâches de l'intérêt général, seront vos représentantes et comme vos déléguées. Faites-leur confiance, comprenez les difficultés, les peines et les sacrifices de leur dévouement ; soutenez-les, aidez-les.

Un mot suffit en terminant pour souligner ce que Nous appelions, en commençant, l'universalité, la souplesse harmonieuse et solide de votre collaboration. Elle est universelle, sans distinction de nationalités, de classes, de conditions. Elle est souple et harmonieuse parce qu'elle consiste dans le concours d'oeuvres, d'organisations, d'institutions les plus variées, dont chacune garde son caractère et son activité propres, son intégrité et sa sphère d'action, sans aucune absorption, sans aucune domination d'une part, aucune sujétion de l'autre, toutes unies par le lien d'une fédération librement acceptée en vue de coordonner l'action commune. Rien ne saurait mieux répondre à Nos intentions.

Et cette action propre de chacune dans la collaboration générale, vous l'étendez encore, vous en assurez la cohésion ; vous en multipliez l'efficacité grâce à votre « bureau de renseignements », heureuse initiative qui impose certes, à celles qui en ont la charge un labeur considérable, mais incontestablement très fructueux.

Il y a trois jours, Nous célébrions la nativité de celle dont la venue a été pour le monde entier l'aurore de la joie. Demain, nous fêterons son nom glorieux et le souvenir des victoires qu'il a remportées sur les ennemis de la chrétienté. Que Marie, auxilium christianorum soit votre force dans la lutte pour la restauration d'une société saine et prospère, pour le triomphe de Dieu et de l'Eglise, Nous l'invoquons pour vous et, de tout coeur, Nous vous donnons à toutes, à toutes celles qui vous sont unies, à vos oeuvres et institutions, à vos familles, à tous ceux qui vous sont chers, Notre Bénédiction apostolique.


HOMÉLIE A L'OCCASION DU XIV^ CENTENAIRE DE SAINT BENOIT

(18 septembre 1947) 1

Au cours de la messe solennelle célébrée le jeudi 18 septembre, dans la basilique de Saint-Paul-hors-les-murs, par S. Em. le cardinal Schuster, O. S. B., archevêque de Milan, à l'occasion du XIVe centenaire de la mort de saint Benoît, le Souverain Pontife prononça en latin l'homélie suivante à la gloire du patriarche des moines d'Occident 2.

Que nos coeurs tressaillent d'une joie renouvelée, que nos voix proclament des cantiques d'action de grâce, car par un bienfait généreux de Dieu, il nous a été donné de célébrer ensemble le souvenir et la gloire de saint Benoît de Nursie, en ce XIVe centenaire de sa sainte mort. Notre joie commune s'accroît de ce que nous puissions célébrer ce grand homme dans ce temple, éblouissant de marbre et de mosaïques, près du sépulcre de l'apôtre saint Paul, dont il fut lui-même un dévoué fidèle. Les divins oracles nous invitent en effet eux-mêmes à cette glorification : « Faisons donc l'éloge des hommes illustres et des pères de notre race... Un héritage est assuré à leurs enfants, leur race se maintient fidèle aux alliances » (Si 14,12) ; et l'apôtre Paul proclame magnifiquement où se trouve contenue cette grandeur resplendissante des saints : « Par la foi les saints ont conquis les royaumes, exercé la justice, obtenu l'effet des promesses » (He 11,33).

Saint Benoît, pour sa part, brille d'un tel éclat parmi les bienheureux que tous les temps et les peuples l'ont eu en admiration, et qu'il ne cessera jamais d'en être ainsi. Il fut le géant, ouvrant de nou

1 D'après le texte latin des A. A. S., 39, 1947, p. 452.

2 Le 21 mars déjà, le Saint-Père avait marqué cet anniversaire par son encyclique « Fulgens radiatur » consacrée au souvenir du « père de l'Europe » et de son oeuvre. (Voir ci-dessus, PP 69-85)

velles routes à un siècle dévoyé. « Rempli de l'esprit de tous les justes », comme dit saint Grégoire le Grand3, brûlant de l'amour de Dieu et du prochain, il fut grave et tranquille, d'une autorité forte auprès de tous, maître de soi, orné de moeurs angéliques, illustre autant par son don de prophétie que par celui des miracles ; nouvel Abraham, il engendra une race de religieux ; nouveau Moïse, il établit une loi et entraîna le peuple dans la solitude pour le sacrifice.

Saint Benoît, père de l'Europe...

Sans négliger tout cela, Nous désirons et Nous devons, au sujet du patriarche des moines d'Occident, mettre un autre aspect en lumière. Qui, fouillant et scrutant les annales de l'histoire, pourra nier ce que Nous allons dire, mettre en doute Nos assertions ? Saint Benoît est le père de l'Europe. Comme l'Empire romain, rongé de vieillesse et de vices, s'écroulait alors que les Barbares par masses se précipitaient à travers ses provinces, lui, que l'on appela le dernier des Romains, fusionnant en un seul toute la romanité (qu'il Nous soit permis d'employer le mot de Tertullien) et l'Evangile, y puisa la ressource et la force qui contribuèrent pour une large part à grouper les peuples de l'Europe sous l'étendard et la puissance du Christ et à former avec succès la société chrétienne. En effet, depuis la Baltique jusqu'à la Méditerranée, de l'Océan Atlantique jusqu'aux verdoyantes plaines polonaises, les légions de Bénédictins se sont répandues et par la croix, par les livres, par la charrue ont conquis les populations indociles et sauvages.

« Prie et travaille » : cette devise des Bénédictins ne contient-elle pas et n'exprime-t-elle pas dans son auguste concision la loi principale et le fondement immuable de toute l'humanité et de la religion ? Un précepte divin nous commande la prière ; un précepte de Dieu nous commande le travail ; et l'un et l'autre nous sont ordonnés pour sa gloire et pour notre perfection spirituelle et corporelle. L'Europe a délaissé les routes royales tracées par saint Benoît : dans le mépris du Christ et de l'Eglise, dans la négation par beaucoup de Dieu lui-même, elle a enseigné aux autres nations l'impiété et le mépris de l'honnêteté. Et maintenant, broyée par le châtiment qui s'attache à elle, elle pleure ses immenses calamités, ses misères, dont elle cherche vainement à se libérer, trop peu consciente encore de la constante énormité de ses fautes.

3 S. Grégoire le Grand, M. lib. II, 8 ; P. L. LXVI, 150.

... et soutien du Siège apostolique.

Au sein de cette tempête désastreuse et malheureuse qui assaille l'Europe, il n'est ni inopportun ni inutile de rappeler que la cohésion intime des forces de l'Europe, sa longue supériorité sur le plan temporel reposaient sur l'unité de la foi catholique comme sur un fondement inébranlable. Mais le centre pour ainsi dire et le gardien de cette unité était le Siège apostolique, puisqu'en vérité le pontife romain, successeur du Prince des apôtres et chef de l'Eglise, était vénéré comme père de toute l'immense famille des chrétiens. Et si saint Benoît concourut tellement à opérer et à organiser cette communauté des peuples de l'Europe, surtout par la mise en valeur et le souci du spirituel, ce n'est pas sans une intention de la divine Providence que, né à Nursie, éduqué à Rome, formé à la vie contemplative à Subiaco, brillant au Mont-Cassin comme un soleil par ses paroles et ses actes admirables, jamais il ne fut loin du regard du Siège apostolique. Il vint ainsi s'adjoindre à ceux qui « braves entre les vaillants d'Israël, exercés au combat et portant chacun son épée, entourent » (cf. Cant. Ct 3,7-8) cette citadelle du Royaume du Christ, cette chaire de la vérité. Qui, plus que lui, vénéra et aima le Siège apostolique ? Et si Nous énumérons les actes et les mérites de ses fils, Nous devrons dire que l'Ordre bénédictin, dans la longue suite des âges, fut pour l'Eglise catholique une protection et un rempart.

Les bienfaits de la fédération des Congrégations de Bénédictins.

Maintenant Nous vous adressons la parole, fils de saint Benoît, qui de partout êtes venus à Rome pour travailler d'un commun conseil au progrès de votre Ordre et pour élire l'abbé primat, dont il Nous plaît de saluer ici avec amour la présence. Nous lui souhaitons bien fort que, portant le doux et noble nom d'abbé, en exerçant la charge, il marche sur les traces de son prédécesseur et que, riche de vertu, il puisse voir toujours croître en perfection ceux qui l'entourent.

Un usage déjà long et l'expérience ont pu vous montrer avec quelle sagesse le Souverain Pontife Léon XIII a cherché l'union dans les liens d'une fédération fraternelle des diverses familles des Bénédictins « noirs », tout en sauvegardant les institutions et les normes propres à chacune. Par cette entreprise, l'autonomie, le pouvoir de vivre sous leurs propres lois dont disposaient autrefois vos monastères a été adaptée aux temps modernes d'une manière salutaire et providentielle, puisque les circonstances diverses et le bien commun en faisaient une exigence.

Dans l'antiquité et au moyen âge, en effet, alors que les communications étaient plus difficiles, le soin des fidèles lié à moins de nécessité et les études d'un accès moins facile, pareille autonomie était plus compréhensible. Mais les congrégations bénédictines apparues au cours des siècles ne témoignent-elles pas elles-mêmes par un argument irréfutable de la nécessité pour le soutien et le progrès de la discipline, d'un travail commun et fraternel ? Cette nécessité n'est-elle pas aussi clairement démontrée par les groupements plus larges qui se sont formés comme ceux de Cluny ou de Bursfeld ? Si chaque monastère avait vécu pour soi, la fameuse Congrégation bénédictine de Saint-Maur n'aurait pu se rendre célèbre et méritante dans la culture des sciences sacrées, et d'autre part également aurait pâli la gloire de votre activité si vantée et de votre honneur si bien fondé.

A notre époque, la facilité d'aller et venir, la tendance plus forte qui entraîne partout à la communauté du travail, les ressources plus grandes de science, de conseil et de zèle dont les prêtres, même missionnaires, ont besoin pour combler les attentes conçues à leur sujet, demandent des associations, exigent l'unité. Dans une autonomie trop jalousement gardée, il se pourrait trouver des monastères qui, par manque de religieux, seraient moins capables de remplir leurs charges ; bien plus l'amour de la règle y pourrait languir et bien des dangers s'y glisser.

Grandeurs de l'« Opus Dei ».

Qu'il Nous soit permis de toucher encore un autre point. Ce n'est pas un faible titre de gloire pour vous de vous occuper avec tant de soins et d'activité de la sainte liturgie, appelée par vous du grand nom d'ceuvre de Dieu ; et sans aucun doute il faut sans cesse exhorter les fidèles à s'unir aux rites et aux prières publiques de l'Eglise, par une attention et une participation religieuse, et surtout à célébrer les fêtes chrétiennes dans une joie variée et entière. Mais ici aussi on peut pécher par excès. On rencontre parfois des hommes qui, mettant trop en valeur des formes liturgiques d'autrefois, méprisent facilement les plus récentes et qui regardent avec dédain les prières privées et populaires. La liturgie, tout culte établi par l'autorité de l'Eglise, est quelque chose de durable et de vivant, qui grandit à travers les siècles : si la jeunesse plaît à certains, on ne doit pas mépriser l'âge mûr. Que dire des prières et des exercices de piété approuvés par l'Eglise ? Dans les richesses entières et les splendeurs du culte divin, tel qu'il a été réglé et est mis en oeuvre par l'Eglise, que les fidèles puisent tant qu'ils le peuvent, et tout ce qu'ils peuvent pour l'augmentation de leur foi, la confirmation de leur espérance et la ferveur de leur charité ; bien que la manière soit différente selon le milieu, le genre de vie, les connaissances, l'esprit, que chacun y vienne prendre quelque chose qui lui soit utile. Dans le culte divin et dans la charge des âmes ce qui est toujours le plus important c'est que les disciples de l'Evangile cherchent Dieu dans le secret de leur conscience, qu'ils vénèrent la majesté et la loi de l'Etre suprême, qu'ils fassent pénitence de leurs fautes, qu'ils confessent leurs péchés, qu'ils effacent dans les larmes et les oeuvres de miséricorde leurs crimes, qu'ils soient fidèles à la grâce et vivent selon l'ordre, pour trouver une vie heureuse et éternelle. Certains se nourrissent d'un pain fort, d'autres de lait ; les cithares dorées sont ravissantes à l'extrême et les flûtes légères aussi résonnent avec douceur. Ce que Nous venons de dire peut suffire à ce sujet.

Jeunesse de l'Ordre bénédictin et services que le monde attend de lui.

Votre Institution a quelque chose de jeune, et par elle souvent les siècles divers ont pu renaître de leurs ruines désastreuses, à un état meilleur et à un sort plus heureux. Fidèles donc à la tâche qui vous est assignée, mettez dès maintenant toute votre ardeur, dans le bouleversement actuel de l'humanité, à un service généreux et actif. Forts de votre antique vertu, armés de nouveaux desseins, travaillez à pacifier vos frères que le glorieux développement des techniques, loin de leur faire obstacle, rend plus aptes à préparer périls et désastres pour le genre humain. Par l'exemple de votre vie, par la prédication, par les lettres, instruisez les ignorants, fléchissez les indociles, ramenez les contempteurs de la religion à la fidélité à Dieu et au joug léger de l'Evangile. Chantez sur la terre le cantique nouveau que plus tard vous continuerez à chanter dans la paix du ciel.

Enfin, que Benoît, si cher à Dieu et aux hommes, « dont la mémoire est une bénédiction » (cf. Eccli. Si 45,1), bénisse l'Eglise militante dont il fut un combattant plein de courage ; qu'il bénisse le genre humain dont il est la gloire permanente ; l'Europe, dont il est le père et le trésor ; l'Italie, dont il est la pierre précieuse ; qu'il bénisse tous ceux qui sont ici présents ; qu'il bénisse, dans l'effusion de son amour, les Bénédictins, sa glorieuse descendance, pour que continue de briller la noble beauté de sa sainteté. « Et que, par l'intercession du bienheureux confesseur Benoît, soient en eux une foi droite, un exemple à suivre, une chaste sobriété, une charité hospitalière, la prudence spirituelle, une haute sagesse, l'esprit humble, une vie haute et noble. Amen. » 4

* The Canterbury benedictïonal, ed. by Regînald Maxwell Woolley. London, 1917, p. 89.


ALLOCUTION AUX LECTRICES DE LA REVUE « ALBA »

(21 septembre 1947) 1

Cette allocution sur la mission chrétienne de la jeunesse à l'heure actuelle fut adressée par le Saint-Père à 680 lectrices de la revue « Alba » venues en pèlerinage à Rome.

C'est avec une paternelle affection que Nous vous souhaitons la bienvenue, chères filles, vous qui vous êtes rassemblées ici en si grand nombre pour Notre joie et Notre consolation. Oui, pour Notre consolation ; parce que vous Nous apparaissez comme la manifestation d'une volonté fervente, visible, jeune, de gouverner et d'ordonner la vie qui est en vous et devant vous, votre vie et celle de ceux qui vous entourent, selon la loi de Dieu et dans la force de la grâce de Jésus-Christ.

Les exigences que le temps présent impose à la jeune fille.

Quand, il y a déjà cinq ans, Nous vous parlions à vous et à vos compagnes, Nous observions combien le mouvement de la civilisation moderne pousse et entraîne la jeune fille, bien plus qu'autrefois, dans la lutte pour la vie, dans la responsabilité vis-à-vis de l'édification de la paix du peuple entier auquel elle appartient.

Depuis lors, les événements extraordinaires de ces dernières années ont imposé à la femme et même à la jeune fille des exigences de courage, d'énergie, de fidélité, de dignité, de force morale, d'esprit de sacrifice, de résistance aux souffrances, souvent jusqu'à l'héroïsme, telles qu'elles ne sont que rarement demandées à l'homme lui-même.

Le temps de ces exigences morales n'est pas encore fini, et il pourrait se prolonger jusqu'à ce que des conditions de vie plus tranquilles et plus faciles viennent apaiser le pays et le peuple italiens. Ce que les années écoulées Nous ont révélé de vos pensées, de vos intentions et de votre action Nous donne la ferme confiance, qu'avec la grâce de Dieu vous serez capables de remplir vaillamment votre devoir.

Vous vous appelez les « bleues ». Le bleu est une couleur tranquille et pacifique, image de la modestie et de la maîtrise de soi, de l'équilibre intérieur et du jugement mûr. C'est ainsi que vous devez être, et c'est ainsi, Nous en sommes certain, que vous serez.

La signification du titre de votre revue « L'Aube ».

Votre belle revue hebdomadaire porte le titre « L'Aube » (Alba). L'aube — selon le premier sens du mot : blanche — est le symbole de la clarté et de la lumière. En vous cette lumière est le Christ. Cette lumière est la foi catholique, si elle vit et opère consciemment en vous. Seules des âmes de foi forte osent et savent dominer les nécessités et les angoisses de l'heure présente. Celui qui n'a pas une foi forte est destiné, dès le début, à faillir. Votre foi, la foi catholique, est entière et forte jusqu'au bout, jusqu'au seuil même de l'éternité. Durant votre voyage à Rome, votre foi doit se fortifier au centre de la chrétienté, au contact de la terre rouge du sang versé pour le Christ.

L'aube — planche — est en outre le symbole de la félicité que de tout coeur Nous vous souhaitons. Certes, vous savez bien, par des expériences que vous avez peut-être dû faire dès vos premières années, combien le bonheur humain est fragile, peu sûr, instable. Mais toujours, et dans tous les cas, dans la félicité ou dans l'épreuve, la blanche vision doit être pour vous le symbole d'une plus haute valeur morale, le symbole d'une jeunesse candide, pure, sans souillures, inébranlable devant les séductions et devant tous les périls. D'une jeunesse pareille, sans tache, saine, surgit la fleur charmante de la mère chrétienne qui fut toujours et devra toujours être l'honneur et la force de la nation italienne.

Cette fois encore Nous vous invitons enfin à la prière. Priez pour la concorde de votre peuple, pour son union en Dieu, dans la vraie foi, dans la justice sociale, dans la mutuelle compréhension et le pardon réciproque, en un puissant amour qui vient du Christ et dans le Christ donne à tous le bonheur.

Avec ce souhait, Nous accordons, chères filles, à vous, à vos familles, à toutes les personnes qui vous sont chères, à tous vos désirs légitimes, à toutes vos bonnes intentions, tendances et aspirations, Notre paternelle Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION AUX OPHTALMOLOGISTES ITALIENS

(30 septembre 1947) 1

1 D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggl, i. IX, p. 249.

A l'occasion du XXXVIe Congrès national de la Société ophtalmologique italienne qui s'est tenu à Rome à la Cité universitaire, les participants ont été reçus à Castelgandolfo par le Saint-Père qui leur a adressé l'allocution suivante :


La pensée qui a inspiré votre demande de vous réunir ici près de Nous suffisait à elle seule à vous assurer de Notre part l'accueil le plus favorable ; accueil qui vous était dû, d'ailleurs, à un autre titre, celui de bienfaiteurs insignes de l'humanité. Votre profession, en effet, vous fait consacrer vos soins à deux des biens les plus précieux de l'ordre naturel : l'oeil et la vue dont l'oeil est l'organe ; biens si précieux que le langage commun en a fait, à cause de leur excellence, comme le terme suprême de comparaison, et non seulement le langage humain, mais la parole divine elle-même dans la Sainte Ecriture. Si les hommes croient avoir tout dit quand ils affirment d'une chose qu'ils l'aiment comme la pupille de leur yeux, ils ne font qu'atténuer la parole de Dieu lui-même qui, par la voix de ses prophètes assurait que « qui touchait à son peuple, touchait à la pupille de ses yeux » (cf. Za 2,8). Elle était bien touchante la plainte d'Iphigénie qui, en route vers le sacrifice fatal, s'écriait : « Il est si doux de voir la lumière » 2, et cependant, elle semble moins émouvante que la réponse du vieux Tobie à l'ange : « Quelle joie se peut-il encore trouver pour moi qui suis assis dans les ténèbres, et ne vois point la lumière du jour ? (Tb 5,12), ou que la prière de l'aveugle à Jésus : « Maître, que je voie » (Mc 10,51), ou que l'espérance débordante de Job au plus profond de ses angoisses : « Je verrai mon Dieu dans ma chair ; moi-même je le verrai, mes yeux le contempleront et non pas un autre que moi » (Jb 19,27).

2 Euripide, Iphigénie en Aulide, v. 1218-1219.


Les souffrances des yeux.

Les souffrances de l'oeil : qui pourrait s'en faire une idée sans les avoir éprouvées et, d'autre part, qui n'en a suffisamment goûté pour deviner le degré qu'elles peuvent atteindre ? Un imperceptible grain de poussière semble intolérable et, tant qu'il reste dans l'oeil, il peut rendre l'homme incapable de poursuivre son travail. Et pourtant qu'est-ce là en comparaison de la plus légère conjonctivite, d'un ulcère passager de la cornée ?

L'oeil peut souffrir de tant de manières de ses parties protectrices et extérieures jusqu'aux plus profondes, sans parler des souffrances morales, conséquences bien humaines mais si compréhensibles, de la transformation d'un visage aimé qu'illuminaient déjà deux yeux, les plus beaux, les plus purs.


Les progrès de l'ophtalmologie.

Quels progrès ont réalisé votre science et votre art, après la découverte de l'ophtalmoscope de Helmholtz et surtout depuis les travaux de Bichat ! Bien des affections se classaient primitivement sous le nom générique d'ophtalmie : et voici qu'est apparue, avec la diversité des causes qui les produisaient, l'innombrable multiplicité de ces infirmités. Infections variées, blessures, faiblesse générale, usure sénile ; et puis, ces pauvres yeux brûlés par le climat, par la lumière trop vive, par le soleil ardent, par l'excès de travail, par les larmes aussi.

On a dit avec vérité que certaines choses ne pouvaient être vues que par des yeux qui ont beaucoup pleuré. Mais un jour, lorsque apparaîtra la grande lumière qui brille sans ombre et qui n'éblouit pas, Dieu là-haut absterget omnem lacrimam ab oculis eorum (Ap 21,4) « essuyera toute larme des yeux de ses élus ». Il n'y aura plus, alors, ni deuils, ni douleurs, ni pleurs, parce que leur temps sera passé. Devant l'impossibilité de connaître dès ici-bas le jour de cette céleste lumière, vous voudriez vous, au moins conserver ou raviver pour la joie des pauvres mortels la vue de celle qui resplendit sur notre terre. En l'intime de votre coeur, il vous semble entendre comme en un écho, le cri suppliant de l'aveugle : Ut videam ! « Que je voie ! ». Avec patience, avec application, vous scrutez le merveilleux appareil d'optique que Dieu lui-même a fabriqué et en regard duquel les plus perfectionnés, et il y en a de si parfaits, ne paraissent que machines grossières. Vous en découvrez pourtant les défauts accidentels que vous savez corriger, les infirmités que vous savez guérir, les lésions que vous savez réparer, l'usure à laquelle, dans une certaine mesure, vous savez porter remède.

Après avoir si cordialement compati aux douleurs et avoir travaillé avec tant d'attention à les soulager, vous ne connaissez pas plus belle récompense de la part de vos clients que d'entendre de leurs lèvres, que de lire surtout dans leur regard illuminé, cette parole toute simple, d'une reconnaissance émue : « Je vois ! » Mais une récompense infiniment plus belle vous est offerte par le « Père des lumières » (Jc 1,17), qui veut donner à vos intelligences en cette vie la lumière de la foi, afin qu'il vous soit accordé un jour d'entrer pour l'éternité dans la lumière de la gloire.

Avec quelle affection Notre coeur demande-t-il pour vous cette récompense, en gage de laquelle Nous vous donnons, à vous, à vos familles, à tous ceux qui vous sont chers, Notre Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION A DES PARLEMENTAIRES AMÉRICAINS

(30 septembre 1947) 1

Cette allocution a été adressée par le Saint-Père aux membres du comité pour le commerce extérieur de la Chambre des représentants des Etats-Unis.

Votre présence, membres honorables du Congrès, suggère naturellement à Notre esprit l'importance des gouvernements et la très grave responsabilité qui repose sur ceux qui gouvernent les nations. L'art de gouverner n'a jamais été pour les hommes une tâche aisée à apprendre. Exploiter les pauvres gens au bénéfice d'un seul ou d'un groupe est une tentation pour les ambitieux qui ont peu conscience de les brimer ; mais cela ne s'appelle pas gouverner. Le despotisme de Néron ne fut pas gouvernement, mais oppression. Tout gouvernement qui est juste reconnaît que son propre pouvoir est limité par le respect des libertés fondamentales des gouvernés et le gouvernement atteint sa fin seulement quand chacun est prêt à faire des sacrifices personnels dans l'intérêt de tous.

Ce qui est vrai de chaque nation peut aussi être appliqué à la famille plus large encore des nations qui, aujourd'hui en particulier, ne peuvent échapper au voisinage étroit et à l'interdépendance. L'exercice juste et équitable de tout gouvernement légitime tient la clef de la paix du monde. Pour réaliser cet objectif, auquel le monde aspire avec de plus en plus d'anxiété, Nous vouons toutes Nos énergies, Nos prières et Notre action.

Puisse le Dieu de paix et d'amour vous accorder, ainsi qu'à ceux qui vous sont chers, les bénédictions dont vous avez un urgent besoin.


ALLOCUTION A DES MEMBRES DE L'« AMERICAN LEGION »

(2 octobre 1947) 1

Cette allocution a été adressée à quelques membres de l'American Légion vétérans des guerres de 1914-1918 et 1941-1945.

Le meilleur souhait, le plus sincère et le plus généreux que Nous puissions vous offrir, Messieurs, c'est que votre Légion ne puisse plus trouver de recrues nouvelles à la suite d'une nouvelle guerre.

Il y a un lien farouche qui unit vos membres, lien forgé au cours des horreurs innombrables de la guerre, renforcé et purifié par les souvenirs d'héroïsme, de générosité, d'affection et de dévouement. Mais quand la guerre a cessé, un autre lien, qui n'est pas, il est vrai, tout à fait différent, vous tient unis, et votre patriotisme dans le domaine de la paix n'est pas moins actif que quand vous défendiez votre pays. Vous avez le pouvoir de réaliser beaucoup de bien. Utilisez-le convenablement. Aidez les jeunes ; invitez-les à devenir des citoyens conscients de leurs responsabilités, ayant dans leurs coeurs une salutaire crainte de Dieu et dans leur esprit et leur conduite le respect de la loi, de la morale et de la religion. Aidez les à saisir et à comprendre cette vérité que toute vie digne d'être vécue et orientée vers sa haute destinée exige et mérite l'effort et la discipline personnelle.

Puisse Dieu accorder au monde de demain qu'il soit davantage un monde d'une plus grande justice sociale universelle et d'une paix internationale plus stable. Avec une affection paternelle, Nous invoquons pour vous et pour tous ceux qui vous sont chers les bénédictions de Dieu.


ALLOCUTION AU CONGRÈS INTERNATIONAL CÉLÉBRANT LE 50^ ANNIVERSAIRE DE LA DÉCOUVERTE DE LA T. S. F. PAR MARCONI

(3 octobre 1947) 1

Recevant en audience spéciale les participants au Congrès international pour le cinquantenaire de la découverte de la TSF par Marconi, le Saint-Père prononça le discours suivant à l'illustre assemblée de professeurs et de techniciens :

Votre congrès international réuni pour célébrer le cinquantenaire de la découverte de la TSF par Marconi, rappelle à Notre esprit une pensée profonde du grand Bossuet : « Malheur, disait-il, à la science qui ne se tourne pas à aimer ». On ne pourrait, certes, adresser un pareil reproche à cette science dont vous êtes ici les illustres représentants. D'elle-même toute science conduit à l'amour. Sur le plan spéculatif, elle mène normalement à l'amour admiratif de Dieu créateur : Cceli enarrant gloriam Dei (Ps 18,1). Dans le champ des applications, elle pratique l'amour des hommes au service desquels elle se met pour leur procurer toutes sortes de biens. Ceci vaut pour toute science, mais c'est particulièrement vrai pour celle qui est l'objet de vos études et de vos travaux.

Alors que bien souvent les extravagances de la fantaisie ou de la mode se donnent avec une vanité pompeuse le titre de « créations », le savant, le vrai savant, conscient de la disproportion entre ses connaissances et l'inscrutable abîme de la réalité qu'il ignore, parle modestement de ses « recherches », de ses « découvertes », ou bien, ce qui est pratiquement la même chose, de ses « inventions ». Les

termes mêmes dont il se sert ne sont-ils pas le témoignage au moins implicite qu'il reste encore à explorer un champ illimité, un champ qui renferme, caché en ses profondeurs, un trésor infini d'éléments, d'énergies, de lois anciennes comme les origines des choses et que leur auteur, le seul vrai Créateur, a couvertes comme d'un voile, pour laisser et offrir à l'homme le plaisir et l'honneur de leur « révélation », le dotant à cette fin de sens et de facultés qui lui permettent de travailler à ce progrès dont l'histoire entière de l'humanité ne suffira peut-être pas à entrevoir le terme ?

L'astronome et l'astrophysicien recherchent et découvrent toujours dans l'immensité du ciel des astres nouveaux jusqu'alors invisibles aux plus modernes instruments d'investigation, ou peut-être si lointains que leur lumière, malgré sa vitesse vertigineuse, avait à peine eu le temps de nous atteindre. De ces astres, ils étudient et mesurent la composition, les dimensions, le poids et les révolutions. Les sciences physiques, chimiques, géologiques, recherchent et découvrent les lois et jusqu'à l'intime constitution de la matière, elles lisent dans le sein de la terre que foulent nos pas l'histoire de notre globe, et liront un jour, commencent même déjà à lire celles des autres mondes. La biologie recherche et découvre toujours plus profondément les mystères et les lois de la vie, arrivant à connaître chaque jour de plus près, sans d'ailleurs y parvenir parfaitement, le lien qui unit l'un à l'autre la matière et l'esprit. Toutes ces sciences ne révèlent-elles pas, en d'autres termes ne dévoilent-elles pas, en même temps que les éléments créés, leurs énergies et leurs lois, la sagesse, la puissance, la bonté du Créateur ? Vous connaissez sans nul doute la page immortelle de saint Augustin2 qui interrogeait l'une après l'autre toutes les créatures, et toutes celles-ci à leur tour, lui répondaient : « Nous ne sommes pas celui que tu cherches ; nous ne sommes pas ton Dieu ; cherche-le au-dessus de nous ; il est celui qui nous a faites ». Or donc cette sagesse, cette puissance, cette bonté se manifestent en pleine lumière, lorsque l'on considère comment toutes les choses n'ont été créées que pour d'autres êtres sensibles et raisonnables, capables de les connaître, de les interpréter, de les conquérir pour les utiliser, et d'inventer même, grâce aux propriétés d'autres éléments et à l'intervention d'autres lois, des instruments pour accroître la finesse, la pénétration, le pouvoir des forces naturelles.

Confessions, 1. 10, c. 6.

La place de la TSF parmi les sciences.

Parmi les sciences, quelle place occupe celle de la TSF ? D'autres ont fouillé les profondeurs du firmament, creusé les entrailles de la terre, scruté les secrets de la nature et ceux de la vie. Votre science, Messieurs, en rapport avec toutes les autres a pour domaine l'espace, le théâtre de ces ondes mystérieuses qui mettent en communication toutes les choses que ces autres sciences étudient. Comme le médecin, armé du stéthoscope ou du phonendoscope, observe les plus légers mouvements de la respiration, les battements du coeur, les constrictions et les dilatations des artères, ainsi vous, vous observez l'air et l'éther, vous avez découvert les lois qui jouent dans la masse des ondes sonores, lumineuses, magnétiques, électriques ; vous arrivez à capter, pour ainsi dire, une à une, ces ondes, à les isoler ou, au contraire, à les unir, à les combiner à votre gré ; vous les sentez obéissantes à vos ordres, même avant de les connaître à fond et de savoir tout le code des lois auxquelles elles sont soumises. Et maintenant, précisément parce qu'elles obéissent à ces lois d'un Ordonnateur suprême, elles sont à votre disposition pour être recueillies et dirigées. Mais tout cela serait un simple objet de curiosité plus ou moins abstraite, ce serait une chose vaine, si ne correspondaient à ces ondes, en pleine concordance avec elles et leur action, des organes pour les enregistrer et les conduire, des sens pour les percevoir, des intelligences pour les comprendre.

Ses prestigieuses réalisations.

Un concert est donné à Milan, à Paris, à Londres, au-delà de l'Océan ; une fine et minuscule membrane tremble sous l'action de chacun des instruments, de chacune des voix ; les vibrations se propagent en ondes à des distances sans limites, dans toutes les directions, à travers tous les obstacles. Au même instant, ailleurs, à Rome ou dans le désert ou dans la savane, un petit appareil capte ces ondes, sans pour cela emmêler leur route, ni empêcher que mille autres appareils semblables fassent le même travail. Ces ondes se sont entrecroisées avec d'autres ondes de toute espèce, elles ont pu fendre les courants et les rafales des vents, sans que leur course en ait été troublée ; et c'est seulement celle que l'on a librement choisie qui meut l'appareil récepteur. Mais voici la merveille : cette vibration de l'organe sans vie se transmet à l'organe vivant, au tympan de l'homme, et grâce au fonctionnement de tout ce mécanisme prodigieusement compliqué et délicat, elle fait chanter une ou plusieurs de ces innombrables fibres qui constituent l'organe de Corti ; au moyen des nerfs, les accords de cette harpe incomparable atteignent le cerveau et là dans le mystère, qui continuellement se retire sans se dévoiler, dans le mystère de ce passage du mécanisme à la sensibilité vivante, les instruments, les voix se font entendre et pénètrent jusqu'à l'âme.

Combien tournent le bouton de leur appareil de TSF et écoutent, intéressés et charmés, ou indifférents et ennuyés, sans penser à tout le déroulement de si grandes merveilles, sans penser au Créateur qui les avait cachées dans la nature, sans penser au génie puissant d'un Marconi et des autres hommes de science qui les ont trouvées.

Les relations de Marconi avec Pie XII et Pie XI.

De ce grand inventeur, auteur de tant de découvertes, avec qui Nous eûmes Nous-même d'excellents rapports personnels, vous venez de célébrer, dans une juste solennité, les mérites scientifiques qui rendirent son nom glorieux. Il Nous est à coeur de rappeler à cette occasion les services qu'il rendit au Siège apostolique durant le pontificat de Notre prédécesseur d'immortelle et sainte mémoire Pie XI, pour qui Marconi montra, même en des discours célèbres « une dévotion particulière, vraie, filiale ». Non seulement il dirigea l'érection de la nouvelle station de TSF dans l'Etat de la Cité du Vatican, mais il accomplit également la liaison radiotéléphoni-que entre cette même Cité et ce Palais apostolique de Castelgan-dolfo par l'emploi des ondes électriques ultra-courtes. « L'emploi des ondes courtes en service permanent est fait ici aujourd'hui pour la première fois dans le monde. De cela j'exprime ma profonde reconnaissance à Votre Sainteté », ainsi s'exprimait l'illustre savant en cette circonstance historique.

Grandeur d'une science qui se tourne à aimer Dieu...

Grandeur de l'intelligence humaine capable de conquérir les forces de la nature et de les dominer ! Mais cette même intelligence, qui sait n'avoir pas créé ce qu'elle a seulement découvert, éveille dans le savant un sentiment d'une grande admiration et devant l'évidence que l'auteur de tout cela est « l'Amour qui meut le soleil et les étoiles », qui a fait tout pour le bien, l'utilité et le bonheur de l'homme, le chant d'admiration se change en un chant d'amour. Alors, oui vraiment la science se tourne à aimer, à aimer Dieu.

. et servir les hommes.

Dominée et employée par des savants dignes de ce nom, toute science, et particulièrement la vôtre, se tourne de même à aimer le prochain. Vos recherches, en fait, et celles de vos précurseurs, leurs découvertes et les vôtres vous ont conduits pas à pas à en multiplier les applications bienfaisantes. Nous avons tantôt mentionné les concerts, les auditions. Ceci n'est qu'un aspect parmi tant d'autres, de l'utilisation des ondes. Qui pourrait énumérer toutes celles qui se sont déjà accomplies, présager celles qui s'accompliront encore ? Qui pourrait prévoir jusqu'où elles continueront à progresser ? L'homme de science, pour peu qu'il ait un coeur humain, s'ingénie à chercher quel nouveau bienfait pourrait résulter de la science pour le bonheur de ses semblables. Notre Marconi, par exemple, dans ses études pour l'emploi des petites ondes, ne pensait-il pas de façon toute spéciale à la sûreté des navigateurs ? Le technicien, à son tour, touché par les besoins d'autrui, compatissant à tant d'aspirations trompées, animé du désir de faire aussi plaisir, s'emploie à rechercher de quelle manière la radio pourrait contribuer à les satisfaire. Nous avons déjà en une autre occasion parlé de ses bienfaits au service de la vérité, de la moralité, de la justice, de l'amour, mais aussi des responsabilités qu'elle porte avec elle : tant la TSF peut faire de bien ou de mal ! Nous considérons alors l'intérêt, non seulement artistique, mais aussi humanitaire que présente la rapide transmission de la parole, là où autrement elle ne serait jamais parvenue, ni rapidement, ni tardivement. Que dire de ses utilisations précieuses dans les divers domaines de la radiotélégraphie, de la télémécanique, de la télévision ? N'a-t-on pas obtenu, en ces dernières années, de produire de petites ondes d'une puissance extraordinaire qui non seulement ont contribué à perfectionner au-delà de toute attente la télévision, mais ont encore rendu possible le développement du radar, de cet oeil électrique magique qui pénètre l'obscurité, découvre les trésors des métaux dans le sein de la terre et dont les ondes renvoyées de la superficie de notre satellite en ont porté le premier radiomessage ? Combien de vies humaines épargnées grâce à l'envoi, sans pilote, sans conducteur, d'appareils exécutant les missions les plus périlleuses !

Sans aucun doute, et les amères expériences des derniers temps en ont trop souvent montré la gravité, l'on peut faire un usage immoral, barbare, de la TSF, comme de toutes les meilleures choses. Mais qui pourrait penser à priver toute la famille humaine, à cause des méfaits de certains criminels, des bienfaits du génie et de la charité ?

Poursuivez donc sans vous lasser, vos laborieuses recherches pour toujours mieux connaître, exalter et aimer la sagesse, la puissance et la bonté du souverain Créateur et Ordonnateur de toutes choses ; poursuivez-les pour toujours mieux en user à l'avantage de l'humanité souffrante, tourmentée, pauvre. Que votre science se tourne ainsi à être en tout oeuvre d'amour ! Dieu, sommet suprême des êtres, qui fait des savants ses nobles coopérateurs ne manquera pas de bénir votre persévérance à vous servir, pour sa gloire et pour le bien de tous, des richesses qu'il a déposées dans la réalité incommensurable de l'univers.

Avec ce souhait Nous vous accordons de tout coeur à vous, à vos familles, à vos études et à vos travaux, Notre Bénédiction apostolique.


Pie XII 1947 - 1. — UNE FOI VIVE ET SURNATURELLE