Pie XII 1947 - PAS DE VENGEANCE


MAIS UNE PLUS LARGE AMPLEUR DE VUES

Les justes châtiments infligés aux grands coupables auraient pu inspirer à la plume de Dante des scènes d'enfer, mais le grand poète aurait reculé devant les représailles exercées contre des innocents.

Les déportations forcées, l'assujettissement à des travaux pénibles sont apparus en leur temps comme un défi aux lois les plus élémentaires de l'humanité, à la lettre et à l'esprit du droit des gens. Et alors, qui pourrait s'étonner que la même conscience, qui s'était justement indignée quand elle a vu de tels actes accomplis par les uns, réagisse de la même manière en les voyant commis par d'autres ?

Qui pourrait mesurer quelles nouvelles misères morales, familiales, sociales, quels dommages pour l'équilibre culturel et économique de l'Europe, et non de la seule Europe, occasionneront les transferts de peuples opérés de force et sans discernement ? Quelle tristesse pour le présent ! Quelles angoisses pour l'avenir ! Seule une plus large ampleur de vues, une politique plus sage et plus avisée de la part des hommes qui ont entre leurs mains le sort du monde pourront apporter une solution tolérable à un problème autrement insoluble !

Honneur donc à ceux qui, dans toutes les nations, ne reculent devant aucune privation ni fatigue pour hâter l'obtention d'un si noble résultat. Qu'ils ne se laissent pas troubler par les contradictions et les résistances qui ne pourront leur manquer et qui, précisément en ces jours, semblent croître d'intensité pour susciter une nouvelle guerre des nerfs, pour attiser la discorde, pour ruiner les efforts des champions de l'union et de la pacification ! Qu'ils espèrent voir prochainement l'heure où, comme Nous le demandons avec confiance dans nos prières, le Roi de la paix accordera la victoire à ceux qui, dans une intention pure et avec des armes pacifiques, combattent pour sa cause.


III

LA FOI ET L'UNION NÉCESSAIRES POUR SAUVER LE MONDE

L'humanité ne pourra donc sortir des crises et de la désolation présente pour s'acheminer vers un avenir plus harmonieux, si elle ne réprime et ne domine les forces de division et de discorde grâce à un esprit sincère de fraternité qui unisse en un même amour toutes les classes, toutes les races et toutes les nations.

Si aujourd'hui à la veille de Noël, Nous lançons un tel appel au monde entier, c'est parce que Nous voyons cet esprit de fraternité en danger de s'éteindre et de mourir ; Nous voyons les passions égoïstes prendre le pas sur la saine raison, les durs procédés de vexation et de violence, sur la compréhension loyale et les égards réciproques, la dédaigneuse insouciance des maux qui en résulteront, sur le souci constant du bien public.

L'Eglise, dont le coeur maternel embrasse tous les peuples dans une égale sollicitude, suit avec angoisse cette évolution dans les conflits nationaux et internationaux.


LA FOI EN DIEU

Quand la foi en Dieu, Père de tous les hommes, commence à disparaître, l'esprit de fraternité, lui aussi, perd sa base morale et sa force de cohésion ; et quand le sens d'une communauté voulue de Dieu et qui inclut des droits et des devoirs réciproques, réglés par des lois déterminées, commence à périr, à leur place se glissent une hypersensibilité maladive pour ce qui divise, une inclination instinctive à l'affirmation exagérée de ses propres droits, vrais ou supposés, une négligence souvent inconsciente, mais non pour autant moins pernicieuse, des nécessités vitales d'autrui.

La voie est alors ouverte à la lutte contre tous, lutte qui ne connaît que le droit du plus fort.

Notre temps n'a donné que trop d'exemples de guerres fratricides, issues avec une logique implacable du fait que l'esprit fraternel s'évanouissait.


L'ESPRIT FRATERNEL

Même la terre qui avait entendu le chant des anges annonçant la paix aux hommes, qui avait vu resplendir l'étoile du Sauveur, où le divin Rédempteur mourut crucifié pour notre salut, cette Terre Sainte, avec ses souvenirs et ses sanctuaires souverainement chers à tout coeur chrétien, maintenant divisée, est devenue le théâtre de conflits sanglants. Et l'Europe elle-même, centre de toute la grande famille catholique, n'est-elle pas aujourd'hui un avertissement et une preuve de l'état auquel la disparition de l'esprit fraternel peut réduire une partie du monde autrefois si belle et si florissante ?

Elle porte en elle, non encore cicatrisées, les blessures infligées par la dernière guerre et déjà commence à étinceler la lueur sinistre de nouveaux conflits.

Ah ! si tous les honnêtes gens s'unissaient ensemble, combien la victoire de la fraternité humaine serait proche, et par là même la guérison du monde ! Ils forment déjà une partie considérable de l'opinion publique et donnent déjà la preuve d'un sens vraiment humain et d'une sagesse même politique.

D'autres, par contre, non moins nombreux, dont le oui ou le non a une influence considérable sur l'accélération ou le retard de la pacification de l'Europe, première condition pour les autres pas en avant vers la pacification universelle, suivent la voie opposée. Ils craignent donc qu'une Europe revenue à la santé et à la vigueur, prenant de nouveau conscience de sa mission, suivant l'inspiration chrétienne, veuille expulser de son organisme les germes empoisonnés de l'athéisme et de la révolte, vivre une vie personnelle et libre d'influences étrangères malsaines.

Il est clair en effet qu'une Europe, secouée par les frissons fébriles des difficultés économiques et des troubles sociaux, se laisserait plus facilement séduire par les illusions d'un irréalisable Etat idéal qu'une Europe saine et clairvoyante.

Aussi les propagateurs des desseins si fallacieux s'appliquent-ils à faire des prosélytes parmi les exaltés et les ingénus pour entraîner également leurs peuples dans le sentier de la ruine, que d'autres ont déjà parcouru, moins par choix personnel que sous l'oppression systématique des libertés civiles et religieuses.


L'AGITATION PROVOQUÉE A ROME

N'avons-Nous pas vu sur le sol sacré de la Ville où la volonté divine a établi la Chaire de Pierre, les messagers d'une conception du monde et de la société humaine fondée sur l'incrédulité et la violence se faire semeurs de zizanie dans la bonne terre de Rome et s'efforcer de persuader ses fils qu'ils ont imaginé et réalisé une nouvelle culture plus digne de l'homme que l'antique et éternellement jeune civilisation chrétienne ?

Les choses en étant arrivées à ce point, le temps est vraiment venu pour tout homme à qui est cher et sacré l'héritage humain et spirituel de ses pères de secouer le sommeil et de s'armer de foi et de courage pour préserver la Ville, mère de civilisation, de tomber dans une condition religieuse, morale, sociale qui rendrait à Notre grand regret, bien difficile la solennelle célébration de l'Année Sainte, désormais proche, qui est dans les voeux des catholiques du monde entier.

PORTÉE DE CES AVERTISSEMENTS

Du reste, si en l'occurrence actuelle, Nos claires paroles vont au-delà des frontières, elles ne concernent que les doctrines négatrices de la foi en Dieu et dans le Christ, et assurément pas les peuples ou les groupes de peuples qui en sont les victimes. Pour ceux-ci, l'Eglise nourrit toujours un immuable amour, et même avec d'autant plus de tendresse qu'ils souffrent davantage. Aux jours de l'épreuve plus qu'aux heures sereines, les hommes de toutes les nations doivent se sentir frères, de cette fraternité dont personne n'a jamais exalté ni n'exaltera jamais le sens profond, la haute mission et la puissance réconciliatrice, avec autant de force que « le premier-né de beaucoup de frères » (Rm 8,29) qui de Bethléem au Golgotha, a prêché par son exemple plus que par ses paroles cette grande et universelle fraternité.

Sur la Noël d'aujourd'hui s'accumule un sombre nuage. Tandis que l'aspiration anxieuse des peuples vers la paix devient toujours plus intense, on remarque chez les gouvernants une incapacité non moins grande de la satisfaire par des moyens purement humains.

Les honnêtes efforts des uns pour arriver à une paix équitable et la résolution systématique des autres d'en empêcher l'avènement n'éveillent-ils pas en nous l'image d'un dangereux jeu de hasard dont dépend la fortune ou la ruine ?

Dans les assemblées humaines se glisse inaperçu l'esprit du mal, «l'ange de l'abîme» (Ap 9,11) ennemi de la vérité, fomen-tateur de haines, négateur et destructeur de tout sentiment fraternel. Croyant son heure prochaine, il met tout en oeuvre pour la hâter.


EXHORTATION A L'ESPOIR ET A LA CONFIANCE

Malgré cela, Nous voulons conclure Notre message de Noël par une incoercible exhortation à l'espérance et à la confiance.

Si la foi au divin Rédempteur pousse les chrétiens à considérer toute chose à la lumière de la vérité, toujours ancienne et toujours nouvelle, des paroles que le vieillard Simeon prononça sur l'Enfant Jésus présenté au Temple : « Voici que celui-ci est établi pour la

ruine et pour la résurrection de beaucoup... et en signe de contradiction » (Lc 2,34), Nous savons que le nombre de ceux qui ne s'éloignent pas du Christ par l'incrédulité, qui adhèrent à lui, qui sont prêts à donner leur vie pour lui, qui font reposer en lui et en la résurrection leur inébranlable espérance, Nous savons que ce nombre est grand, qu'il croît et se fortifie ; Nous voyons qu'ils rayonnent leur énergie et leur influence bienfaisante dans tous les domaines de la vie, et que d'autres hommes de bonne volonté s'unissent à eux.


APPEL A L'ACTION

A vous tous donc, fils et filles bien-aimés, Nous disons : Votre heure est venue !

Aux assemblées des hommes d'Etat, Nous disons : un autre esprit invisible préside en Seigneur souverain. A son regard de Dieu tout-puissant, rien n'échappe. Et il tient dans ses mains les pensées et les coeurs pour les incliner selon son bon plaisir et à l'heure de son choix, ce Dieu dont les desseins insondables sont tous dictés par son amour paternel. Mais pour les réaliser, il veut se servir de votre coopération. Aux jours de lutte, votre place est au premier rang, au front de combat. Les timides et les embusqués sont bien près de devenir des déserteurs et des traîtres.

Déserteur et traître serait quiconque voudrait prêter sa collaboration matérielle, ses services, ses ressources, son aide, son vote à des partis et à des pouvoirs qui nient Dieu, qui substituent la force au droit, la menace et la terreur à la liberté, qui font du mensonge, de l'opposition, du soulèvement des masses, autant d'armes de leur politique qui rendent impossible la paix intérieure et extérieure.

Reportons-nous à trois siècles en arrière. A l'Europe bouleversée par les horreurs de la guerre de Trente Ans, l'année 1648 apporta finalement le message de la paix, l'aurore de la restauration.

Priez et travaillez pour obtenir de Dieu que l'année 1948 soit pour l'Europe blessée, pour les peuples déchirés par les discordes, l'année de la renaissance et de la paix, et que, une fois chassé l'esprit des ténèbres, l'ange de l'abîme, se lève sur le monde le soleil de justice, Jésus-Christ Notre-Seigneur, à qui soit honneur et gloire dans le temps et dans l'éternité.


BÉNÉDICTION SPÉCIALE A TOUS CEUX QUI SOUFFRENT

Et maintenant Notre Bénédiction apostolique, gage de grâces et de secours divins, s'étend à tous Nos chers fils et filles, aussi bien de Notre Ville episcopale que du monde entier, mais par-dessus tout à ceux qui gémissent plus que d'autres sous le poids de la misère et de la douleur ; aux malades, aux pauvres, aux ouvriers sans travail, aux sans-abri, à tous ceux qui souffrent de la faim et du froid, à ceux qui ayant perdu, ou par les événements du monstrueux conflit ou par l'injustice des hommes, ou même par leurs propres erreurs et fautes passées, la liberté, la famille, la patrie, sentent plus vivement, en cette sainte solennité, la morsure de l'inconfort et de l'angoisse ; aux prisonniers de guerre non encore rendus à leurs chères familles, aux exilés, aux dispersés ; d'une façon particulière à tous ceux, spécialement les prêtres, qui souffrent les persécutions, la prison, le bannissement, les menaces de torture et de mort, parce que fidèles à Dieu, au Christ, à l'Eglise, à l'observation de leurs devoirs.

ALLOCUTION ET VOEUX POUR L'ANNÉE 1948 AU CORPS DIPLOMATIQUE

(31 décembre 1947)1

A l'audience collective du Corps diplomatique le Saint-Père a répondu comme suit aux voeux qui lui ont été présentés pour l'an nouveau :

Si des empêchements, indépendants de Notre volonté, ne Nous ont pas permis de donner cette année à la réception du Corps diplomatique sa forme accoutumée, soyez assurés cependant que Notre accueil d'aujourd'hui n'a rien perdu ni de son importance ni de sa profonde signification.

De tout coeur Nous vous remercions des voeux que vous êtes venus Nous apporter avec votre exquise courtoisie et Nous vous prions, en vous offrant les Nôtres, de vous faire Nos interprètes pour les exprimer en Notre nom aux souverains et chefs d'Etat, ainsi qu'aux membres des gouvernements, dont vous êtes auprès de Nous les illustres représentants.

Au seuil de cette année 1948, dont la perspective est chargée de si troublantes incertitudes, Nous voyons en esprit, rassemblée autour de Nous, l'immense famille des peuples, dont vous êtes, Excellences, les délégués et les messagers. Notre prière la plus ardente monte vers Dieu pour leur félicité et pour leur prospérité, pour leur bien-être et pour leur progrès.

Mais, même les nations, qui ne sont pas ici représentées, ne sont pas pour autant absentes de Notre pensée ; Notre sollicitude s'étend à elles aussi, elles aussi sont l'objet de Notre incessante prière.

C'est que, plus que jamais, les esprits clairvoyants et dégagés de tout parti pris sont convaincus de « l'indivisibilité de la paix » !

Si formidables que puissent paraître les obstacles à la réalisation de cet idéal, ils ne sauraient Nous décourager et, avec toute l'énergie de Notre confiance, Nous Nous refusons à partager les vues de ceux qui comptent d'avance cette nouvelle année parmi les plus calamiteuses de l'histoire.

Non ! elle sera sans doute une année de très graves résolutions, de résolutions peut-être irrévocables, une année où, comme bien rarement dans le passé, le monde se trouvera à la croisée des chemins.

N'importe ! Nous continuerons d'espérer et de prier, Nous persisterons à conjurer tous ceux qui auront à y jouer leur rôle, de ne perdre point de vue cette indivisibilité de la paix et de n'oublier jamais que la paix intérieure des peuples et leur paix à l'extérieur avec les autres peuples sont un bien trop précieux pour que, même au prix de gros sacrifices, on doive estimer l'avoir payé trop cher.

Et pour hâter l'heure de cette paix, pour que vous ayez votre part efficace à son avènement, que la bénédiction du Dieu tout-puissant descende sur vous et qu'elle demeure avec vous pour toujours.


CONGRÉGATIONS ROMAINES

SUPRÊME CONGRÉGATION DU SAINT-OFFICE

23 janvier 1

DÉCRET AUTORISANT EN BELGIQUE LA MESSE LE DIMANCHE APRÈS-MIDI

S. S. Pie XII, Pape par la divine Providence, après avoir consulté les très éminents Pères du Saint-Office et le cardinal préfet de la Sacrée Congrégation des Sacrements, en raison des circonstances extraordinaires des temps présents, accorde avec bienveillance la faculté aux évêques belges de permettre aux prêtres soumis à leur juridiction de célébrer la sainte messe dans l'après-midi des dimanches et des fêtes d'obligation, afin de procurer aux ouvriers qui doivent travailler le matin la possibilité de satisfaire à l'obligation d'assister à la messe et de communier, à condition de n'avoir pris aucun aliment quatre heures avant la messe ou la sainte communion, ni aucune boisson une heure avant ces mêmes exercices, les boissons alcooliques étant absolument défendues. Cette permission vaut pour un an, les circonstances extraordinaires des temps présents, telles qu'elles nous ont été exposées restant inchangées ; au terme de ce temps les évêques enverront un compte rendu exact des dispenses qu'ils auraient accordées.

25 février2


LETTRE AUX ÉVÊQUES D'ITALIE CONCERNANT L'ART SACRÉ

La Suprême Sacrée Congrégation du Saint-Office, préoccupée par le fait que certaines tendances artistiques actuellement à la mode peuvent, si elles s'introduisent dans le domaine de l'art sacré, être nuisibles aux âmes des fidèles, m'a fait parvenir, à la date du 10 décembre dernier, un document et une mise en garde grave au sujet des tendances en question :3

« Votre Excellence sait que, parmi les tendances artistiques de l'époque actuelle» la mode du difforme et du grotesque a pénétré dans de nombreuses manifestations publiques ayant trait à l'art en général et tente aujourd'hui d'envahir le domaine de l'art sacré. Il suffit de se rapporter, à titre d'exemple, à quelques-uns des représentants de cette tendance (et ici elle cite les noms et les oeuvres de quelques, artistes modernes) pour avoir aussitôt la preuve évidente du dégoût et de la réprobation que suscitent leurs oeuvres par l'offense qu'elles font à la piété des croyants. Cela est vrai surtout pour les nus complets qui profanent les différents aspects de la crucifixion du divin Rédempteur.

» A l'Exposition de Rome, en juillet 1946, des déformations et profanations analogues se sont produites également, que l'on a tenté de faire passer pour de l'art sacré.

» Cet état de choses ne peut manquer de préoccuper les autorités ecclésiastiques compétentes, auxquelles incombe le devoir de préserver les chrétiens contre la multiplication de telles manifestations artistiques, qui les scandalisent, et de sauvegarder la dignité du culte et des lieux sacrés, dont le but est précisément de faire naître chez les chrétiens des sentiments de piété et dévotion.

» C'est pourquoi cette Suprême Sacrée Congrégation demande à la commission pontificale centrale de donner les instructions nécessaires aux commissions diocésaines, afin que les déplorables tendances sus-indiquées ne puissent pas s'infiltrer de quelque manière que ce soit dans les domaines dont elles ont la sauvegarde. »

Personne ne considérera cet avertissement comme un obstacle à la libre expression et au profit de l'art, car il n'est que la condamnation de certaines formes d'art sacré qui, parfois, quand bien même ce serait contre la volonté de leur auteur, deviennent des représentations qui sont de véritables blasphèmes.

La sainte Eglise a toujours laissé une très grande liberté aux artistes en ce qui concerne les moyens d'expression, les diverses techniques et les différentes tendances stylistiques. De tous temps, les multiples formes de l'art ont offert l'hommage de la beauté au culte chrétien.

Mais la sainte Eglise n'a jamais toléré que l'art offense la doctrine et la dignité du culte, et c'est pour cela que la Suprême Sacrée Congrégation du Saint-Office, de même qu'elle interdit les livres qui attaquent les vérités de la foi, veille aussi à ce que l'art sacré n'offense pas la dignité de la sainte liturgie et le sens chrétien.

Acceptons, certes, ce qui dans l'art est moderne et vital : mais ne confondons pas ce qui est sainement moderne avec les modes éphémères ou inconvenantes. L'Eglise, mère et souveraine, a, au cours de presque deux mille ans, créé un langage à la fois artistique et liturgique élevé qui lui est propre. C'est ainsi qu'elle parle aux âmes et que les âmes parlent à Dieu. Les artistes chrétiens n'ont pas le droit d'ignorer ce langage ; ils doivent l'apprendre et le respecter, afin d'exprimer dignement leurs conceptions. // ne s'agit pas de dire l'Eglise pour l'art, mais bien l'art pour l'Eglise.

Nous songeons à des dispositions extrêmement précises : les prescriptions des conciles, les décrets des Pontifes suprêmes, les règlements du Code donnent de sages directives aux artistes appelés à construire et décorer les édifices sacrés. De même, ils fournissent des instructions claires aux Ordinaires et aux commissions diocésaines chargées d'apprécier les oeuvres en question.

Ce problème prend aujourd'hui un caractère de gravité particulière parce que la reconstruction des églises dévastées par la guerre nous impose des tâches beaucoup plus nombreuses et plus importantes que cela n'a probablement jamais été le cas dans les siècles passés.

Que Votre Excellence ait donc la bonté de rappeler tous ces faits aux membres de sa commission diocésaine pour l'art sacré, afin que soient évitées, dans la construction et l'ornementation des édifices sacrés, les tendances proscrites dans la mise en garde mentionnée ci-dessus.

20 mars*


DÉCRET AU SUJET DE LA BÉNÉDICTION DES DRAPEAUX DE PARTIS POLITIQUES

A cette question qui leur a été proposée : « Est-il permis de bénir les drapeaux de n'importe quel parti politique », les éminentissimes et révérendissimes cardinaux préposés à la défense de la foi et des moeurs ont décidé, dans la réunion plénière tenue le mercredi 5 mars 1947, vu le décret de cette Suprême Sacrée Congrégation en date du 31 août 1887, de répondre négativement. 5

23 octobre 6

RESCRITS A L'ÉPISCOPAT DE FRANCE CONCERNANT LE JEUNE EUCHARISTIQUE ET LA CÉLÉBRATION DE LA MESSE LE SOIR

I S. S. Pie XII, Pape par la divine Providence à la suite du voeu des éminentissimes Pères du Saint-Office, et après avoir entendu le cardinal préfet de la Sacrée Congrégation des Sacrements, vu les circonstances tout à fait extraordinaires où se trouve actuellement la France, en particulier le mauvais état de santé des prêtres et des fidèles compromis par les malheurs de la récente et effroyable guerre et que l'aggravation continuelle du ravitaillement affaiblit de plus en plus, ainsi que la pénurie du clergé qui ne peut suffire au soin des âmes, souhaitant satisfaire aux désirs de beaucoup de fidèles de recevoir fréquemment la sainte communion, a daigné, par une dérogation pour la France aux prescriptions des canons 808 et 858, § 1 7, accorder aux prêtres qui célèbrent la messe et aux fidèles qui reçoivent la sainte communion en France après 9 heures

4 D'après le texte latin des A. A. S., 39, 1947, p. 130 ; traduction française de la Documentation Catholique, t. XLIV, col. 1608.

la permission de prendre une boisson non alcoolique jusqu'à une heure avant la messe ou la sainte communion.

La même permission est accordée aux prêtres qui célèbrent la messe et aux fidèles qui reçoivent la sainte communion avant 9 heures lorsqu'ils ont à parcourir un long trajet pour se rendre à l'église la plus proche, ou s'ils doivent avant la messe ou la sainte communion, se livrer pendant beaucoup de temps à un lourd travail.

Ces concessions valent pour une année au terme de laquelle les évêques et les Ordinaires en France, après avoir mis en commun leurs observations, rendront compte au Saint-Office avec le plus grand soin de l'usage qui aura été fait de cette permission.


II

S. S. Pie XII, Pape par la divine Providence, à la suite du voeu des éminen-tissimes Pères du Saint-Office, et après avoir entendu le cardinal préfet de la Sacrée Congrégation des Sacrements, vu les circonstances tout à fait extraordinaires des temps actuels, a daigné dans sa bonté accorder que les évêques et Ordinaires en France, à charge pour leur conscience de constater une vraie nécessité, puissent concéder aux prêtres qui leur sont subordonnés la permission de célébrer, aux jours de fête de précepte seulement, une seconde ou une troisième messe au cours de l'après-midi, chaque fois qu'une trop grande fatigue dans leur ministère sacré ou la distance leur rendra impossible la célébration de cette seconde ou troisième messe avant une heure de l'après-midi. Ils auront alors à garder le jeûne avant la célébration de la messe, durant trois heures pour la nourriture solide, une heure pour une boisson non alcoolique ou un médicament.

En outre, le Souverain Pontife accorde aux évêques et Ordinaires en France la faculté de permettre la célébration de la messe au cours de l'après-midi, aux jours de fête de précepte seulement, lorsque doivent y assister, pour satisfaire au précepte d'entendre la messe, une proportion suffisante d'ouvriers obligés à travailler dans la matinée ou employés publics retenus le matin par leur charge. En ce cas, le célébrant observera également le jeûne avant la célébration de la messe durant trois heures en ce qui concerne la nourriture solide et une heure pour la boisson ou les médicaments, à l'exclusion de tout alcool. 8

Quant aux fidèles qui assisteront à ces messes, le Souverain Pontife leur accorde d'y recevoir la sainte communion chaque fois qu'au jugement de leur confesseur, ils ne pourront sans grave inconvénient satisfaire aux canons 867, § 4, et 821, § 1. Ils observeront alors également le jeûne avant la communion pendant trois heures pour ce qui a trait à la nourriture solide et pendant une heure pour la boisson et les médicaments, à l'exclusion de tout alcool.

Ces concessions valent pour une année si les circonstances exceptionnelles exposées ci-dessus se prolongent. A la fin de cette année les révérendissimes seigneurs évêques et Ordinaires en France enverront au Saint-Office un rapport circonstancié sur les dispenses concédées.

pas à jeun depuis minuit, à moins qu'il ne s'agisse d'une personne en danger prochain de mort ou qu'il ne faille communier nécessairement pour empêcher l'irrévérence envers la sainte Eucharistie.

Selon le canon 867, § 4, on ne doit distribuer la sainte communion qu'aux heures où l'on peut célébrer le sacrifice de la messe, sauf s'il y a une raison valable pour agir autrement.

D'après le canon 821, § 1, on ne doit pas commencer à dire la messe plus tôt qu'une heure avant l'aurore ou plus tard qu'une heure après midi.


EXCOMMUNICATION DES AGRESSEURS DE S. EXC. MGR SANTIN ÉVÊQUE DE TRIESTE

Comme certains ont osé avec violence frapper S. Exc. Mgr P. D. Antoine Santin, évêque de Trieste2, la Sacrée Congrégation Consistoriale déclare que tous ceux qui ont commis le délit cité sont frappés, en vertu du canon 2343 § 3 du Code de Droit canon de l'excommunication réservée spécialement au Siège apostolique.3

24 juin 1

EXCOMMUNICATION DES AGRESSEURS DE MGR UKMAR

Le 24 août 1947, des criminels ont fait violence à Mgr Jacob Ukmar2 qui, muni des pouvoirs nécessaires, se rendait à Lanische pour y administrer le sacrement de confirmation, et les meutes scélérates tuèrent l'abbé Bulesic qui tentait de protéger Mgr Ukmar, des coups. C'est pourquoi la Sacrée Congrégation du Concile déclare par la présente que tous ceux qui ont apporté au délit cité une collaboration physique ou morale, ou ont participé à l'attentat de quelque façon (canon 2209, § 1-3), encourent l'excommunication d'après le canon 2343, § 4.3

L'évêque de Trieste, Son Exc. Mgr Santin, avait lui-même déjà été victime d'une agression (cf. déclaration du 24 juin 1947 excommuniant ses agresseurs, p. 479).

S Le canon 2209 énumère tous ceux qui par complicité sont déclarés coupables. Le canon 2343 déclare que tous ceux qui frappent un clerc encourent l'excommunication.


SACRÉE CONGRÉGATION DU CONCILE

8 septembre 1

DÉCRET CONCERNANT LA RELATION QUINQUENNALE

Vingt-cinq ans et plus se sont écoulés depuis la publication du décret Sancitum est du 8 mars 1922 2 qui prescrivait aux supérieurs généraux des instituts religieux la relation quinquennale à envoyer au Saint-Siège (can. 510). L'expérience a clairement montré ce qui dans ces prescriptions semblait devoir être définitivement confirmé, ce qui devait y être ajouté, ce qui au contraire devait être supprimé ou corrigé, comme ce décret l'insinuait lui-même. Aussi, la Sacrée Congrégation des Religieux, dans sa séance plénière du 4 juillet 1947, a-t-elle statué ce qui suit.

I. — Conformément au Code (can. 510), l'abbé primat, l'abbé supérieur d'une congrégation monastique (can. 488, 8), le supérieur général de tout institut religieux et de toute société de vie en commun sans voeux publics (can. 675), ainsi que le supérieur général de tout institut séculier de droit pontifical et le président de toute fédération de maisons religieuses, de sociétés de vie en commun ou d'instituts séculiers et, à leur défaut, leurs vicaires (can. 488, 8), enverront tous les cinq ans au Saint-Siège, c'est-à-dire à cette Sacrée Congrégation des Religieux, une relation sur l'état de leur institut religieux ou séculier, de leur société ou fédération, même si l'année fixée pour l'envoi de ce rapport tombe, en tout ou en partie, dans les deux premières années de leur entrée en charge.

IL — Les périodes quinquennales seront fixes et communes à tous, comme il a été dit ci-dessus (n. I) ; on continuera à les compter à partir du 1er janvier 1923.

III. — L'ordre suivant sera observé dans l'envoi de ces relations : 1° Dans les instituts religieux, les sociétés de vie en commun, les instituts séculiers et les fédérations de droit pontifical d'hommes enverront leur rapport : la lre année : les chanoines réguliers, les moines et les ordres militaires, la 2e année : les mendiants, les clercs et autres réguliers, la 3e année : les congrégations cléricales, la 4e année : les congrégations laïques,

9 juillet1

la 5e année : les sociétés de vie en commun, les instituts séculiers et les fédérations.

2° Dans les instituts religieux, les sociétés de vie en commun, les instituts séculiers et les fédérations de droit pontifical de femmes, compte tenu du pays où se trouve en droit leur maison-mère, enverront leur relation :

la lre année : les supérieures religieuses d'Italie, d'Espagne et du Portugal,

la 2e année : les supérieures religieuses de France, de Belgique, des Pays-Bas,

d'Angleterre et d'Irlande,

la 3« année : les supérieures religieuses des autres pays d'Europe,

la 4e année : les supérieures religieuses des pays d'Amérique,

la 5e année : les supérieures religieuses des autres parties du monde et en plus

les supérieures des sociétés de vie en commun, des instituts séculiers et des

fédérations de tout l'univers.

IV. —¦ Pour que cette Congrégation puisse se procurer les renseignements nécessaires de façon certaine et authentique sur tous les monastères et maisons indépendants de droit pontifical d'hommes et de femmes, que le can. 510 n'oblige pas à l'envoi d'une relation quinquennale, ainsi que les congrégations, sociétés de vie en commun et instituts séculiers de droit diocésain, on observera les normes suivantes :

1° Les supérieurs majeurs des monastères ou maisons indépendantes d'hommes qui, bien que de droit pontifical, ne font pas partie d'une congrégation monastique ni d'une fédération de maisons, enverront, aux époques et selon l'ordre défini ci-dessus (III, 1°), à l'Ordinaire du lieu, une relation sommaire de cette période de cinq ans, signée par eux et leurs propres conseillers. L'Ordinaire veillera à transmettre à la Sacrée Congrégation, dans l'année de la confection du document, un exemplaire de celui-ci revêtu de sa signature et, le cas échéant, pourvu de ses remarques.

2° Les supérieures majeures des monastères de moniales, d'accord avec leur propre conseil, enverront, selon l'ordre indiqué ci-dessus (III, 2°) pour les supérieures générales, une relation brève et concise de la période de cinq ans, signée par toutes, à l'Ordinaire du lieu si elles lui sont soumises, ou sinon, à leur supérieur régulier. L'Ordinaire du lieu ou le prélat régulier veillera soigneusement à transmettre à cette Sacrée Congrégation, dans l'année de la confection du document, un exemplaire de celui-ci revêtu de sa signature et, le cas échéant, pourvu de ses propres remarques.

3° Les supérieurs généraux des congrégations, des sociétés de vie en commun et des instituts séculiers de droit diocésain présenteront aux époques et selon l'ordre défini ci-dessus (III, 1° et 2°) à l'Ordinaire du lieu où se trouve la maison-mère une relation quinquennale signée par eux et leur propre conseil. L'Ordinaire du lieu n'omettra pas de communiquer cette relation aux Ordinaires des autres maisons et transmettra dans l'année à cette Sacrée Congrégation un exemplaire de celle-ci revêtu de sa signature en y ajoutant son propre jugement et celui des autres Ordinaires sur cette congrégation, société ou institut séculier.

4° Les maisons religieuses indépendantes et autonomes et les maisons de sociétés sans voeux ou d'instituts séculiers qui ne sont pas de droit pontifical ou diocésain, remettront selon l'ordre fixé ci-dessus (III, 1° et 2°), une relation quinquennale sommaire à l'Ordinaire du lieu. L'Ordinaire enverra de même dans l'année à cette Sacrée Congrégation un exemplaire de cette relation.


Pie XII 1947 - PAS DE VENGEANCE