Pie XII 1949 - RADIOMESSAGE AUX MALADES


ALLOCUTION A UN GROUPE DE MEMBRES DE LA CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS DES ÉTATS-UNIS

(27 novembre 1949) 1

Un groupe de représentants américains venant faire enquête en Europe, fut reçu en audience en ce premier dimanche de l'Avent et le Saint-Père leur adressa la parole :

Une fois de plus, honorables Messieurs, les salles de votre Capitole où siègent les pouvoirs législatif et exécutif, ont entendu retentir durant ces jours derniers, les nobles accents de la prière de la Nation pour remercier le Dieu vivant.

Est-il besoin de vous dire que Notre coeur est ému et réconforté par cette preuve régulière que vous fournissez de votre conviction — et plût au ciel qu'elle soit universelle ! — qu'il s'agit là d'un des premiers devoirs de ceux qui ont la mission de gouverner l'Etat. Si l'Eglise du Christ ne cesse de penser à ses enfants, gouvernants et gouvernés, depuis le lever du soleil jusqu'à son couchant, parce qu'il est « vraiment digne et juste, équitable et salutaire de rendre grâces à Dieu et en tout temps et en tous lieux », pour les bénédictions reçues durant la vie, la liberté et la prospérité, et pour les occasions — dont on a bénéficié — de vouer sa vie au service de l'amour, oui même au service héroïque de la foi, du foyer, de la patrie ; combien plus ardentes encore montent ces prières vers Dieu pour exprimer la reconnaissance à Sa divine bonté et miséricorde, quand Dieu touche la conscience des représentants d'un peuple,

qui furent précisément choisis pour affermir, coordonner et unifier sur le plan politique, les aspirations et les attitudes spirituelles les plus profondes de la nation.

Il est clair que se montrer prêt à reconnaître la dépendance individuelle et collective du peuple vis-à-vis de Dieu et remercier sincèrement en son nom pour les bienfaits reçus, grâce à son bon plaisir providentiel, engage le représentant de l'Etat à réaliser un programme et à le faire proclamer. Cela implique une sensibilité, une conformité délicate et décidée de l'esprit et du coeur avec la volonté de Dieu, aussi bien d'ailleurs qu'avec ces droits et intérêts purement humains qui doivent être reconnus et protégés durant les sessions des chambres législatives et le travail administratif, et tout spécialement — qu'il Nous soit permis de le dire — durant ces jours critiques de travail de reconstruction dans le secteur de l'économie et de la finance internationales.

Rendons grâces, par conséquent, à Dieu en commençant et en terminant, et tandis que vous Le remerciez pour Ses dons, vous réaffirmerez votre désir d'honorer et de respecter Sa très sainte volonté en accomplissant votre mission sacrée vis-à-vis de votre peuple.

Et afin que vous et tous les législateurs puissent entendre cet appel de la conscience droite, avec courage et constance, Nous demandons pour vous-mêmes, Messieurs, et vos distingués collègues, pour vos enfants et votre pays, un don encore plus abondant de lumière et de force à Celui qui tient les individus et les nations dans le creux de Sa main toute-puissante.


DISCOURS A M. FRANÇOIS DE PAULA PEREZ

Ambassadeur de Colombie

(27 novembre 1949) 1

Afin d'accomplir l'honorable mission 2 que Monsieur le Président de la République 3 a confiée à Votre Excellence, Elle a abandonné sa regrettée patrie, pour la représenter au centre même de la Chrétienté en qualité d'Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire d'une nation qui a su faire de la fidélité à ses traditions catholiques et de la dévotion à ce Siège de Pierre un de ses plus précieux héritages et de ses plus énergiques impératifs au cours de son histoire ; d'une histoire où semblent resplendir les dons de Dieu les plus opposés, car cette nation s'enrichit aussi bien des gestes héroïques d'un Alonse d'Ojeda, d'un Jean de la Cosa et surtout d'un Gonzalve Jimenez de Quesada que des délicatesses d'esprit qui remplissent les pages de ces grands érudits qui furent les deux Caros et Ruffin Joseph Cuervo. Votre Excellence, homme de lettres, apparaît à Nos yeux comme l'héritier légitime de ce glorieux Parnasse, qu'un maître des lettres espagnoles n'hésita pas d'appeler : « aristocratique, cultivé et parfait ».

Une vie d'austère travail scientifique, consacrée avec un sincère dévouement aux diverses branches du savoir juridique, a fait de Votre Excellence un des Professeurs les plus estimés de Droit constitutionnel, dans les principales Universités de son pays.

Le contact vivant avec les fondements et les réalités du monde économique et social, en leurs zones de lumière et d'ombre, non moins qu'en ses aspects multiples et souvent douloureux, ont imprimé dans la pensée et dans la volonté, dans le discernement et dans la manière d'agir de Votre Excellence ce sens social, qui est aujourd'hui une condition indispensable pour pouvoir affronter les problèmes de notre société avec ce haut degré de sérieux et de constance qui est une prémice indispensable et fondamental pour arriver aux solutions saines et durables parmi le contraste des opinions et des intérêts.

Les nombreuses années que Votre Excellence a aussi vouées à son activité de journaliste lui ont permis de pénétrer, avec un regard expert, dans les diverses classes de la nation ; dans les aspirations et dans les désirs, dans les nécessités et dans les misères de ses multitudes, comprenant pleinement le rôle principal qui correspond aux énergies qui naissent d'une foi robuste pour pouvoir prendre part aux grandes luttes spirituelles de notre temps, sous tous les cieux et sous toutes les latitudes.

11 est naturel que, lorsqu'un homme de Gouvernement, de la valeur de Votre Excellence quitte son pays, même en accomplissant son devoir, pour continuer à le servir à un autre endroit et avec d'autres moyens, ses partisans et admirateurs croient que ce déplacement pour des plages lointaines est une perte pour la nation. Mais si le départ de Votre Excellence semble une perte pour la Colombie, par contre, pour Rome et pour le Corps Diplomatique accrédité auprès de Nous, elle est une richesse et un gain. Et pour Votre Excellence elle-même Nous sommes sûr qu'elle procurera aussi une singulière satisfaction, puisque celui qui avait été appelé par la confiance de ses compatriotes pour faire partie du Comité Colombien de l'Année Sainte, pourra maintenant contempler de ses propres yeux, à Rome même et d'une position si élevée, le déroulement du Grand Jubilé, aux fins duquel il aurait collaboré dans son lointain pays ; il pourra vivre de près dans son coeur l'exultant « sursum corda » des grandes solennités qui approchent ; il pourra, finalement, prêter ses conseils et son aide à ceux de ses compatriotes, Nos bien-aimés fils les pèlerins colombiens, qui, à travers les mers, arriveront à la maison du Père commun.

Nous voulons voir, dans les expressions élevées que Nous venons d'entendre des lèvres de Votre Excellence, la garantie sûre que le soin et le perfectionnement des heureuses relations qui existent entre ce Siège Apostolique et la République Colombienne, ont été confiées à une personnalité qui sait voir et apprécier en sa charge une mission aussi importante que méritoire.

En cette consolante confiance, Nous vous souhaitons, Monsieur l'Ambassadeur, Notre cordiale bienvenue, conjointement avec la certitude de trouver toujours en Nous le plus bienveillant accueil.

La Colombie est un pays qui semble spécialement appelé à l'harmonie et à la paix, par le fait même que la nature s'est plû à réunir en elle tous les climats, toutes les terres et toutes les cultures. Depuis ses côtes très fertiles jusqu'à ses féconds plateaux c'est un échelonnage successif de production, de fécondité et de prospérité ; tous sont d'accord pour dire que le meilleur de l'Amérique se trouve entre votre Sierra Nevada et votre Mer des Antilles. Avec une émotion profonde Nous incluons dans Nos prières de tous les jours et dans le Sacrifice quotidien de l'Autel, les nécessités et les désirs, les espoirs et les souhaits de ce bien-aimé peuple que la Providence a appelé à occuper ce jardin privilégié. Tandis que les nouvelles qui Nous arrivent de là-bas, viennent, par un contraste douloureux, enveloppées parfois dans les rumeurs d'âpres divisions et de passions politiques opposées, le Père commun sent qu'il est de son devoir d'envoyer à ces fils qu'il aime tant, un mot de lui, pour les avertir que le sort de leur peuple et de leur nation ne doit pas dépendre de la pure violence 1.

Qu'elle monte jusqu'à Dieu, auteur et amateur de la paix ; qu'elle monte jusqu'à la Très Sainte Vierge, Reine de la paix, Notre fervente prière, pour que, en la terre colombienne, triomphent finalement cette harmonie d'idées et de sentiments, ce rapprochement et cette réconciliation des esprits, qui sont l'unique base sur laquelle peut surgir le vrai progrès et l'unique garantie de l'authentique bien commun.


DISCOURS A DES MEMBRES DU PARLEMENT DES ÉTATS-UNIS

(5 décembre 1949) 1

Le Saint-Père reçut en audience quelques parlementaires américains et leur déclara :

Rome, qui vous souhaite la bienvenue, Messieurs les membres du Congrès, est une cité d'une antique mémoire. Ses monuments vénérables rappellent plus de deux mille ans d histoire humaine, des larmes et des joies, de l'héroïsme et de la cruauté, la puissance et la grandeur païennes, purifiées et ennoblies ensuite par la civilisation chrétienne.

L'imposante et incomparable coupole que vous voyez ici et que le monde admire depuis plus de trois siècles ramène l'esprit, par-delà les splendeurs de la Renaissance et les découvertes du Nouveau Monde, aux jours riches de triomphe de Constantin et ensuite, encore plus loin, au temps où les premiers apôtres de l'Eglise naissante du Christ étaient persécutés et torturés par les bourreaux impériaux, parce qu'ils enseignaient que l'âme humaine immortelle, créée à l'image de Dieu, confère à l'homme une dignité intime et des droits que personne au monde ne peut leur enlever.

Ces enseignements pouvaient paraître révolutionnaires à Néron et à tous les despotes qui vinrent après lui ; ils éveillaient, en effet, dans la conscience certaines libertés indépendantes de l'Etat. Ils étaient vraiment révolutionnaires. Et la révolution remontait à ce premier Noël de Bethléem en Judée, quand l'éternelle Vérité vint, Homme parmi les hommes, élever ceux-ci à la conscience de leur glorieux destin comme fils de Dieu, et fit de Son sacrifice une base sûre de leurs espérances.

Mais ce fut une révolution qui guérit l'humanité et qui lui amena la vraie foi. Aucune politique, soit intérieure, soit internationale, ne peut sauvegarder les droits divins et accorder à l'homme la paix et une juste liberté, si elle ne s'inspire pas de cette vérité, si elle n'est pas conduite par cet esprit d'amour envers tous. Détruisez la foi en Dieu et la liberté sera frappée à mort.

Il n'est rien, aujourd'hui, qui ne soit démontré de façon aussi lumineuse que cela. Mais l'esprit du Christ voltige encore doucement au-dessus du monde et, dominant les vacarmes des grandes guerres et des luttes, Sa voix forte et suppliante se fait encore entendre et écouter.

Puissent Ses bénédictions embellir votre vie et apporter la paix, l'amour, la joie et la grâce dans vos maisons. Puissent Ses enseignements illuminer et soutenir tous ceux qui partagent les responsabilités de l'autorité civile.

LETTRE AU R. P. ADALBERT TUROWSKÎ Directeur général de la Pieuse Société des Missions

à l'occasion du centenaire de la mort du Vénérable Vincent Pallotti (8 décembre 1950) 1

L'abbé Vincent Pallotti du clergé romain est mort en 1850. Il a fondé en 1835 une congrégation dite « Pieuse Société des Missions » ; celle-ci compte 1500 membres dits « Pallottins » 2 :

Il y a cent ans que le Vénérable Serviteur de Dieu Vincent Pallotti gloire et ornement du clergé romain, a quitté cette vie par une mort très pieuse : Vous qui le révérez comme Père Législateur et maître spirituel, avez l'intention à bien juste titre de commémorer dignement cet événement mémorable.

Quant à Nous, qui connaissons parfaitement les bienfaits spirituels qu'il a produits pour l'utilité de la sainte Eglise et qui n'ignorons pas vos louables efforts pour poursuivre la réalisation de ses buts et ses entreprises salutaires parmi un grand nombre de nations, Nous désirons paternellement vous être présent en cette heureuse circonstance par nos félicitations et vous encourager à vous conformer d'une volonté chaque jour plus appliquée à ses instructions et à suivre d'une manière très active ses magnifiques exemples. Lorsque nous évoquons en esprit sa vie et ses oeuvres, nous le voyons comme de nos yeux brûler d'une piété si ardente envers Dieu et la Vierge Mère de Dieu que ses yeux et son visage en paraissent comme étincelants. C'est aussi de cette piété qu'il puisait et par elle qu'il fortifiait cette charité qui le poussait à ne refuser aucun travail, ni de jour ni de nuit pour soulager de toutes ses forces les malheureux de tout genre, soigner les corps et les âmes des malades, réconcilier au divin Rédempteur, au saint tribunal de la pénitence des pécheurs presqu'innombrables, ramener par ses prédications et ses conseils les égarés à la vérité et à la vertu, animer les tièdes et les paresseux à la ferveur de la perfection chrétienne. Lorsqu'il remplissait les fonctions de directeur spirituel au Séminaire Pontifical Romain et en d'autres collèges ecclésiastiques, il informa les candidats au sacerdoce d'un tel esprit apostolique que nombre d'entre eux devenaient des apôtres très éminents de la religion catholique. Son travail sans mesure, zélé et apostolique a produit d'abondants fruits de salut d'où est sorti à la vérité un heureux renouveau des moeurs chrétiennes, spécialement dans cette Sainte Ville. Désirant vivement que les oeuvres qu'il avait entreprises, loin d'être arrêtées par sa mort fussent plutôt étendues dans une plus grande mesure, non sans une inspiration de Dieu, il fonda une Société qu'il nomma « de l'Action Catholique » et lui confia comme un héritage sacré non seulement ce qu'il avait avantageusement commencé lui-même avec succès mais aussi la réalisation de ses projets. C'est-à-dire travailler avec sagesse et soigneusement, en saisissant les occasions favorables à la formation et à l'affermissement du clergé dans la vertu, instruire dans les bonnes oeuvres et la vertu par de saintes campagnes appelées missions, non seulement le peuple chrétien oublieux trop souvent des divins préceptes, mais aussi éclairer de la lumière de la vérité évangélique les nations païennes ou lointaines et les ramener heureusement dans le sein de l'Eglise catholique, et enfin — ce qui est particulièrement nécessaire surtout à notre époque — appeler et organiser par de sages règles le plus grand nombre possible de laïcs à aider de leur travail la Hiérarchie Ecclésiastique : en cette matière, vous le savez bien, Vincent Pallotti doit être considéré comme un éclaireur d'avant-garde. C est donc un chantier très vaste de travail qu'en cette joie du centenaire vous ouvre votre Père Fondateur, pour que vous continuiez à y travailler avec soin et encore plus d'ardeur ; cependant, suivant les traces de votre Fondateur, attachez-vous chaque jour plus énergiquement et efficacement à reproduire en vous avec tant d'application et de zèle cette vertu et cette sainteté auxquelles vous animez les autres, afin que vous puissiez réaliser votre apostolat plus par la lumière de votre exemple et l'obtention de la grâce d'en-haut que par vos paroles.

Qu'en attendant, soit le présage de ces fruits abondants et le gage de Notre bienveillance, la Bénédiction Apostolique que Nous vous accordons généreusement à vous, cher Fils, et à tous ceux qui suivent Vincent Pallotti comme fondateur et maître.

RADIOMESSAGE A L'OCCASION DU DEUXIÈME CENTENAIRE DE LA FONDATION DE PORT-AU-PRINCE

(8 décembre 1949) 1

Dans les Antilles, l'île de Haïti a le tiers de son territoire constitué par une république indépendante dont la capitale, Port-au-Prince, fondée en 1749, compte actuellement près de 125.000 habitants. La population de l'île, soit 3.000.000 d'habitants, est en grande majorité catholique.

Le Saint-Père envoya le message suivant à cette population :

Vous avez bien voulu, chers fils et chères filles d'Haïti, faire du deuxième centenaire de la fondation de votre capitale, la fête de votre patrie tout entière, de cette terre que Dieu a magnifiquement couronnée des flots majestueux de l'océan et parée des plus Tiches dons de la nature. En cette occasion solennelle, vous avez désiré que Notre voix vienne apporter le sceau de la bénédiction paternelle sur votre nation. De bien bon coeur, Nous répondons à ce voeu, car Nous y voyons une manifestation sincère de votre fidélité à vos primitives et saintes traditions.

Elles remontent, ces traditions, au jour même du 6 décembre 1492, alors que, débarquant sur les rives de votre île, Christophe Colomb la marquait du signe de la Croix qu il plantait dans votre sol.

De nouveau, lorsque, il y a tout juste deux cents ans, se fondait votre capitale, c'est encore Dieu qui, le premier, en prit possession dans la modeste chapelle provisoire, autour de laquelle, par ordre royal du 26 novembre 1749, allait

1 D'après les A. A. S., XXXXII, 1950, p. 191.

surgir et se développer, comme autour de son centre normal, ce qui devait être un jour Port-au-Prince.

Oui, c'est Dieu qui bâtissait alors la maison, le Dieu qui garde la cité (Ps. CXXVI, 1-2). Oui, la Croix, la foi chrétienne, la profession ouverte de la religion du Christ la reconnaissance de sa souveraineté, la soumission filiale au Chef de l'Eglise catholique : voilà quels furent dans le passé, quels seront toujours dans l'avenir, les fondements solides de votre félicité temporelle et éternelle, l'âme de votre civilisation, les seules sûres garanties de votre prospérité comme peuple et comme nation.

Le Pape rappelle la mission surnaturelle de l'Eglise :

Sans doute, les efforts de l'Eglise visent l'ordre surnaturel pour faire participer, autant que possible, tous les hommes au bienfait de la vraie foi et de la grâce divine, pour leur faire rendre à Dieu, par l'observation des commandements, l'hommage qui lui est dû, pour les faire vivre, croître et mourir dans son amitié, afin d'aller jouir près de lui de la vie et de la béatitude éternelles.

En jouant son rôle surnaturel, l'Eglise apporte une aide précieuse au gouvernement de la cité :

Mais en s'appliquant, sans relâche et sans réserve, de tout son pouvoir et de toutes ses forces, à la poursuite de ce but, l'Eglise apporte une contribution inappréciable, même au bien-être commun, à l'intérêt de la chose publique.

Car en réalité, le vrai secret de la puissance morale de l'Eglise est caché dans les sources de la grâce dont elle dispose, surtout dans sa source principale que sont les sacrements. Par là, elle concourt, indirectement, il est vrai, mais à un haut degré d'efficacité, au bien de la société civile. Comment cela ?

L'Eglise provoque l'éclosion de noyaux familiaux sains et solides :

Tout particulièrement, en formant des familles réellement chrétiennes où la fidélité, la paix pleine d'affection régnent entre les époux où les enfants sont élevés dans la crainte filiale de Dieu, dans le respect envers toute autorité légitime, dans la loyauté, l'honnêteté, la pureté. La chasteté conjugale, les joies de la vie de famille, la vigueur d'une jeunesse moralement saine, telle est l'armature et, pour ainsi dire comme l'épine dorsale de la communauté nationale.

Les vertus chrétiennes sont éminemment favorables au bonheur du peuple et à la prospérité de l'Etat :

En formant l'homme aux vertus chrétiennes, l'Eglise, par le fait même, lui apprend à s'élever au-dessus des petitesses de l'égoïsme et, pour l'amour de Dieu, à rendre à l'Etat ce qui est dû à l'Etat ; elle l'achemine et l'initie aux saintes oeuvres de la charité fraternelle ; elle ouvre son esprit et son coeur au sens de la justice sociale.

Lors de la colonisation des terres nouvelles, l'Eglise a pris la défense des peuples indigènes :

Du jour où, de l'Europe les explorateurs se sont élancés à la découverte du Nouveau-Monde, l'Eglise s'est trouvée au premier rang pour défendre et soutenir les droits de l'homme en faveur des peuples indigènes.

De même l'Eglise professe en faveur des faibles une doctrine sociale capable d'apporter à tous plus de bien-être :

Depuis, elle ne s'est jamais départie de cette attitude et lorsque, aux XIXe et XXe siècles, s'est posée non seulement la question ouvrière, mais la question sociale dans toute son ampleur et son acuité, les Papes avec une infatigable persévérance ont dessiné, dans ses lignes maîtresses, le programme de l'Eglise pour la solution de si graves problèmes, et ce programme social, magnifique en lui-même, loin d être comme tant d'autres le rêve d'une généreuse utopie, a fait ses preuves partout et dans la mesure même où il a été suivi.

Il faut que le peuple d'Haïti connaisse et pratique la doctrine sociale de l'Eglise :

Nous faisons appel à vos prêtres et à vos dirigeants pour révéler à tout le peuple d'Haïti l'éclatante vérité, la richesse et la profondeur de la doctrine catholique avec toutes les conséquences qui en dérivent au bénéfice de la vie sociale de l'humanité. Que cette vérité catholique brille dans toute sa clarté, qu'elle soit accueillie de bon coeur, et il n'y aura plus à craindre pour la foi, ni la contamination de pratiques superstitieuses, ni les tristes désertions de l'apostasie.

Nous faisons appel aux prêtres et aux fidèles d'Haïti pour faire passer dans la pratique le programme social de l'Eglise. C'est le devoir de l'heure et, en le remplissant sans défaillance, vous rendrez le plus grand service à la communauté nationale.

Le Pape souhaite que les Haïtiens demeurent inébranlablement fidèles à la foi catholique :

Au coeur même de votre exposition jubilaire, chers fils et chères filles, s'élève le sanctuaire, par lequel Nous avons voulu donner à cette manifestation internationale de la vitalité économique et culturelle un témoignage de l'amour et des sentiments d'affection paternelle dont, à la suite de Nos Prédécesseurs, Nous sommes profondément pénétré envers votre pays et votre peuple. Nous n'attendons en retour que la joie de vous voir constamment attachés à la foi de vos pères. Gardez religieusement inviolable l'alliance qui, depuis toujours, vous lie au successeur de Pierre et qu'à scellée solennellement le Concordat de 1860.

Soyez fiers de votre foi catholique et fièrement ambitieux aussi de fournir à l'Eglise, du sein de vos familles, de dignes et utiles ministres des autels.

« Que la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, l'amour de Dieu, et la communication de l'Esprit Saint soient avec vous tous » (II Cor. XIII, 13).

Du haut du ciel, la Vierge, Reine et Mère, dont vous célébrez aujourd'hui même la Conception immaculée, est témoin et protectrice de vos bons propos, comme elle en fut témoin et inspiratrice lorsque son humble sanctuaire a été, sous le vocable de la glorieuse Assomption, le premier berceau de Port-au-Prince. Nous l'invoquons instamment pour vous et, en appelant ses faveurs maternelles sur tous les membres de l'Episcopat présens parmi vous, sur Notre cher Fils le Cardinal Archevêque de Havane 1, sur vos propres Pasteurs, sur tous les Evêques vos hôtes de ces jours mémorables, sur Son Excellence Monsieur le Président de la République 1 et sur les autres représentants de l'autorité de l'Etat, sur les prêtres, religieux, religieuses, dont Nous souhaitons voir croître le nombre pour répondre aux grands devoirs de l'heure actuelle, sur vous tous enfin, cher peuple d'Haïti, Nous vous donnons, du plus profond de Notre coeur, Notre Bénédiction apostolique.

e Président de la République de Haïti est depuis 1946 M. Dumarsais


ALLOCUTION AU CONSISTOIRE

(12 décembre 1949) 1

Le Pape ayant convoqué les Cardinaux en Consistoire en vue des préparatifs de l'Année Sainte, Il leur adressa l'allocution suivante :

La raison véritable pour laquelle Nous vous avons convoqués aujourd'hui à cette auguste assemblée est de pourvoir, selon l'usage établi par Nos Prédécesseurs, à ce que requiert l'ouverture de l'Année jubilaire.

Pie XII demande des prières afin que les buts de l'Année Sainte puissent être atteints :

Nous désirons tout d'abord exprimer ici en votre présence les sentiments de Notre impérissable gratitude envers le Seigneur dont la bonté Nous permet de voir resplendir déjà sur l'Eglise l'aube lumineuse de ce grand événement. Mais en même temps Nous élevons vers Lui Nos prières suppliantes pour qu'il veuille bien, dans sa grande bonté, non seulement Nous donner les forces nécessaires pour réaliser de la meilleure manière possible tout ce que l'on attend de Nous, mais qu'il veuille bien encore Nous accorder ces grâces célestes qui sont le soutien et l'encouragement de tous pour conformer leur vie et leurs moeurs aux enseignements de l'Eglise et aux vertus chrétiennes, parce que c'est là le but primordial de l'Année Sainte que Nous avons proclamée.

Au milieu d'un monde bouleversé et déchiqueté l'Eglise donnera le spectacle d'une unité admirable :

Certainement, un grand spectacle s'offrira à Nos yeux. En effet, alors que les nations, les peuples et les classes

sociales après une terrible guerre, qui a provoqué tant de massacres et d'immenses ruines ne sont pas encore arrivés à cette paix tant souhaitée qui puisse empêcher sûrement des guerres futures et donner à l'humanité une paix solide et sincère la sainte Eglise de Dieu, de tous les points de la terre, regarde vers Rome, tourne sa pensée vers Rome, désire se rendre à Rome ; c'est-à-dire à cette Rome qui est maîtresse de vérité catholique, qui est siège de l'unité, qui est l'autel de la piété chrétienne et de la charité fraternelle.

La venue à Rome d'innombrables troupes de pèlerins sera le signe visible de l'attachement des chrétiens au Siège de Pierre :

Sans aucun doute d'innombrables troupes de pèlerins surmontant les difficultés du voyage, viendront même des terres lointaines et d'au-delà des mers ; ils viendront des villes, des bourgades et des villages à cette roche de Pierre qu'aucune force humaine ne pourra jamais renverser, qu'aucune erreur, aucune illusion ne pourra atteindre et que ne pourront marquer ni les envies secrètes ni les haines troubles.

Les pèlerins trouveront à Rome des grâces nouvelles et abondantes :

En purifiant ici les taches de leurs âmes, ils connaîtront dans leurs coeurs une douceur suave et une paix intime ; ici, ils se sentiront animés d'une sainte ardeur pour tendre chaque jour davantage à la vertu et pour exercer l'apostolat ; et finalement ici, reniant et rejetant les fausses opinions, ils répéteront à Jésus-Christ que Nous représentons sur cette terre ces paroles de l'Evangile : « Seigneur, à qui irions-Nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jean VI, 69).

Rome offrira au monde une vision de paix :

Oui, Nous assisterons à un grand spectacle ; et pas seulement Nous, pas seulement les Romains, mais encore tous ceux qui, dans n'importe quel pays sont guidés par un esprit et un jugement droits. C'est-à-dire tout le monde verra que c'est seulement Jésus-Christ et l'Eglise qu il a fondée qui peuvent rendre la paix aux hommes, une paix qui soit solide et sincère. En effet, cette paix, cette concorde durable des âmes ne peut surgir que d'une conscience chretienne, qui se conforme aux enseignements de Dieu et qui soit alimentée pas sa grâce, de telle sorte qu'aucune chose de ce monde ne la puisse troubler et qu'aucune puissance humaine ne puisse l'écarter ni la supprimer.

Que tous ceux qui sont actuellement séparés de Rome reviennent à ce seul centre authentique de oie religieuse :

Veuille le Seigneur, ô vénérables Frères, que ceux-là aussi qui sont entièrement séparés de l'Eglise catholique ou qui, par négligence et préjugés, s'en sont éloignés, éprouvent en cette Année Sainte un élan salutaire vers elle ; qu'ils sentent dans leur âme un désir ardent de cette concorde et de cette unité et de cette vérité intégrale que le divin Rédempteur non seulement nous a apportée par son enseignement mais a également consacrée en répandant son précieux sang. Puisse la prochaine Année Sainte produire aussi ce fruit de salut, comme Nous le souhaitons ardemment, et que tous les fidèles offrent dans ce but leurs prières, leurs expiations, leurs oeuvres de pénitence et de charité ; de manière que tout en essayant de se renouveler dans l'esprit chrétien (cf. Eph. IV, 23), tout en entreprenant avec volonté une vie nouvelle (cf. Rom. VI, 4), ils tâcheront en même temps, chacun selon ses moyens personnels, d'attirer et d'entraîner les autres vers le même but par leur bon exemple et en implorant la grâce divine.

Que le monde soit couvert de bénédictions durant cette année jubilaire :

Que Notre-Seigneur, si miséricordieux, fasse naître, pendant l'Année Sainte pour toute la grande famille humaine, une ère nouvelle, plus juste, plus sainte plus heureuse ; et qu'il nous accorde finalement que « toutes les nations, blessées et dispersées par le péché, se réunissent de nouveau sous son doux commandement » (Bréviaire Romain, fête du Christ-Roi).

Ensuite le Souverain Pontife indique les mesures prises pour Vouverture des Portes Saintes dans les grandes basiliques romaines :

En formulant de tout coeur ces voeux dont Nous confions au Seigneur la réalisation Nous arrivons volontiers à ce qui Nous a fait convoquer ce Consistoire.

Selon une très ancienne tradition de ce Siège apostolique, vous le savez, le début de l'Année Sainte est marqué par l'ouverture des quatre Portes Saintes des Basiliques patriarcales ; rite solennel par lequel on veut signifier que les trésors spirituels de l'Eglise sont ouverts de façon plus large à tous ceux qui, poussés par le désir d'expier leurs fautes, désirent bénificier des privilèges du Grand Jubilé et accomplissent normalement les oeuvres prescrites.

Et c'est ainsi qu'en la prochaine vigile de la Nativité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Nous-même, suivant l'exemple de Nos prédécesseurs, Nous ouvrirons, s'il plaît à Dieu, la Porte Sainte de la basilique vaticane. Et comme la même cérémonie doit être accomplie le même jour et à la même heure par Nos légats, dans les autres basiliques patriarcales, par l'autorité de Dieu Tout-Puissant, des bienheureux apôtres Pierre et Paul et la Nôtre, Nous choisissons et proclamons comme légats Notre Vénérable Frère le cardinal Eugène Tisserant, évêque de Porto et Sainte Rufine, sous-doyen du Sacré-Collège, qui ouvrira en Notre nom la Porte Sainte de la basilique de Saint-Paul sur la voie d'Ostie ; également Notre Vénérable Frère le Cardinal Clément Micara, évêque de Velletri qui ouvrira en Notre nom la Porte Sainte de la basilique du Latran, et enfin Notre très cher fils le Cardinal Alexandre Verde, archi-prêtre de la basilique libérienne qui ouvrira en Notre nom la Porte Sainte de cette basilique. Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.

Nous donnons donc à Nos Légats le pouvoir de bénir en Notre nom ceux qui prendront pieusement part au rite sacré, leur accordant l'indulgence plénière à gagner aux conditions ordinaires.


DÉCRET DE LA S. CONGRÉGATION DES SACREMENTS autorisant la célébration d'une messe à minuit le 31 décembre 1949

(15 décembre 1949) 1

Voulant instamment solliciter la bienveillance du Dieu tout-puissant et miséricordieux sur tout le troupeau catholique confié à ses soins, à l'aube de l'Année Sainte, pour recueillir les fruits abondants tant désirés de la véritable pénitence, de la réforme de vie, de l'accroissement de toutes les vertus chrétiennes, et de sanctification, pour lesquels a été promulgé le grand Jubilé universel, qui sera célébré à Rome durant la très prochaine Année de grâce 1950, Notre Très Saint-Père Pie XII, Pape par un dessein de la divine Providence, en l'audience accordée au cardinal soussigné pro-préfet de la Sacrée Congrégation des Sacrements 2, le 12 du mois courant de la présente année, a bien voulu accorder aux Ordinaires de lieux le pouvoir d'autoriser la célébration d'une messe même solennelle, dans chaque église cathédrale, collégiale, conventuelle de leur diocèse respectif, ainsi que dans les églises principales ou oratoires, même confiés à des religieux, où le peuple a coutume de venir en grand nombre, à l'exception cependant des oratoires privés, à minuit où finit l'an 1949 et commence l'an 1950 Au cours de cette messe ou immédiatement après sa célébration, les fidèles dûment disposés pourront communier, à la condition d'avoir observé le jeûne depuis minuit. Il faudra aussi adresser à Dieu et à la Très Sainte Vierge Marie de ferventes prières, suivant les très pieuses intentions et les voeux de Sa Sainteté, durant deux heures au moins en comprenant dans ce temps la durée de la célébration de la messe. Pour le reste, on devTa observer ce qui doit être observé en vertu des lois de l'Eglise et on prendra soin d'écarter tout danger d'irrévérence et de profanation.

DISCOURS PRONONCÉ LORS DE L'INAUGURATION DU MONUMENT DE PIE XI

(19 décembre 1949) 1

Un monument à la mémoire de Pie XI a été érigé dans la Basilique de Saint-Pierre ; Pie XII prononça en cette circonstance un discours dont voici le texte :

Tandis que tombait le voile du monument, que la piété des Cardinaux, qu'il avait nommés, a élevé dans le plus grand temple de la Chrétienté, en l'honneur du Souverain Pontife Pie XI — monument que le cardinal Nasalli Rocca a éloquem-ment illustré au nom de la Commission cardinalice — un sentiment de joie inexprimable s'est emparé de Notre esprit. Cette masse de marbre évoquera aux yeux des foules qui se presseront, plus nombreuses que jamais sous les voûtes de cette Basilique Patriarcale pendant l'Année Sainte, la mémoire et comme l'effigie vivante de l'auguste Disparu.

Mais un seul monument peut représenter dignement sa pensée : celui de ses enseignements, de ses exemples et de ses oeuvres. Loin de se désagréger sous la morsure du temps, il apparaîtra de génération en génération toujours plus grand et plus puissant.

Notre émotion est vive, Vénérables Frères et chers fils. Et combien est-elle profonde en Nous, qui, appelé par lui à faire partie du Sacré-Collège étions bien éloigné, tandis que Nous le vénérions et l'aimions comme Père et Maître, de supposer que les desseins impénétrables de la divine Providence Nous préparaient à recueillir de ses mains, pour en charger Nos faibles épaules, la gigantesque succession qu'il laissait derrière lui !

Il pourrait sembler qu'ayant été pendant neuf ans l'humble mais assidu et dévoué collaborateur de son ministère apostolique au milieu des événements heureux et orageux de son Pontificat, le témoin de ses importants travaux, le confident de ses hautes pensées, il Nous serait plus facile de mettre en lumière les traits les plus saillants de Notre immortel Prédécesseur. Hélas ! Précisément à cause de cette intimité, l'entreprise Nous effraye d'autant plus que Nous avons eu une connaissance plus proche de son incomparable grandeur.

La grandeur, oui, c'est bien cela. Factus est ... Sacerdos magnus. Il a été fait, grand prêtre (I Mac. XIV, 30).

Il fut toujours grand ; grand par la force et la charité de l'intelligence, grand par le coeur et par la vertu, grand par l'ampleur des conceptions et par l'élévation des intentions, grand par la précision et la vigueur des réalisations pratiques.

La postérité admirera chez Pie XI la grandeur de l'intelligence, l'étendue du savoir, la variété et la souplesse des dons, l'éminente supériorité de l'érudit, du docteur, du pasteur. Cette science, cette culture universelle, vraiment profonde — dont il fut un modèle difficilement imitable — était à ses yeux un devoir pour le prêtre : « parce que les lèvres du prêtre doivent être les gardiennes de la science et que de sa bouche on attend la loi » (Mal. II, 7). Que n'a-t-il fait pour l'encourager ? D'où son zèle inlassable pour la formation intellectuelle du clergé, pour la solidité et la perfection des études, dont il traça le programme fondamental dans la Constitution Apostolique « Deus scientiarum Dominus n (24 mai 1931). Mais l'estime que son esprit ouvert aux plus larges horizons avait pour le savoir ne se limitait pas aux sciences sacrées ; il vénérait en celles-ci la parole de Dieu manifestée au monde ; dans les sciences profanes, il révérait ce rayon de lumière qui de Dieu se reflète sur le front de l'homme créé à son image et à sa ressemblance.

Il se fit promoteur, et le mécène de toutes, et son amour pour la science s'étendait avec sollicitude aux savants, sans distinction de personnes, de nations et de civilisation ; sollicitude qui donna une nouvelle vie à l'Académie Pontificale des Sciences qu'il se complut à honorer de son intervention personnelle et de sa parole.

C est là un exemple de sa grandeur dans la réalisation pratique de ses conceptions géniales. Combien d'autres pourrait-on citer sans sortir du domaine de la vie intellectuelle !

Est-il seulement nécessaire de rappeler ce qu'il fit pour fonder, rétablir, organiser : universités, athénées, facultés, instituts, séminaires ? Pour assurer -— lui ancien bibliothécaire des plus experts —• la conservation des archives et des bibliothèques ? pour faire parvenir jusqu'aux extrémités de la terre la voix du Vicaire du Christ au moyen d'une station de Radio les plus modernes ? pour favoriser le culte des arts avec la nouvelle Pinacothèque Vaticane ?

Chez Pie XI la postérité admirera la grandeur et la délicatesse du coeur, la pureté et l'ardeur de la charité. Certes, on ne pourra jamais dire de lui que la science a stérilisé ou refroidi son exquise sensibilité. Son amour envers Dieu apparaît dans ses paroles, dans ses écrits, dans ses enseignements doctrinaux, comme dans leurs applications pratiques. A tout moment on y voit jaillir l'étincelle ou s'allumer le grand feu de l'amour. Que l'on relise l'ardente Encyclique Miserentissimus Redemptor (S mai 1928) avec son invitation à la réparation et la Bulle Quod Nuper (6 janvier 1933) par laquelle il proclamait l'Année Sainte extraordinaire de la Rédemption, couronnée à Lourdes aux pieds de l'Immaculée. Cette dévotion envers la Vierge et Mère de Dieu transparaît dans la commémoration du Concile oecuménique d'Ephèse ét dans la fête liturgique, étendue à toute l'Eglise de la divine Maternité de Marie ! (Enc. Lux Veritatis, 25 décembre 1931).

Que dire de sa charité envers les hommes ? Il sentait et portait en lui toutes leurs souffrances, toutes leurs misères, toutes leurs angoisses. La crise économique, le chômage, la course aux armements lui inspirèrent l'Encyclique Nova Impemdent (2 octobre 1931) ; quelques mois plus tard, les premières paroles de Caritate Christi Compulsi (3 mai 1932) suffirent pour révéler au monde le fond de ce grand coeur, déchiré ensuite par les guerres civiles du Mexique et d'Espagne « où les frères ont tué les frères ».

Chez Pie XI, les générations admireront la hauteur des vues et des aspirations. Souverain Pontife, il n'eut pas de désir plus ardent que de faire régner dans le monde Dieu et son Christ. 11 a été justement appelé le Pape de l'Action

Catholique. Il le fut.dans le plein sens du mot, demandant la collaboration de tous et sous toutes les formes. Il voulait établir le règne de Dieu et du Christ, le consolider, le propager, dans les individus, dans les familles, dans les nations, dans toute la société humaine.

Pour l'établir dans les âmes par la sanctification personnelle, il encouragea fortement la pratique des Exercices spirituels ; pour l'établir et le faire resplendir dans le prêtre et par le prêtre lui qui, peu d'années auparavant, en avait exalté la grandeur à l'occasion de son Jubilé sacerdotal (Enc. Quinquagesimo Ante Anno, 23 décembre 1929), il publia la magnifique Encyclique Ad Catholici Sacerdotii (20 décembre 1935) insérant en même temps dans la liturgie la belle Messe votive de Jésus-Christ Souverain Prêtre Eternel.

Pour établir ce règne dans la famille, il inculqua puissamment le respect de la sainteté du mariage, Casti Connubii (31 décembre !930), après avoir par l'Encyclique Divini Illius Magistri (31 décembre 1929) lutté pour l'éducation chrétienne de la jeunesse.

Attentif à en défendre ces droits dans les nations, le Pontife très sage, qui, par les accords du Latran, avait rendu la paix religieuse à l'Italie, sut aussi dénoncer et condamner par la publication presque simultanée de trois Encycliques lumineuses les attentats perpétrés contre la souveraineté de Dieu et du Christ ; et tournant son regard au-delà de toutes les frontières, des mers et des océans, tandis qu'avec persévérance et droiture, il s'employait à aplanir pour les dissidents le chemin du retour dans le sein de l'Eglise Mère, il veillait par l'Encyclique Rerum Ecclesiae (28 février 1926), au développement des missions parmi les infidèles et à la parfaite formation d'un clergé indigène.

Père et Pasteur des peuples, il multiplia ses soins en faveur de la paix entre les nations, depuis le début de son Pontificat avec l'Encyclique-programme Ubi Arcano (23 décembre 1922), dans laquelle il invoquait la paix du règne du Christ, jusqu'au jour où parmi les sourdes rumeurs de 1 imminence de la tempête, sa voix affligée et fatiguée conjurait les peuples de se réconcilier fraternellement et faisait a Dieu pour le salut et la Paix du monde l'offrande de sa précieuse vie.

Soucieux de fonder sur le règne du Christ toute la société humaine, il fit tous ses efforts et n'épargna aucune peine pour instaurer un ordre social chrétien, confirmant et complétant les enseignements de ses Prédécesseurs par l'Encyclique Quadragesimo Anno (15 mai 1931), qui ne restera pas moins célèbre dans l'histoire que la Rerum Novarum dont elle commémorait le 40e anniversaire.

Finalement, pour faire régner dans le monde et sur le monde Dieu et son Christ, mettant le couronnement à l'oeuvre de Léon XIII qui l'avait consacré au Sacré-Coeur de Jésus, et à celle de Pie X qui avait dédié sa vie à Téunir toutes choses dans le Christ (Eph. I, 10), il proclama solennellement sa royauté et institua la fête du Christ-Roi, une des plus lumineuses de l'Année liturgique.

Nous n'avons fait qu'esquisser les lignes générales du monument que Pie XI s'est élevé lui-même par sa vie et ses oeuvres. Elles suffisent toutefois à laisser entrevoir des hauteurs vertigineuses. Nous voudrions maintenant achever Notre dessein en soulignant la merveilleuse harmonie d'aussi sublimes grandeurs.

C'est celle que la Sainte Ecriture exalte dans la Sagesse qui « attingit... a fine usque ad finem fortiter et disponit omnia suaviter ». Force et bonté. La force de Pie XI s'impose, indomptable, inflexible, qu'il s'agisse de revendiquer les droits de Dieu et de l'Eglise dans la sainteté du mariage, dans l'éducation de la jeunesse, ou de condamner la violation de ces droits dans le gouvernement des peuples et des nations ou de tracer les limites des droits et des devoirs réciproques dans la vie sociale, nationale et internationale, ou de réprouver les compromis faciles, les timides complaisances, les demi-mesures, les indécisions, les neutralités commodes. A notre oreille résonne encore son inoubliable parole : la grandeur et la difficulté des temps actuels ne permettent à aucun vrai disciple du Christ de se contenter de la médiocrité. Nous avons encore vivant le souvenir d'un soir où Il Nous appela à une heure tardive pour Nous demander Notre modeste avis sur une question difficile qui le laissait dans une grande anxiété. Nous le lui avons exprimé du mieux que Nous avons pu.

Il s'écria alors : « Vous parlez comme doit parler le Secrétaire d'Etat.

Mais Nous... Nous avons là maintenant — il montra la porte de l'index tendu — une grande audience. Et, levant la main droite, il ajouta : Nous savons, Nous, ce que Nous devons dire... ». Il se leva et marcha, parlant comme l'eût fait jadis un Père de l'Eglise. Sa vigueur, son intransigeance, là où la transaction eût été prévarication, faisait trembler les plus effrontés. Et néanmoins, même alors, la sévérité de ces exigences était adoucie par une loyauté indéfectible, sans passion, par une inaltérable bonté. Avec quelle honnête franchise il expose la part qui revient à l'Etat dans l'éducation de la jeunesse. Quelle délicate compréhension et quelle paternelle compassion il manifeste pour les souffrances et les angoisses provenant souvent de la pleine et fidèle observation des devoirs conjugaux ! On pourrait continuer indéfiniment l'examen de ses actes : on arriverait toujours à la même conclusion.

Les circonstances présentes ne requièrent ni moindre force, ni moindre bonté. Tournons donc le regard vers lui, écoutons la voix de ses exemples et, en cette heure particulièrement dédiée à sa mémoire, présentons-lui la promesse solennelle de nos coeurs.

O Pontife sublime, la grandeur et la gravité, les sollicitudes et les souffrances du temps où la divine Providence a voulu situer notre vie et notre travail ne nous effrayent pas. Pour âpre qu'il soit, semé de périls, accablant de tristesse, nous l'aimons cependant ce temps, nous l'embrassons comme la vraie Croix que le Seigneur nous a destinée de toute éternité, et dont la rudesse brutale doit permettre d'expérimenter la vérité de notre amour, la fermeté de notre fidélité, l'absolu de notre foi, la mesure de notre intime participation aux douleurs, aux besoins, à la mission de l'Epouse du Christ. Ta parole et ton exemple nous sont un stimulant et un encouragement à marcher sur les traces laissées par ton énergie et ton intrépide activité tou*e consacrée à promouvoir le retour au Christ de ta génération. Que le Seigneur nous fasse la grâce de suivre docilement comme tu l'as fait, l'invitation du Maître : « Va au large... » (Luc V, 4), avec une force sinon égale du moins semblable à la tienne, et d'obtenir de la toute-puissance divine ce qui dépasse la simple puissance humaine.

S'il plaît au Seigneur, dans peu de jours, Nous procéderons à l'ouverture de cette Porte Sainte que la main de

Pie XI ouvrit deux fois durant son Pontificat. Nous le ferons avec la ferme confiance que Celui qui règne dans les cieux et régit l'avenir des peuples, et surtout les destins de son Eglise, Nous accordera, en ce temps de prière et de pardon, d'éprouver l'admirable efficacité de sa promesse : « Qui fecit accipit, et qui quaerit invenit, et pulsanti aperietur » : quiconque demande reçoit, qui cherche trouve et l'on ouvrira à celui qui frappe (Matth. VII, 8).

Qu'il daigne, lui qui est le Roi et le centre de tous les coeurs, toucher les âmes obstinées, ouvrir les oreilles des hommes à l'infinie douceur et miséricorde de sa parole : Ecce sto ad ostium et pulso : » Voici je me tiens à la porte et je frappe » (Apoc. III, 20) ; afin que par sa grâce victorieuse, beaucoup de ceux qui sont demeurés jusqu'à présent hostiles à Lui et à son Eglise, rejetant les ténèbres de leurs erreurs, viennent à la lumière du Christ, ut vitam habeant et abundantius : « Afin qu'ils aient la vie et qu'ils l'aient dans l'abondance » (Jean X, 10).

Dans cette attente et avec cette prière, en gage des faveurs célestes Nous vous donnons de tout coeur Notre paternelle Bénédiction apostolique, à vous, Vénérables Frères, et très chers fils, à tous ceux qui sont unis en esprit, dans la commémoration de Notre grand Prédécesseur, à tous Nos fils et filles dispersés sur la face de la terre, à ceux surtout qui, dans les prisons et les bagnes, dans les tourments de l'esclavage, dans l'oppression et les humiliations, ont été jugés dignes de souffrir des injures pour le nom de Jésus (Act. V, 41).


Pie XII 1949 - RADIOMESSAGE AUX MALADES