Pie XII 1949 - 204 BULLE JUBILAEUM MAXIMUM


DISCOURS

AUX PARTICIPANTS A LA SEMAINE D'ÉTUDES SUR LES PROBLÈMES BIOLOGIQUES DU CANCER

(6 juin 1949) 1

L'Académie Pontificale des Sciences 2 avait provoqué à Rome, en juin 1949, une semaine d'études sur les problèmes biologiques concernant le cancer.

Le Pape montre toute l'importance de pareilles recherches :

Si la surcharge des devoirs qui pèsent sur Nos épaules, tout particulièrement en ces temps-ci Nous prive, cette fois, à Notre vif regret, éminents Académiciens et Professeurs, de ¦ la satisfaction de vous entretenir à loisir, Nous ne saurions ¦ . ' , pourtant pas résister au désir de vous souhaiter la bienvenue et de vous manifester l'intérêt très cordial que Nous portons

1 D'après le texte français de l'Osservatore Romano du 9 juin 1949.

2 On trouvera les documents suivants concernant l'Académie Pontificale des Sciences :

— Pie XI, Motu Proprio In multis solaciis, 28 octobre 1936 [A. A. S., 38, 1936, p. 421 ; traduction française dans Actes de S. S. Pie XI, t. XIV, p. 146).

— Pie XI, Discours à la séance inaugurale de la troisième année de l'Académie Pontificale des Sciences, 18 décembre 1938 (Osseroafore Romano, 19-20 décembre 1938; traduction française dans S. S. Pie XI, t. XVII, p. 235).

— Pie XII, Discours à l'Académie Pontificale des Sciences, 3 décembre 1939 (Osservatore Romano, 4-5 décembre 1939 ; traduction française dans La Documentation Catholique, t. XLI, col. 195).

— Pie XII, Discours à l'Académie Pontificale des Sciences, 21 février 1943 (A. A. S., 35, 1943, p. 29).

— Pie XII, Discours à l'Académie Pontificale des Sciences, 8 février 1948 (Documents Pontificaux 1948, p. 55).

à vos travaux. Travaux de capitale importance par leur objet et sûrement fructueux, grâce à la compétence hors ligne et aux méthodes de cette Académie.

Ils ont pour objet, cette année, le « problème biologique du cancer », horrible fléau, dont le nom seul épouvante, qui ravage incessamment une fraction notable de l'humanité, fléau redoutable, dont le traitement chirurgical ou radiolo-gique ne fait, dans trop de cas, que retarder l'issue fatale l.

Le Saint-Père montre les ravages opérés par le cancer dans l'organisme humain :

Et, jusqu'au dénouement, quelles souffrances physiques, quelles angoisses morales ! dans les formes internes, mystérieusement caché, le cancer ne signale ordinairement sa '¦< présence que lorsque ses progrès l'ont déjà rendu à peu près incurable : petit à petit, il ronge silencieusement les organes vitaux et, rendant, dans plusieurs cas, difficile ou impossible toute absorption ou toute assimilation de la nourriture pour laquelle il cause souvent d'ailleurs, une horreur insurmontable, il poursuit son oeuvre de destruction jusqu'à l'entière consomption.

Dans d'autres formes, ostensiblement, il dévore au grand jour les chairs de ses victimes, il les défigure, les mutile de façon si affreuse, que ceux qui les approchent, mus par la tendresse de leur affection, ou par l'héroïsme de leur charité, s'ils parviennent à triompher de la répugnance naturelle qu'ils éprouvent, n'arrivent pas toujours à la dissimuler tellement que le malade ne la puisse deviner.

Le cancéreux est soumis de ce fait à des tortures morales :

Dans ce misérable état, l'isolement dont souffrent quel

1 On signale que la mortalité par le cancer ne fait que croître. Ainsi les statistiques montrent qu'en Angleterre il y avait :

— en 1938, 66.584 décès à la suite du cancer,

— en 1947, 77.649 décès à la suite du cancer,

soit 1,8 décès par millions d'habitants (Report oj the Ministra oj Health, 1949, His Majesty's Stationery Office, Londres, p. 65).

En Belgique il y avait, en 1940, 9.948 décès par cancer, et en 1947, 11.224 décès par cancer (Annuaire Statistique de la Belgique, 1943 et 1949).

quefois ces infortunés, ils le recherchent pourtant et s'y confinent volontairement dans leur, pudeur de se laisser voir tels qu'ils sont. Privés, par cet isolement même de toute humaine consolation, leur tristesse va parfois jusqu'à la dernière extrémité du désespoir, jusqu'à la tentation de mettre fin à une vie que, seule la ferme foi dans une autre vie d'éternelle félicité aide à tolérer avec patience. .

Jusqu'à présent, la science est demeurée impuissante à guérir ce mal :

Ce mal apparaît d'autant plus effroyable qu'on a devant lui l'impression de se sentir désarmé, ou peu s'en faut. Quand de temps à autre, on annonce imprudemment là nouvelle d'une découverte sensationnelle apportant enfin la victoire radicale et définitive sur l'impitoyable destructeur, on ne fait, hélas ! que ménager à ceux qui se laissent prendre et qui ne demandent qu'à s'illusionner, une déception plus cruelle et plus profonde que tant d'autres qui l'ont précédée.

Il jaut donc féliciter ceux qui s'attachent à pénétrer les secrets de cette maladie : ¦

Combien plus modeste et donc, combien plus haute et plus sûre est votre ambition, Messieurs ! En réalité, bien des hypothèses ont été tour à tour hasardées, bien des théories timidement échafaudées et discrètement proposées. Elles ne sont pas à déprécier, certes, car même non vérifiées, elles ouvrent la porte à de nouvelles recherches plus heureuses ; elles marquent donc quelque progrès précieux sans doute, mais forcément bien lent. Pour votre part, appliqués depuis de longues années à l'étude consciencieuse du cancer, de ses manifestations et symptômes, de sa nature, de ses causes, ou, du moins, de ses conditions d'origine et de développement, vous prétendez par là, chacun de vous dans sa propre spécialité, mais en permanente liaison entre vous, poursuivre, un pas après l'autre, votre marche en avant vers la lumière sous laquelle, plus facilement, vous chercherez et, plus heureusement, vous finirez par trouver d'abord le remède qui prévient ou qui soulage, avec l'espoir de préparer la conquête du remède qui guérit.

On a déjà à ce sujet réuni de nombreux éléments expérimentaux :

Les observations soigneusement faites, diligemment recueillies et comparées, même sans être concluantes, suggèrent cependant d'utiles réflexions sur la nature et l'action possible des divers agents cancérogènes, physiques, chimiques, organiques, sur le rôle de l'atmosphère, du sol, de la profession, de l'hérédité, dans l'apparition et la croissance du néoplasme dans l'évolution de la cellule normale à la cellule maligne.

Les chercheurs méritent des éloges pour leurs patients labeurs :

Ces observations, ces expériences, ces investigations, vous entendez les poursuivre assidûment dans un labeur patient, dont le grand public souvent ne se rend pas compte. Il ne vous attirera pas, peut-être, auprès de lui, la popularité bruyante, mais vous mériterez, avec le témoignage de votre conscience, la reconnaissance des générations à venir.

Il Nous plaît de louer ici l'intiative de Notre Académie Pontificale sous les auspices de laquelle vous avez inauguré votre « Semaine d'études ». Toujours soucieuse de faire servir le progrès des sciences au plus grand bien de l'humanité, elle vous convie à préciser, suivant ses méthodes réglementaires, « les points sur lesquels un accord serait déjà réalisé, les points sur lesquels un accord n'aurait pas paru réalisable, les raisons pour lequelles l'accord n'aurait pu être réalisé, les suggestions relatives aux recherches paraissant les plus aptes à résoudre les difficultés ». On ne saurait, croyons-Nous, mieux exprimer votre propre esprit et vos propres intentions.

Voilà certes, illustres Maîtres, qui doit vous encourager à aborder avec la confiance de ne pas les entreprendre en vain, vos travaux qui tendent, comme le dit avec une mo-» deste assurance, votre programme, « à ouvrir sur une base scientifique, des perspectives vers une thérapeutique biologique des tumeurs malignes ».

Nous vous souhaitons, dans votre fraternelle collaboration, d'heureux et féconds résultats, appelant de tout Notre coeur sur vos travaux les lumières et les bénédictions de Dieu.

LETTRE DE MGR MONTINI Substitut à la Secrétairerie d'État A L'ASSOCIATION ITALIENNE DES MAITRES CATHOLIQUES

(7 juin 1949) 1

> Le 2 avril 1949, à l'occasion du 50e anniversaire de son ordination sacerdotale, le Pape reçut en audience, dans la cour du Belvédère, 60.000 enfants des écoles élémentaires de Rome. Ceux-ci offrirent au Saint-Père un autel pour les Missions et un album contenant la liste des offrandes pour les nouvelles installations de Radio-Vatican 2,

Pour remercier les généreux donateurs, le Saint-Père fit écrire la lettre suivante adressée à Mademoiselle Maria Badaloni, présidente nationale de VAssociation Italienne des Maîtres Catholiques :

Dans le souvenir toujours vivant de l'imposante manifestation d'affection, par laquelle la population des écoles primaires de Rome ont apporté au Père Commun leurs hommage à l'occasion de Son Jubilé sacerdotal. Sa Sainteté désire faire parvenir Sa parole de cordial contentement au « Mouvement des Instituteurs d'Action Catholique » et à 1'« Association Italienne des Maîtres Catholiques », qui, en cette occasion, a donné un émouvant témoignage d'attachement filial et d'activité lumineuse.

De cet esprit, les maîtres et les élèves ont fourni une preuve en récoltant les offrandes qui ont permis de faire l'hommage au Saint-Père d'un nouvel appareil pour Radio Vatican « grâce auquel le monde pourra écouter la parole

1 D'après le texte italien de l'Osservatore Romano du 9 juin 1949.

2 On trouvera l'Allocution aux élèves des écoles de Rome, 2 avril 1949, p. 129.

216


ASSOCIATION ITALIENNE DES MAITRES CATHOLIQUES

du Père ». Et l'offrande — qui est par elle-même d'une éloquence digne d'éloge — vous l'avez accompagnée de dons reflétant à la fois là délicatesse de vos sentiments et le zèle de votre apostolat.

En remerciant d'un coeur paternellement reconnaissant cette légion compacte de maîtres et de maîtresses, qui exercent la haute mission éducatrice à l'école et qui remplissent le ministère de formation intégrale des esprits et des coeurs des petits, l'Auguste Pontife se plaît à leur rappeler la tâche délicate qui est dévolue à chacun d'eux, car ils sont placés au premier rang de la grande armée active de l'Eglise, sous le regard du divin Maître.

Nobles soutiens du sacerdoce catholique, en une heure d'âpres contrastes comme aujourd'hui, vous ne serez en aucune façon — et votre zèle le prouve — inférieurs à votre devoir vis-à-vis de l'Eglise elle-même et de tous les gens honnêtes.

Animés de ces nobles aspirations dans lesquelles l'auguste Chef, représentant du divin Maître, vous confirme, il ne doute pas que vos engagements concernant vos activités spirituelles demeureront constants et toujours à la hauteur des nécessités actuelles, il prie afin que la lumière de Dieu et les forces adéquates, afin que le succès soient toujours plus grands et plus constants.

Avec de tels sentiments, Sa Sainteté renouvelle à tous — tant les enseignants que les disciples de toute l'Italie — l'expression de sa gratitude. Et Elle forme des voeux pour la plus large moisson de fruits en un domaine aussi important ; Elle vous envoie de tout coeur, Mademoiselle, et à tous les membres du Mouvement des Maîtres d'Action Catholique et de l'Association Italienne des Maîtres Catholiques, à tout le monde scolaire confié à leurs soins, le réconfort de la Bénédiction Apostolique.

. HOMÉLIE LORS DE LA CANONISATION DE SAINTE MARIE JOSÉPHINE ROSELLO (12 juin 1949) 1

Lors des cérémonies de la canonisation de sainte Marie Joséphine Rosello, après avoir déclaré sainte cette religieuse italienne 2, le Saint-Père prononça l'homélie suivante :

Le Pape exalte la grandeur de la virginité chrétienne qui rapproche les coeurs de Dieu et qui s'épanouit en oeuvres d'amour :

Saint Cyprien dit au sujet des vierges : C'est par elles que prospère et s'épanouit en larges floraisons la glorieuse fécondité de leur Mère l'Eglise ; plus la multitude des vierges s'accroît en nombre plus s'accroît ' ' aussi le contentement de leur Mère (De Habitu Virginum, 3 ; M. L. IV, 443a). Ces paroles, on peut tout à fait, à bon droit, les appliquer à Marie-Joséphine Rosello, qu'il Nous a été donné d'omer de l'auréole de la sainteté. Car, non seulement elle consacra et voua tout heureuse, au pied de . l'autel divin, la fleur de sa jeunesse au céleste Epoux, mais encore, sa société de religieuses une fois fondée, elle décida tant par elle-même que par ses compagnes, grâce à la prière, à la méditation et au travail, une foule presque

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXI, 1949, p. 306; traduction française dans La Documentation Catholique, t. XLVI, c. 1157.

2 Sainte Marie Joséphine Rossello est née le 27 mai 1811, à Albisola, située à deux kilomètres de Savona. Après avoir vécu sous le toit paternel jusqu'en 1837, elle fonde à cette date l'Institut de Notre-Dame de la Miséricorde qui prit rapidement de l'extension en Italie et en Argentine. La Sainte mourut le 7 décembre 1880, à Savone, où se trouve la Maison-Mère de l'Institut. Elle fut béatifiée le 6 novembre 1938. L'Institut compte aujourd'hui 246 maisons (cf. Santa Maria Giuseppa Rossello, Ed. Casa Generalizia Figlie di N. S. Delta Misericordia, Via Mesta Grappa, Savona).

innombrable à suivre les préceptes de Jésus-Christ, foule composée soit de jeunes filles qu'elle forma, comme il convenait, à une solide vertu, soit de personnes de tout sexe, dont les maux physiques étaient l'objet de tels soins et dont les infirmités spirituelles parfois les plus graves étaient en même temps si délicatement soulagées qu'un grand nombre d'entre elles furent peu à peu attirées à la pureté des moeurs.

La nouvelle sainte parvint à allier très heureusement la prière el le travail :

Ce fut, Vénérables Frères et chers fils, la devise de cette sainte du ciel et pour ainsi dire, sa spéciale et remarquable règle de conduite, à savoir : à la fois, travail manuel incessant et élévation constante de l'esprit et de l'âme vers : ¦ Dieu.

Grâce à son attachement permanent au Christ dans la prière, elle put réaliser des oeuvres gigantesques :

Maxime qui fait aisément comprendre comment cette v humble femme, dénuée de toute ressource et de toute puissance humaine, a pu réaliser des oeuvres si remarquables, qui ont tant contribué à la gloire de Dieu et au salut des hommes. Sans épargner aucune fatigue, elle ne comptait nullement sur ses propres forces, mais mettait uniquement sa confiance en Dieu qu'elle avait coutume de supplier par d'instantes prières, faisant appel à l'intercession toute puissante de la Vierge Marie et de son très chaste Epoux. Elle n'entreprenait rien sans avoir, au préalable, consulté et prié Dieu. A lui, elle s'en remettait dans ses soucis et ses angoisses, ne demandant qu'une chose : celle de pouvoir, avec la grâce céleste, force et lumière, collaborer toujours assidûment à la prospérité de l'Eglise et au bien des âmes.

Que d'heures elle passa, ravie dans la prière, devant l'autel du Très Saint Sacrement ; que de douces larmes elle versa devant l'image de la Vierge, Mère de Dieu, confiant à sa protection très puissante sa personne et toutes ses entreprises. Devenue ainsi plus courageuse contre toutes les difficultés qui se présentaient, et jouissant d'une sublime tranquillité, elle reprenait avec constance sa tâche quotidienne dont les fruits étaient aussi abondants que salutaires.

Dans sa vie, sainte Marie Joséphine Rosello resta toujours très humble :

Bien que Mère fondatrice, elle était si humble qu'elle désirait passer auprès de toutes pour la dernière, et toute la gloire qui rejaillissait de son incessante activité, tout le bien qui en résultait, elle l'attribuait, non à elle-même, mais à la libéralité de Dieu envers elle. Apprenez par là, Vénérables Frères, et chers Fils, que nul n'est réellement grand aux yeux de Dieu s'il ne s'estime pas lui-même petit et inutile. Dieu éternel, en effet, n'a que faire de notre concours, mais c'est plutôt nous qui, avons besoin à toute heure et à tout moment de sa grâce et de son assistance ; car nous ne sommes pas capables de « concevoir quelque chose comme venant de nous-mêmes ; mais notre aptitude vient de Dieu » (II. Cor. III, 5). Joséphine Rosello le comprit, surtout dès qu'il fallut s'adonner à l'oeuvre si importante de l'éducation et de la bonne formation de la jeunesse, et lorsque, avec son coeur brûlant de charité, elle s'occupa de soulager les malades dans les hôpitaux, et c'est ainsi que, grâce à son inlassable labeur, labeur soutenu et enrichi, par les dons célestes, elle fut à même d'atteindre une telle perfection dans la vie.

Les Filles de Notre-Dame de la Miséricorde, en particulier, s'efforcent d'imiter les vertus de leur Jondatrice :

Les religieuses, qui font partie de l'Institut fondé par Sainte Joséphine Rosello, verront donc tout d'abord en elle un magnifique exemple de sainteté à imiter. Qu'elles apprennent surtout à son école qu'il leur faut, tout en s'adonnant et en se consacrant aux multiples soins et travaux de chaque jour, tourner leur esprit et leur coeur vers le ciel, comme vers l'unique récompense de leur vie et l'unique but de leur pèlerinage ici-bas.

Tous les chrétiens trouveront des exemples à suivre en contemplant la vie de la nouvelle Sainte :

D'autre part, tous les chrétiens qui contempleront et méditeront les actes accomplis par elle, trouveront matière à admirer des vertus eminentes et variées, qu'ils auront à coeur d'acquérir résolument, chacun suivant sa condition particulière.

Nous prions avec ferveur la nouvelle Sainte d'obtenir de Dieu toutes ces grâces, afin que sous sa protection, et sous son puissant patronage de très nombreuses âmes puissent être ramenées heureusement de l'erreur à la vérité, du sentier de l'aberration et du mensonge dans le droit chemin, de la tiédeur et de la négligence à un esprit nouveau et à la pratique fervente de la vertu.

DISCOURS A L'OCCASION DE LA CANONISATION DE SAINTE MARIE JOSÉPHINE ROSELLO (14 juin 1949) 1

Pie XII ayant solennellement canonisé sainte Marie-Joséphine Rosello, le 12 juin 1949, en la Basilique de Saint-Pierre reçut le surlendemain en audience la foule des pèlerins venue à Rome en cette occasion.

Il dessina les grands traits caractéristiques qui marquent la sainteté de la nouvelle élue.

El d'abord sa miséricorde :

Il serait difficile, chères filles, de tracer le portrait moral ; de votre sainte Mère, de mettre en pleine lumière son

aspect caractéristique, sans courir le risque de laisser dans ' l'ombre les autres traits de sa physionomie.

II n'est pas douteux que la première qualité qui se présente à l'esprit, lorsqu'on parle d'elle, soit celle que la Sainte choisit elle-même parmi les attributs de la Très Sainte Vierge, Mère de Dieu, en prenant et en donnant le beau nom des Filles de Notre-Dame de la Miséricorde. Rien de plus juste, car la miséricorde inspira et commanda toute son activité. Mais si l'on n'en considérait que les manifestations extérieures, oh s'exposerait au danger, devant leur variété et leur splendeur, de ne pas pénétrer jusqu'au foyer intime d'où elles rayonnaient.

Cette miséricorde n'était que la manifestation de son grand amour :

Ce foyer c'est la charité: charité, vertu théologale,

1 D'après le texte italien des A. A. S., XXXXI, 1949, p. 360; traduction française dans La Documentation Catholique, t. XLVI, c. 1158.

2 Cf. Homélie lors de cette canonisation, p. 217.

amour unique dans son double terme, Dieu et le prochain ; charité qui embrasse tout dans son ampleur sans limites ; charité généreuse qui lui fait employer tous les moyens dont la Providence l'avait libéralement dotée: Rien, en vérité, ne lui manquait : ni les dons de la nature, ni ceux de la grâce, les uns et les autres éclairés par l'expérience personnelle et par la souffrance, fécondés par la prière et par l'union constante avec Dieu, avec les saints, avec la Reine des Saints, la Mère de Miséricorde.

Aimer Dieu dans son admirable majesté et dans sa paternelle bonté, aimer son reflet jusque dans la misère de ses créatures : voilà ce qui donne à la charité l'empreinte particulière de la miséricorde. Voir Dieu méconnu et injurié par les créatures mêmes dont il est l'Auteur, le Créateur et le Père ; voir dans ces créatures l'image de Dieu souillée, profanée, défigurée par le vice et par le péché ; voir les enfants de Dieu souffrants, abandonnés, contaminés par le mal ; voir l'Eglise corps mystique du Christ, ignorée, méprisée, haïe, tout cela déchirait le coeur de Marie-Joséphine Rosello et la poussait irrésistiblement à y porter à tout prix remède. Le sentiment de la miséricorde ne serait en effet, ' que vaine tromperie et stérile illusion s'il ne se traduisait et ne se transformait pas en actes c'est-à-dire en don de soi, aussi bien par la prière et la pénitence que par le travail et les oeuvres. Or, dans votre Mère nous trouvons, à un degré eminent, cette intime union de la contemplation et de l'action. Comment une femme a-t-elle pu réaliser si parfaitement en elle-même l'idéal de Marthe et de Marie, sans que jamais l'une fit tort à l'autre ? Bien mieux ; en se vivifiant et en se fortifiant l'une l'autre ? Elle dut, pour cela, être admirablement dotée d'éminentes qualités et se montrer héroïquement sainte !

La nouvelle Sainte est d'une activité débordante, mais elle demeure perdue en Dieu :

Ce qui apparaît en elle, avant tout, c'est son activité extérieure. Elle attire le regard de l'incrédule et de l'indifférent non moins que celui du chrétien, mais cette activité permet de découvrir ou de deviner le foyer caché dans le secret de son coeur. Les oeuvres de notre Sainte, croissant en nombre et en variété, prenaient une prodigieuse extension ; sa famille religieuse, sans préjudice pour sa stabilité, augmentera avec une extraordinaire rapidité. On est comme stupéfait à la vue des travaux et des institutions apparemment si diverses, et néanmoins si harmonisées dans la magnifique unité de la charité totale.

Y a-t-il, en effet, des oeuvres plus variées que les asiles pour l'enfance abandonnée, l'éducation des jeunes filles de toutes les classes sociales, la maison de clercs, les hôpitaux, les refuges pour repenties et jeunes filles en danger, l'entretien du mobilier sacré et de la lingerie pour églises, les fondations d'Amérique, l'oeuvre du rachat des petites esclaves noires ?

A cela s'ajoute la préoccupation incessante qu'elle apporte à la formation de ses religieuses, comme aussi et encore plus à l'établissement et à l'organisation matérielle, économique, administrative, morale des maisons qui se multiplient et s'agrandissent en un temps merveilleusement court. Elle se transporte continuellement d'un endroit à l'autre, tout en donnant l'impression qu'elle est partout en même temps. Elle pourvoit à tout et dirige avec la même compétence et la même autorité aussi bien les travaux des architectes et des maçons que ceux des infirmières et des maîtresses.

Empêchée par la maladie de se rendre en Argentine, où son Institut s'implante et se répand heureusement, elle entretient une correspondance constante avec ses filles lointaines, suivant attentivement leurs progrès dans la perfection religieuse et dans l'esprit propre de leur vocation, et donnant à la fois d'utiles avis pour le gouvernement des maisons et la gestion des affaires temporelles.

Elle sait s'adapter à toutes les circonstances, à toutes les conditions, à toutes les exigences, sans se laisser troubler par aucune circonstance, qu'il s'agisse pour ses maîtresses de subir l'examen requis pour obtenir la diplôme d'Etat, ou qu'elles doivent se soumettre à l'obligation d'enseigner la gymnastique. Elle prend les mesures les plus sages et les plus pratiques pour les rendre aptes à l'accomplissement de tous les programmes, sans dommage pour leur vie spirituelle ni pour leur profession religieuse.

Ne pensez pas qu'elle effectue cet immense labeur, nous ne dirons pas superficiellement, mais comme d'en haut et d'une façon générale, en traçant les lignes fondamentales, en indiquant les grands principes et en laissant ensuite à d'autres le soin de déterminer les détails et de résoudre les difficultés de l'exécution. Bien au contraire ; dans la fondation et l'organisation de nouvelles maisons, et oeuvres — chaque année en voyait surgir plusieurs — elle accompagne ou même précède ses filles et travaille avec elles, jusqu'à ce que tout fonctionne normalement. Beaucoup d'autres, en agissant ainsi, auraient risqué d'être ou de paraître gênantes, d'entraver l'activité d'autrui. Elle non ; à l'instar de l'âme qui ne gêne pas le corps, ni n'empêche ses mouvements, elle guide, mais en guidant, elle forme. Elle possède à un degré tout particulier le don de discerner et de préparer les futures supérieures ; d'une jeune soeur jugée par d'autres inapte, elle fait en peu de temps, une supérieure d'une grande valeur.

Cette religieuse était humainement et chrétiennement très équi-rêe :

Tout cela, c'est ce qui se voit au dehors, mais il est clair que, pour le réaliser, il faut, même dans l'ordre purement naturel, une dose non commune de qualités et de dons admirablement équilibrés. Votre fondatrice les possédait. Les facultés sont en elles excellemment et harmonieusement développées : l'intelligence, la volonté, la sensibilité, dans toute leur activité, disposent et combinent leur coopération dans les plus justes et les plus heureuses proportions. Il en résulte que dans la pratique quotidienne, ces vertus, qu'on désigne sous le nom des quatre vertus cardinales de prudence, justice, tempérance et force, se manifestent de la manière la plus diverse sans que l'une n'atténue ou ne voilé l'autre. Si bien que, dans leur action et dans leur concours, les facultés et les vertus intensément cultivées par elle, se trouvent toujours unies si parfaitement que l'on ne pourrait déterminer le rôle de chacune séparément des autres.

Tout d'abord, elle découvre un besoin et conçoit l'oeuvre pour y subvenir ; elle estime la valeur d'une proposition et sa portée ; elle examine les moyens pour résoudre les problèmes et les difficultés qui se présentent ; elle discerne les personnes, quels que soient leur rang et leur condition, auxquelles il convient de s'adresser, et la participation qui revient à chacune d'elles. Elle ne s'arrête pas à de telles considérations ni à de magnifiques projets ; elle n'est pas moins réaliste qu'idéaliste. A peine a-t-elle pris sa détermination, qu'elle se met résolument à l'ouvrage, entraînant ainsi les autres par son exemple. Qu'elle donne des ordres à ses filles, qu'elle prie ou informe ses supérieurs ecclésiastiques, qu'elle sollicite les bienfaiteurs, qu'elle pose ses conditions ou fasse valoir ses droits auprès des autorités civiles, toujours elle se comporte avec une force et une douceur, avec un tact et une délicatesse qui triomphent de toutes les résistances et de toutes les hésitations, qui obtiennent toutes les aides, qui surmontent ou contournent tous les obstacles. Elle ne se laisse jamais abattre ou décourager par les difficultés, ni troubler par l'échec d'un premier refus. Quant à elle, jamais elle ne refuse quelque chose à quelqu'un, et s'il lui arrive, chose très rare, de se voir forcée de ne pas accueillir quelque demande, bien vite elle se reprend, en donnant plus qu'on ne lui avait demandé.

Mais c'est surtout sa vie surnaturelle qui explique son ardeur :

Malgré son activité extérieure, elle était toujours en prière ; il serait même plus exact de dire que précisément son activité extérieure jaillissait de cette prière, comme d'une source très pure. En tout elle procédait avec prudence et force, mais elle ne comptait pas principalement sur ces deux qualités ; bien plus, en exagérant quelque peu, — quitte à établir pleinement leur sens dans la pratique — elle disait : « La prudence humaine ne sert pas, laissez-la aux hommes ! ». En réalité, bien qu'elle en fît grand cas et un usage habituel pour son propre compte, elle ne mettait pas sa confiance dans les moyens purement humains et elle ne s'en servait que comme des instruments divins.

Elle consultait des personnes sensées et compétentes, priait et faisait prier, puis, elle allait de l'avant. Dans les résolutions à prendre, comme dans les difficultés que soulevait leur exécution, elle avait recours à la Sainte Vierge, Mère de la Miséricorde, à Saint Joseph, dont elle avait fait, depuis son adolescence, son protecteur, son guide, et sori appui en toute circonstance. Forte du soutien de si grands amis, elle avançait sans faiblesse, sans hésitation sans crainte, et jamais sa confiance ne fut déçue, sinon lorsque c'était nécessaire pour éprouver sa fermeté et sa constance. Même alors, elle se montrait à la hauteur des graves épreuves, qui ne lui manquèrent pas tout le long de son pèlerinage terrestre.

De nombreuses épreuves viennent mettre à sa vie le sceau de l'authentique sainteté :

Quoique la pauvreté ne lui eût fait ressentir que l'austérité de la vie et que le service chez les autres eût été pour elle un poids assez léger, le fait de voir rester fermées, faute de la plus petite dot, les portes de l'Institut religieux auxquelles elle avait frappé pour suivre sa vocation intime, fut l'épreuve que lui donna à souffrir l'apparente contradiction de Dieu, lequel, tout à la fois, l'appelait et l'éloignait. Mais non, Dieu ne l'éloignait pas. Il continuait de l'attirer et de la conduire à son but, mais par d'autres voies. L'affection de la dame qui s'attacha si fortement à elle, comme à une fille, essaye de la retenir par la bonté, par les promesses, par les reproches ; elle s'y soustrait mais en s'y soustrayant elle attire sur son coeur l'accusation d'ingratitude.

Quelles souffrances, quelles peines, quelles difficultés l'oppressent de tous côtés lors de la fondation de sa Congrégation religieuse et de la douloureuse naissance de presque toutes ses oeuvres et maisons ! A peine a-t-elle le temps de se réjouir et de remercier son cher saint Joseph, pour les heureux débuts et la bonne marche initiale, que de nouveaux dangers, de nouvelles oppositions menacent l'existence de l'entreprise ; ses intentions les plus saintes au service de l'Eglise et des âmes suscitent des soupçons. Dans la communauté de Savone, la maladie frappe un jour ses très chères filles, et comme si la croix n'était déjà pas assez lourde pour leur mère, la malveillance des adversaires ou l'aveuglement des amis et des bienfaiteurs en font retomber la responsabilité sur ses épaules.

Son âme est à l'agonie, son coeur est déchiré, ses souffrances physiques augmentent, les pénibles crises cardiaques se font plus graves et plus fréquentes. Seul, son esprit reste vif et intact. Cette femme qui « ne pouvait jamais rester en place », incapable maintenant de bouger, continue toujours cependant, dans la prière et dans la douleur, d'agir, de travailler, de gouverner. L'amour, qui surpasse ses forces,

soutient son courage ; elle résiste jusqu'au bout et succombe, victorieuse, sur la brèche.

Dans sa péroraison, le Pape invite tous les chrétiens à imiter Vertus de la nouvelle Sainte :

Quelle Mère est la vôtre ! Quelle Sainte ! Devant elle, que pourrions-nous dire encore ? Que pourrions-nous vous recommander pour conclure, sinon : regardez-la, priez-la, imitez-la ! Fidèles à ses exemples, et à ses enseignements, vous attirerez, chères filles, sur vous, sur vos oeuvres, si nombreuses et si variées, sur toutes les âmes confiées à vos soins, les plus abondantes grâces du ciel, en gage desquelles Nous vous donnons avec toute l'effusion de Notre coeur, la Bénédiction Apostolique.


RADIOMESSAGE AU CONGRÈS EUCHARISTIQUE DE L'EQUATEUR

(19 juin 1949) 1

Le Saint-Père a adressé le radiomessage suivant au IIe Congrès eucharistique national de F Equateur qui se tenait à Quito, sous la présidence de Son Exc. Mgr Forni, archevêque titulaire de Darni, Nonce apostolique à F Equateur et Légat pontifical :

Béni et loué soit à jamais le Très Saint Sacrement de l'autel. Gloire, honneur, réparation au Sacré Coeur de Jésus.

Reconnaissance immense aussi, Vénérables Frères et chers fils congressistes équatoriens, au Dieu Tout-puissant qui, après tant d'attentes et des renvois, vous a fait finalement le don de ce Second Congrès Eucharistique National aussi désiré que plein d'espoirs : « Laudem dicam tibi et benedicam nomini Domini. — Je vous chanterai des louanges et je bénirai le nom du Seigneur » (Eccli. LI, 17).

Il pesait sur vous une double dette sacrée : commémorer le premier centenaire de cet historique archidiocèse de Quito 2, et rappeler le soixante-quinzième anniversaire d'une date qui a rendu votre nation fameuse dans le monde entier : ce 25 mars 1874, quand, par la voix puissante d'un de ses plus illustres enfants 3, elle fut consacrée — la première dans le Nouveau Continent et l'une des premières dans tout l'univers — au Coeur adorable de notre Rédempteur.

La dette est payée, comme le prouvent votre nombre imposant, votre ardente ferveur et votre enthousiasme sans

1 D'après le texte espagnol des A. A. S., XXXXI, 1949, p. 329.

2 Le diocèse de Quito a été fondé en 1545 et élevé au rang d'archidiocèse le 13 janvier 1848.

3 Gabriel Garcia Moreno fut Président de l'Equateur de 1881 à 1865 et de 1869 à 1875, date à laquelle il fut assassiné. Il fut un catholique ardent.

bornes. Et certes, il était juste de rendre grâces pour cette consécration, à laquelle on doit, sans doute, la conservation de votre foi parmi tant d'obstacles et d'attaques. Il était opportun de dédier un souvenir à ce fidèle fils de l'Eglise, illustre gouvernant, chevalier sans tâche et chrétien intègre, qui descendait au cratère d'un volcan avec la même hardiesse avec laquelle il luttait titaniquement pour la création de cette République idéale chrétienne, ardemment désirée par lui, sans même reculer devant le sacrifice sanglant de lui-même, généreusement prévu. Il était raisonnable aussi votre désir d'avoir aujourd'hui, au milieu de votre Assemblée, Notre Légat, et de Nous avoir en quelque façon Nous-même, par le moyen de ces paroles que nous confions à la fidélité et à l'agilité des ondes éthérées.

Nous voici donc, bien-aimés congressistes, comme un père parmi ses enfants ; Nous voici pour admirer une fois de plus votre foi, pour vous exhorter de nouveau à la charité, et pour offrir à Dieu, caché sous les blanches espèces, votre acte de réparation.

Effectivement, tout Congrès Eucharistique est un acte de foi en le « mysterium fidei », mais d'une foi que Nous pourrions appeler collective et sociale, d'une foi qui déborde des coeurs remplissant les rues et les places, réjouissant le ciel, édifiant les hommes. En votre beau et catholique pays, depuis la sombre année 1875 les manifestations religieuses publiques se replièrent peu à peu dans la pénombre des églises, comme si la société civile eut voulu oublier ce qu'elle devait en tout ordre de choses à la Religion Catholique et à ses ministres. Ce Congrès tant désiré, voudra-t-il signifier que la nuit est sur le point de passer pour faire place à l'aurore d'abord, et ensuite au plein jour ?

Tout Congrès Eucharistique est aussi une exaltation de la charité, mais de cette charité, de cet amour mutuel qui est capable d'unir, auprès du saint Ostensoir, les coeurs de tous, les pétrissant et les fondant comme les morceaux de cire baignés par les rayons du soleil. Union bénie et fusion bénie, base indispensable de tout bonheur. Plût à Dieu que vous n'ayez aucune expérience, chers fils, des tragiques conséquences que les mutuelles discordes et les luttes fraternelles apportent aux peuples. Veuille le ciel vous faire répéter maintenant, en toute vérité, ce que dit d'une manière si expressive l'un des princes de votre belle langue :

Mon Dieu, heureux celui qui vous aime, Vous ; — qui aime son ennemi, pour l'amour de Vous » (Lope de Vega. Poésies religieuses. Sonnet : « Mon Dieu, qui pourra vivre sans amour ? »).

Finalement, tout Congrès Eucharistique est en lui-même un acte solennel de réparation, où les honneurs rendus publiquement et solennellement au Dieu fait Homme ont aussi pour but d'effacer et de compenser les outrages qu'on a pu lui faire auparavant. Ce n'est pas Notre intention de faire ici de l'histoire, parce que, après tout, devant la Majesté infinie de Dieu « nullus... per se innocens est », personne n'est innocent par soi-même (Ex. XXXIV, 7). Mais cela n'empêche pas fils bien-aimés, qu'en ce moment solennel de votre histoire, Nous vous exhortions à lever vos coeurs nets et purs en la présence de Dieu, les offrant sur la pierre de cet autel pour les injures et les mépris qu'on lui a faits et que, par malheur, on lui fait encore.

Celui-ci doit être, si Nous ne faisons pas erreur, le sens généreux et cordial de votre auguste Assemblée.

Mais il y a aussi une autre coïncidence, et, parce qu'elle Nous donne beaucoup de satisfaction, Nous ne voudrions pas la passer sous silence. Nous voulons parler de l'heureuse union qui fête, en un seul hommage, le Très Saint Sacrement de l'Autel et le Sacré Coeur de Jésus.

Certes, ces deux dévotions salutaires ne peuvent se confondre ni par leur objet, ni par leur raison d'être, ni par leur fin, ni par leur origine. Mais, par contre, que d'heureuses coïncidences.

L'une et l'autre ont en vue le même Seigneur, infiniment aimant : l'une honorant son amour sous le symbole matériel du Coeur ; l'autre ce Corps et ce Sang où cet amour se livre entièrement à nous. Toutes deux jouissent du même privilège de faire vibrer les fibres les plus sensibles de l'âme humaine, d'exalter les mêmes sentiments, parce qu'elles ont leur source dans une même et identique charité.

Aimez le Sacré Coeur de Jésus et vous vous sentirez nécessairement porté à le chercher là où II est, c'est-à-dire, dans l'Eucharistie. Prosternez-vous devant le Dieu des Tabernacles et vous vous sentirez forcément blessés de ces dards qui vous attireront au Coeur Divin, pour lui rendre amour pour amour.

A-t-il jamais existé un amoureux de ce Coeur Sacré, qui ne ie fut aussi de l'Eucharistie ? Ou, pour mieux dire, ce fut précisément près du Saint Sacrement de l'Autel qiue s'enflammèrent les élans et se rassasièrent les désirs de tous les Apôtres du Divin Coeur. Deux ardents désirs dévoraient le grand Apôtre de cette dévotion, Sainte Marguerite-Marie, comme l'affirment ceux qui connurent les secrets de son âme : la Sainte Communion et le désir de la souffrance, du mépris et de 1 anéantissement.

Vous vous êtes réunis aujourd'hui à Quito, ville eucharistique et théâtre de votre inoubliable Consécration ; à Quito, « la très noble, la très loyale », embaumée encore du parfum de ce doux « Lys », justement fiers de votre belle capitale qui, étendue au pied de l'irascible Pichincha 1 et se mirant dans les eaux cristallines du Machangara, semble dominer en souveraine les deux courants qui, dans le lointain, vont mourir dans les plages éloignées de l'Atlantique et du Pacifique.

Une blanche Hostie se dresse en ce moment au milieu de votre nation, dessinée sur l'azur de son ciel transparent ; il Nous semble voir en elle cette douce image du Rédempteur qui vous est si familière, en laquelle se détache un Coeur ardent dont les rayons illuminent le monde, doucement soutenu par sa main gauche, pendant que la droite serre paternellement un sceptre d'or, et surtout ce divin visage, où il semble qu'il n'y a plus que deux yeux élevés vers les hauteurs dans une suave et fervente prière.

A genoux, Congressistes équatoriens. A genoux devant cette image, pour lui dire avec ferveur : Coeur Eucharistique de Jésus, nous voulons vous offrir comme fruit de notre Congrès une plus grande sainteté privée, une vie chrétienne plus fervente dans le sein de nos familles, plus de sens religieux dans la vie publique, plus de justice sociale, et la plus grande charité, la plus grande union possible dans notre peuple même. Donnez-nous en échange votre amour, gage assuré du bonheur et de la paix.

Et pour qu'il en soit réellement ainsi, Nous vous félicitons pour le succès de votre Assemblée et Nous bénissons avec la plus grande affection tous et chacun de ceux qui sont présents : Notre Légat, Nos Frères dans l'Episcopat avec leur clergé, les autorités et le peuple, le tant aimé Equateur et toutes les nations qui y sont représentées (


Pie XII 1949 - 204 BULLE JUBILAEUM MAXIMUM