Pie XII 1949 - LETTRE


DÉCRET DE LA S. CONGRÉGATION DES RITES

AU SUJET

DE LA LAMPE DU TRÈS SAINT-SACREMENT

(18 août 1949) 1

Par un décret du 13 mars 1942 2 cette S. Congrégation d'après les instances de plusieurs Evêques rendit vigueur à un induit de 1916 — aloTS que l'Europe était frappée par la guerre — qui, d'après le jugement prudent des Evêques, autorisait ceux-ci, étant données les conditions particulières créées par la nouvelle guerre : « là où l'huile d'olives ou la cire d'abeilles font défaut, ou ne peuvent être acquis que très difficilement ou sont trop coûteux » ; on peut utiliser pour la lampe du Très Saint Sacrement d'autres huiles —¦ en usant autant que possible des huiles végétales, et même en dernier ressort, on peut utiliser la lumière électrique. La S. Congrégation permit aussi, là où la cire faisait défaut, de réduire le nombre des cierges tel qu'il est prescrit rituellement pour les différentes fonctions, et pour parfaire le nombre des cierges, on pouvait utiliser d'autres sources de lumière, même l'électricité.

Or, maintenant ni la cire, ni l'huile ne font plus défaut, mais étant donné que ces produits sont encore très coûteux, la S. Congrégation a décidé de transformer l'induit comme suit : — tandis que l'induit accordé concernant la lampe du Très Saint-Sacrement reste en vigueur — cependant on devra utiliser pour la célébration de la Messe privée, deux cierges de cire ; quatre au moins pour la Messe solennelle ou chantée, de même quatre pour l'exposition solennelle du Très Saint-Sacrement et on suppléera le nombre exigé par d'autres luminaires.

De plus les Evêques sont invités de restaurer aussitôt que possible la vénérable tradition séculaire.

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXI, 1949, p. 478. ' Décret du 13 mars 1942, A. A. S., 34, 1942, p. 112.

LETTRE DE MGR MONTINI Substitut à la Secrétairerie d'État AU R. P. JOSEPH ARCHAMBAULT, S. J. Président des Semaines Sociales du Canada (30 août 1949) 1

Du 29 septembre au 2 octobre 1949 se tenait à Joliette une Semaine Sociale ayant pour thème ; « Le travail ». A cette occasion, au nom du Saint-Père, Mgr Montini écrivait la lettre suivante :

S'il est un sujet qui conditionne, on peut le dire, toute la question sociale — et le Saint-Père vous félicite d'y avoir spécialement porté votre attention —, c'est bien celui que vos prochaines assises de Joliette vont étudier à la lumière des enseignements pontificaux : le travail.

La théorie qu'on professe sur le travail oriente la solution qu'on tente de donner à tous les problèmes sociaux :

La solution des problèmes qui se posent à la conscience du monde moderne, dans le domaine industriel, agricole et commercial, et jusque dans les professions libérales, dépend en grande partie de l'idée qu'on se fait du travail. Des théories aberrantes, non moins que les passions humaines, en ont tellement altéré la vraie notion ! Aussi la XXVI8 Session des Semaines Sociales du Canada fera-t-elle oeuvre efficace et salutaire, en replaçant cet élément essentiel de toute la sociologie qu'est le travail dans les vraies perspectives de l'ordre chrétien.

Ici est rappelée, à gros traits, la doctrine chrétienne concernant le travail :

1 D'après le texte français de l'Osseruafore Romano du 7 octobre 1949.

Loin d être pour l'homme une humiliation et une dégradation, comme l'estimait la société païenne avec l'ex-clavage, le travail est, au contraire, l'un de ses plus incontestables titres de noblesse. On oublie trop que, même au paradis terrestre, le travail était à l'honneur. Sans doute, s'accomplissait-il alors dans la facilité et la joie. Ce n'est qu'après la prévarication d'Adam, que la terre à son tour, se rebellant contre l'homme, ne peut être domptée qu'au prix d'un travail opiniâtre devenu peine et expiation. Mais n'y aperçoit-on pas déjà le dessein miséricordieux du Créateur ? L'humanité déchue trouvera là, en effet, l'un des principaux éléments de sa réhabilitation, de sa rédemption. Aussi bien, Jésus-Christ viendra-t-il Lui-même rendre au travail toute sa dignité et toute sa vertu, jusqu'à cette intime satisfaction que procure seul le travail tel qu'il a été ennobli et voulu par Dieu (Radiomessage de Noël 1943),. L'Apôtre lui-même ne se glorifiait-il pas de son travail manuel : ministraverunt manus istae (Act. XX ; 34) ? Enfin toute l'histoire de l'Eglise et de la Papauté n'est-elle pas une inlassable défense et illustration du caractère sacré du travail, une condamnation de toutes les formes anciennes et nouvelles d'asservissement ?

/Iprès auoi'r énoncé le sens profond du travail, on peut aisément déduire une série d'attitudes pratiques qui en sont la conséquence logique :

De ces prémisses découlent un grand nombre de conséquences pratiques, que les professeurs des Semaines Sociales Canadiennes ne manqueront pas d'illustrer, en ce qui concerne l'aspect personnel, nécessaire et universel du travail ; les conditions d'honnêteté dans lesquelles il doit être accompli, le respect dû au travail par les employeurs ; sa juste rémunération ; sa protection légale ; ses rapports avec le capital. La doctrine sociale de l'Eglise leur fournira, à cet égard, les plus amples lumières et sûres lumières. En particulier, le Radiomessage de Sa Sainteté Pie XII, du 24 décembre 1942, touchait ces divers points avec une force et une précision inégalées. Et quelle n'était pas aussi la solennité de Ses avertissements, lorsqu'abordant un si grave sujet, le Saint-Père déclarait : « Si l'on veut que l'étoile de la paix se lève et demeure sur le monde, il faut donner au travail la place que Dieu lui a assignée, dès l'origine... » !

Le travail appelle un complément, le repos. Les loisirs aujourd'hui ont de plus en plus d'importance, il convient d'en faire un usage convenable :

Mais il est un corrolaire du travail que vous avez raison de ne pas négliger, et qui sous le nom de loisirs, répond lui-même à un postulat de la nature de l'homme. Le repos, la récréation, s'ils sont bien compris entendent poursuivre essentiellement un but éducatif et moralisateur. Ils ont un tel caractère de nécessité que « le droit au repos de chaque jour et la cessation du travail le jour du Seigneur, disait déjà Léon XIII, dans l'Encyclique m Rerum Novarum », doivent être la condition expresse ou tacite de tout contrat passé entre patrons et ouvriers ». Les repos quotidiens et dominicaux ont, grâces à Dieu, généralement conquis droit de cité. Mais tout le problème réside maintenant dans leur utilisation. Qui ne voit, en effet, l'importance des questions d'ordre moral et religieux que soulève l'organisation des loisirs ? C'est assez dire combien, là également, vos investigations et vos études auront à s'appliquer avec autant de prudence que d'opportunité.

Le Saint-Père souhaite plein succès à cette Semaine Sociale :

Voilà bien des raisons qui sollicitent l'intérêt tout particulier du Saint-Père envers la Semaine Sociale de Joliette, et qui Lui inspirent des voeux ardents pour son plein succès. Il n'ignore pas d'ailleurs les mérites de vos conférenciers et de vos collaborateurs, ni la fidélité de votre auditoire, ni la sagesse du Pasteur, sous le Patronage duquel se tiendront vos prochaines séances.

Aussi l'auguste Pontife se plaît-Il à les assurer, en même temps que le zélé Président des Semaines Sociales du Canada, de Sa paternelle bienveillance, et à leur envoyer, comme gage d'abondantes lumières et énergies surnaturelles, la Bénédiction apostolique l.

1 Le Compte rendu des Cours et Conférences de la XXVIe Session des Semaines Sociales du Canada a paru sous le titre Travail et Loisirs (Ed. Ecole sociale populaire, 8100 Boulevard Saint-Laurent, Montréal).


LETTRE A L'EPISCOPAT POLONAIS

(1 septembre 1949) 1

Le 1 septembre 1939, l'Allemagne de Hitler attaquait la Pologne ; cette aggression devait jeter l'Europe et le monde dans une guerre atroce. Le Pape saisit l'occasion de cet anniversaire pour envoyer un message aux évêques de Pologne :

Au moment où s'achève la dixième année à compter du jour où éclata la terrible guerre qui accumula, sur la noble Pologne d'abord, les dévastations et les ruines, Nous ne voulons pas manquer de vous exprimer, chers Fils et Vénérables Frères, et par vous au clergé et aux fidèles confiés à vos soins, Nos sentiments de paternelle affection.

Le Pape résume les efforts qu'il fit, dès son avènement, pour garder au monde la paix :

Notre pontificat — vous vous en souvenez — débuta à une époque où de lourdes menaces pesaient sur la tranquillité de l'Europe et du monde entier. Pleinement conscient de Notre mission, et de la tâche qui Nous incombait en qualité de Vicaire de Jésus-Christ sur terre et soucieux par ailleurs, de continuer l'oeuvre entreprise par Notre Prédécesseur d'heureuse mémoire, Nous Nous empressâmes de déployer une intense activité en vue d'écarter les atrocités et les cruautés d'un conflit armé. Poussé par Notre sollicitude, apostolique, Nous adressâmes alors un premier message à toutes les nations, pour les engager à maintenir la-paix. Notre voix ne cesa de retentir, encore plus pressante et plus insistante, ainsi que le demandaient les circonstances, pour inciter les esprits à la concorde dans la justice et dans

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXI, 1949, p. 450; traduction française dans La Documentation Catholique, t. XLVI, c. 1223.

la charité, et pour supplier le ciel d'accorder au monde un si grand bienfait. Ce ne fut pas tout : à ces manifestations, Nous ajoutâmes une vigilante et infatigable action diplomatique pour la défense de la paix universelle. En mai, en effet, de l'année 1939, voyant se rapprocher les dangers d'un conflit armé, Nous intervînmes de tout Notre pouvoir auprès des gouvernements des principales puissances, afin de conjurer le grave péril. Malheureusement, la tension internationale s'accrût à un tel point qu'à la fin du mois d'août, de cette même année, on pouvait prévoir comme très prochaine la déclaration de guerre. Nous adressâmes alors à tous les peuples, à ceux en particulier sur lesquels retombait la lourde responsabilité de la guerre et de la paix, un message radiodiffusé : « Imminent est le danger — disions-Nous — mais il est encore temps d'y parer. Rien n'est perdu avec la paix, tout est perdu avec la guerre » 1. Et le 31 août, à la veille même des hostilités, Nous fîmes remettre par Notre cardinal secrétaire d'Etat aux représentants diplomatiques, accrédités auprès de Nous, d'Allemagne, de Pologne, de Grande-Bretagne, de France et d'Italie un suprême et très pressant appel, tandis que quelques jours avant, par l'intermédiaire de Nos Nonces apostoliques à Varsovie et à Berlin, Nous avions essayé, autant qu'il était en Notre pouvoir, d'amener enfin à une entente les deux gouvernements. C'est donc à bon droit que Nous pûmes affirmer dans Notre première Encyclique : « ... Nous avons tout tenté, sans en rien omettre, dans la forme qui Nous était suggérée par Notre ministère apostolique et par les moyens à Notre disposition, pour empêcher le recours aux armes et maintenir toutes ouvertes les voies vers une entente honorable pour les deux parties » 2.

La Pologne fut le pays le plus éprouvé par la guerre et l'après' guerre :

Mais Nos voeux et Nos exhortations restèrent sans écho et l'horrible conflagration éclata. Votre patrie, chers Fils et

1 Radiomessage du 24 août 1939 (A. A. S., 31, 1939, p. 333). ' Encyclique Summi Pontificatus du 20 octobre 1939 (A. A. S., 31, 1939, p. 449).

Vénérables Frères, attaquée et envahie de deux côtés, à l'ouest et à l'est, connut de dures épreuves. Nous-même dans l'audience du 30 septembre 1939, accordée à vos compatriotes résidant à Rome, ou exilés de leur pays, sous l'effet de la profonde émotion qui étreignait Notre coeur, Nous exprimâmes publiquement nos sentiments de condoléances et Notre affection spéciale pour vous, mes fils, frappés par le malheur, et Nous implorâmes aide et consolation du divin Sauveur et Maître, qui pleura sur la mort de Lazare et sur les ruines prochaines de sa patrie. Qui pourrait redire les souffrances endurées par le peuple polonais durant de longues années de servitude ? Qui pourrait décrire l'immense deuil causé par tant de millions de morts, des suites de la guerre ou des camps de concentration ? Qui pourrait compter la foule immense d'invalides ou d'infirmes, évaluer la destruction et la perte de biens nationaux, rappeler les iniques ordonnances émanées des envahisseurs de votre pays ? Elle est encore présente à Nos yeux, l'effroyable vision de votre patrie dévastée ; Nous voyons encore les multitudes de fugitifs et d'errants, sans abri ni ravitaillement; à Nos oreilles résonnent encore les sanglots des mères et des épouses, pleurant la mort de ceux qui étaient tombés ; la plainte des vieillards et des malades, dénués bien souvent de tout soin et de tout secours, les vagissements des petits orphelins laissés sans nourriture, les lamentations des blessés, le râle des moribonds ? Tout ce qui touche les enfants touche aussi le Père. Quoi ! pouvions-Nous rester insensible devant les maux qui vous frappaient si durement ! Non, certes ! Bien profonde fut Notre douleur. A Notre compassion, à Notre fervente prière à Dieu, pour qu'il voulût bien abréger vos jours de deuil, Nous ajoutâmes la continuelle préoccupation de saisir toute occasions qui se présentait de vous venir en aide et de soulager le fardeau de vos maux.

Eglise vint au secours de la Pologne de multiples manières :

C'est pourquoi, chers fils et Vénérables Frères, Nous vous accordâmes des pouvoirs extraordinaires qui, en raison des besoins croissants des fidèles, devaient vous permettre d'y subvenir aisément et promptement. Dans la mesure de

Nos moyens, Nous avons secouru par des dons de toute natuie les réfugiés, exilés et prisonniers de chez vous. Nous n'avons rien omis ni négligé, quoique souvent sans résultat, pour que fussent améliorées, même dans votre patrie, occupée par l'étranger, votre situation religieuse et vos conditions de vie. A maintes reprises, Nous Nous sommes élevé contre les offenses faites à Dieu, à l'Eglise, aux âmes ; Nous avons protesté, en voyant qu'on ne tenait nul compte de ce qui était permis ou défendu et Nous Nous sommes efforcé de protéger tant de gens innocents et sans défense.

Le clergé polonais s'efforça de soulager les souffrances du peuple :

Nous ne voulons pas passer sous silence que Notre

action, totalement ou en partie ignorée des Polonais, par suite des manoeuvres perfides de ceux qui occupaient votre pays, fut vaillamment et habilement secondée par votre clergé. Sous la direction et l'autorité des pasteurs sacrés, les prêtres durent entretenir constamment la flamme de l'espérance qui, sûre de la Providence et de l'intervention divine, leur faisait attendre et préparer, après les sombres nuages, un lumineux avenir.

Mais le clergé polonais dut payer cher sa fidélité à l'Eglise et à la patrie :

Cet amour invincible pour Dieu et pour la patrie, bien loin de s'éteindre, et de s'épuiser, est attesté par les milliers de prêtres qui, précédés de leurs saints evêques, sont tombés dans la lutte sublime pour le Christ ; de nombreux autres evêques, arrachés de leurs sièges, ainsi qu'une très grande multitude de vaillants membres de l'un et l'autre clergés, soumis aux vexations, jetés en prison et privés de tout, apportèrent le même témoignage.

Un tel courage est dû surtout à ce que, avec l'aide de Dieu, la nation polonaise a su, au milieu de tant de misères ' et de difficultés, conserver toujours la foi catholique, et n a

pas oublié son antique gloire nationale.

Actuellement encore la Pologne est soumise à un régime d'inspiration soviétique qui refuse à l'Eglise la jouissance de ses droits élémentaires :

Bien, que la guerre soit terminée, depuis quatre ans, l'Eglise catholique en Pologne n'a pas recouvré les libertés qui ont été constamment et partout pour elle, un droit sacro-saint, et qu on doit d'autant plus lui reconnaître là où pour le bien commun elle a livré de si rudes combats et souffert de si amères tribulations. Hélas ! ce triste état de choses n'a pas encore cessé. Les associations catholiques ont été presque entièrement détruites ; l'enseignement religieux dans les écoles a été extrêmement restreint ; des entraves ont été apportées au libre développement des Instituts dirigés par le clergé ou par les Soeurs ; la religion catholique a été odieusement calomniée ; Nous-même, les évêques et les prêtres avons été insultés ; les écrits catholiques destinés à la presse sont préalablement soumis à une censure de plus en plus injuste ; par ailleurs, les secours de la religion sont refusés aux prisonniers et aux malades ; la correspondance et les relations entre le Siège apostolique, les évêques et les fidèles sont empêchées ; enfin les manifestations extérieures de la vie catholique sont rendues chaque jour plus difficiles.

Néanmoins le Pape espère que l'Eglise en Pologne connaîtra un jour des temps meilleurs :

Malgré cela, chers fils et Vénérables Frères, que nulle crainte ne trouble vos âmes. Comme par le passé, dans l'avenir aussi, « la voie des méchants mènera à la ruine » (Psaume I, 8) et leurs plans seront bouleversés (cf. Prov. X, 3). Quiconque évoque l'histoire de la Pologne, aux gloires et aux infortunes si illustres, voit que les torrents de larmes et de sang ont, au cours des divers événements, inondé votre sol ; tantôt des abîmes de souffrances, tantôt des sommets illuminés par la victoire ou resplendissant de l'éclat de la religion, de la littérature et des arts. La Pologne n'a ignoré qu'une seule chose : se séparer de Jésus-Christ et de son Eglise. Votre gloire, la devise de votre noblesse sont : agir avec résolution, souffrir avec courage, espérer avec une foi inébranlable, réaliser de grandes choses.

Que la très puissante intercession de la Vierge Mère de Dieu, invoquée par vous sous le doux nom de Reine de la Pologne, que vos grands et nombreux saints, que le suprême sacrifice accompli par ceux des vôtres tombés pour leurs autels et leurs foyers, obtiennent à la Pologne, votre patrie, particulièrement aimée de Nous, la paix chrétienne et la prospérité tant désirées.

Et tout en demandant au ciel pour vous ces dons dans une ardente prière, Nous vous donnons, avec toute l'effusion de Notre coeur à vous, cher fils, aux Vénérables Frères, et à tous les fidèles confiés à votre vigilance, la Bénédiction apostolique.


RADIOMESSAGE AUX CATHOLIQUES ALLEMANDS

(4 septembre 1949) 1

A l'occasion du Katholikentag de Bochum ', le Pape adressa aux congressistes le message que voici :

C'est avec un sentiment de paternelle bonne volonté, avec la conscience aussi de Nos responsabilités sacrées vis-à-vis de vous, chers fils et filles de l'Allemagne catholique, que Nous accédons à la requête de Notre vénéré frère, l'archevêque de Paderborn, et vous adressons la parole, en ce jour de clôture des 73os Journées Catholiques Allemandes. C'est à vous tous, qui vous êtes réunis au coeur de la Ruhr, sous le signe de la puissante industrie, mais surtout sous le signe d'une croix qui monte haut vers les cieux, à vous qui êtes venus en grandes troupes et en rangs serrés pour donner ce témoignage fier et solennel de votre foi, que Nous voulons adresser une brève parole d'encouragement et d ' avertissement.

Pendant que Notre message se fraie, à travers l'éther, un chemin jusqu'à vos oreilles et votre coeur, se dresse devant Notre esprit l'image de ce « pays de la terre rouge », tel que Nous eûmes l'occasion de le contempler au cours des inoubliables Journées Catholiques Allemandes de Dort-mund en 1927 3.

L'avion Nous avait conduit de la vieille et vénérable cité episcopale de Trêves au-dessus de la Rhénanie, alors

1 D'après le texte allemand des A. A. S., XXXXI, 1949, p. 458.

2 On trouvera le Radiomessage aux catholiques allemands réunis au Katholikentag de Mayence le 5 septembre 1948, dans Documents Pontificaux 1948, p. 297.

3 Le Saint-Père rappelle ici sa participation au Congrès de Dortmund en 1927 alors qu'il était nonce apostolique à Berlin.

si florissante, au coeur d'une des régions économiques les plus importantes de l'Allemagne.

Pendant la messe pontificale solennelle en plein air, devant le déploiement plein de force de vos organisations, Nous contemplions cette « Germania Catholica », dont la foi autorisait les espoirs les plus ambitieux.

Maintenant, vingt ans après, — des ans qui vous ont apporté plus d'épreuves et de souffrances que des siècles entiers, — Nous voyons cette même catholique Allemagne, Téunie à nouveau en sol westphalien, pour trouver le voie de la renaissance, de la reconstruction et de la paix, dans l'expérience du moment et dans l'enseignement de la sainte religion.

S'il est quelque chose qui, à cette heure, Nous réjouit et Nous console, c'est bien de savoir que l'esprit de foi, qui, alors, Nous pénétrait, suscite à votre réunion de Bo-chum, une vie chrétienne renouvelée, claire et haute, que l'esprit qui vous anime vous permettra de faire valoir votre influence au moment où sera conclue la paix, que les décisions à prendre, si capitales, pour l'avenir encore angoissant de l'Allemagne et de l'Europe, seront prises dans la bonne direction, et profitables à tous les peuples.

Le Pape adresse des consignes aux catholiques allemands :

Vos comités ont consacré des discussions sérieuses, au cours de ces derniers jours, à la reconstruction sociale. A votre demande, Nous vous donnerons à ce sujet quelques directives. Les voici :

1. Il faut que la doctrine sociale de l'Eglise soit connue et traduite en actes par tous les chrétiens :

Dans le pays où vécut un évêque comme Wilhelm von Ketteler, personne n'osera reprocher à l'Eglise qu'elle n'accorde pas la moindre importance à la question ouvrière et au problème social. Depuis que Notre Prédécesseur Léon XIII, il y a presque 60 ans, a publié son Encyclique » Rerum Novarum », il est peu de problèmes auxquels les Chefs de l'Eglise ont consacré plus d'attention qu'aux problèmes sociaux. Ils ont fait tout ce qu'ils pouvaient faire, par leur enseignement et leurs avertissements, pour résoudre cette question ou, à tout le moins, pour réduire les inégalités sociales.

Ce qui compte, c'est que cette doctrine sociale de l'Eglise devienne le patrimoine de la conscience chrétienne de tous, qu'elle soit traduite en actes concrets. La pratique de cette doctrine exige des sacrifices de la part de tous les intéressés. Ces sacrifices, il faut les consentir. Maintenant moins que jamais, ils ne souffrent la moindre exception.

2. Ceffe doctrine sociale vise le bien commun :

Le programme social de l'Eglise repose sur trois fon-- déments essentiels : la Vérité, la Justice et la Charité. L'Eglise ne peut, en aucun cas, s'éloigner tant soit peu de ces fondements, dût-elle, pour cela, se voir privée des chances de la propagande du moment, ou désillusionner les espérances de l'un ou l'autre clan. L'Eglise s'est toujours tenue aux côtés de ceux qui recherchaient le droit et de ceux qui méritaient assistance ; jamais elle ne s'est dressée contre un groupe social ou une classe. Toujours elle s'est mise au service de tout le peuple, de tous les citoyens.

3. La doctrine sociale de l'Eglise préconise comme solution aux conflits sociaux actuels l'organisation professionnelle conçue sous forme d'une structure nouvelle de la vie économique :

L'Eglise n'a pas renoncé un instant à sa lutte pour que l'apparente opposition du capital et du travail, de l'employeur et du salarié, se fonde en une unité supérieure, en une collaboration organique que la nature elle-même recommande, selon le travail ou le secteur économique, par l'organisation professionnelle.

Le Pape souhaite que toutes les institutions créées pour pallier aux maux sociaux puissent rapidement disparaître pour faire place à cette solution qui résout les problèmes d'en haut :

Puisse le jour n'être pas trop éloigné, où les organisations de soutien mutuel, rendues indispensables par la faiblesse du système économique dominant, et surtout par son manque d'inspiration chrétienne, pourront être considérées comme superflues.

En Allemagne, le moment semble favorable pour créer cette structure organique de l'économie :

Vous vous assemblez pour préparer, en sol allemand, l'avènement de ce jour. Les circonstances ne sont pas défavorables. La terrifiante catastrophe qui s'est abattue sur vous, a eu, à tout le moins, une conséquence favorable : de vastes cercles se sont libérés des préjugés et des intérêts de classes, les oppositions sociales se sont amoindries, les hommes se sont rapprochés les uns des autres. La communauté de la détresse a constitué une école brutale mais salutaire ; elle a appris la tolérance mutuelle, elle a appris l'assistance mutuelle dans les années de misère. Il ne peut plus arriver que l'opposition du possédant et de l'homme qui vit du travail de ses mains, renaisse un jour et à nouveau se creuse. Qui plus que vous, chers fils et filles, est appelé à ouvrir la voie à la reconstruction sociale, à réaliser le message et l'esprit du Christ.

4. La formation personnelle des individus et l'action sociale sont solidaires l'une de l'autre :

La politique culturelle et la politique sociale du christianisme ne peuvent plus être dissociées ; c'est le même homme chrétien qui en est l'instrument et le but. La politique sociale chrétienne appartient au tout vivant du corps entier. Séparée de ce tout, elle est condamnée à mort. Quand vous luttez pour une politique culturelle chrétienne, dans la question scolaire par exemple — un bien irremplaçable, notez-le — vous luttez en même temps pour l'établissement d'une politique sociale chrétienne.

5. De fait, le matérialisme nuit à la personne et à la société :

Le monde des travailleurs ne peut sombrer dans un matérialisme athée. Pour sauver ce monde pour Dieu et le Christ, le matérialisme doit être dénoncé. Créez, pour les travailleurs et la jeunesse, un climat spirituel dans votre communauté. Les intérêts particuliers des organisations de jeunesse ou de travailleurs, qui entraveraient l'accession à cet objectif, doivent être sacrifiés sans hésitation à un pareil idéal.

Le décret du S. Office du 1 juillet 1949, excommuniant les communistes, est un geste de libération pour les travailleurs 1 :

Lorsque récemment une ligne de séparation obligatoire a été tirée entre la foi catholique et le communisme athée, cela a été fait pour cette raison même, pour élever une digue et sauver, non seulement la classe ouvrière, mais la collectivité entière, du marxisme, qui renie Dieu et le respect dû à son Nom.

Cette décision n'a rien à voir avec l'opposition entre pauvres et riches, entre capitalisme et prolétariat, entre possédant et dépourvu, Il s'agit seulement du salut, du culte de Dieu et de la foi chrétienne, pour préserver le libre épanouissement, et par conséquent, pour assurer le bonheur, la dignité, le droit et la liberté du travailleur. Celui qui a vécu l'histoire récente, et se refuse à comprendre cette vérité, est certainement aveugle.

Tels sont les avertissements que Nous avons voulu lancer à l'occasion de ces festivités.

Pie XII invite les catholiques allemands à mener campagne pour maintenir ou restaurer un sain esprit familial :

Et maintenant, cher fils et filles de la catholique Allemagne conservez et faites rayonner, avec une particulière vigilance, le double et sacré héritage que vous ont transmis vos ancêtres.

Et d'abord, la culture familiale chrétienne. Là où elle existe encore, et particulièrement à la campagne, conservez-la et défendez-la car elle court de graves dangers. Là où elle est perdue, et particulièrement dans les quartiers ouvriers de certaines grandes villes, ressuscitez-la. Vous ne pouvez rien offrir de plus précieux à vos enfants, à votre jeunesse, qu'une culture familiale chrétienne.

De même le Pape engage les catholiques allemands à s'unir étroitement pour réaliser le programme de l'Eglise dans toute la vie publique :

L'autre héritage est l'unité, la collaboration dans la vie publique. Sans doute, il reste valable, l'idéal de salut per-

1 Cf. p. 249.

sonnel ; et si possible individuel. Mais, d'après le plan providentiel de Dieu, le salut de la personne ne peut prendre racine, s'épanouir et donner fruit que dans la communauté au sein de laquelle elle vit, et qui est elle-même pénétrée de la foi en Dieu et de l'esprit du Christ. Tel est le principe déterminant de la mission de l'Eglise catholique dans la vie publique. Principe vital de la communauté humaine, elle exercera, puisant dans les profondeurs de ses richesses les plus profondes, son influence dans tous les domaines de la vie humaine. Ici se trouvent les larges possibilités d'action qui sont réservées particulièrement aux laïcs, dans l'Eglise et pour elle. Ici elle se sont toujours trouvées comme vos ancêtres l'ont fait d'une manière exemplaire, prêts au travail, décidés, impertubables, adonnez-vous y « de tout coeur et de toute votre âme » (Ac 4,32).

Le Pape prie pour le succès des efforts des Catholiques allemands :

Le Dieu de toutes les grâces qui vous a appelés à l'éternelle dignité, vous fortifiera, vous aidera, vous confirmera. C'est à Lui qu'appartient toute éternité, dans les siècles des siècles (I Petr. V, 10-11).

En gage, Nous confions l'oeuvre de vos sessions à la puissante protection de Marie, Secours des Chrétiens, et vous donnons de tout coeur et mû par un amour paternel, la Bénédiction apostolique.


RADIOMESSAGE AUX CATHOLIQUES SUISSES

(4 septembre 1949) 1

Le 4 septembre 1949, les Catholiques suisses se réunissaient en Congrès à Lucerne et reprenaient, pour la première )ois après la guerre, la tradition des Congrès des catholiques suisses. Le Saint-Père prit part à cette assemblée, groupant 100.000 hommes, en envoyant le message suivant.

Le Pape félicite les congressistes d'être venus à Lucerne :

Vous êtes venus des villages les plus reculés de vos belles et verdoyantes montagnes ; vous êtes venus de vos vallées et de vos plaines, témoins du labeur acharné du paysan suisse ; vous êtes venus de vos villes débordantes de vie et de mouvement, grâce à votre industrie sans cesse en progrès. Après une interruption de 15 années, vous avez gagné le coeur de votre attachante patrie et vous arrivez à Lucerne, l'antique Vorort de vos cantons catholiques, pour délibérer sur les problèmes de l'heure, pour affirmer votre bonheur de croyants et pour manifester votre foi.

Nous participons à votre joie et Nous correspondons de grand coeur à la demande des dirigeants de l'Association Populaire Catholique Suisse qui Nous ont exprimé leur désir d'entendre Notre parole en cette solennelle circonstance et de recevoir Notre bénédiction.

Pie XII évoque l'horrible guerre qui, il y a dix ans, se déchaînait sur le monde :

Votre Katholù\entag d'aujourd'hui est donc votre premier Congrès d'après-guerre. Il y a d'ailleurs exactement dix ans que se déchaînait dans le monde le cataclysme vraiment apocalyptique dont les Nations et les Etats ne sont pas encore arrivés actuellement à maîtriser les désastreuses conséquences. La Pologne était alors le premier peuple écrasé sans pitié par les hostilités. Dans l'appréhension de ce qui allait arriver, Nous avions tenté jusqu'au cours de la dernière nuit qui précéda la déclaration de guerre, et selon toute Nos possibilités, d'empêcher la catastrophe. Aujourd'hui, le grand nombre des documents venus à la lumière prouvent que les démarches entreprises par les pays neutres et par les puissances morales étaient d'avance vouées à l'insuccès 1.

La Pologne a souffert durant les premiers mois de la guerre et durant les années suivantes au-delà de ce qu'on peut exprimer. Après ce pays, d'autres nations, les unes après les autres, ont été saisies par le démon de la guerre. Celle-ci, telle une scène de jugement dernier, s'étendit à toute l'Europe et à de nombreux pays d'autres continents, en particulier à l'Est asiatique, jusqu'à ce que l'Etat et le peuple, d'où elle était partie, fussent eux-mêmes conduits à l'abîme.

Le Pape espère que l'année jubilaire de 1950 apportera enfin la paix :

Maintenant, après ces dix années chargées de péchés et de fautes mais riches aussi de pénitences et d'expiations, alors que va s'ouvrir la Porte Sainte à l'aube du Grand Jubilé, Nous désirons ardemment, espérant contre toute espérance, que l'Année Sainte 1950 apporte aux peuples la paix extérieure et la réconciliation intérieure, en raison des mérites de la Passion et de la Mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

On peut dresser un glorieux bilan de l'activité des catholiques suisses :

Vos dirigeants Nous ont écrit que la vie religieuse est florissante dans les belles paroisses de vos villes et de vos campagnes, tant dans les régions catholiques que dans les

1 On lira la Lettre à l'Episcopat polonais du 1 septembre 1949, p. 338.

régions mixtes de votre pays. Leur affirmation, qui fait supposer un travail pastoral intense, est pour Notre coeur de Père un sujet de grande consolation.

Depuis un siècle, la structure sociale de votre peuple s est considérablement modifiée : la paysannerie, qui avait jalousement gardé ses traditions, s'est transformée progressivement en une population industrielle, qui se signale à l'attention de l'Europe.

Pendant ce temps, vos pères et vous, vous ne fûtes certainement pas inactifs et insensibles au progrès. Là où les luttes doctrinales et les bouleversements sociaux postulaient des réalisations, afin que soit sauvegardé le patrimoine catholique et que soit possible la mission de l'Eglise dans les nouvelles conditions de l'époque, vous étiez tous présents : prêtres et laïcs de tous vos diocèses ; anciens Ordres et jeunes Congrégations religieuses, qui dans une noble émulation, donniez au pays des dévouements nombreux et qualifiés ; organisations diverses : Association Populaire Catholique Suisse \ Caritas 2, et autres oeuvres de bienfaisance, qui, dans ces dix années de guerre surtout, avez apporté un concours maximum pour soulager les misères de notre temps ; Ligues et Associations féminines qui êtes témoins des évolutions considérables survenues ces dernières décades dans les conditions de la femme 3 ; Congrégations ma-riales 4 et Associations de jeunes gens5, groupements ou-

1 L'Association Populaire Suisse ou Schweizerischer Katholischer l^o!J[suerein a été fondée vers 1830, pour prendre au cours des ans différentes formes. Le secrétariat général en est à Lucerne, St. Karliquai 12. Elle est actuellement le grand organisme suisse d'Action Catholique des Hommes.

On trouvera dans le Katholisch.es Handbuch des Schweiz (Ed. Rex Verlag, Lucerne) tous les renseignements sur l'activité des catholiques suisses (cf. Allocution à l'Association ouvrière de Suisse du 24 mai 1949, p. 190).

2 Le Schweizerischen Caritas Verhand, fondé en 1901, a son siège à Lucerne, Mariahilf Gasse 3; le directeur du Secrétariat est Mgr J. Crivelli. Ce secrétariat organise toutes les oeuvres d'assistance.

3 Les oeuvres féminines sont fédérées dans la Schweizerischer Katholischer Frauenbund (17, Burgerstrasse, Lucerne).

* Les Congrégations mariales sont très prospères en Suisse, leur centre est à Bâle où est publié leur organe Mannerblatter : 6, Byfangsweg.

5 Les jeunes gens sont groupés dans la SchuJeizerischer Katholischer Jung-


Pie XII 1949 - LETTRE