Pie XII 1950 - LETTRE DE LA S. CONGRÉGATION DES SÉMINAIRES A L'EPISCOPAT DU BRÉSIL


ENCYCLIQUE « ANNI SACRI »

(12 mars 1950) 1

Le Saint-Père, par une Lettre encyclique, ordonne d'organiser des prières publiques, le dimanche de la Passion, le 26 mars 1950, afin d'obtenir une rénovation chrétienne des moeurs et la concorde entre les peuples.

Le Pape se réjouit tout d'abord des fruits produits par la célébration de l'Année Sainte, ceux du moins que les premiers mois ont déjà permis de constater :

L'Année Sainte qui est en cours nous a déjà donné bien des sujets de consolation et de joie. De maintes parties de la terre, des foules de chrétiens viennent dans cette ville de Rome, qui a vu luire et rayonner sur le monde, dès les origines de l'Eglise, la lumière de la doctrine évangélique. Nous avons vu ces foules qui entouraient le Siège de Pierre, qui y faisaient pénitence pour leurs fautes, qui expiaient aussi par d'ardentes supplications les péchés du monde, et qui imploraient le retour de toute la Communauté humaine à Dieu, qui seul peut rendre aux nations la paix des âmes, la concorde et la prospérité.

D'autres millions de pèlerins sont annoncés, au cours du printemps et de l'été :

Ces premiers flots de pèlerins ne sont que les prémices de plus nombreux et copieux pèlerinages qui sont annoncés pour la belle saison, et dont on peut espérer des fruits abondants et salutaires.

Néanmoins, l'horizon demeure sombre :

Si les premiers contacts Nous laissent de douces et consolantes impressions, il n'a pas manqué non plus de sujets d'anxiété et d'angoisse, capables de contrister Notre coeur paternel.

En particulier, la paix n'est toujours pas fondée ; au contraire, les Etats continuent à accroître leurs armements, c'est-à-dire se préparent fébrilement à faire face à l'éventualité d'une guerre :

Et tout d'abord, bien que la guerre ait depuis longtemps pris fin, le monde n'a pas retrouvé la paix si désirée, une paix stable et solide, qui mette heureusement fin à de nombreux et toujours croissants sujets de discorde. Les peuples se dressent les uns contre les autres, et parce qu'entre eux ne règne plus la confiance, voilà que l'on accumule à l'envi les armements, ce qui plonge et maintient les peuples dans l'angoisse et dans la crainte 2.

D'ailleurs, la moralité privée et publique est aujourd'hui universellement et gravement blessée.

i. On ne respecte plus la vérité :

Il est un fait plus grave en lequel on peut découvrir la

2 L'U. R. S. S., en 1949, disposait de la plus forte armée du monde, ayant plus de 3.500.000 soldats sous les armes, zo.000 avions. En cette même année plus du 20 °/o de l'activité industrielle était destinée à des fabrications d'armements. Le 23 septembre 1949, la presse américaine annonçait qu'une explosion atomique avait eu lieu sur le territoire de l'U. R. S. S.

En face de ces menaces, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la plupart des pays d'Europe occidentale élaborèrent un plan de réarmement. A cet effet, le Congrès des Etats-Unis votait le 18 octobre un crédit de 15 milliards de dollars pour la défense du pays.

Les pays membres du Pacte Atlantique (Belgique, Canada, Danemark, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Norvège, Portugal, Grande-Bretagne, Etats-Unis) formèrent un conseil de défense militaire en septembre 1949. Un plan commun d'action fut élaboré. Le 19 octobre 1949, les Etats-Unis décidaient d'apporter une aide financière à l'Europe, d'un apport de 1.300 millions de dollars, pour permettre l'achat de nouveaux armements.

Dès lors on vit, au cours de 1950, les pays d'Europe allonger la durée du service militaire et hâter la production des armes.

source de tous les maux : ce n'est plus la vérité, c'est le mensonge qui sert de moyen de discussion.

2. On méprise la religion :

La religion est traitée avec dédain, comme chose de nulle importance.

On l'a parfois définitivement écartée de la famille et de la société, comme une superstition des temps anciens. L'impiété s'étale en privé et en public. On a écarté Dieu et sa loi sainte, si bien que la morale est privée de tout fondement. Trop souvent, la littérature et la presse traitent outrageusement les choses saintes.

3. On pervertit la jeunesse :

On y étale toutes sortes de tableaux obscènes qui font miroiter devant la jeunesse et l'adolescence l'attrait du vice et les y entraînent fâcheusement.

4. On leurre les masses :

On leurre les masses populaires par des promesses chimériques ; et lorsqu'on a réussi à détruire en elles jusqu'à sa racine, cette foi des ancêtres qui était leur grande source de consolation, au sein des inévitables misères de cette terre d'exil, ces masses populaires sont formées à la haine, à l'envie, à la révolution.

5. On instaure des régimes où règne la violence :

On en vient à la violence et aux désordres, aux troubles incessants et prémédités, qui causent la ruine économique des pays et font un tort irréparable au bien commun.

6. On méconnaît les droits de l'homme et des chrétiens :

Il est un autre fait que Nous déplorons avec une indicible tristesse : dans beaucoup de pays, les droits de Dieu, de l'Eglise et même de la nature humaine, sont offensés et foulés aux pieds.

7. On persécute l'Eglise dans ses membres et dans ses activités :

Des ministres des autels, même élevés en dignité, sont arrachés à leurs fonctions, envoyés en exil, jetés en prison, empêchés tout au moins de remplir leur charge. Dans l'enseignement, aussi bien à l'école qu'à l'Université, dans les livres et les publications imprimées, on interdit d'exposer et de défendre les enseignements et les lois de l'Eglise, ou bien ce n'est qu'avec des restrictions et sous une censure qui attestent un propos délibéré d'asservir à l'autorité civile la vérité, la liberté et la foi elle-même.

C'est pourquoi il est urgent de réaffirmer à la face du monde les exigences impérieuses de la religion et de la morale :

En présence de tels maux, qui n'ont pour origine, nous l'avons dit, que le mépris de Dieu et de sa loi, il est nécessaire, Vénérables Frères, de faire monter vers le Ciel de ferventes supplications et de rappeler à l'attention des chrétiens les divins préceptes dont le respect peut seul, procurer lumière aux intelligences, paix et concorde aux âmes, justice aux peuples et aux classes sociales.

Vous ne l'ignorez pas, non plus, une société dont on a fait disparaître le sentiment religieux ne peut plus être bien conditionnée, ni subsister dans l'ordre.

Le clergé est appelé à prêcher une rénovation complète des moeurs :

Il importe donc que les ministres sacrés, guidés par l'épiscopat, se dépensent activement à cette tâche. Qu'ils ne s'épargnent aucune peine, surtout en cette Année Sainte, pour que leurs ouailles, répudiant l'erreur, déposant tout esprit de haine et de discorde, se nourrissent tellement de la doctrine chrétienne qu'il s'opère une complète rénovation des moeurs.

L'Action Catholique et tous les fidèles devront apporter leur concours à cette campagne de redressement religieux et moral :

Mais comme le prêtre ne peut agir sur tous, ni suffire à tout, et que son ministère ne peut pas toujours subvenir comme on voudrait à tous les besoins, il faut que les militants de l'Action Catholique lui prêtent une aide active et dévouée. Personne ne peut rester à l'écart, ni refuser son travail, ni rester indolent, quand on voit l'adversaire mettre tant de peine à ébranler les fondements de la religion catholique et du culte chrétien. Qu'il n'arrive plus désormais que « les fils de ce siècle soient plus prudents que les fils de la lumière » , et que ceux-ci se montrent moins ardents à leur tâche !

Les efforts des hommes ne seront efficaces que s'ils sont animés par la grâce divine. C'est pourquoi il faudra organiser une offensive de prières :

Mais les forces humaines restent impuissantes sans l'aide de la grâce divine. Aussi vous invitons-Nous, vénérables Frères, à organiser, chacun dans votre diocèse, une sorte de nouvelle croisade de prières, pour obtenir du « Père des miséricordes et du Dieu de toute consolation 4 », les remèdes appropriés aux maux présents.

Le temps de la Passion est particulièrement favorisé pour pratiquer ces exercices de piété :

Nous désirons que ces prières publiques rejoignent les Nôtres le 26 mars prochain, au dimanche de la Passion, jour où la sainte Liturgie commence à commémorer les souffrances que le divin Rédempteur a endurées pour nous délivrer de l'esclavage du démon et nous obtenir la liberté des enfants de Dieu.

3 Luc, 16, s.

4 II. Cor., 1, 3.

Ce jour-là, Nous Nous rendrons dans la basilique de Saint-Pierre et Nous joindrons Nos supplications, non seulement à celles de l'assistance, mais, Nous en avons la confiance, à celles de tout l'Univers chrétien \

Ceux que l'infirmité ou l'âge empêchent de se rendre à l'église, voudront offrir à Dieu, avec humilité et confiance, leurs souffrances et leurs difficultés. Il y aura ainsi communauté de prières, d'aspirations et de voeux.

L'objet de ces prières sera de demander la paix.

En priant tous ensemble avec Nous, de la terre entière, les fidèles s'efforceront d'obtenir de la bonté divine que cette rénovation morale des chrétiens entraîne aussi, comme tous le souhaitent ardemment, un nouvel ordre de choses, basé sur la vérité, la justice et la charité.

Puisse un rayon de lumière céleste éclairer les intelligences de ceux qui tiennent en mains les destinées, des peuples ! Qu'ils se rendent bien compte que la paix est une oeuvre de sagesse et de justice, la guerre une oeuvre de cruauté aveugle et de haine. Qu'ils réfléchissent bien qu'un jour ils auront à répondre de leurs actes, non seulement devant le jugement de l'histoire, mais au tribunal du Souverain Juge.

Ceux qui sèment à pleines mains l'envie, la discorde et la rivalité, ceux qui provoquent, en cachette ou ostensiblement, l'agitation et la révolte, ceux qui trompent par de vaines promesses un peuple qui se laisse si facilement exciter, doivent finir par comprendre que ce n'est ni la violence, ni le désordre, mais bien de sages lois qui procureront au monde la justice à laquelle aspire le christianisme ; une justice apte à ramener l'équilibre entre les

5 On trouvera p. 98 le texte de l'allocution prononcée par Pie XII en ce jour de la Passion devant la foule assemblée en la basilique de Saint-Pierre.

classes sociales, en faisant régner entre elles la fraternité et la concorde.

La paix n'est véritable que si elle a le Christ pour fondement :

Que tous enfin, éclairés par la lumière d'En-Haut, que leur obtiendront nos communes prières, se persuadent que Notre Divin Rédempteur est seul capable d'apaiser heureusement les nombreuses et redoutables causes de discorde qui existent dans le monde. Le Christ Jésus s'est appelé «la Voie, la Vérité et la Vie6». Lui seul peut donner la clarté céleste à des esprits plongés dans les ténèbres, inculquer la force d'En-Haut à des volontés sujettes au doute et à la paresse. « Sans connaître le chemin, on ne peut aller de l'avant ; sans vérité, on ne peut développer son savoir ; sans la vie, on ne peut vivre », a dit le livre de l'Imitation \ Seul notre Sauveur peut régler avec justice les choses de la terre, les imprégner de charité et conduire à l'éternelle béatitude l'humanité, après en avoir intimement uni les membres, dès cette terre, par les liens d'un fraternel amour.

La paix n'est véritable que si elle a le Christ pour fondement :

C'est donc au Sauveur qu'iront nos prières animées par la foi, l'amour et l'espérance.

Pie XII lui-même prie le Christ d'exaucer ses fils :

Que dans Sa bonté, Il jette les yeux, principalement pendant cette Année Sainte, sur le genre humain, affligé de tant de calamités, en proie à tant de craintes, battu par les flots de si troublantes discordes. De même qu'autrefois, par un simple geste d'apaisement, Il a calmé les eaux

e Joh., 14, 6. ' Livre III, c. 56, v. 5.

tumultueuses du lac de Galilée, Il peut imposer aux tempêtes déchaînées sur le monde la tranquillité et l'ordre.

Que Sa lumière démasque les mensonges des méchants ! Que l'orgueilleuse arrogance des superbes soit abaissée ! Que ceux qui jouissent abondamment des biens de ce monde s'exercent à pratiquer la justice, la bienfaisance et la charité ! Que ceux qui sont moins favorisés de la fortune ou qui en sont même totalement privés, méditent l'exemple de la famille de Nazareth, astreinte elle aussi à gagner son pain par le travail quotidien ! Que ceux qui gouvernent se persuadent que la loi chrétienne et la liberté de l'Eglise sont les fondements les plus solides de la Cité !

Rappelez ces choses, Vénérables Frères, en Notre nom, aux fidèles confiés à vos soins. Engagez-les à se joindre à Nous pour adresser à Dieu des prières ferventes.

Confiant en votre complète et généreuse adhésion, Nous vous donnons de tout Notre coeur, à vous et à vos ouailles, comme gage des faveurs célestes et en témoignage de Notre bienveillance, la Bénédiction apostolique.


LETTRE A LA CIVILTA CATTOLICA A L'OCCASION DU PREMIER CENTENAIRE DE SA FONDATION

(12 mars 1950) 1

En 1850, les RR. PP. Jésuites fondèrent à Rome une revue bimensuelle : La Civiltà Cattolica. Depuis cette date, elle n'a cessé de lutter vigoureusement pour la cause de l'Eglise.

Onze ans se sont passés depuis que, au début même de Notre Pontificat, Nous vous adressions une lettre d'éloges particuliers pour vous complimenter avec bienveillance à propos de la quatre-vingt-dixième année que venait de commencer votre revue, et voici que Nous sommes poussé à Nous adresser à vous à nouveau pour un motif encore plus solennel, tel que le démontre clairement la nature même de l'anniversaire.

En réfléchissant en effet combien d'une part il s'est rarement produit, au milieu d'une telle succession d'événements humains, qu'un périodique ait pu réaliser un siècle d'existence, et en constatant d'autre part que par une disposition de la toute-puissance et de la bonté divines, vous pouvez fêter cette faveur qui vous est accordée, il Nous a paru opportun qu'à toutes les félicitations et aux voeux heureux qui vous sont parvenus de tous les côtés, se joigne également la voix apostolique, et cela pour que se manifestent de la façon la plus évidente toute l'attention et toute la sollicitude avec lesquelles le Saint-Siège suit votre oeuvre.

Il n'est point dans Notre intention de rappeler ici ce qui, à juste titre et partout, a été dit de vous par une foule de gens et

1 D'après le texte latin de l'Osservatore Romano du S avril 1950.

pas seulement parmi les catholiques : c'est-à-dire la fidélité avec laquelle votre périodique s'est attaché à maintenir intacts son caractère et son empreinte d'origine ; tout l'amour et toute la dévotion avec lesquels il s'est conformé à la pure doctrine catholique et a défendu avec fermeté les droits du Saint-Siège ; et comme il a paru mériter aux yeux de tous l'éloge de Pie X, Notre prédécesseur de sainte mémoire, qui souhaite à cette revue « que tous les journalistes sincèrement et intégralement catholiques trouvent en elle un modèle ».

Et il Nous plaît de rappeler ici la belle compagnie d'érudits, aussi bien ceux qui furent les premiers à jeter les solides bases de cette oeuvre que ceux qui, par la suite, soit comme écrivains affectés à ce collège, soit comme collaborateurs de valeur, ont donné avec leurs écrits, durant de longues années, toute son extension à l'oeuvre commencée. Leur renommée ne s'est pas perdue, car un grand nombre d'entre eux sont considérés comme éminents en leur spécialité ; et dans les quatre cents volumes environ de la revue, tout le monde peut encore admirer aujourd'hui comme une très riche moisson d'informations et de doctrine, les fruits abondants de leur travail. Nous avons, en outre, appris avec plaisir que vous publierez avant peu un index très complet et rédigé de façon opportune, pour permettre à tous une consultation plus rapide et facile de cette revue.

Nous tenons à attester de nouveau ici les louanges et les approbations dont aucun de Nos prédécesseurs ne vous a laissé manquer, pour vos écrits si nourris et si sages, ainsi que pour l'oeuvre que vous avez heureusement réalisée. Mais à ces anciens mérites, d'autres non moins louables se sont ajoutés récemment, quand, avec une grande et vigilante activité, vous avez cherché à étouffer et arracher les germes d'erreurs que diffusait si largement ce qu'on a appelé le « totalitarisme » ; et non seulement vous ne vous êtes pas laissés atteindre par la tache qui s'élargissait, mais encore, avec toute votre sollicitude, vous vous êtes employés à en préserver ou à en dégager vos contemporains. C'est ainsi que d'une manière tout à fait providentielle, il est arrivé que malgré le changement des temps, vous ne vous êtes écartés d'aucun des points centraux de la doctrine, et Dieu vous y a aidés si bien que vous êtes comme des survivants au milieu de tant de revues et de journaux qui ont fini par disparaître ; ce qui vous a attiré le respect, l'estime et en une certaine manière l'admiration de tous ceux qui sont sans préventions.

Votre revue est en pleine vigueur et conserve presque intacte la fraîcheur de sa jeunesse ; personne ne songerait à dire qu'à l'âge de cent ans, elle doive désormais vieillir ; ce qu'atteste le nombre de ses lecteurs, tel qu'elle ne l'eut même pas dans la fleur de ses premières années, et en même temps la belle foule d'amis et de sympathisants surgis parmi les laïcs et les ecclésiastiques qui s'emploient à faire connaître de plus en plus largement à diffuser l'oeuvre.

Qu'on n'imagine pas que votre dessein initial d'illustrer la conception d'une civilisation vraiment catholique et d'en défendre les droits soit une chose désormais dépassée et que vous vous trouviez pour ainsi dire hors du combat, alors que partout les institutions publiques sont ébranlées et s'écroulent presque ; un besoin urgent se fait sentir sans cesse plus impérieusement, d'organiser et de construire une civilisation nouvelle qui fonde sa stabilité sur Dieu et sur les principes chrétiens ; ce que beaucoup d'autres, en imprimant des livres, des revues, des journaux, se proposent activement de réaliser aujourd'hui, Nous savons que vous, avant tout, selon votre constitution, vous l'avez fait jusqu'à ce jour et Nous sommes confiant que vous continuerez toujours à le faire.

Dans ce but, Nos prédécesseurs établirent et sanctionnèrent à plusieurs reprises l'existence dans cette ville d'un collège d'écrivains de la Compagnie de Jésus, organisé avec ses propres lois et régi par un statut particulier. Comme Nous l'avons déjà confirmé Nous-même une autre fois, Nous désirons de tout Notre coeur que tout le monde favorise et soutienne de son aide cette oeuvre, comme une chose qui Nous est très chère ; et, volontiers, Nous donnons de nouveau Notre confirmation et Notre approbation à ceux qui, personnellement, sont chargés par la Compagnie de désigner les écrivains attachés à votre collège ou à ceux qui doivent y collaborer de temps en temps.

Continuez donc, très chers fils, à accomplir ce que vous avez fait jusqu'alors et restez fermement sur la voie où vous êtes si bien engagés, conscients que vos réussites sont agréables surtout à Celui à qui seul vous avez toujours désiré plaire. Pour cela, en conservant religieusement intacte la physionomie de cette institution, telle qu'elle vous fut donnée par les Pontifes romains, entrez donc sous les meilleurs auspices dans le nouveau siècle de vie que Nous vous souhaitons vraiment d'or. Que le Dieu de toute grâce assure toujours la prospérité de votre oeuvre et de votre travail, qu'il exauce les voeux les plus abondants que Nous formulons Nous-même pour vous, en même temps que, comme gage des faveurs divines et comme attestation de Notre bienveillance, aux amis, aux sympathisants et à la foule dense des lecteurs, Nous donnons de tout coeur la Bénédiction apostolique 2.

2 La revue Civilia Cattolica est éditée à Rome, 246, via Ripetta.


DÉCRET DE LA SACRÉE CONGRÉGATION

DU SAINT-OFFICE CONDAMNANT LE LIVRE «ABSCONDITA» DE M. DA MOURAO DE FREITAS

(15 mars 1950) 1

En la réunion générale de la 5. Congrégation du Saint-Office, les Eminentissimes et Révérendissimes Cardinaux ayant la garde de la foi et des moeurs — après avoir pris l'avis des Pères Consulteurs — ont condamné et ordonné de mettre sur la liste des livres condamnés, le livre : Abscondita, Diario da Irma Inès 2, par M. da S. Mourao de Freitas (Ed. Porto, 1949).

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXII, 1950. p. 259.

2 Le livre développe des théories imprégnées de faux mysticisme.


LETTRE DE MONSEIGNEUR MONTINI SUBSTITUT A LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT, A SON EXCELLENCE MONSEIGNEUR COURBE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L'ACTION CATHOLIQUE DE FRANCE

A L'OCCASION DU SOIXANTE-CINQUIÈME CONGRÈS DE L'UNION DES OEUVRES

(21 mars 1950) 1

Dès i8yo, à Versailles, un groupe de prêtres et d'hommes d'oeuvres jetaient la base d'une fédération de toutes les associations à but apostolique. Depuis lors, tous les ans — sauf interruption provoquée par les guerres de 1914 et de 1939 — des Congrès réunissent dans une ville de France de nombreux participants cherchant ensemble à préciser leurs méthodes d'apostolat2.

A l'occasion du 65e Congrès, qui se tenait à Lyon du 11 au 15 avril 1950 et qui avait pour sujet : L'Eglise, éducatrice de la Charité, le Vatican fit parvenir aux organisateurs la lettre que voici :


1 D'après La Croix du 13 avril 1950.
2 On lira l'histoire des Congrès nationaux de l'Union des Oeuvres dans : François Veuillot, Sous le signe de l'Union, édité en 1948 par le Secrétariat général de l'Union des OEuvres Catholiques de France, 31, rue Fleurus, Paris.
On y trouvera également les comptes rendus des derniers Congrès :
1946 : Congrès de Besançon :  Paroisse,  chrétienté communautaire et missionnaire ; Congrès de Bordeaux :  Lvangèlisation ; 3948 : Congrès de Lille : Structures sociales et Pastorale paroissiale ; 1949 : Congrès de Rennes :  Pastorale familiale.

? 3 1Co 12,2.

Le Saint-Père a été heureux d'apprendre que le 65e Congrès national de l'Union des OEuvres catholiques de France tiendrait ses prochaines assises à Lyon, du 11 au 15 avril, sous la présidence de S. Em. le Cardinal Gerlier ; il me charge d'exprimer en son nom à Votre Excellence les voeux paternels qu'il forme pour le succès de ces travaux.

Dans un monde victime de trop de divisions et de violences, en proie souvent à de nocives propagandes de haine, ce prochain Congrès a retenu pour thème l'un des plus opportuns qui fût : « L'Eglise éducatrice de la charité. » Sa Sainteté se réjouit d'un tel sujet d'études et souhaite que de vos rencontres se dégagent plus clairement l'urgence et l'ampleur des problèmes que pose à la conscience de chacun le mystère chrétien de la charité.

Le problème prévu permettra d'ailleurs aux congressistes d'envisager les multiples aspects de cette vaste question, mais puisque le point d'application des conclusions doit principalement concerner la vitalité des oeuvres catholiques, on ne saurait trop insister pour que celles-ci rendent, dans leur action même, un authentique et triple témoignage de charité.

Les oeuvres catholiques doivent donner au monde le témoignage de la charité :

1°  en entretenant des relations fraternelles entre elles :

Ce témoignage doit d'abord être probant dans les relations entre les nombreuses branches de l'apostolat catholique. Sous la multiplicité des formules, qu'un même lien de charité les unisse toujours davantage dans une coopération étroite et un respect réciproque sous l'autorité des pasteurs responsables, car l'apôtre ne nous enseigne-t-il pas qu'à travers la diversité des ministères, « c'est toujours le seul et même esprit qui opère » 3. A cet égard, la fraternelle collaboration de tous les mouvements d'Action Catholique aux travaux du Congrès ne saurait que réjouir vivement le coeur du Pontife.

2°  en favorisant l'esprit de charité entre tous les membres, à l'intérieur même des oeuvres :

Mais, à l'intérieur même de chaque mouvement, la charité doit encore être la source inépuisable et vivifiante de l'effort des fils de l'Eglise. C'est à sa lumière que sans cesse il faut contrôler

la valeur de notre action chrétienne ; aucune solution d'un problème pastoral ne saurait, en effet, conserver son efficience surnaturelle si la divine charité cessait de l'inspirer. A l'heure où d'habiles propagandes séduisent les hommes par de puissants moyens d'influence, l'Eglise, éducatrice de charité, invite, semble-t-il, chacun de ses enfants à redire avec saint Paul : « Si je n'ai pas la charité, cela ne me sert de rien » (1Co 13,3). Sa Sainteté constate, d'ailleurs, que cet aspect essentiel du problème est inscrit en bonne place dans la suite des conférences.

3° en diffusant à l'extérieur cette même charité témoignée envers tous les hommes.

C'est pourquoi on ne saurait douter que les oeuvres catholiques, donnant déjà dans leur action quotidienne cette double preuve de charité, ne portent enfin hautement devant le monde ce témoignage que l'Eglise, dont elles se réclament, est en elle-même, dans sa doctrine comme dans son culte, une école de charité. Que le rayonnement de leurs bienfaisantes réalisations, tant spirituelles que temporelles, soit si pur et éclatant qu'il incite tout homme de bonne volonté à pressentir, au-delà de cette action, le mystère d'amour dont l'Eglise est née et qu'elle ne cesse d'exprimer et d'enseigner !

A toutes ces intentions, le Saint-Père appelle sur les travaux du Congrès d'abondantes grâces de vérité et de charité, et accorde à Votre Excellence, ainsi qu'à M. l'Abbé Courtois, le zélé directeur de l'Union des oeuvres, et à tous les participants de ces assises, une large et paternelle Bénédiction apostolique.




DÉCRET DE LA S. CONGRÉGATION DU CONCILE INTERDISANT LE COMMERCE AUX CLERCS ET AUX RELIGIEUX

(22 mars 1950) 1

Ce décret rappelle la législation antérieure de l'Eglise et proclame avec une force nouvelle ces mêmes dispositions 2 :


Comme l'établissent nombre de documents, l'Eglise a interdit à toutes les époques, sous des peines graves et des censures, aux clercs voués au service du Seigneur, les affaires du monde, spécialement le négoce et le commerce 3.

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXII, 1950, p. 330, traduction française dans La Documentation Catholique, tome XLVII, c. 781.
2- De fait, durant ces dernières années, des abus graves ont causé du scandale : on connaît — par la publicité qui en a été donnée — le cas malheureux de Mgr Cippïco, prélat attaché à la Secrétairerie d'Etat, qui a été traîné devant les tribunaux italiens pour escroquerie.
3 Les raisons de cette interdiction sont évidentes : les nombreuses préoccupations du commerçant, les désirs qui peuvent envahir son âme, les querelles et les disputes qui naissent des conflits d'intérêts et qui aboutissent parfois aux tribunaux, etc., tout cela est diamétralement opposé à l'état clérical ou religieux, soit qu'on agisse directement ou par personne interposée, soit qu'on poursuive son propre intérêt ou qu'on s'occupe des intérêts d'autrui. L'Eglise place les serviteurs de Dieu dans une sphère de profond désintéressement dont ils ne peuvent sortir sans porter préjudice à leur propre salut. L'interdiction est de soi grave et tout acte de commerce est interdit au clerc, mais c'est surtout l'exercice du commerce qui est visé par les canons CIS 142 et CIS 2381.


En effet, l'apôtre saint Paul lui-même, dans la IIe épître à Timothee (2Tm 2,4), disait déjà : « Aucun soldat de Dieu ne se mêle aux affaires du siècle. » Rien d'étonnant, par conséquent, que le Concile de Trente (session XXII, chapitre premier, « de la Réforme »), ait, sans hésiter, décrété à l'égard de ces infractions « que les décisions nombreuses et salutaires déjà prises par les Souverains Pontifes et les saints Conciles au sujet de l'interdiction aux clercs des transactions régulières soient observées à l'avenir avec les mêmes sanctions, ou de plus graves, à infliger selon le jugement de l'Ordinaire »...

En complet accord avec ces principes, le Code de Droit canon a statué sur ce sujet, au canon CIS 142 : « Sont interdits aux clercs, soit directement, soit par intermédiaire, le négoce ou le commerce, soit pour leur propre utilité, soit pour celle d'autrui. »

Cette défense s'adresse également aux religieux4, conformément au canon CIS 592. De plus, le Code a appuyé cette défense de sanctions spéciales, prévues au canon 2380, qui déclare : « Les clercs et les religieux exerçant directement ou par intermédiaire le commerce ou le négoce, contrairement aux prescriptions du canon CIS 142, doivent être punis, par l'Ordinaire, de peines proportionnées à la gravité de leur faute » 5.

4 Le canon CIS 592 déclare que « tous les religieux sont soumis aux obligations communes des clercs, mentionnées aux canons CIS 124-142, à moins que le contraire ne résulte du contexte ou de la nature des choses ».
5 Pour interpréter le canon CIS 142 interdisant aux clercs l'exercice, soit directement, soit par intermédiaire, du commerce, il faut s'en rapporter aux documents et commentaires antérieurs au code, puisque ce dernier n'a pas modifié sur ce point la législation antérieure à lui. Avant le code, on distinguait assez communément les formes suivantes de commerce :
1° Le négoce au sens strict purement lucratif (negotiatio quaestuosa seu lucrativa), le commerce au sens ordinaire (traduit par le mot mereatur a) qui consiste à acheter des objets, des propriétés, des terrains, pour les revendre plus chers tels quels, sans les avoir transformés ;
2° le commerce industriel (negotiatio industrialis) qui consiste à revendre plus cher des matières, des objets produits, des terrains qu'on a transformés ou fait transformer, par exemple la laine devenue étoffe, le marbre transformé en statue, le raisin changé en vin, la propriété aménagée, etc. ;
3° le commerce économique qui consiste à vendre des objets dont on n'a pas besoin, par exemple les fruits d'un jardin ou d'un champ, des meubles inutiles, des cadeaux reçus dont on veut se défaire ;
4° le commerce dit politique dans lequel on a en vue, non le gain, mais le service d'un groupement de personnes, par exemple les achats faits par les procureurs des Missions en vue des missionnaires, par les économes de collèges (fournitures scolaires) pour les élèves, etc.

Sont défendus par la loi ecclésiastique :
a) le commerce purement lucratif  (negatiatio  lucrativa) ;
b) le commerce industriel, quand on a fait transformer les matières premières ou les terres par des ouvriers payés pour cela ;
c) la spéculation sur les valeurs (titres ou monnaies) de Bourse.

Un clerc peut vendre au prix du marché les produits d'une terre, d'un jardin, d'un verger qu'il travaille. Il est admis qu'il peut transformer par son propre travail manuel ou artistique les matières ou objets qu'il achète ou qu'il possède et les revendre plus chers une fois transformés. Un clerc est en droit de vendre les produits de son talent, livres, brochures, tableaux, morceaux de musique, brevets d'invention. Il est interdit au clerc de faire du commerce pour venir en aide à des personnes inexpérimentées ou pour sauver une entreprise commerciale. Cependant un clerc qui obtiendrait par héritage le commerce de ses parents et ne pourrait y renoncer, ni le liquider tout de suite, sans sérieux inconvénient, pourrait obtenir de son Ordinaire l'autorisation d'exercer pendant quelque temps ce commerce par l'intermédiaire d'une autre personne.



Pour rendre plus ferme et plus uniforme la discipline ecclésiastique en cette matière et prévenir les abus, S. S. le Pape Pie Xii a daigné décréter que tous les clercs et les religieux de rite latin dont il est question dans les canons CIS 487 et CIS 681, y compris les membres des nouveaux Instituts Séculiers6, qui exerceront, soit directement, soit par intermédiaire, le commerce ou le négoce, de quelque manière que ce soit, même des devises, pour leur profit ou celui des autres, en opposition avec le canon CIS 142, s'ils se rendent coupables de cette infraction, encourront l'excommunication latse sententiae, réservée speciali modo au Saint-Siège ; et, si le cas le comporte, ils seront frappés en outre de la dégradation. Les supérieurs qui, le devant par leur charge et le pouvant, n'auraient pas empêché ces fautes, devront être destitués de leur emploi et déclarés inhabiles à toute charge de gouvernement ou d'administration.

Enfin, tous ceux qui, par leur ruse ou par leur culpabilité, portent la responsabilité de ces délits, gardent toujours l'obligation stricte de réparer les dommages causés 7.


Il n'est pas interdit aux clercs de posséder ces titres ou valeurs mobilières appelées obligations. Au sujet des actions de certaines sociétés, l'accord entre les auteurs n'est pas unanime et il faut distinguer entre sociétés commerciales, anonymes, coopératives, bancaires, etc. A s'en tenir à certaines réponses du Saint-Siège, et quand il s'agit de sociétés anonymes et coopératives, il semble que le clerc puisse licitement posséder des actions de ces sociétés, à condition de s'abstenir de spéculation et de ne pas prendre part directement à certaines charges ou mandats administratifs de nature à l'engager dans le commerce proprement dit (La Documentation Catholique, t. XLVII, c. 783).


6 Les Instituts séculiers dont les membres « font profession de pratiquer dans le monde les conseils évangéliques » ne peuvent toutefois pas être soumis exactement aux mêmes obligations que les clercs et les religieux en matière de commerce (cf. Constitution apostolique Provida Mater Ecclesia du 2 février 1947).
7 Cf. R. P. Saturnino Manzoni O. F. M., L'Attivita commerciale e il Clero dans Rivista dei Clero Italiano de décembre 1950.


Pie XII 1950 - LETTRE DE LA S. CONGRÉGATION DES SÉMINAIRES A L'EPISCOPAT DU BRÉSIL