Pie XII 1950 - PROBLÈMES ACTUELS


LETTRE DE MONSEIGNEUR MONTINI A SON EM. LE CARDINAL FOSSATI, ARCHEVÊQUE DE TURIN A L'OCCASION DU PREMIER CONGRÈS INTERNATIONAL DES AUMONIERS DE PRISONS

(27 septembre 1950) 1

Du 2 au 7 octobre 1950 se tint à Rome, sous le patronage de la Commission Pontificale d'Assistance, le premier Congrès International des Aumôniers de prisons. Son Eminence le Cardinal Fossati, archevêque de Turin, présidant ce Congrès, reçut de la Secrétairerie d'Etat la lettre que voici :

Au début du prochain mois d'octobre, se rassembleront à Rome, venus de nombreuses Nations, les Aumôniers des prisons. Ils mêleront leurs travaux, feront les recherches qui conviennent, pèseront avec soin en même temps la contribution de l'Eglise au cours des siècles, pour aider et rendre à la probité de leur vie d'autrefois ceux qui sont jetés en prison. Ils discuteront pour réchauffer leur piété, renouveler leurs résolutions de travail courageux, obtenir une plus grande abondance de grâces et devenir ainsi plus aptes à leurs fonctions.

Un tel congrès, opportunément réuni au cours de cette Année Sainte, réjouit beaucoup le coeur de l'Auguste Pontife, d'autant plus qu'il apparaît devoir apporter une aide importante à la foule infortunée de ceux qui, privés de la liberté, gisent misérablement dans les fers.

Les participants à ce Congrès examineront particulièrement les préceptes de la doctrine catholique concernant les peines à subir par les prisonniers et leur bien spirituel à procurer ; ils se rappelleront les vertus propres aux Aumôniers des prisons et passeront en revue les méthodes qui semblent les plus propres à notre époque à favoriser leur travail.

Les matières et les questions proposées paraissent à l'Auguste Pontife entièrement dignes de considération. Et le Très Saint Père — qui loue grandement tous les futurs congressistes, maîtres ou auditeurs — désire vivement que tous les Aumôniers des prisons méditent souvent la parole du Divin Rédempteur exposant l'admirable parabole de la brebis perdue et retrouvée : « Qu'il y aura de même plus de joie dans le Ciel pour un seul pécheur qui fait pénitence que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de pénitence2 » ; ce qui fait apparaître clairement qu'ils procureront un motif de grande joie à la Cour céleste, s'ils remplissent leurs fonctions comme il faut. Et qu'ils ne manquent pas de se rappeler assidûment que l'Auteur même de notre salut s'est comparé à ceux qui sont ensevelis dans les fers 3, afin de montrer avec évidence combien lui tient à coeur le soin de ces hommes.

Que les chers Aumôniers de prisons comprennent que de très importantes et très nobles fonctions leur ont été confiées dans le travail de la vigne du Seigneur ; qu'ils s'efforcent de toute leur énergie d'être considérés par les prisonniers comme les ministres et les hérauts de la pitié de Dieu : « Que personne ne désespère des récompenses divines, par le souvenir de ses anciens péchés 4 », mais qu'il sache que la grâce est plus abondante que la prière qu'on en fait5.

En même temps qu'il vous exhorte avec zèle, le Souverain Pontife forme des voeux ardents pour que ce Congrès que vous présidez comme protecteur, arrive à son heureuse conclusion, et en gage du secours céleste et en témoignage de Sa particulière bienveillance, Il accorde de grand coeur à vous et à tous les participants au Congrès la Bénédiction apostolique 6.

2 Luc, 15, 7.

S Cf. Matth., 25, 31 et seq.

4 S. Ambroise, Expos. Evang. sec. Luc, 2, 33.

5 Cf. S. Ambroise, ibid., 10, 121.

6 Les Conclusions du Congrès furent formulées comme suit :

1. Il est nécessaire de provoquer des réunions périodiques des aumôniers catholiques de prisons. Dans toutes les nations devrait être formé un centre de coordination de l'activité des aumôniers.

La réunion des congrès internationaux devra être organisée de manière à ce que ceux-ci -soient tenus dans différents pays, afin de permettre aux aumôniers de se familiariser avec les divers régimes pénitentiaires.

2. Le Congrès international recommande avec insistance une action d'envergure pour la réforme du milieu pénitentiaire. Tous les rapports présentés au Congrès ont souligné l'importance de ce milieu dans les efforts de rééducation sociale, morale et religieuse des détenus.

Il faut que l'on mette fin au régime en vigueur dans plusieurs pays, que l'on supprime les « locaux lugubres et malsains », dans lesquels les prisonniers sont condamnés à dépérir physiquement et moralement. Dans la construction des centres de détention, il est absolument indispensable que l'on s'inspire des exigences de la personne humaine.

3. En ce qui concerne le problème de la délinquance Juvénile, lié à celui de la désintégration de la famille, des structures économiques et sociales de l'époque actuelle et de l'enseignement, le Congrès souhaite :

a) que la place la plus large soit réservée dans l'enseignement à l'éducation religieuse. Que l'oeuvre de l'école soit poursuivie par des institutions para-scolaires temporaires ou permanentes ;

b) que l'Etat exerce une plus grande surveillance sur la moralité de la presse, de la radio et du cinéma ;

c) que l'Etat lutte pour assurer des conditions de vie meilleure à la jeunesse abandonnée, pour assainir les bourgades périphériques des grandes agglomérations urbaines, pour supprimer, dans toute la mesure du possible, le chômage, une des causes principales de la délinquance juvénile, et combattre énergiquement la propagande anti-religieuse.

4. En ce qui concerne la délinquance des mineurs et leur rééducation, le Congrès exprime le voeu que les principes religieux et moraux du christianisme soient à la base de la rééducation des mineurs ; qu'une discrimination soit établie entre l'enfant instable et le jeune coupable ; que le choix des personnes commises aux soins de ces jeunes coupables soit effectué avec un grand discernement et qu'au lieu et place des méthodes de coercition, l'esprit de famille préside à l'oeuvre de réadaptation de ces enfants.

1 D'après le texte anglais des A. A. S., XXXXII, 1950, p. 825.

2 Le premier archevêque de Westminster fut Mgr Wiseman créé cardinal en 1850.


RADIOMESSAGE '!

AUX CATHOLIQUES D'ANGLETERRE

(ier octobre 1950)1

Dès le IIe siècle, l'Angleterre peuplée de Bretons comptait des chrétiens ; mais refoulés par les invasions, ils firent place à des peuples étrangers et païens. En 6g6, Grégoire Ie' envoya saint Augustin de Cantorhéry êvangéliser ce pays. Vers la fin du VIIIe siècle, l'ensemble du pays est converti au catholicisme.

Au XVIe siècle, la Réforme protestante atteignait YAngleterre sous le Règne d'Henri VIII. A partir de ±536, des vagues de persécution tentèrent de submerger le catholicisme. Depuis lors, celui-ci n'eut plus d'existence légale. Toutefois, clandestinement, des missionnaires continuèrent à êvangéliser le pays. Ce n'est qu'en 182g, que les catholique* anglais retrouvèrent leurs droits civils, mais, vu le nombre relativement restreint de prêtres et de fidèles, l'Angleterre demeurait une terre de mission. Par le bref Universalis Ecclesiae du 2g septembre 1850, Pie IX, vu les progrès du catholicisme dans l'île, rétablit la hiérarchie en Angleterre et institua Y archevêché de Westminster et douze évêchés suffragants 2.

Voulant commémorer cet événement, de grandes solennités réunirent les catholiques anglais durant les derniers jours de septembre igso et, en particulier, une cérémonie religieuse réunissait le ie' octobre ig5° près de 100.000 participants dans le stade de Wembley, dans la banlieue de Londres.

Entourant le Légat pontifical, six cardinaux et soixante-six evêques étaient présents, et on y entendit le message suivant, envoyé par Pie XII '¦ Vénérables frères et chers fils et filles, réunis dans la ville de Londres pour célébrer le centenaire de la Hiérarchie : Avec le vif intérêt d'un Père aimant, Nous avons suivi de loin les

splendides cérémonies organisées pour l'heureuse circonstance du centenaire de la restauration de la Hiérarchie catholique en Angleterre et dans le pays de Galles. Cette ancienne Hiérarchie avait tout d'abord été établie par Notre auguste prédécesseur saint Grégoire-le-Grand et pendant près d'un millier d'années, elle avait été unie au Saint-Siège par les liens d'une soumission filiale, un millier d'années durant lesquelles une glorieuse légion de saints honora votre pays et une dévotion ardente pour la Mère de Dieu lui valut d'être appelée « le douaire de Marie ».

Lorsque ces liens furent brisés et que, par un dessein mystérieux de la Providence, les ténèbres de la nuit descendirent sur l'Eglise d'Augustin3, de Thomas 4, d'Edmond5, de Wilfrid d'York 6 et de Hugues de Lincoln 7, alors Dieu fit se lever cette génération d'étonnants héros, entraînée à l'école d'un Chef crucifié à ne craindre ni la torture, ni la potence, qui vint maintenir la lumière vacillante d'une Foi qui ne voulait pas mourir. Avec quelle vénération et quels souvenirs pieux, un fidèle prie devant le tableau du Roi des Martyrs dans la chapelle vénérée du Collège anglais, alors qu'il revoit dans son esprit un Sherwin 8, un Campion    un Southwell10 et une foule d'autres

S Saint Augustin de Cantorbéry, du monastère du Mont Ccelius à Rome, fut envoyé à la tête d'une équipe de moines pour prêcher l'Evangile aux Angles et aux Saxons ; ils fondèrent l'abbaye de Cantorbéry, le roi Ethelbert fut baptisé vers 600 et l'Angleterre s'ouvrit largement aux missionnaires.

4 Saint Thomas Becket de Cantorbéry (1117-1170), ministre de Henri II, fut nommé en 1162 archevêque de Cantorbéry. S'opposant aux empiétements du roi, il vécut en exil en France et, revenu prendre possession de son siège, il fut assassiné par des émissaires du roi.

5 Saint Edmond (1190-1240) né à Abingdon près d'Oxford, ayant terminé ses études a Paris, devint un prédicateur eminent dans son pays ; il fut élu archevêque de Cantorbéry et à la suite d'un différend avec le roi d'Angleterre, Henri III, il se retira à l'abbaye de Soing en France où il mourut.

6 Saint Wilfrid d'York (634-709), moine anglo-saxon, assura solidement l'influence du catholicisme sur les territoires du nord de l'Angleterre. Il fut élu évêque d'York.

7 Saint Hugues de Lincoln né en Bourgogne en 1140 ; il entra à la Grande-Chartreuse et vint fonder la première chartreuse en Angleterre à Witham, dans le Somerset, en 1175. M fut nommé évêque de Lincoln en 1181. Il fut le conseiller des rois Henri II et Richard 1er. '1 mourut en 1200.

8 Sherwin étant étudiant à Oxford, s'est converti au catholicisme en 1570 et a été ordonné à Douai en 1577. Rentré en Angleterre, en 1580, il subit le martyre à Tyburn le 16r décembre 1581.

9 Edmond Campion, après s'être converti et avoir achevé son noviciat dans la Compare de Jésus à Prague, revint faire du ministère en Angleterre de 1586 à 1592. Il eut la rePutation d'un intellectuel de grande classe. Il mourut martyr en 1592.

ecclésiastiques et laïcs. Ils moururent, mais la Foi en Angleterre survécut.

Près de trois siècles s'écoulèrent, puis Notre prédécesseur Pie IX, de vénérée mémoire, décida que le moment était venu pour l'Eglise catholique d'Angleterre de reprendre sa place dans la constitution normale de l'Eglise, et par la Lettre apostolique Universalis Ecclesiae, il rétablit en Angleterre et dans le pays de Galles, la hiérarchie ordinaire des Evêques, pour le gouvernement des catholiques dans chaque diocèse.

Aujourd'hui, vous vous arrêtez pour mesurer les progrès réalisés au cours de ces cent années qui s'achèvent, et Nous désirons que vous sachiez que Nous sommes en esprit, au milieu de vous au moment où vous vous agenouillez devant le Dieu de l'Eucharistie pour offrir votre prière d'action de grâces. Nous le remercions pour les innombrables grâces qu'il a répandues sur nos chers fils et filles au moyen de la fréquente et large administration des sacrements et du Sacrifice du Calvaire, renouvelé quotidiennement dans les églises dont le nombre augmente constamment dans le pays. Nous Le remercions pour les deux mille écoles catholiques et plus qui se dressent comme des monuments du généreux sacrifice personnel et de la foi. Nous rappelons avec gratitude, les nombreuses maisons religieuses, masculines et féminines, qui ont été fondées, et toutes les institutions charitables, hôpitaux, orphelinats, maisons de relèvement, que chaque évêque a créées dans son diocèse, et où des soins affectueux sont prodigués aux malades, aux vieillards, aux enfants abandonnés ou aux orphelins, par tant de soeurs, de religieux et de laïcs dévoués. Nous Nous réjouissons que les lettrés catholiques aient pris une place d'honneur dans les Universités ; ils ont apporté une haute contribution à la culture chrétienne grâce à l'apostolat de la parole écrite, et dans le domaine du journalisme, ils ont aidé et aident si efficacement à propager la vérité. Le zèle de la Hiérarchie et la fidélité et la persévérance du clergé et du laïcat et leurs réalisations, ont joyeusement couronné les chères espérances de Pie IX u.

10 Robert Southwell (1561-1595) fit ses études chez les Jésuites de Douai et son noviciat dans la Compagnie de Jésus à Tournai. Exerçant son apostolat en Angleterre, il fut dénonce et pendu à Tyburn (Londres).

11 Les statistiques nous disent qu'en 1950, il y a en Angleterre (non compris le pays de Galles), trois archevêchés et quinze évêchés résidentes.

Il serait trop long de citer l'ensemble de tous ceux qui ont droit aujourd'hui à un souvenir reconnaissant ; mais nous ne pouvons passer sous silence deux noms qui ajoutent un lustre particulier aux pages de votre histoire du XIXe siècle : John Henry Newmann 12, le plus humain, le plus éloquent interprète de la parole de Dieu, dont le souvenir immortel fait revivre le souvenir du Premier Synode de la Hiérarchie rétablie, et Henry Edward Manning13, champion du travailleur, héraut et apôtre d'une ère de plus grande justice et concorde sociales.

Nous savons bien, Vénérables Frères, que ce progrès n'a pas été accompli sans peines ni difficultés. Notre coeur éprouve une sympathie spéciale pour les évêques et les prêtres du pays de Galles 14, où les catholiques sont peu nombreux et dispersés et où la pauvreté et la solitude doivent être bien souvent les compagnes de ces vaillants apôtres qui voudraient élargir le Royaume de Dieu sur la terre. Nous leur disons : regardez vos illustres martyrs, le Bienheureux Richard Gwyn 15 et le Bienheureux David Lewis lfl, et allez de l'avant avec courage et avec allégresse.

Il y avait :

en 1850 en 1950

1.000.000 3.000.000 catholiques,

826 6.645 prêtres,

597 2.868 églises publiques,

70 1-547 couvents,

200 2.328 écoles.

12 John Henry Newman (1801-1890) passa sa jeunesse à Oxford où il devint professeur et pasteur anglican. En 1845, il se convertit au catholicisme et en 1846, il était ordonné prêtre à Rome. Rentré en Angleterre, il fonda la Congrégation anglaise de l'Oratoire. Il fut créé cardinal en 1879.

13 Henry Edward Manning (1808-1892), pasteur de l'Eglise anglicane, se convertit en 1851 au catholicisme et fut ordonné prêtre à Rome. En 1865, il fut nommé archevêque de Westminster et succéda à Mgr Wiseman.

14 Le pays de Galles comporte aujourd'hui : l'archidiocèse de Cardiff et le diocèse de Menevia. Ensemble, les deux diocèses totalisent :

3S5 prêtres, 138 paroisses, 110.000 catholiques,

sur une population totale de 2.700.000 habitants.

En moyenne on n'y compte que 350 conversions par an.

15 Le bienheureux Richard Gwyn, né en 1537, étant étudiant à Cambridge, devint catholique. Il devint instituteur, fut jeté en prison et durant sa réclusion, qui dura quatre ans, il écrivit de nombreux poèmes religieux en gallois. Il fut exécuté à Wrexham en 1584. C'est le premier martyr du pays de Galles.

18 Le bienheureux David Lewis, né en 1616, étudiant en droit, se convertit au catholicisme et entama en 1638 ses études en vue du sacerdoce ; en 1644 il était ordonné prêtre

et revint en Angleterre comme Jésuite missionnaire. De 1648 à 1678 il parcourut le New-mouthshire jusqu'à son arrestation et son martyre qui eut lieu le 27 août 1670.

17 Le roi Georges VI est né le 14 décembre 1895 et est monté sur le trône le 12 décembre 1936, à la suite de l'abdication de son frère, Edouard VIII, actuellement duc de Windsor.

18 En de nombreuses circonstances, Pie XII a appelé tous les chrétiens à collaborer, et a montré sa sympathie à tous les hommes de bonne volonté, par exemple dans son Encyclique Sertum Laetitiae du ier novembre 1939 (lire de même Documents Pontificaux iQ48f PP 216-217).

19 Le cardinal Bernard Griffin, archevêque de Westminster, a été nommé Cardinal-Legat à l'occasion des cérémonies du centenaire. On trouvera p. 375 la lettre du 16 septembre 195° le nommant Légat pontifical.

20 On lira le livre du centenaire The Englich Catholics, 1850-1950, édité par Son Excellence Mgr Beck (Ed. Burus-Oates, Londres, 1950).

Enfin, vous remercierez Dieu de ce que, à la différence d'un grand nombre de vos frères catholiques dans d'autres parties du monde, vous jouissiez de la bénédiction inestimable de la paix et d'un gouvernement bien réglé, sous Leurs gracieuses Majestés le Roi et la Reine. Nous exprimons Nos sentiments de profonde estime pour Sa Majesté George VI et Sa Majesté la Reine Elisabeth, et Nous prions pour qu'il puisse leur être accordé par Dieu un long règne, prospère et pacifique ".

Nous ne pouvons terminer sans un message à tous les hommes de bonne volonté en Angleterre et au pays de Galles, qui ont le désir de servir Dieu, mais qui ne sont point en communion avec le Siège de Pierre. Nous désirerions qu'ils fussent convaincus qu'eux aussi, ils ont une place dans Notre coeur et que Nous prions souvent pour leur félicité dans ce monde et dans l'autre 1S.

Et maintenant, comme gage de Notre paternelle affection pour tous, Nous donnons Notre Bénédiction apostolique. Nous l'accordons en ce moment de tout Notre coeur à Notre cher Fils que Nous avons été si heureux de désigner comme Notre Légat à la célébration de votre centenaire I9. Nous l'accordons à Nos Frères dans l'Episcopat, à tous les prêtres, à l'assemblée de tous les fidèles et, tout spécialement, à tous ceux qui ont travaillé si activement à l'organisation des fonctions liturgiques, des manifestations et des nombreuses cérémonies et séances qui ont accru la splendeur du Congrès. Que Dieu vous bénisse tous, chers fils et filles de l'Angleterre et du pays de Galles. C'est une grande espérance que votre chère Mère l'Eglise place en vous. Puisse le prochain siècle démontrer combien vous êtes hautement dignes d'elle 20.


DÉCRET DE LA S. CONGRÉGATION DU SAINT-OFFICE CONDAMNANT UN LIVRE DE JOSEPH KLEIN

(2 octobre 1950)1

En la session générale de la Sacrée Congrégation du Saint-Office, les Eminenti s sime s et Révérendissimes cardinaux chargés de la garde de la foi et des moeurs, après avoir pris conseil des Pères consulteurs, ont condamné et ordonné d'inscrire dans la liste des livres prohibés, l'ouvrage de Joseph Klein : Grund-îegung und Grenzen des Kanonischen Rechts (Tubingen 1947)2.

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXII, 1950, p. 739.

2 L'abbé Joseph Klein est né en 1S96 et fut ordonné en 1922 à Cologne ; il fit ses études à Rome et devint docteur en droit canon à la Grégorienne et docteur en théologie à Bonn.

De 1929 à 1949, il fut professeur de droit canon du séminaire ecclésiastique de l'archi-diocèse de Cologne, à Bemberg ; depuis 1949, il est professeur de philosophie scolastique à l'Université de Gôttingen.

Dans une controverse avec le juriste protestant Rudolf Sohm (mort en EN 1917) qui défendait la thèse : « que le Droit Canon est en opposition avec l'essence de l'Eglise », l'abbé Klein démontre que, dans l'ordre sacramentel institué par le Christ dans son Eglise, le droit a dû nécessairement être introduit dans l'Eglise, mais il s'agit d'un droit de nature spéciale, « un droit spirituel », qui est un droit réel, mais diffère fondamentalement du droit laïc. II n'a pas, en effet, comme ce dernier, à réaliser un ordre juridique déterminé a priori, rnais doit servir au même but que celui auquel tendent les sacrements : sanctifier les hommes. L'abbé Klein croit que depuis le moyen âge, cette distinction n'a pas toujours été suffisamment prise en considération et qu'à la suite de cela la pensée juridique laïque a, •< dans la théorie du Droit Canon », refoulé trop le côté sacramentel et religieux.

La critique que l'auteur fait du régime juridique de l'Eglise a provoqué la mise à l'Index de ce volume (cf. Allocution aux membres du Congrès du Droit privé, 15 juillet 1950, p. 250)-


ALLOCUTION AUX MEMBRES DU QUINZIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL DES CHEMINS DE FER

(3 octobre 1950) 1

Le XVe Congres International des Chemins de Ver s'est tenu à Rome en octobre 1950, et 800 participants furent reçus en audience au Palais de Castel-Gandolfo. Le Pape prit la parole et s'exprima comme suit, en français :

Vivement touché du témoignage délicat de votre déférence, Nous saisissons avec plaisir l'occasion que vous Nous offrez de vous exprimer, Messieurs, l'intérêt que Nous portons, non seulement au présent Congrès, qui vous rassemble ici de tant de pays divers, mais à toute votre activité, dont personne ne saurait méconnaître loyalement l'ampleur et les difficultés.

Les progrès réalisés depuis un siècle, avec une si étonnante rapidité, dans le développement des communications ferroviaires, n'ont procuré tant d'avantages, tant de commodités, aux particuliers et aux entreprises, qu'au prix d'études, d'initiatives, de travaux diligemment concertés en commune entente internationale et sagement orientés vers la solution de problèmes d'une complexité sans cesse croissante. Les observateurs les plus superficiels ne pouvaient manquer, à la veille de la dernière guerre mondiale, d'admirer à quel point de perfection était parvenu, en si peu de temps, cet immense organisme qu'est dans son ensemble, l'exploitation des chemins de fer.

A la veille de la dernière guerre ? Oui certes, mais alors, que dire aujourd'hui quand, après avoir vu la destruction chaotique des ouvrages d'art, des voies ferrées, des machineries, du matériel roulant, des gares, des dépôts, des ateliers, on peut voir le trafic repris avec une intensité renouvelée.- L'urgence était angoissante : les communications entravées, ruinées, c'était la vie économique des nations et, avec elle, la vie des individus et des familles qui se trouvait paralysée. Mais, cercle vicieux et qui eût pu paraître décourageant : le rétablissement de communications régulières semblait lui-même rendu presque impossible tant qu'il resterait impossible de conduire à pied d'ceuvre tout ce qu'il exigeait en fait de matériaux et d'outillage, d'y assurer le logement et le ravitaillement de toute une population de travailleurs : ingénieurs, employés, ouvriers. Il fallait, pour venir à bout d'une pareille tâche, un prodige d'intelligence et d'ingéniosité, de volonté et de courage, de travail et de sacrifice. Le prodige, grâce à Dieu, a été vaillamment accompli.

Bien plus, on a su tenir compte, dans la restauration, de toutes les ressources nouvelles, afin d'en faire bénéficier toutes les techniques, depuis celles qui regardent la réfection des ponts et chaussées, la pose des réseaux de rails — et ce réseau couvre aujourd'hui 450.000 km. de lignes ! —, la perfection des engins de traction, l'installation, l'ordre et le service des gares, jusqu'à celles qui intéressent la sécurité, l'hygiène, et même le confort des usagers, la fréquence, la rapidité, la régularité, les horaires des trains.

Avec raison, et Nous vous en louons de grand coeur, vous avez tenu à faire figurer à votre ordre du jour, comme un point de capitale importance, le choix et la formation du personnel, afin de le mettre et de le maintenir à la hauteur de sa tâche et de l'encourager à s'en acquitter toujours mieux. Très humainement et en esprit vraiment social, vous vous êtes préoccupés aussi de promouvoir et de perfectionner, en harmonie internationale, les intérêts, la santé, le bien-être des agents et de leurs familles.

Rien d'étonnant si, à l'issue d'un Congrès, dont l'objet est tellement vaste et complexe, vous vous voyez en face de nombreux, graves et difficiles problèmes. C'est beaucoup de les avoir posés clairement, consciencieusement examinés en eux-mêmes, et sur leur plan international. Il vous sera plus aisé de travailler fructueusement à leur solution progressive en cordiale collaboration. Soyez donc félicités, Messieurs, et ne doutez pas que Nous continuerons de suivre vos efforts et vos succès, appelant sur eux les bénédictions de Dieu, les grâces de lumière et d'énergie qui vous sont nécessaires pour mener à bien votre tâche.


ALLOCUTION AUX CURÉS DE CAMPAGNE DE FRANCE

(4 octobre 1950)1

L'oeuvre des campagnes a été fondée en 1854 en vue de procurer des secours spirituels aux paroisses rurales pauvres et abandonnées ; elle subventionne des missions, des écoles, des oeuvres, elle fait parvenir aux curés de campagne des prêts, des ornements d'églises, des livres, des moyens de locomotion, etc.. 2

250 curés de campagne firent, durant l'Année Sainte, leur pèlerinage à Rome, et le Pape leur adressa une brève allocution :

Nous saluons avec une grande joie et une singulière affection les vaillants curés de campagne de France dont l'apostolat, souvent pénible, est, dans son humble obscurité, précieux entre tous pour le relèvement, pour le maintien, pour le progrès de la vie chrétienne dans une partie considérable et particulièrement estimable du peuple français.

Que par eux, Notre merci parvienne à l'admirable OEuvre des Campagnes qui, depuis si longtemps, s'est faite la Providence des paroisses pauvres et du clergé sans ressources.

1 D'après le texte français de l'Ossercafore Romano du 8 octobre 1950.

2 Le siège de l'oeuvre est situé 2, rue de la Planche, Paris.

(11 octobre 1950) 1

En 1251, saint Simon Stock 2 reçut d'une manière surnaturelle l'assu- rance d'une protection spéciale de Notre-Dame en faveur de l'Ordre du Carmel et de tous ceux qui porteraient l'habit de l'Ordre, tel qu'il est connu sous le nom de « scapulaire ».

Lors d'une audience accordée au Congrès carmélitain, le Pape se plut à rappeler cet événement :

Notre premier souhait de bienvenue s'adresse ce soir aux participants du grand Congrès international carmélitain. Il y a juste trois semaines, se levait l'aurore du septième centenaire écoulé depuis le 16 juillet 1251, date mémorable, non seulement pour l'Ordre du Carmel et pour tous ses affiliés, mais pour le monde entier. Depuis ce jour, en effet, combien d'âmes ont dû, même en des circonstances humainement désespérées, leur suprême conversion et leur salut éternel au scapulaire dont ils étaient revêtus ! Combien aussi, dans les dangers du corps et de l'âme, ont senti, grâce à lui, la protection maternelle de Marie ! La dévotion au scapulaire a fait couler sur le monde un fleuve immense de grâces spirituelles et temporelles. Vous en commémorez l'institution avec joie et piété, avec reconnaissance et confiance. C'est très bien et Nous Nous en réjouissons.

Le scapulaire est essentiellement un « habit ». Qui le reçoit est, par sa vêture, associé à un degré plus ou moins intime, à l'Ordre du Carmel. Qui le porte fait profession d'appartenir à Notre-Dame, tout comme le chevalier du treizième siècle — où remonte l'origine du scapulaire — qui se sentait sous le regard

1 D'après le texte français de VOsservatore Romano du 13 octobre 1950.

2 Saint Simon Stock (1175-1265) est né dans le comté de Kent en Angleterre ; il entra en 1201 dans l'Ordre du Carmel dont il fut élu supérieur général en 1245. Il mourut à Bordeaux en 1265.


ALLOCUTION AUX TERTIAIRES CARMÉLITAINS

de « sa dame », vaillant et sûr dans le combat et qui, portant « ses couleurs », eût préféré mille fois mourir que de les laisser ternir.

Aussi, mes chers fils et chères filles, vous exhortons-Nous à marcher d'une manière digne de votre vocation sur les pas des grands Saints que le Carmel a donnés à l'Eglise. Cultivez la vie intérieure et, selon l'esprit de votre Règle, pratiquez avec zèle les oeuvres de mortification et de pénitence : priez pour la propagation de la foi, pour le progrès de l'Eglise, pour les Chefs d'Etat, pour les prisonniers, pour les défunts, pour la conversion des pécheurs, pour la paix du monde. Soyez, pour tous les fidèles, un exemple et un stimulant 3.

3 Cf. Lettre à l'occasion du Vile Centenaire de l'institution du Scapulaire des Carmes, il février 1050, p. 34.


ALLOCUTION AUX MEMBRES DU CONGRÈS CATÉCHISTIQUE INTERNATIONAL

(14 octobre 1950) 1

La deuxième semaine d'octobre sous le patronage de la Sacrée Congrégation du Concile, un vaste Congrès — où un délégué par diocèse avait été invité — se tint à Rome 2, afin de discuter tous les problèmes concernant l'enseignement de la religion à la jeunesse. Les congressistes furent reçus en audience à Castel-Gandolfo, ce qui fournit au Saint-Père l'occasion de faire l'allocution suivante :

Le Pape souhaite la bienvenue aux congressistes :

C'est avec une grande joie et d'un coeur confiant que Nous vous accueillons, vénérables Frères et chers fils, qui avez tenu à Rome votre Congrès catéchistique international. C'est à juste titre que l'on a dit de lui qu'il ne le cédait en rien à ceux qui se sont tenus récemment dans la Ville Eternelle, surtout si l'on tient compte de ce qui en souligne l'importance et la gravité : qui le convoqua — la Sacrée Congrégation du Concile —, ceux qui y participèrent — des hommes de valeur, venus de diocèses du monde entier —, enfin les sujets qui y furent traités — la doctrine catholique dans son ensemble et en tant qu'elle est à prêcher aux diverses classes de la société.

Le Saint-Père rappelle à ce sujet le but de l'Année Sainte :

Vous avez voulu que cet important Congrès eût lieu durant l'Année Sainte, qui va vers sa fin, afin de donner à vos réunions et à vos travaux les meilleures conditions ; et vous ne pouviez choisir de façon plus sage et plus louable. En effet, le nom

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXII, 1950, p. 816.

2 En 1948, un premier Congrès plus modeste réunissait à Salzbourg les spécialistes de l'enseignement du catéchisme.

d'Année Sainte ne conviendrait que partiellement à ce laps de temps, si elle rendait seulement la grâce aux coupables qui l'ont perdue en les conduisant à « expier les fautes commises et à changer de vie 3 », si elle les poussait seulement à des actes de piété et de charité. De l'Année Sainte, Nous attendons à bon droit de plus grands biens : Nous attendons la restauration et l'accroissement de la vie chrétienne partout où elle s'étend • Nous excitons tous les hommes à la lutte et à faire effort pour « pratiquer la vertu et atteindre la sainteté 4 ».

Toutefois, cette oeuvre âe sanctification des hommes est difficile :

Quels sont donc maintenant les obstacles qui s'opposent à une oeuvre si haute ? Quels sont les secours qui, de par leur nature, la favorisent ?

Le Pape énumère les obstacles :

On a tellement parlé des obstacles que leur recensement et leur énumération peuvent sembler bien difficiles. Certains sont d'ordre intérieur, d'autres d'ordre extérieur :

Obstacles intérieurs :

De l'intérieur proviennent les mouvements d'une âme troublée, l'orgueil, la débauche, le mépris du travail, la fuite devant la souffrance.

2°  Obstacles extérieurs :

Du dehors les sollicitations de l'esprit mauvais, la frivolité, et la fascination du monde pécheur et, surtout, aujourd'hui, des erreurs répandues jusqu'à la profession ouverte d'athéïsme, pour ne pas parler des organismes qui n'ont pas honte d'inculquer de force des idées fausses à l'enfance elle-même dans son âge le plus tendre.

Mais ces obstacles sont particulièrement difficiles à surmonter pour ceux qui n'ont pas une foi solide. Il est donc de première importance d'assurer au peuple chrétien une bonne formation doctrinale :

On dira que ce fondement réside dans les lois, les principes, les usages, les coutumes légitimes. Tout cet ensemble, si bon

3 Cf. Bulle d'Indiction de Jubilé Jubilseum Maximum, 26 mai 1949, Documents Pontificaux 1949, p. 198.

4 Ibidem.

soit-il, forme les rameaux et non la racine ; et dès lors, il a de par sa nature une grande utilité, si ensuite la doctrine de vérité abonde pour le vivifier, doctrine qui embrasse les dogmes, les lois morales, et les règles du culte divin. Si, au contraire, le substratum doctrinal fait défaut, tout le reste demeurera vide de sens et nuageux. Mais si la doctrine est l'objet d'études approfondies, et se traduit dans les actes, l'influence des maux que Nous déplorions tout à l'heure, sans peut-être disparaître complètement, (ce qui malheureusement n'arrive que très rarement), sera du moins diminuée et permettra à l'homme (Nous disons l'Homme chrétien) de progresser plus facilement.

Il convient donc de se réunir afin de découvrir ensemble les moyens les plus efficaces pour donner cette formation :

Mais la foi catholique et la doctrine chrétienne ne peuvent guère produire de fruits de salut dans l'humanité si maîtres et professeurs ne répandent pas largement, de façon adaptée, avec ardeur et effort, les vérités dont les âmes ont besoin et qu'elles demandent avec instance. Votre Congrès s'est proposé de répondre à ces exigences et d'étudier les remèdes à apporter aux déficiences qui pourraient se vérifier.

Le Souverain Pontife rappelle que l'oeuvre de catéchisation est une des plus importantes qui soient :

Nous saisissons avec joie cette occasion pour vous donner — à vous qui êtes présents et à tous ceux qui se consacrent à l'instruction religieuse — Notre paternelle approbation, et pour vous féliciter de l'immense travail accompli dans le monde entier, pour enrichir et combler la jeunesse des richesses de la foi chrétienne, et pour en affermir la possession chez les aînés, non sans profit pour le développement de la Sainte Eglise de Dieu. C'est à tort que certains tiennent votre ministère pour humble : il est grand et est justement mis au nombre des oeuvres apostoliques qui sont les plus importantes et vraiment de premier plan.

Le fait qu'on dispose de nombreux catéchistes laïcs ne dispense pas le prêtre de donner lui-même Y enseignement religieux dans certaines circonstances :

Que si le nombre insuffisant des prêtres exige et réclame que de nombreux laïcs des deux sexes soient choisis chaque

année, formés et nommés pour donner cette instruction, il est cependant très souhaitable que les prêtres eux-mêmes se consacrent à ce saint ministère, car l'expérience prouve que l'instruction religieuse donnée par un prêtre profondément attaché à sa foi, et au coeur plein d'amour contribue à attacher le mieux les enfants aux prêtres et à l'Eglise.

Le Pape félicite les congressistes pour le travail accompli lors de cette session :

Quant à votre Congrès, ce qui vous y fut proposé par les conférenciers s'étend, ou du moins touche, à tout ce qui concerne le catéchisme : de l'instruction religieuse à tous les âges, enfants, adolescents, adultes, jusqu'au problème de l'adaptation des locaux à cet enseignement. Il fut question des paroisses, des écoles de tout genre, de ceux qui enseignent, de leurs tâches respectives, de leurs organisations, sur un plan général ou paroissial ou diocésain, des prêtres et de leurs aides laïcs, enfin des divers moyens matériels qu'ils peuvent utiliser. Des maîtres qualifiés exposèrent les questions ; une discussion libre, mais bien ordonnée, suivit, ayant surtout pour but de fixer des règles et des conclusions utiles pour la vie pratique. Aussi sommes-Nous persuadé que votre Congrès portera des fruits excellents et durables.

C'est le dogme affirmant Dieu, le Christ, l'Eglise qui doit d'abord être enseigné :

Comme Nous vous l'avons rappelé, l'instruction religieuse doit s'étendre à tout ce qui est la doctrine de l'Eglise : dogme, morale, liturgie. Tout particulièrement, dans l'instruction religieuse des aînés, il importe grandement de mettre au premier plan Dieu, le Christ et sa divinité, et l'Eglise fondée par Lui. Si ces trois points de la doctrine chrétienne sont profondément enracinés dans les esprits et cela dans l'enceinte de l'école, et dans la vie courante, d'autres points de la doctrine présenteront des difficultés beaucoup moins grandes.

Des précisions sont données quant à la méthode à employer :

Si difficiles qu'ils soient, ces points ne doivent pas moins être exposés selon l'âge, l'intelligence et la science. Avec les adolescents, et surtout dans les classes les plus élevées, on peut et l'on doit parfois traiter des questions peut-être secondaires, mais qui sont utiles dans la vie, et les problèmes de philosophie chrétienne : de même les questions qui se posent à propos de l'Ecriture Sainte, des sciences naturelles et de l'histoire. Quant à la méthode d'enseignement, la clarté de l'exposé, l'autorité dans les explications importent sans aucun doute ; la parole sera attachante, si elle est vivante, aimable, riche en images, illustrée par des exemples et des comparaisons, mais, en ce domaine, deux écueils sont à éviter : d'une part, il faut veiller à ce que pour distraire et reposer les esprits, on ne manque pas de respect à ce qui est sacré, on ne blesse pas la piété, les convictions intimes, et que l'esprit et la mémoire ne retiennent pas que l'allégorie ou l'histoire, alors que l'essentiel resterait malheureusement dans l'ombre ; d'autre part, il faut éviter que la matière enseignée ne soit fixée que selon la volonté, les désirs, le jugement changeant des élèves, renouvelant aujourd'hui ce qu'Isaïe reprochait à ses contemporains : « Parlez-nous de ce qui nous plaît5. »

Le Maître doit d'ailleurs donner l'exemple :

De ce que Nous venons de dire se déduit facilement ce qui concerne le maître. En accomplissant sa mission, qui est surnaturelle sous tous rapports, qu'il soit rempli d'une foi solide et d'une grande piété. (Nous vous ferions injure en insistant davantage) ; qu'il agisse avec audace, qu'avec esprit chrétien il prenne tout en bonne part ; qu'il ne méprise pas l'esprit des enfants et des illettrés ; qu'il ne sous-estime pas la générosité de leur esprit, vu le don gratuit de la foi infuse que Dieu accorde à tous, c'est-à-dire la lumière de la vérité surnaturelle et l'inclination des âmes vers la religion.

Le Catéchiste doit s'adapter à son auditoire :

Autre point digne de relief, le catéchiste se tromperait tout à fait et s'égarerait lamentablement s'il pensait que suffisent pour l'esprit simple de certains auditeurs des connaissances insuffisantes et bornées. C'est tout le contraire. Il est tenu, en effet, par son ministère, d'exposer tout ce qui est l'essentiel de la foi, mais aussi de l'adapter aux ignorants et aux esprits

5 Is., 30, io.

incultes. Il lui faut donc être très psychologue pour apprécier exactement leur degré d'intelligence, il lui faut aussi travailler beaucoup pour se mettre au niveau de ce qui leur est nécessaire

Celui qui enseigne doit sans cesse se perfectionner :

Et ce que Nous disons enfin n'est pas de moindre importance. Il est absolument nécessaire que celui qui enseigne apprenne, apprenne sans jamais cesser. Se gardant de l'oisiveté, de l'indifférence et de la négligence, qu'il prépare avec soin ses sermons, suivant le sujet et le genre, profitant de ses expériences heureuses ou malheureuses, pour acquérir l'art d'enseigner. Tout ce qu'il a à faire sera surélevé par la charité, soutenu par son amour pour la religion, fécondé par la prière.

Le Pape insiste sur la grave responsabilité de ceux qui doivent enseigner la religion :

Tous ces points et bien d'autres encore ont été mis en. lumière par des hommes de doctrine, versés et habiles dans la science catéchistique. Qu'il Nous soit permis d'insister : Nous exhortons tous les prêtres, et en premier lieu ceux qui enseignent la religion dans les classes supérieures, à penser souvent qu'ils auront à répondre devant Dieu de leurs élèves. Notre âme souffre, lorsque dans des enquêtes publiques 6 comme on en fait aujourd'hui, d'après l'âge, le sexe et les enseignements, on constate que la plupart de ceux qui ont perdu la foi, en sont arrivés là par l'insuffisance coupable de prêtres. Au contraire, si certains, qui occupèrent et tiennent le premier rang dans la vie publique, ont persévéré fermement dans la foi catholique et lui sont favorables, cela est dû très souvent à la science et au zèle d'un prêtre, à sa vie exemplaire.

Rentrés dans vos diocèses, faites part du résultat de ce Congrès à vos confrères voués à l'enseignement religieux, faites en sorte qu'animés par votre dévouement, ils nourrissent une-estime de plus en plus grande pour cette sainte et salutaire mission ; aidez-les à remplir leur tâche avec compétence, ferveur' et efficacité.

6 Parmi ces enquêtes, citons : Abbé Jean Jadot, Regard sur noire Jeunesse, dans Regards, Ed. Cité Chrétienne, Bruxelles, 1942 ; R. P. Nabor Devolder, O. F. M., Enquête sur la religion des intellectuels, dans Bulletin de l'Institut de Recherches économiques et sociales, Louvain, 1946, fascicule 7 ; Pierre Blanchard, Nos jeunes ont-ils encore la Foi 1, dans Chronique sociale de France, mai-juin 1948.


Pie XII 1950 - PROBLÈMES ACTUELS