Pie XII 1950 - DISCOURS AUX ÉVÊQUES VENUS A ROME POUR LA DÉFINITION DU DOGME DE L'ASSOMPTION


ALLOCUTION AUX PROFESSEURS ET ÉLÈVES DE L'ENSEÏGNEMENT MOYEN

(4 novembre 1950) 1

la Chaire de Pierre, Nous prenons place uniquement comme Vicaire du Christ, Nous sommes son représentant sur terre ; Nous sommes l'organe par l'intermédiaire duquel fait entendre sa voix Celui qui est le seul Maître de tous *, le Christ, le Verbe éternel du Père, né de la Vierge Immaculée, trône, chaire de la Sagesse divine. N'est-ce pas là sans cloute ce que l'univers catholique tout entier a senti au fond de son âme, ce que Nous avons senti Nous-même au fond de la Nôtre, plus que tout l'univers, en l'instant solennel entre tous, où, par un acte suprême de Notre Magistère, Nous avons proclamé la gloire de Marie triomphant auprès de son Fils, glorieuse au ciel en son âme et son corps 5. Cette pensée vous a fait graver, sur le devant de la cathedra, comme lumineuse illustration du Pape enseignant : Unus est Magister8. Recevez donc l'expression de Notre reconnaissance que Nous vous adressons de tout coeur.

Mais Nos remerciements s'adressent aussi à vous, chers adolescents, élèves des écoles secondaires, ici présents, et à vos compagnons et compagnes d'études. Ce même enseignement du Christ, dont vos professeurs, avec l'offre de cette cathedra, ont affirmé la divine grandeur, vous tenez à votre manière et à l'aide des moyens à votre disposition, à le diffuser dans de lointaines régions, en faisant parvenir à la jeunesse d'une terre où la parole de Jésus est encore peu connue votre « livret missionnaire », ce pain nourrissant qui est la doctrine émanant de la bouche de l'unique Maître et transmise par l'Eglise.

Toutefois ce don, quoique si précieux, ne serait pas suffisant si le petit livre, en traversant les mers, passait de vos mains à celles de vos petits frères lointains, sans que votre propre intelligence soit pleinement illuminée et votre propre coeur enflammé et vivifié par les vérités et par les prières que le livret contient.

Vous recevez de vos professeurs, même sous le voile de la science profane l'esprit chrétien : apprenez donc à découvrir sous ce voile les oeuvres de Dieu, dont les cieux racontent la gloire 7.

* Jer., 1, 9.

5 Le ier novembre 1950, Pie XII proclamait le Dogme de l'Assomption de la Mère de

eu (cf. p. 480).

• Cf. Matth., 23, 8. ' Ps. XVIII, 2.

Surtout, apportez à l'étude de la religion toute la diligence dont vous êtes capables ; étudiez-la, appréciez-la, aimez-la, vous qui aspirez à la faire étudier, apprécier, aimer par les jeunes d'autres peuples. En échange du don que vous leur envoyez, ces frères inconnus prieront pour vous, et leur prière contribuera à faire fleurir, resplendir et fructifier en vous toutes les vertus chrétiennes qui, grâce à votre don, également, auront germé dans leurs coeurs.

Nous avons la plus grande confiance dans la force de leur prière ingénue pour attirer sur vous les plus hautes grâces célestes, en gage desquelles Nous vous donnons de grand coeur, à vous, Professeurs, et à vos collègues, et à vous, élèves, et à vos condisciples, ainsi qu'à vos familles, Notre Bénédiction apostolique 8.

8 D'autres discours ont été adressés au corps enseignant d'Italie : Allocution au premier Congrès national de l'Association italienne des maîtres catholiques, 8 septembre 194° ' discours aux Instituteurs catholiques d'Italie, 4 novembre 1945, 8 septembre 1946, 11 septembre 1943 (cf. Documents Pontificaux 1948, p. 31a).


ALLOCUTION AUX FAMILLES DES AVIATEURS MORTS POUR LA PATRIE

(12 novembre 1950) 1

Le samedi 11 novembre 1950, un hélicoptère descendait Place Saint-Pierre, porteur d'un message pour le Pape, de la part des familles des aviateurs morts pour la patrie. Le lendemain, Pie Xli recevait en audience ces familles auxquelles il disait :

Au filial message que les mères, les épouses et les orphelins des aviateurs morts pour la patrie, que vous Nous avez fait parvenir par l'hélicoptère qui est venu atterrir au seuil de la Basilique de Saint-Pierre, Nous voulons répondre avec des sentiments d'affection paternelle. Nous savons par quels sentiments de sincère dévotion et de piété chrétienne sont mus les participants du pèlerinage organisé par l'Association Nationale des Familles des victimes de guerre de l'Aviation.

Nous contemplons avec les yeux de la foi l'éclatante Croix du Christ, par laquelle la douleur, le sacrifice et la mort se transforment en prière, en rédemption, en source de vie. Nous invoquons le Seigneur afin que sur les mères, sur les épouses, sur les orphelins, sur le peuple tout entier, en souvenir de tant et de tant de chères victimes, descende le don de la paix et de la concorde entre les nations, de cette paix qui rayonne de la lumière de l'éternelle espérance.

Aux promoteurs, à ceux qui se font les messagers de cette pieuse parole, à tous ceux qui prennent part à ce pèlerinage jubilaire, Nous accordons de tout coeur, en gage des dons divins, la Bénédiction apostolique sollicitée.

1 D'après le texte italien de VOsseruatore Romano des 13 et 14 novembre 1950.

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 24, traduction française dans La Documentation Catholique, XLVII, c. 1697.

2 Cf. Discours aux membres du 1er Congrès international des religieux, 8 décembre 1950, p. 5S4.


123 V

LETTRE A S. EM. LE CARDINAL MICARA A L'OCCASION DU CONGRÈS DES RELIGIEUX

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(12 novembre 1950)1 .f

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Son Eminence le Cardinal Micara, venant d'être nommé préfet de la S. Congrégation des Religieux, Pie XII lui envoya la lettre que voici, en vue de préparer le Congrès des Religieux qui devait se tenir à Rome à partir du 26 novembre 1950 2.

C'est avec une grande joie que Nous avons appris que votre S. Congrégation a convoqué ce Congrès de Rome qui doit réunir, à la fin de cette Année Sainte, les principaux délégués de tous les Ordres religieux, des Congrégations, des Sociétés et Instituts séculiers qui, avec l'approbation de l'Eglise, s'adonnent avec ardeur à l'acquisition de la perfection évangélique.

Ceux qui prendront part à ce Congrès ne se contenteront pas, pour faire honneur à leur genre de vie, de gagner avec une piété exemplaire la grande indulgence du Jubilé, mais encore, allant au-devant de Nos désirs, ils s'appliqueront dans leurs méditations salutaires à la restauration et à la rénovation du goût des choses divines et du zèle apostolique, et pendant une semaine, se livrant ensemble à des études sérieuses, ils agiteront des questions de tout genre qui intéressent, en ces temps troublés, la vie des communautés religieuses.

Nous sommes heureux de donner publiquement à ce pieux dessein Notre approbation et Nos encouragements les plus chaleureux, étant convaincu que tous ceux qui, dans l'Eglise catholique, ont embrassé la vie religieuse, suivront de coeur et d'esprit ces prochaines réunions et adresseront à Dieu de ferventes prières, afin qu'ils en retirent pour eux et leurs Instituts les fruits les meilleurs.

Au cours des travaux de cette semaine, on proposera à la méditation des religieux, Nous en sommes déjà informé, des sujets d'études qui nous semblent parfaitement répondre aux besoins les plus actuels de la vie religieuse, en ce qui concerne spécialement la formation des âmes consacrées à Dieu et la poursuite des oeuvres d'apostolat. Il faut, en effet, avec le secours de la grâce du Saint-Esprit, ranimer et rénover les esprits et les volontés, de manière à faire face autant que possible aux nouvelles façons de vivre de notre temps et à la détresse spirituelle de notre époque.

Cette réforme complète de soi et de ce qu'on a, n'est pas du tout l'abdication ou le mépris irréfléchi de tout ce que les aînés ont laborieusement établi, et qui doit être regardé comme la gloire et l'honneur de chaque Institut. Elle consiste plutôt à ne point s'engourdir dans l'inertie, à traduire dans sa vie les grands exemples des fondateurs, à nourrir intensément la flamme de la piété, à mettre tout en oeuvre pour que les saintes lois de chaque Institut ne deviennent pas un assemblage de règles extérieures inutilement imposées dont « la lettre, en l'absence de l'esprit, tue3 », mais que chaque loi soit réellement un moyen d'acquérir la vertu surnaturelle et que ceux qui sont tenus de se servir de ces moyens puissent concevoir un désir toujours plus grand de la sainteté et employer toute leur activité, à l'exemple de l'apôtre saint Paul, au salut de leurs frères.

Mais cette nécessité de s'adapter aux progrès des moeurs actuelles ne signifie nullement, pour les âmes consacrées à Dieu, qu'elles doivent se prêter, en quelque façon que ce soit, aux exigences du monde et à ses folles séductions et à ses appels. Mais leur devoir est de servir d'exemple à tous par l'intégrité de leur vie, d'utiliser, autant qu'il se peut, tout progrès des sciences ou des arts au profit de la religion. Que les dangers et les épreuves qui accablent aujourd'hui l'humanité apparaissent aux religieux comme des moyens de ramener les âmes des fidèles à la pratique des préceptes de l'Evangile, qu'ils se montrent capables de répondre à la multiplication de leurs besoins et que, comme Nous venons de le dire tout récemment dans Notre Exhortation

3 Cf. II. Cor., 3, 6.

Menti Nostrae à tout le clergé 4, qu'ils s'appuient pour s'acquitter de leurs charges, surtout sur les moyens qui leur seront indiqués comme les plus opportuns par leurs evêques et par leurs supérieurs ; les plus efficaces et les plus utiles, tant à la sauvegarde de la dignité sacerdotale qu'à l'observation de l'obéissance religieuse.

Si ces principes et ces règles, sous le patronage prudent et vigilant de cette S. Congrégation, étaient sincèrement compris par tous les religieux, spécialement par ceux qui prendront part au Congrès, et qui, plus est, s'ils étaient soigneusement mis en pratique, on pourrait déjà présager un accroissement de fruits de salut pour la cause chrétienne. En effet, il faut attendre beaucoup — avec la protection de Dieu, le secours de la très-douce Mère du Roi éternel et la prière de la foule des saints qui, en suivant les voies de la perfection évangélique, ont brillé sur cette terre comme des étoiles — de la fidèle et généreuse observance des voeux, des oeuvres apostoliques auxquelles se donneraient tous les religieux, de leur union absolue avec Nous et avec leurs evêques.

En Mère très aimante, l'Eglise, aujourd'hui encore, comme elle n'a cessé de le faire à toutes les époques, reconnaît publiquement la valeur de la vie religieuse ; elle l'encourage et la développe de tous ses efforts. Ne voit-on pas, en effet, resplendir en elle comme dans un miroir l'image de sa sainteté aux nombreux visages et se manifester d'une certaine façon un vaillant appel à la vertu pour les justes et pour les coupables une douce exhortation à se convertir ?

Nous qui savons parfaitement combien ce genre stable de vie commune 5 est aimé du divin Rédempteur 6, Nous supplions instamment le Dieu tout-puissant de lui accorder dans l'Eglise catholique chaque jour plus de vigueur et de prospérité. Enfin, en souhaitant à ce Congrès le plus heureux succès, à vous qui le présidez, et à tous ses membres religieux, Nous accordons de grand coeur, comme gage des célestes lumières et de Notre particulière bienveillance, la Bénédiction apostolique.

4 Cf. Exhortation Menti Nostra? du 23 septembre 1050, p. 394.

5 Cf. canon 487, C. 7. C. Le canon 487 définit l'état religieux « un mode de vie stablel'on mène la vie commune et où — outre les préceptes communs — on observe les-conseils évangéliques et on prononce les voeux d'obéissance, de chasteté et de pauvreté »-

6 Cf. II, Cor. III, 6.


ALLOCUTION AUX PÈLERINS CANADIENS

(13 novembre 1950) *

Un groupe important de pèlerins canadiens était venu à Rome pour assister à la béatification de Marguerite Bourgeoys 2 qui eut lieu le 12 novembre à la basilique Saint-Pierre de Rome3. Le lendemain, lors d'une audience, le Pape prononça l'allocution suivante :

En venant assister à la glorification de la bienheureuse Marguerite Bourgeoys, vous avez eu conscience de faire plus que de contenter votre dévotion ; vous avez voulu payer, en partie du moins, une dette de reconnaissance trop grande pour pouvoir être jamais pleinement acquittée. Il est impossible d'évaluer toute l'amplitude et l'efficacité de son rôle dans l'épanouissement catholique de votre belle patrie. Son influence immense n'a cessé de se faire sentir de son vivant, et durant les trois siècles écoulés depuis sa sainte mort. On peut dire que la Nouvelle France a été vraiment privilégiée et favorisée de Dieu dans une mesure exceptionnelle. Non facit taliter omni nationi. Il n'a fait ainsi pour nul autre peuple 4.

1 D'après le texte français de VOsservatore Romano du 15 novembre 1950.

2 Marguerite Bourgeoys, née en France, à Troye, le 17 avril 1620, quitta son pays natal en 1657 pour faire oeuvre d'éducatrice au Canada. Arrivée à Montréal, elle se voua à l'assistance et à l'éducation ; elle ouvrit la première école de la ville.

En 1658, elle revint à Troyes pour y chercher une quinzaine de collaboratrices ; bientôt celles-ci constituaient un nouvel institut religieux : la Congrégation de Notre-Dame. Marguerite Bourgeoys mourut le 12 janvier 1700.

Aujourd'hui, la Congrégation compte 5.630 religieuses répandues au Canada, aux Etats-Unis et au Japon.

3 On trouvera le décret reconnaissant la validité des miracles en vue de la béatification de la Bse Marguerite Bourgeoys, 3 septembre 1950, A. A. S-, XXXXII, 1950, p. 742 ; lettre déclarant Marguerite Bourgeoys Bienheureuse, 32 novembre 1950, A. A. 5., XXXXII, 1950, P- S79.

4 Ps. CXLVII, 20.

Dans l'espace de quelques années, Il lui envoie des missionnaires héroïques qui, après un prodigieux apostolat d'évangéli-sation, ont fécondé de leur sang la terre qu'ils avaient arrosée de leurs sueurs et de leurs larmes ; Il lui envoie des contemplatifs de la plus haute élévation mystique, qui ont attiré sur lui les plus abondantes grâces du ciel ; Il lui envoie simultanément plusieurs familles religieuses qui, à travers les grilles de leurs cloîtres, catéchisent la jeunesse indigène ; même parmi les chefs militaires et civils, Il lui envoie des hommes éminents par leur ferveur et par leur zèle religieux.

Et pourtant, dans ce firmament où brillent comme des étoiles de première grandeur, ces personnages si saints et si illustres, Marguerite Bourgeoys fait encore resplendissante figure en son humilité ; maîtresse d'école, missionnaire itinérante, fondatrice d'une Congrégation de « filles séculaires », avec lesquelles elle réalise le rêve caressé pour la France par saint François de Sales et le réalise parmi celles qu'on appelait « sauvageresses » ! si bien que sans compter toutes les petites élèves formées et instruites par ses soins, nombreuses étaient ses filles huronnes, entièrement vouées à Dieu et au salut des âmes ; et votre pieux intérêt suit certainement l'ascension de l'une d'elles sur la voie qui conduit, s'il plaît à Dieu, aux honneurs des autels.

Sans Marguerite Bourgeoys, le Canada serait-il ce qu'il est aujourd'hui ? Faites donc monter vers elle, par elle vers Notre-Dame, par Notre-Dame vers Dieu, l'hymne de votre reconnaissance. Qu'elle attire sur vous de nouvelles et toujours plus larges faveurs, pour faire rayonner la lumière du Canada catholique, eucharistique et mariai ! Tel est Notre voeu et Notre prière, en vous donnant, à vous tous ici présents, à tous ceux qui vous sont chers et à votre bien-aimée patrie, Notre Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION A SON EXC. M. LUIS-IGNACIO ANDRADE AMBASSADEUR DE COLOMBIE

(14 novembre 1950) 1

En ce jour, le Pape reçut en audience le nouvel ambassadeur plénipotentiaire de Colombie 2 qui présentait ses lettres de créance ; Pie XII prononça Vallocution suivante :

Le changement du Chef de Mission de l'Ambassade de Colombie auprès de Nous ne signifie aucun changement dans les relations réciproquement amicales qui, par une heureuse tradition, unissent le Siège apostolique et votre beau pays, comme il convient à une nation dont l'histoire est mêlée à celle de l'Eglise même, en Amérique Espagnole, depuis le jour où Alonso de Ojeda, à la fin du XVe siècle, aperçut pour la première fois vos côtes ; ou, plus tard, depuis qu'une pléiade de vaillants et chrétiens explorateurs espagnols — Juan de la Cosa, Vasco Nunez de Balboa, Belalcazar et, surtout, Gonzalès Jime-nez de Queseda — pénétrèrent au plus profond de vos forêts vierges pour leur apporter en même temps la civilisation et la véritable foi.

Les profondes pensées que vient de manifester Votre Excellence en inaugurant sa mission, sont la meilleure garantie de ce que, choisi par le chef d'Etat 3 pour représenter l'illustre nation

1 D'après le texte espagnol des A. A. S., XXXXII, 1950, p. 826.

2 Le nouvel ambassadeur a reçu le diplôme de docteur en philosophie et lettres ; après avoir enseigné durant quelques années il fut nommé secrétaire général de la province de Huila, puis représentant à la Chambre et sénateur, ministre des Travaux publics et de l'Intérieur. Récemment, il fut envoyé comme ambassadeur extraordinaire de la Colombie auprès de l'Organisation des Nations Unies.

3 Le Président de la République colombienne est, depuis le 27 novembre 1949, M. Lau-reano Gomez.

colombienne, vous serez poussé à considérer de plus en plus la nature particulière de la haute mission qui vous a été confiée, en lui apportant toutes les forces de votre esprit et toutes les ressources de votre volonté.

Cette considération, en vérité, conduit par elle-même à reconnaître comme nécessaire et affirmer ouvertement le rôle providentiel et la mission irremplaçable qui correspond à ce Siège de Pierre, au service des plus hautes fins de la chrétienté et de l'humanité ; pour ensuite, dans l'exercice quotidien de sa charge personnelle, en déduire ces conclusions logiques, psychologiques et pratiques qui mûrissent au soleil des problèmes concrets de chaque jour.

Parce que s'il a jamais été nécessaire de passer tout de suite des paroles aux actes ; s'il a jamais été urgent de passer du terrain des principes à celui de la véritable réalisation, en adaptant son propre rythme au rythme vertigineux des événements environnants, c'est le cas de cette période turbulente d'un après-guerre, agité par tant de désaccords, voire sans accord, et affaibli par un manque d'énergie morale, et qui n'a pas toujours été, malheureusement, à la hauteur de ce qu'il aurait dû être.

Ce n'est qu'avec un esprit de plus en plus résolu, plus vigilant et plus actif que les Nations, s'appuyant sur une base chrétienne, pourront réaliser comme il convient ce qu'elles doivent à elles-mêmes et à leurs naturelles et vénérables traditions.

Aujourd'hui, devant la poussée des puissances anti-chrétiennes, ce qui, en des temps normaux et tranquilles n'était pour le simple citoyen et pour l'homme d'Etat qu'un postulat naturel de la conscience nationale et chrétienne, s'est transformé en une nécessité primordiale pour l'affirmation et la conservation de la dignité morale et de la juste liberté humaine.

Cela a été pour Nous, Monsieur l'Ambassadeur, un motif de grande satisfaction et de joie de pouvoir entendre de vos lèvres que les enseignements éthico-sociaux, émanant de ce Siège de Pierre, sont pour le fidèle et religieux peuple colombien et pour ceux qui, en ces moments si troublés, dirigent ses destinées, une sorte d'étoile conductrice, dont on désire suivre la lumière avec une pleine volonté et une claire confiance.

Quiconque connaissant l'impressionnante série de ces enseignements pourra savoir que la voix du Père de la Chrétienté,.

avec ses avertissements et ses exhortations, visant toujours au progrès et au développement harmonieux de la vie sociale, s'est toujours fait entendre avec un accent énergique et sans équivoque ; toujours, dans toutes les occasions où les nécessités ou les erreurs de l'époque ont exigé d'une manière spéciale cette « lumen de coelo », cette lumière d'En-Haut, pour éclairer les pas vacillants de l'humanité.

Comme notre monde vivrait plus heureux, comme il vivrait plus pacifique et plus tranquille, si la parole du Vicaire du Christ, qui s'élève au-dessus du terrain où s'affrontent les intérêts opposés et les partis adverses, avait trouvé, chez les gouvernants et les gouvernés, l'écho naturel et la résonance qu'elle méritait certainement, pour le plus grand avantage de la prospérité authentique et du véritable intérêt de chacune des nations et de toute la société des peuples.

Monsieur l'Ambassadeur, la Providence a voulu que le début de votre mission coïncidât avec un moment où une grande partie de l'humanité qui, malgré son aspiration à la paix, se trouve encore bien loin d'une vraie et saine organisation pacifique, tourne ses regards angoissés vers la roche de Pierre et les enseignements qui en émanent pour pouvoir atteindre au port désiré.

Dans tous les coeurs et tout particulièrement dans le Nôtre, vibrent encore les impressions ineffaçables de cette heure magnifique, où les délégations et les pèlerins du monde entier ont rendu, avec une ferveur extraordinaire, leur hommage filial à la Reine de la Paix, à la Vierge Mère du Roi de la Paix, qui s'est fait homme.

Parmi les privilégiés qui, en ces journées mémorables avaient pris les chemins qui mènent à la Ville Eternelle, se trouvaient également les représentants de la Colombie, fils d'une Amérique éminemment mariale, qui rien que parmi ses plus antiques cathédrales, en compte pour le moins quatorze dédiées à l'Assomption, et parmi celles-ci quelques-unes si fameuses, comme celles de Mexico, de Santiago du Chili, d'Aréquipa et de Cuzco ; héritiers de la foi d'un saint Toribio de Mogrovero, à qui sont attribuées les fameuses litanies dans lesquelles, déjà en plein XVe siècle, on implorait la Très Sainte Vierge « per gloriosam Assumptionem tuam » (par ta glorieuse Assomption) ; citoyens d'une nation qui, ainsi que Nous avons pu Nous-même le noter dans un récent radio-message au Congrès Mariai natio

4 Cf. Radiomessage au Congrès mariai de Bogota, 16 juillet 1946, A. A. S., 38, 1946, p. 324.

nal de Bogota (19 juillet 1946), « parmi ses nombreux titres de gloire et de noblesse... compte comme un des premiers celui d'être un peuple ardemment mariai4 ».

Aussi, que pourrions-Nous donc faire de mieux, en cette solennelle occasion, que d'invoquer la protection maternelle de la Sainte Mère du ciel pour un peuple qui l'aime et la vénère profondément ?

Colombie, pays de hautes chaînes de montagnes, de volcans imposants et de fleuves vastes au point de rappeler la mer ; Colombie, terre des climats les plus variés et des productions les plus diverses, depuis les plages que caresse la mer jusqu'aux plateaux élevés qui arrêtent les vents ; Colombie, la terre classique de l'Eldorado, pays de légendes et de traditions chrétiennes ! Il semblerait que peu de lieux en ce monde fussent appelés plus qu'elle à la prospérité et à la paix.

Que Dieu notre Seigneur bénisse la Colombie, S. Exc. M. le Président de la République avec son gouvernement, ses décisions et résolutions dans le domaine national et international, et tous et chacun de ses fils, pour que, des heures si orageuses d'aujourd'hui, elle parvienne à un heureux et proche avenir, où tous les Colombiens, toujours si près de Notre coeur, jouissent d'une paix sûre, d'une prospérité croissante et du progrès le plus sain.

Avec cette confiance et cette certitude, Nous donnons de tout coeur à Votre Excellence, à tous les gens de votre peuple généreux et travailleur, dans toute l'effusion de Notre coeur paternel, la Bénédiction apostolique implorée. .


ALLOCUTION AUX PÈLERINS DE NOTRE-DAME DE MONTSERRAT

(18 novembre 1950)1

Au cours d'une audience générale, le Saint-Père salua les 200 pèlerins espagnols venus des environs de la célèbre abbaye bénédictine de Montserrat :

Parmi les pèlerins qui, encore aujourd'hui, ont tenu à venir consoler par leur présence le coeur du Père commun, Nous estimons digne d'une mention spéciale le nombreux pèlerinage de Montserrat — insigne représentant de la si fidèle Espagne et tout spécialement de la forte et active Catalogne — qui Nous apporte, pour que Nous la bénissions, une image de sa chère « Moreneta ».

Montserrat avec sa splendide végétation et avec ses hauts rochers solides et élancés, qui le couronnent, comme des mains de géant indiquant le chemin du ciel, Nous paraît l'incarnation d'un esprit élevé, vaste et fécond, qui a fait de ce nid d'aigles, à travers dix siècles chargés d'histoire, un centre de puissante spiritualité, un phare de saine culture, un foyer pour les arts les plus nobles, et, en résumé, un centre pour des millions de coeurs. C'est ainsi que devaient le considérer tant de Nos Prédécesseurs, qui le comblèrent de privilèges et de grâces.

Nous aussi, Nous désirons bénir aujourd'hui cette illustre abbaye et tout spécialement, Nous entendons bénir cette précieuse image que vous Nous présentez, afin qu'ici encore, à Rome, elle serve à amener un grand nombre d'âmes à son Fils. Et que Notre bénédiction se répandant sur vous tous présents, ici, s'étende aussi à vos familles, à vos parents et amis ; à toute la terre catalane et à toute l'Espagne bien-aimée.


ALLOCUTION AUX PÈLERINS INFIRMES DE FRANCE

Lors de l'audience générale du samedi 18 novembre 1950, le Saint-Père eut une attention spéciale pour les 200 malades venus en pèlerinage de France :

C'est une Bénédiction toute spéciale que Nous vous donnons, à vous tous, chers infirmes, chers malades, qui avez tenu à accomplir votre pèlerinage jubilaire sans vous laisser arrêter par les fatigues et les souffrances, dont il est souvent pour vous l'occasion. Nous supplions ardemment la Très Sainte Vierge, Salus Infirmorum — Salut des infirmes —, de vous obtenir de son divin Fils la guérison ou, du moins, le soulagement, si ce doit être pour le bien de vos âmes. En tous cas — et de ceci il n'est pas permis de douter — vos infirmités, vos douleurs, acceptées avec une sainte résignation — mieux encore, avec amour — sont pour vous, en même temps qu'une source de grâces pour votre sanctification et votre salut, un moyen puissant d'apostolat qui vous rend, malgré votre apparente et pénible inertie, précieusement utiles à votre prochain. Avec vous, Nous bénissons de tout coeur ceux qui, par leur initiative, leur concours, leur dévouement, ont contribué à vous amener jusqu'à Nous. Portez aussi Notre Bénédiction à tous ceux qui vous sont chers et qui souffrent de vos épreuves.

(18 novembre 1950)1

1 D'après le texte français de VOsservatore Romano des 20 et 21 novembre 1950.


ALLOCUTION AU PERSONNEL DES TRANSPORTS URBAINS DE ROME

(19 novembre 1950) 1

Une audience fut accordée à un groupe de 6.000 membres du personnel des tramways et autobus de Rome, ainsi que leurs familles. Le Pape prit la parole :

Vous aussi, chers fils, conducteurs, receveurs, employés techniciens des transports, vous avez tenu à venir avec vos dirigeants qualifiés pour accomplir votre pèlerinage jubilaire et recevoir la Bénédiction du Vicaire du Christ et du Père Commun des fidèles. Nous sommes ému devant cette manifestation d'esprit chrétien et de confiance filiale de votre part, et Nous en reconnaissons hautement la signification religieuse et morale. Mais que pourrions-Nous ajouter à ce que Nous avons déjà dit, soit aux pèlerins en général, soit en particulier à vos collègues de l'A.T.A.C. qui vous ont précédés ici voici près de trois ans 2 ?

Le travail complexe et incessant dont Nous parlions alors est également le vôtre, mais rares, Nous semble-t-il, sont ceux qui savent l'apprécier à sa juste valeur. La plupart des gens, prompts à noter les retards involontaires, les désagréments provenant de l'encombrement dont vous n'êtes pas responsables, les défauts dans le matériel ou dans le service, réfléchissent-ils donc, d'autre part, à la somme de fatigues et de sacrifices auxquels vous êtes soumis pour assurer la marche normale des tramways, et surtout se rendent-ils compte du surcroît de travail et de responsabilités que certaines périodes, comme la présente, vous imposent ?

1 D'après le texte italien de l'OsserDdfore Romano des 20 et 21 novembre 1950.

2 On trouvera le discours au Personnel des tramways de Rome, du 22 février 1948, dans Documents Pontificaux 1.948, p. 82.

¦¦fi

C'est une des peines communes à tous ceux qui sont affectés à un service public de constater que la population t'habitue à ne voir en eux que des agents d'une grande entreprise anonyme, et presque de simples organes d'une grande machine, alors qu'elle perd de vue que chacun d'eux est un homme, avec un coeur de fils, d'époux, de père, un coeur enclin à l'amour de ses semblables et de la société. Il peut donc arriver à certaines heures, en certaines circonstances, que vous vous sentiez comme négligés et presque seuls au milieu de la foule3. Cependant Dieu, votre Père céleste, sait lire au fond de votre coeur et en scruter les véritables sentiments, même cachés et ignorés.

Mais à présent, au déclin de cette Année Sainte et à l'approche de sa clôture, il Nous plaît de reconnaître la part que vous avez eue dans son déroulement. Elle a été pour vous l'occasion d'un travail plus actif : conducteurs cloués à votre siège pour la manoeuvre du moteur ; receveurs assaillis et presque submergés par la multitude des pèlerins des pays les plus divers et de toutes langues, qui vous adressent tant de questions, vous demandent les informations les plus disparates et le plus souvent demeurent édifiés par votre patience et votre courtoisie ; et vous aussi, collaborateurs de tous grades et de tous services dont l'oeuvre, sous toutes ses formes, est si fortement compliquée ; ingénieurs et travailleurs de diverses sortes, manoeuvres chargés du nettoyage ou des pneus, cantonniers, électriciens sans cesse occupés à l'entretien, à la réparation du matériel fatigué par l'usage le plus intense.

De cette manière, chers fils, vous avez bien contribué, chacun à votre place et dans votre propre domaine, au grand succès de l'Année Sainte et, par cela même, à son fruit spirituel qui a été si grand ; contribution humble, souvent inaperçue, mais très importante et pour laquelle Nous sommes heureux de vous féliciter et de vous remercier paternellement.

Toutefois, il ne suffit pas pour vous d'avoir facilité à des milliers et centaines de milliers de pèlerins l'acquisition du Jubilé ; il est juste que vous en bénéficiiez vous-mêmes, que vous participiez vous-mêmes effectivement aux grâces extraordinaires de l'Année Sainte.

Nous savons que vous avez à coeur de le gagner en accomplissant dignement les pratiques prescrites ;  que vous tenez

3 Cf. une allusion parallèle dans l'allocution au personnel de la Société romaine d'Electricité, 22 juillet 1950, p. 234.

même à vous en pénétrer, à en faire vivre vos âmes avec une plus grande ferveur de piété chrétienne, avec une fidélité plus grande à tous vos devoirs personnels, domestiques, professionnels, sociaux, avec une fermeté plus résolue dans la profession ouverte de votre foi, avec une adhésion de plus en plus étroite à la Sainte Eglise de Jésus-Christ.

Vous donnez une preuve éclatante, forte et généreuse, de cette adhésion filiale avec l'installation d'une statue du Sacré-Coeur dans la cour du dépôt et des ateliers de l'A.T.A.C. Oh oui ! que Jésus règne dans vos âmes, dans vos familles ; qu'il sanctifie vos aspirations et vos peines ; son règne est un règne de justice, d'amour et de paix, paix des coeurs, paix des peuples ; son image sera là, au milieu de vous, devant vous, et elle sera pour vous une lumière, une force, un renouvellement, un réconfort.

Et maintenant, puisque Nous avons prononcé le mot « Paix », laissez-Nous vous dire ce que Nous Nous sommes vu dans la nécessité d'affirmer à plusieurs reprises. Certains, vous le savez, accusent l'Eglise, le Pape, de vouloir la guerre, de préparer la guerre. Non ! Non ! ce n'est pas vrai ! l'Eglise déteste la guerre avec ses horreurs ; elle veut la paix, la paix intérieure, au milieu des peuples, parmi les fils d'une même patrie, la paix parmi les nations, parmi les membres de la grande famille humaine.

Avec ce souhait de grâces et de paix, Nous vous donnons avec toute Notre affection, à vous, à tous vos chers collègues et compagnons, à tous ceux qui vous sont chers, Notre paternelle Bénédiction apostolique.

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CONSTITUTION APOSTOLIQUE ,i


Pie XII 1950 - DISCOURS AUX ÉVÊQUES VENUS A ROME POUR LA DÉFINITION DU DOGME DE L'ASSOMPTION