Pie XII 1952 - A L'OCCASION DU HUITIÈME CENTENAIRE DU DÉCRET DE GRATIEN


ALLOCUTION A L'UNION MONDIALE DES ORGANISATIONS FÉMININES CATHOLIQUES

(24 avril 1952) 1






Le XIIe Congrès de l'Union Mondiale des Organisations Féminines Catholiques se tint à Rome. Le Saint-Père reçut en audience les participantes et leur adressa l'allocution suivante :

Certain comme Nous le sommes de la grande contribution que les femmes peuvent apporter à la cause de la paix, Nous vous adressons ce paternel message à vous, mères, épouses, jeunes filles de toutes nations, et particulièrement à vous, femmes catholiques, dont Nous est bien connue la filiale dévotion au Vicaire du Christ, et par lui, à Jésus même, qui eut tant de délicats témoignages de la piété féminine au cours de sa vie mortelle.

Toujours soucieux de soutenir par tous les moyens l'oeuvre de la paix, tant que son arc-en-ciel n'enveloppera pas la terre de façon stable, Nous voulons confier également à vous, chères filles — qui peut-être mieux que d'autres estimez le prix de la tranquillité de l'ordre, celle-ci étant la condition essentielle d'une sainte vie féminine — la tâche ardue mais sublime, de travailler pour la paix.

Dans cette Rome même, que le Roi pacifique de la famille humaine fit sienne, comme pour consacrer et élever la paix universelle que l'Empire d'Auguste s'était proposée et avait en quelque sorte réalisée, s'est réuni un Congrès, représentant les Femmes Catholiques du monde entier, pour exprimer solennellement leur désir de paix, affirmer leur volonté de l'exiger de ceux qui ont le pouvoir de la donner ici-bas, étudier les moyens concrets et offrir leur action pour l'obtenir, au nom de Dieu et sur la base des principes chrétiens.

Ce n'est point en vérité une voix nouvelle que la vôtre ; ni non plus la dernière venue parmi tant qui, de tous côtés, s'élèvent en faveur de la paix ; mais elle est certainement parmi les plus sincères et elle sera, Nous avons raison de l'espérer, féconde. Qui pourrait, en effet, douter de la sincérité d'une femme, quand elle invoque la paix, dont elle est la première à bénéficier, ou quand elle déteste la guerre, dont elle serait la victime la plus pitoyable ? Elle fut toujours ainsi. L'antique mythe de la douloureuse Andromaque, condamnée par une funeste guerre aux larmes de la veuve, de la mère de l'orphelin, puis de l'exilée et de l'esclave, demeure, fût-ce comme légende épique, la personnification des immenses tragédies dans lesquelles les conflits de tout temps entraînèrent la femme, et de celles encore plus atroces qui lui sont réservées par les guerres totales modernes.

Des millions d'hommes et de femmes qui peuvent se dire survivants de la dernière conflagration, en conservent encore vives dans la mémoire les horribles images. Mères avec des enfants dans les bras, écrasées sous les décombres de leurs maisons ; d'autres lacérées par des blessures ; d'autres pétrifiées par la douleur de deuils soudains, comme si quelque chose de leur vie s'était tout à coup brisé. Ailleurs, par théories innombrables, elles, pour qui la maison est tout, obligées à aller errantes de lieu en lieu, chassées par les armées, talonnées par l'épouvante avec des enfants pendus au cou et que font pleurer la faim et la maladie. Mères, épouses, ignorant pendant de longues années le sort de ceux qui leur sont chers ; certaines même, du fait de l'incroyable insensibilité des gouvernants, dont les actes contrastent trop avec les paroles, jusqu'à ce jour dans l'atroce angoisse du doute : mon fils est-il en vie ? Vierges vouées au déshonneur, familles laissées sans soutien, jeunes filles qui voient brisé pour toujours le rêve de leur vie, voilà la femme en temps de guerre.



Qui est responsable de la guerre ?

Ont-ils jamais réfléchi avec un coeur de fils à de telles tragédies ces dirigeants de peuples, dont Nous ne dirons pas qu'ils caressent des pensées et des désirs de guerre, mais qui posent et maintiennent des conditions de choses telles qu'elles

suscitent le danger de guerre, et peut-être de la part des peuples, injustement opprimés (c'est horrible à dire !) jusqu'à son désir, comme ultime espérance de légitime libération ? Mais sur qui retombe la responsabilité d'un désir si exaspéré ?



Le Pape en appelle aux gouvernants :

Ces circonstances de vie qu'imposent les guerres, comme les difficultés, les rigueurs, les peurs soudaines, les anomalies en général, même si elles trouvent dans l'homme, qui se fait un honneur de s'endurcir aux épreuves une certaine adaptation, sont en revanche bien souvent désastreuses physiquement et moralement pour la femme.

Actuellement la crainte que (ce qu'à Dieu ne plaise !) tous ces maux puissent se renouveler, incite les femmes de toutes les régions du monde à invoquer ardemment la paix. Cette invocation, Nous l'avons souvent recueillie de leurs lèvres et Nous la faisons Nôtre aujourd'hui, pour dire à ceux qui portent en leurs mains le choix fatal entre l'épée et le rameau d'olivier : Regardez avec des yeux de fils les angoisses de tant de mères et d'épouses, parmi lesquelles sont également les vôtres, et faites que sur la balance de vos décisions elles aient un plus grand poids que les raisons de prestiges, les avantages immédiats, ou bien, si c'est le cas, les rêves utopistes inspirés par des théories mal fondées sur la nature réelle des hommes et des choses. Ne demandez pas aux femmes des héroïsmes inutiles ; elles en ont déjà tant à accomplir dans la vie ordinaire pour la patrie et la famille humaine !



Les femmes chrétiennes veulent répandre l'esprit de fraternité et de charité.

Toutefois, le sentiment qui inspire les femmes à avoir la guerre en horreur n'aboutirait à rien, ni ne deviendrait jamais une contribution valable à la cause de la paix, s'il n'était transformé en désir positif de restaurer partout le sens de la fraternité, soutenu par la conscience d'un devoir supérieur de charité, renforcé par l'empressement à pratiquer autour de soi la justice dont la paix est l'oeuvre ; en un mot, si le sentiment ne devenait une action conduite selon les principes chrétiens essentiels. Quels sont en particulier ces principes et comment déterminent-ils l'action de l'Eglise et des catholiques ? Nous l'avons exposé récemment dans Notre Message de Noël, du 24 décembre dernier sur la mission de l'Eglise en faveur de la paix 2.

C'est en cela que votre cri de paix, chères filles, se distingue nettement de l'appel d'autres femmes, dont Nous sommes loin de mettre en doute la sincérité, mais que Nous voyons malheureusement profané et orienté vers des fins différentes, si même il n'en arrive pas à se transformer en clameur d'exacerbation et de haine. De toute façon, il est certain que toute invocation de paix, à laquelle est retirée la base de la conception chrétienne du monde, est condamnée à retentir dans le désert des coeurs, comme un cri de naufragés dans les étendues vides de l'océan.



Le devoir donc des femmes catholiques est de promouvoir la paix.

C'est ainsi, femmes catholiques, que vous êtes des messagères et des ouvrières de la paix en vertu du titre même dont vous vous honorez, parce que catholique est en quelque sorte synonyme de pacifique. Et bien que le devoir de citoyennes de votre pays exige de vous la prompte résolution à vous immoler pour la patrie, si celle-ci était vraiment injustement attaquée et menacée dans ses droits vitaux, en revanche plus naturellement et avec une plus grande ferveur vous êtes disposées à apporter votre contribution pour créer les conditions intérieures et extérieures qui assurent la tranquillité de l'ordre.

Cette action, visant à apaiser les haines, à unir fraternellement les peuples, à supprimer les causes matérielles des conflits, telles que la misère, le chômage, les obstacles à l'émigration et d'autres semblables, l'Eglise et l'humanité l'attendent de vous.



C'esf pourquoi il faut faire oeuvre moralisatrice :

2 A. A. S., XXXXIV, 1952, p. 11 ; cf. Documents Pontificaux 1951, p. 555.




C'est une double action. D'un côté, une action psychologique et moralisatrice, que mieux que d'autres votre tact délicat peut entreprendre : attirer les hommes à apprécier les biens célestes ; les inciter doucement à l'austérité, ou au moins à la gravité et à la moralité de la vie ; faire rayonner partout l'esprit de douceur, le sentiment de la fraternité entre tous les fils de Dieu, la conscience du devoir de renoncer à des richesses injustes, en

renonçant vous-mêmes les premières à un niveau de vie luxueux ; surtout comme synthèse et couronnement de l'action spirituelle, éduquer chrétiennement l'enfance selon la vision chrétienne du monde qui nous est révélée par le Sauveur. A qui est pratiquement confiée sinon aux mères la première transmission du message évangélique ? Sagesse et bonté de la Providence divine ! Elle a disposé que toute génération, à sa naissance, doive passer par la suave école de la femme — à qui s'unit la Mère commune, l'Eglise — pour qu'elle en reçoive chaque fois la bonté, la douceur, la piété innées chez elle. Sans ce retour périodique à la bonne source, l'humanité en peu de temps, cédant aux rigueurs et aux âpres luttes de la vie, tomberait dans la plus misérable sauvagerie. Orientez donc, vous qui, par devoir naturel et par mission divine, modelez les âmes des enfants, la nouvelle génération vers des sentiments de fraternité universelle et d'horreur de la violence. Action trop éloignée, dira-t-on peut-être. Non ; c'est une action qui construit en profondeur, et par conséquent fondamentale et urgente. De même que les guerres, tout au moins modernes, n'éclatent pas à l'improviste, mais pendant de longues années développent leur germe dans les coeurs, ainsi la paix véritable, stable et juste, n'éclôt pas au premier rayon de soleil d'un sentiment ou d'un appel.



La femme usera aussi de son influence sur le plan public pour faire <re de paix :

Il y a aussi une action extérieure, car, si en d'autres temps l'influence de la femme se limitait au foyer et à l'entourage de la maison, à notre époque elle s'étend (que cela plaise ou non) à un domaine de plus en plus vaste : la vie sociale et publique, les parlements, les tribunaux, le journalisme, les professions, le monde du travail. Que la femme apporte dans chacun de ces secteurs son oeuvre de paix. Si vraiment toutes les femmes passaient de ce sentiment inné qui leur fait détester la guerre à l'action concrète pour l'empêcher il serait impossible que la somme de tant d'efforts, qui s'appuient sur ce qui plie le mieux les volontés, c'est-à-dire la piété et l'amour, il serait impossible, disons-Nous, qu'elle n'atteigne pas son but.

Il faudra encore y ajouter la prière :

Que ces efforts soient rendus plus féconds par l'aide divine invoquée dans la prière que la femme, pieuse par nature, a l'habitude d'élever avec une plus grande constance vers Dieu ! De même que la prière de votre miséricordieuse Reine et Mère, soucieuse et inquiète aux noces de Cana à cause de l'embarras et du trouble des époux, sut inciter la volonté de Jésus à changer l'eau en vin, « le vin que les raffinés appellent l'âme des banquets 3 », que votre prière suppliante, modelée sur la ferveur de foi de la Sainte Vierge fasse ainsi passer la volonté des hommes de la haine à l'amour, de l'avidité à la justice.

Le Pape rappelle la place faite par le christianisme à la femme dans la vie sociale.

Chères filles ! Vous connaissez les grands biens que la femme doit au christianisme. Quand il parut sur la terre, la culture païenne n'exaltait souvent la femme que pour l'ensemble de ses dons extérieurs et éphémères ou pour la finesse de ses sentiments. Cette conception esthétique et ce sentiment intime s'élevèrent même jusqu'aux formes les plus hautes et les plus délicates. La passion jaillit en vers d'un art consommé dans les oeuvres immortelles de poètes de l'ère d'Auguste, et les statues des dieux embellissaient, créations divines de l'art, les voies et les forums, les temples et les atriums des somptueux palais. Et pourtant même tout cela était vide et superficiel. Ni Athènes, ni Rome, phares de civilisation qui, d'un point de vue naturel, mirent en si vive lumière les liens de la famille, ne réussirent par les hautes spéculations de la philosophie ou la sagesse des législations, à élever la femme à la hauteur qui convient à sa nature. Le christianisme, au contraire, le premier et lui seul, sans méconnaître d'ailleurs ces valeurs extérieures et intérieures, a découvert et cultivé chez la femme des missions et des tâches qui sont le vrai fondement de sa dignité et la raison d'une plus authentique exaltation. Ainsi surgissent et s'affirment dans la civilisation chrétienne de nouveaux types de femmes, comme ceux de martyre de la religion, de sainte, d'apôtre, de vierge, d'auteur de vastes renouveaux, de consolatrice de toutes les














souffrances humaines, de sauvegarde des âmes perdues, d'éduca-trice. A mesure qu'apparaissent de nouveaux besoins sociaux, sa mission bienfaisante s'étend également et la femme chrétienne devient, autant que l'homme, comme c'est le cas aujourd'hui à bon droit, un facteur nécessaire de civilisation et de progrès.

C'est justement dans ce cadre que Nous voyons votre oeuvre pacificatrice actuelle, la plus vaste peut-être qui vous ait été assignée jusqu'ici par la Providence, la plus sociale et salutaire que vous ayez jamais eue dans le passé. Embrassez-la comme une mission que vous confient Dieu et l'humanité ; consacrez-lui vos soins les plus assidus, appuyant les suggestions qu'une élite d'entre vous a entrepris d'étudier et de promouvoir dans le Congrès International des Femmes Catholiques, persuadées que vous ne pourrez rien faire de mieux pour le salut de votre Patrie et de vos enfants ni de plus conforme aux désirs du Vicaire de Jésus-Christ.

Sur vous toutes, donc, chères filles dispersées dans le monde entier, et sur vous en particulier, femmes catholiques, comme sur toutes celles qui participent au Congrès de Rome, Nous invoquons du Tout-Puissant lumière et grâce, en gage desquelles Nous vous donnons de tout coeur Notre paternelle Bénédiction apostolique.












ALLOCUTION A DES FONCTIONNAIRES DE ROME

(25 avril 1952) 1






Plusieurs milliers d'employés de la Banque d'Italie et de différents Ministères ayant terminé ce jour une retraite, le Pape s'est adressé à eux, disant :

Soyez les bienvenus, chers fils de Rome ! Depuis le 10 février, où Nous avons adressé à tout le peuple de Notre chère Cité l'exhortation dans laquelle Nous souhaitions un fervent réveil de foi et d'action, Nous avons suivi avec le plus vif intérêt tout ce qui a été entrepris pour répondre généreusement à Notre invitation 2.

Et comme Nous souhaitons que Rome sache donner à l'Italie et au monde l'exemple d'un renouvellement total dans l'esprit de l'Evangile, Nous estimons particulièrement importantes des rencontres avec les diverses catégories de l'Urbs. Nous vous exprimons donc Notre satisfaction pour le désir que vous avez montré de vous réunir autour de Nous et de manifester au Vicaire du Christ votre résolution en faveur d'une vie plus fervente et plus exemplaire.



Pie XII félicite ceux qui luttent pour obtenir de meilleures conditions de vie :

Nous tenons à vous dire tout de suite que Nous n'ignorons et n'oublions nullement la difficile situation économique dans laquelle un grand nombre d'entre vous, comme d'autres également, se débattent, et Nous saluons avec la plus sincère satisfaction toute amélioration que vous avez pu obtenir. Il est bien clair que ceux dont cela dépend ont le devoir de faire tout ce














qu'ils peuvent pour donner satisfaction à vos justes désirs. Que soit donc béni tout effort, intelligent et honnête, capable d'aboutir à ce que les conditions de l'économie nationale rendent possibles de nouveaux progrès vers la satisfaction des besoins dans lesquels se trouvent tous ceux qui vivent de leur travail quotidien, afin qu'ils soient mis en mesure de pourvoir aux nécessités de leurs familles et à une éducation convenable de leurs enfants.

Tout le monde sait que le Maître divin n'hésita pas à user de sa toute-puissance pour sécher les larmes, pour soulager les douleurs, pour donner la santé aux malades, la vie aux morts ; deux fois, raconte l'Evangile, Il multiplia les pains pour assouvir la faim des foules qui étaient accourues à sa suite. Or si Jésus ne se désintéressait point des besoins matériels, devant ceux-ci l'Eglise ne peut certainement pas demeurer indifférente, ni les chrétiens responsables ne peuvent rester tranquilles tant qu'ils n'auront point fait en cette matière également, tout ce qui est en leur pouvoir.



Mais le chrétien vit avant tout de la Parole de Dieu.

Mais il convient, chers fils, de considérer que ces foules suivaient Jésus pour écouter ses enseignements, pour boire à cette source divine l'eau de la vérité et de l'amour. Cherchez — leur disait-Il — tout d'abord le royaume de Dieu et sa justice et le reste vous sera donné par surcroît3. Et avec quelle libéralité et avec quelle abondance !

Et c'est pour cela qu'en apprenant avec quelle attention et quelle ferveur vous avez suivi les paroles de foi que vos insignes prédicateurs sont venus vous adresser ; en sachant que vous avez ensuite purifié vos âmes par le sacrement de la Pénitence et les avez nourries de la Sainte Eucharistie ; que vous avez ainsi cherché en ces jours le royaume de Dieu et sa justice, comme le désira Jésus, une chaude prière est montée à Nos lèvres : O notre Père qui êtes aux cieux, vos fils se sont resserrés autour de vos prêtres, comme les foules se pressaient autour de votre divin Fils. Ne voudrez-Vous pas leur donner le pain quotidien ? Et s'ils ont cherché votre royaume et votre justice, ne voudrez-Vous par leur donner une vie digne d'êtres humains ?

Entre temps, est née dans Notre coeur une espérance que Nous voudrions voir se changer en certitude. Si tous les hommes d'aujourd'hui avaient soif de la parole de Dieu et s'empressaient à la suite de Jésus pour l'écouter, il ne serait sans doute pas difficile, s'il plaisait ainsi au Seigneur, d'assister à une mystérieuse, nouvelle et plus splendide multiplication des pains !

Nous vous félicitons de votre estime pour la primauté des valeurs spirituelles, mais en même temps Nous ajoutons qu'elle ne pourrait être durable, si vous ne conserviez pas et renforciez chaque jour davantage la foi qui en est la condition et la base. Nous savons que vous êtes pieusement orgueilleux de votre nom et de votre qualité de chrétiens ; Nous savons que vous êtes conscients du grand don de la foi surnaturelle, qui vous a été infusée au baptême et qu'une saine éducation a développée et fortifiée en vos âmes. Mais parfois cette foi est sans esprit, elle est morte, elle dort dans la mémoire comme un livre fermé. Elle n'est point vivante, elle n'est point agissante, elle n'est point vivifiante. Les formules que certains récitent distraitement, ne deviennent point l'âme de leurs mouvements. Il advient ainsi que leur foi si souvent n'apparaît pas.

La foi de l'Eglise n'est pas vaine, comme cela serait si le Christ n'était pas ressuscité ou s'il était mort de nouveau. C'est pour cela qu'en ces trois jours d'allégresse pascale il y a tout un chant qui débute par un joyeux Alléluia et se développe en trois thèmes, qui sont énoncés, reviennent et s'entrecroisent et éclatent à la fin en un autre Alléluia de triomphe et de gloire : le Seigneur est vraiment ressuscité : Surrexit Dominus vere ; une fois ressuscité, le Seigneur ne meurt plus : resurgens ex mortuis iam non moritur4 ; le Seigneur est ressuscité et a apparu à beaucoup : apparuit multis. Mais votre foi serait certainement bien vaine, si vous n'étiez pas vous-mêmes ressuscites, si chacun de vous n'avait pas la résolution de vivre toujours, de ne mourir jamais, ou tout au moins de ressusciter encore, si la mort devait s'emparer de nouveau de vos âmes.



La foi doit être apostolique :

Et aujourd'hui, il est peut-être plus urgent que jamais que votre résurrection, que votre grâce divine retrouvée, que votre


























foi agissante ne demeurent pas, pour ainsi dire dans les catacombes de votre vie privée, refoulées là par un faux amour-propre tandis que la crainte d'une opinion publique fallacieuse et la cupidité qui se trouvent en vous, vous feraient perdre la liberté du jugement et de la délibération. Le Christ ressuscité apparut à beaucoup : à la pénitente désolée, à Pierre humilié, aux disciples découragés d'Emmaùs, aux apôtres effrayés et dispersés, à Thomas l'incrédule. Beaucoup doivent se rendre compte aussi de votre résurrection. On imagine difficilement l'influence bienfaisante causée par la présence d'hommes de foi ardente et agissante, au milieu d'un monde de faibles, d'errants, d'immoraux, de craintifs, de mécréants.

Exercez donc votre foi ; renforcez-la, vivez-la même en public, transmettez-la par la parole franche et par l'exemple courageux à vos enfants et à tous ceux qui seront à votre contact. Que chacun de vos foyers soit une flamme vigoureuse qui rayonne dans votre immeuble, dans votre quartier : soyez des porteurs de lumière là où sont les ténèbres, des porteurs de paix là où domine la lutte insensée et destructrice. Faites tous vos efforts pour recréer un climat de candeur et de pureté là où la fange de l'impureté empoisonne l'air. Et également dans vos bureaux apportez l'honnêteté sans tache, la gravité du devoir fidèlement accompli.










ALLOCUTION AUX PARTICIPANTS AU TROISIÈME CONGRÈS DE GASTRO-ENTEROLOGIE

(26 avril 1952)1






Recevant les membres de ce Congrès, Pie XII prononça l'allocution suivante :

Le Pape décrit l'état actuel de la science gastro-entérologique.

Vous avez désiré, Messieurs, Nous informer de vos travaux au terme du IIIe Congrès Européen de Gastro-Entérologie, que-vous venez de tenir. Sachez combien Nous sommes sensible à votre hommage, et combien volontiers Nous vous accueillons.

Les Sociétés nationales que vous constituez, se proposent de faire progresser les études concernant les maladies de l'appareil digestif, en profitant des méthodes modernes de recherches et des nouvelles possibilités thérapeutiques. La gastro-entérologie est, en effet, une des branches les plus importantes de la médecine, de laquelle relèvent des maladies extrêmement fréquentes et variées. Celles-ci sont dues en grande partie à une alimentation défectueuse, soit à cause des aliments eux-mêmes, mal choisis ou mal préparés, soit à cause des conditions défavorables dans lesquelles ils doivent être digérés. Vous constatez chaque jour les funestes effets d'une vie moderne toujours plus trépidante, et votre compétence vous oblige à condamner le rythme de vie anormal et l'alimentation irrationnelle d'une grande partie de l'humanité. Vous ne faites d'ailleurs que reconnaître l'existence des lois naturelles de la nutrition établies par le Créateur, et qu'on ne viole pas impunément. Votre office est d'en formuler le mieux possible les principes, et surtout, hélas ! d'en guérir les transgressions.



1 D'après le texte français de VOsservatore Romano du 27 avril 1952.



Pour cela vous disposez heureusement de moyens chaque jour plus perfectionnés : dans le domaine de la recherche, de nouveaux appareils d'observation optique ou radioscopique, des microscopes plus puissants, des appareils photographiques plus commodes, des procédés d'analyse chimique plus subtils, vous ont permis de comprendre et de diagnostiquer plus exactement de nombreuses maladies, mais ont prouvé aussi l'extrême complexité de symptômes autrefois réputés simples.

C'est ainsi que vous avez, cette année, dans le Congrès qui vient de finir, mis en commun le résultat de vos études sur les maladies du pancréas, cet organe fondamental pour la bonne digestion des aliments, mais si difficile à explorer de la part du médecin. Il a fallu les méthodes d'analyse modernes pour déceler par leurs effets les anomalies de son fonctionnement, et grâce à vos études cliniques vous avez pu faire progresser la cure de ses affections.

Dans le domaine de la thérapeutique, en général, vous bénéficiez, en effet, des progrès de la chirurgie et de la pharmacie. La première, toujours plus audacieuse, peut tenter aujourd'hui des ablations que l'on aurait cru jusqu'à ces dernières années impossibles. La seconde a fait des découvertes extraordinaires, celles par exemple des antibiotiques, qui ont déjà sauvé tant d'existences.



Pie XII souligne les services que rendent les spécialistes :

Il est particulièrement consolant de constater que tant d'efforts et tant de travaux poursuivis dans le monde entier par une armée silencieuse de chercheurs et de serviteurs de la science, aboutissent en quelque sorte à des règles de vie en faveur de la santé. Non contents de guérir les malades, vous vous adressez également à ceux que l'absence de maladie fait croire en bonne santé, et vous leur faites constater par le résultat de vos observations qu'ils pourraient jouir d'une santé notablement meilleure, en réglant plus rationnellement leur alimentation et l'exercice nécessaire à une bonne digestion. La découverte et l'étude continuelle de nouvelles vitamines, par exemple, permet de préciser les règles anciennes sur le choix, la proportion et la préparation des aliments. D'éminents savants estiment que l'augmentation de la taille moyenne observée en certains pays est due à l'amélioration de la nourriture.

De telles observations ne sont pas négligeables. La doctrine chrétienne concernant l'harmonie du composé humain ne saurait y être indifférente, car il ne s'agit pas seulement d'une augmentation de forces physiques, mais aussi d'une plus grande capacité de travail intellectuel, d'un équilibre supérieur, duquel on peut toujours espérer, avec la grâce de Dieu, que la volonté de l'homme atteigne une plus haute perfection et une plus grande efficacité pour le bien. N'est-ce pas le lieu de rappeler la parabole des talents et les éloges décernés par le Sauveur au serviteur industrieux : nos talents essentiels sont le corps et l'âme, étroitement unis, étroitement dépendants l'un de l'autre ; notre premier devoir est d'en tirer parti pour l'honneur de Dieu et le bien du prochain.

C'est la grandeur de votre tâche d'être de véritables collaborateurs de Dieu dans la défense et l'épanouissement de sa création. C'est en ce sens que la Sainte Ecriture dit du médecin que « Dieu l'a créé » 2. Il l'a créé comme un instrument de sa miséricorde pour adoucir les maux de ses frères, comme un guide et un conseiller pour leur enseigner la sagesse, comme un dépositaire de sa science de l'homme et de sa bonté secourable. Le médecin est un bienfait de Dieu ; à ce titre, il a droit non seulement aux honneurs et à l'estime des hommes, mais aussi à leur reconnaissance et à leur confiance.



Et le Saint-Père conclut :

2 Eccl., 38, l.




C'est pourquoi, demandant au Maître de la vie de vous associer toujours plus pleinement à son oeuvre, Nous implorons sur vous, sur vos familles, sur vos travaux, sur vos malades, l'abondance des faveurs divines, en gage desquelles Nous vous donnons de tout coeur Notre Bénédiction apostolique.










ALLOCUTION AUX CONFERENCES DE ST-VINCENT DE PAUL

(27 avril 1952) 1






Les Conférences de Saint-Vincent de Paul d'Italie s'étant réunies en Congrès à Rome, le Saint-Père fit une allocution aux participants :

Au milieu de tant d'angoisses, c'est un grand réconfort que procure à Notre coeur votre présence, chers fils et filles des Conférences de Saint-Vincent de Paul, réunis en Congrès dans cette sainte Cité ; avec les équipes nombreuses qui travaillent partout dans le domaine multiforme de la charité chrétienne, vous représentez une lumière sûre et éclatante au milieu des ténèbres enveloppant le monde d'aujourd'hui, qui doit son funeste désordre au fait qu'est à peu près éteint le sens de l'amour et de la fraternité.



Le Pape fait l'éloge des manifestations de la charité chrétienne au cours de l'histoire de l'Eglise :

Au sein de la famille humaine et de l'Eglise, les phalanges de la charité sont des forces vives : vives parce que fécondes et irrésistibles, comme l'amour qui les inspire et comme l'Eglise qui les encadre, laquelle peut être appelée, dans sa plus haute et vaste signification, l'Eglise de la charité.

Et en réalité à quel observateur serein de son passé et de son présent pourrait échapper ce caractère qui La distingue, étant Elle-même le fruit de cet Amour, qui est le principe de la création et de la rédemption, comme II est le terme de tout esprit créé dans l'éternelle et bienheureuse communication de Lui-même ?

Ce fut toujours un sujet de stupeur pour qui étudie l'histoire de l'Eglise — et pour le croyant une confirmation de son origine divine — le fait de l'empressement de la charité chrétienne à offrir de tous temps des hommes et des oeuvres pour le soulagement de toutes les misères. Et l'étonnement s'accroît lorsqu'on considère que ceux qui imprimèrent sa direction à l'esprit immanent de la charité furent pour la plupart des âmes humbles et simples, qui à leur tour trouvèrent rapidement et toujours de nombreux et fidèles disciples. Aujourd'hui encore il n'est pas de région catholique où ne brille un nom qui, à lui seul, chante une épopée de charité chrétienne. Mais qui peut en suivre le chemin, ouvert par les Apôtres mêmes, aux premiers jours de l'Eglise avec les collectes organisées par eux dans les banquets fraternels où s'asseyaient côte à côte le patricien et l'esclave, avec l'institution des diacres affectés à l'assistance pleine d'amour des orphelins et des veuves ? Sans doute est-ce à ce lyrisme de la charité inconnu jusqu'alors au monde et qui faisait s'écrier aux païens « Voyez comme ils s'aiment ! » qu'est principalement due la première rapide expansion de l'idée chrétienne. Toute l'histoire de l'Eglise en est traversée comme par un fil d'or qui la renoue à ce Coeur aimant dont elle est issue.

Une charité toujours spontanée, comme est spontané le printemps qui éclate au renouvellement de la tiédeur du soleil — le Christ est le soleil de son Eglise — comme est spontané ce qui est connaturel — et le Christ n'est-il pas la sève vitale ? — toujours en éveil, comme si un avertissement spécial du Saint-Esprit rendait le regard du chrétien pénétrant pour découvrir toute misère partout où elle se cache, et inquiet son coeur tant qu'aux infortunes de toutes sortes ne répondent pas une oeuvre et une équipe de frères résolus à les soulager.



Cette charité s'est rapidement et forcément institutionalisée :

C'est ainsi qu'est né et que s'est ensuite largement développé le courant bienfaisant de la charité, donnant naissance à ces institutions qui sont désormais l'honneur de toute civilisation ; dont les noms sont, par exemple, hôpitaux, orphelinats, Ordres pour le rachat des esclaves, compagnies pour les pèlerins, maisons pour les femmes en danger, associations pour les visites et l'encouragement aux prisonniers, et en des temps plus récents, léproseries, instituts pour l'assistance des vieillards pau-



vres, des aveugles, des sourds-muets, des émigrants, des enfants, des détenus, des petits mutilés ; toutes institutions, qui, avec les noms de leurs fondateurs et de leurs sociétaires, sont parmi les plus précieuses gemmes ornant le Corps mystique du Christ.



Les Conférences de Saint-Vincent de Paul occupent une place d'honneur dans la liste des oeuvres de charité :

Dans le tableau de cette prévoyante adaptation aux temps, Nous voyons surgir, s'affirmer et prospérer les Conférences de Saint-Vincent de Paul, dont le nom résonne à l'honneur de toute • l'Eglise. Quelle fut la première pensée qui poussa les huit étudiants parisiens à les fonder ? Vous l'avez appris par les paroles mêmes de celui qui à juste titre en fut dit l'âme : le grand apôtre laïque du XIXe siècle, Frédéric Ozanam. L'année de sa mort, voici près de cent ans, il s'exprimait ainsi à Florence : « Lorsque nous, catholiques, nous nous efforcions de rappeler à nos frères égarés les merveilles du christianisme, ils nous disaient tous : le christianisme a fait autrefois des prodiges ; mais aujourd'hui le christianisme est mort. Et, en effet, vous qui vous vantez d'être catholiques, que faites-vous ? Où sont les oeuvres qui démontrent votre foi et qui peuvent nous la faire respecter et admettre ? 2 »

2 Baudrillart, Frédéric Ozanam, Paris 1912, pp. 12-13.




La même demande, due en vérité à une faible connaissance de la vie de l'Eglise est parfois encore faite par des païens modernes, comme Nous le lisions, voici quelques années, dans une Revue missionnaire. Un professeur japonais dit à un missionnaire : « Je suis arrivé à la conclusion que la religion catholique est l'unique vraie. Toutefois je dois déclarer que vous, catholiques, vous ne croyez pas à ce que vous dites et prêchez... parce que vous ne le mettez pas en pratique ». Au scandale non fondé des étudiants parisiens, comme à celui également myope des critiques modernes, la floraison de la charité chrétienne répond éloquemment, et en particulier la fondation des Conférences. « Ce fut alors que nous dîmes — continue Ozanam — : Eh bien ! à l'oeuvre ! Secourons donc notre prochain et mettons notre foi sous la protection de la charité. » C'est ainsi que naquirent vos Conférences, qui, en dépit des années écoulées, conservent, comme le signe même des oeuvres voulues par Dieu, toute la fraîcheur d'origine, comme si leur eût été communiquée la jeunesse sans déclin de ses fondateurs.



Aussi Pie XII exhorte les membres des Conférences de Saint-Vincent Paul, à continuer leur oeuvre :

Aussi, à vous qui êtes venus en Notre présence pour Nous demander une parole éclairante et réconfortante dans la pratique de votre vocation, Nous disons simplement : continuez, sans crainte de travailler en vain. Puisque vous avez été appelés par Dieu à ce travail particulier dans sa vigne, vous ne pourriez rien faire de mieux pour accomplir en vous la volonté divine, pour contribuer au triomphe de l'Eglise, pour coopérer au salut des âmes.

Aussi Nous voudrions confier à votre méditation trois brèves pensées pour qu'elles demeurent comme un souvenir salutaire de cette audience et un stimulant pour votre activité, de la même manière qu'Ozanam trouva dans la visite faite à cette colline Vaticane, un motif de zèle renouvelé.



Le Pape donne les trois directives que voici : I. L'ascèse de la charité est sûre.

Un des mérites du christianisme, indice de sa vitalité exubérante, est que l'on peut arriver par de nombreuses voies au but assigné par Dieu à toute âme : la sainteté. L'Esprit souffle comme et où il veut, d'où la variété multiforme des Saints, qui constellent le firmament de l'Eglise et annoncent la richesse des dons divins. Mais il n'est pas douteux que la voie de la charité, si elle est parcourue avec constance et, au besoin avec héroïsme, ne le cède à aucune autre pour conduire directement à la sainteté. La charité envers le prochain, dérivant des vertus théologales et harmonisée avec les vertus cardinales de prudence, de justice, de tempérance et de force, peut sûrement être assignée comme une base de haute perfection.

De cette manière les Conférences de Saint-Vincent, avec les fréquentes visites aux pauvres, avec l'assistance à l'enfance abandonnée, avec la recherche des moyens financiers, ses membres se faisant en quelque sorte mendiants pour les pauvres, peuvent être suffisantes comme écoles de sainteté et comme terrain de perfection chrétienne, de la même manière que le furent ou le sont pour d'autres âmes le cloître, le désert, l'école, l'apostolat direct, les missions parmi les infidèles. De la compassion constante envers les pauvres la prière mentale et vocale tire inspiration et ferveur ; la mortification et le renoncement à soi-même un stimulant ; la chasteté et l'humilité un réconfort ; toute autre vertu peut s'appuyer sur ce motif dominant qui est un des principaux préceptes, suivant les paroles nettement promulguées par le Rédempteur : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »



17. L'apostolat de la charité est irrésistible.

Vous savez parfaitement que vos Conférences prirent naissance dans un but apostolique. Très vite elles resplendirent parmi les formes les plus efficaces d'apostolat, qui se développent vigoureusement aujourd'hui dans l'Eglise. Et il ne pouvait en être autrement, parce que l'apostolat en lui-même est le fruit de la charité : de l'amour envers Dieu, que l'on veut glorifier dans toute âme, de l'amour envers le prochain, que l'on a le désir de faire participer au Bien Suprême. Expression de la charité, l'apostolat s'accomplit et s'enrichit dans la charité.

Si vous examinez avec un regard chrétien les motifs qui vous attirent aux Conférences de Saint-Vincent, vous noterez facilement que c'est bien le sens humain de la pitié pour les indigences matérielles de vos frères qui vous pousse, mais que vous êtes surtout tourmentés par le vif désir de subvenir à leurs indigences spirituelles, souvent occasionnées par celles-là. Ainsi vous êtes attirés vers eux par le désir d'enrichir leur esprit, de les rendre sereins dans la souffrance, de les faire participer aux biens inépuisables de Dieu. Ce serait en vérité un faible bien que d'apaiser la faim des corps, sans tourner l'esprit vers le Christ et ses volontés, en laissant les âmes à jeun du pain substantiel de la vérité et des promesses éternelles. Qui remédierait aux misères matérielles uniquement pour apaiser le sentiment inné de compassion n'accomplirait qu'une oeuvre purement humaine. Le chrétien va et doit aller plus loin ; il doit éprouver cette pitié élevée, qui ne se tranquillise qu'en donnant Dieu aux âmes.

Allez donc aux pauvres comme de bons semeurs, comme des pasteurs vigilants, comme des pères et des frères aimants, apologistes souvent ignorés, mais toujours chers à Dieu. Si vous aimez les pauvres avec la charité même du Christ, Il mettra sur vos lèvres les paroles qui éclairent, séduisent et convertissent, et nul ne saura résister à la force de l'amour.



III. L'action de la charité est féconde.

Cette action à laquelle Nous avons récemment exhorté les fidèles pour le salut du monde, pour le triomphe de la justice et de la paix, pour surmonter la rude crise du temps présent, vous pouvez la mener avec succès, précisément en exerçant la charité au sein de vos Conférences, parce que le véritable amour est toujours fécond, et que l'heureux succès ne manquera jamais à son action. Il peut se faire que d'autres oeuvres, auxquelles se consacrent louablement les catholiques, n'obtiennent point pour diverses raisons les résultats qu'ils en attendaient ; mais tout ce qu'on accomplit dans le domaine de la charité n'est jamais perdu, tout converge au contraire par des voies mystérieuses vers ces fins que Nous avons à coeur à un si haut point. Contemplez encore une fois votre guide Frédéric Ozanam. Quelle multiplicité d'oeuvres dans sa vie consacrée à l'Eglise ! Il fut écrivain, orateur, professeur, érudit, même homme politique ; quelle activité en quarante années d'existence ! Eh bien ! quelle est l'oeuvre qui le rend le plus illustre, si ce n'est les Conférences qu'il a fondées ?

// est d'ailleurs un autre champ d'apostolat où les Conférences de St-Vincent de Paul sont appelées à agir : c'est le domaine de l'assistance sociale.

Il existe d'ailleurs un autre champ d'action où l'activité des Conférences peut apporter une contribution directe aux buts que Nous avons souvent énoncés : le domaine de l'assistance sociale, dans lequel vous pouvez vous employer, tout en demeurant étroitement attachés à votre institution, qui, comme vous le savez bien, entend encourager toute oeuvre visant à la réalisation de la justice sociale et à l'élévation des classes les plus humbles. Que ne vous soient donc point étrangères, des oeuvres comme les assistances ouvrières, les écoles populaires, les bureaux de placement, l'assignation de logements, les colonies de vacances et les autres formes d'assistance sociale que vous suggérera l'esprit toujours jeune des Conférences.

Et le Souverain Pontife conclut :

Chers fils et filles ! La divine Providence a été généreuse avec vous en vous inspirant d'embrasser les Conférences de Saint-Vincent parce qu'elle vous offre en elles un moyen incomparable de sanctification, d'apostolat et d'action sociale. Répondez-lui avec une égale générosité, sûrs d'obtenir de merveilleux fruits pour vous-mêmes et pour l'Eglise. Indiquez à d'autres votre programme : aux jeunes qui parfois cherchent en vain un noble but pour la vie, et à ceux qui, déçus par d'autres idéaux, sentent un immense vide autour d'eux et en eux. Resserrez-vous, fidèles et unis, sous les étendards de la charité chrétienne ; travaillez activement et humblement ; pénétrez avec la suavité du Christ dans les taudis de la misère et de l'infortune pour y apporter ce Jésus qui passa sur la terre en faisant le bien et en guérissant. La chaleur de ce Coeur divin, accueillie tout d'abord dans le vôtre, sera diffusée dans le monde de l'égoïsme et de la froideur, pour le salut de beaucoup.

Afin que Nos voeux s'accomplissent en vous et pour vous, Nous donnons de tout coeur à vous tous ici présents et à tous les membres des Conférences de Saint-Vincent de Paul travaillant dans l'univers, Notre paternelle Bénédiction apostolique.












Pie XII 1952 - A L'OCCASION DU HUITIÈME CENTENAIRE DU DÉCRET DE GRATIEN