PieXII 1951 - LETTRE A SON EM. LE CARDINAL TISSERANT POUR LE CENTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ DES SAINTS CYRILLE ET MÉTHODE


ALLOCUTION AUX MEMBRES DU CONGRÈS DU MOUVEMENT UNIVERSEL POUR UNE CONFÉDÉRATION MONDIALE

(6 avril 1951) 1

Recevant dans la Salle du Trône un groupe de participants au Congrès du Mouvement Universel pour une Confédération mondiale ', Pie XII déclara :

Très sensible à votre déférente démarche, Nous vous adressons, Messieurs les membres du Congrès du « Mouvement Universel pour une Confédération mondiale », Notre cordial salut de bienvenue. Notre vif intérêt pour la cause de la paix dans une humanité si durement tourmentée, vous est bien connu. Nous en avons donné de fréquents témoignages. Il est, d'ailleurs, inhérent à Notre mission. Le maintien ou le rétablissement de la paix a toujours été et est de plus en plus l'objet de Notre constante sollicitude. Et si, trop souvent, les résultats ont été loin de répondre à Nos efforts et à Nos actes, l'insuccès ne Nous découragera jamais tant que la paix ne régnera pas dans le monde. Fidèle à l'esprit du Christ, l'Eglise y tend et y travaille de toutes ses forces ; elle le fait par ses préceptes et par ses exhortations, par son action incessante, par ses incessantes prières.

Le Pape rappelle que l'Eglise, par elle-même, tend à réaliser la paix :

Elle est, en effet, une puissance de paix, là du moins où on respecte et apprécie à leur valeur l'indépendance et la mission

1 D'après le texte français des A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 278. Le Mouvement Universel pour une Confédération Mondiale a tenu son Ile Congrès à xembourg er> septembre 1948 et son Ille à Rome en 1951. A son programme cet organisme evendique la création d'une Constituante universelle élue par les peuples.

qu'elle tient de Dieu, là où l'on ne cherche pas à faire d'elle la docile servante des égoïsmes politiques, là où on ne la traite pas en ennemie. Elle veut la paix, et son coeur est avec tous ceux qui, comme elle, la veulent et s'y dévouent. Encore sait-elle et c'est son devoir, discerner entre les vrais et les faux amis de la paix.

H faut organiser le monde pour mettre fin aux antagonismes et aux sources de conflits :

Elle la veut, et pour cela elle s'applique à promouvoir tout ce qui, dans les cadres de l'ordre divin, naturel et surnaturel, contribue à assurer la paix. Votre Mouvement, Messieurs, s'attache à réaliser une organisation politique efficace du monde. Rien n'est plus conforme à la doctrine traditionnelle de l'Eglise, ni plus adapté à son enseignement sur la guerre légitime ou illégitime, surtout dans les conjonctures présentes. Il faut donc en venir à une organisation de cette nature, quand ce ne serait que pour en finir avec une course aux armements où, depuis des dizaines d'années, les peuples se ruinent et s'épuisent en pure perte.

Cette organisation du monde doit se faire de manière « fédéraliste ».

Vous êtes d'avis que, pour être efficace, l'organisation politique mondiale doit être de forme fédéraliste. Si vous entendez par là qu'elle doit être affranchie de l'engrenage d'un unitarisme mécanique, ici encore, vous êtes d'accord avec les principes de la vie sociale et politique fermement posés et soutenus par l'Eglise. De fait, aucune organisation du monde ne saurait être viable, si elle ne s'harmonise avec l'ensemble des relations naturelles, avec l'ordre normal et organique qui régit les rapports particuliers des hommes et des divers peuples. Faute de quoi, qu'elle qu'en soit la structure, il lui sera impossible de tenir debout et de durer.

H faut restaurer la vie internationale d'après des principes sains :

C'est pourquoi Nous sommes convaincu que le premier soin doit être d'établir solidement ou de restaurer ces principes fondamentaux dans tous les domaines : national et constitutionnel, économique et social, culturel et moral.

1. La vie nationale doit tenir compte des groupements naturels : la famille et la profession :

Dans le domaine national et constitutionnel. Partout, actuellement, la vie des nations est désagrégée par le culte aveugle de la valeur numérique. Le citoyen est électeur. Mais, comme tel, il n'est en réalité qu'une des unités, dont le total constitue une majorité ou une minorité, qu'un déplacement de quelques voix, d'une seule même, suffira à inverser.

Au regard des partis, il ne compte que pour sa valeur électorale, pour l'appoint qu'apporte sa voix ; de sa place et de son rôle de père de famille et dans la profession, il n'est pas question.

2. La vie sociale doit se baser sur la communauté d'intérêts :

Dans le domaine économique et social. Il n'y a aucune unité organique naturelle entre les producteurs, dès lors que l'utilitarisme quantitatif, la seule considération du prix de revient, est l'unique norme qui détermine les lieux de production et la distribution du travail, dès lors, que c'est la « classe » qui répartit artificiellement les hommes dans la société, et non plus la coopération dans la communauté professionnelle.

3. La vie culturelle doit s'édifier sur les vraies valeurs objectives :

Dans le domaine culturel et moral. La liberté individuelle, affranchie de tous les liens, de toutes les règles, de toutes les valeurs objectives et sociales, n'est en réalité, qu'une anarchie mortelle, surtout dans l'éducation de la jeunesse.

Trop souvent aujourd'hui, on cherche à fonder l'ordre social sur une unité artificielle et mécanique :

Tant qu'on n'aura pas affermi sur cette base indispensable l'organisation d'une politique universelle, on risque de lui inoculer à elle-même les germes mortels de l'unitarisme mécanique. Nous voudrions inviter à y réfléchir, précisément du point de vue fédéraliste, ceux qui songent à l'appliquer par exemple à un parlement mondial. Autrement ils feraient le jeu des forces dissolvantes, dont l'ordre politique et social n'a déjà que trop souffert ; ils n'aboutiraient qu'à ajouter un automatisme légal de plus à tant d'autres qui menacent d'étouffer les nations et de réduire l'homme à n'être plus qu'un instrument inerte.

Au contraire, il faut construire une société basée sur les éléments naturels :

Si donc, dans l'esprit du fédéralisme, la future organisation politique mondiale ne peut, sous aucun prétexte, se laisser engager dans le jeu d'un mécanisme unitaire, elle ne jouira d'une autorité effective que dans la mesure où elle sauvegardera et favorisera la vie propre d'une saine communauté humaine, d'une société dont tous les membres concourent ensemble au bien de l'humanité tout entière.

Pour créer l'autorité mondiale qui sera chargée d'organiser le monde, il faudra réunir un ensemble de qualités :

Quelle dose de fermeté morale, d'intelligente prévoyance, de souplesse d'adaptation devra posséder cette autorité mondiale, nécessaire plus que jamais dans les moments critiques où face à la malveillance, les bonnes volontés ont besoin de s'appuyer sur l'autorité ! Après les épreuves passées et présentes, oserait-on juger suffisantes les ressources et les méthodes actuelles de gouvernement et de politique ? En vérité, il est impossible de résoudre le problème de l'organisation politique mondiale sans consentir à s'écarter parfois des chemins battus, sans faire appel à l'expérience de l'histoire, à une saine philosophie sociale, et même à une certaine divination de l'énergie créatrice.

Voilà, Messieurs, un vaste champ de travail, d'étude et d'action ; vous l'avez compris et regardé en face ; vous avez le courage de vous y dépenser ; Nous vous félicitons, Nous vous exprimons Nos voeux de bons succès et Nous appelons de tout coeur sur vous et sur votre tâche les lumières et le secours de Dieu 3.

3 Cf. Discours aux Délégués du Congrès International de l'Union Européenne de Fédé ralistes, il novembre 1948 (Documents Pontificaux 1948, p. 403).

Allocution de Pie XII aux membres du Congrès du Droit privé (Documents 1951 p. 250).


ALLOCUTION AU PERSONNEL DE L'INSTITUT POLYGRAPHIQUE ITALIEN

(8 avril 1951) 1

Une partie du personnel de l'Institut polygraphique de Rome ayant accompli en ce dimanche, 8 avril, le devoir pascal, lors d'une audience, le Pape déclara :

Vous avez voulu donner, chers fils et filles, en satisfaisant au précepte pascal, un témoignage public de votre foi et de votre esprit profondément chrétien, et vous avez désiré conclure votre pieuse matinée avec la bénédiction du Vicaire du Christ. Votre exemple est d'autant plus manifeste et évident que votre assemblée est nombreuse et variée. Nous voyons, en effet, réunis ici, en une fraternelle communauté, des membres de la Direction générale, des ingénieurs, des employés et des ouvriers des grandes branches qui constituent l'ensemble de l'Institut Polygraphique de l'Etat.

Cet Institut est tout un monde en lui-même, avec ses établissements dans l'Urbs, à Monte Sacro, à Foggia : un monde de courageuse construction et d'imposant développement, qui tire son origine de l'Atelier gouvernemental des « Carte et Valori » de Turin ; développement en extension et en hauteur, qui s'est poursuivi à un rythme de plus en plus rapide et a même surmonté, comme dans un saut, les vastes destructions causées par la guerre. C'est ainsi que le « Poligrafico » est reconnu aujourd'hui, comme « un progrès inégalé d'organisation et de technique productive », et cet éloge flatteur, exprimé par des personnages autorisés et des Commissions internationales, est bien mérité par tous ceux qui ont apporté leur travail tenace et fervent à cet Institut.

Mais le « Poligrafico », de l'Etat est également un monde de sens social, d'activité sociale. Nous avons noté avec un intérêt particulier les soins qu'il consacre aux oeuvres récréatives et d'assistance pour les employés de l'Institut, tout ce qu'il fait pour les mères et pour les enfants, pour les jours et les semaines de repos et de soulagement physique et moral, pour les jeunes et pour les adultes, à la montagne et à la plage.

L'esprit social, qui domine dans l'OEuvre de la Polygraphie de l'Etat fera aussi en sorte que, parmi vous, l'individu et les individus soient préservés de tomber dans une lassitude déprimante, comme si dans cet océan de travail et de production leur petite et si particulière contribution disparaissait et chacun n'était plus de cette manière, qu'une quantité pour ainsi dire imperceptible et comme un minuscule rouage d'une machine gigantesque. Non, même dans un établissement qui travaille avec cent ou mille machines, le bon résultat dépend, jour après jour, année après année, surtout de l'attention, de la diligence, de l'expérience, de la conscience de sa propre responsabilité, et par conséquent du plus grand sens de conscience, avec lesquels chacun fournit son travail. Ceci est d'autant plus important pour un Institut comme le vôtre où vous êtes directement au service de l'Etat, — et dans un domaine si capital, — et où vous travaillez en un sérieux secteur du bien commun, dans lequel ce n'est pas tellement le travail purement matériel selon le nombre et la mesure qui a une valeur, mais l'habileté et la perfection techniques.

Conservez cet esprit de dignité éthique dans votre vie professionnelle et donnez-lui le couronnement et comme la consécration religieuse : c'est-à-dire mettez votre travail quotidien au service de Dieu, dans l'amour purifiant et sanctifiant de Jésus-Christ. Alors une atmosphère de respect mutuel, de bienveillance et confiance réciproques remplira les locaux et les coeurs de l'Institut Polygraphique de l'Etat.

Avec ce souhait, Nous invoquons sur vous les grâces les plus précieuses du Seigneur, en même temps que Nous vous donnons volontiers à vous tous, à toutes vos familles, à tous ceux qui vous sont chers, Notre paternelle Bénédiction apostolique.


DÉCRET

DE LA CONGRÉGATION DU SAINT-OFFICE CONCERNANT LA CONSÉCRATION D'UN ÉVÊQUE SANS PROVISION CANONIQUE

(g avril 1951) 1

Dans plusieurs pays de l'Europe centrale et orientale, les autorités publiques, sous l'inspiration des dirigeants soviétiques, s'efforcent d'asservir l'Eglise catholique et menacent de nommer, elles-mêmes, sans l'intervention du Saint-Siège, de nouveaux évêques aux sièges vacants. C'est en vue de cette éventualité que le décret suivant a été pris :

« La Suprême Congrégation du Saint-Office, après avoir reçu mandat spécial du Souverain Pontife, a publié le décret :

Tout évêque, de n'importe quel rite ou dignité qui sacre un évêque sans que celui-ci ait été nommé par le Siège apostolique, ni confirmé expressément par celui-ci, ou s'il reçoit la consécration, même sous une contrainte grave2

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXIII, 1951, p, 217.

2 Canon 2229, g 3, 30. — Dans la Nouvelle Revue thêologique de juillet 1951, p. 751, a paru le commentaire suivant :

« Ce délit était déjà puni par le Code en vertu de la disposition du C. 2370 : " L'évê-que qui donne la consécration episcopale, les évêques ou, à défaut de ces derniers, les prêtres assistants, et celui qui, contrairement à la prescription du C, 953, reçoit la consécration episcopale sans mandat apostolique, sont de plein droit suspens, tant que le Siège Apostolique ne les aura pas dispensés. "

" On sait que, dans l'Eglise latine, le Pape se réserve tout sacre d'évêque de telle sorte °u il n'est jamais permis d'agir sans avoir au préalable un mandat apostolique communiqué s°it de vive voix soit par lettres apostoliques. La règle s'impose aussi dans le cas où Rome confirme une élection. En cas d'infraction, une peine vindicative sévère était prévue ; elle est maintenant aggravée. Le délit de consécration episcopale faite sans nomination du consacre par le Saint-Siège ou sans confirmation expresse de son élection par le même Saint-8e, est puni d'une excommunication (censure) encourue ipso facto (peine latte sert

tentise) ; l'absolution est très spécialement réservée au Saint-Siège. Sont ainsi frappés : le prélat consécrateur et le consacré. A raison de la Constitution de Pie XII, du 30 novembre 1944, qui veut que les évêques assistants soient de véritables co-consécrateurs, il semble difficile d'admettre que ces derniers ne tombent pas également sous cette même peine. Il n'en serait pas de même des simples prêtres assistants. Le décret précise au sujet de la responsabilité des auteurs, que le délit est présumé gravement consommé même dans le cas où ils seraient sous le coup d'une crainte grave, par application du 3 o du § 3 du C. 2229. Un tel acte, en effet, n'est pas une violation d'une loi purement ecclésiastique, mais, en dehors même d'une attitude schismatique, emporte de soi " mépris de l'autorité ecclésiastique " et ne peut que causer un lourd préjudice public aux âmes des fidèles. Cette nouvelle loi était applicable dès le 21 avril 1951 à raison de la clause portée parle décret, la nature du délit expliquant cette mesure particulière. »

encourt par le fait même, l'excommunication réservée tout spécialement au Siège apostolique. Le décret entre en vigueur à partir de sa promulgation. »

LETTRE A L'OCCASION DU 250e ANNIVERSAIRE DE L'ACADÉMIE PONTIFICALE ECCLÉSIASTIQUE

(14 avril 1951) 1

Mgr Paul Savino, président de Y Académie Pontificale Ecclésiastique 2, reçut, signée du Saint-Père, la lettre suivante :

Les souvenirs que l'Académie Pontificale Ecclésiastique veut célébrer en son 250e anniversaire d'existence sont gravés de telle sorte dans les annales de cette période, que ni Notre pensée ni Notre parole ne peuvent manquer à cette heureuse commémoration.

Nous ne pouvons ne pas souligner, en effet, en cette circonstance, comment, aux hautes fins pour lesquelles l'Institut fut créé et aux sollicitudes des Papes qui en favorisèrent le développement, ainsi qu'aux Nôtres, il répondit dignement en donnant des fruits dont il est juste de se réjouir.

Aussi sommes-Nous heureux de donner Notre bon témoignage à un Institut que la sagesse de Notre prédécesseur Clément XI donna au Siège Apostolique, afin de consacrer opportunément à des prêtres doués d'une éducation sociale et intellectuelle particulière un soin spécial approprié à leur formation ecclésiastique et à les préparer aux charges des plus grandes responsabilités dans le service de l'Eglise ; et Nous pouvons

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 373.

2 L'Académie Pontificale ecclésiastique (autrefois Académie des Nobles) fut fondée en 17ûi par Clément XI en vue de préparer des prêtres au service de la diplomatie pontificale. Les étudiants préparent le doctorat en Droit Canon, et suivent des cours de diplomatie et de langues étrangères. Au cours de leurs études, ils font ensuite des stages à la Secrétairerie d Etat. Ils sont ensuite envoyés dans les représentations pontificales à l'étranger.

Autrefois, l'accès de l'Académie était réservé aux Italiens, depuis peu les prêtres d'autres pays y sont admis.

noter avec une légitime satisfaction que l'Académie, au cours de sa longue existence, a répondu à cette idée, en accueillant et instruisant pendant longtemps des ecclésiastiques nobles, puis en adaptant les aspects, les habitudes, les études aux nécessités successives des temps, et en restant toujours fidèle, en une cohérente adhésion, à son programme traditionnel.

On voit donc apparaître dans ce résumé de l'histoire de l'illustre institution, l'harmonie : à la culture intellectuelle de ses élèves, nourrie de disciplines ecclésiastiques et diplomatiques, de sociologie et de droit, de connaissance du style de la curie et des divers idiomes les plus répandus parmi les peuples, ainsi que de tout autre savoir utile et intéressant, on a joint, en lui donnant le premier rang, dans une profonde compréhension de la véritable mission de l'Eglise, le souci d'éduquer chez chacun d'eux une conscience sacerdotale ferme et sensible, afin que se préparât chez le candidat aux charges représentatives du Saint-Siège, l'apôtre de l'Evangile, prêt à faire de son oeuvre un sublime ministère religieux. L'Académie Pontificale a en cela son premier et plus noble titre d'existence et de satisfaction, et ses élèves le secret pour l'heureux succès de leur future activité.

Conscients des grands besoins moraux qui agitent notre époque, et instruits et déjà presque participants des multiples épreuves qui, par un dessein providentiel, doivent servir à la croissance de l'Eglise romaine, les jeunes ecclésiastiques choisis pour cette haute école de science et de courage sauront aujourd'hui, tout autant que leurs prédécesseurs, former un digne corps, soutenu par un sens éveillé de grands devoirs et animé par un désir empressé de consacrer leurs talents et leur vie au service qui leur est confié, avec la ferme conviction qu'il n'est point de meilleure représentation du Saint-Siège ni de plus autorisée, aujourd'hui plus que jamais, même dans le monde diplomatique, que là où la figure du Divin Maître resplendit le plus sincèrement dans la vérité professée, dans la justice vécue et dans la charité prodiguée.

Et Nous ne pouvons exprimer de voeu plus ardent pour la vitalité féconde et pour la meilleure fortune de l'Académie Ecclésiastique que celui qu'elle se maintienne apte pour un nouvel et long avenir à une si sage fonction éducatrice.


ALLOCUTION A L'OCCASION DE LA BÉATIFICATION DE FRANCESCO FASANI

(18 avril 1951) 1

Le dimanche 15 avril, François-Antoine Fasani2 était béatifié ; le mercredi suivant, le Souverain Pontife recevait dans la Salle des Bénédictions, les pèlerins venus à Rome pour ce motif. Le Pape y prononça Y allocution que voici :

Parlant de l'accueil qui lui avait été fait à Nazareth, Jésus disait avec un accent de tristesse : Non esf propheta sine honore nisi in patria et in domo sua. 3

Pour encourager ses disciples, Il a tenu à faire Lui-même l'expérience de la douloureuse vérité de ce dicton qui n'est démenti que dans de rares cas. Votre Bienheureux, chers Fils, que Nous avons eu la joie d'élever aux honneurs des autels, a été une de ces exceptions. Sauf quelques années consacrées à sa formation ecclésiastique et intellectuelle, il a passé toute sa vie dans sa ville natale. Le fils et l'apôtre de Lucera a échappé ainsi au sort commun, il s'est soustrait à la règle générale, peut-être parce qu'il était détaché de tous les attraits et intérêts humains, de toutes les petitesses de l'amour-propre.

Il revendiquait pour lui sa condition de fils d'un pauvre laboureur, d'un travailleur de la glèbe ; il contemplait avec amour, en remerciant Dieu, sa pauvre petite maison natale qu'il trouvait demeurée debout au milieu de l'écroulement des palais

1 D'après le texte italien des A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 28c.

2 François-Antoine Fasani est né le 6 août 1681 à Lucera ; dès l'âge de 15 ans, il re chez les Frères mineurs conventuels. Devenu maître en théologie, et ordonné prêtre à •ise en 1705, il exerça le ministère dans les régions rurales. En 1707, il était nommé pro->eur de philosophie au couvent de sa ville natale.

3 Matth., 13, 57.

qu'un violent tremblement de terre avait fait tomber en ruines ; il ne se lassait pas de répéter que si Celui qui « élève de la poussière le miséreux4 », ne l'avait pas appelé à Son service, il aurait été pareil à tous ses parents, il serait allé couper du bois comme eux ou garder les porcs. Avec quel respect, surtout, avec quelle tendresse filiale, il apportait, au seuil du couvent où la foule des plus malheureux attendait patiemment de la charité le frugal repas quotidien, l'écuelle de soupe chaude à sa mère « la pauvre Isabelle », qui se tenait devant la porte mêlée au groupe des indigents, comme Marie attendait Jésus devant l'entrée de la Synagogue.

Mais « celui qui s'humiliera sera exalté » 5. L'estime, l'affection, la vénération l'entourent. Il n'a pas besoin de s'en garantir. Comme l'Apôtre, insensible au cas que l'on fait de lui, cet humble sait montrer sa fermeté et soutenir le prestige de l'autorité qui lui vient du Seigneur et non des hommes. Il s'est donné au soin des pauvres, des malades, des détenus ; il a prêché en chaire, avec non moins de science théologique que de simplicité communicative, la doctrine et la loi du Christ ; il a fait sentir sa main de fer dans la réforme des religieux et dans la restauration de l'observance de la règle, en unissant et dosant, ou bien alternant la sévérité et la douceur, sans nuire à la fermeté et à la charité.

Quel poème sont les derniers jours de sa sainte vie ! Une tournée de visites aux familles auxquelles il est attaché et dont il veut prendre le dernier congé ; un suprême effort pour se lever, la nuit, tremblant de fièvre, afin de répondre à l'appel d'un de ses pénitents gravement malade ; une matinée de confessions ; une dernière journée de fidélité à la vie commune, et, enfin, sur le lit où le maintient l'obéissance, la sereine préparation avant d'aller rendre compte à Dieu de sa vie et de sa mission.

L'heure de la récompense étant arrivée pour lui, l'humble et glorieux fils de Lucera est acclamé, pleuré, invoqué par toute la population de sa ville natale sans distinction de classe ni de rang.

Plus de deux siècles se sont écoulés depuis sa mort bienheureuse sans que se soit estompée sa mémoire. Puisse-t-elle vivre toujours dans votre souvenir et encore davantage dans

4 Ps. CXII, 7.

5 Luc, 14, 2.

votre fidélité à imiter ses exemples, quelles que soient les conditions où vous aurez à exercer votre activité. Et, en attendant, en implorant pour vous les plus heureuses grâces divines, Nous vous donnons de tout coeur, à vous et à tous les membres de votre famille séraphique Notre paternelle Bénédiction apostolique *.

Décret introduisant la cause de béatification, 21 juin 1801. Décret concernant les miracles, 4 mars 1951 (A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 216).

t ALLOCUTION A LA LIGUE DES FEMMES CATHOLIQUES DE SUISSE

(19 avril 1951) 1

Un groupe de dirigeantes de la Schweizerischer Katholischer Frauen-bund - étant venues à Rome, le Saint-Père leur dit :

Nous vous souhaitons la bienvenue, chères filles de la Ligue des femmes suisses, et Nous vous remercions de vos hommages et de vos prières.

Fondée, il y a près de quarante ans, votre Ligue est devenue aujourd'hui une imposante association, dont les riches bienfaits s'étendent même en dehors de vos frontières. De cet essor, vous devez remercier humblement le Seigneur. Vos mérites sont aussi grands. Appelées par vos évêques à l'apostolat des milieux féminins, dans le cadre de l'Action catholique, vous avez répondu à leur confiance.

Les conditions de la Suisse, îlot de paix au milieu d'une Europe en guerre, ont permis au mouvement féminin catholique de se développer plus tranquillement que dans les pays voisins. Une solution d'ensemble a été trouvée au grand problème des Ligues féminines : assurer à la femme la place et les droits qui lui reviennent dans l'ordre social et dans la vie publique, selon les exigences chrétiennes. Resteront toujours les deux autres buts à réaliser : former la jeune fille et la jeune femme et les préparer aux tâches qui les attendent, avant tout dans la famille, et les tirer de leurs difficultés. Nous entendons avant tout les difficultés d'ordre religieux. Faites tout ce qui vous est possible pour maintenir parmi les femmes suisses, la foi chrétienne dans toute sa pureté, sa vitalité et sa force.

Comme gage des grâces surabondantes du Christ, qui doivent animer votre activité, Nous vous accordons, à vous et à votre Ligue, la Bénédiction apostolique.

1 D'après le texte allemand de VOsservatore Romano du 21 avril 1951.
2 En plus du groupe alémanique, la Ligue comprend la Fédération Romande des Femmes Catholiques et VUnione Teminile Cattolica Ticinese. Fondée en 1912, la Ligue compte X20.000 membres. Le secrétariat en est établi à Lucerne, Biirgerstrasse, ly.

RADIOMESSAGE AU Ier CONGRÈS EUCHARISTIQUE DU GUATEMALA

22 avril 1951

1

A la suite des autres pays de l'Amérique latine, le Guatemala a organisé ce jour son premier Congrès eucharistique national qui se tenait dans la capitale du pays en présence du cardinal Arteaga y Betancourt, archevêque de La Havanne. Par la voix des ondes, Pie XII adressa aux participants le message suivant :

Vénérables Frères et chers Fils qui, réunis en la ville de Guatemala, clôturez en ce moment les solennelles journées de votre premier Congrès eucharistique national :

Quand, à la fin du siècle passé et avec l'intention particulière de promouvoir et affermir le règne social de Jésus-Christ dans le Saint Sacrement, débutait, presque timidement et au milieu de nombreuses difficultés, le mouvement des Congrès Eucharistiques internationaux, qui aurait pu penser que cette Assemblée de Lille en juin 1881, était appelée dans toute sa modestie, à être le premier maillon d'une chaîne glorieuse, qui ne devait pas tarder à enlacer tous les continents et toutes les nations, en une seule explosion d'amour, de gloire et d'exaltation triomphante, comme celle que nous sommes en train de voir en ces jours ? Tua est, Domine... potentia et gloria... et tibi laus. A toi, Seigneur,... le pouvoir et la gloire... et l'on doit Te louer2.

1 D'après le texte espagnol des A. S., XXXXIII, 1951, p. 443.
2 1Ch 29,11.

Mais, des grands Congrès internationaux, et comme une préparation et un complément naturels, devait surgir aussitôt l'idée des Congrès nationaux, qui précisément en votre Amérique espagnole conformément à la foi robuste et à la solide piété de la communauté catholique hispanique, a fait preuve d'une fécondité surprenante : le Chili, San-Salvador, l'Argentine, Cuba, la Bolivie, l'Equateur et le Pérou, pour nous en tenir aux principaux en ces dix années, ont été les dignes scènes de si merveilleux triomphes.

Or, pour qui connaît, même sommairement, le caractère et l'histoire des nations qui composent le Nouveau-Monde, c'était une chose évidente que dans une glorieuse énumération le nom du Guatemala ne pouvait ni ne devait manquer.

Il n'est pas dans Notre intention, en Nous exprimant ainsi, de Nous référer seulement à votre pays privilégié en tant que parfaitement approprié pour n'importe quel magnifique événement, avec ses volcans fumants, ses cataractes bruyantes, ses riants et prospères jardins du littoral et tous ces enchantements et ces richesses qui en font comme un résumé de toute beauté et abondance de la nature. Notre pensée se tournait encore plus vers ces vieilles civilisations précolombiennes, d'une culture exquise et d'une religiosité profonde et nette avec lesquelles débute le livre de votre histoire.

Elle évoquait ce 25 juillet 1524, quand votre pays entrait dans l'ère nouvelle, devant un autel de la Sainte Vierge et de Monsieur Saint-Jacques, ignorant le fer du vainqueur ou la dure action de la conquête, et seulement grâce à l'oeuvre pacifique et apostolique des missionnaires de Jésus-Christ et de son Eglise — une nation fondée par une poignée de moines sans armes ! — elle évoquait les figures marquantes de votre vie nationale : un évêque Marroquin à qui vous reconnaissez devoir tout le bien que vous possédez : un Frère Pierre de Bétancourt en qui devait se fonder dans son esprit enflammé de zèle et de charité, les meilleurs éléments de l'âme nationale ; elle se rappelait que si dans votre littérature quelque nom eminent s'est fait entendre, s'il y a eu parmi vous quelque homme de science particulier, ils furent toujours, pour ainsi dire sans exception, des hommes et des noms que l'Eglise de Jésus-Christ revendique elle aussi comme siens.

Non, le Guatemala, surtout le Guatemala eucharistique, dont la dévotion au Saint-Sacrement de l'autel est si profondément enracinée dans les coeurs de ses fils authentiques ; le Guatemala qui a rempli les églises de la moitié de l'Amérique avec les tabernacles, les custodes, les calices et les ciboires sortis des mains merveilleuses de ses prodigieux orfèvres ; le Guatemala qui, dans sa capitale, jouit de l'insigne privilège de l'Adoration continue et successive du Seigneur dans le Saint Sacrement exposé dans ses églises, ne pouvait manquer et n'a pas manqué. Et en ce moment même vous donnez là le témoignage au ciel et à la terre de la présence du Guatemala là où il doit se trouver.

Et en ce moment ineffable, très chers fils, quand le Dieu de l'Eucharistie écoutera plus favorablement nos prières, qu'allons-nous Lui demander ?

Les merveilles de la science portent en ce moment jusqu'à vos oreilles les chaleureuses vibrations de Notre voix paternelle. Mais on dirait qu'à travers les mêmes espaces insondables les anges de la paix Nous apportent l'écho silencieux des prières que murmurent vos lèvres. Et il Nous semble que vous dites :

« Victime divine, perpétuellement immolée pour nous, donne-nous des prêtres nombreux et saints parce que nos églises sont comme une lampe éteinte quand leur manque la main consacrée qui allume en elles la lumière de l'Eucharistie et illumine ensuite avec celle-ci nos pupilles fatiguées ! « Pain céleste ! pain de vie * » qui sanctifies nos âmes : sanctifie surtout nos familles et réunis-les autour de Toi, pour les faire tiennes, pour cette cohésion et cette stabilité, qu'elles ne pourront trouver qu'en Toi, rocher vivant !

Dieu de l'Eucharistie ! centre des coeurs ; enferme les nôtres dans les douces chaînes de ton amour ; de cet amour que nous, les fils de ce « Guatemala de l'Assomption », nous voulons apprendre dans le sein de notre Mère, trois fois couronnée ! »

Qu'il vous écoute, très chers fils, comme vous le méritez et comme Nous le lui demandons ; qu'il obtienne pour les institutions d'un peuple, qui doit tant à l'Eglise, cette liberté, ce respect et jusqu'à cette protection auxquels elles croient avoir droit à juste titre ; qu'il vous accorde la sérénité dans la vie publique et le juste équilibre dans la vie sociale, dans l'unique chemin sûr et acceptable qui est celui qu'enseigne l'Eglise ; qu'il vous défende des pièges trompeurs des ennemis, déclarés ou sournois de votre foi ; qu'il vous iasse tels que par votre conduite vous rendiez manifeste que l'Eglise, — ni en ses fidèles ni en ses ministres de tout rang et de toute origine — n'est ni ne peut être jamais un danger pour quoi que ce soit ni qui que ce soit, en offrant en revanche la collaboration la plus désintéressée et la plus efficace pour le bonheur et le progrès réels des peuples.

3 Jn 6,48.

Votre nation, route entre deux continents et pont entre deux océans, est sans aucun doute appelée aux plus hauts destins ; mais elle ne devra jamais oublier que pour accomplir sa destinée providentielle elle aura avant tout à rester fidèle à sa vocation chrétienne. Votre pays a l'habitude de se représenter sous le symbole du gracieux quetzal, l'oiseau au plumage émeraude, or et rubis, qui, derrière les barreaux de la cage, rapidement languit et meurt ; que le Donneur de tout bien ne permette à personne de dépouiller votre pays de son meilleur ornement, qui est sa foi, en l'enchaînant dans les prisons du mensonge et de l'erreur, et en mettant en danger jusqu'à sa vie.

C'est ce que nous demandons à Notre-Dame de l'Assomption, votre et Notre Mère pleine d'amour ; c'est ce que nous implorons devant l'autel du « Seigneur d'Esquipulas », qui connaît les anxiétés et les désirs de tout bon coeur guatémaltèque ; c'est ce que Nous espérons du Dieu incarné et caché, que vous adorez en ce moment si solennel ; en même temps que Nous bénissons paternellement, avec toute l'effusion de Notre coeur, tous les présents, tous ceux qui ont collaboré à ce Congrès et tout le Guatemala bien-aimé.


PieXII 1951 - LETTRE A SON EM. LE CARDINAL TISSERANT POUR LE CENTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ DES SAINTS CYRILLE ET MÉTHODE