PieXII 1951 - ALLOCUTION A L'OCCASION DE LA BÉATIFICATION DU R. P. JULIEN MAUNOIR S. J.


'J.

* Virg., Enêïde, 6, 727. B I. Cor., 9, 22. « Matth., 13, 52.

s'épargner dans la succession ininterrompue des missions, et quelles missions ! sur le continent et dans les îles, prédications processions, catéchismes, confessions ; visite des malades et le reste. A lire sa vie, on se demande comment un seul homme a pu suffire à tant de travaux, comment sa nature a pu tenir tête à un tel surmenage. Comment ? Par l'effet de l'adage entendu au sens chrétien : Mens agitat molem4. Homme d'action plus que personne, il mettait au-dessus de l'action l'étude, au-dessus de l'étude la prière. Si puissant était son attrait pour elle que son maître Michel Le Nobletz croyait devoir le mettre en garde contre un excès, qui pût compromettre l'expansion de sa vie apostolique.

L'histoire montre que, de sa part, ce préjudice n'était pas à redouter. Elle montre en même temps de quelle source, exubérante et pure, jaillissait sa prodigieuse activité extérieure. Il avait, dit-il lui-même, reçu de Dieu un don d'oraison qui le tenait en continuelle union avec lui.

Avec raison, avec aussi, parfois, quelque illusion ingénue de découverte et d'innovation, on prône l'adaptation du zèle : il faut être de son temps, il faut être de son milieu. 5aint Paul le disait déjà ou, mieux il en donnait l'exemple : omnibus omnia factus sum, ut omnes facerem salvos 5. Ainsi faisait également le bienheureux Julien Maunoir, et il faudrait bien chercher pour lui trouver en cela un émule qui le surpasse. C'est pour se mettre à la portée de tous qu'il apprend leur langue difficile, qu'il enseigne à l'aide de grands tableaux figurés la doctrine et la morale, qu'il les met en refrains et en couplets si bien imprimés dans la mémoire qu'on les chante encore aujourd'hui ; il sait mettre en oeuvre maintes industries qui touchent la foule plus profondément encore que vivement. S'il voyage surtout à pied et par les grands chemins, c'est dans l'espoir de rencontrer au passage et de recueillir les agneaux dispersés, les brebis errantes. Pareil au bon père de famille, il tire de son trésor nova et vetera 6 le vieux et le neuf, ce qui convient pour le moment.

Fiers bretons, acclamez votre bienheureux, soyez fidèles a ses leçons, comme l'ont été vos pères, demandez-lui avec confiance la persévérance et le progrès dans votre foi et dans votre

vie chrétienne. Prêtres et apôtres de la Bretagne et de partout, inspirez-vous à ses exemples ; son école est sûre et de bon rendement ; son intercession, de là-haut, continuera par vous, son oeuvre d'ici-bas.

Vous tous enfin que la flamme du zèle dévore, qui, d'un coeur sincère et ardent, vous dévouez au salut et à la rénovation de votre temps et de votre pays, imitez le bienheureux Julien Maunoir infatigable dans l'action, mais action qui déborde de la surabondance de sa vie intérieure surnaturelle ; imitez-le, hardi dans l'adaptation aux circonstances présentes et fermement attaché à ce qui, dans les traditions, est toujours actuel, parce que immuable et éternel.

Et Nous, chers fils et chères filles, qui invoquons sur vous les grâces sanctificatrices de Dieu, les faveurs les plus exquises de la Vierge Immaculée, l'appui de Sainte Anne, de vos célestes Patrons, du bienheureux Julien Maunoir, Nous vous donnons, avec toute Notre affection paternelle, Notre Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION AUX FRÈRES MINEURS

(23 mai 1951) 1

Les Frères Mineurs s'étant réunis à Assise pour élire un nouveau Ministre Générala, vinrent à Rome pour écouter le Saint-Père leur dire :

« Après avoir tenu à Assise le chapitre général de la famille franciscaine et élu votre ministre général, vous êtes venus ici, comme des fils très aimants, Nous saluer. Votre hommage Nous est une source de joie. Aussi rendons-nous grâce à Dieu, Nous qui portons le lourd fardeau de la charge apostolique, de ce qu'il Nous donne la joie de votre présence, et le plaisir d'adresser la parole à l'élite des vaillants soldats de la milice pacifique du Christ.

Avant tout, Nous félicitons Notre cher fils Augustin Sepinski, que l'accord des suffrages a choisi pour diriger toute votre famille ; et pour lui, tout en rendant publiquement hommage du bon travail accompli par son prédécesseur, Nous demandons au Saint-Esprit des grâces abondantes de lumière et de force, pour qu'il se donne avec sagesse et intelligence aux responsabilités de sa lourde charge. En ce moment, vous Nous demandez des exhortations et des voeux qui vous stimulent et vous entraînent avec enthousiasme dans le chemin de la vertu. Quel sujet traiter ? Où prendre l'exorde de Notre discours ? Vous venez de la ville d'Assise, rapportant une image et un culte plus vifs de votre Fondateur. Ce qui doit vous aider, vous l'avez avec vous.

Le Pape invite les Frères Mineurs à imiter leur saint Fondateur :

Le Patriarche d'Assise., amant passionné de l'Evangile, héraut du grand Roi, image du Christ resplendissante d'un admirable

1 D'après le texte latin de VOsservatore Romano du 24 mai 1951.

2 Le nouveau Ministre Général est le Père Augustin Sepinski de la province française.

éclat, a atteint une telle sainteté, qu'il a souvent attiré l'amour de ceux mêmes qui étaient étrangers à l'Eglise. Sur ce point, sans aucun doute, vous devez, vous ses disciples, et ses fils, surpasser tous les autres. Qu'il n'arrive jamais — que ce soit même exclu pour vous — que votre amour pour lui se manifeste en paroles, mais beaucoup moins dans vos vies. Si vous l'aimez véritablement, suivez ses préceptes, marchez sur ses traces, laissez-vous porter par le souffle de son esprit sublime.

C'est principalement par la Charité que les Frères Mineurs doivent se distinguer :

Or, la vertu la plus élevée qui brilla particulièrement en lui, fut la charité, la charité séraphique : saisi par elle, il ne fit plus qu'effleurer la terre d'un pied léger et aspira tout entier vers les réalités célestes. Sous l'exigence de cette éminente charité, il embrassa si bien la pauvreté évangélique, remède à tous les vices, qu'il remporta la palme dans un si grand combat. Accompagnant son évangélique pauvreté, on vit fleurir magnifiquement dans sa vie le goût de la pénitence, la volonté de se consacrer entièrement à Dieu et à l'Eglise, l'innocence de la vie, le souci vigilant d'aider et de former religieusement le prochain surtout les pauvres et les plus malheureux. Tournez vos regards vers cet astre resplendissant, imitez la vertu caractéristique de votre père. Développez toujours davantage l'amour pour Dieu et pour le prochain ! Est-il possible que la même bouche qui loue Dieu vienne à blesser, fût-ce légèrement, la charité fraternelle ? La charité excuse plutôt qu'elle n'accuse ; et si elle doit reprendre, elle le fera — chez celui où elle est vraie et sincère — pour arracher les racines amères de la dissension, pour nourrir la concorde et pour incliner sous le joug de l'obéissance une tête trop fière.

Le Pape suggère que les trois branches de l'Ordre franciscain — 'es Frères Mineurs, les Capucins, les Conventuels — se concertent pour discuter certains problèmes 3.

Sur ce point, Nous voulons soumettre une proposition à votre examen et à votre décision. L'institut franciscain, comme

•J L'Ordre franciscain compte 25.000 religieux Frères Mineurs ; les Conventuels, 3.50c et Capucins, 13.000.

un arbre fécond, a produit plusieurs rameaux, pour diverses raisons que rapporte l'histoire. Nous laissons au jugement de la même histoire les différences et les désaccords qui se manifestèrent entre eux au cours des temps. Mais ne serait-il pas bienfaisant et souhaitable que les familles franciscaines, tout en demeurant chacune sui juris, s'unissent par un lien amical, afin de résoudre les problèmes communs les plus importants en mettant en commun leurs avis ?

Pie XII insiste sur la nécessité de pratiquer la pauvreté :

Quant à la pauvreté, elle est si nécessaire, si conforme à la loi de l'Evangile, que tout chrétien, s'il n'a pas pour elle au moins dans le coeur un sentiment de respect et s'il ne détourne pas ses désirs des biens terrestres, doit craindre pour son salut éternel.

C'est pourquoi il faut qu'il y ait dans l'Eglise des hommes qui pratiquent plus particulièrement cette vertu pour instruire et entraîner les autres. Vous êtes ces hommes, si vous ne déviez pas de votre première règle. Aussi qu'une noble pauvreté brille dans vos maisons et vos entreprises ; et en maniant les biens terrestres avec une certaine réserve, n'en jouissez pas, mais usez-en avec tempérance, suivant le conseil : « On vit bien avec peu de choses » 4.

Mais il faut être riche de grâce et de vertus :

Pauvres dans vos vêtements et votre nourriture, efforcez-vous d'être très riches de ces vrais trésors que la grâce de Dieu, les vertus, la doctrine produisent chez ceux qui sont dociles et répandez largement chez les autres ces richesses.

Habituez-vous à l'immolation spirituelle, qui, pour vaincre ce qui est illicite et mauvais, contient et refuse même ce qui est permis ; brillez par la modestie du maintien et du langage, de même que par le souci d'une parfaite chasteté ; par vos paroles et vos exemples, enseignez à tous ceux qui vous approchent, ce qui est bon, pur, honorable et saint.

Les Franciscains doivent être enflammés de zèle apostolique :

Vous savez, très chers fils, que parmi tant de maux qui affligent notre temps, on considère comme le plus dangereux

* Hor., Od. I, 2, 16, 13.

celui qui atteint les plus humbles ; et ceux-ci exposés aux dangers de la mauvaise doctrine, ont quitté en grand nombre le bercail du Christ. Poussés par votre amour fraternel, occupez-vous surtout de ceux-là ; secourez-les de toute façon, annoncez-leur avec zèle la parole de Dieu, cette parole de salut et d'espérance que nourrit la méditation des Saintes Ecritures, qu'enflamment les prières, que corrobore l'austérité de la vie. Ce faisant, vous allez au devant de ce siècle bouleversé, et vous vous souciez d'en faire naître un nouveau meilleur.

C'est animé par cet espoir que Nous vous bénissons dans l'effusion de Notre coeur paternel, vous tous ici présents, et tous vos confrères — ceux surtout qui dans certaines régions souffrent pour le Christ, soldats inébranlables et pleins de courage, dignes d'une louange immortelle — vos novices, vos entreprises et vos travaux. Que l'Auguste et Sainte Trinité, par l'intercession de la Vierge Marie, Mère de Dieu, et de S. François, donne à votre famille religieuse la paix, la joie, le salut et un rayonnement toujours plus grand de vos vertus.

LETTRE NOMMANT LE CARDINAL MICARA LEGAT AU XVe CONGRÈS EUCHARISTIQUE DE NIMES

(24 mai 1951) 1

En septembre, se tenait à Nîmes le XVe Congrès eucharistique national de France. Le Pape y envoya, pour le remplacer comme Légat, Son Eminence le Cardinal Micara qui était porteur de la Lettre suivante :

Nous avons appris avec plaisir que le XVe Congrès Eucharistique national de France se tiendrait au mois de septembre prochain, à Nîmes, dans cette antique cité du Midi de la France, célèbre par ses insignes monuments d'art romain.

Les assemblées et cérémonies solennelles par lesquelles on s'apprête, d'un zèle ardent, à y fêter le Très Saint Sacrement, n'auront pas pour seul effet de réveiller et d'accroître grandement la dévotion du peuple chrétien ; la société civile, elle-même, agitée par tant d'oppositions et de discordes des nations et des partis, en proie à de si graves angoisses pour le présent et pour l'avenir, s'y verra fortement attirée à se soumettre au très doux empire du roi pacifique, dans le redressement des moeurs privées et publiques et la poursuite de la concorde des esprits et des coeurs.

D'une importance capitale est le thème proposé à l'étude du prochain Congrès, la formation morale des enfants et des adolescents par le secours et l'influence de l'Eucharistie. Y a-t-il, en effet, pour les éducateurs de la jeunesse, un moyen plus apte et plus puissant pour former chrétiennement les jeunes âmes, que de les conduire au Maître de la perfection, qui se

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 728, traduction française de La Documentation Catholique, t. XLVIII, c. 1207.

cache, s'immole et se donne sous les voiles eucharistiques ?

C'est en s'habituant à s'approcher souvent et sérieusement du Saint des Saints, de l'autel de Dieu, de Dieu lui-même, qu'enfants, si faibles, et jeunes gens dans la fleur de l'âge, soutenus par une force divine, deviendront capables de dominer l'assaut des passions et aussi de pratiquer de difficiles vertus. On ne saurait, certes, rien concevoir de plus précieux et plus salutaire que ce céleste banquet.

Et comme Nous avons très à coeur de favoriser' de tout Notre zèle, tant le culte de la très sainte Eucharistie, que la bonne formation des adolescents, Nous désirons rehausser, par la présence de Notre Légat, l'éclat et la magnificence du Congrès de Nîmes.

Nous vous choisissons donc, Vénérable Frère, vous, qui, revêtu de l'éclat de la pourpre romaine, avez été récemment élevé par Nous à la haute dignité de Notre vicaire général pour la ville de Rome, et comme Nous l'avons déjà annoncé, Nous vous constituons par les présentes, Notre légat a latere, afin qu'en Notre nom, vous présidiez les cérémonies sacrées qui se dérouleront à Nîmes, en septembre prochain.

Vous direz, de Notre part, à Nos chers fils de France qui se réuniront en cette ville, qu'ils ne peuvent rien faire qui Nous soit plus agréable que de rendre au Christ Jésus l'amour qu'il leur témoigna par l'institution de l'Eucharistie, en « les aimant jusqu'à la fin ».

Qu'ils se fassent, parmi leurs compatriotes, les apôtres infatigables de ce culte eucharistique, et que cette ardeur de charité, se traduisant en de multiples bonnes oeuvres, ait pour effet, l'accroissement de l'Eglise et la prospérité de la patrie française.

En gage de ces dons célestes et en gage de Notre particulière dilection, Nous vous accordons de tout coeur dans le Seigneur, à vous, Vénérable Frère, au vaillant évêque de Nîmes, aux autres évêques et à tous les fidèles, qui assisteront au Congrès Eucharistique, la Bénédiction apostolique.

LETTRE POUR LE 40e ANNIVERSAIRE DE L'INSTITUT PONTIFICAL DE LA MUSIQUE SACRÉE

(27 mai 1951) 1 É

Les grands centres européens d'enseignement du chant liturgique sont, à l'heure actuelle, l'abbaye de Solesmes, l'Institut grégorien de Paris et l'Institut Pontifical de Musique Sacrée de Rome.

Le Saint-Père a envoyé récemment une lettre apostolique à Monseigneur Angles Pamies, président de ce dernier institut à l'occasion du 40e anniversaire de sa fondation.

En voici le texte : :<lï

Les huit lustres heureusement écoulés depuis la fondation de l'Institut Pontifical de Musique Sacrée, ainsi que l'approche du jour tant attendu où le Pape Pie X, le très généreux fondateur de cet Institut, va être inscrit au catalogue des Bienheureux, Nous sont une double occasion, que Nous ne voulons pas laisser passer, de vous exprimer Nos félicitations et Nos voeux, à vous-même et à vos collaborateurs, qui enseignez dans cette grande Ecole.

Nous tenons vivement à souligner l'importance de l'oeuvre à laquelle vous vous dévouez avec tant d'intelligence, puiscju' elle vise le bien de l'Eglise, favorise la piété et l'esprit de religion, et met en valeur pour les accroître, les beautés de la sainte Liturgie. C'est pourquoi des documents, tels que ceux du concile de Trente, dont on connaît la prévoyance remarquable, et ceux, non moins pleins de sagesse, de Nos prédécesseurs d'heureuse mémoire Pie X et Pie XI, demandent avec insistance que le clergé séculier et le clergé régulier s'adonnent à l'étude de la

1 D'après le texte de VOsservatore Romano du 8 juin 1951.


MUSIQUE SACRÉE

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musique sacrée, ne négligeant rien de ce qui peut efficacement procurer la gloire de Dieu et orienter les âmes des fidèles vers les biens célestes.

Nous reconnaissons avec joie et agréons les heureux résultats jusqu'ici obtenus par cet Institut ; Nous faisons de plus des voeux pour que s'épanouisse toujours de plus en plus une telle floraison et spécialement pour qu'augmente le nombre des élèves, grâce à la sollicitude et au zèle attentif de ceux qui seront en mesure par leur situation d'y envoyer des recrues.

Après avoir prié pour la réalisation de ces voeux, Nous appelons sur vous et sur les maîtres et élèves de l'Institut les joies pures qui sont un encouragement à la vertu, et Nous accordons en gage du secours céleste, la Bénédiction apostolique.

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ALLOCUTION A L'INSTITUT MARC-ANTOINE COLON N A

(27 mai 1951) 1

i A l'occasion du cinquantième anniversaire de la fondation de l'Institut Marc-Antoine Colonna de Rome, dirigé par tes Christian Brothers d'Irlande 2 le Pape reçut un groupe de religieux, de professeurs, d'élèves et d'anciens élèves et leur dit :

Soyez les bienvenus, vous tous qui représentez ici la grande famille des « Christian Brothers » : religieux, enseignants, élèves et anciens élèves de l'Institut Marc-Antoine Colonna, et vous aussi, chers fils et filles, qui, en ce cinquantième anniversaire, vous êtes unis à eux pour offrir l'hommage de votre dévotion au Vicaire du Christ, et surtout, pour élever vers le ciel une ardente prière et un hymne de louange et de remerciement au Seigneur. Nous avons la confiance intime que de nouveaux développements, après les magnifiques progrès réalisés au cours des cinquante années écoulées, viendront encore étendre et renforcer l'action si bienfaisante de votre Institut. Déjà, grâce à l'heureux prolongement des cours scolaires, il achemine et conduit jusqu'au seuil de l'Université une nombreuse jeunesse, riche d'une solide formation intellectuelle, morale et religieuse, et, par cela même préparée pendant la période la plus délicate de son éducation, à exercer ensuite, dans les diverses professions, un rôle hautement honorifique et utile, jusqu'aux plus hauts grades, au service de l'Eglise, de la société

1 D'après le texte italien de VOsservatore Romano des 28 et 29 mai 1951.

2 Les Christian Brothers ont été fondés en 1802 et ont pour but de promouvoir l'éducation chrétienne des jeunes. Cet Institut compte 2.200 religieux et la maison-mère est a St. Mary à Dublin.


INSTITUT M ARC-ANTOINE COLONNA

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et de la patrie. Oui, Dieu a visiblement protégé votre oeuvre ; que d'humbles actions de grâces Lui en soient rendues !

Mais comment pourriez-vous ne pas adresser, d'autre part, une pensée reconnaissante à votre vénéré fondateur, Edmond Ignace Rice, dont « l'intelligence pénétrante, la prudence consommée, la rectitude inflexible, l'infatigable énergie, la tenace persévérance » créèrent en Irlande une oeuvre incomparable d'éducation catholique ? En Irlande ; mais de l'Irlande sor. institution, traversant les mers et les océans, s'est ouvert la route en Angleterre et en Amérique du Nord, dans l'Afrique du Sud et aux Indes, en Australie et en Nouvelle-Zélande et à Gibraltar, et finalement est venue recueillir ici-même à Rome les fruits de son travail assidu.

Des fruits abondants également pour l'Eglise, comme l'atteste la longue série de prêtres que votre Institut lui a donnés et continue encore à lui donner. Pour ne parler que du présent, ne pouvez-vous donc point présenter avec un pieux orgueil la splendide couronne d'au moins 150 candidats au sacerdoce, qui, sortis de vos écoles, ont accouru de toutes les parties du monde au centre de la Chrétienté, où dans les divers collèges ecclésiastiques de l'Urbs, ils se préparent à suivre dignement leur vocation. Et cependant, ils ne sont qu'une fraction du grand nombre de vos élèves, qui, d'année en année, viennent renforcer et augmenter la sainte phalange du clergé catholique.

C'est un fait incontestable que la iréquence des vocations sacerdotales est, non pas l'unique, mais une des plus sûres règles pour mesurer la valeur d'une école catholique et de toute autre institution d'éducation, sa fécondité, non seulement dans le ministère ecclésiastique, mais également dans tout le champ d'action c'ss laïcs.

Pour Notre part, chers fils, Nous sommes heureux de vous remercier cordialement, vous et vos excellents collaborateurs séculiers, pour l'oeuvre diligente accomplie en ces cinquante années. Continuez donc à progresser toujours selon l'esprit de votre fondateur. L'action de la meilleure école, de la meilleure famille serait stérile et inefficace, si celles-ci laissaient résonner dans le désert, sans écho, sans en faire cas, le grave avertissement signalé à leur conscience par le fait que de fortes et dangereuses influences atteignent souvent le jeune et s'emparent de lui, de son caractère et de sa foi sur le chemin qui sépare la demeure paternelle de l'école, là où le peuple accourt en foule, spécialement à toutes sortes de spectacles cinématographiques.

Il est une observation qui s'impose toujours. Dans divers pays des personnes compétentes dans les questions de l'éducation et de l'école catholique ont organisé des enquêtes avec des demandes très précises et détaillées, selon la méthode de la psychologie moderne, sur la vie religieuse des élèves, principalement à l'âge de l'adolescence. Si l'on doit s'en remettre à leur témoignage, ils sont arrivés à cette conclusion surprenante : le danger que le cinéma fait courir à la foi des élèves est d'une menace moins grave que celui qui peut résulter des défauts éventuels du prêtre, et, ensuite, de ceux des maîtres et des éducateurs en général. En termes positifs : l'influence du prêtre et de l'éducateur, à la maison paternelle, à l'église et à l'école, demeure toujours le premier et le plus solide élément pour faire d'un jeune un vrai chrétien. Quel puissant rappel au sentiment de la responsabilité ! mais aussi, pour vous, quel vigoureux stimulant !

Christian Brothers ! Notre grand Prédécesseur Léon XIII, voici un demi-siècle, vous appela à Rome. A Notre tour, Nous vous confirmons et renouvelons, avec joie, pour une longue succession d'années, la mission qui vous a été confiée. Afin de vous aider à l'accomplir pour la plus grande gloire de Dieu, pour le plus grand bien de la famille et de la société, de l'Eglise et de la patrie, Nous vous donnons, de tout coeur, en gage des plus larges grâces célestes, à vous, à vos collaborateurs, à vos élèves et anciens élèves, à tous Nos chers fils et filles ici présents, la Bénédiction apostolique.

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NOTIFICATION DE LA S. CONGRÉGATION DU SAINT-OFFICE

(30 mai 1951) 1

Par un décret du 17 janvier 1951 la Suprême Congrégation du Saint-Office a réduit à l'état laïc le prêtre Michel COLLIN de la Congrégation des Prêtres du Sacré-Coeur, déjà démis et circulant à travers plusieurs diocèses et qui, souvent et sous de multiples formes, a violé les prescriptions des saints Canons.

De même la Suprême S. Congrégation a dissous et a interdit de reconstituer l'association dont le titre est « Institut des Apôtres de l'Amour Infini », que le prêtre cité avait prétendu fonder sans l'approbation de l'Autorité ecclésiastique compétente.


RADIOMESSAGE LORS DE L'INAUGURATION DE L'ÉGLISE SAINT-EUGÈNE A LISBONNE

(2 juin 1051) 1

A l'occasion de son jubilé épiscopal, les catholiques du monde offrirent au Pape l'argent nécessaire à l'édification d'une nouvelle paroisse dédiée à Saint-Eugène, le patron du Souverain Pontife (Eugène Pacelli). Le 2 juin 1951, Pie XII procédait à la consécration de l'autel majeur de la nouvelle basilique romaine. Le même jour, dans un quartier populaire de Lisbonne, on inaugurait également une paroisse érigée sous le titre de Saint-Eugène. Ce jour, le radiomessage suivant fut transmis :

Sitôt fini le rite solennel, on peut dire : Voilà la Maison de Dieu parmi les hommes, où dorénavant le Seigneur habitera avec eux ! Ils seront son peuple et sa famille, et Lui, présent au milieu d'eux, il sera leur Dieu !

Une nouvelle église au milieu d'une grande ville : chose grande, magnifique, admirable ! qui pourrait l'estimer exactement ? Il suffit de remarquer que le Rédempteur Divin se sentait dévoré de zèle, de respect et d'amour envers l'ancien temple, rien que parce qu'il était la Maison de son Père, et qu'aujourd'hui Lui-même, le Dieu incarné, daigne habiter vraiment, réellement et substantiellement présent dans nos temples.

Une nouvelle église veut dire une nouvelle Maison de Prière, où Disu réside, toujours prêt à accueillir tous ceux qui le cherchent, à écouter leurs confidences, à exaucer leurs demandes, à les combler de ses faveurs ; c'est là que les enfants de Dieu le visitent avec confiance, lui parlent familièrement, sûrs comme ils sont d'être favorablement exaucés.

Une nouvelle église veut dire un Bethléem ou un Nazareth en plus où le Sauveur descend et habite chaque jour nouveau ;

1 D'après ic texte portugais da VOsservatore Romano du 3 juin 1951.

où les enfants de Dieu renaissent et sont élevés et où tous, grands et petits, riches et pauvres, sains et malades, se sentent les membres non seulement de la même famille mystique mais apprennent à reconnaître, aimer et secourir le Christ lui-même en chacun de leur prochain.

Elle veut dire un nouveau Sinaï ou un nouveau Mont des Béatitudes où le Législateur et Maître divin, tournant les yeux et le coeur vers les siens, leur apprend des paroles de vie éternelle qui les font bienheureux dès cette vie et leur montrent la voie qui les conduit sûrement à l'infinie béatitude du Royaume des Cieux.

Un Cénacle ou un Calvaire en plus, autel sacré, céleste propitiatoire baigné chaque jour du sang de la Victime divine, dont la voix, bien plus agréable que celle du sang d'Abel, monte aux cieux pour rendre propice la Majesté de l'Eternel.

Une nouvelle Maison de Dieu et Porte du ciel : comme si le ciel s'y abaissait et touchait la terre pour lui offrir toutes ses richesses et que la terre y montait jusqu'à toucher le ciel, pour mieux montrer sa pauvreté à elle et en recevoir le remède.

Une nouvelle église : grand et juste motif de joie pour ceux qui logeant à l'entour, y trouvent finalement leur église, leur maison de prière, leur autel propitiatoire, leur porte du ciel ! promesse sûre de bénédictions et de grâces temporelles, spirituelles et éternelles !

Rien que pour cela, il était juste que Nous, comme Père Commun des fidèles, qui, dans le Coeur de Celui dont Nous sommes le Vicaire, accueillons et aimons tous ceux qui sont nos enfants dans le Christ, il était juste que Nous Nous réjouissions en apprenant que vos plus ardents désirs allaient finalement être satisfaits et que vos efforts de plusieurs années allaient être couronnés, et qu'on allait dédier solennellement aujourd'hui votre église.

Mais vous, dans votre piété, et dans votre amour filial envers le Saint-Père, si profond et sincère — n'est-il pas hérité de vos aïeux — vous avez l'idée délicate de faire de votre église un monument qui vous rappelle toujours le Vicaire du Christ, en vous efforçant qu'il fût la copie de celle qui dans la ville éternelle rappelle notre jubilé épiscopal, en la dédiant à Notre même Prédécesseur et Protecteur, S. Eugène, en choisissant comme motifs de décoration les faits qui attachent plus spécialement Notre Pontificat à votre Patrie très fidèle, et en faisant coïncider sa dédicace avec l'heure où Nous consacrons à Rome l'autel de la nouvelle église, et y célébrons pour la première fois le Sacrifice non sanglant.

Cette piété filiale et très délicate touche profondément Notre coeur paternel, en le remplissant d'une nouvelle joie, et Nous pousse à demander d'abondantes et très spéciales bénédictions du ciel sur vous tous qui Nous écoutez, sur tous ceux qui ont aidé à la construction de la nouvelle église, sur tous ceux qui logeant à son ombre dans le « quartier économique » de l'Incarnation forment la paroisse, et finalement sur tous ceux qui entrent pour prier Dieu avec dévotion.

Que le Tout-Puissant qui, invisiblement présent, contient l'univers mais qui avec des signes visibles manifeste sa puissance pour le salut du genre humain, rende illustre et glorieux ce temple, en faisant sentir les bienfaits de sa munificence divine à tous ceux qui y viendront implorer2 : de façon à devenir des temples vivants du Saint-Esprit et des pierres précieuses pour le temple de la Jérusalem céleste.

Avec ces voeux et en demandant la protection de Notre-Dame de Fatima, de S. Eugène, du grand missionnaire et martyr S. Jean de Brito, Nous vous donnons à vous tous, à vos familles et à toute la Nation très fidèle la Bénédiction apostolique.

f !

V 2 Cf. Oraison de la dédicace d'une église.


ENCYCLIQUE « EVANGELII PIUECONES » SUR LES MISSIONS

(2 juin 1951) 1

Déjà deux encycliques célèbres ont énoncé les directives de l'Eglise concernant l'apostolat missionnaire :

— celle de Benoît XV : « Maximum Illud » du 30 novembre 1919,

— celle de Pie XI : « Rerum Ecclesiae » du 28 février 1926.

C'est précisément pour commémorer le 25e anniversaire de cette dernière que Pie XII a rédigé ce nouveau document.

Les prédicateurs de l'Evangile qui, dans des champs de travail presque infinis, peinent « pour que la parole de Dieu poursuive sa course et soit en honneur » ", sont, d'une façon particulière, présents à Notre esprit et à Notre coeur au cours de la vingt-cinquième année qui s'écoule depuis la promulgation par Notre prédécesseur d'immortelle mémoire, Pie XI, de l'Encyclique Rerum Ecclesiae *, dans laquelle, il donnait des règles très sages pour le développement toujours plus grand des Missions catholiques.

Le Pape exprime sa joie en voyant le développement pris par les missions catholiques :

En considérant combien pendant cette période une aussi sainte cause a progressé, Nous sommes pénétré d'une grande joie. En effet, — comme Nous avons eu l'occasion

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 497.

2 II. Thess., 3, 1.

3 A. A. S., 18, 1926. p. 65 et sq.

de l'affirmer le 24 juin 1944 en Nous adressant aux directeurs des oeuvres missionnaires pontificales — « l'ar. deur et le zèle déployés par les propagateurs de la religion chrétienne aussi bien dans les régions déjà éclairées par la lumière de l'Evangile que dans les nations où celle-ci n'a pas encore resplendi, ont atteint une intensité et un développement tels que jamais peut-être on n'en a noté dans les annales des Missions catholiques » \

Mais il faut maintenir en éveil le « sens missionnaire » de tout catholique :

Actuellement, cependant, en ces temps pleins de troubles et de menaces, où de nombreux peuples sont séparés les uns des autres par des oppositions réciproques, il Nous semble particulièrement opportun de recommander cette cause une fois de plus, s'il est vrai que les messagers de l'Evangile conseillent à tous les hommes la bonté humaine et chrétienne et les exhortent à des rapports fraternels qui s'élèvent au-dessus des rivalités et des frontières nationales.

Le catholique doit, en effet, regarder au-delà des frontières de son pays, pour envisager les besoins de tous les hommes de toutes les nations :

Voilà pourquoi, lorsque dans les circonstances rappelées plus haut, Nous Nous adressions aux directeurs des oeuvres missionnaires, Nous leur disions entre autres choses : «... La nature de votre charge, qui n'est restreinte par aucune limite nationale, ainsi que votre travail commun et fraternel, font ressortir aux yeux de tous ce caractère remarquable de l'Eglise catholique qui n'admet pas la discorde, qui fuit les désaccords, et demeure absolument étrangère aux divisions qui troublent les peuples et parfois les bouleversent misérablement ; Nous parlons de


4 A. A. S., 36, 1944, P- *°9-

la foi chrétienne, de la charité chrétienne envers tous les hommes, qui se transportent au-delà de tous les partis en guerre, au-delà des frontières de tous les Etats, au-delà de tous les territoires et de tous les Océans, qui vous excitent et vous stimulent tous et chacun à atteindre le but que vous vous êtes fixé et qui consiste à étendre le royaume de Dieu à toutes les parties de la terre. " »

Les Evêques sont invités à favoriser les Missions où qu'elles soient :

C'est pourquoi, profitant volontiers de l'occasion offerte par le 25e anniversaire de l'Encyclique Rerum Ecclesiae, Nous louons avec grande joie le travail déjà accompli et Nous vous exhortons tous à le poursuivre toujours avec la plus grande ardeur, vous tous Vénérables Frères dans l'Episcopat, vous, propagateurs de l'Evangile, ministres sacrés et chacun des fidèles, soit qu'ils travaillent dans les territoires qui sont encore pays de Mission, soit qu'en un point quelconque de la terre, par des prières adressées à Dieu, par la formation et l'aide apportée aux candidats se destinant aux Missions, ou bien en quêtant des aumônes, ils viennent en aide à cette cause si importante.

Quel est le progrès réalisé depuis 1926 ?

Nous aimons d'abord parler brièvement ici des progrès réalisés. En 1 926, on comptait 400 Missions ; actuellement, on en compte 600 ; alors, les catholiques n'atteignaient pas 15 millions ; aujourd'hui, ils sont près de 20.800.000. En cette même année 1926, les prêtres, soit venus de l'extérieur, soit des missions mêmes, étaient 14.800 ; aujourd'hui, ils sont plus de 26.800. A cette époque, tous les pasteurs, chefs de Missions étaient étrangers ; en vingt-cinq ans, 88 de ces Missions ont été con

5 A. A. S., 36, 1044, p. 207.

fiées au clergé indigène, et comme, en de nombreux endroits, la hiérarchie ecclésiastique est déjà normalement constituée, avec des évêques choisis parmi les habitants du lieu, il apparaît encore plus clairement que la religion de Jésus-Christ est vraiment catholique et qu'elle ne peut être considérée comme étrangère en aucun point de la terre.

C'est ainsi que, pour donner des exemples, au Pakistan, et en certaines régions de l'Afrique, la hiérarchie ecclésiastique a été établie selon les lois canoniques ; trois Conciles « pléniers » de très grande importance ont été réunis, le premier, en 1934 en Indochine, le second en 1937, en Australie, le troisième, l'an dernier, aux Indes. Les Petits Séminaires ont grandement augmenté en nombre et en qualité ; les Grands Séminaires qui, il y a vingt-cinq ans, n'étaient que 1 770, sont à présent 4.300, et de nombreux Séminaires régionaux ont été construits.

A Rome, au collège de la Propagande, un Institut missionnaire a été fondé ; à Rome, également, et en d'autres endroits, de nombreuses chaires de missiologie ont été constituées. A Rome, encore, le collège Saint-Pierre a été institué pour la formation plus complète des prêtres indigènes aux sciences sacrées, à la vertu, à l'apostolat. Deux nouvelles Universités ont été fondées ; les collèges qui, précédemment, étaient environ 1.600, sont aujourd'hui plus de 5.000 ; les écoles élémentaires et moyennes sont à peu près deux fois plus nombreuses qu'alors ; on peut dire également que le nombre des dispensaires et des hôpitaux où sont soignés toutes sortes de malades, d'infirmes et de lépreux, a doublé. De plus, l'Union missionnaire du clergé a pris, pendant ces années, un développement considérable ; l'Agence Fides a été créée dont le but est de rechercher, rédiger et diffuser les nouvelles religieuses ; la presse missionnaire a presque partout augmenté ses éditions et ses tirages ; de nombreux Congrès missionnaires ont été tenus, parmi lesquels il convient de signaler celui qui eut lieu l'an dernier à Rome pendant l'Année Sainte, et qui a fort bien montré tout ce qui a été réalisé dans cet ordre d'idées ; il n'y a pas longtemps, un Congrès eucharistique tenu dans la Côte de l'Or, à Kumasi, a réuni dans une piété fervente un nombre remarquable d'assistants ; finalement, en faveur de l'OEuvre pontificale de la Sainte-Enfance, Nous avons désigné un jour spécial chaque année destiné à la promouvoir par la prière et les aumônes 6 ; tous ces faits montrent clairement que les oeuvres d'apostolat répondent comme il se doit aux changements de conditions et aux besoins nouveaux par de nouvelles méthodes et des entreprises plus adaptées.

Il ne faut pas omettre de signaler que, durant cette période, cinq délégations apostoliques ont été juridiquement constituées en diverses régions qui dépendent du Conseil suprême de la Propagande ; en outre, bon nombre de territoires dépendent désormais de nonces et d'internonces apostoliques. Nous aimons, à ce sujet, déclarer que la présence et le zèle de ces prélats ont déjà porté des fruits très abondants ; ils ont surtout obtenu que les oeuvres missionnaires, mieux organisées, et s'aidant mutuellement davantage, concourent plus efficacement au même but. Nos légats ont aussi grandement concouru à cette même fin en visitant chaque région, en participant, revêtus de Notre autorité, à des réunions episcopales dans lesquelles les Ordinaires locaux mettaient en commun leur expérience en vue du bien général pour déterminer des méthodes d'apostolat plus convenables et plus faciles. Ce concours fraternel de la foi et des oeuvres eut aussi cet avantage que les autorités civiles et ceux qui ne partagent pas la foi catho-

'ist. Prxses Consilii, A. A. S., XXXXIII, 1951, pp. 88-89.

Iique eurent une plus grande estime de la religion chrétienne.

Mais, il reste encore beaucoup à faire et il faut venir au secours àe ceux qui travaillent sur le champ missionnaire :

Ce que Nous venons de rappeler brièvement des progrès des Missions pendant ces vingt-cinq dernières années, et ce que Nous avons pu voir pendant l'Année Sainte — lorsque des foules importantes affluaient à Rome des régions lointaines cultivées par les prédicateurs de l'Evangile pour obtenir les dons de Dieu et Notre Bénédiction — ces choses, disons-Nous, Nous incitent vivement à renouveler le voeu ardent de l'Apôtre des nations quand il écrivait aux Romains : « ...Pour vous communiquer quelque don spirituel qui puisse vous affermir, ou plutôt vous encourager chez vous mutuellement par la foi qui nous est commune, à vous et à moi » 1.

Et il Nous semble que le divin Maître lui-même nous répète à tous ces paroles de consolation et d'exhortation : « Levez les yeux et voyez les champs : ils sont déjà blancs pour la moisson » 8. Cependant, comme les propagateurs de la vérité chrétienne ne suffisent pas aux besoins actuels, à ces paroles répond en quelque sorte l'invitation du même divin Rédempteur : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont en petit nombre. Priez donc le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers à sa moisson » .

Nous savons, assurément, et c'est une grande consolation pour Notre coeur, que le nombre de ceux qu'un instinct surnaturel appelle à propager l'Evangile par toute la terre augmente heureusement de nos jours et ravive les espoirs de l'Eglise ; mais il reste encore beaucoup à faire,

7 Rom., 1, 11-12.

8 Jean, 4, 35.

» Matth., 9, 57-38.

il reste beaucoup à obtenir de Dieu par d'humbles prières. Considérant les innombrables nations qui doivent être appelées par ces ouvriers évangéliques à l'unique bercail et à l'unique port de salut, Nous adressons au chef des pasteurs ces paroles de l'Ecclésiastique : « De même que vous avez montré devant eux, votre sainteté en nous, de même, devant nous, manifestez votre sainteté en eux, pour qu'ils comprennent, comme nous l'avons appris nous-mêmes, qu'il n'y a pas d'autre Dieu que Vous,

c • 10

oeigneur » .

En certaines régions notamment en Chine, les missionnaires souffrent persécution :

Ces heureux accroissements des Missions ont été dus, non seulement aux travaux des semeurs de la parole divine, mais aussi au sang versé en abondance dans le témoignage du martyre, car, au cours de ces dernières années, les persécutions les plus âpres contre l'Eglise naissante se firent sentir en certaines nations ; de nos jours, même, telles régions de l'Extrême-Orient voient verser le sang pour la même cause. Nous apprenons, en effet, que pour avoir été courageusement fidèles à leur religion, de nombreux chrétiens, des religieuses missionnaires, des prêtres indigènes et même certains évêques ont été chassés de leur domicile et de leurs biens et souffrent la faim hors de leur pays, ou bien sont jetés en prison ou dans des camps de concentration, ou même parfois sont sauvagement mis à mort.

C'est pour Notre coeur une très grande souffrance que de songer aux angoisses, aux douleurs, à la mort de ces fils très chers ; non seulement Nous les accompagnons tous de Notre amour de Père, mais Nous en parlons avec un respect paternel, car Nous savons fort bien que leur

« Eccli., 36, 4.

rôle s'élève parfois jusqu'à la dignité du martyre. Jésus-Christ a déclaré : « S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront vous aussi »" ; « dans le monde, vous aurez de la tribulation ; mais ayez confiance : moi, j'ai vaincu le monde » 12 ; « si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit » 13.

Mais ces martyrs sont des fondateurs d'églises :

Les messagers et propagateurs de la vérité et de la vertu chrétiennes qui, loin de leur patrie, trouvent la mort en s'acquittant de leur sainte fonction, sont des semences dont la volonté de Dieu fera un jour germer des fruits très abondants. C'est pourquoi, l'apôtre Paul affirmait : « Nous nous glorifions dans nos tribulations »14 ; et saint Cyprien, évêque et martyr, consolait et exhortait les chrétiens de son temps en ces termes : « Le Seigneur a voulu que nous nous réjouissions et que nous exultions dans les persécutions, parce que lorsque les persécutions se produisent, c'est alors que se distribuent les couronnes de la foi, c'est alors que sont éprouvés les soldats de Dieu, c'est alors que les cieux sont ouverts aux martyrs. Nous n'avons pas, en effet, donné notre nom à la milice pour devoir uniquement songer à la paix et refuser le combat, alors que le Seigneur le premier a marché au combat, notre Maître en humilité, en patience et en souffrance, lui qui a fait le premier ce qu'il enseignait à faire, lui qui a souffert le premier pour nous ce qu'il exhortait à souffrir » 15.

11 Jean, 15, 20.

12 Jean, 16, 33.

13 Jean, 12, 24-25.

14 Rom., 5, 3.

15 6. Cypriani, Epist. LVl ; M. L. IV, 351 A.

Les semeurs de l'Evangile qui peinent aujourd'hui dans les régions lointaines font progresser une cause semblable à celle de l'Eglise primitive. Ceux qui, en effet, avec les princes des apôtres Pierre et Paul, apportaient la vérité de l'Evangile à la citadelle de l'Empire romain, se trouvaient à Rome à peu près dans des conditions semblables. Quiconque considère l'Eglise qui naissait à cette époque la verra dépourvue de toutes ressources humaines, soumise aux difficultés, aux malheurs, aux attaques ; il ne pourra se défendre d'un sentiment d'admiration en voyant que la troupe pacifique des chrétiens a vaincu une puissance telle qu'il n'y en avait peut-être jamais eu de plus grande. Or, ce qui est arrivé alors arrivera encore sans doute maintes et maintes fois. De même que le jeune David se confiant plus dans le secours divin que dans sa fronde, jeta à terre le géant Goliath, que protégeait une cuirasse, ainsi cette société divine que le Christ a fondée ne pourra jamais être vaincue par aucune puissance terrestre, mais elle triomphera d'un front serein de toutes les attaques. Bien que Nous sachions que cela soit l'effet de promesses divines, qui ne failliront jamais, Nous ne pouvons cependant Nous retenir d'exprimer Notre reconnaissance à tous ceux qui ont témoigné de leur foi courageuse et invincible à Jésus-Christ et à l'Eglise, colonne et fondement de la vérité 16, tout en les exhortant à continuer toujours avec la même constance.

Nous recevons très souvent des nouvelles de cette foi invincible et de ce courage intrépide, et c'est pour Nous une grande consolation. S'il n'a pas manqué d'hommes pour s'efforcer de séparer les catholiques de ce Siège apostolique de Rome, sous prétexte que l'amour de chacun pour sa propre patrie et sa fidélité envers elle requérait une telle séparation, Nos fils ont pu et peuvent, à bon

I. Tim., 3, 15.

droit, répondre qu'ils ne le cèdent à aucun citoyen en matière de patriotisme, mais qu'ils veulent absolument jouir d'une juste liberté.

Le Pape renouvelle son appel pour que âe nombreux apôtres apportent leur collaboration au travail missionnaire :

Ce qu'il faut bien avoir présent à l'esprit, et que Nous avons déjà signalé plus haut, c'est que le travail qui reste à faire demande un effort gigantesque et d'innombrables travailleurs. Rappelons-nous qu'une immense multitude de nos frères « demeure assise dans les ténèbres et l'ombre mortelle » 17 et que leur nombre est de l'ordre d'un milliard. C'est pourquoi semble résonner encore l'ineffable gémissement du Coeur très aimant de Jésus-Christ : « J'ai aussi d'autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie : celles-là aussi il faut que je les conduise, et elles écouteront ma voix, et il y aura un seul troupeau, un seul pasteur » 18.

Le Saint-Père déplore le développement pris dans les pays de Missions, par le communisme et les faux christianismes :

Et il ne manque pas de pasteurs, comme vous le savez, Vénérables Frères, qui s'efforcent d'écarter les brebis de cet unique port de salut ; vous savez aussi que ce péril est, en certains endroits, plus grand de jour en jour. C'est pourquoi, considérant devant Dieu cette immense multitude d'hommes qui sont encore privés de la vérité évangé-lique, et mesurant toute la gravité du danger dans lequel tant d'hommes se trouvent, soit à cause de l'extension du matérialisme athée, soit à cause d'une certaine doctrine qui se dit chrétienne, mais qui est, en fait, imbue des idées et des erreurs communistes, Nous sommes saisi d'une vive angoisse et poussé à promouvoir partout et de toutes Nos

17 Ps. CVI, 10.

18 Jean, 10, 16.

forces les oeuvres de l'apostolat, et Nous considérons comme adressée à Nous-même l'exhortation du Prophète : « Crie à pleine voix, ne te retiens pas, fais retentir ta voix comme la trompette »

De même le Pape dénonce les calomnies lancées contre les missionnaires travaillant dans certaines régions de l'Amérique du Sud :

Et Nous recommandons à Dieu, d'une manière spéciale dans nos prières, les ouvriers apostoliques qui s'adonnent aux Missions dans les régions intérieures de l'Amérique latine, car Nous savons à quels dangers, à quelles embûches, ils sont exposés par les erreurs cachées ou manifestes que répandent les non-catholiques.

Aux missionnaires, Pie Xli donne des directives :

Dans l'intention de rendre toujours plus efficace l'activité des prédicateurs de l'Evangile et pour qu'aucune goutte de leur sueur et de leur sang ne soit répandue en vain, Nous voulons ici brièvement exposer des principes et des règles selon lesquelles l'action et le zèle des missionnaires doivent être conduits.

Le missionnaire a une vocation très élevée :

Il convient tout d'abord de remarquer que celui qui, par une inspiration surnaturelle, est appelé à faire fleurir chez les nations païennes et lointaines la vérité de l'Evangile est destiné à une fonction tout à fait grande, tout à fait élevée. Il consacre, en effet, sa vie à Dieu pour propager son règne jusqu'aux extrémités de la terre. Celui-ci ne recherche pas ses propres avantages mais ceux de Jésus-Christ.20 Celui-ci, enfin, considère, comme adressées

10 Is 58,1. *° Ph 2,21.

à lui-même ces magnifiques phrases de l'Apôtre des Gentils : « Nous faisons fonction d'ambassadeurs... pour le Christ » ; « si nous vivons dans la chair, nous ne combattons pas selon la chair » 22 ; « je me suis fait faible avec les faibles, afin de gagner les faibles » 23.

Le missionnaire ne doit viser que le salut des âmes :

Il doit donc considérer comme une seconde patrie la terre à laquelle il vient porter la lumière de l'Evangile, et l'aimer comme il convient ; si bien qu'il ne recherche pas d'avantages matériels, ni les intérêts de son pays ni de son Institut religieux, mais bien ce qui concerne le salut des âmes. Assurément, il doit avoir un grand amour pour son pays et pour son Institut, mais il doit encore aimer davantage l'Eglise. Et qu'il se souvienne que son Institut ne tirera aucun profit de ce qui s'oppose au bien de l'Eglise.

Le missionnaire doit posséder les connaissances exigées par ses fonctions :

Il faut, en outre, que ceux qui sont appelés à ce genre d'apostolat alors qu'ils sont encore dans leur patrie, soient formés non seulement à toutes les vertus, et à toutes les connaissances ecclésiastiques, mais il faut encore qu'ils apprennent les doctrines et acquièrent les connaissances particulières qui leur seront un jour de la plus grande utilité quand ils s'acquitteront de leur office de messagers de l'Evangile. C'est pourquoi, ils doivent connaître les langues, celles surtout qui leur seront un jour nécessaires ; il faut qu'ils soient également initiés à la médecine, a l'agriculture, à l'ethnographie, à l'histoire, à la géographie et autres sciences du même genre. ;i,

, ¦ Vi ¦

21 2Co 5,20. fi
22 2Co 10,3.
23 1Co 9,22.

Les Missions doivent : convertir les païens au christianisme ; 2o établir l'Eglise dans des pays nouveaux :

Le but des Missions, comme chacun sait, est d'abord de faire resplendir pour de nouveaux peuples la lumière de la vérité chrétienne et de susciter de nouveaux chrétiens. Mais le but dernier auquel elles doivent tendre, — et qu'il faut toujours avoir sous les yeux — c'est que l'Eglise soit fermement et définitivement établie chez de nouveaux peuples, et qu'elle reçoive une hiérarchie, propre, choisie parmi les habitants du lieu.

L'Eglise ne vise aucun intérêt temporel :

Dans la lettre que, le 9 août de l'année dernière, Nous avons adressée à Notre cher fils, le cardinal Pierre Fuma-soni-Biondi, préfet de la Sacrée Congrégation de la Propagande, Nous écrivions entre autres choses : « L'Eglise, assurément, n'a nullement le dessein de dominer les peuples ou de s'emparer du pouvoir temporel : son seul désir est de porter à toutes les nations la lumière surnaturelle de la foi, de favoriser le développement de la civilisation humaine et civile, et la concorde entre les peuples » 24.

Le missionnaire n'a pas une tâche permanente, il doit faire place à d'autres qui s'installeront, eux, auprès des peuples convertis :

Dans la Lettre apostolique Maximum Illud 2\ de Notre Prédécesseur, Benoît XV, datée de 191, ainsi que dans l'Encyclique Rerum Ecclesia;26, de Notre Prédécesseur immédhat, Pie XI, il était proclamé que les Missions

24 Epist. Perlibenti equidem, A. A. S., XXXXII, 1930, p. 727.

25 A. A. S., 11, 1919, p. 440 et seq.

26 A. A. S., 18, 1926, p. 65 et sq.

devaient s'efforcer, comme vers leur but suprême d'établir l'Eglise dans de nouvelles terres. Et Nous-même, lors-qu'en 1944, comme Nous l'avons rappelé ci-dessus, Nous avons reçu les directeurs des oeuvres missionnaires, Nous avons déclaré : « Le dessein que les prédicateurs de l'Evangile embrassent avec courage et générosité consiste à étendre l'Eglise à de nouvelles régions, de telle sorte qu'elle y fixe des racines toujours plus profondes, et qu'après s'y être développée, elle puisse, le plus tôt possible, y vivre et y fleurir sans l'aide des oeuvres missionnaires. Ces oeuvres missionnaires, en effet, ne cherchent pas leur propre intérêt, mais il faut qu'elles tendent de toutes leurs forces à atteindre le but élevé dont Nous venons de parler ; lorsqu'elles l'auront atteint, elles se consacreront volontiers à d'autres entreprises » C'est pourquoi les propagateurs de l'Evangile ne résident pas dans les champs d'apostolat déjà cultivés, comme s'ils y étaient à demeure, mais leur mission est plutôt de faire briller sur toute la terre la vérité de l'Evangile et de consacrer cette terre par la sainteté chrétienne. L'entreprise qu'ils se sont, en effet, proposée est la suivante : étendre d'une région à l'autre d'un pas chaque jour plus rapide, jusqu'à la demeure la plus éloignée et la plus inconnue, jusqu'à l'homme le plus éloigné et le plus inconnu, le règne du divin Rédempteur 2\ qui est ressuscité, triomphant de la mort ; et à qui tout pouvoir a été donné au ciel et sur la terre » 29.

Il est nécessaire de préparer un clergé indigène qui puisse succéder aux missionnaires :

Il est clair, cependant, que l'Eglise ne peut s'établir convenablement en de nouvelles régions, à moins que les

27 A. A. S., 36, 1944, p. no. , ¦».

28 A. A. S., 36, 1944, p. 208. •¦>

29 Matth., 28, 18. :*

institutions et les oeuvres n'y soient organisées comme il faut, à moins surtout qu'un clergé indigène à la hauteur des besoins n'y soit créé et formé. Nous aimons, pour cela, répéter en les empruntant à l'Encyclique Rerum Ecclesiae, ces phrases graves et sages : «... S'il faut prendre soin que chacun d'entre vous ait le plus grand nombre possible d'élèves indigènes, appliquez-vous, en outre, à les former comme il convient, à la sainteté que demande la vie sacerdotale, à cet esprit d'apostolat uni au désir du salut de leurs frères qui les rendra capables de sacrifier même leur vie pour leurs concitoyens .

« Supposez qu'une guerre ou d'autres événements politiques remplacent dans un territoire de Mission un régime par un autre, et que le départ des missionnaires de telle nation soit demandé ou décrété ; supposez — ce qui arrivera, certes, plus difficilement — que des indigènes parvenus à un certain degré de culture et ayant atteint une certaine maturité politique veuillent, pour obtenir leur autonomie, chasser de leur territoire les fonctionnaires, les troupes et les missionnaires de la nation qui leur commande, et ne puissent y arriver qu'au moyen de la force. Quelle ruine, Nous le demandons, ne menacerait pas l'Eglise en ces régions, si on n'avait entièrement pourvu aux besoins des nouveaux chrétiens en disposant comme un réseau de prêtres indigènes sur tout le territoire ? 31 »

Le Pape songe en premier lieu à la Chine et à la Corée, où est urgente qu'ailleurs l'éclosion de vocations indigènes.

En voyant réalisé en de nombreuses régions de l'Extrême-Orient ce que Notre Prédécesseur immédiat écrivait dans une sorte de pressentiment, Nous sommes saisi d'une grande douleur. Les florissantes Missions qui s'y trou-

A. A. S., 18, 1016, p. 76-A. A. S., 18, 1926, p. 75vaient, déjà blanches pour la moisson 3", sont actuellement hélas ! dans les plus grandes difficultés. Qu'il Nous soit permis d'espérer que les peuples de Corée et de Chine, remarquables par leurs dons naturels d'humanité et de noblesse, et qui depuis longtemps ont brillé par la splendeur de leur civilisation, seront le plus tôt possible libérés non seulement des conflits et des guerres, qui les bouleversent, mais aussi de cette doctrine néfaste, qui ne cherche que les biens d'ici-bas et refuse les biens célestes ; qu'ils estiment aussi à leur juste prix la charité et le courage chrétiens des missionnaires étrangers et des prêtres indigènes qui, au prix de leurs fatigues, et, s'il le faut, au prix de leur vie, ne cherchent rien d'autre que le vrai bien du peuple.

Nous rendons grâces à Dieu de ce que dans l'un et l'autre pays, un clergé de choix déjà nombreux s'est levé du milieu de ces populations pour l'espérance de l'Eglise et de ce que plusieurs diocèses ont été confiés à des évêques de ces pays. Si on a pu, finalement, en arriver là, l'éloge doit en revenir aux missionnaires étrangers.

L'Eglise invite les religieux missionnaires à apporter leur collaboration aux évêques indigènes :

A ce sujet, toutefois, il Nous semble opportun de noter un point que Nous estimons digne de considération attentive quand les Missions, qui étaient auparavant confiées au clergé étranger passent aux mains des évêques et des prêtres nationaux. L'Institut religieux dont les membres ont labouré au prix de leur sueur le champ du Seigneur, lorsqu'un décret du Conseil Supérieur de la Propagation de la Foi confie à d'autres ouvriers la vigne cultivée par eux et déjà couverte de fruits, ne doit pas nécessairement l'abandonner tout à fait, mais ce sera faire oeuvre

82 Jean, 4, 35.

utile et convenable que de continuer à aider le nouvel évêque choisi dans le peuple du lieu. De même, en effet, que dans tous les autres diocèses du monde, des religieux aident la plupart du temps l'évêque local, de même dans les régions de Missions, les religieux, bien qu'originaires d'une autre nation, ne cesseront pas de mener le combat comme des troupes auxiliaires ; et c'est ainsi que se réalisera, heureusement, ce que le divin Maître a déclaré au puits de Sichar : « Le moissonneur reçoit son salaire et recueille des fruits pour la vie éternelle, pour que le semeur se réjouisse en même temps que le moissonneur » .

Vie XII souligne le rôle de l'Action Catholique en pays de Missions :

Nous désirons, en outre, adresser Notre exhortation, non seulement aux missionnaires, mais aussi aux laïcs, qui, « de grand coeur et de bon gré » 34, militant dans les rangs de l'Action Catholique prêtent leur concours aux Missions.

L'histoire nous apporte le témoignage de cet apostolat des laïcs :

On peut, certes, assurer que le concours des laïcs, que nous appelons aujourd'hui Action Catholique, n'a jamais manqué depuis les origines de l'Eglise ; bien plus, il a fourni aux apôtres et aux autres propagateurs de l'Evangile une aide considérable, et la religion chrétienne lui dut un développement important. C'est ainsi que l'Apôtre des Gentils nomme à ce sujet Apollos, Lydie, Aquila, Priscille, Philémon ; dans l'Epître aux Philip-piens, il écrit : « Et toi aussi, mon fidèle compagnon, je te prie de venir en aide à celles qui ont combattu pour l'Evangile avec moi, avec Clément et mes autres collaborateurs dont les noms sont dans le livre de vie. » 3,1

33 Jean, 4, 36.

34 II. Macch., 1, 3. »5 Phil., 4, 3.

De même, chacun sait que la doctrine chrétienne a été répandue le long des voies consulaires non seulement par les évêques et les prêtres, mais aussi par les magistrats, les soldats et les particuliers. De nombreux milliers de fidèles, qui venaient de recevoir la foi chrétienne, et dont les noms sont aujourd'hui inconnus, brûlant du désir de propager la nouvelle religion qu'ils avaient embrassée, se sont efforcés de préparer la voie à la vérité évangélique ; c'est pourquoi, en une centaine d'années, le nom chrétien et la vertu chrétienne étaient parvenus à toutes les principales villes de l'Empire romain.

S. Justin, Minucius Félix, Aristide, le consul Acilius Glabrion, le patrice Flavius Clemens, S. Tarcisius, des saints et des saintes martyrs presque innombrables, pour avoir, par leurs peines et leur sang répandu, fortifié et fécondé l'Eglise grandissante, peuvent être dits en quelque sorte les avant-gardes et les précurseurs de l'Action Catholique. Nous aimons ici rapporter la phrase magnifique de l'auteur de la lettre à Diognète, qui semble aujourd'hui encore un avertissement d'actualité : « Les chrétiens... habitent des patries particulières, mais comme des locataires..., toute région étrangère est pour eux une patrie, et toute patrie, une terre étrangère » 3\

Parmi les invasions barbares du moyen âge, nous voyons des hommes et des femmes du premier rang aussi bien que d'humbles artisans et d'énergiques femmes du peuple chrétien s'efforcer de tout leur pouvoir de convertir authen-tiquement leurs concitoyens à la religion de Jésus-Christ et d'y conformer leurs moeurs, comme aussi bien de sauver la religion et la cité en cas de danger. Avec Notre immortel Prédécesseur, Léon-le-Grand, qui s'opposa fortement à l'invasion de l'Italie par Attila, se trouvaient, nous dit la tradition, des personnages consulaires. Lorsque les

Epist, ad Diognetum, 5, 5 ; Ed. Funck, 1, 399.

terribles bandes des Huns assiégeaient Paris, la sainte vierge Geneviève, qui mettait ses délices dans les prières ininterrompues et les âpres pénitences, veilla selon ses forces et avec une admirable charité, sur les âmes et les corps de ses concitoyens.

Théodelinde, reine des Lombards, appelle instamment son peuple à embrasser la foi chrétienne. En Espagne, le roi Récarède s'efforce de ramener de l'hérésie arienne à la vraie foi le peuple qui lui est confié. En Gaule, on trouve non seulement de saints évêques qui — comme Remi, évêque de Reims ; Césaire, évêque d'Arles ; Grégoire, évêque de Tours ; Eloi, évêque de Noyon, et plusieurs autres — brillèrent par leur vertu et par leur ardeur apostolique, mais on peut voir des reines qui, durant cette époque, enseignent aux ignorants et aux humbles la vérité chrétienne, nourrissent les malades, les affamés et toutes sortes de malheureux ; c'est ainsi, pour donner des exemples, que Clotilde attire si bien le coeur de Clovis à la religion chrétienne, qu'elle finit par l'amener à accepter volontiers le baptême ; Radegonde et Bathilde recueillent avec la plus grande charité les malades et soignent les lépreux. En Angleterre, la reine Berthe reçoit à son arrivée saint Augustin, l'apôtre de cette nation, et par ses efforts persuade son mari Ethelbert d'accepter avec bienveillance les préceptes de l'Evangile. A peine les Anglo-Saxons, nobles ou roturiers, hommes ou femmes, vieillards ou jeunes gens, ont-ils embrassé la foi, comme poussés par un instinct de la grâce, ils lient aussitôt avec le Siège apostolique des liens très étroits de piété, de fidélité, de respect.

De la même manière, en Allemagne, c'est un spectacle merveilleux de voir saint Boniface et ses compagnons parcourir ces régions dans leurs voyages apostoliques et les arroser généreusement de leurs sueurs. Les fils et les filles de cette nation courageuse et généreuse, dans un élan

d'ardeur, prêtèrent leur aide et le secours de leur zèle aux moines, aux prêtres, aux évêques, pour que la lumière de la vérité évangélique brillât chaque jour davantage sur ces vastes régions et pour que les préceptes chrétiens, et la vertu chrétienne progressent de jour en jour, et portent des fruits de salut.

Il n'y a donc aucune époque où l'Eglise catholique, non seulement par le travail infatigable du clergé, mais aussi avec l'aide demandée aux laïcs, n'ait assuré de nouveaux développements à la religion et n'ait également amené les peuples à une plus grande prospérité sociale. Tout le monde sait ce qu'ont fait une sainte Elisabeth en Autriche ; un saint Ferdinand, roi, en Castille ; un saint Louis IX, en France ; par leur sainteté et leur zèle, ils ont étendu leurs bienfaits à tous les rangs de la société, soit en instituant des oeuvres utiles, soit en propageant de toutes leurs forces la vraie religion, soit surtout en donnant à tous l'exemple de leur vie. On n'ignore pas les mérites des fraternités du moyen âge dans lesquelles étaient groupés artisans et ouvriers des deux sexes qui, tout en poursuivant la vie séculière, avaient néanmoins devant les yeux un idéal de perfection évangélique dont ils poursuivaient personnellement la recherche et vers lequel ils s'efforçaient, avec le clergé, d'orienter les autres.

Aujourd'hui, il est indispensable que les laïcs jouent leur rôle propre dans le champ missionnaire :

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Or, les conditions dans lesquelles on se trouvait aux premiers temps de l'Eglise, se retrouvent aujourd'hui dans la plupart des régions où travaillent les missionnaires ; ou du moins les peuples dont ils ont soin souffrent de besoins auxquels il fut nécessaire de répondre à l'âge suivant. C'est pourquoi, il faut absolument que les laïcs se réunissant très nombreux, dans les rangs de l'Action

Catholique, unissent là leur zèle généreux et actif à l'apostolat hiérarchique du clergé. L'oeuvre des catéchistes est assurément nécessaire, mais non moins nécessaire est l'activité attentive de ceux qui, sans recevoir aucun honoraire, mais uniquement poussés par l'amour de Dieu, se mettent à la disposition des prêtres pour les aider dans leurs fonctions.

Nous désirons donc que, partout, selon le nombre des catholiques, hommes et femmes, des associations se constituent ; qu'il y en ait aussi pour les jeunes gens qui poursuivent leurs études, pour les ouvriers et les artisans, pour les sportifs ; qu'il y ait également des Congrégations et de pieuses associations qui puissent être dites les troupes auxiliaires des missionnaires. Pour constituer et former des groupes que l'on s'attache toutefois plus à l'honnêteté, à la vertu, au zèle des membres qu'à leur nombre.

Il faut remarquer, en outre, que rien ne concilie plus efficacement aux missionnaires la confiance des pères et mères de famille que le soin que l'on prend de leurs enfants. Ceux-ci en convertissant leur esprit à la vérité chrétienne, et leurs moeurs à la vertu, concourront non seulement au bien de leur propre famille, mais aussi à la vigueur, à l'honneur et à l'illustration de toute la communauté ; et il arrivera souvent que si la vie de la communauté chrétienne était quelque peu affaiblie, ils la rappelleront heureusement à son ancienne vigueur.

Bien que, comme chacun sait, l'Action Catholique soit principalement destinée à promouvoir les oeuvres d'apostolat, rien n'empêche cependant que ceux qui en font partie soient également membres d'associations dont le but est de conformer les institutions politiques et sociales aux principes et aux règles chrétiennes ; bien plus, le droit dont ils jouissent permet, et le devoir qu ils ont, demande qu'ils y prennent part, non seulement comme citoyens, mais aussi comme catholiques.

Les missionnaires doivent créer et développer les oeuvres d'enseignement :

La jeunesse, surtout celle que l'on cultive par les lettres, les études supérieures et les arts libéraux, dirigera demain les affaires de son pays. Tous reconnaissent l'importance des soins qu'il faut donner à l'éducation, aux écoles, aux collèges. Nous exhortons donc paternellement les supérieurs des Missions à ne rien épargner de leurs peines ni de leurs ressources pour développer ces entreprises.

Les écoles, en effet, nouent d'opportunes relations entre les missionnaires et les païens de toute classe. La jeunesse, surtout, souple encore comme la cire, éprouve plus aisément le désir de comprendre, d'apprécier, et d'embrasser la doctrine catholique. Ces jeunes plus instruits, seront demain les chefs de l'Etat ; les masses les suivront comme leurs guides et leurs maîtres. Ainsi, l'apôtre des nations présentait à l'élite la plus docte la sagesse sublime de l'Evangile quand, devant l'Aréopage, il annonçait le Dieu inconnu. Si, après ces contacts, quelques-uns seulement se donnent au Christ, un plus grand nombre éprouvera un attrait secret pour la beauté supérieure de cette religion et la charité de ceux qui la professent.

Ces écoles et collèges servent aussi éminemment à réfuter les erreurs de tout genre que répandent de plus en plus les non-catholiques et les communistes et qui atteignent ouvertement ou en secret surtout les jeunes.

De même, il faut répandre des imprimés catholiques :

Il n'est pas moins utile de publier et de répandre des écrits de circonstance. Il n'y a pas lieu, croyons-Nous, de Nous étendre là-dessus ; on sait assez l'influence des journaux, revues et tracts pour exposer la vérité et le bien, pour en imprégner les esprits, pour démasquer l'erreur, réfuter les mensonges qui attaquent la religion ou déforment au détriment des âmes les questions sociales violemment agitées. Nous louons donc vivement les pasteurs soucieux de répandre par la presse le plus possible des écrits de ce genre, solides et soignés. On a déjà beaucoup entrepris en ce domaine, mais il reste encore beaucoup à faire.

Les missionnaires, les religieuses, les laïcs exerceront les oeuvres de charité, et en particulier, celles qui sont destinées à soulager les malades :

Il Nous plaît de recommander ici vivement les oeuvres et les établissements qui s'emploient auprès des malades, des infirmes, des éprouvés de tous genres : hôpitaux, léproseries, dispensaires, hospices pour vieillards, maternités, orphelinats, refuges pour nécessiteux. Ces oeuvres qui Nous paraissent pour ainsi dire les fleurs les plus belles du jardin où se dépensent les ouvriers de l'Evangile font revivre, en quelque sorte, sous nos yeux le divin Rédempteur en personne « qui passa en faisant le bien et guérissant les malades » *7.

Ces prodiges de charité préparent souverainement les âmes et les attirent à la foi et à la pratique chrétiennes, Jésus-Christ en a fait lui-même aux apôtres la recommandation : « en quelque ville où vous entriez et qu'on vous reçoive... guérissez les malades qui s'y trouveront et dites-leur : le Royaume de Dieu est proche de vous ». 38

Il faut enfin que les religieux et les religieuses qui sentent l'appel de ces vocations fructueuses se donnent, avant de quitter leur patrie, la culture intellectuelle et morale que requièrent aujourd'hui ces services. Il ne manque pas de religieuses, Nous le savons, qui, munies

87 Act., 10, 36. »8 Luc, 10, 8-9.

de diplômes officiels, ont poursuivi l'étude de maladies affreuses comme la lèpre, et ont trouvé des remèdes adaptés ; on leur doit des louanges méritées. Nous les bénissons paternellement ainsi que tous les missionnaires qui se dépensent dans les léproseries et Nous adressons à leur charité sublime l'hommage de Notre admiration.

Pour ce qui est de la médecine et de la chirurgie, il sera à propos évidemment d'appeler à l'aide des laïcs diplômés prêts à quitter volontiers leur patrie pour aider les missionnaires, mais aussi hommes de saine doctrine et de vertu.

En pays de Missions, il faut faire connaître l'enseignement social de l'Eglise :

Nous en venons maintenant à un sujet qui n'a pas moins d'importance et de gravité. Nous voulons dire un mot de la question sociale et de sa solution dans la justice et la charité. Pendant que les propos communistes se répandent aujourd'hui partout et facilement trompent les simples et les humbles, Nous croyons entendre retentir à Nos oreilles la parole de Jésus-Christ : « J'ai pitié de la foule. » 39 II faut absolument faire passer dans la pratique avec zèle, ardeur, énergie les vrais principes qu'enseigne l'Eglise en matière sociale. Il faut absolument garder tous les peuples de ces erreurs pernicieuses, ou bien, s'ils en ont été infectés, il faut les guérir de ces doctrines violentes qui présentent la jouissance des biens de ce monde comme l'unique loi de l'homme en cette vie, qui attribuent à la souveraineté de l'Etat et à sa décision la propriété et la gestion de tous les biens, réduisent presque jusqu'à l'anéantir la dignité de la personne humaine. Il faut absolument enseigner à tous, en public, en privé, que nous sommes ici-bas des exilés en route vers l'immortelle patrie, appelés à l'éternité, au bonheur éternel que nous devons atteindre un jour en suivant les dictées de la vérité et de la vertu. Seul, le Christ est le gardien de l'humaine justice et le très doux consolateur de la douleur, inévitable ici-bas ; lui seul nous découvre le port de la paix, de la justice et de l'éternelle joie auquel tous, rachetés par son sang, au terme de notre voyage terrestre, nous devons atteindre.

39 Mc 8,2.

Il faut encore créer des oeuvres sociales :

Mais c'est aussi le devoir de tous, autant qu'il est possible, d'adoucir, d'alléger, de soulager les souffrances, les misères, les angoisses qui affligent nos frères en cette vie.

La charité peut en partie remédier à bien des injustices d'ordre social, mais c'est insuffisant ; il faut d'abord que la justice s'affirme, s'impose et soit mise en pratique.

Et surtout, il faut instituer un régime de justice :

Il Nous plaît, à ce propos, de citer ici les paroles que Nous adressions, à Noël 1942, aux Eminentissimes cardinaux et aux évêques réunis :

« L'Eglise a condamné les divers systèmes du socialisme marxiste, et elle les condamne encore aujourd'hui conformément à son devoir et à son droit permanent de mettre les hommes à l'abri de courants et d'influences qui mettent en péril leur salut éternel. Mais l'Eglise ne peut pas ignorer ou ne pas voir que l'ouvrier, dans son effort pour améliorer sa situation, se heurte à tout un système qui, loin d'être conforme à la nature, est en opposition avec l'ordre de Dieu et avec la fin assignée par Dieu aux biens terrestres. Si fausses, si condamnables, si dangereuses qu'aient été et que soient les voies suivies, qui pourrait, et surtout quel prêtre, quel chrétien pourrait demeurer sourd au cri qui monte d'en bas et qui réclame dans le monde d'un Dieu juste, justice et fraternité ? Le silence serait coupable, inexcusable devant Dieu, contraire au bon sens de l'Apôtre qui, tout en prêchant la fermeté contre l'erreur, sait en même temps qu'il faut montrer beaucoup de délicatesse envers les égarés, aller à eux le coeur ouvert pour écouter leurs aspirations, leurs espérances, leurs raisons... La dignité de la personne humaine suppose donc normalement comme fondement naturel pour vivre le droit à l'usage des biens de la terre ; à ce droit correspond l'obligation fondamentale d'accorder une propriété privée autant que possible à tous. Les normes juridiques positives, réglant la propriété privée, peuvent changer et en restreindre plus ou moins l'usage, mais si elles veulent contribuer à la pacification de la communauté, elles devront empêcher que l'ouvrier père ou futur père de famille, soit condamné à une dépendance, à une servitude économique, inconciliable avec les droits de sa personne.

Que cette servitude dérive de la puissance du capital privé ou du pouvoir de l'Etat, l'effet est le même. Bien plus, sous la pression d'un Etat qui domine tout, qui règle toute la sphère de la vie publique et privée, qui pénètre jusque dans le champ des idées et des convictions de la conscience, ce défaut de liberté peut avoir des conséquences plus graves encore, comme l'expérience en fournit la manifestation et le témoignage » 40.

A. S., 35, 1943, pp. 16-17.

Il vous revient, Vénérables Frères, qui vous dépensez de toutes façons dans les Missions, de donner tous vos soins à ce que ces principes et ces normes passent dans la pratique. Examinez les conditions particulières du pays, consultez-vous en vos réunions d'évêques, en vos synodes et autres assemblées, et fondez selon vos ressources les groupements sociaux et économiques, les Associations et Instituts que les circonstances et le caractère de vos populations demandent.

C'est sûrement un devoir de votre charge pastorale de veiller à ce que le troupeau qui vous est confié n'aille pas s'égarer hors du vrai chemin, victime de ces nouvelles erreurs qui se couvrent des apparences de la vérité et de la justice, victime aussi d'entraînements néfastes. Que les apôtres de l'Evangile qui vous secondent avec zèle se distinguent entre tous en ce point ; ils seront sûrs, alors, de ne point entendre un jour cette parole : « Les fils de ce siècle sont plus prudents que les fils de la lumière » 41. Il sera toutefois opportun qu'ils s'adjoignent, chaque fois que ce sera possible, des laïcs compétents, reconnus pour leur droiture et leur prudence, qui prennent en mains ces entreprises et les développent.

«i Lc 16,8.

Il faut que les Instituts religieux engagés dans les Missions consentent à se soumettre à des Evêques indigènes, à collaborer avec des prêtres indigènes et avec des religieux d'autres Instituts :

Le vaste domaine de l'apostolat missionnaire n'était jadis délimité par les frontières ecclésiastiques précises, ni confié à des Ordres ou Congrégations religieuses en collaboration avec un clergé indigène en progrès, ce qui est devenu généralement, on le sait, la situation actuelle. Il est aussi arrivé parfois qu'on a confié certaines régions aux religieux d'une province particulière d'un même Institut.

Nous reconnaissons les avantages de ce régime ; l'organisation des Missions en devient plus rapide et plus facile. Cela, toutefois, peut susciter de sérieux inconvénients auxquels il est à propos de remédier le plus possible. Nos prédécesseurs, déjà, ont traité un sujet analogue en leurs Lettres que Nous avons rappelées, et ils ont donné sur la matière des normes très sages qu'il Nous plaît de renouveler ici et de confirmer. Connaissant votre zèle pour la religion et le salut des âmes, Nous vous exhortons à les accueillir avec un esprit filial et une prompte obéissance. Il arrive, en effet, que ces territoires, très vastes d'ordinaire, que le Saint-Siège a confiés à votre zèle pour que vous les gagniez au Christ, Notre-Seigneur, vos Instituts ne peuvent leur donner qu'un nombre de missionnaires bien inférieur à la nécessité. N'hésitez donc pas à imiter la pratique des diocèses constitués : des religieux, clercs ou laïcs de divers Instituts, des religieuses de Congrégations différentes entourent l'évêque et lui donnent leur concours. De même pour la propagation de la foi, l'instruction de la jeunesse indigène et d'autres oeuvres du même genre, n hésitez pas à appeler à partager vos travaux des religieux ou des missionnaires qui ne seraient pas de votre Institut, qu'ils soient religieux, clercs ou laïcs. Les Ordres et les Congrégations religieuses peuvent se glorifier de la mission qu'ils ont reçue auprès des païens comme des conquêtes qu'ils ont ajoutées au royaume du Christ ; mais qu'ils se rappellent aussi qu'ils n'ont point reçu les territoires de mission en droit personnel et perpétuel ; ces territoires leur sont confiés selon le gré du Siège apostolique, à qui demeurent le droit et la charge de veiller à leur juste et plein développement. Le Pontife romain, en conséquence, ne s'acquitterait pas de sa charge s'il se contentait de répartir entre les Instituts des territoires plus ou moins étendus ; il doit encore, ce qui importe davantage, veiller sans cesse de toute façon à ce que ces Instituts missionnaires envoient en nombre, et surtout en qualité, les missionnaires qu'il faut aux régions qui leur sont confiées pour répandre en tout le pays la lumière de la vérité chrétienne et y travailler efficacement

42 A. A. S., 11, 1019, p. 444, et A. A. S., 18, 1926, pp. 81-82.

L'Eglise respecte tout ce qui est bon dans une civilisation :

II Nous reste à toucher un point que Nous souhaitons vivement voir parfaitement saisi de tous. L'Eglise, depuis son origine jusqu'à nos jours, a toujours suivi la norme très sage selon laquelle l'Evangile ne détruit et n'éteint chez les peuples qui l'embrassent rien de ce qui est bon, honnête et beau en leur caractère et leur génie. En effet, lorsque l'Eglise convie les peuples à s'élever sous la conduite de la religion chrétienne à une forme supérieure d'humanité et de culture, elle ne se conduit pas comme celui qui, sans respecter, abat une forêt luxuriante, la saccage et la ruine, mais elle imite plutôt le jardinier qui greffe une tige de qualité sur des sauvageons pour leur faire produire un jour des fruits plus savoureux et plus doux.

La nature humaine garde en elle, malgré la tache héritée de la triste chute d'Adam, un fonds naturellement chrétien 43 qui, éclairé par la lumière divine et nourri de la grâce, peut s'élever à la vertu authentique et à la vie surnaturelle. Pour ce motif, l'Eglise n'a jamais traité avec mépris et dédain les doctrines des païens, elle les a plutôt libérées de toute erreur et impureté, puis achevées et couronnées par la sagesse chrétienne. De même, leurs arts et leur culture, qui s'étaient élevés parfois à une très rare hauteur, elle les a accueillis avec bienveillance, cultivés avec soin et portés à un point de beauté qu'ils n'avaient peut-être jamais atteint encore. Elle n'a pas non plus condamné absolument, mais sanctifié en quelque sorte les moeurs particulières des peuples et leurs institutions traditionnelles. Tout en modifiant l'esprit et la forme, elle a fait servir leurs fêtes à rappeler les martyrs et à glorifier les saints mystères. A ce propos saint Basile écrit excellemment : « A la façon des teinturiers, qui préparent soi-

3 Cf. Tertull., Avologet., cap. XVII : M. L. I, 377 A.

gneusement leur étoffe, puis la plongent dans la pourpre ou dans une autre couleur, si nous voulons que l'éclat du bien demeure en nous à jamais indélébile, nous nous formerons d'abord par des études profanes avant d'étudier à fond les sciences révélées et sacrées. Habitués à regarder le soleil sur les eaux, nous pourrons lever les yeux sur la Lumière elle-même... La vie de l'arbre est de se charger de fruits à son heure, et pourtant, les feuilles qui frémissent autour des rameaux ajoutent à leur beauté. Ainsi, l'âme trouve son fruit par excellence dans la Vérité même à laquelle toutefois la sagesse humaine, sans déplaire, sert comme de manteau, comme un feuillage qui entoure les fruits d'ombre et de beauté... C'est la voie par laquelle, dit-on, l'incomparable Moïse, dont la sagesse est réputée partout, s'étant d'abord formé chez les maîtres d'Egypte, s'éleva à la contemplation de Celui qui est. On rapporte également que plus tard, le sage Daniel aborda les doctrines sacrées une fois instruit dans la sagesse des Chaldéens de Babylone » ".

Nous écrivions, Nous-même, en Notre première Encyclique Summi Pontificatus, ces paroles : « D'innombrables recherches et investigations de pionniers, accomplies en esprit de sacrifice, de dévouement et d'amour par les missionnaires de tous les temps, se sont proposé de faciliter l'intime compréhension et le respect des civilisations les plus variées et d'en rendre les valeurs spirituelles fécondes pour une vivante et vivifiante prédication de l'Evangile du Christ. Tout ce qui, dans ces usages et coutumes, n'est pas indissolublement lié à des erreurs religieuses sera toujours examiné avec bienveillance et, quand ce sera possible, protégé et encouragé » "5.

44 S. Basil., Ad adolescentes, 2 : M. G. XXXI, 567 A.
45 A. A. S., 31, 1939, p. 429.

En 1944, en Notre discours aux directeurs des oeuvres pontificales missionnaires, Nous disions, entre autres, ces paroles : « L'apôtre est le messager de l'Evangile et le héraut de Jésus-Christ. Le rôle qu'il remplit ne demande pas qu'il transporte dans les lointaines Missions, comme on y transplanterait un arbre, les formes de culture des peuples d'Europe, mais ces nations nouvelles, fières parfois d'une culture très ancienne, doivent être instruites et réformées de telle sorte plutôt qu'elles deviennent aptes à recevoir, d'un coeur avide et empressé, les règles et les pratiques de la vie chrétienne. Ces règles peuvent s'accorder avec toute culture profane, pourvu qu'elle soit saine et pure, et la rendre plus capable de protéger la dignité humaine et d'atteindre le bonheur. Les catholiques d'un pays sont d'abord citoyens de la grande famille de Dieu et de son royaume 4\ mais ils ne cessent pas, pour cela, d'être citoyens de leur patrie terrestre » 47.

L'oeuvre des Missions a été heureusement illustrée et présentée, de l'Exposition missionnaire de Rome, en 1950 :

Pie XI, Notre Prédécesseur, lors de l'Année jubilaire 1925, fit préparer une très vaste exposition missionnaire dont il marqua, en ces termes, l'heureux résultat : « C'est presque un miracle que ce nouveau témoignage grâce auquel Nous touchons la vivante structure de l'Eglise de Dieu, une à travers toutes les nations. A vrai dire, l'Exposition a surgi et demeure tel un livre immense et saisissant » "8.

4' Ep 2,19.
47 A. A. S., 36, 1944, p. 210.
48 Allocutio. 10. januarii 1926.

Suivant cet exemple, afin de mettre à la portée du plus grand nombre possible les mérites singuliers des Missions surtout dans le domaine de la haute culture, Nous avons, au cours de l'Année Sainte, fait recueillir une riche documentation, et l'avons fait exposer tout près du Vatican, comme la présentation en pleine lumière du développement chrétien des beaux-arts suscité par les Missions chez les peuples cultivés et chez d'autres moins développés. On a constaté ainsi la part très grande qu'ont eue les travaux des missionnaires dans le développement des arts et dans les études des Académies sur la matière. On y a vu aussi que l'Eglise ne s'oppose au génie d'aucun peuple, mais plutôt le porte à sa plus haute perfection.

Nous attribuons à la bonté de Dieu le fait que tous aient accueilli avec particulier intérêt un événement semblable qui atteste publiquement la vitalité et la vigueur accrues des Missions. Grâce, en effet, au zèle des missionnaires, l'Evangile a pénétré les âmes de peuples fort éloignés et fort divers au point de susciter chez eux de belles manifestations d'un renouveau artistique. Ce qui montre, une fois de plus, que la foi chrétienne, assimilée et vécue, peut seule élever l'esprit de l'homme jusqu'à produire ces oeuvres exquises qui demeurent la gloire impérissable de l'Eglise catholique et l'ornement le plus beau du culte divin.

7/ faut continuer à développer les Oeuvres missionnaires pontificales :

Vous vous rappelez fort bien la vive recommandation faite par l'Encyclique Rerum Ecclesia à l'Union missionnaire du clergé dont le but est d'unir les clercs de l'un et l'autre clergés et leurs grands séminaristes, dans un effort commun de propagande en faveur des Missions. Nous avons suivi ses progrès avec grand plaisir, comme Nous l'indiquions plus haut. Nous désirons vivement qu'elle croisse sans cesse et stimule le zèle des prêtres et des fidèles qui leur sont confiés à aider les oeuvres missionnaires. Cette association est comme la source d'où dérivent les eaux nourricières aux autres oeuvres pontificales de la Propagation de la Foi, de Saint Pierre Apôtre pour le clergé indigène, de la Sainte Enfance. Il n'y a pas lieu de Nous attarder à rappeler l'importance, la nécessité et les mérites éclatants de ces oeuvres que Nos Prédécesseurs ont enrichies d'indulgences. Il Nous plaît assurément que l'on recueille les aumônes des fidèles, surtout le « jour des Missions », mais le premier de Nos voeux est que tous prient le Dieu tout-puissant de susciter de nombreuses vocations missionnaires ; qu'ils s'inscrivent eux-mêmes aux oeuvres pontificales que Nous avons dites, et qu'ils s'efforcent de les promouvoir. Vous n'ignorez pas, Vénérables Frères, que Nous avons institué récemment une fête destinée aux enfants, afin de promouvoir par la prière et l'aumône l'oeuvre de la Sainte Enfance. Puissent nos chers petits enfants s'habituer ainsi à prier avec instance pour le salut des infidèles, et puissent, dans leurs âmes encore innocentes, germer et mûrir les vocations missionnaires.

Il Nous plaît de louer aussi l'oeuvre établie pour fournir aux Missions les ornements sacerdotaux ; d'exprimer Notre paternelle bienveillance à ces groupes de femmes qui concourent utilement à la confection de vêtements liturgiques ou de linge d'autel.

Enfin Nous voulons adresser à tous Nos chers ministres de l'Eglise cette parole d'encouragement : le zèle du peuple chrétien pour le salut des infidèles ravive sa foi et lui fait produire des fruits excellents ; quand la ferveur pour les Missions s'accroît, la piété également s'accroît.

Pie XII lance un appel au monde catholique :

Enfin, Nous ne voulons point terminer cette Lettre sans dire au clergé et à tous les fidèles Notre affectueuse gratitude. Nous avons constaté, en effet, encore cette année, une forte augmentation des aumônes de Nos fils pour les Missions. Il est bien sûr que votre charité ne peut mieux s'employer qu'à étendre ainsi le règne du Christ f

et à porter le salut aux âmes privées de la foi, puisque « Le Seigneur lui-même a confié à chacun le salut de son prochain » >9.

En conséquence, il Nous plaît de reprendre avec plus d'instance et dans une sollicitude nouvelle le mot d'ordre que Nous écrivions en Notre Lettre, le 9 août 1950, à Notre cher fils, le cardinal Pierre Fumasoni Biondi, préfet de la Sacrée Congrégation de la Propagande : « Que tous les fidèles persévèrent en leur volonté d'aider les Missions, qu'ils multiplient pour elles leurs industries, qu'ils adressent à Dieu d'incessantes prières, qu'ils aident les missionnaires et leur fournissent les secours nécessaires. »

L'Eglise, en effet, est le Corps mystique du Christ dans lequel « tous les membres souffrent quand un membre souffre » 50. Puis donc qu'un grand nombre de ses membres aujourd'hui sont déchirés et torturés, c'est le devoir de tous les fidèles du Christ de s'unir à eux de coeur et de fait. La fureur guerrière a saccagé et détruit, en certaines Missions, un grand nombre d'églises, de résidences, d'écoles et d'hôpitaux. Le monde catholique tout entier voudra généreusement, dans son ardente charité pour les Missions, donner le nécessaire pour relever tous ces édifices 51.

Vous savez parfaitement, Vénérables Frères, que l'humanité actuelle est emportée comme en deux camps opposés, pour ou contre le Christ. Elle court les plus grands dangers ; il en résultera le salut du Christ ou d'épouvantables ruines. Le zèle industrieux et débordant des missionnaires s'efforce d'étendre le règne du Christ, mais d'autres hérauts qui ramènent tout à la matière, et rejettent tout espoir d'un bonheur éternel veulent réduire l'homme à l'état le plus affreux. ;;,

49 Eccli. XVII, 12.

50 I. Cor., 12, 26.

51 A. A. S., XXXXII, 1050, pp. 727-728-

L'Eglise catholique, mère aimante de tous les hommes, a donc bien raison, d'appeler tous ses fils, où qu'ils se trouvent, à aider les semeurs intrépides de l'Evangile par leurs aumônes, leurs prières, l'aide aux futurs missionnaires. Elle les presse maternellement de manifester des entrailles de miséricordeJ", et de partager le travail apostolique, sinon de fait, du moins de coeur ; enfin, de ne pas laisser sans réponse l'appel du Coeur très doux de Jésus « venu chercher et sauver ce qui était perdu » 53. Si les fidèles contribuent à porter la douce lumière de la foi fût-ce dans un seul foyer, ils auront fait surgir une source de grâces qui se développera sans fin ; s ils ont aidé à former un prêtre, il leur reviendra le grand mérite de toutes ses messes, de tous ses fruits d'apostolat et de sainteté. Tous les fidèles ne forment, en effet, qu'une seule grande famille ayant tous en partage les mérites de l'Eglise militante, souffrante et triomphante. Rien ne paraît mieux indiqué que le dogme de la Communion des Saints pour graver dans l'esprit et le coeur des fidèles l'utilité et l'importance des Missions.

Vous ayant exprimé Nos voeux paternels, et donné ces normes appropriées, Nous avons confiance que ce 25e anniversaire de l'Encyclique Rerum Ecclesiae sera pour tous les catholiques le point de départ de nouveaux efforts en faveur des Missions.

En cette douce espérance, à chacun de vous, Vénérables Frères, au clergé et à tout le peuple fidèle, à ceux nommément qui soutiennent au pays cette sainte cause par leurs prières et leurs aumônes, comme à ceux qui se dépensent au loin dans les Missions, Nous accordons, du fond du coeur, comme gage des bénédictions célestes, et de Notre paternelle bienveillance, la Bénédiction apostolique.

Coloss., 3, 12. Luc, 19, io.


PieXII 1951 - ALLOCUTION A L'OCCASION DE LA BÉATIFICATION DU R. P. JULIEN MAUNOIR S. J.