PieXII 1951 - RADIOMESSAGE "


F LETTRE AU CARDINAL STRITCH ARCHEVÊQUE DE CHICAGO A L'OCCASION DU IX8 CONGRÈS CATÉCHISTIQUE AMÉRICAIN

(14 septembre 1951) 1

Du 7 au 11 novembre se tenait à Chicago le IXe Congrès catéchis-tique national américain ; aussi le Pape envoya-t-il, en cette circonstance, la lettre que voici :

Cinq ans se sont écoulés depuis que Nous Nous sommes adressé au huitième Congrès Catéchistique National à Boston, et en envoyant ce message au neuvième Congrès qui se tient maintenant sous votre eminent patronage, Très cher Fils, Nous désirons avant tout renouveler l'expression de Notre constant et très vif intérêt pour les activités de la Confrérie de la Doctrine chrétienne. Lorsque Nous pensons aux membres de la Confrérie, Nous percevons un écho lointain des paroles du divin Maître à Ses premiers disciples : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux ; priez donc le Seigneur de la moisson qu'il envoie des ouvriers pour sa récolte », et il Nous semble voir quelque réponse à cette prière dans les milliers de catéchistes bien formés, religieux et laïques, qui consacrent les ressources de leur foi profonde, de leur intelligence, de leur solide piété et de leur zèle à l'instruction des enfants, de la jeunesse et des parents. « Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde » a-t-il été également dit d'eux. Car si l'enseignement divin de Jésus-Christ est l'unique préservation de la civilisation moderne contre la décadence, et l'unique rayon permanent d'espérance qui incite les nations à ra-

nimer leur raison et leur courage et à se réveiller de l'illusoire et fatal rêve de paix et de bonheur sans Dieu, alors la Confrérie de la Doctrine Chrétienne n'éclaire pas seulement le chemin de la vérité pour Nos chers enfants et ne les aide pas seulement à y avancer d'un pas ferme, mais contribue puissamment à sauver pour le monde son plus précieux héritage. Seules les âmes croyantes répandront la lumière sur cette sombre terre.

Mais de quelle force sera cette lumière et combien seront préparés à la répandre ? Ce sont là les questions pratiques qu'affronte votre Congrès. Se conformant aux prescriptions de Notre saint Prédécesseur, le Bienheureux Pie X, qu'elle vénère comme son patron céleste, la Confrérie ne vise à rien moins qu'à avoir un centre dans chaque paroisse. Il Nous plaît d'espérer que ce but est envisagé par toutes les diverses sections de votre pays. Quel pasteur d'âmes, réfléchissant aux paroles divines énoncées par le prophète : « Je vous donnerai des pasteurs selon mon coeur et ils vous nourriront de connaissance et de doctrine » 2, pourrait demeurer satisfait, s'il ne mettait pas tous ses efforts à s'assurer que les jeunes membres de son troupeau, chacun et tous, sont instruits soigneusement, patiemment, progressivement dans les enseignements de leur foi ? Et comme cette instruction ne peut commencer trop tôt, le prêtre devra aider les parents pour qu'elle soit commencée avant l'âge de l'école.

Cette instruction sera progressive. Pour l'enfant la perception des vérités de la foi sera nécessairement limitée par sa capacité intellectuelle ; mais en même temps que cette dernière se développe, de même sa connaissance de la révélation de Dieu doit s'approfondir et se développer à travers la jeunesse et l'âge mûr, ouvrant à ses yeux de foi l'insondable « bénédiction avec laquelle Dieu... nous a bénis dans le Christ, en nous choisissant pour être ses enfants d'adoption par Jésus-Christ » 3, de sorte que tous ne soient « qu'une personne en Lui » 4, « héritiers de Dieu, partageant l'héritage du Christ » 5. Alors pénétrera chez ceux que vous instruisez la logique et pleine signification des paroles de l'apôtre lorsqu'il rappelle aux Ephésiens : « Soyez

2 Ier. III, 15.

3 Eph., 1, 5-5.

4 Gal., 3, 29.

5 Pom., 8, 17.

donc les imitateurs de Dieu, comme des enfants bien-aimés ; marchez dans la charité que le Christ nous montra, lorsqu'il se livra Lui-même pour notre salut, en s'offrant à Dieu comme une victime d'agréable odeur » Et de même que cette charité du Christ est aussi vaste que le monde, si les hommes L'aiment, leur charité se répandra ainsi sur toute la terre, parce que les membres du Christ se trouvent partout dans le monde. « Si vous n'aimez qu'une partie », disait saint Augustin, à son peuple, « vous êtes divisés ; et si vous êtes divisés, vous ne faites pas partie du corps ; et si vous ne faites pas partie du corps, vous ne vous trouvez pas sous la tête. Notre-Seigneur Jésus-Christ en s'élevant au ciel vit que beaucoup voudraient L'honorer à cause de son ascension et II vit que leurs honneurs seraient vides et vains, si en même temps, ils maltraitent ses membres sur la terre » 7.

Il résultera clairement de cela que le catéchiste, qu'il soit laïc, religieux ou prêtre, a une vocation profondément apostolique pour continuer la mission de rédemption de l'éternel Fils de Dieu qui vint éclairer les hommes en leur révélant les sources de la vie divine et les conduire ainsi au salut.

Que les membres de la Confrérie de la Doctrine Chrétienne abordent donc leur tâche avec l'esprit du Christ, humble, bon, patient, inlassable et plein de tact en amenant une génération agitée et tristement éprouvée à s'intéresser aux choses de Dieu, attentifs toujours à s'appuyer fortement sur la puissance de la prière au Père Eternel pour éclairer les esprits de leurs pupilles afin qu'ils puissent saisir les vérités de la foi. Nous sommes encouragé par le « Rapport du demi-siècle » sur les progrès réalisés et Nous vous demanderons, cher fils, de transmettre Nos sincères félicitations à Notre Vénérable Frère, le président épiscopal de la Confrérie, et à ses adjoints et assistants.

En gage de ces grâces divines si nécessaires pour que cet apostolat vital de l'Eglise soit soutenu jusqu'au succès complet, Nous vous donnons, à vous, très cher fils, à la commission episcopale de la Confrérie de la Doctrine Chrétienne et à tous ses membres, d'un coeur plein d'affection paternelle pour tous, la Bénédiction apostolique.

Eph., 5, 1-2.

Saint Augustin, P. E. 35, 2060-2061.

LETTRE DE Mgr MONTINI SUBSTITUT A LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT A SON EXC. Mgr JOSEPH SIRI, ARCHEVÊQUE DE GÊNES ET PRÉSIDENT DE LA XXIV SEMAINE SOCIALE D'ITALIE

(septembre 1951)1

Du 23 au zg septembre igsi se tenait à Gênes la XXIVe Semaine sociale d'Italie ; celle-ci avait pour sujet : Vorganisation professionnelle. Au nom du Saint-Père, la Lettre suivante fut envoyée au Président :

Avec une paternelle satisfaction, le Souverain Pontife a appris que, sous la présidence de Votre Excellence, se dérouleront dans votre ville, du 23 au 29 septembre, les travaux de la XXIVe Semaine sociale des catholiques italiens.

Ce sera là une nouvelle et féconde rencontre de la pensée pour discuter et résoudre des problèmes de grande importance, et ce sera, une fois de plus, un témoignage du zèle intelligent des catholiques italiens, visant noblement à traduire dans les organisations de la vie sociale, la sagesse et l'esprit de l'Evangile.

L'espérance confiante dans les féconds résultats d'une telle manifestation repose sur des facteurs qui en garantissent la bonne réussite : la préparation soignée, la compétence reconnue et la sensibilité chrtienne des maîtres, enfin le respect sans conditions du magistère de l'Eglise qui constitue le légitime orgueil de la tradition sociale des catholiques en Italie et la source généreuse de son active vitalité.

Le thème choisi, « L'organisation professionnelle », n'est pas nouveau pour les Semaines Sociales italiennes qui, depuis leur

l D'après le texte latin de VOsservatore Romano des 24 et 25 septembre 195t.

première session de Pistoia, ont toujours consacré à la question une attention particulière. Et ceci non sans motif, quand on sait la valeur prise aujourd'hui par les organisations professionnelles, dont l'institution et le fonctionnement efficaces se révèlent sans cesse davantage comme un facteur indispensable d'équilibre dans la vie économique et sociale.

La présidence centrale de l'Action Catholique italienne doit donc être grandement louée pour avoir organisé cette importante session qui offre aux catholiques l'occasion d'approfondir, à la lumière de la doctrine sociale chrétienne, une question qui, en Italie de même que dans d'autres pays, se pose avec toute son urgence.

Afin que l'étude d'un thème d'une si haute et délicate importance aboutisse à des résultats utiles, il faut féliciter tous ceux qui participent à cette solennelle manifestation, d'avoir pris pour guide et pour lumière l'enseignement du magistère ecclésiastique. Et il me suffira de rappeler quelques-unes des paroles que le Souverain Pontife a prononcées à diverses occasions sur les organisations professionnelles, pour offrir à la réflexion des participants de la Semaine Sociale un inestimable trésor de sagesse et une preuve de l'intérêt que l'Eglise, mère toujours vigilante et prévoyante, porte à une question si actuelle et si agitée. En effet, les nombreuses observations du Saint-Père sur les divers aspects de ce thème peuvent indiquer la sûre orientation qui est suggérée par les contingences de l'heure présente, et imposée par les exigences de l'éthique.

L'organisation professionnelle doit être centrée sur l'homme :

Les catholiques italiens se rappelleront avant tout ce que le Souverain Pontife, parlant dans Son radiomessage de Noël 1944 du problème de la démocratie, énonçait en fixant comme principe fondamental que l'homme, loin d'être l'objet et un élément de la vie sociale, en est, au contraire, et doit en demeurer le sujet, la base et la fin.

Ce sont donc les intéressés eux-mêmes qui doivent édifier leurs res organisations :

A ceci se relie évidemment un autre enseignement du Saint-Père, à savoir, que c'est de la nature même, intrinsèquement

sociale, que les citoyens tirent le droit de donner à leur propre organisation la structure qu'ils estiment la plus appropriée aux fins à atteindre.

En effet, dans le radiomessage de Pentecôte 1941, Sa Sainteté s'exprimait ainsi : «... ce devoir et le droit relatif au travail sont imposés et accordés à l'individu en premier lieu par la nature et non point par la société, comme si l'homme n'était rien d'autre qu'un simple serviteur et fonctionnaire de la communauté. D'où il s'ensuit que le devoir et le droit d'organiser le travail du peuple appartiennent avant tout aux intéressés immédiats : employeurs et ouvriers. »

Et déjà, dans l'Epître Encyclique adressée le 1er novembre 1939, à l'Episcopat des Etats-Unis, Il disait : «... aux corporations de ce genre, qui, au cours des siècles passés, ont procuré au christianisme une gloire immortelle, et aux arts une splendeur inaltérable, on ne peut imposer en chaque lieu les mêmes discipline et structure qui peuvent varier en raison du caractère divers des peuples et des différentes circonstances d'époque ; cependant, que les corporations en question tirent leur devise vitale des principes de saine liberté, qu'elles soient éclairées par les hautes règles de la justice et de l'honnêteté et, s'inspirant de celles-ci, qu'elles agissent de manière que, dans la défense des intérêts de classe, elles ne lèsent point les autres droits, qu'elles conservent la volonté de la concorde et qu'elles respectent le bien commun de la société » 2.

Dès lors les groupements professionnels exercent une influence sur l'ensemble de la vie publique :

A une autre occasion, Sa Sainteté invite encore à réfléchit que la fin essentielle des organisations syndicales est « de représenter et défendre les intérêts des travailleurs dans les contrats du travail. Dans le cadre de cet office, le syndicat exerce naturellement une influence sur la politique et sur l'opinion publique »

L'organisation professionnelle doit promouvoir l'entente entre les divers éléments de l'économie :

En outre, la parole du Pape affirme que la règle directrice de l'action dans les divers secteurs du monde du travail pour

2 Sertum Lsetitix, A. A. S., 1939, p. 666.

3 Discours du 11 mars 1945.

arriver à un juste équilibre entre les intérêts opposés ne peut être que le criterium de la collaboration : « ...pour obtenir la concorde désirée entre le travail et le capital, on a eu recours à l'organisation professionnelle et au syndicat, entendu non comme une arme exclusivement destinée à une guerre offensive qui provoque des réactions et des représailles, non comme un fleuve qui se répand et divise, mais comme un pont qui unit.

Nous avons déjà eu l'occasion d'exposer comment, au-dessus des distinctions entre employeurs et ouvriers, existe la plus juste unité qui lie entre eux ceux qui collaborent à la production.

Cette unité doit être le fondement du futur ordre social4 ».

« De cette manière, continue l'enseignement pontifical, grâce à cette coopération harmonieuse, à cette union plus intime du travail avec les autres facteurs de la vie économique, le travailleur arrivera à trouver dans son activité un gain sûr et suffisant pour son entretien et celui de sa famille, une véritable satisfaction de son esprit et un puissant stimulant vers son perfectionnement » !.

Il faut d'ailleurs que le bien commun ait la primauté sur les intérêts des particuliers :

Sa Sainteté n'a pas manqué non plus de souligner la condition « sine qua non » de toute société, c'est-à-dire la subordination de l'intérêt particulier à l'intérêt général de la communauté nationale entière. Dans ce but, il convient de mettre particulièrement en relief ce qu'EUe recommandait le 7 mai 1949 aux délégués des Associations Patronales Catholiques : la communauté de responsabilité entre tous ceux qui participent à la production. « Dans le bilan de l'industrie, l'ensemble des salaires peut figurer à titre de dépenses de l'employeur. Mais dans l'économie nationale, il n'y a qu'un genre de dépenses, et elles consistent dans les biens naturels utilisés dans le but de la production nationale et qu'il est nécessaire, par conséquent, de rembourser continuellement. Il s'ensuit que les deux parties ont intérêt à faire en sorte que les dépenses de la production soient proportionnées à son rendement. Mais du moment que l'intérêt est commun, pourquoi ne pourralt-il se traduire en une

4 Discours du 24 janvier 1946.

5 Discours du 15 août 1945.

expression commune î Pourquoi ne serait-il pas légitime d'attribuer aux ouvriers une juste part de responsabilité dans l'organisation et le développement de l'économie nationale ? »

C'est une erreur d'étatiser les professions :

Et c'est précisément en vue du bien commun que le Saint-Père, dans la même circonstance, prend soin de fixer certaines limites entre l'Etat et les organisations professionnelles. « On cherche à élaborer d'autres formes d'organisation juridique publique de l'économie sociale et, pour le moment, la faveur va de préférence à l'étatisation et à la nationalisation des entreprises. Il n'est pas douteux que l'Eglise — dans des limites justes et déterminées — admet l'étatisation..., mais faire de cette étatisation la règle pour ainsi dire normale de l'organisation publique, serait bouleverser l'ordre des choses. C'est, en effet, la mission du droit public de servir le droit privé, non de l'absorber. L'économie — comme du reste toute autre branche de l'activité humaine — n'est pas de sa nature même une institution de l'Etat ; elle est, au contraire, le produit vivant de la libre initiative des individus et de leurs groupes librement constitués. »

Mais il faut reconnaître aux groupements une existence légale :

Ces principes et d'autres, qui seront amplement exposés et illustrés aux prochaines séances de Gênes, permettront aux catholiques d'affronter les aspects multiples et graves du phénomène syndical. Ainsi sera donné satisfaction au vif désir que le Souverain Pontife exprimait, en parlant aux ouvriers chrétiens de Belgique le 11 septembre 1949, quand II sollicitait « l'élaboration d'un statut de droit public de la vie économique, de toute la vie sociale en général, selon l'organisation professionnelle ».

Que ces généreux efforts des catholiques italiens puissent donc rendre plus vif dans les esprits le sens de la responsabilité sociale et hâter le retour total du monde du travail au Christ.

Dans ce but, le Saint-Père, tout en formant des voeux fervents pour l'heureux succès de la Semaine sociale et en exprimant Sa vive satisfaction aux diligents promoteurs, leur envoie de tout coeur, ainsi qu'à tous les maîtres présents et, en premier lieu, à Votre Excellence, dans une mesure aussi large qu'encourageante, la Bénédiction apostolique implorée.


ALLOCUTION AUX RELIGIEUSES ENSEIGNANTES

(14 septembre 1951) 1

Pour la première fois, en septembre 1951, s'est tenu à Rome un Congrès International des religieuses enseignantes ; le Pape y prononça l'importante allocution que voici :

Nous sommes particulièrement heureux de l'occasion que votre participation au « Congrès des religieuses éducatrices » Nous offre de faire un cordial et paternel éloge de l'activité des religieuses, dans le domaine de l'école et de l'éducation, en Italie et dans tout le monde catholique. Comment l'Eglise en des temps récents, et tout récents, aurait-elle pu remplir pleinement sa mission sans l'oeuvre que des centaines de milliers de religieuses accomplissent avec tant de zèle dans l'éducation et dans la charité ? Et comment pourrait-elle la remplir de nos jours ? Sans doute, de nombreuses autres précieuses énergies féminines travaillent avec les religieuses ou à leurs côtés, dans l'école et dans l'éducation, ou se consacrent à l'apostolat des laïcs. Nous pensons surtout à l'armée des dévouées enseignantes catholiques dans les écoles de l'Etat. Mais elles-mêmes ne s'étonneront pas si Nous Nous adressons aujourd'hui à vous, chères filles réunies autour de Nous, comme représentantes des Ordres et des Congrégations religieuses consacrées à l'apostolat de l'école et de l'éducation, pour vous dire : « Puissent le dévouement, l'amour et les sacrifices que vous supportez, le plus souvent en secret, pour l'amour du Christ et à l'avantage de la jeunesse, rendre à l'avenir, comme dans le passé, des fruits de bien centuplés ! Que le Seigneur vous en récompense et répande sur vous l'abondance de ses faveurs divines ! »

D'après le texte italien de VOsservatore Romano du 15 septembre 1951.

Il s'agit de bien comprendre la jeunesse d'aujourd'hui :

Du reste, il convient d'ajouter que cette plainte d'incompréhension n'est pas nouvelle ; elle se rencontre à chaque génération et elle est réciproque : entre l'âge mûr et la jeunesse, entre les parents et les enfants, entre les maîtres et les élèves.

2 Cf. Documents Pontificaux 1950, p. 584.

Pie XII souligne qu'aujourd'hui il y a une crise de l'éducation :

Nos souhaits jaillissent avec d'autant plus de ferveur que Nous sentons avec vous la crise que traversent vos écoles et vos instituts d'éducation. Elle est marquée dans la confrontation : jeunesse d'aujourd'hui — écoles de religieuses. Sans doute, dans votre Congrès, avez-vous amplement parlé de cette question. De nombreux points, valables pour vous, autant que pour les religieux, et qui se rapportent aux problèmes de votre activité, ont été déjà exposés par Nous, dans le discours du 8 décembre 19502. Aussi pouvons-Nous Nous borner ici à certains aspects de votre problème qui Nous semblent nécessiter plus de considération.

1. La jeunesse a évolué rapidement : ' '

Si vous faites la pénible expérience que la Soeur éducatrice et la jeune fille d'aujourd'hui ne s'entendent plus bien, ce n'est pas une crise qui vous est particulière. Pour les autres enseignantes, et souvent pour les parents mêmes, les choses ne vont guère mieux. En effet, ce n'est pas seulement dire une phrase creuse, que d'affirmer que la jeunesse est changée, qu'elle est devenue bien différente de celle d'autrefois. Peut-être la raison centrale de ce changement de la jeunesse d'aujourd'hui est celle qui fait l'objet de fréquentes observations et plaintes : la jeunesse est irrévérente envers de nombreuses choses qui, autrefois dès l'enfance et comme tout naturellement, étaient regardées avec le plus profond respect. Cependant la jeunesse moderne ne porte pas toute la responsabilité de cette attitude. Durant les années de son enfance, elle a vécu des choses horribles. Elle a vu faillir et s'écrouler misérablement de nombreux idéaux autrefois hautement appréciés. C'est ainsi qu'elle est devenue méfiante et récalcitrante.

Il y a un demi-siècle, et même un peu plus, elle était souvent une attitude de molle sentimentalité ; on aimait se croire et se dire « incompris » ou « incomprise ». Aujourd'hui, la plainte, qui n'est pas exempte d'un certain orgueil, s'oriente vers des positions intellectuelles. Cette incompréhension a comme conséquence, d'un côté, une réaction qui peut parfois dépasser les limites de la justice, une tendance à repousser toute nouveauté ou apparence de nouveauté, un soupçon exagéré de rébellion contre toute tradition ; de l'autre, un manque de confiance qui éloigne de toute autorité et qui fait chercher des solutions et des conseils en dehors de tout jugement compétent, avec une sorte d'infatuation plus ingénue que raisonnée.

Prétendre réformer la jeunesse et la convaincre par la soumission, prétendre la persuader par la contrainte, serait inutile et parfois injuste. Vous l'inciterez bien mieux à vous donner sa confiance, en vous appliquant à la comprendre et à vous faire comprendre par elle, sauf, toujours, en ce qui concerne les vérités et les valeurs immuables qui n'admettent aucun changement dans l'esprit et le coeur de l'homme.

Comprendre la jeunesse : cela ne signifie pas, certes, tout approuver et tout admettre dans ses idées et dans ses goûts, dans ses caprices fantasques, dans ses enthousiasmes factices ; mais cela consiste avant tout à discerner ce qu'ils ont de fondé et à le reconnaître loyalement, sans regret ni dépit ; cela consiste ensuite à chercher l'origine des déviations et des erreurs, qui ne sont souvent que la tentative infortunée de solution de problèmes réels et difficiles ; enfin, à suivre avec attention les vicissitudes et les conditions du temps présent.

Se faire comprendre : ce n'est pas adopter les abus, les imprécisions, les confusions, les néologismes équivoques du vocabulaire ou de la syntaxe ; mais c'est exprimer sa pensée clairement, sous une forme variée et toujours exacte, en cherchant à deviner celle des autres et en tenant compte de leurs difficultés et de leur ignorance ou de leur inexpérience.

La jeunesse actuelle a elle aussi ses qualités :

D'autre part, il est également vrai que la jeunesse moderne est, elle aussi, entièrement accessible aux vraies et pures valeurs. Et c'est là précisément qu'entre votre part de responsabilité. Vous traiterez la jeunesse avec naturel et simplicité, comme l'est chacune de vous selon son caractère ; mais, en même temps, vous devez toutes faire preuve du sérieux religieux et de la réserve que même le monde d'aujourd'hui attend de vous, et sous lesquels il doit sentir votre union avec Dieu. Il n'est pas nécessaire qu'en vous trouvant au milieu des jeunes filles vous parliez continuellement de Dieu. Mais quand vous le faites, il faut que ce soit d'une manière telle qu'elles reconnaissent spontanément : voilà un sentiment vraiment naturel, fruit d'une conviction profonde. Ainsi vous gagnerez la confiance de vos élèves qui se laisseront persuader et guider par vous.

2. Les religieuses doivent continuer à enseigner la jeunesse :

Et maintenant, venons-en à ce qui vous est particulièrement propre : la vie religieuse, l'habit, la chasteté, les Règles et Constitutions. Tout cela vous rendrait-il moins aptes ou tout simplement inaptes à l'instruction et l'éducation de la jeunesse d'aujourd'hui ?

Avant tout, notons ceci : ceux qui ont le droit d'éduquer, les parents, ne sont pas de cet avis. Les écoles de religieuses sont encore recherchées et préférées même par de nombreuses personnes vivant en marge de la religion ou loin d'elle. Dans combien de pays, les vocations des religieuses enseignantes et le nombre de leurs écoles demeurent bien au-dessous des besoins, et ce n'est pas là un pur hasard ! Aussi peut-on bien ajouter, non seulement pour l'Italie, mais en général : on doit attendre de ceux qui ont un rôle dans l'élaboration de la législation scolaire un sentiment de justice, et, voudrions-Nous dire, un sens démocratique tels qu'ils répondent à la volonté des parents ; en sorte que les écoles fondées et dirigées par des Instituts religieux ne soient pas placées dans des conditions pires que celles de l'Etat, et qu'on leur reconnaisse la liberté qui est nécessaire à leur développement.

Et, à présent, parlons brièvement de la vie religieuse en elle-même. L'habit religieux : choisissez-le tel qu'il soit l'expression du naturel intérieur, de la simplicité, de la modestie religieuse ; alors il servira d'édification pour tous, même pour la jeunesse moderne.

La chasteté authentique permet âe mieux comprendre et d'aimer :

La chasteté, la virginité (qui comporte aussi le renoncement à toute affection sensuelle) ne rendent pas les âmes étrangères au monde. Elles stimulent plutôt et développent les énergies pour des tâches plus vastes et plus élevées, qui dépassent les limites des simples familles.

Les religieuses éducatrices et infirmières ne sont pas rares aujourd'hui qui, dans le meilleur sens du mot, sont plus près de la vie que le commun des hommes.

Il y a des adaptations à faire :

Les normes elles-mêmes des Constitutions prises selon la lettre et l'esprit, facilitent et procurent à la religieuse tout ce qui lui est nécessaire et qu'elle doit faire, à notre époque, pour être une excellente institutrice et éducatrice. Ceci se manifeste également dans le domaine purement technique. Par exemple, aujourd'hui, dans plus d'un pays même, les Soeurs utilisent la bicyclette, quand leur travail la rend nécessaire. Au début, c'était une chose tout à fait nouvelle, mais point contre la Règle.

Il est possible que certains points de l'horaire, certaines prescriptions qui ne sont que de simples applications de la Règle, quelques habitudes, qui correspondaient peut-être à des conditions passées, mais qui, à présent, ne font que compliquer l'oeuvre éducatrice, doivent être adaptés aux nouvelles circonstances. Les Supérieures générales et le Chapitre général doivent veiller à intervenir, en cette matière, consciencieusement, avec clairvoyance, prudence et courage, et, lorsque la chose l'exige, ne pas manquer de soumettre les changements proposés aux autorités ecclésiastiques compétentes.

Vous voulez servir la cause de Jésus-Christ et de son Eglise selon les besoins du monde actuel. Il ne serait, par conséquent, pas raisonnable de persister dans les usages et dans les formes qui empêchent ce service, ou peut-être même le rendent impossible. Les Soeurs enseignantes et éducatrices doivent être si bien préparées à leur tâche, elles doivent être si bien versées dans tout ce qui touche et influence la jeunesse, que les élèves ne tardent pas à s'écrier : « Nous pouvons aller trouver la Soeur avec nos problèmes et nos difficultés ; elle nous comprend et nous aide. »

3. En matière d'éducation, les religieuses doivent être compétentes •

Nous voici arrivé aux exigences de l'école et de l'éducation que Nous voudrions recommander particulièrement à vos soins.

Un grand nombre de vos écoles Nous sont présentées et citées comme très bonnes. Mais pas toutes. Notre vif désir est que toutes s'efforcent de devenir parfaites.

Ceci suppose, cependant, que vos religieuses enseignantes connaissent et possèdent parfaitement leur matière. Pourvoyez donc à leur procurer une bonne formation, qui réponde également aux qualités et aux titres requis par l'Etat. Donnez-leur largement tout ce dont elles ont besoin, spécialement en ce qui concerne les livres, afin qu'elles puissent suivre plus tard les progrès de la science et offrir ainsi à la jeunesse une riche et solide moisson de connaissances. C'est conforme à la conception catholique, qui accueille avec gratitude tout ce qui est naturellement vrai, beau et bon, parce que c'est l'image de la vérité, de la bonté et de la beauté divines.

En outre, la plupart des parents vous confient leurs filles pour des motifs de conscience chrétienne. Cependant, il ne faut pas qu'en résulte pour eux le dommage d'un enseignement de moindre valeur dans vos écoles. Au contraire, vous devez vous faire un point d'honneur d'assurer à ces parents la meilleure instruction pour leurs filles, et cela dès l'école élémentaire.

N'oubliez pas non plus que le savoir et le bon enseignement attirent eux aussi, à la religion, le respect et la considération des élèves. Elle pourra exercer une plus profonde influence sur leur caractère et sur leur vie spirituelle.

L'éducation doit être chrétienne :

A ce sujet, Nous n'avons pas besoin de vous répéter ce que vous savez bien et qui a été, sans doute, l'objet d'amples discussions à votre Congrès. Selon le sens catholique, le but de l'école et de l'éducation est de former le parfait chrétien ; ou bien, pour appliquer ce principe à votre condition, d'exercer une telle influence spirituelle et morale et d'obtenir de telles habitudes, que la jeune fille, une fois laissée à elle-même, demeure ferme dans la foi catholique et qu'elle la mette en acte jusque dans les conséquences pratiques quotidiennes, ou, au moins, que l'on ait l'espérance sérieuse que l'élève vivra, plus tard, selon les principes et les règles de la foi.

II faut se vouer tout entière à l'oeuvre d'éducation :

Tout votre système d'éducation et d'instruction serait vain, si ce but ne se trouvait au centre de votre oeuvre. Travaillez à cette fin de toutes vos forces, c'est là ce que le Seigneur veut de vous. Il vous a appelées à éduquer les jeunes filles pour faire d'elles de parfaites chrétiennes. Dieu exige votre entier dévouement à cette oeuvre et il vous en demandera un compte exact.

La jeune fille moderne ! Mieux que beaucoup d'autres, vous pouvez mesurer les problèmes encore sans solution et les sérieux périls qu'ont apportés les récents bouleversements du monde féminin et la brusque introduction de la femme dans tous les domaines de la vie publique. Y eut-il jamais une époque comme la nôtre, où la jeune fille ait dû être gagnée et préparée intérieurement selon sa conviction et sa volonté, à la cause du Christ et à une conduite vertueuse, en sorte qu'elle demeure fidèle, malgré toutes les tentations et tous les obstacles, à commencer par la modestie du vêtement, jusqu'aux questions les plus graves et les plus angoissantes de la vie ?

Que jamais des avantages matériels, l'autorité de la personne, la richesse, la puissance politique ou d'autres considérations semblables vous induisent à renier votre idéal d'éducation et à devenir infidèles à votre mission. Un examen de conscience durant votre Congrès peut se révéler fort salutaire. Cette exhortation paternelle n'est inspirée que par Notre bienveillance envers vous, parce que vos soucis sont également les Nôtres.

En vue d'accomplir cette oeuvre, les religieuses enseignantes doivent s'entendre :

L'harmonie et la généreuse entente entre les diverses familles religieuses peuvent, d'autre part, largement contribuer à un si favorable résultat. Une connaissance mutuelle, des encouragements réciproques, une pieuse émulation ne peuvent être que d'un commun avantage. D'excellents débuts se sont déjà révélés : vous n'avez donc qu'à continuer.

La vie religieuse elle-même apportera son concours à l'oeuvre des éducatrices :

Votre mission n'est pas aisée, de même que l'éducation chrétienne est aujourd'hui une oeuvre difficile. Mais, en ce

qui concerne la formation intérieure de la jeune fille, votre vocation religieuse est pour vous d'un puissant secours. La foi ardente, l'union avec Dieu, l'amour du Christ dont chacune de vous a pu se pénétrer, selon l'esprit de votre Congrégation, dès l'époque du noviciat ; les voeux, non seulement de chasteté, mais aussi et surtout d'obéissance, le travail commun sous un guide unique et dans une même direction, tout cela agit fortement sur les jeunes âmes — naturellement toujours en supposant que vous soyez vous-mêmes égales à votre vocation.

Que la divine Providence dirige et conduise vos entreprises ! Que la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ comble vos esprits et vos coeurs.

Que la Bienheureuse Vierge et Mère Marie soit pour vous un modèle, qu'elle vous protège et intercède en votre faveur ! Avec ce souhait, Nous donnons à vous qui êtes présentes ici, à vos chères Soeurs et à toute la jeunesse confiée à vos soins Notre Bénédiction apostolique.


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