PieXII 1951 - ALLOCUTION AUX ASPIRANTES DE L'ACTION CATHOLIQUE ITALIENNE


RADIOMESSAGE AUX PÈLERINS RE FATIMA

(13 octobre 1951) 1

En

1-9^7' au% abords du village de Fatima, dans le diocèse de Leiria en Portugal, la Sainte Vierge apparut à de fréquentes reprises à trois pauvres enfants :

Lucie de Jésus, née en -190J ; François, né le 11 juin 1908 et sa soeur Jacinte, née le 10 mars 1910. Depuis lors, les pèlerins ne cessent d'affluer à Tatima, en particulier le 13 mai et le 13 octobre, anniversaires des première et dernière apparitions. Une basilique a été élevée à proximité de l'endroit de celles-ci1.

Pie XII avait décidé de clôturer l'Année Sainte de 195% à Tatima le 13 octobre en y envoyant comme légat Son Em. le Cardinal leàeschini pour présider le pèlerinage où 800.000 pèlerins se trouvèrent rassemblés *..

Magnificat anima mea Dominum !

C'est le mot qui vient spontanément à Nos lèvres pour traduire les sentiments qui remplissent Notre âme en ce moment historique des solennités actuelles, auxquelles Nous présidons en la personne de Notre très digne Cardinal Légat ; solennités ou hymne grandiose d'action de grâces, que pour l'inestimable bienfait de l'Année Sainte mondiale, votre piété éclairée voulut adresser au Seigneur, là, sur la colline privilégiée de Fatima, choisie par la Vierge Mère comme trône de sa miséricorde et source inépuisable de grâces et de merveilles.

1 D'après le texte portugais des A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 800.

2 On lira : Radiomessage du 13 octobre 1942 aux pèlerins de Fatima à l'occasion du XXVe anniversaire des apparitions (A. A. S., 34, 1942, p. 313) ; Radiomessage du 13 mai 1946 aux pèlerins de Fatima lors du couronnement de la Vierge (A. A. S., 38, 1946, p. 264).

3 On lira la Lettre du 24 septembre 1951 nommant le cardinal Tedeschini Légat dans les A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 780.

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PÈLERINS DE FATIMA 415

Il y a un an, à l'heure nostalgique et solennelle où, dans la basilique du prince des Apôtres, Nous fermions la Porte Sainte, il Nous semblait voir l'Ange du Seigneur, qui en était sorti douze mois plus tôt pour inviter dans le monde entier les âmes de bonne volonté à chercher la paix et renouveler leur vie surnaturelle dans la piscine salutaire du Jubilé préparée au coeur de la Cité Eternelle.

A la suite de cette invitation, dans laquelle passait l'Esprit du Seigneur, Nous avions vu, dans les mois suivants, les rues et les temples de cette Ville sublime inondés de multitudes sans nombre, telles qu'on n'en vit jamais dans les précédents jubilés, provenant de toutes nations et races, formées de toutes les classes et catégories sociales, mais unies dans la même foi, palpitant du même amour, animées de la même piété, comme des frères en Jésus-Christ et des fils du même Père qui est dans les cieux, et venues invoquer et chanter dans toutes les langues du globe les divines miséricordes.

Magnifique et grandiose spectacle d'unité et de catholicité de l'Eglise, qui imprime dans leur vie un sillon si profond !

Aujourd'hui que le Jubilé étendu à tout le monde est sur le point de s'achever, si l'on jette sur lui un regard rétrospectif, une autre vision non moins consolatrice s'empare de Notre esprit. Ce n'est plus, ce n'est pas seulement l'Ange du Seigneur, c'est la Reine des Anges qui, avec les images miraculeuses sorties des plus célèbres sanctuaires de la Chrétienté et surtout de ce sanctuaire de Fatima — où le Ciel nous a donné de la couronner Regina Mundi — parcourt en visite jubilaire tous ses domaines4. Et, à son passage, en Amérique comme en Europe, en Afrique et aux Indes, en Indonésie et en Australie, pleuvent les bénédictions du ciel, se multiplient les merveilles de la grâce, de telle sorte que nous pouvons à peine croire ce que voient nos yeux. Ce ne sont pas seulement les fils de l'Eglise bons et obéissants, qui redoublent de ferveur ; ce sont les enfants prodigues qui, vaincus par la nostalgie des caresses maternelles, retournent à la maison paternelle ; et ce sont encore (comment l'aurait-on imaginé ?) dans des pays où la lumière de l'Evangile a à peine commencé de rayonner, tant de personnes, environnées par l'ombre de l'erreur, qui, avec la même

* Au cours des années précédentes, des répliques de la statue de Fatima ont parcouru le monde, provoquant sur leur passage un renouveau de vie religieuse.

L ardeur que les fidèles du Christ, attendent sa visite et l'accueillent et l'acclament avec délire et la vénèrent et l'invoquent, et ainsi obtiennent des grâces signalées. Sous le regard maternel de la céleste Pèlerine, il n'y a pas d'antagonisme de nationalités ou de races qui divise, il n'y a pas de diversité de frontières qui sépare, il n'y a pas de contrastes d'intérêts qui s'opposent, tous se sentent en ce moment heureux de se reconnaître comme frères.

Spectacle singulier et singulièrement impressionnant qui fait concevoir les plus heureuses espérances.

Par là, la très bonne Regina Mundi, ne veut-elle pas nous indiquer qu'elle prend cette Année Sainte sous sa spéciale protection ?

Et c'est pourquoi, acceptant volontiers de présider en esprit à ces solennités, Nous voulons la Lui confier, comme sensiblement dans la certitude que nos actions de grâces, passant par son Coeur Immaculé, seront mieux acceptées du Seigneur, et que les fruits salutaires du Jubilé dans ses mains bénies, loin de se dissiper rapidement, seront par elles conservés, améliorés, multipliés.

Dans l'indiction solennelle du Jubilé, Nous avons indiqué comme une de ses fins principales, la paix, tant intérieure qu'extérieure, dans les familles, dans la société, entre les nations. Le monde aspire à la paix, et, malgré tout ce qui a été fait, continue à y aspirer, tremblant dans l'anxiété de la voir disparaître à nouveau.

Notre-Dame la Vierge, dans son message que, pèlerine, elle va répétant au monde, nous indique le chemin assuré de la paix et le moyen de l'obtenir du Ciel, étant donné qu'on ne peut guère se confier aux moyens humains.

Quand, avec une particulière insistance, elle inculque la pratique du chapelet en famille, elle semble nous dire que c'est dans l'imitation de la Sainte Famille que se trouve le secret de la paix dans le foyer domestique. Quand elle nous exhorte à nous préoccuper du prochain comme de nous-mêmes, au point de prier et de nous sacrifier pour le bien spirituel et temporel de celui-ci, elle nous indique le moyen vraiment efficace de rétablir la concorde entre les classes sociales. Et quand, avec une voix maternellement affligée et touchante elle demande un retour général et sincère à une vie plus chrétienne, ne nous répétera-t-elle pas que c'est seulement dans la paix avec Dieu et dans le respect de la justice et de la loi éternelle, qu'il est possible de fonder solidement l'édifice de la paix mondiale ? Parce que, enfin, si Dieu n'édifie pas c'est en vain que travaillent les constructeurs.

Très chers fils, qui êtes venus si nombreux à l'oasis béni de ce sanctuaire mariai, comme en une grandiose représentation de tous ceux qui, dans le monde, se glorifient de profiter des inestimables trésors de l'Année Sainte, ici, aux pieds de la Reine du Monde et de la Paix, avec les plus ferventes actions de grâces, renouvelez et confiez les résolutions salutaires prises durant l'Année Sainte ; répétez et confiez les espoirs, les supplications et les anxiétés du monde entier ; et prenez la résolution de descendre d'ici en apôtres du Dieu de paix afin de travailler pour elle par l'exemple d'une vie chrétienne renouvelée, par la prière incessante et confiante et par toutes les activités possibles que Dieu vous accordera.

Pour Nous, continuant à travailler sans relâche et avec tous les moyens en Notre pouvoir pour le vrai bien de la grande famille humaine, c'est surtout dans la très puissante intercession de Notre-Dame que nous plaçons Nos espérances, l'invoquant sans cesse pour qu'elle daigne hâter l'heure où d'une extrémité du monde à l'autre, se réalisera l'hymne angélique : Gloire à Dieu et paix aux hommes de bonne volonté !

DISCOURS AUX PARTICIPANTS DU Ier CONGRÈS DE L'APOSTOLAT DES LAÏCS

(24 octobre 1951) 1

Du 7 au 14 octobre s'est tenu à Rome le premier Congrès mondial de l'apostolat des laïcs.

12.00 participants, appartenant a soixante-quatorze pays y représentaient, soit la plupart des nations des cinq continents, soit les grandes organisations catholiques internationales.

Les principes de l'apostolat des laïcs et ses nécessités actuelles ont été étudiés au cours de cinq séances plénières : une vingtaine de « carrefours » ont permis de prendre une vue d'ensemble des conditions et de l'état de l'apostolat des laïcs dans toutes les branches de l'activité humaine.

Voici le discours adressé le 14 octobre par Pie XII aux participants :

De quelle consolation et de quelle joie déborde Notre coeur au spectacle de votre imposante assemblée, où Nous vous voyons réunis sous Nos yeux, vous, Nos vénérables frères dans l'épiscopat, et vous aussi, chers fils et chères filles, accourus de tous les continents et de toutes les régions au centre de l'Eglise, pour y célébrer ce congrès mondial sur l'apostolat des laïcs. Vous en avez étudié la nature et l'objet, vous en avez considéré l'état présent, et vous avez médité sur les importants devoirs qui lui incombent en prévision de l'avenir. Ce furent pour vous jours de prière instante, de sérieux examen de conscience, d'échanges de vue et d'expériences. Pour conclure vous êtes venus renouveler l'expression de votre foi, de votre dévouement, de votre fidélité au Vicaire de Jésus-Christ et le prier de féconder par sa bénédiction vos résolutions et votre activité.

Bien souvent, au cours de Notre Pontificat, Nous avons parlé, dans des circonstances et sous des aspects fort variés, de cet apostolat des laïcs, dans Nos messages à tous les fidèles ou en Nous adressant à l'Action Catholique, aux Congrégations mariales, aux ouvriers et aux ouvrières, aux enseignants et aux enseignantes, aux médecins et aux juristes, et aussi aux milieux spécifiquement féminins et à d'autres encore, pour insister sur leurs devoirs actuels, même sur leurs devoirs dans la vie publique. Ce fut pour Nous autant d'occasions de traiter incidemment ou expressément de questions qui ont trouvé, cette semaine, leur place toute marquée à votre ordre du jour.

Les laïcs ont d'ailleurs toujours été appelés à jouer un rôle dans l'Eglise :

Cette fois, en présence d'une élite aussi nombreuse de prêtres et de fidèles, tous très justement conscients de leur responsabilité dans ou envers cet apostolat, Nous voudrions, d'un mot très bref « situer » sa place et son rôle d'aujourd'hui à la lumière de l'histoire passée de l'Eglise.

Il n'en a jamais été absent ; il serait intéressant et instructif de suivre son évolution au cours des temps écoulés.

En particulier, depuis le XVIe siècle, les laïcs sont intimement liés

à l'action de l'Eglise :

On se plaît souvent à dire que, durant les quatre derniers siècles, l'Eglise a été exclusivement « cléricale », par réaction contre la crise, qui, au XVIe siècle, avait prétendu parvenir à l'abolition pure et simple de la hiérarchie et, là-dessus, on insinue qu'il est temps pour elle d'élargir ses cadres.

Pareil jugement est tellement loin de la réalité que c'est précisément depuis le Concile de Trente, que le laïcat a pris rang et a progressé dans l'activité apostolique. La chose est facile à constater ; il suffit de se souvenir de deux faits historiques patents entre bien d'autres : les Congrégations Mariales d'hommes exerçant activement l'apostolat des laïcs dans tous les domaines de la vie publique, l'introduction progressive de la femme dans l'apostolat moderne 2. Et il convient, sur ce point, de rappeler deux grandes figures de l'histoire catholique : l'une, celle de Mary

2 Les Congrégations Mariales furent fondées à Rome en 1563 par te R. P. Jean Leunis, en vue de fournir à l'Eglise et à la société des hommes de valeur capables d'exercer une bienfaisante influence religieuse.

(On lira la Constitution Apostolique Bis saeculari du 2 septembre 1948 dans Documents Pontificaux 1948, p. 376.)

Wards, cette femme incomparable que, aux heures les plus sombres et les plus sanglantes, l'Angleterre catholique donna à l'Eglise ; l'autre, celle de saint Vincent de Paul4, incontestablement au premier plan parmi les fondateurs et les promoteurs des oeuvres de la charité catholique.

D'ailleurs, sous l'Ancien Régime, il y avait une collaboration étroite entre l'Eglise et l'Etat :

Il ne faudrait pas non plus laisser passer inaperçue, ni sans en reconnaître la bienfaisante influence, l'étroite union qui, Jusqu'à la Révolution française, mettait en relations mutuelles, dans le monde catholique, les deux autorités établies par Dieu : l'Eglise et l'Etat. L'intimité de leurs rapports sur le terrain commun de la vie publique créait — en général — comme une atmosphère d'esprit chrétien, qui dispensait en bonne part du travail délicat, auquel doivent aujourd'hui s'atteler les prêtres et les laïcs pour procurer la sauvegarde et la valeur pratique de la foi.

A la fin du XVIIIe siècle, la Révolution instaura le régime de séparation entre l'Eglise et l'Etat ; dès lors l'Eglise ne put plus compter que sur elle-même pour exercer son influence :

A la fin du XVIIIe siècle, un facteur nouveau entra en jeu. D'une part, la Constitution des Etats-Unis de l'Amérique du Nord — qui prenaient un développement extraordinairement rapide et où l'Eglise devait bientôt croître considérablement en vie et en vigueur, — et d'autre part, la Révolution française avec ses conséquences aussi bien en Europe qu'outre-mer, aboutissaient à détacher l'Eglise de l'Etat. Sans s'effectuer partout en même temps,

3 Mary Ward est née en 1585 dans le Yorkshire. En 1606 elle entra comme soeur converse chez les Pauvres Claires de Saint-Omer ; en 1609 elle fondait dans la même ville une communauté enseignante. Or à cette époque cela constituait une innovation, d'autant plus que ces religieuses n'avaient pas de clôture, ne chantaient pas l'Office, ne portaient pas l'habit religieux et n'étaient pas soumises à la juridiction diocésaine. Toutefois l'ordre se répandit rapidement en Irlande, en Bavière, en Autriche et en Italie-Mais en 1630, la Congrégation fut dissoute par le Saint-Siège. Revenue en Angleterre, la fondatrice mourut en 1642.

Néanmoins s'inspirant d'elle, une nouvelle congrégation fut fondée en 1703 : l'Institut de Marie.

* Saint Vincent de Paul (1581-1660) est le grand promoteur des oeuvres de charité où les laïcs peuvent s'enrôler.

ni au même degré, ce détachement eut partout pour suite logique de laisser l'Eglise pourvoir par ses propres moyens à assurer son action, l'accomplissement de sa mission, la défense de ses droits et de sa liberté.

C'est pourquoi naquirent les mouvements laïques catholiques pour aider l'Eglise dans sa mission :

Ce fut l'origine de ce que l'on appelle les mouvements catholiques qui, sous la conduite de prêtres et de laïcs, entraînent, forts de leurs effectifs compacts et de leur sincère fidélité, la grande masse des croyants au combat et à la victoire. N'est-ce pas là déjà une initiation et une introduction des laïcs à l'apostolat ?

En cette solennelle occurence, Nous Nous faisons un bien doux devoir d'adresser une parole de reconnaissance à tous ceux, prêtres et fidèles, hommes et femmes, qui se sont engagés dans ces mouvements pour la cause de Dieu et de l'Eglise et dont les noms méritent d'être cités partout avec honneur.

Cependant le monde s'est de plus en plus écarté de l'Eglise :

Ils ont peiné, combattu, unissant de leur mieux leurs efforts dispersés ; les temps n'étaient pas mûrs encore pour un Congrès tel que celui que vous venez de tenir.

Comment sont-ils donc venus à maturation au cours de ce demi-siècle ? Vous le savez ; à un rythme de plus en plus accéléré la faille qui, depuis longtemps, avait séparé les esprits et les coeurs en deux partis, pour ou contre Dieu, l'Eglise, la religion, s'est élargie, approfondie ; elle a dessiné, peut-être pas partout avec une égale netteté, une frontière au sein même des peuples et des familles.

Dans les rangs catholiques, le nombre des indifférents croît sans cesse également :

Il y a bien, c'est vrai, toute une foule confuse de tièdes, irrésolus et flottants, pour qui la religion est peut-être encore quelque chose, mais quelque chose de bien vague, sans nulle portée sur leur vie. Cette foule amorphe peut, l'expérience l'enseigne, se voir un jour ou l'autre, à l'improviste, mise en demeure de prendre une décision.

C'est pourquoi, l'Eglise se doit :

d'inviter les meilleurs à faire face aux luttes d'aujourd'hui :

d'exciter les tièdes à prendre part à une authentique vie religieuse :

de partir à la recherche de ceux qui vivent loin d'elle :

Quant à l'Eglise, elle a vis-à-vis de tous, une triple mission à remplir : hausser les croyants fervents au niveau des exigences du temps présent :

introduire ceux qui s'attardent sur le seuil dans la chaude et salutaire intimité du foyer :

ramener ceux qui se sont éloignés de la religion et qu'elle ne peut pourtant pas abandonner à leur misérable sort.

Or le clergé seul ne peut accomplir cette tâche, il faut que les laïcs viennent apporter leur aide :

Belle tâche pour l'Eglise, mais rendue bien difficile du fait que, si dans son ensemble elle s'est fort accrue, son clergé toutefois n'a pas augmenté en proportion. Or, le clergé a besoin de se réserver avant tout pour l'exercice de son ministère proprement sacerdotal, où personne ne peut le suppléer.

Un appoint fourni par des laïcs à l'apostolat, est donc d'une nécessité indispensable. Qu'il soit d'une précieuse valeur, l'expérience de la fraternité d'armes ou de captivité ou d'autres épreuves de la guerre est là pour en témoigner.

En particulier, les relations que les hommes ont normalement entre eux dans la vie sociale et professionnelle, constituent un instrument de choix pour l'apostolat :

J.\\e atteste, surtout en matière de religion, l'influence profonde et efficace des compagnons de profession, de condition de vie. Ces facteurs et bien d'autres dus aux circonstances de lieux et de personnes ont fait ouvrir plus larges les portes à la collaboration des laïcs dans l'apostolat de l'Eglise.

Le Pape saisit cette nouvelle occasion pour donner des directives :

L'abondance des suggestions et des expériences échangées au cours de votre Congrès, comme aussi ce que Nous avons dit dans les occasions mentionnées déjà, Nous dispensent d'entrer en plus amples détails sur l'apostolat actuel des laïcs, Nous Nous contenterons donc de vous exposer quelques considérations qui peuvent jeter un peu plus de lumière sur l'un ou l'autre des problèmes qui se posent.

r /. Tout chrétien est tenu d'exercer l'apostolat de l'exemple :

1. Tous les fidèles, sans exception, sont membres du Corps mystique de Jésus-Christ. H s'ensuit que la foi de nature et, plus pressante, la loi du Christ, leur fait une obligation de donner le bon exemple d'une vie vraiment chrétienne : « Christi bonus odor sumus Deo in iis qui salvi fiunt, et in iis qui pereunt » : « Nous sommes pour Dieu la bonne odeur du Christ parmi ceux qui sont sauvés et parmi ceux qui se perdent »5.

De même tous doivent prier et se sacrifier pour l'Eglise :

Tous aussi sont engagés, et aujourd'hui toujours davantage, à penser, dans la prière et le sacrifice, non seulement à leurs nécessités privées, mais encore aux grandes intentions du règne de Dieu dans le monde, selon l'esprit du Pater Noster que Jésus-Christ Lui-même a enseigné.

Quant à l'apostolat direct, certains sont empêchés de le pratiquer à la suite des circonstances :

Peut-on affirmer que tous sont appelés également à l'apostolat dans la stricte acception du terme ? Dieu n'en a donné à tous ni la possibilité, ni les aptitudes. On ne peut exiger que se charge d'ceuvres de cet apostolat l'épouse, la mère qui élève chrétiennement ses enfants et qui doit, en outre, prendre du travail à domicile pour aider son mari à nourrir les siens. La vocation d'apôtres ne s'adresse donc pas à tous.

On peut cependant affirmer que beaucoup font de l'apostolat en accomplissant simplement leurs devoirs d'état :

Assurément, il est malaisé de tracer avec précision la ligne de démarcation à partir de laquelle commence l'apostolat des laïcs proprement dit. Faut-il, par exemple, y faire entrer : l'éducation donnée soit par la mère de famille, soit par des instituteurs et institutrices saintement zélés dans la pratique de leur profession pédagogique ; ou bien la conduite du médecin réputé et franchement catholique, dont la conscience ne transige jamais quand la loi naturelle et divine est en jeu, et qui milite de toutes ses forces en faveur de la dignité chrétienne des époux,

5 II. Cor., 2, 15.

des droits sacrés de leur progéniture ; ou encore l'action d'un homme d'Etat catholique pour une large politique de l'habitation en faveur des moins fortunés ?

Beaucoup inclineraient vers la négative, ne voyant en tout cela que le simple accomplissement, fort louable, mais obligatoire du devoir d'état.

Nous savons pourtant la puissante et irremplaçable valeur, pour le bien des âmes, de ce simple accomplissement du devoir d'état par des millions et des millions de fidèles consciencieux et exemplaires.

Toutefois l'apostolat au sens propre est exercé : i° dans l'Action Catholique,

dans des organisations d'apostolat, .;

3° ou même à titre privé.

L'apostolat des laïcs, au sens propre, est sans doute en grande partie organisé dans l'Action Catholique et dans d'autres institutions d'activité apostolique approuvées par l'Eglise ; mais en dehors de celles-ci, il peut y avoir et il y a des apôtres laïques, hommes et femmes, qui regardent le bien à faire ; les possibilités et les moyens de le faire ; et ils le font, uniquement soucieux de gagner des âmes à la vérité et à la grâce. Nous pensons aussi à tant de catholiques excellents qui, dans les régions où l'Eglise est persécutée, comme elle l'était aux premiers siècles du christianisme, suppléant de leur mieux les prêtres emprisonnés, au péril même de leur vie, enseignent autour d'eux la doctrine chrétienne, instruisent de la vie religieuse, et de la juste manière de penser catholique, amènent à la fréquentation des sacrements, et à la pratique des dévotions, spécialement de la dévotion eucharistique. Vous les voyez à l'oeuvre tous ces laïcs ; ne vous inquiétez pas de demander à quelles organisations ils appartiennent ; admirez plutôt et reconnaissez de bon coeur le bien qu'ils font.

Le Saint-Père souligne toutefois la nécessité de l'organisation :

Loin de Nous la pensée de déprécier l'organisation ou de sous-estimer sa valeur comme facteur d'apostolat ; Nous l'estimons, au contraire très fort, surtout dans un monde où les adversaires de l'Eglise s'abattent sur elle avec la masse compacte de leurs organisations.

Mais les organisations doivent se montrer larges :

Mais elle ne doit pas conduire à un exclusivisme mesquin, à ce que l'apôtre appelait : « explorare libertatem ; épier la liberté » 6. Dans le cadre de votre organisation, laissez à chacun grande latitude pour déployer ses qualités et dons personnels en tout ce qui peut servir au bien et à l'édification : « in bonum et aedificationem » ' et réjouissez-vous quand, hors de vos rangs, vous en voyez d'autres, « conduits par l'esprit de Dieu » 8, gagner leurs frères au Christ.

17. L'Apostolat des laïcs doit demeurer soumis à l'autorité des Evêques :

2. Le Clergé et les laïcs dans l'apostolat.

Il va de soi que l'apostolat des laïcs est subordonné à la hiérarchie ecclésiastique ; celle-ci est d'institution divine ; il ne peut donc être indépendant vis-à-vis d'elle. Penser autrement serait saper par la base le mur sur lequel le Christ Lui-même a bâti son Eglise.

Dans la plupart des cas, cet apostolat sera soumis au curé de la paroisse :

Cela posé, il serait encore erroné de croire que, dans le ressort du diocèse, la structure traditionnelle de l'Eglise ou sa forme actuelle placent essentiellement l'apostolat des laïcs en une ligne parallèle à l'apostolat hiérarchique, de sorte que l'évê-que même ne puisse soumettre au curé l'apostolat paroissial des laïcs. Il le peut ; et il peut poser en règle que les oeuvres de l'apostolat des laïcs destinées à la paroisse même soient sous l'autorité du curé. L'évêque a constitué celui-ci pasteur de toute la paroisse, et il est, comme tel, responsable du salut de toutes ses ouailles.

Mais les nécessités d'aujourd'hui réclament des formes d'action qui dépassent le cadre de la paroisse et même du diocèse :

Qu'il puisse y avoir d'autre part, des oeuvres d'apostolat extraparoissiales et même extradiocésaines — Nous dirions plus volontiers supraparoissiales et supradiocésaines — selon que le bien commun de l'Eglise le demande, c'est également vrai, et il n'est pas nécessaire de le répéter.

• Gal., 2, 4. i Rom., 15, 2. « Gal., 5, 18.

D'ailleurs, les liens entre les formes de l'Apostolat et l'autorité des Evêques peuvent varier :

Dans Notre Allocution du 3 mai dernier, à l'Action Catholique italienne 9 Nous avons laissé entendre que la dépendance de l'apostolat des laïcs à l'égard de la hiérarchie admet des degrés.

i L'Action Catholique est en dépendance totale :

Cette dépendance est la plus étroite pour l'Action Catholique ; celle-ci représente en effet, l'apostolat officiel des laïcs ; elle est un instrument entre les mains de la hiérarchie, elle doit être comme le prolongement de son bras ; elle est de fait soumise par nature à la direction du supérieur ecclésiastique.

D'autres oeuvres peuvent jouir de plus de liberté :

D'autres oeuvres d'apostolat des laïcs, organisées ou non, peuvent être laissées davantage à leur libre initiative, avec la latitude que demanderaient les buts à atteindre. Il va de soi que, en tous cas, l'initiative des laïcs, dans l'exercice de l'apostolat, doit se tenir toujours dans les limites de l'orthodoxie et ne pas s'opposer aux légitimes prescriptions des autorités ecclésiastiques compétentes.

Dans tous les cas, il faut laisser aux laïcs le soin d'exercer leur apostolat^ sous leur responsabilité propre :

Quand nous comparons l'apôtre laïque, ou plus exactement le fidèle de l'Action Catholique, à un instrument aux mains de la hiérarchie, selon l'expression devenue courante, Nous entendons la comparaison en ce sens que les supérieurs ecclésiastiques usent de lui à la manière dont le Créateur et Seigneur use des créatures raisonnables comme instruments, comme causes secondes, « avec une douceur pleine d'égards 10 ». Qu'ils en usent donc avec la conscience de leur grave responsabilité, les encourageant, leur suggérant des initiatives et accueillant de bon coeur celles qui seraient proposées par eux, et selon l'opportunité, les approuvant avec largeur de vue. Dans les batailles

9 Cf. p. 152.

10 Sap., 12, is.

décisives, c'est parfois du front que partent les plus heureuses initiatives. L'histoire de l'Eglise en offre d'assez nombreux exemples.

Prêtres et laïcs doivent collaborer fraternellement ;

D'une manière générale, dans le travail apostolique, il est à désirer que la plus cordiale entente règne entre prêtres et laïcs. L'apostolat des uns n'est pas une concurrence à celui des autres. Même, à vrai dire, l'expression « émancipation des laïcs », entendue çà et là, ne Nous plaît guère. Elle rend un son un peu déplaisant ; elle est, d'ailleurs, historiquement inexacte. Etaient-ils donc des enfants, des mineurs et avaient-ils besoin d'attendre leur émancipation, ces grands condottieri, auxquels Nous faisions allusion en parlant du mouvement catholique des cent-cinquante dernières années ? Du reste, dans le royaume de la grâce, tous sont regardés comme adultes. Et c'est cela qui compte.

L'appel au concours des laïcs n'est pas dû à la défaillance ou à l'échec du clergé en face de sa tâche présente. Qu'il y ait des défaillances individuelles, c'est l'inévitable misère de la nature humaine, et l'on en rencontre de part et d'autre. Mais, à parler en général, le prêtre a d'aussi bons yeux que le laïc pour discerner les signes du temps, et il n'a pas l'oreille moins sensible à l'auscultation du coeur humain. Le laïc est appelé à l'apostolat comme collaborateur du prêtre, souvent collaborateur très précieux, et même nécessaire à raison de la pénurie du clergé, trop peu nombreux, disons-Nous, pour être en mesure de satisfaire, lui seul, à sa mission.

///. L'apostolat doit atteindre tous les domaines :

3. Nous ne pouvons terminer, chers fils et chères filles, sans rappeler le travail pratique que l'apostolat des laïcs a accompli et accomplit à travers le monde entier dans tous les domaines de la vie humaine individuelle et sociale, travail dont vous avez entre vous confronté et discuté les résultats et les expériences en ces journées : apostolat au service du mariage chrétien, de la famille, de l'enfant, de l'éducation et de l'école ; pour les jeunes gens et les jeunes filles ; apostolat de charité et d'assistance sous ses aspects aujourd'hui innombrables ; apostolat pour une amélioration des désordres sociaux et de la misère ; apostolat dans les Missions ou en faveur des émigrants et des immigrants ; apostolat dans le domaine de la vie intellectuelle et culturelle ; apostolat du jeu et du sport ; enfin et ce n'est pas le moindre, apostolat de l'opinion publique.

Nous recommandons et Nous louons vos efforts et vos travaux, et par-dessus tout la vigueur de la bonne volonté et du zèle apostolique que vous portez en vous, que vous avez spontanément manifestés au cours du Congrès même, et qui, telles de puissantes sources d'eaux vivifiantes, ont rendu fécondes ses délibérations.

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II est faux de vouloir limiter l'action de l'Eglise aux oeuvres pieuses :

Nous vous félicitons de votre résistance à cette tendance néfaste, qui règne chez des catholiques, et qui voudrait confiner l'Eglise dans les questions dites « purement religieuses » : ce n'est pas qu'on se mette en peine de savoir au juste ce qu'on entend par là ; pourvu qu'elle se terre dans le sanctuaire et la sacristie, et qu'elle laisse paresseusement l'humanité se débattre au dehors dans sa détresse et ses nécessités, on ne lui demande pas davantage.

Il n'est que trop vrai : en certains pays elle est contrainte de se cloîtrer ainsi ; même en ce cas, entre les quatre murs du temple, elle doit faire de son mieux le peu qui lui reste possible. EHê ne s'y retire pas spontanément ni volontairement.

17 faut résolument aborder les problèmes posés par la vie sociale et politique :

Nécessairement et continuellement, la vie humaine, privée et sociale, se trouve en contact avec la loi et l'esprit du Christ ; il en résulte par la force des choses, une compénétration réciproque de l'apostolat religieux et de l'action politique. Politique, au sens relevé du mot, ne veut pas dire autre chose que collaboration au bien de la Cité.

Mais ce bien de la Cité s'étend fort au large et, par suite, c'est sur le terrain politique que se débattent et se dictent aussi les lois de la plus haute portée, comme celles qui concernent le mariage, la famille, l'enfant, l'école, pour nous borner à ces exemples. Ne sont-ce pas là des questions qui intéressent au premier chef la religion ? Peuvent-elles laisser indifférent, apathique un apôtre ? Nous avons, dans l'allocution citée plushaut tracé la limite en Action Catholique et action politique. L'Action Catholique ne doit pas entrer en lice dans la politique de parti. Mais, comme Nous le disions aussi aux membres de la Conférence Olivaint, « autant il est louable de se tenir au-dessus des querelles contingentes qui enveniment les luttes des partis..., autant il serait blâmable de laisser le champ libre, pour diriger les affaires de l'Etat, aux indignes ou aux incapables » 12. Jusqu'à quel point l'apôtre doit-il et peut-il se tenir à distance dé cette limite ? Il est difficile de formuler sur ce point une règle uniforme pour tous. Les circonstances, la mentalité ne sont pas les mêmes partout.

En terminant le Saint-Père félicite les Congressistes :

Nous agréons vos résolutions avec plaisir ; elles expriment votre ferme bonne volonté de vous tendre la main les uns aux autres par-dessus les frontières nationales, pour arriver pratiquement à une pleine et efficace collaboration dans la charité universelle. S'il est une puissance au monde capable de renverser les mesquines barrières de préjugés et de partis pris, et de disposer les âmes à une franche réconciliation et à une fraternelle union entre les peuples, c'est bien l'Eglise catholique. Vous pouvez vous en réjouir avec fierté. A vous d'y contribuer de toutes vos forces.

Pourrions-Nous donner à votre Congrès une meilleure conclusion qu'en vous redisant les admirables paroles de l'Apôtre des Nations : « Du reste, mes frères, soyez dans la joie, rendez-vous parfaits, encouragez-vous les uns les autres, ayez un même sentiment, vivez en paix, et le Dieu d'amour et de paix sera avec vous.13 » Et lorsque l'Apôtre conclut : « Que la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, l'amour de Dieu et la communication du Saint-Esprit soient avec vous tous » 14, il exprime cela même que toute votre action cherche à porter aux hommes. Que ce don remplisse aussi vos propres âmes et vos coeurs !

Que ce soit Notre souhait final ! Dieu veuille l'exaucer et vous combler, vous et tout l'univers catholique, de ses meilleures grâces en gage desquelles Nous vous donnons, dans toute l'effusion de Notre coeur, Notre Bénédiction apostolique 15.

11 3 mai 1951, n. 5, p. 154.

12 Discours du 28 mars 1948 (Documents Pontificaux 1948, p. 376). •3 II. Cor., 13, 11.

14 II. Cor., 5, 13.

15 Voir dans DocHmcnfs Pontificaux 1951, p. 434, la prière des membres de l'Action thoiique.

RADIOMESSAGE AU Xe CONGRÈS EUCHARISTIQUE DU CHILI

(14 octobre 1931)1

À En ce 14 octobre 1931 se terminait à Valparaiso, le Xe Congrès eucharistique du Chili2, sous la présidence du Cardinal Légat Caro Rodriguez, archevêque de Santiago 3.

Voici le texte du radiomessage de Pie Xli envoyé à cette occasion :

Vénérables Frères et chers fils, qui, dans la belle ville de Valparaiso, clôturez le dixième Congrès eucharistique national chilien, convoqué, comme vous l'avez répété si souvent, pour rendre un hommage public et solennel au Roi immortel des siècles et Souverain des nations, au nom de l'Eglise et de votre patrie 4.

Date Deo gloriam nomini eius, levate sacrificium et venite in conspectu eius, et adorate Dominum in decore sancto.

Rendez au Seigneur la gloire due à son saint nom, présentez-lui des sacrifices et venez en sa présence et adorez le Seigneur en son magnifique sanctuaire \ Gloire, honneur et adoration au Souverain Seigneur dans son Sacrement ; amour et réparation au Très Saint Sacrement de l'autel !

Il n'y a pas encore un an, très chers congressistes, que Notre voix, utilisant ces mêmes ondes éthérées, — véhicule une fois de plus de Notre dévotion et de Notre affection — parvenait à vos oreilles pour clôturer les solennités de cet inoubliable

1 D'après le texte espagnol des A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 802.

2 Cf. Radiomessage au Congrès eucharistique de Santiago, 9 novembre 1941 (A. A. S., 33, 1941, p. 439).

S Cf. Lettre du 26 septembre 1951 nommant Son Em. le cardinal Caro Rodriguez Légat, dans les A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 782.

4 Cf. Prière du Congrès.

5 I. Par., 16, 29.


PieXII 1951 - ALLOCUTION AUX ASPIRANTES DE L'ACTION CATHOLIQUE ITALIENNE