PieXII 1951 - ALLOCUTION AUX PARTICIPANTS DE L'ASSEMBLÉE INTERNATIONALE DE LA PRESSE SPORTIVE


ALLOCUTION AUX MEMBRES DE L'ORCHESTRE DE LA RADIO DE MUNICH

(13 novembre 1951)1

Après avoir entendu quelques extraits de l'oeuvre de Mozart joué? par l'Orchestre de la Radio bavaroise, le Saint-Père précise le rôle de la' Radio :

Messieurs, Nous vous remercions de vos nobles et artistiques productions.

A la radio — tout comme au film — s'applique l'adage : « seul le meilleur est assez bon ». Le meilleur en fait de vérité : la radio ne doit présenter que la vérité, la vérité qui aide, forme, éduque l'individu et la communauté. Le meilleur en fait de bonté : la radio doit défendre et propager ce qui est moralement bon, en le présentant dans toute sa vérité et en lui assignant sa vraie place dans l'échelle des valeurs éthiques. Le meilleur en fait de beauté : la règle suprême de l'art est d'être au service du vrai et du bien et de ne jamais détruire ce qu'ils construisent.

Vous reconnaîtrez avec Nous, Nous le pensons, que c'est là une des lois fondamentales de la radio. A vous et à tous les collaborateurs de la radio, nous souhaitons d'avoir toujours devant les yeux l'influence incommensurable de la radio, en étendue et en profondeur, jusque dans le tréfonds de l'âme et de songer toujours à votre haute responsabilité.

C'est en faisant ces voeux que Nous vous donnons d'un coeur paternel, comme gage de la grâce de Dieu, la Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION A SON EXCELLENCE LE DOCTEUR FERNANDO MARIA CASTIELLA Y MAIZ AMBASSADEUR D'ESPAGNE

(13 novembre 1951) 1

A l'occasion de la remise des lettres de créance du nouvel ambassadeur d'Espagne 2 le Saint-Père déclara :

Après le retour inattendu dans sa patrie de votre illustre et si méritant prédécesseur 3, pour occuper une haute charge dans le gouvernement de votre pays, Votre Excellence a été choisie par la confiance du Chef de l'Etat comme représentant auprès de Nous de ce peuple espagnol, toujours si près de Notre coeur ; aussi en ouvrant solennellement votre mission ici — où un nombre si imposant d'Etats de toutes les parties du monde et aux formes de gouvernement les plus diverses entretiennent leurs représentations diplomatiques — Nous désirons vous souhaiter la plus paternelle et cordiale bienvenue, en exprimant en même temps la conviction que le fidèle et catholique peuple espagnol accompagnera Votre Excellence dans la mission qu'elle commence au centre de la Chrétienté, de la plus vive satisfaction et de la plus profonde et sincère approbation.

1 D'après le texte espagnol des A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 792.

2 Le nouvel ambassadeur, le Dr Fernando Maria Castiella Y Maiz, est né à Bilbao -en 1907. Après avoir fait ses études de droit à Madrid, il s'est spécialisé dans le droit international qu'il étudia à Cambridge et à Paris. Il fut associé au travail de la Société des Nations en participant aux sessions en 1930 et 1932. Depuis 1944, il était professeur de Droit international à l'Université de Madrid et, après avoir occupé divers postes dans l'administration, il fut nommé en 1948 ambassadeur au Pérou.

3 L'ambassadeur d'Espagne auprès du Saint-Siège jusqu'en 1951, Son Exc. Joaquin •Ruiz Jimenez, a été rappelé à Madrid pour y devenir ministre de l'Education Nationale.

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4 Voir la même idée exprimée par le Pape dans son Exhortation au monde (Documents-Pontificaux i95or pp. gg et 100).

Dans cette attente, Nous confirmons les nobles paroles que Votre Excellence vient de prononcer, manifestation publique de la profondeur avec laquelle est gravé dans son esprit le caractère particulier de son importante fonction.

Votre Excellence n'ignore pas l'aspect que présente le monde d'aujourd'hui, non seulement parce que vous êtes le digne-descendant d'une famille où s'entrecroisent les vieilles souches ibériques avec les rameaux modernes jaillis de la terre féconde du Nouveau Monde, mais encore parce que vous venez directement de cet hémisphère même, où vingt nations, parlant une même langue et invoquant le même et unique Dieu, font de l'histoire, comme cela a été heureusement dit, quelque chose-d'actuel et de palpitant qui ne meurt jamais.

Cette expérience humaine, enrichissant la science acquise-dans les plus fameuses écoles de votre patrie et de l'étranger,, en même temps que la pratique réalisée le long d'une carrière, beaucoup plus dense que longue, surtout dans le domaine du droit international, vous auront fait noter, Excellence, le caractère tragique de notre époque, constitué par le contraste entre les principes juridiques que proclament comme but vivement désiré les relations pacifiques de la communauté des peuples, et la réalité politique qui semble barrer la route, éloigner de plus en plus ce but et même faire courir le risque de ne l'atteindre jamais *.

N'être pas résolu, dans son domaine d'action, à combattre ce terrible contraste et à le surmonter c'est ne pas faire partie des authentiques, des sincères champions de la paix, parce que cette oeuvre contre la paix même suffit pour réfuter des déclarations pacifistes. Se refuser à reconnaître la suprématie morale du problème de la paix sous tous ses aspects, c'est détourner son regard de la tâche principale de l'humanité ; c'est ignorer délibérément un devoir urgent qui s'impose avec la même gravité à tous les hommes et à chacun d'eux, de même qu'aux peuples ; c'est fermer les yeux non seulement à la lumière d'un problème spécifique de la société humaine, mais même aux splendeurs d'une fonction essentielle de la foi chrétienne pour la formation d'une société pénétrée de l'esprit de Jésus-Christ.

Il y a déjà trop d'années que l'humanité et la chrétienté oscillent le long de la ligne vertigineuse qui sépare le désir de la

paix de la crainte de la guerre ; crainte d'une guerre qui, bien qu'elle ne paraisse pas imminente, par un réflexe psychologique des plus explicables, incite tout le monde, gouvernants et gouvernés, à la course aux armements, avec des conséquences économiques et sociales qui doivent atterrer tout esprit clairvoyant.

Personne, comme le Père commun de la chrétienté, n'observe un aussi néfaste spectacle avec plus d'amertume et de douloureuse préoccupation. Personne ne voit plus que Lui avec horreur les douleurs et calamités, les terribles catastrophes d'ordre matériel et moral, qui s'abattraient sur l'humanité si l'on n'arrive rapidement à combler cet abîme de méfiance mutuelle et de crainte réciproque et motivée qui s'ouvre entre les peuples et les groupes de peuples.

Tous, instruits par une amère expérience, savent que, malheureusement, dans la dure réalité de l'heure présente, même le plus sincère amour de la paix ne peut se séparer d'une stricte vigilance contre le danger d'injustes agressions. Mais, il y a avant tout une intention qui doit animer tous ceux qui se considèrent comme membres de la communauté des peuples chrétiens, des Etats qui vivent sur une base morale : celle de faire tout ce qui, humainement parlant, est possible pour fermer l'abîme creusé dans la chair vive de l'humanité. Et si, pour le moment, on ne peut arriver à des solutions définitives, il faut, au moins, favoriser toutes les solutions partielles sincères, voire graduelles, et attendre ensuite avec patience et attention que pointe l'aube de jours meilleurs, où l'opinion publique et mondiale, dans une atmosphère plus tranquille et sereine, se trouvera mieux préparée pour la compréhension réciproque.

Il ne peut exister le moindre doute au sujet de la place qui, dans cette lutte disputée dans les plus nobles buts, revient à l'Espagne. Votre Excellence vient précisément de ces terres vers lesquelles se tournèrent les yeux mourants de la grande Isabelle — dont le Ve anniversaire se célèbre cette année — et dont Nous voudrions évoquer en ce moment, non point tant la force ou la vision politique de cet esprit remarquable, que les soucis maternels de paix dictés par une conception profondément chrétienne de la vie — qui demandait pour ceux qu'elle appelait ses fils d'Amérique un traitement plein de douceur et de dévouement. Ce que prêchèrent les apôtres espagnols au Pérou et dans toute l'Amérique ; ce qu'enseignèrent ses philosophes et théologiens à Salamanque, à Alcala et à Trente ; ce que chantèrent ses poètes dans des strophes inspirées ; ce que manifestèrent de façon éclatante ses saints avec leurs vies exemplaires ; ce que témoignèrent héroïquement ses martyrs de toutes les époques sont des étoiles dans le ciel de son histoire, à la lumière de laquelle ne pourront jamais résister bien longtemps les brouillards épais, mais artificiels, suscités par l'esprit du mal. Le lien vivant et vital qui unit la vieille Espagne au reste de la communauté des nations, pourra être oublié temporairement ou méprisé sous la pression d'opinions ou de courants transitoires. Mais Nous demandons au Ciel que ne tarde pas l'heure où les discordes et les éloignements d'aujourd'hui se perdront dans une féconde harmonie de desseins et d'activités, en vertu de laquelle — fruit du travail humain dans la concorde et don de Dieu — l'humanité — si tourmentée par l'inutile discorde — pourra obtenir la paix basée sur la justice et la loyauté, soutenue par de sublimes aspirations morales et réalisée dans un esprit de cordiale fraternité.

Avec cette espérance consolante, Nous invoquons pour le très cher peuple espagnol, sur lequel Nous comptons toujours ; pour ceux qui dirigent ses destinées et pour Votre Excellence, la lumière et la protection du Très-Haut, et Nous vous donnons de tout coeur, ainsi qu'à votre distinguée famille et à Nos chers fils d'Espagne, la Bénédiction apostolique demandée.


ALLOCUTION AU COMITÉ INTERNATIONAL POUR L'UNITÉ ET L'UNIVERSALITÉ DE LA CULTURE

(14 novembre 1951) 1

Le Saint-Père a reçu, en son palais de Castel-Candolfo, les membres du Comité International pour l'Unité de la Culture, qui vise à constituer un centre d'information et de coordination du service des intellectuels de tous les pays et qui cherche à mettre en valeur tout ce qui tend à renforcer l'unité morale et spirituelle de l'humanité.

Le Pape prononça, lors de cette audience, Vallocution que voici :

A la suite de tous les bouleversements qui ont marqué, ou plus exactement hélas ! au milieu de tout le désarroi qui continue de caractériser ce siècle arrivé déjà plus qu'à son milieu, on sent fermenter dans toutes les classes et dans tous les esprits, un vague, mais intense besoin de concorde, d'unité, de coopération entre les hommes et les groupes, les plus divers et les plus opposés. On cherche, au sein même des oppositions, à découvrir un terrain d'entente, si étroit soit-il, où l'on puisse s'accorder, un refuge où l'on puisse reprendre haleine, une plateforme de départ et de convergence en vue d'une union plus parfaite.

C'est ainsi que, durant ces dernières années, se sont multipliés en nombre incalculable les organisations, comités, congrès internationaux, de composition plus ou moins générale, ou très spécialisée, destinés à mettre en commun le fruit de leurs études, de leurs travaux, de leur expérience. Si Nous voulions recenser uniquement ceux de ces groupes qui ont sollicité Notre accueil et Nos encouragements, la liste serait bien longue. Comme si tous ces essais tendaient à une coopération encore plus universelle, totale même, vous avez conçu, Messieurs, le dessein d'unifier ces unités particulières elles-mêmes à l'aide d'un « Comité International pour l'Unité et l'Universalité de la Culture ».

Votre ambition est stimulée par la conviction qu'un contact plus large peut conduire à une entente plus intime, et qu'un grand courant de sympathie, passant dans toutes les branches de la culture, peut contribuer heureusement à stériliser les levains de discordes intellectuelles, qui résultent en grande partie de compétitions d'ordre plus matériel et pratique, sans doute, mais qui, en retour, les aggravent et intoxiquent toutes les relations.

Ce qu'il s'agit surtout de promouvoir par cette « universalité de la culture », c'est moins, si utile soit-elle, la mise en commun des spécialités propres à chaque pays, à chaque peuple, que la coopération de leurs aptitudes diverses. Les tempéraments, les caractères, les traditions, le climat aussi, infusent, pour ainsi dire et cultivent ces aptitudes qui, appliquées en cordiale collaboration à un même objet se complètent les unes les autres et conduisent à une parfaite réalisation. C'est, en somme, dans le domaine intellectuel, ce qu'est dans le domaine industriel ou économique, la division et la distribution du travail suivant les compétences. Un minimum de culture générale, proportionnée aux conditions personnelles, est nécessaire à tous, évidemment ; néanmoins, en quelque ordre de travaux que ce soit, telle nation excelle davantage dans les recherches érudites des sources, telle autre, dans l'analyse ou la synthèse des matériaux inventories, telle dans leur élaboration, telle autre dans la présentation et la mise en valeur. C'est ainsi que les peuples, loin de se faire concurrence, et de s'opposer entre eux, prendront goût à se compléter mutuellement, chacun apportant ses dons et chacun bénéficiant des dons de tous les autres.

Vous l'avez heureusement compris, Messieurs ; vous avez compris combien sont stériles, combien désastreux, plutôt, sont les efforts de trop d'utopistes, qui prétendent établir l'unité grâce au nivellement par en bas. Cette unité si désirable, vous aspireZr vous, à la réaliser par en haut, aidant chaque nation, chaque peuple, à s'élever avec ses caractères propres, ses richesses matérielles et spirituelles respectives, vers les sommets. Mais vous avez compris aussi, et vous le déclarez bien haut avec une noble

fierté, que cette unité ne tendra vers sa perfection que dans la mesure où elle se cherchera en Dieu, dans la charité éclairée par la science, selon la vérité unique de l'Evangile, sous la conduite de l'Eglise une et sainte.

Que cet effort, plus fécond que bruyant, soit votre part à l'oeuvre tant désirée de l'union sincèrement cordiale de l'humanité. Nous ne pouvons qu'y applaudir et appeler sur lui la lumière et l'aide divines, en gage desquelles Nous vous donnons de tout coeur, à vous, à vos collègues et à vos familles, Notre Bénédiction apostolique.


123 DÉCRET DE LA SACRÉE CONGRÉGATION POUR L'ÉGLISE ORIENTALE DU BRÉSIL

(14 novembre 1951) 1

Comme partout où n'existent pas pour eux de circonscriptions ecclésiastiques propres, les Orientaux du Brésil dépendaient des Ordinaires latins.

Pour leur donner une organisation plus homogène et plus uniforme, le Saint-Siège a jugé opportun de confier à un Ordinaire unique l'administration de tous les Orientaux du Brésil.

On trouve au Brésil environ 100.000 fidèles ruthènes avec 29 prêtres, 5 paroisses, 108 églises et chapelles et 12g soeurs ; un nombre considérable de maronites avec des centres à Rio-de-Janeiro, San Paolo, Pouso Alegre, Campos et S. Joao dei Rey, et quelques prêtres ; plus de 6.000 melchites avec des centres à Rio-de-Janeiro, San Paolo et Juiz de Flora et 6 prêtres. Il y a aussi des noyaux moins importants d'arméniens, de syriens, de russes, de roumains...

Voici le décret établissant ce nouvel Ordinariat orientai :

Le nombre des fidèles des rites orientaux résidant au Brésil augmente de jour en jour.

Pour favoriser leur bien spirituel plus abondamment et plus sûrement, l'unité de l'administration sacrée apparaît de plus en plus opportune.

Aussi, après avoir mûrement examiné les faits et rassemblé les avis des personnes versées en ces matières, la Sacrée Congrégation pour l'Eglise orientale a décidé de placer à la tête de ces mêmes fidèles un Ordinaire unique pourvu de toutes les facultés dont jouissaient jusqu'à ce jour chacun des Ordinaires latins.

C'est pourquoi, dans l'audience du 26 octobre dernier de l'année en cours, s'en référant au Cardinal secrétaire de cette Sacrée Congrégation, Notre Saint-Père le Pape Pie XII par la divine Providence, a daigné avec bienveillance ériger et constituer pour tous les fidèles des rites orientaux résidant au Brésil un unique Ordinariat qui sera dirigé par un seul Ordinaire.

Pour cette charge d'Ordinaire, Sa Sainteté a choisi l'Eminen-tissime et Révérendissime P. D. Jacob, Cardinal de Barros Camara, Archevêque de Saint-Sébastien de Rio-de-Janeiro donnant la faculté à celui-ci d'avoir un ou plusieurs Vicaires généraux.

L'Ordinaire pour les fidèles des rites orientaux habitant au Brésil veillera avec soin à instituer des paroisses, à édifier des églises, à réunir et éduquer dans les Séminaires les jeunes gens appelés au ministère divin, à conserver intégralement les rites et la discipline, à procurer aux fidèles des prêtres, soit indigènes, soit venant d'ailleurs, à encourager toutes les oeuvres, soit ecclésiastiques, soit sociales, soit scolaires et toutes les autres que dans le Seigneur, il jugera prudent de favoriser.

Que si, dans certains lieux, il manque un prêtre chargé des fidèles des rites orientaux, le curé du lieu même y pourvoie après avoir cependant obtenu les facultés de l'Ordinaire des fidèles des rites orientaux.

L'Ordinaire, dont il est question ci-dessus, chaque année, veillera à envoyer à la Sacrée Congrégation pour l'Eglise orientale une relation de son ministère.

Le présent décret entrera en vigeur dès le jour fixé par son Excellence le nonce apostolique au Brésil.


ALLOCUTION A SON EXCELLENCE LE DOCTEUR AKE HENDRIK GARTZ MINISTRE DE FINLANDE AUPRÈS DU SAINT-SIÈGE

(16 novembre 1952) 1

Recevant le nouvel envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de Finlande t. Pie XII déclara :

Après une interruption de quelque temps, voici la Légation de la République de Finlande, remise entre les mains d'un envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire. Cet événement Nous remplit d'un vif contentement et il est une nouvelle preuve de la cordialité dont ont été empreintes, dès leur début, les relations entre le Saint-Siège et votre Patrie depuis la réalisation de son indépendance politique.

Votre Excellence inaugure sa mission en un temps où celles qu'on appelle « les petites nations » suivent avec une appréhension croissante les différends soulevés entre les grandes puissances et les groupes d'Etats compris dans leurs respectives zones d'influence.

Ce sont précisément les « petites Nations » qui aspirent avec une bien compréhensible anxiété à saluer l'éveil d'un esprit nouveau attaché à libérer la communauté et la collaboration des

2 Le nouveau ministre, le Dr Ake Hendrik Gartz, est né à Helsinki en 1S88. Docteur en droit de l'Université de cette ville, il poursuivit ses études à Heidelberg, exerça la profession d'avocat et occupa des postes de commande dans l'industrie. Après la guerre, en 1944, il devint Ministre du Commerce et de l'Industrie. En 1950, il fut nommé Ministre des Affaires Etrangères.

peuples du cauchemar obsédant d'une convoitise efirénée de pouvoir et à donner la primauté qui lui revient à la conception morale du droit.

Pour peu que l'on connaisse l'histoire de votre Pays, jeune comme Etat indépendant, mais ayant de profondes racines dans le passé, on sait que le peuple finnois — sans préjudice de sa volonté d'une légitime et virile affirmation de ses propres valeurs — se sent néanmoins lié à la cause de la paix et au perfectionnement progressif du droit international au service d'un but si élevé.

Dans cette disposition d'esprit, à l'égard du problème de la paix, votre noble peuple peut se sentir solidaire des principales aspirations du Saint-Siège dans ce domaine, et c'est là, certainement, une des causes, et non la moindre, qui ont favorisé le développement des relations réciproques dans une atmosphère qui donne satisfaction aux deux parties.

Dans la ferme espérance que la haute mission dont Votre Excellence est investie, servira à resserrer de plus en plus les liens de compréhension et de confiance entre le Saint-Siège et la République de Finlande, Nous invoquons la protection du Très-Haut sur votre lointaine Patrie, en particulier sur Son Excellence Monsieur le Président de la République3, et, dans ce moment où Votre Excellence assume solennellement son importante charge, Nous lui donnons l'assurance de Notre constant et chaleureux appui.


ALLOCUTION AUX MEMBRES DU CONGRÈS DES INGÉNIEURS SANITAIRES

(16 novembre 1951) 1

L'organisation mondiale de la santé avait provoqué la tenue à Rome d'une session internationale d'études d'ingénieurs sanitaires. Les participants furent reçus en audience par Pie XII qui fit l'allocution suivante :

Très touché du témoignage que vous avez tenu à Nous donner de votre déférence, Nous vous remercions vivement, Messieurs, de votre visite et du délicat hommage de votre dévotion.

Vous savez, par toutes les preuves que Nous en avons données dans les circonstances les plus diverses, le haut intérêt que Nous portons à tout ce qui peut contribuer au bien général de la société, et particulièrement à l'amélioration des conditions matérielles de vie, non seulement quant au logement, mais aussi quant à la sauvegarde de la santé publique.

C'est à quoi tend, grâce à une sage collaboration, votre organisation mondiale de la santé. Vous avez voulu, avec raison, étudier soigneusement non dans des congrès d'apparat, mais dans l'intimité de vos « séminaires », les multiples questions qui se posent à vous dans l'exercice de votre profession, et dans cette étude, prendre de plus en plus conscience de votre rôle d'ingénieurs sanitaires, de son importance sociale, de sa responsabilité et de l'utilité d'une coopération internationale en faveur de l'urbanisme et de la prospérité rurale.

L'argument que vous avez choisi cette année, pour objet central de vos travaux : le traitement des eaux d'égout et leur

utilisation dans l'agriculture, intéresse au plus haut point la santé publique. Que d'expériences, et combien douloureuses, ont mis en évidence la part prépondérante des eaux potables et des eaux d'irrigation dans I'éclosion des épidémies, qui déciment les populations les plus florissantes. On les a vues devenir plus rares, plus brèves, plus bénignes, au fur et à mesure que se développait pratiquement et méthodiquement, en ville et aux champs, la campagne d'assainissement des eaux ; on les a vues réapparaître dès que les calamités récentes ont, pour un temps, interrompu ou ruiné les efforts de longues années.

C'est donc une fonction éminemment sociale que vous exercez, Messieurs. Nous la suivons avec la plus vive sollicitude, car, ordonnée à la santé et au bien-être de l'humanité, elle ne peut laisser indifférent le Père commun.

Aussi est-ce de tout coeur que Nous vous félicitons et Nous vous encourageons, priant Dieu de vous aider à progresser encore dans cette voie, et de vous combler, vous, votre activité et tous ceux qui vous sont chers, de ses meilleures bénédictions.


RADIOMESSAGE EN FAVEUR DES POPULATIONS SUBISSANT LE FLÉAU DE L'INONDATION DANS LE NORD DE L'ITALIE

(18 novembre 1951)1

Au courant du mois de novembre, une catastrophe vint frapper les régions arrosées par le Pô ; ce fleuve et ses affluents inondèrent de vastes territoires couvrant d'eau des hectares et chassant de leurs demeures et de leurs champs ravagés plus de 200.000 habitants. Aussi le Pape envoya-t-il le radiomessage suivant aux populations sinistrées :

Avec une douleur indicible, Nous avons présent à l'esprit l'immense désastre qui s'est abattu ces jours-ci sur Nos si chers fils de la vallée du Pô, à un si bref intervalle de celui qui a dévasté certaines des plus florissantes régions du Midi de l'Italie, de la Sicile et de la Sardaigne.

Avec une angoisse et une douleur de Père, Nous avons suivi et Nous suivons, heure par heure, les tristes phases de la formidable catastrophe dont Nous mesurons parfaitement la gravité et l'ampleur.

Sans cesser d'élever Nos prières les plus ferventes vers la clémence divine en faveur de tant de fils bien-aimés si cruellement éprouvés, Nous désirons que leur parvienne le témoignage de Notre coeur brisé, mais confiant, et en même temps l'assurance de l'assistance chrétienne de tous les gens de bien, avec une ardeur spontanée et admirable déjà à l'oeuvre.

Très chers fils et filles, arrachés par la furie dévastatrice des eaux à vos maisons, à vos champs, à vos villes ! Est-il donc nécessaire de vous dire que le Pape, en cette heure de deuil, est

plus que jamais près de vous ? Parmi les angoisses et les soucis qui Nous assaillent de tous côtés, votre malheur Nous désole au plus haut point ! Soyez-en certains et répétez-le à ceux qui vous sont chers, à vos enfants, à tous ceux dont l'esprit est envahi par le découragement. Nous vivons en ces jours toutes vos inquiétudes, toutes vos peines. Jour et nuit, Nous répétons, un à un, les noms des villes et des bourgs dévastés ou détruits. Nous avons lu et écouté les événements particuliers de votre tragédie et Nous Nous rendons parfaitement compte des dures conditions dans lesquelles vous vous débattez à présent.

Dans Notre coeur s'est répercuté le même effroi que vous ressentez devant vos biens perdus. Et elle est Nôtre votre douleur pour les parents disparus, pour le travail anéanti, pour l'exil momentané, pour les séparations déchirantes, pour les pauvres défunts pour lesquels Nous implorons la paix éternelle. Tout ce que Nous pouvons faire pour soulager vos peines, pour secourir vos misères, Nous l'avons fait et le ferons.

Courage, très chers fils, courage et confiance ! Le Dieu de miséricorde aime ceux qu'il éprouve ; Il aime les bons, pour qu'ils purifient sans cesse leurs âmes dans la douleur, et s'élèvent avec un plus grand élan au désir des choses célestes ; Il aime les pécheurs afin qu'ils se convertissent et reviennent repentis à Lui. L'aimante et toute-puissante bonté divine saura vous ramener à vos maisons et à des jours meilleurs par cette mystérieuse miséricorde qui lui a fait permettre ce qui est arrivé. N'oubliez pas Dieu en cette heure funeste ; élevez votre voix vers Lui avec la prière du Pater Noster, en trouvant dans votre foi la force chrétienne de répéter avec humilité et amour : que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel !

Et à vous, chers fils de toute l'Italie, qui, dans une noble émulation de pitié fraternelle, vous êtes empressés, du premier au dernier citoyen à secourir les frères infortunés, que vous parvienne le témoignage paternel de Notre admiration, de Notre gratitude et en même temps l'exhortation d'augmenter les secours avec une ardeur de plus en plus grande. ,

Nous avons éprouvé un immense réconfort en apprenant l'abnégation et parfois l'héroïsme de bon nombre d'entre vous qui n'ont pas hésité à sacrifier et à exposer au danger leur propre vie pour sauver des enfants, des femmes, des vieillards, des malades. Nous connaissons également la sollicitude empressée et inlassable des autorités ecclésiastiques et civiles, des forces armées, des pompiers, des sociétés techniques de la radio, des volontaires pour réduire au minimum possible le terrible désastre. L'émouvante émulation d'assistance qui, dès les premières nouvelles, s'est éveillée parmi les instituts, groupes, associations, partis, diocèses et paroisses, pour réconforter, accueillir, nourrir les réfugiés, non seulement confirme la bonté innée de ce peuple, mais servira encore à consolider ce lien qui fait d'une nation une seule famille. Il convient que cet élan de charité continue. Incalculables sont et seront les besoins, urgentes les demandes d'aide. Pour tant d'enfants, pour tant de familles, pour tant de travailleurs et paysans, qui n'ont plus de maison, plus de champ, plus de bétail, plus d'ateliers, plus de meubles, plus de vêtements, qui ont tout perdu, le Pape encore une fois tend la main. Il la tend à vous, fils d'Italie, mais il la tend aussi à tous les coeurs généreux et chrétiens pour lesquels tout frère dans la foi est membre même du Corps mystique du Christ. Nous ne doutons pas le moins du monde que Notre appel sera accueilli avec le zèle affectueux que Nous connaissons bien, par Nos vénérables Frères en l'Episcopat, par le clergé séculier et régulier, par tous les fidèles, dans la mesure où cela leur sera possible. Il est urgent que tant d'abandonnés, si tragiquement arrachés à la chaleur de leur demeure sentent avant tout la chaleur de Notre et de votre coeur.

C'est là le moment où Jésus s'adresse plus spécialement à chacun de vous par la bouche de ces infortunés. Me voici : j'ai faim, j'ai soif, je n'ai pas de quoi me couvrir, je n'ai pas d'endroit pour m'abriter contre le rude hiver imminent. A l'accomplissement empressé de votre charité répondra un jour, comme sûre récompense, l'invitation à la possession de la maison même du Père céleste.

Soutenus par cette foi, qui vit et travaille dans la charité élevez votre esprit vers Dieu, consolateur des affligés et Père des pauvres, afin que par l'intercession du Coeur maternel de Marie, il fasse resplendir son visage de joie sur ces régions désolées et qu'il redonne à tant de familles, la maison, le travail, l'espérance et la paix.

Avec ces voeux, que descende sur vous et particulièrement sur Nos fils plongés dans la douleur, aujourd'hui plus que jamais tout près de Notre coeur Notre paternelle Bénédiction apostolique en gage des faveurs divines.

2 Ga 5,6


DISCOURS A L'ACADÉMIE DES SCIENCES

(22 novembre 1951) 1

L'Académie Pontificale des Sciences avait organisé une semaine d'études des problèmes de microséïsme ; les spécialistes de la question furent reçus en audience et le Pape prononça en cette occasion, le discours suivant :

C'est une heure de joie sereine dont Nous remercions le Tout-Puissant que Nous offre cette réunion de l'Académie Pontificale des Sciences, en même temps qu'elle Nous donne l'agréable occasion de Nous entretenir avec une élite d'éminents cardinaux, d'illustres diplomates, de personnalités distinguées et spécialement avec vous, académiciens pontificaux, bien dignes de la solennité de cette assemblée. Vous, en effet, qui scrutez et dévoilez les secrets de la nature et enseignez aux hommes à en utiliser les forces pour leur bien, vous publiez, en même temps, avec le langage des chiffres, des formules, des découvertes, les ineffables harmonies du Dieu d'infinie sagesse.

La vraie science rapproche de Dieu :

La vraie science, en effet — quoi qu'on en ait inconsidérément affirmé dans le passé — plus elle progresse, et plus elle découvre Dieu, comme s'il attendait aux aguets derrière chaque porte qu'ouvre la science. Disons plus : de cette découverte progressive de Dieu, fruit des accroissements du savoir, l'homme de science n'est pas seul à bénéficier, quand il pense en philosophe et comment pourrait-il s'en abstenir ? — mais encore tous ceux qui participent aux nouvelles trouvailles ou en font l'objet de leurs considérations, à commencer par les vrais philosophes ; car, prenant pour base de leur spéculation rationnelle les conquêtes scientifiques, ils en tirent une plus grande assurance dans leurs conclusions, de plus claires lumières pour dissiper d'éventuelles ombres, des secours plus convaincants pour donner aux difficultés et aux objections une réponse toujours plus satisfaisante.

Le Pape rappelle les « cinq voies » grâce auxquelles les philosophes scolastiques démontrent l'existence de Dieu.

Ainsi stimulé et guidé, l'intellect humain affronte la démonstration de l'existence de Dieu, cette démonstration que la sagesse chrétienne trouve dans les arguments philosophiques éprouvés au cours des siècles par des géants du savoir, et qui vous est bien connue sous la forme des « cinq voies » que le docteur angélique, saint Thomas, offre comme un rapide et sûr itinéraire de l'esprit vers Dieu. Arguments philosophiques, avons-Nous dit ; mais non pour autant, à priori, comme en fait grief un positivisme étroit et inconséquent. Les arguments se fondent, en effet, sur des réalités concrètes et garanties par les sens comme par la science, même s'ils tirent leur force démonstrative de la vigueur de la raison naturelle.

De la sorte, philosophie et sciences opèrent selon des processus et des méthodes analogues et conciliables, utilisant dans des proportions diverses, éléments empiriques et éléments rationnels, et collaborant dans une harmonieuse unité à la découverte du vrai.

Les cinq voies doivent aujourd'hui être confrontées avec les données récentes des sciences :

Mais si l'expérience primitive des anciens put offrir à la raison des arguments suffisants pour la démonstration de l'existence de Dieu, aujourd'hui, l'élargissement et l'approfondissement du champ de cette même expérience font resplendir plus éclatante et plus précise, la trace de l'Eternel dans le monde visible. On pourrait donc, semble-t-il, avec profit, réexaminer sur la base de nouvelles découvertes scientifiques, les preuves classiques du Docteur angélique, spécialement celles qui sont tirées du mouvement et de l'ordre de l'univers ; autrement dit,

2 Saint Thomas, .

rechercher si et dans quelle mesure la connaissance plus profonde du macrocosme et du microcosme contribue à renforcer les arguments philosophiques ; considérer ensuite si et jusqu'à quel point ils auraient été ébranlés, comme on l'entend dire parfois, du fait que la physique moderne a formulé de nouveaux principes fondamentaux, aboli ou modifié d'antiques concepts — dont le sens, dans le passé, était peut-être tenu pour stable et défini — comme par exemple ceux de temps, d'espace, de mouvement, de causalité, de substance, tous d'importance majeure pour la question qui nous occupe présentement. Ainsi, plus que d'une révision des preuves philosophiques, il s'agit ici d'un examen des bases physiques d'où ces arguments dérivent, et Nous devrons nécessairement, faute de temps, Nous limiter à quelques-unes d'entre elles. Aucune surprise n'est d'ailleurs à craindre : la science elle-même n'entend pas déborder les frontières de ce monde qui, aujourd'hui comme hier, se présente avec les « cinq modes d'être » d'où prend son essor et sa vigueur la démonstration philosophique de l'existence de Dieu.

En particulier, les sciences nous montrent aujourd'hui, sous une é nouvelle,

i" le changement et le mouvement des choses ; 2° la fin de l'univers.

De ces « modes d'être » du monde, qui nous entoure, appréhendés, avec une pénétration plus ou moins grande, mais une égale évidence, par l'esprit du philosophe et par l'intelligence commune, il en est deux que les sciences modernes ont merveilleusement sondés et vérifiés, et approfondis au-delà de toute attente : i" la mutabilité des choses, y compris leur origine et leur fin ; l'ordre de finalité qui resplendit dans toutes les parties du cosmos. La contribution apportée ainsi par les sciences aux deux démonstrations philosophiques qui s'appuient sur elles et qui constituent la première et cinquième voies, est très notable. A la première, la physique, en particulier, a apporté une mine inépuisable d'expériences, révélant le fait de la mutabilité jusque dans les profondeurs cachées de la nature où, avant notre époque, aucun esprit humain n'en pouvait même soupçonner l'existence et l'ampleur, et fournissant une multiplicité de faits empiriques qui sont d'un puissant secours pour le raisonnement philosophique. Nous disons secours : car pour ce

3 Paradis, XXXIII, 85-87.
4 Cf. Sg 13,1-2.
5 Paradis, 1, 1.

qui est de la direction de ces transformations — attestée elle aussi par la physique moderne — elle Nous semble dépasser la valeur d'une simple confirmation et atteindre presque à la structure et au degré d'une preuve physique en grande partie nouvelle et, pour beaucoup d'esprits, plus acceptable, plus persuasive et plus satisfaisante.

Avec une telle richesse, les sciences, surtout astronomique et biologique, ont fourni ces derniers temps à l'argument de l'ordre du monde un tel ensemble de connaissances et une vision, pour ainsi dire, si enivrante de l'unité de conception qui anime le cosmos, et de la finalité qui en dirige le mouvement, que l'homme moderne goûte par avance cette joie que le poète Dante imaginait dans le ciel empyrée, lorsqu'il vit comment en Dieu « est contenu — lié par l'amour en un volume — ce qui s'effeuille par l'univers » *.

L'homme de science peut donc lire dans la nature, la présence de Dieu :

Toutefois la Providence a voulu que la notion de Dieu, si essentielle à la vie de chaque homme, puisse se déduire facilement d'un simple regard jeté sur le monde, à tel point que n'en pas comprendre le langage est une folie 4, et que d'autre part, elle reçoive une confirmation de tout approfondissement et progrès des connaissances scientifiques.

Pie XII exprime l'intention de démontrer cette thèse :

Voulant donc donner ici une rapide esquisse du précieux service que les sciences modernes rendent à la démonstration de l'existence de Dieu, Nous Nous limiterons d'abord au fait des mutations, en en faisant surtout ressortir le caractère d'ampleur, d'étendue et, pour ainsi dire, de totalité, que la physique moderne découvre dans le cosmos inanimé. Nous Nous arrêterons ensuite sur le sens et l'orientation de ces mutations, tel qu'il est également attesté. Ce sera prêter l'oreille à quelques accords du concert de l'immense univers, assez puissants toutefois pour chanter « la gloire de Celui par qui tout l'univers se a)


LA MUTABILITE DU COSMOS

Le fait de la mutabilité se constate dans le macrocosme :

On est en droit de s'étonner à première vue, en constatant que la connaissance du fait de la mutabilité a toujours gagné du terrain dans le macrocosme et dans le microcosme, au fur et à mesure que les sciences progressaient, comme pour confirmer par de nouvelles preuves la théorie d'Heraclite : « Tout s'écoule, panta rhei». On le sait, l'expérience quotidienne elle-même révèle une prodigieuse quantité de transformations dans le monde, proche ou lointain, qui nous entoure, notamment les mouvements des corps dans l'espace. Mais, outre ces mouvements strictement locaux, sont aisément observables aussi les multiples changements physico-chimiques, tels que le changement de l'état physique de l'eau dans ses trois phases de vapeur, de liquide et de glace ; les profonds effets chimiques obtenus par l'action du feu, déjà connus dès l'âge pré-historique ; la désagrégation des roches et la corruption des corps végétaux et animaux. A cette commune expérience vint s'ajouter la science de la nature qui enseigna à interpréter des phénomènes et d'autres semblables comme processus de destruction ou de formation des substances corporelles à partir de leurs éléments chimiques, c'est-à-dire de leurs parties les plus petites : les atomes. Allant même plus loin, elle rendit manifeste que cette mutabilité physico-chimique n'est en aucune façon limitée aux corps terrestres, selon la croyance des Anciens, mais s'étend à tous les corps de notre système solaire et de l'immense univers que le télescope et mieux encore le spectroscope ont montrés formés des mêmes espèces d'atomes.

Le fait de la mutabilité constaté dans le microcosme :

Contre l'indispensable mutabilité de la nature, même inanimée, se dressait l'énigme toutefois du microcosme, encore inexploré. Il semblait de fait, que la matière inorganique, à la différence du monde animé, fût en un certain sens immuable. Ses plus petits éléments pouvaient bien s'unir entre eux selon les modes les plus divers, mais ils paraissaient jouir du privilège d'une éternelle stabilité, et indestructibilité, puisqu'ils sortaient inchangés de n'importe quelle synthèse et analyse chimique. Il y a cent ans, on les croyait encore de simples, indivisibles et

Si

indestructibles particules élémentaires. On en pensait autant des énergies et des forces matérielles du cosmos, surtout sur la base des lois fondamentales de la conservation de la masse et de l'énergie.

Quelques savants se croyaient même autorisés, au nom de leur science, à une fantastique philosophie moniste, dont le souvenir mesquin est lié entre autres, au nom de Ernst Haeckel. Mais justement, à son époque, vers la fin du siècle dernier, cette conception simpliste de l'atome fut, elle aussi, balayée par la science moderne. La connaissance croissante du système périodique des éléments chimiques, la découverte des radiations corpusculaires des éléments radioactifs et de nombreux faits semblables ont montré que le microcosme de l'atome, aux dimensions de l'ordre du dix millionième de millimètre, est le théâtre de continuelles mutations, non moins que le macrocosme bien connu de tous.

Le fait de la mutabilité constaté dans la sphère électronique :

Le caractère de la mutabilité fut vérifié en premier lieu dans la sphère électronique. De la condensation électronique de l'atome émanent des radiations de chaleur et de lumière qui sont absorbées par les corps externes, en correspondance avec le niveau d'énergie des orbites électroniques. Dans les parties extérieures de cette sphère, s'accomplissent également l'ionisation de l'atome et la transformation de l'énergie dans la synthèse et dans l'analyse des combinaisons chimiques. On pouvait cependant encore supposer que ces transformations physico-chimiques laisseraient un refuge à la stabilité, puisqu'elles n'atteignaient pas le noyau même de l'atome, siège de la masse et de la charge électrique positive qui assignent à l'atome sa place dans le système naturel des éléments, noyau où l'on pensait avoir trouvé le type même de l'absolument stable et de l'absolument invariable.

Le fait de la mutabilité se constate dans le noyau atomique :

Mais dès l'aube du nouveau siècle, l'observation des processus radioactifs, se référant, en dernière analyse, à une scission spontanée du noyau, conduisait à exclure un tel mythe. Une fois donc vérifiée l'instabilité jusqu'en la retraite la plus profonde de la nature connue, un fait toujours demeurait qui laissait perplexe : il semblait que l'atome fût inattaquable au moins par les forces humaines, puisque, en principe, toutes les tentatives faites pour en accélérer ou en arrêter la naturelle désagrégation radioactive, ou encore pour scinder des noyaux non actifs avaient échoué. La première très modeste désagrégation d'un noyau (d'azote) remonte à peine à trente ans, et ce n'est que depuis peu d'années seulement qu'il a été possible après d'immenses efforts, d'effectuer en quantité considérable des processus de formation et de décomposition des noyaux. Bien que ce résultat qui, dans la mesure où il sert aux oeuvres de paix, est certainement à inscrire à l'actif de notre siècle, ne représente qu'un premier pas dans le domaine de la physique nucléaire pratique, toutefois il fournit une importante conclusion à la question qui nous occupe : les noyaux atomiques sont bien, dans beaucoup d'ordres de grandeur, plus stables que les compositions chimiques ordinaires, mais néanmoins, ils sont eux aussi, en principe, soumis à des lois semblables de transformation et donc muables.

On a pu constater en même temps, que de tels processus ont la plus grande importance dans l'économie de l'énergie des étoiles fixes. Au centre de notre soleil, par exemple, s'accomplit, selon Bethe, à une température d'environ vingt millions de degrés, une réaction en chaîne, en circuit fermé, dans laquelle quatre noyaux d'hydrogène sont condensés en un noyau d'hélium. L'énergie qui est ainsi libérée vient compenser la perte due à l'irradiation du soleil. Dans les laboratoires modernes de physique, on réussit également, moyennant le bombardement par des particules douées d'une énergie très élevée, ou par des neutrons, à effectuer des transformations de noyaux, comme on peut le voir dans l'exemple de l'atome d'uranium. A ce sujet, il faut d'ailleurs mentionner les effets de la radiation cosmique, qui peut scinder les atomes plus lourds, libérant ainsi assez souvent des essaims entiers de particules subatomiques.

Nous avons voulu citer seulement quelques exemples susceptibles cependant de mettre hors de doute la mutabilité indiscutable du monde inorganique, grand et petit : les mille transformations des formes d'énergie, spécialement dans les décompositions et combinaisons chimiques du macrocosme, et tout autant la mutabilité des atomes jusqu'à la particule subatomique de leurs noyaux.

Dieu immuable est aujourd'hui saisi avec plus de profondeur, face à cette mutabilité universelle :

Le savant d'aujourd'hui, pénétrant du regard l'intime de la nature plus profondément que son prédécesseur d'il y a cent ans, sait donc que la matière inorganique, pour ainsi dire dans sa moelle la plus secrète, est marquée par l'empreinte de la mutabilité et que, dès lors, son être et sa subsistance exigent une réalité entièrement diverse et invariable par nature.

Comme dans un tableau en clair-obscur, les visages ressor-tent sur le fond sombre et n'obtiennent qu'ainsi leur plein effet plastique et vivant, de même l'image de l'éternellement immuable ressort claire et splendide, du torrent qui emporte avec lui toutes les choses matérielles du macrocosme et du microcosme et les entraîne en un changement intrinsèque qui jamais ne cesse. Le savant arrêté sur la rive de l'immense torrent trouve le repos dans ce cri de vérité par lequel Dieu se définit lui-même : « Je suis Celui qui suis »6 et que l'Apôtre loue comme « le Père des lumières, en qui n'existent aucune vicissitude, ni ombre de changement » '.

b) LA DIRECTION DES TRANSFORMATIONS. ;|

Dans le macrocosme joue la loi de l'entropie :

Mais la science moderne n'a pas seulement élargi et approfondi nos connaissances sur la réalité et l'ampleur de la mutabilité du cosmos ; elle nous offre aussi de précieuses indications sur la direction suivant laquelle se réalisent les processus de la nature. Il y a encore cent ans, spécialement, après la découverte de la loi de la conservation, on pensait que les processus naturels étaient réversibles et, de ce fait, selon les principes de la stricte causalité, ou mieux de la stricte détermination de la nature, on estimait possible un continuel renouvellement et rajeunissement du cosmos ; mais depuis, grâce à la loi de l'entropie découverte par Rodolphe Claudius, on s'est rendu compte que les processus spontanés de la nature sont toujours accompagnés d'une diminution de l'énergie libre et utilisable : ce qui dans un système matériel clos, doit conduire finalement à la cessation des processus à l'échelle macrocospique. Ce destin fatal que, seules des hypothèses parfois trop gratuites, comme celle de la création continue supplétive, s'efforcent d'épargner à l'univers, mais qui ressort au contraire, de l'expérience scientifique positive, postule éloquemment l'existence d'un Etre nécessaire.

Dans le microcosme se dessine également une direction pareille à celle qu'affecte le macrocosme :

Dans le microcosme, cette loi, statistique au fond, n'a pas d'application et, en outre, au temps où elle fut formulée, on ne connaissait presque rien de la structure et du comportement de l'atome. Toutefois, les plus récentes recherches sur l'atome, et aussi le développement inattendu de l'astrophysique, ont rendu possibles dans ce domaine d'étonnantes découvertes. Le résultat, qui ne peut être que brièvement indiqué ici, est qu'un sens de direction est clairement assigné aussi au développement atomique et intraatomique.

Pour illustrer ce fait, il suffira de recourir à l'exemple déjà mentionné du comportement des énergies solaires. La condensation électronique des atomes dans la photosphère du soleil dégage à chaque seconde une gigantesque quantité d'énergie qui rayonne, sans en revenir, dans l'espace qui l'entoure. La perte est compensée, dans l'intérieur du soleil, par la formation d'hélium à partir de l'hydrogène. L'énergie ainsi libérée, provient de la masse des noyaux d'hydrogène qui, dans ce processus, se convertit pour une faible part (7 pour 1000) en énergie équivalente. Le processus de compensation se déroule donc aux dépens de l'énergie qui originairement, dans les noyaux d'hydrogène, existe comme masse. Ainsi cette énergie, au cours de milliards d'années, lentement, mais irréparablement se transforme en radiations. Une chose semblable se vérifie dans tous les processus radioactifs soit naturels, soit artificiels. Ainsi donc, au coeur même du microcosme, nous rencontrons aussi une loi qui indique la direction de l'évolution et qui est analogue à la loi de l'entropie dans le macrocosme. La direction de l'évolution spontanée est déterminée du fait de la diminution de l'énergie utilisable dans la condensation électronique et dans le noyau de l'atome, et on ne connaît pas jusqu'ici de processus qui pourraient compenser ou annuler cette déperdition grâce à la formation spontanée de noyaux de haute valeur énergétique.

c) L'UNIVERS ET SES DEVELOPPEMENTS

En fixant ses regards sur l'avenir, on découvre que l'univers vieillit ;

Si donc l'homme de science détache son regard de l'état présent de l'univers, le tourne vers l'avenir, même le plus lointain, il se voit obligé à reconnaître, dans le macrocosme comme dans le microcosme, le vieillissement du monde. Ainsi, même les quantités de noyaux atomiques apparemment inépuisables perdent, au cours de milliards d'années, de l'énergie utilisable et, pour parler en images, la matière s'achemine vers l'état d'un volcan éteint et scoriforme. Et l'on ne peut s'empêcher de penser que si le cosmos, aujourd'hui tout palpitant de rythmes et de vie, ne suffit pas comme on l'a vu, à rendre raison de lui-même, encore sera-ce d'autant moins possible au cosmos sur lequel aura, peut-on dire, passé l'aile de la mort.

Par contre, le passé montre aux origines le développement d'énergies aujourd'hui amoindries :

Qu'on tourne maintenant le regard vers le passé. A mesure qu'on recule, la matière se présente toujours plus riche d'énergie libre et théâtre de plus grands bouleversements cosmiques. Ainsi tout semble indiquer que l'univers matériel a pris, en des temps finis, un puissant élan initial, chargé comme il l'était d'une incroyable surabondance de réserves énergétiques en vertu desquelles, rapidement d'abord, puis avec une lenteur croissante, il a évolué vers l'état actuel.

Aussi deux questions se présentent-elles spontanément à l'esprit : La science est-elle en mesure de dire quand ce puissant commencement du cosmos a eu lieu ? Et quel était l'état initial primitif de l'univers ?

Les plus excellents experts de la physique de l'atome, en collaboration avec les astronomes et les astrophysiciens, se sont efforcés de faire la lumière sur ces deux difficiles mais fort intéressants problèmes.

d) LE COMMENCEMENT DANS LE TEMPS

On s'attache maintenant à éclaircir le mystère de l'origine de l'univers :

Tout d'abord, dans sa recherche, pour citer quelques chiffres, sans autre prétention que d'exprimer un ordre de grandeur dans

l'évaluation de l'aube de notre univers, c'est-à-dire de son commencement dans le temps, la science dispose de plusieurs voies, assez indépendantes l'une de l'autre, et pourtant convergentes ; Nous les indiquons brièvement :

On calcule la durée des mouvements de nébuleuses :

L'examen de nombreuses nébuleuses spirales, exécuté en particulier par Edwin E. Hubble à l'observatoire du Mont-Wilson, amena à ce résultat significatif — quoique tempéré de réserves — que ces lointains systèmes de galaxies tendent à s'éloigner l'un de l'autre à une vitesse telle que l'intervalle entre deux de ces nébuleuses spirales double en a.300 millions d'années environ. Si l'on parcourt d'un regard rétrospectif le temps de ce processus de « l'Expanding Universe », on doit conclure qu'il y a, de a à 10 milliards d'années, la matière de toutes les nébuleuses spirales se trouvait comprimée dans un espace relativement restreint quand commencèrent les processus cosmiques.

On calcule l'âge de la croûte terrestre :

Pour calculer l'âge des substances originaires radioactives, des données très approximatives sont fournies par la transmutation de l'isotope de l'uranium 238 en un isotope du plomb (RaG), de l'uranium 235 en actinium D (AcD) et de l'isotope du thorium 232 en thorium D (Th D). La masse d'helium qui se forme ainsi peut servir de contrôle. Par cette voie on arriverait à la conclusion que l'âge moyen des minéraux les plus anciens est au maximum de cinq milliards d'années.

On calcule l'âge des météorites :

La méthode précédente appliquée aux météorites pour calculer leur âge, a donné environ le même chiffre de cinq milliards d'années : résultat qui acquiert une importance particulière du fait qu'est communément admise par tous aujourd'hui l'origine interstellaire des météorites.

On détermine la stabilité des systèmes stellaires :

Les oscillations de la gravitation à l'intérieur de ces systèmes restreignent à nouveau leur stabilité — à l'instar du frottement des marées — dans les limites de cinq à dix milliards d'années.

Ces données peuvent parfaitement se concilier avec les textes de la Genèse :

Si ces chiffres peuvent provoquer l'étonnement, ils n'apportent pas toutefois, même au plus simple des croyants, un concept nouveau et différent de celui que lui ont appris les premiers mots de la Genèse In principio, à savoir le concept de commencement des choses dans le temps. Ils donnent à ces mots une expression concrète et presque mathématique : en même temps il en jaillit un nouveau réconfort pour ceux qui partagent l'estime de l'Apôtre à l'égard de cette Ecriture divinement inspirée, qui est toujours utile « pour enseigner, pour reprendre, pour redresser, pour éduquer » 8.

e) L'ETAT ET LA QUALITE DE LA MATIERE ORIGINAIRE.

De quoi était faite la matière originaire ?

C'est avec la même application et une égale liberté d'enquête et de vérification qu'après la question de l'âge du cosmos, les savants ont affronté, dans leur audacieux génie, l'autre question signalée plus haut et certainement plus ardue, celle qui concerne l'état et la qualité de la matière primitive.

Selon les théories que l'on prend pour bases, les calculs ne diffèrent pas peu les uns des autres. Toutefois, les hommes de science s'accordent à retenir que, outre la masse, la densité, la pression et la température doivent aussi avoir atteint des proportions absolument énormes, comme on peut le voir dans le récent travail de A. Unsoeld, directeur de l'Observatoire de Kiel9. C'est seulement dans ces conditions qu'on peut comprendre la formation des noyaux lourds et leur fréquence relative dans le système périodique des éléments.

D'autre part, l'esprit avide de vérité insiste avec raison pour demander comment la matière a jamais pu arriver à un semblable état, si inconcevable pour notre commune expérience d'aujourd'hui, et pour rechercher ce qui l'a précédée. En vain attendrait-on une réponse des sciences de la nature qui déclarent, au contraire, se trouver devant une énigme insoluble.

Il est bien vrai que ce serait trop exiger de la science comme telle ; mais il est également certain que l'esprit humain versé dans la méditation philosophique pénètre plus profondément dans le problème.

Les recherches scientifiques rejoignent ici encore les données de la Révélation :

On ne peut nier qu'un esprit éclairé et enrichi par les connaissances scientifiques modernes, et qui envisage avec sérénité ce problème est conduit à briser le cercle d'une matière totalement indépendante et autonome — parce que ou incréée ou s'étant créée elle-même — et à remonter jusqu'à un Esprit créateur. Avec le même regard limpide et critique dont il examine et juge les faits, il y entrevoit et reconnaît l'oeuvre de la Toute-Puissance créatrice, dont la vertu, suscitée par le puissant Fiat prononcé il y a des milliards d'années par l'Esprit créateur, s'est déployée dans l'univers, appelant à l'existence, dans un geste de généreux amour la matière débordante d'énergie. Il semble en vérité, que la science d'aujourd'hui, remontant d'un trait des millions de siècles, ait réussi à se faire le témoin de ce Fiat lux initial, de cet instant où surgit du néant, avec la matière, un océan de lumière et de radiations, tandis que les particules des éléments chimiques se séparaient et s'assemblaient en millions de galaxies.

Toutefois jusqu'à présent la science ne donne pas, sur le problème de l'origine de l'univers autant de clarté que les textes scripturaires :

Il est certes vrai que les faits jusqu'ici constatés ne constituent pas un élément de preuve absolue en faveur de la création dans le temps, comme c'est le cas contraire des arguments tirés de la métaphysique et de la Révélation, pour tout ce qui concerne la simple création, et de la Révélation seule, s'il s'agit de la création dans le temps.

Les faits relatifs aux sciences de la nature, auxquels Nous Nous sommes référé, attendent encore de plus grandes recherches et confirmation et les théories fondées sur eux ont besoin de nouveaux développements et de nouvelles preuves pour offrir une base sûre à une argumentation qui est, comme telle, hors des sphères propres des sciences de la nature.

Pie XII souligne l'évolution de la pensée des savants en ce qui concerne l'origine du monde :

Toutefois, il est remarquable que des savants modernes, versés dans l'étude de ces sciences, estiment l'idée de la création de l'univers parfaitement conciliable avec leurs conceptions scientifiques et qu'ils y soient même plutôt conduits spontanément par leurs recherches, alors qu'il y a encore quelques dizaines d'années une telle « hypothèse » était repoussée comme absolument inconciliable avec l'état présent de la science. En 1911, le célèbre physicien Svante Arrehnius déclarait encore que « l'opinion que quelque chose puisse naître de rien est en contradiction avec l'état présent de la science, selon laquelle la matière est immuable 10 ». De même, elle est de Plate cette affirmation : « La matière existe. Rien ne naît de rien ; en conséquence la matière est éternelle. Nous ne pouvons admettre la création de la matière 11. »

Combien différent et plus fidèle reflet de visions immenses est, au contraire, le langage d'un savant moderne de premier ordre, sir Edmund Whittaker, Académicien pontifical, quand il traite des recherches dont Nous parlions plus haut sur l'âge du monde : « Ces différents calculs convergent vers la conclusion qu'il y eut une époque, il y a un ou dix milliards d'années, avant laquelle le cosmos, s'il existait, existait sous une forme totalement différente de tout ce qui nous est connu, aussi cette époque représente-t-elle l'ultime limite de la science. Nous pouvons, peut-être, sans impropriété, nous référer à elle comme à la création. Elle fournit un arrière-plan en harmonie avec la vision du monde suggérée par l'évidence géologique, selon laquelle tout organisme existant sur la terre a eu un commencement dans le temps. Si ce résultat devait être confirmé par des recherches ultérieures, il pourrait bien se faire qu'il soit considéré comme la plus importante découverte de notre époque, puisqu'il représente un changement fondamental dans la conception scientifique de l'univers, semblable à celui qui résulta, il y a quatre siècles, de l'oeuvre de Copernic 12. »

Le Pape conclut qu'aujourd'hui on peut donner de nouveaux arguments qui renforcent les preuves traditionnelles de l'existence de Dieu :

Quelle est donc l'importance de la science moderne vis-à-vis de la preuve de l'existence de Dieu tirée de la mutabilité du cosmos ? Grâce à des investigations précises et détaillées dans le macrocosme et le microcosme, elle a élargi et approfondi considérablement les bases d'expérience sur lesquelles se fonde l'argument et d'où l'on conclut à l'existence d'un « Ens a se », immuable par nature. En outre elle a suivi le cours et la direction des développements cosmiques, et comme elle en a entrevu le terme fatal, de même a-t-elle indiqué que leur commencement se situe il y a quelque cinq milliards d'années : elle confirmait ainsi, avec le caractère concret propre aux preuves physiques, la contingence de l'univers et la déduction fondée que vers cette époque le cosmos est sorti des mains du Créateur.

Ainsi, création dans le temps : et pour cela un Créateur : et par conséquent Dieu ! Le voici donc — encore qu'implicite et imparfait — le mot que Nous demandions à la science et que la présente génération humaine attend d'elle. C'est le mot qui surgit de la considération mûre et sereine d'un seul aspect de l'univers, à savoir de sa mutabilité ; mais il suffit déjà pour que l'humanité entière, sommet et expression rationnelle du macrocosme et du microcosme, prenant conscience de son sublime auteur, se sente sa chose, dans l'espace et dans le temps, et tombant à genoux devant sa souveraine Majesté, commence à en invoquer le nom : « Dieu, force et soutien du monde — Toujours immuable en vous-même — Qui, par la marche du soleil — Réglez la succession des temps 13. »

La connaissance de Dieu, unique Créateur, commune à beaucoup de savants modernes est certainement l'extrême limite à laquelle peut arriver la raison naturelle ; mais elle ne constitue

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pas — comme vous le savez bien — l'ultime frontière de la vérité. De ce même Créateur, que la science rencontre sur son chemin, la philosophie et plus encore la Révélation — collaborant harmonieusement parce que toutes trois instruments de vérité et rayons d'un même soleil — contemplent la substance, dévoilent les contours, décrivent les traits. Par-dessus tout, la Révélation, en rend la présence comme immédiate, vivifiante, pleine d'amour : c'est celle que le simple croyant et le savant expérimentent dans l'intime de leur coeur, quand ils répètent avec assurance les concises paroles de l'antique Symbole des Apôtres : « Je crois en Dieu le Père Tout-Puissant, Créateur du ciel et de la terre ! »

Aujourd'hui, après tant de siècles de civilisation — parce que siècles de religion — il ne s'agit plus de découvrir Dieu pour la première fois : il importe bien plutôt de Le connaître comme Père, de le révérer comme Législateur, de le craindre comme Juge ; il est urgent pour le salut des nations, qu'elles en adorent le Fils plein d'amour, Rédempteur des hommes, et qu'elles se plient aux suaves impulsions de l'Esprit, fécond Sanctificateur des âmes.

Cette persuasion, à laquelle la science fournit ses premiers éléments est couronnée par la foi : celle-ci pourra, en vérité, si elle est toujours plus enracinée dans la conscience des peuples, apporter un facteur fondamental de progrès au déroulement de la civilisation.

C'est une vision du tout — du présent comme de l'avenir, de la matière comme de l'esprit, du temps comme de l'éternité — qui, illuminant les esprits, épargnera aux hommes d'aujourd'hui une longue nuit de tempête.

Cette foi, elle Nous fait en ce moment élever vers Celui que Nous venons d'appeler Force immuable et Père, cette fervente supplication pour tous ses fils, confiés à Notre garde : « Dispensez-nous la lumière le soir, afin que notre vie ne s'éteigne jamais 14 ; lumière pour la vie du temps, lumière pour la vie éternelle.


PieXII 1951 - ALLOCUTION AUX PARTICIPANTS DE L'ASSEMBLÉE INTERNATIONALE DE LA PRESSE SPORTIVE